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Full text of "Nouveau dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques : illustre de figures intercalees dans le texte / le docteur Jaccoud"

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Cljc  $opI  fàolltQt  oî  fgjjgsicians 
ai  'gnabart. 

From  the  Library  of 
Sir  Andrew   Clark,  Bar  t. 
Présentai  by  Lady  Clark. 

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Digitized  by  the  Internet  Archive 
in  2015 

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https://archive.org/details/b2475772x_0028 


NOUVEAU  DICTIONNAIRE 

DE  MÉDECINE  ET  DE  CHIRURGIE 

PRATIQUES 


XXVIII 


21236.  —  PARIS,  TYPOGRAPHIE  A.   LA  H  U  RE 
9,  Rue  de  Fleurus.  9 


NOUVEAU  DICTIONNAIRE 

DE  MÉDECINE  ET  DE  CHIRURGIE 


PRATIQUES 

ILLUSTRÉ  DE  FIGURES  INTERCALÉES  DANS  LE  TEXTE 

RÉDIGÉ  PAR 

Benj.  ANGER,  A.  M.  BARRALIER,  BERNUTZ,  P.  BERT,  J.  CUAT1N,  CUSCO,  DELORME,  DÉNUCÉ, 
SBNOS,  DESORJIEAUX,  A.  DESPRÈS,  D'UEILLY,  G.  D1EULAFOY,  Matuias  DUVAL,  FERNET,  Alf.  FOURMER,  A.  FOVILLE 
T.  GALLAUD,  GAUCHET,  GOSSELLN,  Alph.  GUÉRIN,  UALLOPEAU,  A.  HARDY,  IIÉRACD, 
DERRGOTT,  UEURTAUX,  JACCOUD,  JACQUEMET,  K02BERLÉ,  LABADIE-LAGRAVE,  LANNELONGUE 
LEDENTU,  R.  LÉPINE,  J.  LUCAS-CIIAMPION.NIÈIIE,  LUNIER,  LUTO.N,  P.  MARDUEL, 
L.  MARTINEAU,  Ca.  MAURIAC,  MERLIN,  Huiideut  MOLLIÈRE,  ORÉ,  PANAS,  PROUST,  h.  PRUNIER,  M.  RAYNAUD 
R1CUET,  R1GAL,  Jules  ROCIIARD,  SAINT-GERMAIN, 
Germain  SÉE,  SIREDEY,  STOLTZ,  Is.  STRAUS,  A.  TARDIEU,  S.  TARNIER,  VILLEJEAN,  Auo.  VOISIN. 


Directeur  de  lu  réduction  z  le  docteur  JACCOUD 


PARIS 

LIBRAIRIE  J.-B.   BAILLIÈRE  et  FILS 

Rue  Hautefeuille,  19,  près  le  boulevard  Saint-Germain 
Londres  Madrid 

BAILLIËnE,  P.  TIMDALL  AND  COI  CinLOS  DAILLÏ-BAILUÈHE 

1880 


NOUVEAU  DICTIONNAIRE 

D  E 

MÉDECINE  ET  DE  CHIRURGIE 

PRATIQUES 


PILEUX  (Système).  —  Sous  le  nom  de  système  Pileux,  on  com- 
prend les  diverses  modifications  d'un  tissu  produit,  constitué  par  les  poils. 
Très- développé  chez  la  plupart  des  mammifères,  ce  système  l'estbeaucoup 
moins  chez  l'homme  ;  néanmoins,  chez  lui,  il  présente  encore  d'impor- 
tantes particularités,  dont  la  connaissance  peut  avoir  pour  le  médecin 
un  réel  intérêt.  C'est  à  la  tête  que  le  système  pileux  est  prédominant. 
Les  cheveux,  qui  recouvrent  et  abritent  le  crâne  ;  les  sourcils  et  les  cils 
annexés  à  l'appareil  de  la  vision  ;  les  vibrisses  protecteurs  placés  à  l'en- 
trée des  narines  et  du  conduit  auditif  externe,  puis  enfin  la  barbe, 
attribut  de  la  virilité  ;  tous  ces  poils  se  rencontrent  sur  la  tête.  Sur  le 
tronc,  au  contraire,  à  part  les  creux  axillaires,  la  région  pubienne  et  le 
pourtour  des  organes  génitaux,  chez  l'adulte,  ce  système  ne  présente 
qu'un  développement  très-atténué.  On  observe  cependant  encore,  surtout 
dans  le  sexe  masculin,  des  poils  longs  et  forts  en  assez  grand  nombre 
sur  la  poitrine  et  au  niveau  de  la  ligne  blanche  ;  mais  c'est  principa- 
lement à  l'état  de  léger  duvet  que  l'on  rencontre  les  poils,  dissémi- 
nés sur  la  surface  du  corps  de  l'homme,  car  si  ces  poils  font  entièrement 
défaut  à  la  face  palmaire  des  mains,  à  la  face  plantaire  des  pieds,  on  peut 
■reconnaître,  au  moyen  de  la  loupe,  qu'aux  endroits  où  la  peau  est  la 
plus  mince  et  douce  au  toucher,  il  existe  néanmoins  un  grand  nombre  de 
poils  rudimentaircs  ou  duvet.  Le  sein  le  plus  blanc,  dit  Sappey,  en 
est  ombragé  et  hérissé  sur  toute  sa  surface;  de  même  la  peau  si  transpa- 
rente des  paupières.  Le  nombre  total  des  poils,  qui  végètent  à  la  surface 
du  corps,  dit  le  même  auteur,  esta  peu  près  le  même,  aux  divers  âges, 
dans  les  deux  sexes,  chez  tous  les  individus,  et  probablement  aussi  dans 
toutes  les  races  humaines  ;  mais  le  nombre  de  ceux  qui  passent  de  la 
période  rudimentairo,  à  la  seconde  période  de  leur  développement,  ou 
poils  proprement  dit,  est  très-variable.  Par  suite  de  cet  état  rudimen- 

NOUV.  DICT.  11ÉD.  ET  CUln.  XXVIII    1 


2  PILEUX  (Système). 

taire  de  la  plus  grande  partie  des  poils,  la  sensibilité  des  téguments 
est  conservée  plus  exquise  que  chez  les  mammifères,  avec  leur  manteau 
protecteur  ;  c'est  par  son  industrie  que  l'homme  doit  lutter  coulre  les 
variations  de  température  auxquelles  son  corps  est  exposé,  suivant  les 
climats  et  suivant  les  saisons. 

Les  poils  présentent  de  grandes  variétés  dans  leur  coloration  ;  ces 
variétés  sont  généralement  en  harmonie  avec  celles  de  la  peau  ,  ainsi 
qu'il  nous  était  encore  récemment  permis  de  le  constater  pour  un  cas 
de  vitiligo. 

Le  professeur  Broca,  dans  un  curieux  tableau  chromatique,  en  forme 
de  cercle,  a  rassemblé  des  poils  de  toutes  les  nuances  ;  il  montre  ainsi 
que  l'âge,  le  lieu  d'implantation,  la  race  à  laquelle  appartiennent  les 
sujets  observés,  entraînent  de  nombreuses  variations  de  couleur,  sans 
parler  des  colorations  artificiellement  produites  ,  professionnelles  ou 
autres. 

La  couleur  des  poils  varie  singulièrement  suivant  les  pays,  les  lati- 
tudes, les  climats,  les  températures,  le  milieu.  On  a  même  prétendu  que 
cette  couleur  des  poils,  comme  celle  de  la  peau,  serait  un  attribut  carac- 
téristique des  races  humaines;  mais,  d'après  Pruney-Bey,  il  ne  faudrait 
pas  attacher  trop  d'importance  à  ce  caractère.  Et,  d'ailleurs,  ainsi  que  le 
remarque  M.  Bonté,  ne  sait-on  pas  que  les  cheveux  se  colorent  de  plus 
en  plus  chez  les  enfants,  à  mesure  qu'ils  grandissent,  parce  qu'alors  les 
sécrétions  se  complètent  et  se  régularisent.  Dans  nos  climats ,  outre  les 
cheveux  blancs  (presque  toujours  chez  nous  l'indice  d'un  commence- 
ment de  décrépitude  ou  de  maladies  locales  ou  générales),  on  retrouve 
les  colorations  les  plus  diverses  ;  le  noir  d'où  dérivent  le  brun  et  le  châ- 
tain, et  le  rouge  qui  va  du  blond  hardi  au  châtain  clair. 

On  a  constaté  que  si  les  couples  bruns  ou  blonds,  s'unissant  entre  eux, 
ont  produit  presque  constamment  des  bruns  ou  des  blonds;  les  unions 
des  bruns  avec  des  blondes  ou  réciproquement,  paraissent  avoir  donné 
lieu  à  des  rejetons  semblables  à  l'un  ou  l'autre  des  père  et  mère,  bien 
plutôt  qu'à  la  formation  d'un  type  intermédiaire  (Soc.  d'Anth.,  1860). 
A  propos  des  rapports  entre  la  coloration  des  cheveux  et  la  fécondité,  il 
semble  prouvé  que,  toutes  choses  égales  d'ailleurs,  les  races  blondes  sont 
douées  de  plus  de  iécondilé  que  les  brunes.  Ajoutons  que,  d'après  les 
cartes  statistiques,  là  où  les  Français  sont  grands,  ils  sont  blonds,  que  là 
où  ils  sont  petits,  ils  sont  bruns  ;  et  que  la  carie  dentaire  est  plus  fré- 
quente chez  les  individus  blonds  que  chez  ceux  de  race  brune  (Magitot). 

Les  poils  rouges  se  retrouvant  éventuellement  dans  la  plupart  des  races, 
ne  sont  pas  un  caractère  de  race.  On  sait  qu'Eusèhe  de  Salles  considérait 
l'homme  aux  cheveux  rouges  comme  l'homme  primitif.  Sans  reconnaître, 
avec  Nichât  une  certaine  connexion,  entre  la  coloration  des  cheveux  cl  le 
caractère,  on  peut  expliquer  la  défaveur  qui  s'attache  assez  communé- 
ment aux  cheveux  rouges,  par  ce  fait  que  les  individus  qui  les  portent, 
exhalent  le  plus  souvent  une  odeur  forte  et  fétide  parfois  très-incom- 
mode. Toutefois,  cette  défaveur  n'a  pas  toujours  existé,  car  du  temps  des 


PILEUX  (Système).  5 

Romains,  il  était  de  modo  de  teindre  les  cheveux  en  rouge,  et  cet  usage 
persiste  encore,  paraît-il,  de  nos  jours,  en  Grèce.  Les  femmes  de  ce  pays 
se  teignent  les  cheveux  en  rouge,  avec  des  décodions  végétales. 

Nous  n'admettrons  qu'avec  de  grandes  réserves  la  couleur  des  poils  et 
spécialement  des  cheveux  parmi  les  attributs  des  tempéraments.  Cepen- 
dant la  fréquence  de  la  coloration  blonde  chez  les  scrofuleux  et  les  indi- 
vidus lymphatiques  est  un  fait  notoire. 

Les  variétés  dans  la  coloration  des  poils  fournissent  au  médecin  légiste 
et  au  savant,  un  des  plus  précieux  caractère  d'identité,  car  ces  tissus  résis- 
tent longtemps  à  la  putréfaction,  ainsi  qu'à  un  grand  nombre  de  causes 
de  destructions  naturelles. 

Un  autre  caractère,  non  moins  précieux,  se  tire  de  la  forme  :  tantôt 
rigides  et  durs,  tantôt  souples,  tantôt  ondulés  et  frisés,  l'aspect  des  poils 
est  donc  également  très-variable.  Bien  que  subissant  incontestablement 
l'influence  de  la  race,  il  ne  faut  pas  méconnaître  que  ces  différentes 
formes  se  rencontrent  parfois  réunies  sur  un  même  sujet,  suivant  le  lieu 
d'implantation. 

Voici  la  classification  des  races,  d'après  l'aspect  des  cheveux,  suivant 
Is.  Geoffroy  Saint-Hilaire  : 


1"  Cheveux  lisse 


!R.  Caucàsîque: 
Alléganicnne. 
Hyporboréenne. 
Malaise. 

I Américaine. 
Mongoliquc. 
Paraborécnne. 
Australienne. 


'2°  Cheveux  crépus  in- 
sérés angulairement. 


5"  Cheveux  crépus  in- 
sérés circulairement. 


R.  EUiiapique. 
Cafre. 

Mélanienne. 


R.  Holtenlole. 


On  peut  classer  les  poils  en  trois  groupes  :  les  poils  longs,  les  poils 
courts,  les  poils  rudimenlaires  ou  duvet.  Parmi  les  poils  longs,  les  che- 
veux par  leur  rôle,  leur  nombre,  etc.,  présentent  un  intérêt  de  premier 
ordre;  nous  les  étudierons  tout  d'abord.  Les  cheveux  sont  implantés  sur  le 
cuir  chevelu  ;  les  limites  de  cette  implantation  sont  variables  avec  les 
races.  Cazenave  en  effet  a  signalé  cinq  prolongements  (sur  la  partie 
médiane  du  front,  au-dessus  de  la  partie  externe  de  l'orbite,  et  sur  les 
tempes).  Ils  limitent  en  avant  l'implantation  des  cheveux  dans  la  race 
caucasique.  Geoffroy  Saint-IIilaire  a  constaté  de  son  côté  que  dans  la  race 
holtentote  ces  cinq  pointes  font  absolument  défaut,  le  contour  antérieur 
de  la  chevelure  est  circulaire  ;  en  arrière  les  cheveux  descendent  plus  ou 
moins  bas  sur  le  cou  au-dessous  de  la  nuque.  Dans  la  race  holtentote 
(Prichard)  les  cheveux  au  lieu  d'être  régulièrement  disséminés  sur  le  cuir 
chevelu,  sont  groupés  en  faisceaux  de  telle  sorte  que  s'ils  sont  coupés 
ras,  la  tète  prend  l'aspect  d'une  brosse  dure  de  souliers  [of  a  hard  shoe 
brush).  Les  cheveux  peuvent  dépasser  un  mètre  de  longueur  ;  c'est  chez  la 
temme  qu'ils  atteignent  les  plusgrandes dimensions;  dans  certains  cas  ils 
peuvent,  comme  nous  en  avons  été  témoin,  descendre  jusqu'au  dessous  des 
genoux,  atteindre  le  milieu  du  mollet.  Bichat  et  d'autres  auteurs  pré:' 


4  l'ILEliX  (Système). 

sentent  la  longueur  de  nos  cheveux  comme  une  preuve  à  invoquer  en 
faveur  de  la  destination  de  l'homme  à  l'attitude  bipède  ;  ces  longs 
poils  gêneraient  prodigieusement  en  effet  pour  la  progression  dans 
l'altitude  quadrupède.  Aussi  l'usage  de  couper  les  cheveux  se  rencontre 
même  chez  les  peuples  les  moins  civilisés,  dans  les  races  alléganiènnes 
(Peaux  rouges,  hyperboréennes  Esquimaux,  australiennes  Taïtiens).  L'ex- 
trémité de  ces  poils  avant  toute  section  est  conique  et  plus  ou  moins  fine. 
Mais  l'usage  de  couper  les  cheveux  donne  à  cette  extrémité  une  surface 
nette,  transversale  ou  oblique,  puis  plus  tard  les  inégalités  de  la  surface  de 
section  disparaissent  l'extrémité,  s'amincit  peu  à  peu  par  l'action  du  frot- 
tement de  la  brosse  et  du  peigne.  Les  cheveux  sont  tantôt  cylindriques 
et  leur  juxtaposition  produit  l'aspect  des  cheveux  plats;  d'autrefois  aplatis 
dans  un  sens,  élargis  dans  le  sens  contraire  ils  se  contournent,  ils  frisent 
alors,  ainsi  que  cela  se  voit  pour  les  cheveux  crépus  de  la  race  nègre 
(Pruncr-Bey).  De  grandes  variations  existent  dans  le  diamètre  des  che- 
veux. Aux  diamètres  les  plus  petits  correspondent  les  cheveux  les  plus 
ondulés.  D'ailleurs,  flexibles  et  élastiques,  ils  supportent  sans  se  rompre 
des  tractions  considérables,  et  l'arrachement  du  cuir  chevelu  chez  les 
ouvriers,  saisis  par  leur  chevelure  dans  le  mouvement  d'une  machine, 
fait  malheureusement  bien  connu,  en  est  la  conséquence  et  la  démonstra- 
tion. Ocsterlen,  cité  par  Joannet,  insiste  sur  l'importance  qu'il  y  a  pour  le 
médecin  légiste  à  connaître  cette  solidité  du  cheveu  :  «  Que  l'on  trouve 
des  cheveux  brisés  sur  un  marteau,  sur  une  pierre,  cet  état  fragmenté  des 
cheveux  devra  faire  supposer  l'emploi  d'une  telle  force  qu'un  plan 
résistant  d'appui,  comme  un  os,  aurait  été  du  même  coup  infailliblement 
brisé.  En  outre  cette  solidité  démontre  que  les  cheveux  ou  poils  sont 
plutôt  déracinés  que.  brisés  dans  leur  tige,  d'où  cette  conséquence,  quand 
la  racine  fait  défaut,  il  est  difficile  à  priori  de  croire  à  un  arrachement.  » 

Le  pouvoir  hygrométrique  des  cheveux  est  de  notoriété  vulgaire  depuis 
l'usage  de  l'hygromètre  à  cheveux  de  Saussure.  Quant  au  pouvoir  électrique 
il  existe  des  différences  individuelles  notables.  Il  n'est  pas  rare  de  rencon- 
trer des  individus  ayant  des  cheveux  secs  et  non  frisés  chez  lesquels  on  peut 
électriscr  la  chevelure  par  le  frottement  du  peigne.  Nous  avons  pu,  dans 
ces  conditions,  entendre  alors  de  nombreuses  crépitations,  faibles  mais 
très  distinctes  chez  un  jeune  homme  bien  portant  d'ailleurs.  Eble, 
Sappcy  ont  observé  des  faits  analogues.  Ce  dernier  auteur  ajoute  que  ce 
dégagement  dans  un  cas  dont  il  a  été  témoin  bien  que  nes'accompagnant 
d'aucune  modification  dans  l'exercice  des  fonctions  cérébrales,  était  sur- 
tout remarquable  après  un  travail  intellectuel  un  peu  prolonge. 

Les  poils  de  la  barbe,  presque  toujours  plus  ou  moins  frisés,  d'une 
teinte  généralement  plus  claire  que  les  cheveux,  présentent  comme  eux 
de  grandes  différences  individuelles,  quant  à  la  flexibilité,  la  longueur,  etc. 
On  cite  des  cas  remarquables  d'individus  ayant  des  barbes  d'une 
longueur  véritablement  extraordinaire.  Bartholin,  entre  autres,  rapporte 
qu  un  moine  avait  une  barbe  descendant  jusqu'au  sol.  La  barbe  dans 
notre  race  se  développe  au  moment  de  la  puberté  dans  le  sexe  masculin. 


PILEUX  (Système).  5 

mais  il  n'est  pas  très-rare  de  constater  chez  la  femme  un  développement 
anormal  surtout  à  la  suite  de  l'époque  de  la  ménopause.  Une  dame  de 
New-York  présenta  à  chacune  de  ses  trois  grossesses,  d'après  Slocum  un 
développement  de  barbe  sur  les  joues  et  le  menton.  L'apparition  coïnci- 
dait avec  la  cessation  des  règles,  la  croissance  atteignait  1  pouce  1/2  jus- 
qu'à l'accouchement,  puis  la  disparition  s'effectuait  au  moment  de  la 
reprise  des  fonctions  menstruelles. 

Les  mutilations  des  organes  génitaux  avant  la  puberté  ont  un  reten- 
tissement sur  le  développement  des  poils,  qu'elles  entravent.  Mais  s'il  est 
vrai  que  les  eunuques  n'ont  que  peu  ou  pas  de  barbe,  ce  serait  à  tort  qu'en 
généralisant  on  rattacherait  à  l'absence  de  barbe,  chez  l'homme,  l'idée  de 
faiblesse  génitale.  Il  existe  des  variétés  de  l'espèce  humaine  qui  sont 
privées  de  barbe  en  grande  partie  comme  dans  certains  rameaux  mongo- 
liqûes,  ou  même  entièrement  comme  dans  la  race  alléganienne  (Vail- 
lant). Dans  certains  cas  de  vices  de  conformation  des  organes  sexuels,  con- 
fondus à  tort  sous  la  dénomination  d'hermaphrodisme;  c'est  parfois  le 
développement  des  poils  du  visage  qui  éveille  l'attention,  et  contribue  à 
faire  reconnaître  l'identité.  Toutefois  ces  individus  mal  conformés  ont  gé- 
néralement beaucoup  moins  de  barbe  et  de  moustache  que  n'en  pré- 
sentent normalement  les  hommes  bien  constitués  à  l'âge  de  puberté. 

Les  poils  du  pubis,  des  aisselles,  de  l'anus  présentent  entre  eux  une 
grande  analogie  de  forme,  de  structure,  de  longueur  ;  ils  apparaissent  dans 
les  deux  sexes  à  l'époque  de  la  puberté.  Chez  l'homme  les  poils  du 
pubis  entourent  la  base  de  la  verge,  contournent  les  bourses  sur  lesquelles 
on  en  rencontre   bien  encore,  mais  très-espacés  ;  puis  recouvrant  le 
périnée  ils  se  confondent  avec  ceux  de  l'anus.  De  môme,  chez  la  femme  les 
poils  du  mont  de  vénus  se  continuent  avec  ceux  qui  revêtent  la  face 
externe  des  grandes  lèvres,  mais  rarement  ils  se  prolongent  sur  le 
périnée.  Ces  poils  ont  généralement  des  teintes  plus  sombres  que  les 
cheveux;  cependant  les  poils  roux  sont  loin  d'être  rares  en  cette  région. 
Ils  sont  frisés  et  restent  assez  courts;  toutefois,  Siebold,  Voigtcl  cités  par 
L.  Vaillant,  ont  rencontré  des  faits  très-exceptionnels,  d'une  croissance 
exagérée  des  poils  du  pubis,  ceux-ci  atteignaient  le  genou.  Les  poils  des 
aisselles  comme  les  précédents  sont  généralement  frisés,  aplatis,  peu 
longs.  Presque  toujours  en  contact  avec  la  sueur  qui  est  acide  ils  sont  par 
suite  moins  colorés,  puis  cetle  espèce  de  macération  prolongée,  le  frotte- 
ment des  vêtements  contribuent  à  les  altérer;  aussi,  souvent  la  pointe  est 
divisée  en  pinceau  de  fibres.  Les  poils  courts  qui  recouvrent  l'abdomen, 
la  poitrine,  les  membres,  sont  d'autant  moins  colorés  qu'ils  sont  plus 
courts;  leur  développement  est  surtout  marqué  à  l'âge  adulte,  dans  le 
sexe  masculin,  par  l'exagération  en  ces  points  du  duvet  ou  lanugo  que 
nous  avons  dit  recouvrir  le  corps  humain,  poils  fins  décolorés  qui  très- 
souvent  ne  sont  visibles  qu'à  l'aide  de  la  loupe.  Si  ce  développement  se 
généralise,  le  corps  prend  un  aspect  plus  ou  moins  velu  d'où  la  dénomi- 
nation d  hommes-chiens  que  reçoivent  ces  individus.  Dans  certain  cas,  le 
développement  est  limité  à  une  région  du  corps. 


c  PILEUX  (Système). 

Nous  insisterons  peu  sur  les  poils  annexés  aux  appareils  des  sens, 
dont  ils  sont,  par  leur  rigidité  et  leur  situation,  les  organes  protecteurs. 
Les  sourcils,  dont  les  deux  arcades  mobiles  plus  ou  moins  fournies 
jouent  un  rôle  considérable  dans  l'expression  de  la  physionomie,  sont 
encore  utiles  en  détournant  des  paupières  la  sueur  venant  du  front,  de 
plus  ils  arrêtent  les  rayons  lumineux  supérieurs  qui  pourraient  gêner  la 
vision. 

Les  cils  implantés  sur  la  lèvre  antérieure  du  bord  des  paupières,  ont 
souvent  une  coloration  plus  foncée  que  celle  des  cheveux.  Ces  poils  sont 
semés  sans  ordre,  sur  une  surface  de  un  millimètre  de  hauteur  sur  trois 
centimètres  de  largeur  (Sappey).  On  en  compte  cent  à  cent  vingt  sur  cha- 
que paupière.  Ceux  de  la  paupière  supérieure  décrivent  une  courbe  à  con- 
cavité supérieure,  ceux  de  la  paupière  inférieure  ont  une  courbure  à  con- 
cavité inférieure,  d'où  la  possibilité  du  rapprochement  des  paupières,  sans 
qu'il  y  ait  entrecroisement  des  cils.  Les  altérations  dans  la  direction  de 
ces  poils  déterminent  des  accidents,  qui  constituent  la  maladie  désignée 
sous  le  nom  de  thriciasis.  L'inflammation  réitérée  des  paupières  peut 
entraîner  la  chute  des  cils,  ce  qui  porte  un  trouble  profond  à  l'expression 
du  regard. 

On  trouve  aussi  quelques  poils  très-fins,  rudimentaires  sur  la  caron- 
cule lacrymale,  leur  fonction  est  encore  inconnue. 

Quant  aux  vibrisses  rigides  et  courtes  placées  à  la  face  interne  des  nari- 
nes, leur  direction  de  haut  en  bas,  et  leur  entrecroisement  en  forme  d'en- 
tonnoir, permet  de  se  rendre  facilement  compte  de  leur  rôle  protecteur  de 
la  muqueuse  nasale;  elles  retiennent  les  corps  étrangers,  qui  sans  cela 
viendraient  irriter  l'intérieure  des  narines.  De  même  les  poils  insérés  sur 
le  tragus  de  l'oreille  externe,  protègent  le  conduit  auditif.  Nous  n'avons 
rien  de  spécial  à  noter  au  sujet  des  poils  courts  qui  se  rencontrent  surtout 
chez  l'homme  plus  ou  moins  nombreux  et  développés,  sur  la  poitrine  et 
le  -ventre,  au  niveau  de  la  ligne  blanche,  ce  qui  fait  que  l'homme,  à  ren- 
contre des  animaux,  est  plus  velu  sur  le  ventre  que  sur  le  dos.  Nous  rap- 
pelerons  seulement  à  ce  propos  cette  remarque  d'Aristofe  que  le  singe, 
intermédiaire  à  l'homme  et  aux  quadrupèdes  est  également  velu  sur  le  dos 
et  sur  le  ventre.  Du  reste  il  est  également  à  noter  au  sujet  de  la  direc- 
tion des  poils  situés  sur  les  membres,  que  sur  les  avanl-bras,  ceux-ci 
remontent  du  poignet  vers  le  coude,  disposition  qu'on  ne  retrouve  que 
chez  les  singes  les  plus  élevés  de  la  série  animale  :  gorille,  chimpanzé, 
orang-outang,  dits  singes  anthropomorphes  (Vaillant). 

Le  développement  exagéré  des  poils  peut  se  rencontrer  soit  généralisé 
a  tout  le  corps,  soit  limité  à  une  région  plus  ou  moins  étendue.  Dans  ce 

1  i  or 

uernicr  cas,  ils  constituent  une  variété  de  ce  qu'on  désigne  sous  le  nom  de 
signes,  s'ils  sont  très-con(luenls  dans  un  point  circonscrit.  D'autres  fois,  il 
s  agit  d  une  hypertrophie  localisée  du  système  pileux,  sur  un  membre 
par  exemple  :  A  la  suite  de  trouble  d'innervation  ayant  entraîné  un  ra- 
lentissement de  la  circulation,  ou  bien  consécutivement  à  des  lésions  du 
système  circulatoire  amenant  la  stagnation  du  sang  dans  les  capillaires, 


PILEUX  (Système).  —  anatomie.  7 

dans  laphlébartéric  (Broca)  ;  et  les  inflammations  chroniques  locales,  vieux 
ulcères,  abcès  scrofuleux,  ou  même  certains  cas  de  lésions  du  squelette, 
ostéite,  carie,  tumeur  blanche  et  fracture. 

On  rencontre  également  la  présence  de  poils  en  des  points  de  l'économie 
qui  en  sont  normalement  privés.  Ces  cas  d'hétérotopie  sont  loin  d'être 
rares.  Sédillot,  Martin,  ont  publié  des  cas  de  développement  de  poils 
dans  la  vessie;  on  en  a  signalé  également  dans  le  rectum,  dans  la  bou- 
che, etc.  Enfin  on  constate  fréquemment  la  présence  de  poils  dans  les 
kystes  dermoïdes  (t.  XII,  p.  7i<S,  fig.  95),  dans  les  inclusions  fœtales. 

Anatomie.  —  Nous  allons  étudier  actuellement  l'anatomie  des  organes 
constituant  l'appareil  pileux  :  le  poil  proprement  dit,  et  l'appareil  produc- 
teur du  poil,  le  follicule  pileux. 

Le  poil  se  compose  d'une  partie  libre  ou  tige,  et  d 'une  racine  ;  celle-ci, 
contenue  dans  le  follicule,  renflée  à  sa  partie  inférieure,  est  molle  et 
constitue  la  bulbe  pileux,  on  y  rencontre  une  dépression  qui  a  été  com- 
parée a  un  fond  de  bouteille,  dans  laquelle  pénètre  la  papille  du  poil.  La 
tige  qui  se  termine  par  une  extrémité  fine,  offre  des  différences  de  lon- 
gueur quenous  avons  précédemmentsignalées.  D'après  l'opinion  de  Browne 
et  Pruney-Bey  les  variétés  d'aspect  qu'elles  présentent,  tiges  lisses,  bou- 
clées, frisées,  crépues,  tiennent  à  des  différences  de  forme.  C'est  ainsi  que 
les  poils  lisses  sont  cylindriques,  les  bouclés  et  frisés  sont  légère- 
ment comprimés  dans  le  sens  de  l'ondulation,  les  poils  crépus  du  nègre 
ont  une  tige  aplatie.  Mais  les  recherches  de  Pruney-Bey  ont  été  contestées 
par  divers  micrographes,  entre  autres  par  Nathusius.  La  difficulté  de  pra- 
tiquer des  coupes  parfaitement  transversales  serait  une  cause  d'erreur  dans 
les  recherches  de  celte  nature.  Nathusius  ne  retrouve  aucune  connexion 
entre  l'ondulation  et  la  forme  des  poils;  c'est  une  question  controversée. 
Latteux  pour  pratiquer  les  sections  de  poils  rigoureusement  transversales 
a  proposé  la  méthode  suivante  :  sur  une  planchette  en  bois  de  un  centimè- 
tre carré  bien  polie,  on  tend  les  cheveux,  en  fixant  une  de  leur  extrémité 
sur  la  face  postérieure  au  moyen  de  la  cire  à  cacheter.  On  pratique  une 
petite  encoche  exactement  au  centre  de  la  planchette  et  l'on  y  fait  pénétrer 
un  à  un  les  poils  en  les  tendant  bien  parallèlement.  On  les  fera  ensuite 
pénétrer  clans  une  seconde  encoche  pratiquée  à  l'autre  extrémité  et  rabat- 
tant la  mèche  sur  la  face  postérieure,  on  la  fixera  avec  de  la  cire,  comme 
pour  le  bout  supérieur.  On  agglutine  ce  faisceau  avec  des  couches  de  col- 
lodion,  ce  qui  forme  un  cylindre  solide,  appliqué  sur  la  planchette.  Pour 
faire  la  section,  on  fixe  cette  planchette  bien  verticalement  et  bien  solide- 
ment dans  le  microtome,  et  l'on  sectionne.  Ce  procédé  aurait  permis  de 
relever  dans  l'important  mémoire  de  Pruney-Bey  de  graves  erreurs. 

On  décrit  trois  parties  constituantes  dans  la  tige  du  poil  :  l'épiderme 
du  poil,  la  substance  corticale,  puis  au  centre  une  substance  médullaire  : 
1°  L'épiderme,  formé  par  une  couche  très-mince,  unique  de  lamelles 
cpithélialcs  sans  noyau,  constitue  une  membrane  parcourue  par  des 
lignes  transversales,  irrégulières,  foncées  ;  les  lignes  sont  ducs  aux  con- 
tours de  ces  lamelles,  imbriquées  de  telle  sorte,  que  les  inférieures 


S  PILEUX  (Système).  —  anatomie. 

recouvrent  les  supérieures.  Ces  lamelles  manquent  au  niveau  du  bulbe  ; 
elles  sont  remplacées  en  ce  point  par  des  cellules  à  noyau.  2°  La  substance 
corticale,  plus  ou  moins  colorée  dans  les  poils  de  couleur,  est  au  contraire 
transparente  dans  les  poils  blancs.  Cette  substance  fondamentale  du  poil 
est  striée  dans  toute  sa  longueur  ;  elle  forme  dans  son  ensemble  un 
cylindre  creux,  adbércnt  par  sa  face  externe  à  la  couebe  lamclleuse  pré- 
cédemment décrite;  dans  sa  cavité,  se  trouve  la  substance  médullaire.  Les 
fibres  qui  constituent  la  substance  corticale  se  composent  de.  lamelles  allon- 
gées, pourvues  d'un  noyau  et  contiennent  du  pigment  disséminé  par 
taches  et  de  l'air.  Ces  lamelles,  par  transition  insensible,  prennent,  au 
niveau  de  la  racine,  la  forme  de  cellules  molles  polygonales  à  noyau  avec 
granulations  incolores  ou  pigmentaires.  5°  La  substance  médullaire,  for- 
mée de  cellules  irrégulièrement  cubiques,  à  noyau  pâle,  se  termine 
au-dessus  du  bulbe,  elle  fait  défaut  dans  les  poils  follets  ou  rudimentaires. 
Vue  à  la  lumière  réfléchie,  la  substance  médullaire  est  blanche  ;  elle  est 
noire  à  la  lumière  transmise,  coloration  qui  est  due  à  la  présence  de 
bulles  d'air. 

Le  follicule  pileux  est  une  cavité  cylindroïde  qui  reçoit  la  racine  du 
poil,  c'est  une  dépression  de  la  peau;  le  follicule  proprement  dit  corres- 
pond au  derme,  la  gaîne  de  la  racine  correspond  à  l'épiderme.  Dans  le 
follicule  proprement  dit  on  décrit  trois  couches  :  l'interne  hyaline,  homo- 
gène, transparente;  la  couche  moyenne,  dont  la  direction  des  fibres  est 
transversale;  enfin  une  couche  externe  vasculairc  à  fibres  longitudinales. 
Les  parois  du  follicule  se  continuent  avec  les  faisceaux  fibreux  du  derme; 
elles  avoisinent  :  les  glandes  sébacées,  situées  superficiellement,  qui  s'ou- 
vrent dans  leur  cavité  et  dont  le  volume  est  généralement  en  raison 
inverse  du  volume  du  follicule  pileux  correspondant  ;  les  muscles  lisses 
de  l'horripilation  qui  s'y  attachent  et  peuvent  redresser  les  poils  ;  les 
glandes  sudorifères  et  les  vaisseaux  placés  auprès.  Au  fond  du  follicule, 
la  papille  du  poil,  analogue  aux  papilles  du  derme,  forme  un  renflement 
conique  constitué  par  des  cellules  à  noyau,  contenant  un  réseau  capillaire 
et  probablement  aussi  les  derniers  filets  nerveux  provenant  du  plexus  à 
grandes  mailles  irrégulières  disposé  autour  de  la  moitié  inférieure  ou 
profonde  des  follicules  pileux.  —  La  gaîne  de  la  racine,  simple  dépression 
de  l'épiderme,  est  comme  lui  réductible  en  deux  lames  secondaires- 
L'externe  ou  muqueuse  a  la  même  structure  que  la  couche  de  Malpighi. 
elle  est  beaucoup  plus  épaisse  que  l'interne  ou  cornée.  Celte  dernière 
lame  se  compose  de  cellules  allongées  sans  noyau.  —  D'après  les  recherches 
de  Kôllikcr,  le  germe  constituant  le  premier  indice  de  l'appareil  pileux 
chez  l'homme  apparaît  vers  la  fin  du  troisième  mois  de  la  gestation. 

La  composition  chimique  des  poils  est  intéressante  à  connaître  :  chacun 
sait  qu'exposés  à  la  flamme  ils  se  consument  et  brûlent  avec  une.  odeur  de 
corne.  Leur  tissu  est  solublc  dans  les  acides  et  les  alcalis  concentrés.  On 
y  retrouve  la  graisse  sécrétée  par  les  glandes  sébacées,  puis  du  phosphate, 
du  carbonate  de  chaux,  de  la  silice,  puis  enfin  du  soufre  et  du  fer  à  l'état 
d'oxyde  de  fer.  D'après  Mialhe,  l'ingestion  des  ferrugineux  aurait  pour 


PILEUX  (Système).  —  anatomie.  9 

effet  de  foncer  la  coloration  des  cheveux.  Cazin  a  publié  le  fait  curieux 
d'une  jeune  lille  chez  laquelle  la  chlorose  apparaissait  quand  on  laissait 
pousser  les  cheveux,  et  disparaissait  quand  on  les  coupait.  Les  poils  sem- 
bleraient donc  une  des  voies  d'élimination  du  fer  introduit  dans  l'écono- 
mie. Vaillant,  d'après  Ileusinger,  cite  le  cas  très-rare  d'une  sécrétion 
pigmenlaire  fort  abondante,  au  point  de  noircir  des  vêtements. 

Maladies  du  système  pileux.  —  Les  modifications  pathologiques  du 
poil  humain  peuvent  être  divisées  de  la  manière  suivante  :  augmentation 
ou  diminution  de  nombre,  hypertrophie  ou  atrophie,  altération  de  cou- 
leur, de  direction,  altération  de  structure  et  maladies  parasitaires.  Nous 
nous  bornerons  à  rappeler  ici  les  noms  sous  lesquels  sont  connues  ces 
différentes  lésions  de  l'appareil  pileux,  en  renvoyant  le  lecleur  aux  articles 
spéciaux  :  la  Canilie  et  les  colorations  accidentelles  par  diverses  matières 
colorantes  dont  les  poils  sont  susceptibles  de  s'imprégner  ;  Y  Alopécie,  avec 
ses  nombreuses  variétés  d'origine  :  absence  congénitale,  chute  sénile,  l'alo- 
pécie partielle  souvent  due  à  des  altérations  des  follicules  pileux  :  alopécie 
des  convalescents,  celle  d'origine  syphilitique  {Voy.  t.  1);  le  Porrigo  dé- 
calvans,  les  Teignes  (Favus  [t.  XIV]  et  Tricophylie),  puis  les  diverses 
lésions  de  la  peau  d'origine  diatliêsique  localisées  au  follicule  pileux  : 
acné  {Voy.  t.  I),  eczéma  (Voy.  t.  Xll),  lichen  pilaris,  etc. 

Épilatoires.  —  Nous  donnerons  sur  les  épilatoires  quelques  détails 
que  nous  emprunterons  au  livre  de  Piesse  sur  les  cosmétiques  : 

Sous,  ce  nom,  on  comprend  les  préparations  usitées  pour  dépiler,  c'est- 
à-dire  détruire  les  poils  de  quelques  parties  du  corps.  Un  grand  nombre 
de  ces  substances  ont  une  composition  dangereuse.  Les  Turcs  et  les  Persans 
se  servent  du  Rusma,  qui  est  un  mélange  de  chaux  vive  8,  pour  orpi- 
ment 1,  que  l'on  délaye  avec  un  peu  de  blanc  d'oeuf  et  de  lessive  de 
savonnier.  La  crème  [parisienne  a  une  composition  analogue  :  chaux  vive 
60  grammes,  sulfure  d'arsénic  15  grammes,  orcanclte  8  grammes.  De 
même  la  poudre  Lalorcst,  dont  il  a  été  donné  la  formule  tome  IX,  p.  541 . 
Les  poudres  Delcroix,  celle  de  Colley  contiennent  également  de  l'arsenic. 
On  s'explique  aisément  les  accidents  d'intoxication  qui  ont  été  signalés  à 
la  suite  de  l'emploi  fait  sans  précaution  et  longtemps  prolongé  de  prépa- 
rations aussi  dangereuses,  dont  l'effet  épilatoire  est  d'ailleurs  assez 
infidèle.  Les  plus  usitées  sont  :  1°  le  mélange  épilatoire  de  Marlins  et 
Boettger  :  sulfure  sulfuré  de  calcum,  hydrosulphatc  ou  sulfydratc  de  chaux  ; 
2°  la  poudre  de  Boudet  qui,  elle  aussi,  ne  contient  pas  de  substance 
toxique  mais  peut  devenir  en  des  mains  inhabiles  la  cause  de  lésions 
assez  sérieuses  au  point  d'application.  On  a  vu  en  effet  survenir,  après 
une  application  mal  faite  ou  trop  prolongée,  une  irritation  de  la  peau 
pouvant  entraîner  la  formation  de  pustules  et  même  de  cicatrices.  En 
voici  d'ailleurs  la  composition  : 


Sulfure  de  sodium  cristallisé   3  grammes. 

Clinux  vive  en  poudrn   .  .    10  — 

C-'\      Amido  >  10   


J0  PILOCÀHI'INE. 

On  délaye  celte  poudre  dans  un  peu  d'eau,  et  on  laisse  la  pâte  appliquée 
sur  la  peau  pendant  1  ou  2  minutes.  ■ 

Réveil,  dans  une  addition  au  livre  de  Picsse  (p.  224),  a  indique  un 
dépilatoire  ainsi  formulé  : 

Sul  llivdra  le  de  chaux  en  pâle  bien  égoutlé..  .....  20  grammes 

Essence  de  citron   «  BouUcs- 

Glycérolé  d'amidon   ,   J  grammes. 

Amidon  r  •  

Suivant  Burnett,  le  suc  des  feuilles  de  Vhernandia  sonora  est  un  épi- 
latoire  précieux  et  puissant  qui  détruit  le  poil  sans  nuire  à  la  peau. 

fîous  rappelerons  enfin  que  pendant  longtemps  on  a  fait  usage,  spéciale- 
ment pour  arracher  les  cheveux  dans  le  traitement  de  la  teigne,  d'une 
calotte  en  poix.  Par  ce  moyen  Irès-douloureux  on  obtenait,  l'arrachement 
des  cheveux,  mais  ce  procédé  barbare  est  aujourd'hui  abandonné;  l'épila- 
tion  par  la  pince  plate,  journellement  employée  à  l'hôpital  Saint-Louis 
donne,  lorsqu'elle  est  faite  avec  patience  et  par  des  mains  exercées,  d'ex- 
cellents résultats  (Vog.  art.  Favus,  t.  XIV,  p.  551);  cette  méthode  est, 
il  est  vrai,  un  peu  longue,  mais  elle  est  facilement  tolérée  même  par 
des  enfants,  sans  qu'il  soit  besoin  d'employer  préalablement  à  l'épila- 
tion  l'anestliésie  locale. 

Beadnis  et  Boociuhd.  Anatomie  descriptive.  5e  édit,,  Paris,  1879. 

Bicbat.  Anatomie  générale.  Paris,  1850,  t.  IV. 

Cazenave  (A).  Traité  des  maladies  du  cuir  chevelu.  Paris,  1850. 

BnocA.  Traité  des  anévrysmes. 

Hayw.  Revue  des  Sciences  médicales. 

Joannet.  Le  poil  humain,  ses  variétés  d'aspect,  leur  signification  en  médecine  judiciaire,  thèse  de 

Paris.  1878,  n°  179: 
Kolliker.  Traité  d'histologie. 

Sappeï.  Anatomie  descriptive.  3°  édit.,  1877,  t.  III,  p.  640. 
Société  d'anthropologie,  Bulletins  et  mémoires.  1860. 

Vaillant.  Essai  sur  le  système  pileux  dans  l'espèce  humaine.  Thèse  de  Paris.  1861,  n"  144. 
Piesse  (S).  Des  odeurs,  des  parfums  et  des  cosmétiques,  2e  édition.  Paris,  1877. 

E.  Ory. 

PILOl'ARPINE  (Jaborandi).  —  La  pilocarpine  est  l'alcaloïde 
extrait  du  Pilocarpus  phwalus,  de  la  famille  des  Rutacécs.  C'est  sous  le 
nom  de  jaborandi ,  que  le  docteur  Coutinho  de  Pernambuco  présenta, 
en  1875,  et  remit  à  Gublcr  des  échantillons  d'une  plante  douée,  disait- 
on,  de  propriétés  sialagogues  et  diaphorétiques  remarquables.  Les  expé- 
riences entreprises  ne  donnèrent  pas  des  résultats  identiques,  ce  qu'on 
s'explique,  maintenant  que  l'on  sait  qu'un  grand  nombre  de  plantes  de 
natures  très-diverses,  portent  au  Brésil  le  nom  de  jaborandi.  En  effet, 
l'échantillon  importé  par  le  docteur  Coutinho,  expérimenté  par  Gubler, 
appartient,  suivant  Bâillon,  à  la  famille  des  Rutacées.  C'est  le  Pilocarpus 
pinnalus;  tandis  que  d'autres  plantes  vendues  au  Brésil,  également  sous 
le  nom  de  jaborandi,  et  expédiées  ultérieurement  en  France,  sont  des 
produits  de  la  famille  des  Pipers. 

Au  dix-seplième  siècle,  Pison  cl  Marggraff  (Malcria  medica)  ont  décrit 
trois  jaborandi  ligneux,  frutescents,  qui  appartiennent  au  genre  piper  ;  l'un 
d'eux  est  le  Serronia  jaborandi,  très-répandu  au  Brésil.  D'autres  jabo- 


PILOCARPINE.  —  histoire  naturelle.  H 

randi  appartiennent  à  la  famille  des  Scrol'ulariécs,  ce  sont  les  llespestes; 
enfin  le  Monniela  trifoliata  est  de  la  famille  des  Rutacécs.  C'est  cette 
dernière  plante  que  Lemaire,  en  1852,  avait  nommée  le  Pilocarpus  pen- 
natifolius.  Ce  genre  pilocarpus  de  famille  des  Rutacées,  est  très-voisin 
du  genre  Citrus.  Parmi  les  plantes  vendues  au  Brésil,  communément  sous 
le  nom  de  jaborandi ,  il  faut  citer  VOttoma  anisum,  le  Serroconia  jabo- 
randi,  le  Piper  nodosum,  le  Piper  reticulatum  et  le  Piper  cilrifolium  ; 
quelques  espèces  du  genre  Esenbeckia  et  certaines  Rutacées.  Il  existe  au 
Jardin  des  Plantes  de  Paris,  un  Pilocarpus  simplex. 

Les  premières  recherches  sur  la  valeur  thérapeutique  du  jaborandi, 
ayant  été  entreprises  par  Gubler  en  France  (1874),  avec  le  Pilocarpus 
pinnalifolius,  nous  donnerons  ici,  d'après  Planchon,  les  caractères 
botaniques  de  cette  Rutacée,  tels  qu'il  les  a  indiqués  dans  le  Journal  de 
pharmacie  et  de  chimie,  en  mars  1875. 

Histoire  naturelle.  —  Les  racines,  cylindroïdes,  d'une  couleur  jaune- 
orange  pâle,  présentent  une  écorce  de  deux  à  trois  millimètres,  une  cas- 
sure grenue  qui  laisse  voir  à  la  loupe  de  nombreuses  larmes  d'une  matière 
résinoïde  ;  il  y  a,  au  centre,  un  cylindre  ligneux  d'un  blanc  satiné.  Sa  sa- 
veur, d'abord  un  peu  nauséeuse,  devient  promptement  piquante  et  fraîche. 

Les  liges  sont  recouvertes  d'une  écorce  d'un  gris  noirâtre  tacheté  de 
blanc.  Au-dessous  de  la  couche  subéreuse,  on  trouve,  par  la  cassure,  un 
tissu  blanc  jaunâtre  parsemé  de  larmes  résinoïdes.  Au  microscope , 
l'écorce  présente,  au-dessous  de  plusieurs  rangées  de  couches  subéreuses, 
de  nombreuses  cellules  parenchymateuses,  dont  quelques-unes  renfer- 
ment des  cristaux  en  rosette.  De  grosses  glandes  apparaissent  à  la  loupe, 
dans  les  couches  externes;  elles  sont  oblongues,  à  grand  diamètre  dirigé 
dans  le  sens  tangentiel ,  sans  paroi  propre  ;  des  cellules  résinifères  se 
trouvent  dans  le  tissu  du  liber.  Les  feuilles  sont  composées  imparipennées 
à  neuf  folioles  le  plus  souvent,  rarement  sept  ou  neuf;  elles  ont  un 
pétiole  épaissi  à  la  base,  creusé  en  gouttière  supérieurement.  Ces  fo- 
lioles sont  fermes,  coriaces,  elliptiques,  obtuses  au  sommet;  elles  ont 
une  nervure  médiane  saillante.  Sur  leur  face  inférieure,  on  ren- 
contre de  nombreuses  glandes  translucides,  sous  forme  de  taches 
brunes  punctiformes,  présentant  à  la  loupe  l'aspect  de  petites  dépressions 
remplies  d'un  exsudât  résinoïde.  Les  feuilles  adultes  sont  glabres,  leur 
saveur  est  nauséeuse,  aromatique,  leur  odeur  rappelle  l'odeur  des  feuilles 
d'oranger. 

La  structure  de  ces  feuilles  est  la  suivante  :  un  cuticule,  amorphe  à  la 
surface,  recouvre  les  cellules  longues  et  étroites,  où  l'on  rencontre  la 
chlorophylle;  un  parenchyme  lâche  de  cellules,  renfermant  de  la  ma- 
tière granuleuse  verte  contient,  dans  son  épaisseur,  des  glandes  oléifères. 
C'est  à  la  partie  inférieure  que  sont  placées  les  stomates. 

Les  fleurs,  portées  par  un  pédoncule  de  cinq  à  six  millimètres,  ont  un 
calice  à  cinq  dents,  les  pétales  épais,  d'un  gris  fauve,  et  possèdent  des 
glandes  oléifères.  11  y  a  cinq  étamincs  au-dessous  d'un  disque  annulaire 
très-développé.  Les  fleurs  ont  une  odeur  de  citron. 


12  PILOCAIIPINE.  —  propriétés  organoleptiques. 

Les  fruits,  de  quinze  millimèlres  de  long,  sur  dix  de  large,  sont  ainsi 
constitues  :  des  carpelles  rénilbrmes  à  laces,  latérales,  bombées,  brunes, 
marquées  de  tacbes  lenticulaires  noires  ;  une  enveloppe  extérieure  repré- 
sente le  mésocarpe  et  l'épicarpe;  l'endocarpe  est  ligneux,  il  renferme  une 
graine  unique. 

Tels  sont,  d'après  Plancbon,  les  principaux  caractères  du  pilocarpus 
pennatifolius. 

Dans  une  note  publiée  par  Gublcr,  dans  h  Journal  de  thérapeuti- 
que (1875),  on  trouve,  par  contre,  décrit  hpiper  reliculaluin,  qui  pos- 
sède ,  dit-il  :  «  le  double  caractère  d'avoir  des  feuilles  dont  la  forme  rap- 
pelle assez  exactement  celles  du  citronnier ,  et  dont  les  nervures 
nombreuses  et  saillantes,  fréquemment  anastomosées ,  lui  ont  valu  son 
nom.  Cet  arbrisseau,  d'un  mètre  environ,  a  des  tiges  fasciculées  à  la 
base,  simples  et  dénudées  dans  la  moitié  de  leur  longueur,  cylindriques, 
très-étroites  et  articulées  à  la  manière  de  celles  des  bamboux  ;  elles  sont 
chargées  en  haut  de  feuilles  alternes,  brièvement  pétiolées,  lancéolés, 
obtuses,  d'un  vert  foncé,  entremêlées  parfois  de  châlons  mâles.  »  Cette 
variété  de  jaborandi  a  été  expérimentée  comparativement  avec  le  pilocar- 
pus pennatifolius.  C'est  pour  cela  que  nous  avons  rapporté  ici  quelques- 
uns  des  caractères  de  cette  plante. 

Le  pilocarpus  pennatifolius  apporté  en  Europe  par  Libon,  en  1847, 
avait  été  recueilli  dans  la  province  de  Saint-Paul  du  Brésil;  il  est  cultivé 
au  Jardin  des  Plantes  de  Paris,  sous  le  nom  de  pilocarpus  simplex,  mais 
Bonpland,  antérieurement,  l'avait  récolté  dans  la  province  de  Corrientes 
et  étiqueté  :  Picada  di  Trinidad.  «  La  connaissance  de  celte  localité, 
dit  le  professeur  Bâillon,  est  précieuse,  parce  que,  si  contrairement  à 
tant  de  médicaments  dont  la  réputation  n'a  guère  survécu,  ce  jaborandi 
continuait  d'être  recherché  en  thérapeutique ,  la  plante  pourrait ,  sans 
doute,  être  cultivée  avec  succès  dans  le  midi  de  l'Europe  et  dans  noire 
colonie  algérienne.  » 

Propriétés  orcanoleptiques  et  chimiques.  —  Les  feuilles  et  la  plante 
entière  exalcnt  une  odeur  légèrement  aromatique,  qui  se  prononce 
davantage,  si  on  les  froisse  entre  les  doigts.  Elles  sont  d'une  saveur  acidulé 
au  début,  puis  ebaude  et  piquante  ;  cette  saveur  se  retrouve  dans  la  tige, 
mais  surtout  dans  la  racine  et  principalement  dans  les  divisions  un  peu 
volumineuses  de  la  grandeur  d'une  plume  de  corbeau.  La  saveur 
piquante  devient  cuisante  et  détermine  des  scintillations  douloureuses, 
des  frémissements  vibratoires  de  la  langue  et  des  lèvres,  avec  une  sécré- 
lion  tres-active  de  la  salive.  Lorsqu'on  a  rejeté  la  pulpe  sapide,  les  effets 
persistent  encore  un  certain  temps,  puis  disparaissent  progressivement, 
laissant  une  grande  fraîcbeur  dans  la  bouebe,  avec  une  ancstbcsie  gusta- 
tive  incomplète. 

Quand  on  distille  de  l'eau  sur  des  feuilles  de  jaborandi,  le  produit  de 
la  distillation  a  une  odeur  aromatique  cl  une  saveur  poivrée. 

On  émit  tout  d'abord  l'bypotlièsc,  que  le  pilocarpus  pinnatus  devait 
son  action  sur  l'économie  à  son  huile  essentielle,  le  Pilocarpène  C10  H'% 


PILOCARPINE.  —  doses,  puiîparations.  15 

liquide  incolore  mobile  (densité  à  18°  0,852)  qui  dévie  à  droite  la 
lumière  polarisée;  on  a  reconnu,  depuis,  que  ces  effets  sont  dus  à  un 
alcaloïde,  la  pilocarpine.  En  effet,  c'est  en  mars  1875  que  E.  Hardy 
obtint  la  pilocarpine. 

Le  procédé  d'extraction  de  cet  alcaloïde  fut  le  suivant.  On  fait 
successivement  un  extrait  aqueux  et  alcoolique  de  jaborandi,  puis 
on  traite  par  l'acétate  de  plomb  ammoniacal,  on  élimine  le  plomb 
en  excès  par  l'hydrogène  sulfuré,  on  ajoute  à  la  liqueur  du  bicblo- 
rure  de  mercure.  Le  précipité  formé  est  séparé  des  eaux  mères,  puis  traité 
par  l'bydrogène  sulfuré;  on  obtient  ainsi  du  chlorhydrate  de  pilocarpine. 
Ce  sel,  solubledans  l'eau,  insoluble  dans  l'alcool  absolu  et  l'éther,  forme, 
avec  le  chlorure  d'or,  un  sel  double  parfaitement  cristallisé.  Pour  en 
retirer  la  pilocarpine,  il  suffit  de  la  décomposer  par  l'ammoniaque,  en 
présence  du  chloroforme.  Cet  alcaloïde]  bien  distinct  de  l'huile  essen- 
tielle, du  carbure  d'hydrogène  que  contient  la  plante,  possède  les  pro- 
priétés physiologiques  du  jaborandi. 

.M.  Gcrrard,  qui  a  poursuivi  de  son  côté  des  recherches  sur  ce  sujet, 
obtint,  peu  après,  cet  alcaloïde.  Voici  le  résumé  de  son  procédé  :  il  pré- 
pare l'extrait  mou  en  épuisant  les  feuilles  ou  l'écorce  par  l'alcool  à  50e  ; 
reprend  par  l'eau  cet  extrait,  filtre,  évapore,  ajoute  de  l'ammoniaque,  puis 
agite  fortement  avec  du  chloroforme.  Le  chloroforme  en  s'évaporant 
laisse  déposer  la  pilocarpine,  et  cet  alcaloïde  peut  se  combiner  avec 
l'acide  nitrique  et  l'acide  chlorliydrique  pour  former  des  sels  cristalli- 
sables.  Cet  auteur  indique,  comme  entrant  aussi  dans  la  composition  du 
jaborandi,  une  résine  acre,  une  huile  volatile,  du  tannin,  de  la  chloro- 
phylle (J.  de  pharm.  et  chimie,  février  1870).  Duquesncl,  Petit,  ont  légè- 
rement modifié  et  simplifié  ces  procédés  d'extraction.  Enfin  Kingzelt, 
pour  obtenir  la  pilocarpine,  opère  ainsi.  Il  épuise  les  feuilles  de  jabo- 
randi, avec  de  l'eau  à  70°,  acidulé  le  liquide  obtenu,  chauffe  pour 
coaguler  les  subslanccs  albumineuscs,  filtre,  précipite  l'alcaloïde  par 
l'acide  pliosphomolybdique,  traite  le  précipité  par  une  solution  chaude  de 
baryte  et  enlève  l'excès  de  baryte  par  un  courant  d'acide  carbonique. 
D'après  lui,  la  formule  de  la  pilocarpine  amorphe  serait  C".  H**.  Az*.  Os. 

La  pilocarpine  a  été  combinée  avec  divers  acides  :  avec  l'acide  nitrique 
et  chlorliydrique.  Il  se  forme  des  sels  bien  cristallisés  ;  on  a  éga- 
lement obtenu  du  phosphate  et  de  l'acétate  de  pilocarpine. 

Doses,  rnÉPAïuiiOiNs,  mode  d'adsiimstkation.  —  Les  premières  expé- 
riences, faites  à  l'hôpital  Beaujon  dans  le  service  de  Gublcr,  ont  été  pra- 
tiquées en  employant  le  jaborandi  sous  forme  d'infusion  de  feuilles,  de. 
petits  rameaux  concassés,  ou  d'écorces  ;  ou  bien  en  extrait  aqueux,  puis 
■en  élixir  et  en  sirop.  Après  la  découverte  de  la  pilocarpine,  le  mode  d'ad- 
ministration fut  simplifié,  et  l'on  put  prescrire  l'alcaloïde,  ou  bien 
les  sels  :  azotate,  chlorhydrate,  acétate  de  pilocarpine,  en  solution,  et 
par  suite,  soit  en  injection  hypodermique,  soit  en  collyre. 

L'infusion  de  jaborandi  se  peut  prescrire  à  la  dose  de  4  grammes  de 
feuilles  infusées  pendant  15  minutes  dans  125  grammes  d'eau  bouillante 


14  PILOCAlU'INti.         PROPRIÉTÉS  ET  effets  physiologiques. 

On  peut  atteindre  G  grammes  clicz  l'homme  adulte.  Souvent  2  grammes 
suffisent  chez  la  femme;  il  serait  imprudent  de  dépasser  cette  dose  pour 
un  enfant. 

La  dose  d'extrait  aqueux  employée  par  A.  Rohin  varie  entre  0,90  cen- 
tigrammes et  1  gr.  50  centigrammes,  suivant  l'âge  et  le  sexe.  D'après 
Constantin  Paul,  l  gramme  d'extrait  correspond  à  5  grammes  de  feuilles. 
Pour  l'elixir  de  jaborandi  préparé  par  Colliguon,  0,20  centigrammes  cor- 
respondent à  4  grammes  de  feuilles. 

On  emploie  maintenant  l'alcaloïde  du  jaborandi  en  solution.  Les  injec- 
tions hypodermiques  ont  été  très-souvent  pratiquées  chez  l'homme,  soit 
avec  une  solution  titrée  de  pilocarpine,  soit  avec  une  solution  de  nitrate 
ou  de  chlorhydrate  de  pilocarpine,  sans  qu'on  ait  noté  d'accidents  par 
irritation  locale. 

Pour  le  nitrate  de  pilocarpine,  la  dose  est  de  1  à  4  centigrammes;  pour 
le  chlorhydrate,  les  doses  doivent  être  plus  faibles  encore.  On  peut  dis- 
soudre ces  sels  dans  l'eau  distillée,  ou  bien,  comme  l'a  fait  Courseran 
dans  l'eau  de  laurier  cerise.  Quand  on  se  sert  de  cette  substance  sous 
forme  de  collyre,  on  constate  des  effets  locaux  (myosis  et  légère  contrac- 
ture) avec  une  seule  goutte  d'une  solution  à  2,5  pour  100  déposée  sur  la 
cornée. 

Propriétés  et  effets  physiologiques.  —  Dans  un  important  mémoire 
qui  a  pour  titre  :  Études  physiologiques  et  thérapeutiques  sur  le  Jabo- 
randi (pilocarpus  pinnatus),  l'auteur,  A.  Robin,  a  publié  les  premières 
expériences  dont  il  a  été  témoin  à  l'hôpital  Beaujon  dans  le  service  de 
Gubler.  Les  faits  nombreux  qui  s'y  trouvent  consignés  ont  été,  depuis, 
presque  tous  entièrement  vérifiés,  il  convient  de  ne  pas  l'oublier;  car 
les  résultats  obtenus  par  le  jaborandi  (infusion  et  extrait  aqueux)  sont  les 
mêmes,  à  peu  de  chose  près,  que  ceux  constatés  par  l'emploi  de  la  pilo- 
carpine et  ses  sels. 

Les  effets  physiologiques  produits  par  l'ingestion  d'une  dose  suffisante 
sont  les  suivants  :  sudation,  salivation,  larmoiement,  augmentation  des 
sécrétions  bronchiques,  hypercrinie  nasale.  Mais  ces  phénomènes  qui 
sont  assez  constants,  sinon  dans  leur  intensité,  du  moins  dans  leur  appa- 
rition, sont  susceptibles  d'un  grand  nombre  de  variations. 

L'infusion  de  jaborandi  est  un  excellent  sudoriflque  ;  la  sudation  est 
annoncée  par  quelques  symptômes  précurseurs  ;  rougeur  de  la  face, 
battements  des  artères  temporales,  sentiment  de  plénitude  des  régions 
les  plus  vasculaires,  parfois,  mais  rarement,  un  peu  de  vertige.  La  durée 
moyenne  de  la  sueur,  depuis  son  début  jusqu'à  sa  terminaison  complète 
varie  de  2  à  5  beures.  D"après  Strumpf,  la  sudation  qui  s'établit  sous 
l'influence  du  jaborandi,  a  varié  dans  48  cas  de  diaphorèse,  entre  98  et 
895  grammes,  soit  en  moyenne  474  grammes;  environ  cinq  fois  plus 
qu'à  l'état  normal.  La  sécrétion  Midoralc  finit  presque  toujours  par  les 
parties  qu'elle  a  envahies  les  premières,  c'cst-à-dirc  la  face,  le  sommet  de 
la  poitrine,  les  mains  (Albert  Robin). 

Les  qualités  de  la  sueur  se  modifient,  d'acide  qu'elle  était  au  début, 


PILOCARPINE. 


  PROPRIÉTÉS  ET  EFFETS  PHYSIOLOGIQUES. 


!.') 


celle-ci  tend  à  avoir  une  réaction  plus  ou  moins  franchement  alcaline  ; 
ses  caractères  chimiques  sont  également  modifiés,  l'urée,  les  chlorures, 
sont  éliminées  en  plus  grande  ahondance.  Gillet  de  Grandmont,  dans  ses 
expériences  faites  avec  des  injections  de  pilocarpinc,  a  retrouvé  dans  la 
sueur  une  certaine  proportion  de  l'alcaloïde. 

La  sécrétion  salivaire  est  sensiblement  influencée  :  on  perçoit,  tout 
d'abord,  un  sentiment  de  chaleur  dans  la  bouche,  parfois  un  peu  de  sensi- 
bilité dans  la  région  sous-maxillaire.  La  salivation,  qui  débute  d'ordinaire 
plustôtquc  la  sudation  dure  moins  longtemps  qu'elle.  Limousin  1878,  avec 
le  réactif  de  Winkler,  a  reconnu  dans  la  salive  la  pilocarpine,  après  une 
injection  sous-cutanée  de  cette  substance.  L'effet  sialagogue  du  jaborandi 
ou  de  la  pilocarpine  se  manifeste  également  chez  les  animaux  (Hardy, 
Bochefontaine)  :  le  chien,  le  cheval,  la  souris.  Pour  Dumas,  qui  entreprît 
des  expériences  dans  le  service  de  Siredey,  avec  delà  pilocarpine  préparée 
par  Duquesnel,  la  principale  action  de  cette  substance  est,  avant  tout, 
d'augmenter  la  sécrétion  salivaire;  il  pense  même  que  ses  propriétés 
sudorifiques  sont  secondaires.  Chez  les  individus  qui  ne  salivent  point,  on 
constate  souvent  des  vomissements,  du  malaise,  des  nausées,  une  ten- 
dance à  la  syncope,  ou  seulement  de  la  défaillance.  Gillet  de  Grandmont 
en  tire  cette  conclusion,  que  les  glandes  salivai res  sont  l'une  des  princi- 
pales voies  d'élimination  du  jaborandi,  car  ces  accidents  sont  probable- 
ment dus  à  l'action  de  la  pilocarpine  sur  la  muqueuse  de  l'estomac. 

Sehwahr  confirmant  les  expériences  de  Carville,  a  constaté  que  le  flux 
salivaire  ne  s'arrête  pas  chez  un  chien  soumis  à  l'action  du  jaborandi, 
ni  parla  section  de  la  corde  du  tympan,  ni  par  l'arrachement  du  ganglion 
cervical  supérieur.  Il  vit  que,  sous  l'influence  de  ce  produit,  le  sang  qui 
s'écoule  par  une  ouverture  pratiquée  sur  la  glande  sous-maxillaire,  est 
d'un  rouge  plus  clair  et  d'une  abondance  plus  grande  ;  que  cet  effet  per- 
siste encore  après  la  section  de  la  corde  du  tympan. 

Il  faut  admettre  l'hypersécrétion  du  mucus  dans  toute  l'étendue  du 
tube  digestif.  Les  vomiturilions,  les  rejets  glaireux  filants  semblent  le 
démontrer;  parfois  des  selles  diarrhéiques  ont  été  constatées  et  cela  prin- 
cipalement lorsque  la  diaphorèse  est  entravée  ou  supprimée.  Quand  il  y 
a  déviation  de  l'action  du  pilocarpus,  dit  A.  Robin,  au  vomissement  vient 
toujours  se  joindre  une  diarrhée  d'abondance  variable,  précédée  souvent 
de  coliques.  Cette  diarrhée  cesse  comme  les  vomissements,  quand  la  plus 
grande  partie  du  principe  actif  du  jaborandi  a  été  rejetée.  —  Chez  les 
animaux,  on  a  pu  vérifier  que  toutes  les  glandes  du  tube  digestif  sont  ex- 
citées, et  que  le  foie  et  le  pancréas  participent  à  l'hypercrinie  générale. 

Les  effets  sur  les  sécrétions  lacrymales,  nasales  et  Irachéobrûnchiques 
sont  moins  constants.  L'hypercrinie  nasale  manque  souvent,  de  même 
aussi  l'augmentation  do  sécrétion  de  la  muqueuse  trachéobronchique. 
Toutefois,  généralement,  sous  l'influence  du  jaborandi  les  crachats  sont 
rendus  plus  fluides,  ils  sont  plus  faciles  à  détacher,  .et  sont  expulsés 
bientôt  après  sans  effort.  Mais,  quand  l'action  du  jaborandi  cesse,  à 
l'hypercrinie  passagère,  succède  un  sentiment  de  sécheresse  de  la  gorge, 


jg  PILOCARPINE.           PROPRIÉTÉS  ET  EFFETS  PHYSIOLOGIQUES. 

et  clans  certains  cas  de  bronchorrhée  (Gnblcr,  A.  Robin),  la  quantité  des 
crachats  rendus  ultérieurement  l'ut  diminuée;  cet  état  persiste  parfois 
environ  24  heures  après  l'administration  du  jaborandi. 

L'action  sur  les  urines  est  variable,  semble-t-il,  suivant  les  doses  absor- 
bées. La  quantité  d'urines  rendues  paraît  être  tout  d'abord  en  raison 
inverse  de  l'abondance  de  la  transpiration.  Mais  si  le  jaborandi  est  admi- 
nistré à  doses  fractionnées,  l'augmentation  possible  des  urines  a  été  notée. 
Le  fait  a  été  vérifié  par  Rendu,  et  par  Langlet  (de  Reims).  Ce  dernier 
auteur  a  constaté  une  véritable  hématurie,  dans  un  cas  où  l'on  avait  dû 
prolonger  longtemps  l'usage  du  médicament.  Cette  hématurie  se  déclara 
alors,  sans  doute,  par  suite  de  l'excès  du  travail  imposé  aux  reins. 

«  La  diminution  de  la  quantité  d'urine  sécrétée,  dit  À.  Robin,  n'est  pas 
assez  considérable  pour  compenser  les  pertes  liquides  effectuées  par  la 
peau  et  les  glandes  salivaires,  de  telle  sorte  que  l'élimination  y  gagne 
quoique  les  reins  soient  déchargés  d'une  partie  de  leur  travail  fonction- 
nel. »  La  diminution  de  l'urée,  de  l'acide  urique,  prouve  l'abaissement 
des  combustions  désassimilatrices;  il  y  a  aussi  diminution  des  chlorures. 

L'hypercrinie  lacrymale  n'est  pas  le  plus  important  des  effets  du  jabo- 
randi et  de  son  alcaloïde  sur  V appareil  oculaire.  On  a  noté  aussi  une 
contraction  pupillaire  qui  débute  vers  le  moment  où  la  sueur  se  géné- 
ralise. —  Galezowski,  dans  ses  recherches,  n'avait  trouvé  que  l'action 
myotique  de  la  solution  de  pilocarpine  déposée  sur  l'œil;  Alexaudroff,  de 
la  clinique  du  docteur  Metaxas  (de  Marseille),  observa  également  le  fait 
delà  contraction  pupillaire  ;  mais,  depuis,  Pietro  Albertoni  ayant  instillé 
cette  solution  dans  l'œil  de  l'homme  et  des  animaux,  a  noté  du  myosis 
et  en  même  temps  un  spasme  accommodalif  de  la  vision  ;  puis,  dans  une 
seconde  période,  plus  durable,  de  la  mydriase  sans  altération  de  l'accom- 
modation. Si  l'on  fait  une  injection  hypodermique  à  distance,  l'action  sur 
l'iris  est  nécessairement  beaucoup  moins  marquée,  puisque  les  sécrétions 
rejettent  immédiatement  la  plus  grande  quantité  du  médicament  (Gillet 
de  Grandmont).  Après  l'ablation  du  ganglion  cervical  supérieur  du  grand 
sympathique  chez  le  chien,  l'instillation  de  la  pilocarpine  ne  peul  plus 
produire  la  dilatation  de  la  pupille;  d'où  cette  conclusion  formulée  par 
P.  Albertoni  :  que  la  pilocarpine  agit  en  excitant  autant  le  nerf  moto- 
oculaire  commun  (myosis  passager),  que  le  grand  sympathique  (mydriase 
intense  et  de  longue  durée)  :  celte  dernière  action,  selon  lui,  étant  plus 
durable  et  plus  intense,  mais  plus  lenLc  à  se  produire. 

Faut-il  expliquer  la  dilatation  pupillaire,  simplement  par  l'état  nauséeux 
déterminé  par  le  jaborandi? 

Pour  compléter  l'étude  des  effets  de  la  pilocarpine  sur  les  organes 
sécréteurs,  ajoutons  (pie  sous  son  influence  ,  la  sécrétion  lactée  en  partie 
tarie  chez  une  nourrice  atteinte  d'érysipèle,  a  été  heureusement  excitée, 
et  (pie  le  lait  reparut  et  les  mamelles  reprirent  leur  fonction  avec  plus 
d'abondance  (A.  Robin,  Soc.  de  Biologie,  1875). 

L'influence  du  jaborandi  sur  les  modifications  de  la  température  a  fait 
l'objet  de  nombreuses  recherches.  «  La  température  axillairc  s'élève  gra- 


PILOCARPINE.  — 


PP.OrniKTÉS  ET  EFFETS  PHYSIOLOGIQUES. 


17 


duellcment  jusqu'au  moment  où  la  salivation  est  bien  établie  et  où  la 
sudation  commence  à  devenir  générale.  Cette  élévation  de  température 
est  d'environ  4/10  de  degré  chez  les  individus  bien  portants.  Quand  la 
sudation  est  arrivée  à  son  maximum,  la  température  baisse  un  peu,  mais 
sans  cependant  revenir  encore  à  son  degré  primitif  qu'elle  atteint  seule- 
ment vers  la  (in  du  maximum,  quand  les  hypercrinies  tendent  à  s'apaiser. 
A  leur  déclin,  la  température  tombe  de  quelques  dixièmes  de  degrés, 
au-dessous  de  son  point  initial  (A.  Robin).  Suivant  Gillet  de  Grandmont 
les  injections  hypodermiques  de  pilocarpine  ont  pour  résultat  d'abaisser 
la  température  de  près  de  1  degré,  cela  dans  un  espace  de  temps  très 
limité,  et  persisterait  plusieurs  heures.  Bardenhewer  prit  la  température 
rectale,  il  a  constamment  noté  un  abaissement  de  la  température  du  corps 
de  5  à  6  degrés  pendant  la  durée  de  la  sueur. 

L'abaissement  de  la  tension  artérielle  a  été  constaté  dès  les  premiè- 
res expériences.  On  vit  le  pouls  plus  accéléré,  les  battements  du  coeur 
un  peu  irréguliers,  et  l'influence  des  mouvements  respiratoires  sur  la 
circulation,  se  faire  sentir  plus  manifestement  qu'à  l'état  normal.  Curs- 
chmann,  Bardenhewer,  dans  un  cas  de  colique  de  plomb,  ont  confirmé  ce 
fait,  déjà  signalé  par  Gubler  et  A.  Robin,  que  le  pouls  perd  sa  tension  et  sa 
dureté.  0.  Kaylcr  et  J.  Soyka,  comme  Bocbefontaine  et  Galippe  ont  re- 
connu qu'une  petite  dose  d'infusion  de  Jaborandi,  injectée  dans  les 
veines,  provoque  une  chute  immédiate  et  passagère  de  la  tension  artérielle 
avec  accélération  momentanée  du  pouls  ;  que  des  doses  plus  forles  ont 
une  action  semblable  mais  plus  persistante,  qu'enfin,  par  des  doses  plus 
fortes  encore,  la  chute  de  la  tension  artérielle  est  plus  considérable 
mais  qu'en  même  temps,  il  se  produit  un  ralentissement  marqué  du  pouls. 

Vulpian,  dans  une  intéressante  communication  faite  à  la  Société  de 
Biologie,  rapporte,  qu'ayant  fait  dans  la  veine  cave  d'un  chien,  une  injec- 
tion d'extrait  de  Jaborandi,  il  constata  des  troubles  intenses  du  côté  du 
cœur,  le  ralentissement  des  battements  du  pouls,  avec  menace  de  mort; 
dans  quelques  expériences  il  y  eut  un  arrêt  brusque  du  cœur.  Ces  effets 
furent  surtout  sensibles  chez  la  grenouille  ;  l'arrêt  du  cœur  se  fait  en 
diastole.  Langley  a,  sur  des  crapauds,  des  grenouilles,  des  chiens,  des 
lapins,  vérifié  ce  fait  que  le  Jaborandi  ralentit  les  battements  du  cœur; 
le  même  auteur  établit  que  c'est  toujours  le  ventricule  qui  s'arrête  le 
premier,  quoique  les  oreillettes  puissent  être  troublées  dans  leur  rhythme 
avant  le  ventricule,  et  que  l'abaissement  de  la  tension  artérielle  soit  le 
premier  symptôme  de  l'action  du  Jaborandi  sur  la  circulation.  Fracnkel 
a  noLé  (1873)  que  le  nitrate  de  pilocarpine  à  la  dose  de  0,02  c.  à  0.04  c. 
n'a  guère  d'action  sur  la  circulation,  mais  que  les  doses  fortes  produisent 
un  ralentissement  notable  du  pouls.  Cet  effet  a  été  obtenu  par  lui,  alors 
même  que.  les  nerfs  vagues  étaient  coupés. 

En  résumé  :  le  Jaborandi  ou  la  pilocarpine  possède  des  propriétés  su- 
dorifiques  et  sialagogues  incomparablement  plus  rmirquées  que  celles  des 
agents  thérapeutiques  employés  jusqu'ici  ;  c'est  un  hypercrinique  puis- 
sant. Si  son  action  sur  la  température  est  encore  discutée,  tous  les  expéri- 

riOCV.  D1CT.  M  ÉD.  ET  CHIR.  XaVIL    - 


18  PILOCARPINE.  —  propriétés  et  effets  physiologiques. 

mentatcurs  admettent  que  cette  substance  peut  abaisser  notablement  la 
tension  artérielle.  Enfin,  son  pouvoir  myosique  lui  donne  rang  dans  la 
thérapeutique  oculaire,  au  même  titre  que  l'éserine. 

11  nous  reste  à  signaler  encore  un  point  fort  intéressant  de  l'histoire  de 
ce  médicament,  à  savoir  l'antagonisme  qui  paraît  exister  entre  son  action 
et  l'action  de  l'atropine  sur  notre  organisme,  fait  signalé  par  le  profes- 
seur Yulpian.  Depuis,  Auber,  en  injectant  0,025  d'atropine  sous  la  peau 
d'un  chien,  vit  apparaître  des  phénomènes  d'intoxication  qu'il  fit  dispa- 
raître avec  une  infusion  de  2  grammes  de  Jaborandi  ;  toutefois,  la  dilata- 
tion de  la  pupille  persista.  L'antagonisme  de  l'atropine  et  du  Jaborandi 
n'est  pas  admis  par  Langley,  car  cet  auteur  dit  avoir  constaté  que  l'atro- 
pine ne  peut  ramener  la  tension  artérielle  à  son  niveau  primitif  lorsque 
cette  tension  est  abaissée  par  le  Jaborandi. 

Enfin,  nous  devons  une  mention  toute  spéciale  aux  récentes  recherches 
expérimentales  de  Straus  ;  elles  ont  mis  en  lumière  un  point  nouveau 
relatif  à  l'action  locale  des  injections  hypodermiques  de  pilocarpine.  Les 
résultats  sont  intéressants,  non-seulement  au  point  de  vue  physiologique 
de  la  pilocarpine,  mais  au  point  de  vue  plus  général  de  la  pbysiologie  des 
sueurs  locales,  et  des  sécrétions  en  général. 

Les  expériences  de  Straus  nous  ont  appris  que,  si  l'on  pratique,  chez 
l'homme,  une  injection  hypodermique  de  0gr,01  à  0Kr,02  de  nitrate  de  pi- 
locarpine (dose  physiologique)  en  solution  dans  1  gramme  d'eau,  on  voit  au 
bout  de  deux  à  cinq  minutes,  la  peau  recouvrant  l'ampoule  formée  par  le 
liquide  injecté  rougir,  puis  se  couvrir  de  gouttelettes  très-fines  de  sueur. 
Ces  gouttelettes  apparaissent  d'abord  à  la  circonférence  de  l'ampoule,  sous 
forme  d'une  collerette;  peu  à  peu,  la  sueur  s'étend  concentriquement 
vers  le  centre  de  l'ampoule  qu'elle  finit  par  envahir  totalement.  Cette 
sueur  locale  se  produit  deux  à  trois  minutes  avant  la  salivation,  cinq  à 
huit  minutes  avant  la  sueur  générale.  Cet  effet  local  est  d'autant  plus 
rapide  et  plus  accusé  que  la  peau  où  a  lieu  l'injection  est  plus  riche 
en  glandes  sudoripares  ;  les  meilleurs  endroits  sont  le  devant  du  sternum, 
le  front  et  le  pli  du  coude. 

Straus  a  trouvé  en  outre  le  fait  curieux  suivant  :  c'est  que,  en  rédui- 
sant la  dose  de  pilocarpine,  tout  peut  se  borner  à  une  action  sudoriûque 
locale  :  en  injectant  une  ou  deux  gouttes  d'eau  tenant  en  dissolution  de 
0gr,001  à  0Br,004  de  nitrate  de  pilocarpine,  on  provoque  une  sueur  pure- 
ment locale,  sans  le  moindre  phénomène  général.  On  peut  ainsi,  à  vo- 
lonté, faire  suer  telle  ou  telle  région  du  corps  et  dessiner  des  lignes 
humides  sur  le  reste  de  la  peau  demeurée  sèche. 

L'action  antagoniste  de  l'atropine  a  permis  à  Straus  de  réaliser,  d'une 
façon  élégante,  l'expérience  inverse.  Si,  chez  un  sujet  en  pleine  sueur 
sous  l'influence  de  la  pilocarpine,  on  injecte  sous  la  peau  de  très-faibles 
doses  de  sulfate  d'atropine,  on  voit,  à  ce  niveau,  la  sueur  diminuer 
presque  immédiatement;  au  bout  de  quelques  minutes,  elle  est  totale- 
ment supprimée.  On  peut  ainsi,  dit  Straus,  réserver  à  volonté  des  lignes 
sècbes  sur  la  peau  humide. 


PILOCARPINE.          PROPRIÉTÉS  ET  effets  physiologiques.  19 

Pour  assurer  que  l'arrêt  de  la  sueur  est  bien  l'effet  de  l'atropine  et  non 
celui  du  seul  fait  de  l'injection  d'un  liquide,  Straus  a  eu  soin  d'injecter, 
à  diverses  reprises,  simultanément  un  volume  équivalent  d'eau  pure; 
l'effet  d'arrêt  a  toujours  fait  défaut.  Cet  action  d'arrêt  local  de  la  sueur 
s'obtient  à  l'aide  de  doses  infiniment  petites  d'atropine;  il  n'a  jamais 
manqué,  même  avec  un  millième  de  milligramme  de  substance  active, 
chez  l'homme.  Chez  le  chat,  une  injection  de  moins  d'un  centième  de 
'  milligramme  dans  la  pulpe  d'une  des  pattes  a  produit  le  même  effet  d'arrêt. 
La  peau  en  sueur  d'un  chat  ou  d'un  homme  peut  donc,  d'après  l'expé- 
rience de  Straus,  être  considérée  comme  un  réactif  extrêmement  délicat 
de  l'atropine,  puisqu'il  suffit  de  l'injection  d'un  millionigramme  de  cette 
substance  pour  produire  l'arrêt  local  de  la  sueur. 

Les  expériences  de  Luclisinger,  confirmées  par  celles  de  Vulpian,  ont 
montré  que,  chez  le  chat,  une  injection  de  0gr,001  à  0gr,003  de  sulfate 
d'atropine  arrête  la  sueur  provoquée  par  l'injection  de  0er,01  de  pilocar- 
pinc,  mais  que,  si  l'on  injecté  ensuite  sous  la  peau  de  la  pulpe  d'une  des 
pattes  IF, 01  de  pilocarpine,  la  sueur  reparaît  sur  cette  patte,  mais  nulle 
part  ailleurs. 

Chez  l'homme,  Straus  a  constaté  le  même  fait.  En  injectant  0gr,002  de 
sulfate  d'atropine,  puis,  une  demi-heure  après  en  une  autre  région  de  la 
peau,  0gr,02  de  pilocarpine,  il  n'y  a  ni  salivation,  ni  sueur  générale, 
mais  simplement  une  sueur  locale,  très-persistante  parfois,  au  voisinage 
du  point  où  a  eu  lieu  l'injection  de  pilocarpine. 

Straus  s'est  appliqué  à  déterminer  approximativement  la  quantité  de 
sulfate  d'atropine  dont  l'injection  rend  même  ces  doses  massives  locale- 
ment inefficaces.  Chez  un  homme  vigoureux,  à  la  jambe,  il  a  pu  injecter 
graduellement  et  avec  prudence  0gr,006  de  sulfate  d'atropine  (0gr,001 
toutes  les  dix  minutes).  Puis  il  a  injecté  ensuite  en  une  seule  fois  jusqu'à 
0gr,(H  de  nitrate  de  pilocarpine  sur  le  devant  du  stermum  ;  malgré  cette 
forte  dose,  il  n'y  eut  non-seulement  aucune  sueur  générale,  mais  même 
aucune  sueur  locale.  Il  en  conclut  que  chez  l'homme,  l'injection  de 
0gr,006  d'atropine  rend  impossible  tout  effet  sudorifique,  tant  local  que 
général  de  la  pilocarpine, 

Sur  le  chat,  il  a  obtenu  le  même  résultat  à  la  suite  de  l'injection  sous 
la  peau  du  ventre  de  0gr,003  de  sulfate  d'atropine  (0gr,001  toutes  les  dix 
minutes).  Après  cela,  l'injection  dans  la  pulpe  d'une  patte  postérieure  de 
0gr,  015  de  pilocarpine  et  l'électrisalion  du  bout  périphérique  du  scia- 
tique  (expérience  de  Luchsinger)  ne  déterminent  plus  l'apparition  d'au- 
cune sueur  sur  cette  patte.  (Comptes  rendus  de  l'Institut,  7  juillet  1879.) 

Ces  faits,  nous  le  répétons,  sont  singulièrement  instructifs  au  point  de 
vue  de  la  physiologie  des  actions  sécréto-glandulaires  et  de  l'antagonisme 
physiologique  des  poisons  et  des  substances  médicamenteuses.  Quoique 
les  applications  thérapeutiques  fassent  encore  défaut,  il  faut  savoir  gré  à 
Straus  d'avoir  montré  que  l'on  peut,  à  volonté,  faire  suer  une  région 
quelconque  de  la  peau  et  inversement,  suspendre  à  volonté  la  sueur  dans 
n'importe  quelle  région. 


20  PILOCARPINE.  —  applications  thérapeutiques. 

Applications  tiiéiupeutiques.  —  D'après  l'exposé  des  propriétés  phy- 
siologiques de  Jaborandi  que  nous  venons  de  tracer,  on  s'explique  les 
nombreuses  tentatives  qui  ont  été  laites,  dans  ces  dernières  années,  pour 
l'emploi  de  ce  médicament  dans  le  traitement  des  maladies,  ou  pour  com- 
battre certains  symptômes  alarmants. 

En  qualité  de  sialalogue,  le  Jaborandi,  suivant  Gubler,  sera  indiqué 
dans  les  états  de  sécheresse  de  la  bouche  avec  soif  vive  :  «  Atropisme, 
intoxications  diverses,  paralysie  faciale,  embarras  gastrique  et  fièvres,' 
diarrhée,  lésions  gastro-intestinales,  phlegmasies  de  la  bouche  et  de  la 
partie  supérieure  des  voies  digestives,  le  diabète  sucré  et  la  polyurie.  »Le 
Dr  Leyden,  dans  un  rapport  à  la  Société  médicale  de  Berlin,  déclare  qu'il 
a  ulilement  fait  usage  du  Jaborandi,  dans  les  maladies  fébriles:  la  fièvre 
typhoïde,  l'angine  calarrhale,  le  rhumatisme  articulaire  fébrile,  la  dou- 
leur scia  tique,  et  confirme,  par  conséquent,  les  indications  formulées  par 
Gubler.  Le  Dr  Testa  l'a  conseillé  contre  les  oreillons.  C'est  surtout  dans  le 
traitement  des  hydropisies  que  le  D1'  Leyden  trouve  une  indication  des 
plus  importantes  comme  sudorifique.  Cet  auteur  ne  pense  même  pas  que 
la  pilocarpine  soit  contre-indiquée  dans  le  cas  d'hydropisie  liée  à  une 
affection  organique  du  cœur! 

La  sudation  abondante  supplée  à  l'insuffisance  de  la  sécrétion  urinaire 
dans  la  phlegmasie  rénale;  elle  diminue  l'épanchement  séreux  et  l'œ- 
dème des  membres  inférieurs  dans  les  affections  chroniques  des  reins. 
Sous  l'influence  de  ce  médicament,  l'hydropisie  et  les  troubles  graves  de 
la  respiration  diminuèrent  chez  des  malades  traités  par  Leyden,  pour  des 
néphrites  épithélialcs.  Dans  une  récenle  communication  à  l'Académie  des 
sciences,  Yulpian  signale  l'augmentation  des  matières  albuminoïdes  dans 
la  salive  des  albuminuriques,  à  la  suite  d'une  injection  de  chlorhydrate  de 
pilocarpine;  ce  fait  a  été  confirmé  par  Straus,  agrégé  delà  Faculté.  Langlel 
de  Reims  a  traité  avec  succès  un  cas  d'albuminerie  de  la  grossesse,  par 
le  Jaborandi  ;  mais,  dans  ce  cas,  la  sudation  fut  faible,  et  le  Jaborandi, 
ayant  agi  comme  diurétique,  détermina  de  l'hématurie.  Le  Dr  Alessandro 
Cantieri  a  obtenu  de  bons  effets  de  ce  médicament  dans  la  néphrite  pa- 
renchymateuse  et  la  néphrite  interstitielle. 

Les  propriétés  alexitères  du  Jaborandi  l'ont  fait  expérimenter  contre 
les  intoxications  par  les  virus  et  les  venins,  dans  la  rage,  par  exemple 
(Gubler,  A.  Robin,  Brouardel).  Au  Brésil,  il  est  employé  contre  la 
morsure  des  serpents  les  plus  venimeux  et  les  empoisonnements  végétaux. 

C'est  en  qualité  de  sudorifique  que  le  Jaborandi  ou  son  alcaloïde,  pa- 
rait utile  dans  l'épanchemcnl  pleurélique;  Grasset,  Yulpian,  Crcquy,  ont 
vu  disparaître  le  liquide. 

La  pneumonie,  diverses  formes  de  bronchites,  la  bronchorrhée,  ïia- 
loxicalion  saturnine,  ont  éLé  traitées  avec  succès  par  ce  médicament. 
Rolutansky  a  cité  des  observations  favorables  et  montre  son  heureuse 
influence  pour  la  fièvre  intermittente.  Nous  ne  citerons  que  pour  mé- 
moire les  tentatives  faites  par  Ilycrnaux  en  Belgique,  Massmann  de 
St-Pélcrsbourg,  Spaeth  et  Welpower  de  Vienne,  Kleinnachler,  qui  vou- 


PILULES. 


21 


lurent  provoquer  l'accouchement  prématuré,  par  le  chlorhydrate  de  pilo- 
carpine.  Mais  les  contractions  utérines  pour  l'expulsion  dn  produit,  n'ap- 
parurent guère  qu'après  l'administration  de  doses  toxiques  pour  l'écono- 
mie; il  n'y  a  donc,  là,  aucun  avantage  sur  les  substances  analogues. 

C'est  surtout  en  thérapeutique  des  affections  oculaires,  qu'ont  été 
entreprises  les  plus  nombreuses  recherches  sur  la  pilocarpine  et  ses  sels. 
D'après  Gillet  de  Grammont,  le  Jaborandi  serait  utile,  contre  les  maladies 
du  corps  vitré,  l'atrophie  papillaire,  les  iritis,  que  celles-ci  soient  spéci- 
fiques ou  rhumatismales,  l'amblyopie  nicotinique  et  l'ophtlialmie  sympa- 
thique. Alexandroff  et  Mctaxas,  de  Marseille,  ont  noté  que,  sous  l'influence 
de  la  diaphorèse,  les  milieux  de  l'œil  troublés  se  sont  éclaircis,  la  ten- 
dance glaucomateuse  a  disparu  ;  enfin  les  exsudats  ont  présenté  une 
rapide  tendance  à  la  résorption.  D'après  Kônigshofer,  assistant  de  clini- 
que à  Erlangen,  la  paralysie  de  l'accommodation  peut  guérir  rapidement 
par  un  traitement  de  quelques  jours  au  Jaborandi.  Suivant  Dor  de  Lyon, 
l'irido-choroïdite  séreuse  avec  troubles  diffus  du  corps  vitré,  l'iiïdo-cyclite 
sympathique,  sont  les  principales  maladies  à  traiter  par  cet  agent.  11 
nous  a  paru  intéressant  de  signaler  ces  nombreuses  tentatives  de  l'emploi 
de  la  pilocarpine  pour  le  traitement  des  maladies  oculaires.  Mais  si  quel- 
ques-uns de  ces  résultats  sont  contestés,  il  n'en  reste  pas  moins  ce  fait, 
que  la  pilocarpine  est  mieux  supportée  que  l'ésérine,  qui  parait  avoir 
les  mêmes  indications,  et  qu'elle  présente  de  plus  cet  avantage,  dit 
Galezowski,  d'être  moins  irritante  pour  l'œil. 

En  présence  de  ces  faits  publiés  récemment,  tout  en  reconnaissant  que 
les  propriétés  chimiques  et  physiologiques  sont  encore  incomplètement 
connues,  nous  sommes  portés  à  regarder  le  Jaborandi  et  les  sels  de  pilo- 
carpine comme  étant  d'une  utilité  incontestable  ;  mais  si,  en  thérapeuti- 
que, l'emploi  de  ce  médicament  présente  d'assez  fréquentes  indications, 
nous  rappellerons  une  importante  contre-indication  :  l'asthénie  cardia- 
que. On  s'abstiendra  de  prescrire  la  pilucarpine  dans  tous  les  cas  où  la 
tension  artérielle  est  déjà  abaissée,  et  lorsque  les  contractions  cardiaques 
sont  insuffisantes. 

Robin  (A.),  Études  physiologiques  et  thérapeutiques  sur  le  Jaborandi  (Journ.  de  Ihérap.  1874, 

et  tirage  à  part.).  Indicat.  bibl. 
Bociif.fontaine,  Hcvue  bibliographique  générale  sur  le  Jaliorandi  (Revue  des  sciences  médicales 

d'Haycm,  1x75,  I.  VI). 
Haiidï  (E.),  Revue  bibliographique,  Revue  des  sciences  médicales,  Paris,  1878.  t.  XI. 
Gillkt  i>e  GiiAuiMosT,  Action  pli ysioloy ique  du  nitrate  de  pilocarpxe  et  effets  thérapeutiques, 

Paris,  1879. 

Journal  de  thérapeutique  de  Gubler;  Journal  de  médecine  et  chirurgie  pratiques  ;  Bulletin 
de  thérapeutique.  Progrès  médical,  Journal  de  pharmacie  et  de  chimie  depuis  1875, 
Bulletin  de  LAcad.  royale  de  méd.  de  Belgique,  1878.  llyernaux. 

Association  française  pour  l'avanc.  des  sciences.  Montpellier,  1879.  —  Congrès  d'Ams- 
terdam, 1&79. 

E.  Ory. 

PILULES.  —  Toutes  les  matières  médicamenteuses  molles,  pulvéru- 
lentes ou  liquides  peuvent  être  administrées  sous  forme  de  pilules;  mot 
qu'il  est  inutile  de  définir,  car  il  dérive  du  latin  pilida,  c'est-à-dire  petite 


22  PILULES. 

boule.  Les  substances  molles  peuvent  toujours  être  amenées  en  consistance 
telle  qu'on  puisse  leur  conserver  la  forme  sphérique  ;  les  poudres  peuvent 
être  agglomérées  au  moyen  d'un  excipient  liquide  ou  mou  ;  les  liquides, 
au  contraire,  à  l'aide  d'une  matière  solide  qui  les  absorbe. 

Cette  l'orme  pharmaceutique  est  donc  d'un  emploi  général,  et  elle  per- 
met au  médecin  de  faire  facilement  ingérer  des  médicaments  de  saveur 
désagréable  ou  dont  le  séjour  dans  la  bouche  pourrait  offrir  quelque  in- 
convénient. La  confection  des  pilules  comprend  presque  toujours  deux 
opérations  distinctes  :  1°  la  préparation  de  la  masse  pilulaire;  2°  la  divi- 
sion de  cette  masse  en  un  certain  nombre  de  parties  égales  auxquelles  on 
donne  la  forme  sphérique.  Dans  quelques  cas  déterminés,  ces  deux  opéra- 
tions sont  suivies  de  l'enrobage,  qui  consiste  à  recouvrir  chaque  pilule 
d'une  légère  couche  d'argent,  d'or,  de  sucre,  de  gélatine  ou  d'un  enduit 
résineux,  afin  de  les  soustraire  à  l'influence  hygrométrique  de  l'air,  ou  sim- 
plement dans  le  but  de  leur  enlever  toute  saveur  repoussante. 

La  principale  difficulté  de  la  préparalion  des  pilules  consiste  dans  la 
confection  de  la  masse  pilulaire,  c'esl-à-direde  la  pâte  un  peu  ferme  qui 
sera  plus  tard  divisée  en  pilules.  On  comprend  qu'il  nous  est  impossible 
de  passer  en  revue  tous  les  cas  particuliers  qui  peuvent  se  présenter  dans 
cette  opération,  qui  paraît  fort  simple  au  premier  abord,  puisqu'elle  ne 
consiste  qu'à  épister  fortement  dans  un  mortier  la  substance  prescrite, 
soit  avec  du  sirop,  du  miel,  de  la  gomme,  du  savon,  une  poudre  absor- 
bante, etc.  Mais  si  l'on  songe  à  la  diversité  même  des  substances  qu'on 
peut  associer  pour  les  transformer  en  pilules,  aux  réactions  qui  peuvent 
résulter  de  ces  mélanges  et  qu'il  est  indispensable  de  prévoir,  on  voit 
immédiatement  qu'il  est  impossible  de  réunir,  sous  forme  de  principes, 
toutes  les  précautions  que  comportent  le  choix,  la  consistance,  la  quan- 
tité de  l'excipient. 

Toutes  les  substances  solides  qui  entrent  dans  une  masse  pilulaire  doi- 
vent être  préalablement  réduites  en  poudre  impalpable  et  parfaitement 
mélangées  avant  l'addition  de  l'excipient.  Celui-ci  peut  être  un  extrait, 
un  électuaire,  un  sirop,  du  miel  ajouté  en  quantité  strictement  suffisante 
pour  donner  au  mélange  la  consistance  pilulaire.  Le  sirop  de  sucre 
réunit  très-bien  les  poudres  mucilagineuscs  ;  celles  qui  ne  le  sont  pas  doi- 
vent être  additionnées  d'une  faible  quantité  de  gomme  adragante  ou 
de  gomme  arabique  ;  mais  il  faut  éviter  un  excès  de  ces  gommes  :  car  la 
masse  en  se  desséchant  peut  acquérir  un  tel  état  de  dureté  qu'elle  tra- 
verse les  voies  digestives  sans  se  dissoudre.  En  règle  générale  on  préférera 
donc  un  excipient  qui  se  délaye  facilement. 

Les  substances  trop  molles  pour  être  immédiatement  roulées  en  pi- 
lules, seront  additionnées  de  poudre  de  réglisse,  de  guimauve  ou  d'ami- 
don. Parfois  on  aura  avantage  à  employer  delà  magnésie,  comme  il  arrive 
pour  les  térébenthines,  ou  du  phosphate  de  chaux  qui  solidifie  très-bien, 
par  exemple,  l'onguent  mercuriel.  Les  matières  grasses  sont  facilement 
incorporées  dans  le  savon  médicinal.  Les  extraits  employés  ne  doivent  ja- 
mais être  liquides,  et  il  vaut  mieux  les  concentrer  que  d'ajouter  à  la  masse 


PIMENT. 


25 


une  grande  quantité  de  poudre  inerte.  Enfin,  les  masses  pilulaires  doi- 
vent toujours  être  plutôt  molles  que  dures,  à  moins  qu'elles  ne  soient 
rygrométriques  et  on  doit  les  épistcr  de  telle  façon  qu'elles  soient  parfai- 
tement homogènes.  Pour  les  transformer  en  pilules,  on  les  divise  au 
moyen  de  la  balance  en  plusieurs  parties  du  même  poids,  que  l'on  roule 
en  long  cylindre,  et  celui-ci  est  à  son  tour  séparé  en  un  certain  nombre 
de  parties  égales  au  moyen  d'un  instrument  spécial.  On  leur  fait  acqué- 
rir exactement  la  forme  sphérique  en  les  disquant  entre  deux  planchettes 
parfaitement  planes  ;  on  les  empêche  ensuite  d'adhérer  entre  elles  en  les 
roulant  dans  de  la  poudre  d'amidon,  d'iris  ou  mieux  de  lycopode.  On  les 
argenté  ou  on  les  dore  en  les  agitant  fortement  dans  une  boîte  avec  des 
feuilles  minces  d'or  ou  d'argent.  Il  va  sans  dire  qu'on  ne  doit  pas  appli- 
quer cette  opération  aux  pilules  qui  renferment  une  matière  susceptible 
de  se  combiner  au  métal. 

Mentionnons  seulement,  sans  nous  y  arrêter,  les  méthodes  d'enrobage  : 
à  la  gélatine  proposée  par  Garot  ;  au  baume  de  tolu  employée  par  Blan- 
card  pour  préserver  Piodure  ferreux  du  contact  de  l'air;  à  la  caséine, 
au  gluten,  etc.,  en  faisant  observer  que  ces  enveloppes  doivent  être  fort 
minces,  si  l'on  veut  que  les  pilules  se  dissolvent  dans  le  tube  digestif.  A. 
ce  point  de  vue,  l'enrobage  au  collodion,  proposé  par  Durden,  doit  être 
absolument  rejeté. 

Le  dosage  des  pilules  est  très-simple,  et  il  ne  présente  véritablement 
aucune  difficulté,  lorsqu'on  se  contente  d'énumérerlc  poids  des  substances 
actives  qui  doivent  entrer  dans  la  confection  d'une  pilule,  puis  d'indiquer 
au  bas  de  la  formule  le  nombre  de  pilules  que  l'on  désire  prescrire.  Nous 
pensons  que  cette  manière  de  formuler,  qui  laisse  au  pharmacien  la  lati- 
tude de  choisir  l'excipient  le  plus  convenable,  d'en  employer  seulement  la 
quantité  nécessaire  et  de  choisir  lui-même  le  modus  faciendi,  est  de 
beaucoup  la  plus  avantageuse;  elle  permet  d'éviter  facilement  l'obtention 
de  pilules  d'une  grosseur  démesurée. 

Les  bols  ne  diffèrent  des  pilules  que  par  leur  poids,  qui  est  plus  considé- 
rable, celui  de  ces  dernières  ne  dépassant  jamais  55  centigrammes.  Leur 
préparation  ne  présente  rien  de  particulier  :  on  leur  donne  seulement 
une  forme  ovoïde,  afin  que  les  malades  puissent  plus  aisément  les  avaler  ; 
cette  forme  médicamenteuse  est  tellement  incommode  qu'on  n'emploie 
plus  guère  aujourd'hui  que  les  bois  d'opiat  balsamique. 

E.  VlLLEJEAK. 

PIMENT.  —  On  connaît  en  matière  médicale  plusieurs  espèces  de 
piments,  dont  les  uns  sont  fournis  par  des  arbres  de  la  famille  des  Myr- 
tacées  et  les  autres  par  des  plantes  de  la  famille  des  Solanacées. 

Le  piment  de  la  Jamaïque,  le  piment  couronné  et  le  piment  Tabago 
appartiennent  au  premier  de  ces  groupes  ; 

Le  piment  des  jardins,  celui  de  Cayenne  et  celui  de  l'île  Maurice,  au 
second. 

Piment  de  la  Jamaïque  :  Il  est  constitué  par  le  fruit  du  Myrtus  Pimenta 


24  PIMENT. 

(Linné),  appelé  par  0.  Berg  Pimenta  officinalis.  C'est  une  baie  de  la 
grosseur  d'un  pois,  d'une  couleur  gris  rougeàtre,  rugueuse,  surmontée 
d'un  bourrelet  blanchâtre,  qui  représente  lis  restes  des  lobes  calicinaux. 
Ce  fruit  renferme  toujours  deux  semences  noires  à  peu  près  hémisphé- 
riques. 

Le  piment  de  la  Jamaïque  possède  une  odeur  qui  tient  le  milieu  entre 
celle  de  la  cannelle  et  celle  du  girofle.  11  la  doit  à  une  huile  essentielle 
contenue  surtout  dans  le  péricarpe. 

Le  piment  Tobago  ou  de  Tabasco,  qui  lui  ressemble  beaucoup,  est 
attribué  au  Myrlus  acris. 

Le  piment  couronné,  qu'on  nomme  encore  Poivre  deThevet,  n'existe  pas 
dans  le  commerce  de  la  droguerie;  il  vient  des  Antilles,  où  il  est  produit 
par  le  Myrlus  pimenloïdes  (Nées).  Il  est  plus  allongé  que  le  piment  de 
la  Jamaïque,  et  surmonté  par  une  large  couronne  évasée  en  entonnoir. 
Tous  ces  piments  aromatiques  ne  sont  employés  aujourd'hui  que  comme 
condiments. 

Piment  des  Jardins  :  On  doit  le  considérer  comme  le  véritable  pi- 
ment officinal,  il  est  aussi  connu  sous  les  noms  de  Corail  des  jardins, 
poivre  d'Inde  et  poivre  de  Cayenne.  La  plante  qui  le  fournit  est  originaire 
de  l'Inde,  mais  elle  est  maintenant  répandue  en  Afrique,  en  Amérique  et 
dans  presque  tout  le  midi  de  l'Europe.  C'est  le  Capsicum  annuum,  de  la 
famille  des  Solanacées,  plante  annuelle  donnant  des  baies  coniques,  sè- 
ches, rouges  et  luisantes  de  la  longueur  du  pouce,  d'une  saveur  très- 
âcre  et  même  caustique.  L'intérieur  de  ce  fruit  renferme  un  très-grand 
nombre  de  semences  plates  et  blanchâtres,  qui  ont  une  saveur  encore  plus 
prononcée  que  celle  du  péricarpe. 

Celte  âcreté  est  duc  à  une  base  organique  entrevue  par  Braconnot,  mais 
qui  n'a  été  bien  obtenue  que  par  Willing,  qui  l'a  nommée  Capsicine.  Cette 
substance  forme  avec  les  acides  azotique,  sulfuiïque  et  acétique  des  sels 
parfaitement  cristallisables.  Elle  existe  en  plus  grande  abondance  dans  le 
piment  de  Cayenne  fourni  par  le  Capsicum  frutescens,  et  dans  le  pi- 
ment de  l'île  Maurice,  qui  est  le  plus  acre  de  tous  ;  ces  deux  dernières 
sortes  sont  désignées  dans  le  commerce  sous  le  nom  de  piment  enragé. 

On  n'emploie  en  pharmacie  que  le  piment  des  jardins,  avec  lequel 
on  fait  :  1°  un  extrait  aqueux  qu'on  prescrit  à  la  dose  de  50  à  80 
centigrammes  sous  forme  de  pilules;  2°  une  poudre  dont  la  dose  va- 
rie entre  50  centigrammes  et  1  gramme;  5"  une  teinture  au  cinquième, 
qu'on  administre  en  potion  à  la  dose  de  1  à  4  grammes. 

Les  Arabes  emploient  le  piment  comme  antidysentérique  et  comme 
aphrodisiaque.  Le  docteur  Alègre  parait  avoir  obtenu  de  bons  résultats  de 
son  emploi  dans  le  traitement  des  tumeurs  hémorrhordales. 

Signalons  en  dernier  lieu,  pour  terminer,  le  Piment  royal,  dont  les 
fruits  analogues  au  poivre  sont  recouverts  d'une  couche  de  cire  végétale, 
appelée  cire  de  Gale.  11  est  produit  parle  Myrica  gale  de  la  famille  des 
Myricécs  (groupe  des  Amenlacées). 

E.  VlLLEJEAN. 


PINCES. 


25 


PINCES.  —  Ln  Pince  (du  hollandais  Pitsen,  pincer  ;  forceps  ou  vol- 
sclla,  lat. ;  Xa5(ç,  grec),  est  un  instrument  destiné  à  remplacer  l'ac- 
tion du  pouce  et  de  l'index  dans  tous  les  cas  où  les  parties  à  saisir  sont 
d'un  trop  petit  volume,  ou  sont  situées  dans  des  points  inaccessibles  aux 
doigts.  La  chirurgie  a  commencé  avec  une  pince  et  un  couteau,  et  aujour- 
d'hui encore  la  pince  est  un  des  instruments  les  plus  précieux  à  l'art 
chirurgical. 

Les  pines  que  l'on  emploie  aujourd'hui  sont  de  trois  espèces  :  4°  les 
pinces  simples,  applicables  à  la  généralité  des  opérations;  2°  les  pinces  ap- 
propriées à  quelques  opérations  en  particulier  ;  5°  la  pince  à  pression 
continue,  dont  le  mécanisme  dilfère  des  autres  pinces  ;  enfin  le  clamp 
anglais  et  ses  dérivés,  qui  ne  sont  autre  chose  eux-mêmes  que  des  dérivés 
de  l'enlérotome  de  Dupuytren,  sont  des  pinces  à  pression  continue. 

1°  Les  pinces  de  la  première  espèce  sont  : 

La  pince  à  dissection  (fig.  1),  formée  de  deux  lames  d'acier  trempé, 
soudées  à  une  de  leurs  extrémités,  au  talon,  et  dont  les  extrémités,  pre- 
nantes ou  mors,  sont  effilées,  pourvue  de  traits  de  lime  sur  la  face  interne 
du  mors.  Une  bonne  pince  à  dissection  ne  doit  serrer  que  par  la  pointe 
terminale  de  ses  mors  ;  ses  branches  doivent  être  suffisamment  larges 
pour  que  les  doigts  puissent  la  bien  tenir,  et  être  suffisamment  flexibles 
pour  que  l'on  puisse  serrer  facilement  les  deux  mors  l'un  contre  l'autre. 

La  pince  à  artères  est  une  pince  dont  les  mors  doivent  s'adapter  par  une 
large  surface,  elle  est  munie  d'un  verrou  (fig.  2)  de  diverses  formes. 

Cette  pince  n'a  pas  besoin  de  l'élasticité  de  la  pince  à  dissection.  La 
pince  de  nos  trousses  a  une  rainure  verticale  à  la  face  interne  de  ses  mors, 
pour  loger  au  besoin  la  partie  supérieure  d'une  épingle.  La  pince  à  artères 
est  en  même  temps  une  pince  à  suture.  Si  l'on  voulait  avoir  une  excellente 
pince  à  ligature  d'artères,  il  faudrait  avoir  une  pince  dépourvue  de  cette 
rainure,  et  une  autre  pince  qui  la  porterait  :  cette  dernière  serait  une 
pince  exclusivement  réservée  pour  placer  les  épingles  des  sutures. 

Tillaux  a  fait  construire  des  pinces  à  torsion  des  artères  :  ce  sont  des 
pinces  à  artères  à  mors  garnis  d'une  barre  transversale  qui  donne  au 
mors  la  forme  d'un  T;  c'est  une  modification  de  l'ancienne  pince  à  tor- 
sion de  Thierry. 

11  y  a  une  pince  en  forme  de  ciseaux  ;  les  lames  sont  remplacées  par  des 
mors  olivaires  :  c'est  la  pince  à  pansement.  Dans  nos  trousses  modernes, 
cette  pince  est  pourvue  d'un  point  d'arrêt  près  des  anneaux,  de  sorte  que 
celte  pince  à  pansement  peut  servir  à  lier  des  artères,  à  les  comprimer 
et  à  faire  une  hémostase  préventive  ou  temporaire. 

2°  Les  pinces  appropriées  à  des  opérations  spéciales  sont  : 

Les  pinces  à  griffes  droites  et  courbes,  dont  les  mors  sont  pourvus  de 
griffes  engainantes  (fig.  5). 

Les  pinces  à  mors  larges  pour  faire  la  ligature  des  artères  au  fond 
d'une  cavité. 

La  pince  à  suture  de  Bonncfin  (fig.  6). 

Les  pinces  porle-aiguilies,  constituées  par  deux  liges  pourvues  de  mors 


Fio.  G. 

2.  —  A,  verrou  démonté  ;  B,  ouverture  où  s'ad.ipic  le  verrou  ;  D,  verrou  engagé  dans  la  brandit 
femelle  E;  G,  rainure. 

».  7.—  AB.GB,  branches  latérales  de  la  pince;  F.  branebe  centrale;  1,  pelilo  tige  terminée  par 
un  boulon  quadrillé  servant  de  poiul  d'appui. 


m 


Fig.  11.  —  A,  ressorts;  B,  mors. 


Fio.  16.  -  AD,  tiges  de  la  pince-caustique,  écartées,  laissant  voir  les  cannelures  destinées  à  recevoir  la 
caustique. 

Fio.  17.  -  A,  au  premier  cran  pour  la  compression  en  masse,  pour  la  compression  préalable  ou  pré. 
«ntive  des  vaisseaux  avant  de  diviser  les  tissus,  etc.;  B,  au  deuxième  cran  ;  C,  au  trois.orae  cran  pour 
la  compression  excessive  soit  pour  l'hémostase  temporaire,  soit  pour  l'hémostase  définitive. 


28  PINCES. 

engainés  dans  une  canule  el  qu'on  serre  en  faisant  glisser  la  canule  sur 
les  mors,  sont  une  variété  de  pince  qui  a  été  remplacée  par  la  pince- 
tcnette  des  Américains  (fig.  8),  pince  dite  américaine  pour  fistule  vésico- 
vaginales. 

Les  pinces  à  griffés,  à  fixation  de  l'œil,  sont  décrites  à  l'article  Cata- 
racte, t.  VI,  p.  i 98,  luis,  t.  XIX,  p.  418,  etc.  Ce  sont  des  pinces  à  grille 
modifiées.  La  pince  de  Verduin,  pour  l'enlropion;  la  pince  à  mors  plats 
de  Desmarres,  sont  des  pinces  appropi  ices  à  une  seule  opération  et  qui  dé- 
rivent des  pinces  ordinaires.  La  pince  à  chalazion  de  Desmarres  (fig.  9) 
est  dans  le  même  cas  ;  c'est  un  instrument  spécial. 

5°  Les  pinces  à  pression  continue  sont  : 

Les  serres- fines  de  Vidal  (de  Cassis),  les  serres- forles  de  Charrière 
(fig.  10  et  11)  ;  les  petites  pinces  à  anneaux  à  point  d'arrêt,  les  pinces  à 
disséquer  à  mors  croisés  el  à  pression  continue  (fig.  12,  13,  14):  toutes 
ces  pinces  ont  été  arrangées  et  appropriées  à  des  opérations  spéciales.  Tel 
est  la  grosse  serre-fine  dont  se  servait  Guersant  pour  rapprocher  les  ailes 
du  nez  après  l'opération  du  bec-de-lièvre;  la  pince  à  pression  continue  ap- 
pliquée par  Ricord  et  Verneuil  pour  arrêter  les  hémorrhagics  de  l'amydale. 

Les  clamps  ou  pinces  articulées  à  charnière  serrée  à  l'aide  d'une  vis  ou  à 
l'aide  de  longs  manches  sont  en  certain  nombre  :  telles  sont  une  pince  ima- 
ginée par  Thierry  (fig.  15)  et  Legouest,  pour  étrangler  la  base  d'un  polype 
naso-pharyngien  ;  la  cuvette  articulée  imaginée  par  Jobert  pour  serrer  les 
hémorrlioïdes  avant  d'y  appliquer  le  caustique  (Voy.  IIémo[îrhoïdes,  t.  XVII, 
p.  429),  enfin,  les  nombreuses  pinces  porte-caustique  ou  galvano-caus- 
lique;  imaginées  par  Follin,  Desgranges,  Valette  (fig.  16)  et  Amussat  fils. 
Je  signalerais  enfin  le  clamp  appliqué  par  Allingham  aux  hémorrlioïdes, 
qui  semble  être  une  concurrence  regrettable  à  l'écraseur  linéaire  de  Chas- 
saignac. 

Enfin,  cet  article  ne  serait  pas  complet,  si  nous  ne  mentionnons  les 
pinces  des  accoucheurs  :  le  forceps  (Voy.  Forceps,  t.  XV,  p.  551),  et 
le  céphalolribe.  [Voy.  Ejibuyotomie,  t.  XII,  p.  657.) 

De  l'application  des  pinces  comme  moyen  d'hémostase.  Forcipres- 
sure.  —  Il  y  a  eu  de  tout  temps  des  chirurgiens  qui,  dans  le  cours  d'une 
opération,  se  trouvant  gênés  par  l'écoulement  du  sang  artériel  ou  veineux, 
ont  eu  l'idée  de  pincer  avec  diverses  pinces  les  vaisseaux  divisés;  ils 
tei  minaient  ensuite  l'opération,  ils  levaient  les  pinces,  liaient  les  vaisseaux 
qui  donnaient  encore,  les  tordaient  ou  les  cautérisaient.  Personne 
n'avait  songé  à  tirer  gloire  de  cette  manière  d'agir,  jusqu'à  nos  jours. 
Cependant  les  ligatures  médiates,  la  compression  médiate  pour  arrêter 
les  hémorrhagics  comprenaient  l'application  de  pinces  à  demeure  laissées 
plus  ou  inoins  longtemps.  Les  livres  classiques  du  commencement  de  ce 
siècle  renferment  ça  et  là  des  mentions  de  ce  fait;  témoin  la  Nosograpliic 
chirurgicale  de  Richerand  (1815  et  1821),  t.  III. 

Le  mémoire  publié  par  Verneuil  dans  le  Bulletin  de  la  Société  de  chi- 
rurgie contient  à  cet  égard  un  historique  qui  ne  laisse  rien  à  désirer. 

Tout  le  monde  s'est  servi  des  serres-lines  de  Vidal  de  Cassis,  pour  ai-- 


PINCES. 


29 


rêtër  des  hémorrhagies,  et  cela  est  mentionné  dans  notre  article  (Hémos- 
tase, t.  XVII  p.  454).  L'ovariotomic  et  l'application  des  pinces  à  point  d'ar- 
rêt, à  anneaux  de  Charrière,  à  l'hémostase  dans  l'ovariotomic,  ont  donné 
naissance  à  un  nouvel  emploi  des  pinces  contre  l'écoulement  du  sang.  C'est 
Kœherlé  qui  le  premier  a  fait  cet  usage  des  pinces,  et  qui  en  a  décrit  l'em- 
ploi à  l'article  Ovamotomie  de  ce  Dictionnaire,  t.  XXV,  p.  570  et  suiv.  Péan 
a  fait  un  livre  sur  la  forcipressure,  où  il  parle  de  sa  pratique  et  revendique 
l'invention  de  la  forcipressure,  qui  en  réalité  appartient  à  tout  le  monde, 
mais  on  doit  reconnaître  que  le  chirurgien  en  a  généralisé  l'emploi 
comme  moyen  d'hémostase  délinitive. 

Des  instruments  compresseurs  ont  été  d'ahord  utilisés,  avant  que  les 
fabricants  eussent  confectionné  de  bonnes  pinces  à  verrou  ou  des 
pinces  à  point  d'arrêt  :  ce  sont  les  compresseurs  de  Gra;fc  pour  les 
hémorrhagies  des  artères  méningées,  le  compresseur  de  Marcellin  Du- 
val.  La  serre-fine  de  Vidal  de  Cassis,  qui  a  vu  le  jour  en  1849,  est  le 
modèle  le  plus  parfait  de  ces  compresseurs  à  ressort;  elle  a  été  immé- 
diatement utilisée  contre  les  hémorrhagies.  Delioux  même  transforma  les 
mors  de  ces  instruments  pour  les  employer  comme  hémostatiques  en  1854. 
Mais  depuis  longtemps  déjà,  et  dans  la  trachéotomie  en  particulier,  on  avait 
utilisé  comme  moyen  d'hémostase  temporaire  les  pinces  à  verrou,  et 
même  des  pinces  à  pression  continue  imaginées  par  Charrière  pour  presser 
les  vaisseaux  lymphatiques  injectés  au  mercure,  après  l'injection.  Je  liens 
du  professeur  Richet  qui  l'a  vu  faire  à  D.  Desprès,  mon  père,  que  pour 
arrêter  le  sang  qui  gênait  pendant  la  trachéotomie,  l'emploi  de  ces  pinces 
avait  donné  tout  le  succès  désirable.  C'était  en  1846,  et  l'on  voit  qu'à  ce 
moment  la  forcipressure  était  un  peu  l'œuvre  de  tout  le  monde.  Cette 
pratique  a  été  justement  appelée  parVerneuil  la  forcipressure  de  nécéssité. 

Les  ligatures  des  artères  resteront  toujours  le  moyen  le  plus  sûr  de 
prévenir  les  hémorrhagies.  On  a  essayé  de  substituer  aux  ligatures  la 
torsion,  l'acupressure  {Voij.  ce  mot,  t.  1.  p.  588),  l'uncipressure,  c'est-à- 
dire  la  compression  dans  la  plaie  avec  des  crochets  (Vanzctti).  La  forci- 
pressure est  un  nouvel  essai  d'un  ordre  voisin;  c'est  encore  et  toujours 
l'ancienne  compression  médiate,  et  elle  ne  doit  être  employée  que  faute 
de  mieux.  Pour  les  petites  artères  ce  peut  être  une  hémostase  suffisante, 
mais  la  généralisation  de  ces  moyens  ne  prévaudra  pas  contre  la  ligature. 

Chacun  de  nous  a  sa  pratique,  et  si  nous  voulions  formuler  les  cas 
d'application  de  forcipressure,  voici  ce  que  nous  dirions  :  toutes  les  fois 
que  la  ligature  d'une  artère  qui  donne  du  sang  n'est  pas  possible,  quand 
la  torsion  est  impraticable,  on  est  autorisé  à  appliquer  une  pince  à  de- 
meure qu'on  laisse  jusqu'à  ce  qu'elle  tombe,  quitte  à  la  replacer  si  l'hé- 
morrhagie  se  renouvelle;  et  l'on  continuera  jusqu'à  l'hémostase  définitive. 

Lorsque  des  artérioles  situées  dans  des  tissus  résistants,  tels  que  le  cuir 
chevelu,  la  peau  de  la  face,  donnent,  il  faut  d'emblée  appliquer  des  pinces 
compressives,  et  les  serre-fines  de  Vidal  (de  Cassis)  du  plus  petit  modèle 
sont  ce  qu'il  y  a  de  mieux  à  employer.  Lorsqu'on  enlève  un  cancroïde  du 
nez  ou  une  loupe  du  cuir  chevelu  avec  le  bistouri,  il  n'y  a  pas  de  meil- 


30  PITYRIASIS. 

leur  moyen  d'arrêter  l'hémorrhagic.  Je  ne  lie  jamais  les  artères  à  la  suite 
de  ces  opérations  :  je  place  une  serre-fine  sur  le  point  d'où  sortie  sang, 
et  je  la  laisse  24  ou  48  heures  ;  quand  elle  a  coupé  les  tissus  et  qu'elle 
tombe  tout  est  pour  le  mieux  :  elle  a  fait  ce  que  ferait  l'écrasement  linéaire, 
elle  assure  suffisamment  l'hémostase. 

La  serre-line  droite  ou  courbe  est  la  meilleure  pince  hémostatique,  la 
pince  à  verrou  et  les  pinces  à  point  d'arrêt,  même  les  plus  petites,  telles 
que  celles  de  Collin  et  de  Mathieu,  sont  beaucoup  plus  encombrantes  et 
susceptibles  de  se  déranger  au  moindre  effort  des  malades. 

AiiAMKiEwicz.  Mechanisclien  Blulstillumgsmiltel  bei  verlelzteu  Artcrien  von  Paré  bis  auf 
die  neueslc  Zeit  (Arch.  f.  Klih.  Chirurgie  de  Langenbeck.  1872,  Ltand  XIV,  p.  95.) 

Vehneujl.  De  la  fpreipressure  (Bull,  et  Mém.  de  la  Société  de  chirurgie,  t.  I,  1875,  p.  17 
et  suiv.) 

Péah  et  Exciiaquet.  De  la  forcipressurc.  Paris,  1874. 

Vidal  (de Cassis)  Bulletin  de  la  Société  de  chirurgie;  8  août,  24  octobre  et  25  décembre  1849, 

et  Bull,  de  thérapeutique,  mai  1849,  1854,  t.  XLVI,  p.  501.  —  Traité  de  palbologie  externe. 

Paris,  1851,  t.  1;  5'  édit..  Paris,  1861. 
Gadjot  et  Sr-iLLMASN.  Arsenal  de  la  chirurgie  contemporaine,  description,  mode  d'emploi  des 

appareils  et  instruments.  Paris,  1867. 
Kœuehlé.  Bull,  et  Mé7ti.  de  la  Société  de  chirurgie,  nouvelle  série,  t.  II.  p.  768.  —  De 

l'hémostase  définitive  par  compression  excessive.  Paris,  1877.  —  Epilogue,  1878. 
Valette.  Clinique  chirurgicale.  Paris,  1875,  XIIe  Leçon. 

Catalogue  de  Charriùrc.  Paris  1802.  Armand  DeSPRÈS. 

PITYRIASIS.  —  Le  sens  étymologique  du  mot  pityriasis  équivaut 
à  une  définition;  il  vient  en  effet  du  mot  grec  ^ÎTupov  qui  veut  dire  son. 
et  il  s'applique  à  une  maladie  cutanée  caractérisée  principalement  par 
de  petites  squames  se  détachant  de  la  peau  sous  forme  de  lamelles  ou  de 
poussières  assez  semblables  à  celles  du  son  ou  de  la  farine. 

Le  pityriasis  entendu  dans  le  sens  d'une  affection  cutanée  squameuse 
superficielle,  a  été  décrit  par  les  auteurs  anciens  et  modernes;  il  a  été 
accepté  par  Willan,  et  il  figure  comme  troisième  genre  de  l'ordre  des 
squames  dans  la  classification  de  Bateman;  il  a  été  désigné  par  Aliberl 
sous  le  nom  d'herpès  furfureux  volatile,  c'est  pour  cet  auteur  une  espèce 
du  genre  herpès,  dans  la  classe  des  dermatoses  dartreuses.  Tous  les 
dcrmatologistes  contemporains  ont  conservé  ce  mot  de  pityriasis  avec  sa 
désignation  traditionnelle;  seulement  quelques-uns  d'entre  eux  parmi 
lesquels  je  citerai  Erasmus  Wilson,  Anderson,  Hcbra  et  moi-même,  frap- 
pés de  la  ressemblance  parfaite  de  certaines  formes  de  pityriasis  avec 
l'eczéma,  de  la  transformation  fréquente  de  ces  deux  maladies  entre  elles, 
et  de  la  difficulté  pratique  de  distinguer  nettement  le  pityriasis  de 
l'eczéma  sec,  ont  pensé  que,  le  plus  souvent,  le  pityriasis  pouvait  être 
rattaché  à  l'eczéma  dont  il  constitue  l'expression  la  plus  affaiblie*  Aussi, 
répétant  ici  ce  que  nous  avons  déjà  dit  à  propos  de  l'impétigo  et  du 
lichen,  et  affirmant  que,  dans  la  plupart  des  cas,  il  est  impossible  de 
dire  où  finit  le  pityriasis  et  où  commence  l'eczéma  ,  je  vais  néanmoins 
décrire  ici  le  pityriasis,  envisage  comme  forme  morbide  nosologiquc  et 
en  dehors  de  toute  question  de  doctrine. 

Comme  je  le  disais  tout  à  l'heure,  le  pityriasis  est  une  affection  cuta- 


[PITYRIASIS.  —  variétés.  31 

née  caractérisée  par  des  plaques  plus  ou  moins  étendues,  bien  ou  mal 
circonscrites,  recouvertes  de  squames  minces  et  non  imbriquées,  susceptibles 
de  se  détacher  sous  forme  de  lamelles  et  de  se  reproduire  incessamment. 
Cette  définition  générale  s'applique  à  toutes  les  variétés  de  pityriasis;  mais 
avant  d'aller  plus  loin,  je  dois  prévenir  que,  sous  le  nom  commun  de  pity- 
riasis, on  a  confondu  et  on  comprend  aujourd'hui  encore  deuxa  ffectionsbien 
différentes,  l'une  se  rapportant  aux  maladies  dites  herpétiques,  et  pre- 
nant place  à  côté  de  l'eczéma,  l'autre  de  nature  toute  spéciale,  caracté- 
risée par  la  présence  d'un  végétal  parasite  et  rentrant  dans  la  classe  des 
maladies  parasitaires;  cette  dernière  espèce  est  connue  sous  le  nom  de 
pityriasis  versicolor  ;  je  m'en  occuperai  après  la  description  du  pityriasis 
ordinaire. 

Pityriasis  herpétique.  —  Considéré  d'une  manière  générale,  le  pity- 
riasis herpétique  débute  habituellement  par  une  sécheresse  particulière 
de  la  peau  ;  cette  membrane  perd  sa  souplesse  et  son  onctuosité  nor- 
males, puis  sur  la  partie  ainsi  desséchée  apparaissent  des  squames 
fines,  blanches  ou  grises,  se  détachant  spontanément  ou  sous  l'influence 
d'un  frottement  et  se  reproduisant  d'une  manière  incessante.  Sur  ces 
parties  malades,  la  peau  est  sèche;  il  n'y  a  pas  de  suintement.  Les  écailles 
épidermiques  sont  ordinairement  fines  et  farineuses  ;  quelquefois  elles 
ont  une  dimension  un  peu  plus  grande,  elles  sont  lamelleuses,  mais 
jamais  leur  étendue  ne  dépasse  quatre  à  dix  millimètres.  Le  plus  sou- 
vent, la  peau  ne  présente  aucun  changement  de  coloration  ;  quelquefois 
cependant  la  partie  malade  est  rose  ou  rouge  à  côté  et  au-dessous  des 
squames  blanches  ou  grises.  Il  n'y  a  d'ailleurs  aucune  tuméfaction,  ou 
elle  est  si  peu  prononcée,  qu'il  faut  une  grande  attention  pour  la  constater. 

Quant  aux  symptômes  éprouvés  par  le  malade,  ils  consistent  surtout 
dans  des  démangeaisons  souvent  assez  vives  pour  provoquer  du  grattage, 
et  c'est  surtout  sous  l'intluence  du  frottement  consécutif  au  prurit  que 
se  détachent  les  squames  épidermiques  ;  la  partie  malade  est  également 
le  siège  d'un  sentiment  de  chaleur  plus  ou  moins  vive.  Bien  rarement, 
on  constate  l'existence  de  phénomènes  généraux;  il  n'y  pas  de  fièvre  ou 
s'il  survient  un  mouvement  fébrile,  il  n'est  pas  de  longue  durée  et  habi- 
tuellement la  santé  générale  n'est  pas  altérée  ;  on  peut  cependant 
rencontrer  quelquefois  avec  le  pityriasis  quelques  troubles  digestifs,  soit 
de  l'embarras  gastrique,  soit  de  la  gastralgie  ou  quelques-unes  des 
formes  de  la  dyspepsie. 

Yaiuétés.  —  Les  dermatologistes  ont  admis  plusieurs  variétés,  les- 
quelles diffèrent  de  nombre,  de  dénomination  et  de  même  de  descrip- 
tion suivant  chaque  auteur  ;  je  crois  inutile  de  les  rappeler  et  de  discuter 
leur  légitimité.  Je  pense  être  dans  l'exacte  observation  des  faits  en  ran- 
geant les  variétés  de  pityriasis  sous  quatre  espèces  différentes  qui  sont  : 
1°  le  pityriasis  blanc  ou  simple,  2°  le  pityriasis  rouge,  5°  le  pityriasis 
disséminé,  4°  le  pityriasis  pilaire.  Je  vais  indiquer  rapidement  les  parti- 
cularités propres  à  chacune  de  ces  formes. 

1°  Pityriasis  blanc  ou  simple.  —  Cette  forme  est  la  plus  commune 


32  PITYRIASIS.  —  variétés. 

et  constitue  le  vrai  type  du  genre;  Willan,  Bateman  et  même  Cazcnave 
l'ont  décrite  sous  le  nom  de  pityriasis  capitis  et  à  tort,  car  si  cette 
maladie  est  commune  au  cuir  chevelu,  elle  peut  se  développer  sur 
d'autres  régions.  Dans  son  degré  le  plus  léger,  celte  éruption  apparaît 
sous  forme  de  taches  peu  étendues,  irrégulièrement  arrondies,  de  cou- 
leur blanche  ou  grise,  très-légèrement  saillantes  et  recouvertes  de  ces 
petites  écailles  épidermiques  qui  se  détachent  sous  forme  de  lamelles, 
soit  spontanément,  soit  par  l'effet  du  grattage.  Chez  les  enfants,  le 
pityriasis  blanc  se  manifeste  souvent  au  visage  sous  cette  forme  de 
petites  plaques  farineuses  qu'on  désigne  vulgairement  sous  le  nom  de 
dartres  farineuses;  il  coïncide  souvent  avec  le  travail  de  la  dentition. 
La  chaleur  et  la  démangeaison  n'existent  qu'à  un  degré  très-modéré;  sou- 
vent môme  on  ne  constate  aucim  phénomène  subjectif. 

Le  pityriasis  blanc  peut  avoir  une  étendue  et  une  intensité  plus  consi- 
dérables, il  peut  se  développer  sur  toutes  les  régions,  mais  il  est  plus 
commun  au  visage  et  surtout  au  cuir  chevelu,  d'où  le  nom  de  pityriasis 
de  la  tête  que  j'indiquais  tout  à  l'heure;  chez  les  hommes  on  le  rencontre 
assez  souvent  sur  les  parties  du  visage  recouvertes  par  la  barbe.  Sur  les 
endroits  où  il  existe,  on  voit  des  lamelles  épidermiques  de  petite  dimen- 
sion, blanches  ou  grises,  à  moitié  détachées  et  qui  tombent  facilement 
sous  forme  d'une  poussière  mélangée  aux  cheveux  et  recouvrant  les 
habits  comme  le  ferait  la  farine,  ou  la  poudre  dont  on  se  sert  pour  les 
coiffures.  La  présence  de  ces  squames  est  souvent  accompagnée  de  déman- 
geaisons et  c'est  en  se  grattant  que  les  malades  détachent  surtout  les 
squames  et  les  font  tomber  sur  les  vêtements  et  sur  les  meubles.  J'ajoute 
que  sous  l'influence  de  cette  affection  squameuse,  il  n'est  pas  rare  de 
voir  tomber  les  cheveux;  si  la  maladie  n'est  pas  de  longue  durée,  les 
cheveux  repoussent;  mais  lorsqu'elle  s'établit  d'une  manière  chronique 
l'alopécie  peut  être  définitive,  et  on  doit  considérer  le  pityriasis  de  la  tète 
comme  une  des  causes  de  la  calvitie  précoce. 

Quelquefois  les  squames  du  pityriasis  de  la  tète  ont  des  dimensions  plus 
considérables  que  celles  que  je  viens  d'indiquer  :  elles  sont  lamellcuses 
et  ont  l'étendue  d'une  pièce  de  cinquante  centimes.  Cette  forme,  qu'on  a 
voulu  désigner  sous  le  nom  de  pityriasis  lamelleux,  débute  souvent  par 
une  rougeur  de  la  peau,  puis  l'épidémie  se  fendille  et  se  divise  en  lamel- 
les à  moitié  détachées  et  enroulées  sur  leurs  bords.  Ordinairement  il  y  a 
de  la  douleur,  de  la  chaleur;  les  cheveux  deviennent  secs,  minces,  cas- 
sants, et  tombent  facilement.  C'est  là  une  transition  entre  le  pityriasis 
blancct  le  pityriasis  rouge  ;  et  comme  cette  desquamation  est  souvent  pré- 
cédée par  une  éruption  vésiculo-purulentc  et  par  une  sécrétion  humide, 
il  est  impossible  dans  ces  cas  de  séparer  nettement  le  pityriasis  de  l'eczéma. 

2"  Pityriasis  rouge.  —  Cette  variété  est  constituée  par  l'existence  sur 
la  peau  de  taches  rouges,  roses  ou  brunes,  bien  délimitées,  de  forme 
arrondie  ou  irrégulière,  séparées  les  unes  des  autres  par  des  intervalles  de 
peau  saine  ou  réunies  en  groupes  par  la  fusion  d'un  des  points  de  leur 
circonférence  et  figurant  assez  bien  des  dessins  semblables  à  ceux  qu'on 


PITYRIASIS.  —  variétés.  33 

trouve  sur  les  cartes  de  géographie.  Ces  taches,  légèrement  saillantes, 
sans  aucune  humidité,  sont  recouvertes  de  squames  épidermiques  grisâ- 
tres, ordinairement'adhérenles,  et  qu'on  n'enlève  sous  forme  de  lamelles 
qu'au  moyen  d'un  froltement  assez  fort.  Ces  squames  sont  minces,  sont 
foliacées  et  ne  présentent  jamais  la  disposition  imbriquée  et  superposée 
qu'on  rencontre  dans  le  psoriasis. 

Le  pityriasis  rouge  se  développe  particulièrement  à  la  face,  au  cou,  à 
la  région  préstcrnale,  dans  le  dos,  aux  mains  et  aux  pieds  ;  il  s'accompagne 
de  chaleur  et  de  prurit  ;  chez  les  sujets  impressionnables,  il  peut  exister 
au  début  un  léger  mouvement  fébrile  qui  disparaît  facilement.  Comme 
coïncidence  assez  fréquente,  on  constate  des  douleurs  d'estomac,  de  la 
flatulence,  de  la  dyspepsie. 

Le  pityriasis  rouge  revêt  souvent  la  forme  aiguë  et  se  termine  dans  l'es- 
pace de  quatre  à  huit  semaines  ;  mais,  d'autres  fois,  la  maladie  persiste 
ou  se  renouvelle  par  éruptions  successives,  et  la  disparition  complète  n'a 
lieu  qu'au  bout  de  plusieurs  mois, 

Celte  éruption,  que  je  viens  de  décrire  sous  le  nom  de  pityriasis  rouge, 
se  confond  complètement  avec  l'eczéma  sec;  il  m'est  impossible  de  saisir 
aucune  différence  entre  les  deux  étals  morbides  désignés  sous  ces  deux 
dénominations  :  pour  moi  c'est  une  seule  et  même  affection,  à  laquelle 
on  peut  appliquer  indifféremment  l'un  ou  l'autre  nom.  Mais  ce  que  je  dis 
ici  ne  s'applique  pas  à  la  maladie  décrite  par  Dcvergie  sous  le  titre  de 
pityriasis  rubra,  et  caractérisée  par  des  plaques  rouges,  d'une  étendue 
assez  considérable,  sur  lesquelles  suinte  un  liquide  peu  abondant,  qui 
empèse  légèrement  le  linge,  et  qui  se  recouvrent  plus  lard  de  squasmes 
s'enroulant  sur  leurs  bords  et  tombant  en  se  renouvelant  incessamment; 
.dans  ces  cas  on  voit  la  peau  s'épaissir,  l'épidémie  se  rider  et  le  tissu  cel- 
lulaire sous-cutané  se  tuméfier  légèrement.  Dans  d'autres  circonstances 
la  rougeur  s'étend  avec  une  telle  rapidité,  qu'en  peu  de  jours  clic  peut 
envahir  la  totalité  de  l'enveloppe  cutanée  ;  alors  les  squames  sont  larges, 
foliacées;  et,  dans  les  deux  observations  qu'il  rapporte,  Devergie  a  cons- 
taté l'apparition  de  bulles  pemphigoïdes.  Il  est  évident  que  dans  cette 
description,  il  ne  s'agit  pas  d'un  véritable  pityriasis,  mais  bien,  soit  d'un 
eczéma, lorsqu'on  rencontre  des  plaques  rouges,  résistantes,  avec  épaissis- 
semenl  de  la  peau  et  infiltration  du  tissu  cellulaire  sous-cutané,  soit 
même  d'un  pemphigus,  lorsqu'à  la  rougeur  et  aux  squasmes  foliacés 
■viennent  se  joindre  des  bulles. 

llobra,  qui  confond  complètement  le  pityriasis  avec  l'eczéma,  décrit 
cependant,  sous  le  nom  de  pityriasis  rubra  universalis,  une  affection 
cutanée  caractérisée  par  une  rougeur  vive  de  la  peau  et  par  une  desqua- 
mation lamelleuse  incessante.  Il  est  facile  de  reconnaître  dans  celte  ma- 
ladie grave,  qui  se  termine  habituellement  par  la  mort,  la  dermile  exf'o- 
liatrice  de  Bazin,  laquelle  n'est  pour  moi  qu'un  pcmpbique  foliacé, 
l  5°  Pityriasis  disséminé.  Cette  affection,  désignée  par  certains  auteurs 
sous  le  nom  de  pityriasis  rubra  généralisé,  a  été  décrite  par  Bazin  sous 
le  nom  de  pityriasis  pseudo-cxanthémalique,  avec  l'indication  de  deux 

KOUV.  DICT.  MÉD.  F.T  Cllin.  XXVIII    3 


34  PITYRIASIS.  —  variétés. 

variétés:  l'Une,  pityriasis  maculeux,  l'autre,  pityriasis  circiné  ;  moi- 
même  je  l'ai  mentionnée,  dans  mes  leçons  sur  les  maladies  de  la  peau, 
sous  la  dénomination  de  pityriasis  circiné,  à  cause  de  la  l'orme  habi- 
tuellement arrondie  des  taches;  je  crois  préférable  de  lui  donner  le  nom 
de  pityriasis  disséminé,  en  considérant  l'étendue  de  l'affection  distribuée 
dans  plusieurs  régions,  alors  que  dans  les  autres  formes  du  pityriasis 
l'éruption  est  circonscrite  et  bien  délimitée.  Le  pityriasis  disséminé  est 
caractérisé  par  le  développement  d'une  quantité  considérable  de  petits 
disques  irrégulièrement  arrondis  ou  ovalaires,  d'une  couleur  rose  ou 
grise,  et  recouverts  par  de  petites  squames  épidermiques.  Ces  disques 
sont  ordinairement  assez  rapprochés,  quelques-uns  même  se  touchent  par 
leurs  bords  très-légèrement  saillants.  L'éruption  est  sèche  et  éminem- 
ment squameuse;  j'ai  rencontré  cependant  quelquefois  quelques  vésicules 
mêlées  aux  écailles  épidermiques,  et  j'ai  constaté  sur  quelques  plaques 
une  légère  sécrétion  séreuse  se  convertissant  en  croûtes  très  superfi- 
cielles. Au  début  de  la  maladie,  la  couleur  rosée  est  assez  accentuée, 
mais  elle  s'affaiblit  graduellement  de  manière  à  passer  au  gris,  et,  après 
quelques  semaines,  la  maladie  n'est  plus  caractérisée  que  par  des  taches 
formées  par  les  squames  épidermiques  grisâtres,  toujours  groupées  de 
manière  à  figurer  des  dessins  arrondis  ou  irréguliers,  mais  bien  délimi- 
tés. Ces  squames,  minces,  foliacées,  d'une  petite  étendue,  sont  assez 
adhérentes  ;  au  début,  elles  sont  assez  nombreuses  ;  plus  tard,  les  lamel- 
les épidermiques  deviennent  plus  rares,  et  à  la  fin  la  maladie  n'est  plus 
caractérisée  que  par  des  taches  grises  à  peine  squameuses.  Dans  le  com- 
mencement de  la  maladie,  il  y  a  quelquefois  quelques  douleurs  erratiques 
dans  les  membres,  un  sentiment  de  courbature  générale,  une  diminution 
de  l'appétit  et  un  léger  mouvement  de  fièvre.  Les  malades  ressentent  éga- 
lement des  démangeaisons,  des  cuissons,  de  la  chaleur  et  même  quelque- 
fois des  élancements  dans  les  parties  du  corps  recouvertes  par  l'éruption. 

Le  pityriasis  circiné  se  développe  principalement  au  tronc  et  à  la 
partie  supérieure  des  membres  ;  il  est  bien  rare  qu'on  en  rencontre  au 
visage,  aux  pieds  et  aux  mains.  La  maladie  se  comporte  ordinaire- 
ment comme  une  affection  aiguë  ;  sa  durée  est  de  trois  à  huit  semaines  ; 
il  n'est  pas  très  rare  cependant  de  voir  des  pityriasis  disséminés  se  pro- 
longer pendant  trois  mois,  six  mois  et  même  davantage. 

4°  Pityriasis  pilaire.  —  On  désigne  sous  ce  nom  une  affection  de  la 
peau  caractérisée  par  l'existence  d'une  multitude  de  petites  aspérités 
donnant  à  la  région  atteinte  l'aspect  exagéré  de  ce  qu'on  appelle  vul- 
gairement chair  de  poule.  Dans  cette  maladie  qui  siège  principalement 
au  dos  des  mains,  à  la  face  dorsale  des  pieds,  quelquefois  même  sur  les 
membres,  rarement  sur  le  tronc,  la  peau  est  dure,  rugueuse,  hérissée 
de  petites  saillies  ducs  à  l'existence  de  squames  qui  coiffent  l'oiilice 
des  follicules  pileux  cl  qui  entourent  le  collet  du  poil;  dans  les  endroits 
où  existent  ces  squames,  la  peau  est  souvent  rouge  ou  brune. 

Le  pityriasis  pilaire  est  rare,  Devergie  en  cite  trois  observations;  pour 
ma  part  j'en  ai  rencontré  cinq  ou  six  exemples.  C'est  du  icste  une 


PITYRIASIS.    MARCHE.    DIAGNOSTIC.  35 

maladie  de  longue  durée  et  souvent  incurable.  Cette  résistance  aux 
moyens  thérapeutiques ,  l'association  de  cette  forme  de  pityriasis  avec 
une  sécheresse  particulière  de  la  peau  à  la  paume  des  mains  et  à  la 
plante  des  pieds,  m'ont  engagé  à  la  séparer  du  genre  pityriasis  et  à  la 
rattacher  à  l'icthyosc  et  principalement  à  l'icthyose  cornée,  en  la  consi- 
dérant comme  une  véritable  difformité  de  la  peau. 

Marche.  —  Il  faut  bien  savoir  que  le  pityriasis  tel  que  nous  l'avons 
décrit,  principalement  dans  les  variétés  de  pityriasis  blanc  ou  rouge  débute 
souvent  par  une  éruption  eczémateuse,  les  caractères  de  l'affection  squa- 
meuse n'apparaissent  que  plus  tard;  de  même  qu'il  n'est  pas  rare  de  voir 
un  suintement  eczémateux  susceptible  de  se  convertir  en  croûtes  venir 
remplacer  la  sécrétion  sèche  du  pityriasis.  Quelquefois  cependant  la  sé- 
cheresse de  la  peau  est  permanente  et  le  pityriasis  existe  seul  sans  mélange  ; 
c'est  ce  qu'on  voit  surtout  dans  les  cas  de  pityriasis  disséminé  qui  semble 
bien  former  un  type  morbide  distinct.  De  même  pour  le  pityriasis  pilaire 
dont  l'aspect  ne  varie  pas  et  persiste  indéfiniment. 

Une  fois  développé  le  pityriasis  a  une  durée  variable,  mais  souvent 
assez  longue;  le  pityriasis  de  la  barbe  et  du  cuir  chevelu  se  prolonge 
souvent  pendant  des  mois  et  des  années,  et  s'il  cède  à  un  traitement  appro- 
prié, les  récidives  sont  faciles  et  habituelles.  Le  pityriasis  rouge  est  sou- 
vent également  tenace,  il  récidive  également  sous  l'influence  de  la  moin- 
dre cause  et  principalement  à  la  suite  d'écarts  de  régime. 

Diagnostic.  —  La  sécheresse  de  la  peau  avec  ou  sans  coloration  rouge, 
la  présence  des  squames  épidermiques,  minces,  foliacées  ou  pulvérulentes, 
l'existence  habituelle  de  chaleur  et  de  prurit,  l'absence  ou  le  peu  d'inten- 
sité des  phénomènes  généraux  caractérisent  suffisamment  le  pityriasis 
pour  que  cette  maladie  puisse  être  reconnue  facilement  et  être  distin- 
guée des  autres  affections  de  la  peau  dans  lesquelles  on  rencontre  des 
squames.  C'est  ainsi  qu'on  établira  facilement  la  différence  entre  la  ma- 
ladie qui  nous  occupe  et  le  psoriasis,  cette  dernière  affection  présentant 
des  plaques  squameuses,  argentines,  saillantes,  imbriquées  et  reposant 
sur  des  taches  d'une  coloration  brune  foncée  ;  dans  les  cas  douteux, 
l'adhérence  des  squames,  la  saillie  plus  marquée  des  plaques,  leur  déli- 
mitation bien  plus  précise,  leur  siège  d'élection  aux  membres  et  parti- 
culièrement aux  coudes  et  au-dessous  de  la  saillie  rotulienne,  la  récidive 
de  l'éruption  squameuse,  l'existence  d'autres  taches  éruptives  mieux  carac- 
térisées sont  des  caractères  qui  serviront  à  faire  reconnaître  le  psoriasis. 

L'ichtyose  se  reconnaît  ordinairement  très-facilement  à  la  sécheresse  de  la 
peau  cl  à  l'existence  d'écaillés  épidermiques  adhérentes,  à  l'étendue  et  à 
la  permanence  de  l'altération  cutanée,  aussi  bien  qu'à  l'absence  de  tcul 
symptôme  local  ou  général.  Toutefois,  dans  l'icthyose  locale,  la  diffor- 
mité de  la  peau  ressemble  tellement  au  pityriasis  par  la  couleur,  par  la 
sécheresse  et  la  desquamation  de  la  peau  que  le  plus  ordinairement  on 
croit  à  l'existence  du  pityriasis  el  que  l'erreur  dans  le  diagnostic  entraîne 
une  erreur  dans  le  pronostic  et  dans  le  traitement ,  l'icthyose  même 
localisée  étant  incurable  et,  ne  devant  indiquer  qu'un  traitement  local 


56  PITYMASIS.  —  diagnostic. 

pallialif.  Cette  confusion  est  d'autant  plus  commune  et  plus  facile  que 
l'ichthyose  localisée  se  rencontre  fréquemment  aux  régions  où  se  déve- 
loppe souvent  le  pityriasis,  savoir,  au  cuir  chevelu,  aux  sourcils,  au 
visage  et  principalement  aux  joues.  Dans  ces  circonstances  on  reconnaî- 
tra l'ichtyosc  à  l'ancienneté  et  à  la  ténacité  des  taches  squameuses,  à  la 
rougeur  plus  prononcée,  à  la  délimitation  bien  marquée  de  la  lésion  et 
surtout  à  la  disposition  symétrique  absolue  qui  existe  des  deux  côtés  du 
corps,  relativement  au  siège  et  à  l'étendue  des  taches.  J'ai  déjà  dit  que 
la  maladie  décrite  sous  le  nom  de  pityriasis  pilaire  n'était  qu'une  variété 
d'ichtyose  cornée,  je  n'y  reviendrai  pas. 

11  est  plus  difficile  d'établir  la  distinction,  entre  le  pityriasis  et  l'ec- 
zéma ;  pour  ma  part,  je  l'ai  répété  plusieurs  fois,  je  ne  connais  pas  les 
limites  précises  qui  existent  entre  ces  deux  maladies;  quoique  dénom- 
mées différemment,  elles  ne  sont  que  des  degrés  d'une  seule  et  même 
affection  et  je  ne  vois  a-ucune  différence  entre  l'eczéma  sec  et  le 
pityriasis;  aussi  sans  entreprendre  un  diagnostic  différentiel  impossible 
à  établir  d'une  manière  absolue,  je  dirai  que  l'eczéma  est  carac- 
térisé par  une  sécrétion  séro-purulente  et  par  des  croûtes,  tandis  qu'on 
réserve  le  nom  de  pityriasis  à  la  même  affection  dans  laquelle  la  peau  est 
toujours  sèche  et  couverte  de  squames  fines  et  non  superposées. 

Le  pityriasis  a  été  souvent  confondu  avec  le  pemphigus  foliacé;  j'ai  eu 
occasion  de  signaler  l'opinion  de  Devergie  et  d'IIébra,  qui  ont  décrit  sous 
le  nom  de  pityriasis  rubra,  une  affection  grave  et  étendue  qui  appar- 
tient véritablement  au  pemphigus  foliacé;  l'étendue,  souvent  même 
l'universalité  de  l'affection,  sa  gravité,  la  largeur  des  squames,  la  rougeur 
vive  de  la  peau  sont  des  signes  à  l'aide  desquels  on  devra  distinguer  le 
pemphigus  foliacé  du  pityriasis;  l'apparition  de  quelques  bulles,  qui  a 
lieu  quelquefois,  vient  beaucoup  aider  au  diagnostic. 

Dans  les  cas  de  pityriasis  disséminé  alors  que  la  maladie  est  caractérisée 
par  des  plaques  en  cercles  dont  les  bords  sont  bien  délimites,  il  est  impor- 
tant de  distinguer  l'affection  pityriasique  de  la  tricophylie  circinée 
(herpès  circiné),  maladie  parasitaire  causée  par  la  présence  du  tricophy- 
ton  dans  les  lames  de  l'épiderme.  Ce  diagnostic  est  ordinairement  facile 
en  raison  du  siège,  du  nombre  et  du  peu  d'étendue  des  plaques  de  pity- 
riasis qu'on  rencontre  surtout  sur  le  tronc  et  sur  la  partie  supérieure  des 
membres,  et  .qui  sont  groupées  sous  forme  de  petites  taches  nombreuses, 
d'une  forme  arrondie  un  peu  irrégulière  et  d'une  médiocre  étendue,  tandis 
que  les  plaques  de  tricophytie  se  rencontrent  principalement  sur  les  parties 
découvertes,  au  visage,  au  cou,  aux  avant-bras  ou  au  dos  des  mains  ;  ces 
plaques,  peu  nombreuses,  isolées,  sont  constituées  par  des  cercles  régu- 
liers, qui  s'agrandissent  rapidement,  le  centre  se  guérissant  et  la  circonfé- 
rence squameuse  envahissant  les  surfaces  voisines,  dételle  sorte  qu'en 
quelques  jours  les  plaques  ont  acquis  des  dimensions  doubles  et  triples 
de  leur  étendue  première.  J'ajouterai  encore  que,  sur  le  liséré  saillant  et 
squameux  qui  torme  la  circonférence  des  plaques  parasitaires,  on  peut 
quelquefois  reconnaître  l'existence  de  quelques  vésicules  ou  de  quelques 


PITYRIASIS.  — >  pronostic.  —  étiologie.  —  akatomie  pathologique.  57 

pustules,  qu'on  retrouve  bien  plus  rarement  dans  le  pityriasis.  Enfin,  au 
milieu  des  squames,  ou  mieux,  sur  quelques  poils  Follets,  un  examen  mi- 
croscopique pourrait  faire  reconnaître  la  présence  des  pores  de  tricophyton. 

Il  est  encore  une  affection  qu'on  peut  confondre  avec  le  pityriasis  cir- 
conscrit, c'est  la  scrofulide  érythémato-squameuse,  caractérisée  par  des 
taches  rouges,  squameuses  d'une  bénignité  apparente.  La  saillie  de  la 
plaque,  sa  couleur  violacée,  l'adhérence  des  squames,  la  longue  durée  de 
la  maladie  qui  se  prolonge  sans  changement  pendant  des  années,  la  gue- 
rison  avec  une  cicatrice  indélébile ,  la  concomitance  de  quelque  autre  mani- 
festation actuelle  ou  ancienne  de  scrofule  sont  les  caractères  principaux 
qui  appartiennent  à  la  scrofulide  et  qui  la  distinguent  du  pityriasis. 

Pronostic  —  Les  diverses  variétés  du  pityriasis  sont  des  affections  dé- 
nuées de  gravité,  et  qui  constituent  seulement  des  lésions  incommodes 
pour  les  malades,  à  cause  des  démangeaisons  qu'elles  entraînent  souvent 
à  un  degré  assez  prononcé,  ou  parce  qu'elles  se  développent  quelquefois 
sur  des  parties  découvertes,  et  que  les  taches  sont  apparentes.  J'ajouterai 
que  le  pityriasis  du  cuir  chevelu  est  souvent  très  tenace,  et  que,  lorsqu'il 
se  prolonge  longtemps  ou  qu'il  se  reproduit  fréquemment,  il  peut  être 
une  cause  de  calvitie  précoce,  principalement  chez  les  sujets  goutteux. 

Etiologie.  —  Le  pitysiaris  se  développe  à  tous  les  âges;  les  plaques 
du  pityriasis  blanc  simple  sont  communes  cbez  les  enfants,  principale- 
ment au  moment  de  la  première  et  de  la  seconde  dentition  ;  le  pityriasis 
disséminé  est  observé  principalement  chez  les  jeunes  gens  et  dans  l'âge 
adulte;  il  parait  plus  commun  au  printemps  et  pendant  l'été  que  pendant 
les  saisons  froides.  Le  pityriasis  rouge  circonscrit  se  rencontre  plus  fré- 
quemment chez  les  adultes  et  chez  les  gens  d'un  certain  âge;  il  est  quel- 
quefois associé  à  des  névralgies,  à  des  troubles  gastriques  ou  à  des  mani- 
festations goutteuses  ;  ce  qui  a  fait  dire  à  Bazin  que  cette  affection  était 
ordinairement  de  nature  arthritique. 

Comme  l'eczéma,  le  pityriasis  peut  se  développer  sous  l'influence  de 
l'hérédité  ;  il  est  quelquefois  le  résultat  d'une  alimentation  trop  stimulante, 
de  fatigues,  et  particulièrement  de  veilles,  quelquefois  d'émotions  vives. 
Plus  rarement  il  survient  à  la  suite  d'une  inflammation  accidentelle  delà 
peau  par  des  frictions  rudes  ou  par  l'application  de  quelques  substances 
irritantes. 

Anatomie  pathologique.  —  Il  n'y  a  pas  à  faire  d'anatomie.  pathologique 
ni  d  histologie  à  propos  du  pityriasis,  c'est  une  lésion  très-superficielle  de 
la  peau  caractérisée  par  une  produclion  surabondante  d'épidei  mc  et  par 
une  évolution  trop  rapide  des  cellules  du  corps  muqueux,  lesquelles 
s'atrophient,  meurent  avant  que  l'épiderme  ait  acquis  toute  sa  solidité  cl 
entraînent  sa  chute  sous  forme  de  squames.  Dans  le  pityriasis  pilaire,  des 
couches  d'épiderme  corné  sont  sécrétées  dans  la  gaîne  du  poil  et  s'accu- 
mulent autour  de  sa  tige.  Plus  tard  le  poil  est  rompu  par  celte  production 
cornée,  et  il  ne  resteplus  que  la  saillie  rugueuse,  formée  par  l'épidémie. 

En  1874,  Malasscz  a  trouvé,  dans  les  squames  épidermiques  provenant 
du  pityriasis  de  la  tète,  un  parasite  siégeant  dans  la  couche  cornée  de 


58  PITYRIASIS.  —  nature.  —  traitement. 

l'épidémie  et  constitué  uniquement  par  des  spores,  allongées  et  bourgeon- 
nantes, d'un  très  petit  diamètre  (de  5  à  2  ;  l'auteur  de  celte  décou- 
verte fait  jouer  à  ce  parasite  un  rôle  important  dans  la  production  de 
l'alopécie  qui  accompagne  et  suit  certains  pityriasis  rebelles.  Sans  vouloir 
contester  les  résultats  des  recherches  de  Malassez,  je  n'attribue  au  para- 
site du  pityriasis  qu'une  importance  secondaire;  il  me  paraît  plutôt  une 
conséquence  accidentelle  que  la  cause  de  la  maladie,  et  sa  fréquence  ne 
me  suffit  pas  pour  faire  ranger  le  pityriasis  de  la  tète,  maladie  non  con- 
tagieuse, parmi  les  affections  primitivement  parasitaires. 

Nature.  —  L'étiologie  du  pityriasis  qui  est  la  même  que  celle  de  l'ec- 
zéma, la  ressemblance  avec  cette  dernière  maladie,  le  siège  superficiel  de 
l'éruption,  la  facilité  des  récidives,  la  guérison  obtenue  à  l'aide  des  moyens 
de  traitement  qui  réussissent  habituellement  dans  l'eczéma,  portent  à 
penser  quelle  pityriasis  est  une  maladie  de  même  nature  que  l'eczéma  et 
qu'il  est  la  manifestation  d'une  même  disposition  constitutionnelle.  Aussi 
je  ne  fais  pas  difficulté  de  ranger  le  pityriasis  parmi  les  éruptions  dites 
dartreuses  ou  herpéliques  (Voy.  art.  Dahtre,  t.  X,  p.  695  et  Eczé.ua, 
t.  XII,  p.  575)  dont  il  me  paraît  être  l'expression  la  plus  affaiblie. 

Traitement.  —  La  thérapeutique  du  pityriasis  comprend  l'emploi  des 
modificateurs  généraux  et  celui  des  moyens  locaux  appliqués  lopiquement 
pour  combattre  le  pityriasis;  ces  derniers  suffisent  quelquefois  pour  rendre 
à  la  peau  son  aspect  normal  ;  leur  utilité  est  incontestable,  mais  je  crois  à 
l'efficacité  et  même  à  la  nécessité  habituelle  d'un  traitement  général  pour 
accélérer  la  guérison  et  surtout  pour  prévenir  les  récidives  trop  promptes. 

Au  premier  rang  des  médicaments  internes  indiqués  dans  le  traitement 
du  pityriasis,  je  placerai  les  préparations  alcalines  et  principalement  le  bi- 
carbonate de  soude.  Dans  le  pityriasis  rouge  qui  est  observé  souvent  chez 
les  sujets  goutteux,  dans  le  pityriasis  disséminé,  les  alcalins  sont  très 
utiles  ;  ils  donnent  également  de  bons  résultats,  mais  à  un  moindre  degré, 
dans  le  pityriasis  simple  et  particulièrement  dans  le  pityriasis  de  la  barbe 
et  du  cuir  chevelu.  On  a  conseillé  également  avec  raison  l'emploi  des  sels 
arsénicaux  :  l'arséniate  de  soude  est  administré  avec  avantage,  mais  je  le 
prescris  souvent  après  les  alcalins,  lorsque  la  maladie  a  résisté  ;  et  dans 
ces  cas  j'associe  le  bi-carbonate  de  soude  à  l'arséniate  de  soude,  en  don- 
nantehaquejour,  avant  le  déjeuner  et  le  dîner,  une  cuillerée  à  bouche  de  la 
solution  suivante  : 

Eau  distillée   500 

Bi-carbonate  de  soude  20 'r 

Arséniatc  de  soude   0  '',  10e 

Chez  les  sujets  lymphatiques,  dans  les  cas  de  pityriasis  rouges  tenaces, 
fixés  aux  aisselles,  aux  aines,  au  cou,  je  me  suis  trouve  assez  bien  de 
l'emploi  de  l'arséniate  de  fer,  en  pilules,  à  la  dose  de  2  à  5  centigrammes 
par  jour.  Le  soufre  et  les  préparations  sulfureuses  sont  indiqués  dans  le 
traitement  du  pityriasis,  principalement  lorsqu'il  s'agit  du  pityriasis  de 
la  barbe  ou  du  cuir  chevelu  ;  j'ai  obtenu  des  succès,  dans  ces  cas,  de 
l'administration  des  fleurs  de  soufre  à  la  dose  quotidienne  de  1  à 


PITYRIASIS.  —  TRAITEMENT. 


59 


2  grammes  ou  du  sirop  sulfureux  de  Crosnier.  C'est  un  bon  moyen  à 
employer  contre  les  pityriasis  succédant  à  l'eczéma.  On  a  encore  conseillé 
les  amers  et  les  reconstituants;  leur  emploi  peut  être  utile  chez  les  indi- 
vidus lymphatiques  ou  scrofuleux.  Lorsque  le  pityriasis  survient  chez  les 
enfants,  sous  la  forme  désignée  par  le  nom  de  dartre  farineuse,  on  peut 
employer  avec  avantage  le  sirop  antiscorbutique,  le  phosphate  de  chau* 
ou  l'huile  de  fo:e  de  morue. 

Je  dois  à  peine  mentionner  l'usage  des  purgatifs  qui  n'ont  qu'une 
action  bien  faible  sur  la  guérison  du  pityriasis.  Ils  peuvent  être  indiqués 
au  début  du  la  maladie  lorsqu'existent  quelques  phénomènes  généraux, 
quelques  signes  d'embarras  gastriques,  ou  pour  remplir  quelqu'indica- 
tion  spéciale. 

Au  traitement  général  que  je  viens  d'indiquer,  on  doit,  d'ailleurs, 
ajouter  des  moyens  topiques  dont  l'utilité  est  évidente;  au  début, 
principalement  dans  le  pityriaris  rouge,  lorsqu'on  constate  quelques 
phénomènes  d'inflammation  cutanée,  on  doit  avoir  recours  aux  lotions 
émollientes,  avec  des  décoctions  de  laitue  ou  de  guimauve ,  avec  des 
infusions  légèrement  astringentes  de  tiges  de  mélilot  ou  de  fleurs  de 
sureau,  aux  grands  bains  tièdes  rendus  émollients  par  l'addition  de  son 
ou  d'amidon  ;  mais  plus  tard  ou  même  dès  le  commencement  de  la  mala- 
die, lorsqu'il  n'y  a  pas  de  signes  d'inflammation,  on  aura  recours  à  l'ap- 
plication de  topiques  résolutifs  ou  astringents  et  aux  bains  alcalins  et 
sulfureux.  Les  lotions  qui  réussissent  le  mieux,  sont  celles  faites  avec  de 
l'eau  blanche  très  peu  chargée  d'acétate  de  plomb,  avec  une  solution  très 
légère  de  sulfure  de  potassium,  avec  de  l'eau  phagédénique  coupée  avec 
beaucoup  d'eau  tiède,  avec  une  solution  très-faible  de  sublimé,  au  mil- 
lième au  plus.  Les  pommades  qui  restent  plus  longtemps  en  contact  avec 
la  peau,  sont  plus  utiles  encore  que  les  liquides  et  sont  très  souvent  em- 
ployées dans  le  traitement  du  pityriasis  simple  et  du  pityriasis  rouge,  et 
même  à  la  fin  du  pityriasis  disséminé,  alors  que  les  taches  tardent  trop  à 
disparaître  sous  l'influence  de  la  médication  alcaline  et  arsenicale.  Les 
pommades  qu'on  devra  employer  sont,  au  début,  celles  à  base  d'oxyde  de 
zinc,  au  trentième  ou  au  quinzième;  plus  tard,  les  pommades  au  goudron, 
à  l'huile  de  cade  au  vingtième  ou  au  dixième,  au  calomel  au  centième 
ou  au  cinquantième,  à  l'onguent  citrin  mélangé  avec  dix  parties  d'axonge 
ou  de  cold-cream.  Dans  le  pityriasis  du  cuir  chevelu  et  de  la  barbe,  je  me 
suis  souvent  bien  trouvé  de  l'emploi  d'une  pommade  sulfureuse  préparée 
en  ajoutant  à  un  corps  gras  inerte,  un  trentième  ou  même  un  soixantième 
de  fleurs  de  soufre.  Dans  le  pityriasis  pilaire,  que  je  considère  comme 
une  icthyose  locale,  le  traitement  général  n'a  aucune  action  ;  il  ne  faut 
employer  que  des  bains  savonneux,  alcalins  ou  sulfureux  et  que  des  pom- 
mades contenant  une  dose  assez  forle  de  substances  actives  et  particuliè- 
rement l'huile  de  cade  mêlée  à  trois  ou  quatre  parties  d'huile  ou  d'axonge. 
Comme  on  l'a  déjà  dit,  le  traitement  est  alors  seulement  palliatif.  Aux  lo- 
tions et  aux  pommades,  on  doit  ajouter  l'emploi  des  bains  qui  seront  émol- 
lients, alcalins  ou  sulfureux,  suivant  le  degré  d'inflammation  cutanée. 


40  PITYRIASIS.^         P.  PARASITAIRE  OU  VERSICOLOR. 

Je  ne  dois  pas  négliger  de  dire  que  dans  le  traitement  du  pityriasis, 
comme  dans  celui  de  l'eczéma,  les  moyens  hygiéniques  sont  indispensa- 
bles pour  aider  l'action  des  remèdes  internes  et  externes.  Les  malades 
devront  s'abstenir  de  tous  les  aliments  stimulants,  tels  que  les  poissons, 
les  coquillages,  les  préparations  de  porc,  le  gibier,  les  salaisons,  les  mets 
épicés,  le  vin  pur,  le  café,  les  liqueurs  alcooliques.  Ils  devront  éviter 
toute  cause  de  fatigue,  tout  excès  et  particulièrement  les  veilles. 

Enfin,  dans  les  cas  de  pityriasis  rebelles  ou  récidivants,  on  pourra 
avoir  recours,  avec  avantage,  aux  eaux  minérales  prises  en  boisson,  en 
bains  et  même  en  douches  d'eau  pulvérisée  projetées  sur  les  régions 
malades.  Les  eaux  les  mieux  indiquées  sont  les  eaux  alcalines  et  les  eaux 
sulfureuses  :  les  eaux  de  Plombières,  de  Royat  sont  souvent  très  efficaces 
contre  les  pityriasis  développés  chez  des  individus  soupçonnés  de  goutte; 
les  eaux  sulfureuses  de  Schinznach,  de  Bagnères-de-Luchon,  d'Aix-la-Cha- 
pelle, d'Ax,  de  Saint-IIonoré ,  sont  mieux  indiquées  chez  les  individus 
lymphatiques  et  scrofuleux;  celles  de  Saint-Gervais  réussissent  très  bien 
dans  le  pityriasis  simple,  dans  le  pityriasis  rouge  et  dans  les  cas  où 
l'affection  squameuse  a  été  précédée  d'eczéma,  ou  bien  encore  chez  les 
malades  dont  la  peau  est  irritée  facilement  par  l'action  des  topiques,  même 
peu  énergiques.  Comme  pour  les  eczémateux,  l'air  de  la  mer  est  mauvais 
aux  personnes  atteintes  de  pityriasis  ;  il  détermine  souvent  chez  elles  des 
phénomènes  d'inflammation  cutanée,  et  je  l'ai  vu  plusieurs  fois  transfor- 
mer le  pityriasis  en  eczéma. 

Pityriasis  parasitaire  ou  versicolor.  —  Cette  maladie  est  due 
à  la  présence  dans  les  lamelles  épidermiques  d'un  parasite  végétal  auquel 
on  a  donné  le  nom  de  microsporon  fur  fur  ;  ce  parasite  a  été  découvert 
en  1846  par  Eichstedt  ;  et  en  1864  Kobner  réussit  à  l'inoculer  sur  la 
peau  de  l'homme. 

Les  squames  du  pityriasis  versicolor  sont  jaunâtres,  assez  épaisses,  ha- 
bituellement imbibées  d'une  matière  grasse  sébacée  ;  à  l'aide  du  micros- 
cope on  reconnaît  facilement  entre  les  lames  de  l'épithélium  corné  le  para- 
site caractérisé  par  des  spores  arrondis  rassemblés  en  groupes  de  forme 
également  ronde  et  par  des  tubes  de  mycélium  dont  les  articles  sont  très 
allongés. 

Le  pityriasis  parasitaire  se  présente  sous  la  forme  de  taches  colorées  en 
brun  ou  en  jaune,  légèrement  saillantes  au-dessus  de  la  surface  de  la 
peau.  Les  squames  qui  forment  ces  taches  sont  assez  adhérentes;  elles  se 
détachent  quelquefois  spontanément,  mais  c'est  ordinairement  par  le 
grattage  qu'on  les  fait  tomber  en  lamelles  fines  et  minces.  Ces  plaques 
sont  jaunes  ou  brunes  ordinairement  légèrement  nuancées  et  j'avais  pro- 
posé de  donner  à  la  maladie  le  nom  plus  exact  de  pityriasis  lulea;  dans 
quelques  cas  rares,  elles  ont  une  coloration  plus  foncée,  presque  noire,  et 
cette  variété,  que  je  n'ai  rencontrée  qu'une  seule  fois,  constitue  le  pityria- 
sis nirjra  de  Willan  et  Baleman.  Ces  plaques  squameuses,  de  forme  ar- 
rondie ou  irrégulière,  ont  une  étendue  variable  depuis  celle  d'une  pièce 
de  un  à  deux  francs  jusqu'à  quinze  ou  vingt  centimètres  carrés.  Elles  sont 


PITYRIASIS.    P.   PARASITAIRE  OU  VERSICOLOR.  41 

ordinairement  en  assez  grand  nombre  et  disposées  dans  la  môme  région; 
comme  elles  sont  entremêlées  de  portions  de  peau  saine,  elles  donnent  à 
la  surface  cutanée  où  elles  se  rencontrent  un  aspect  bigarré  d'où  le  nom 
de  pityriasis  versicolor.  Quelquefois,  les  tacbes  séparées  les  unes  des 
autres  primitivement,  se  réunissent  en  augmentant  d'étendue  et  ne  for- 
ment plus  qu'une  seule  plaque  café  au  lait  qui  recouvre  une  partie  du 
tronc  ou  même  le  tronc  tout  entier.  Le  siège  d'élection  du  pityriasis 
est  le  tronc,  le  cou  et  la  partie  supérieure  des  membres,  mais  ce  siège  n'a 
rien  d'exclusif:  on  peut  rencontrer  des  plaques  du  pityriasis  sur  la  figure, 
sur  les  membres  et  particulièrement  sur  les  membres  supérieurs.  C'est 
à  peine  si  le  pityriasis  parasitaire  donne  lieu  à  quelques  démangeaisons  ; 
le  plus  ordinairement,  cette  maladie  se  présente  avec  une  absence  com- 
plète de  symptômes  locaux  et  généraux;  la  présence  seule  des  taches  révèle 
son  existence. 

Une  fois  développé  le  pityriasis  versicolor  a  une  grande  tendance  à 
envahir  les  parties  voisines,  et,  s'il  vient  à  disparaître,  il  récidive  avec 
une  grande  facilité;  c'est  ainsi  que,  chez  certaines  personnes,  cette  affec- 
tion apparaît  tous  les  ans  au  printemps  ou  au  commencement  de  l'été  ;  elle 
disparaît  au  bout  de  quelque  temps  soit  à  la  suite  d'un  traitement  con- 
venable, soit  spontanément  ;  mais  l'année  suivante,  à  la  même  époque, 
sous  l'influence  des  conditions  favorables  à  son  développement,  le  cham- 
pignon, qui  n'était  pas  détruit,  repullule,  et  la  maladie  se  reproduit  avec 
les  mômes  caractères. 

Le  diagnostic  du  pityriasis  parasitaire  est  facile;  la  maladie  est  suffi- 
samment caractérisée  par  les  plaques  squameuses,  colorées  qui  donnent 
à  la  peau  cet  aspect  versicolore  particulier  que  je  viens  de  signaler;  dans 
les  cas  douteux,  le  microscope,  en  relevant  la  présence  des  spores  et  des 
tubes  appliqués  sur  des  parcelles  d'épidémie  coloré,  enlève  toute  incerti- 
tude. Ces  caractères  de  squames  colorées  et  de  nature  parasitaire  démon- 
trés au  microscope,  permettent  facilement  de  distinguer  le  pityriasis 
versicolor  des  autres  pityriasis  non  parasitaires,  pour  que  je  n'aie  pas  besoin 
d'insister  sur  ce  diagnostic  différentiel.  Il  est  quelquefois  plus  difficile  de 
distinguer  le  pityriasis  versicolor  des  éphélides,  surtout  lorsque  les  taches 
du  pityriasis  sont  brunes  et  que  leur  nature  squameuse  est  peu  accusée  ; 
on  devra  savoir  dans  ces  cas  que  les  éphélides,  constituées  par  une  seule 
modification  du  pigment,  ne  présentent  jamais  de  squames,  et  que  ces 
dernières,  même  lorsqu'elles  ne  sont  pas  apparentes  au  premier  aspect, 
se  manifestent  toujours  dans  le  pityriasis  versicolor  sous  l'influence  du 
grattage.  On  pourrait  encore  confondre  le  pityriasis  dont  il  s'agit  avec  le 
vitiligo,  en  prenant  la  partie  saine  pour  la  partie  malade  ;  un  examen  un 
peu  plus  attentif,  l'absence  de  toute  squame,  la  comparaison  de  la  région 
atteinte  avec  les  autres  parties  du  corps  permettront  bien  vite  de  recon- 
naître l'erreur  du  premier  moment, 

La  pronostic  du  pityriasis  versicolor  est  peu  grave  en  ce  sens  que 
cette  maladie  n'entraîne  aucun  inconvénient  dans  la  santé,  qu'elle  se 
développe  sur  des  parties  couvertes  par  les  vêtements  et  qu'elle  cède  or- 


42 


PITYRIASIS.  — 


P.   PARASITAI  IIB   OU  VERSICOLOR. 


dinairemcul  assez  facilement  aux  moyens  de  traitement  ;  il  faut  savoir 
cependant  qu'elle  est  sujette  à  récidiver,  que,  chez  quelques  personnes, 
elle  présente  une  résistance  opiniâtre,  et  qu'elle  peut  persister  pendant 
plusieurs  années,  quelquefois  même  indéfiniment. 

L'étiologie  du  pityriasis  parasitaire  est  assez  peu  connue;  cette  mala- 
die se  développe  souvent  au  printemps  et  pendant  l'été  ;  sa  fréquence  pa- 
raît plus  grande  dans  les  pays  chauds  ;  il  est  assez  commun  de  la  rencon- 
trer chez  les  individus  débilités  et  cachectiques  :  c'est  ainsi  qu'on  en 
rencontre  de  fréquents  exemples  chez  les  phthisiques,  dans  la  dernière 
période  de  l'affection  tuberculeuse.  Le.  pityriasis  versicolor  est-il  conta- 
gieux comme  les  autres  maladies  parasitaires?  C'est  une  question  qui  n'est 
pas  encore  résolue  ;  en  tous  cas  la  faculté  contagieuse  doit  être  faible  et 
demander  des  conditions  spéciales  pour  se  manisfester,  car  il  n'est  pas 
rare  de  voir  des  individus  atteints  de  ce  pityriasis,  vivre  dans  une  cohabi- 
tation habituelle  avec  d'autres  personnes  qui  demeurent  complètement 
indemnes  de  toute  lésion  cutanée. 

Traitement.  —  La  thérapeutique  du  pityriasis  parasitaire  réclame 
surtout  des  moyens  locaux  et  cette  maladie  cède  bien  souvent  au  seul  em- 
ploi de  bains  sulfureux  répétés  journellement  pendant  trois  ou  quatre 
semaines;  on  peut  y  ajouter  des  onctions  faites  matin  et  soir  avec  une 
pommade  sulfureuse  contenant  un  quinzième  de  soufre  sublimé  pour  une 
partie  d'axonge  ;  j'ai  employé  souvent  avec  avantage  les  frictions  avec  la 
pommade  oxygénée  du  Codex  ou  mieux  avec  une  pommade  contenant 
vingt  gouttes  d'acide  nitrique  pour  cinquante  grammes  d'axonge.  On  a 
conseillé  encore  les  lotions  avec  une  solution  de  sublimé  au  millième  et 
même  les  bains  de  sublimé  préparés  par  l'addition  de  dix  grammes  de 
sublimé  dissous  dans  de  l'alcool  et  ajoutés  à  un  bain  ordinaire.  Chez  les 
individus  débilités,  on  assurera  la  guérison  et  non  la  réapparition  de.  la 
maladie  parasitaire  à  l'aide  d'une  médication  tonique  et  d'une  bonne 
hygiène.  J'ai  vu  dans  plusieurs  cas  rebelles,  la  guérison  s'effectuer  ou 
se  consolider  par  l'usage  des  eaux  minérales  sulfureuses  et  particulière- 
ment par  celles  de  Bagnères-de-Luchon,  d'Àx  ou  d'Aix-la-Chapelle. 

Ambert.  Description  des  mal.  de  la  peau,  Paris,  1814,  pl.  XXVI. 

Cazenave.  Dicl.  de  méd.  en  50  vol.  Paris,  1841,  t.  XXIV.  —  Traité  des  maladies  du  cuir  che- 
velu, Paris,  1850,  p.  107. 
Eiciistedt.  Fioriep's  Nolizen  aus  der  Natur  und  lleilkundc.  184(5,  Band  XXMX. 
Wilson-  (Er.).  On  Skin  Diseases,  1805.  On  the  PhytopatUology,  1804. 
Baebbssprdho.  Annalcnder  Charité,  Berlin,  1855,  lasc.  2,  p.  124. 
AuniGuiEn  (Ed.).  Pityriasis  versicolor.  th.  de  doct.,  Paris,  1800. 

Bazin  (E.).  Leçons  th.  et  clin,  sur  les  alT.  cutanées  de  nat.  arthritique  et  darlreuse,  Paris.  1808, 
Haiidt  (A.).  Leçons  sur  les  mal.  dartreuses  prof,  à  l'hôpital  Saint-Louis,  réd.  et  puhl.  par  L.  Boy- 

sanl,  5°  éd.,  Paris,  1808. 
CnikcttoLB  (F.).  Nature  parasitaire  du  pityriasis  capilis  et  de  l'alopécie  consécutive,  th.  de  doct., 

Paris,  1874. 

Mai.assez  (L.)  Note  sur  le  champignon  du  pityriasis  simple  (Arch.  de  physiol.,  Paris,  1874, 

p.  451-404.)  —  Anat.  path.  de  l'alopécie  pityriasique  (id.  p.  405). 
Hebiia  et  Kaposi.  Maladies  de  la  peau,  trad.  par  Doyon,  Paris,  1878,  t.  II,  p.  800. 


Alfred  Hardy. 


PLACENTA.  —  axatomie. 


45 


PLACENTA.  —  On  donne  le  nom  de  placenta  (ITXoéÇ.  Placenta; 
Muttcrkuchcn)  à  la  partie  des  annexes  fœtales  dans  laquelle  les  ramifica- 
tions des  vaisseaux  ombilicaux  viennent  se  distribuer  pour  se  mettre  en 
rapport  avec  la  circulation  maternelle. 

Anatomie  normale.  —  Le  placenta  est  constitué  par  une  sorte  de  disque 
d'apparence  charnue,  ayant  un  diamètre  de  16  à  21  centimètres  lors- 
qu'il a  acquis  son  entier  développement,  et  dont  la  plus  grande  épaisseur 
correspond  au  point  d'insertion  du  cordon,  pour  diminuer  insensiblement 
vers  la  circonférence  qui  n'offre  souvent  qn'une  épaisseur  de  5  à  6  mil. 
Il  présente  deux  faces,  l'une  appelée  externe  ou  utérine,  l'autre  interne 
ou  fœtale  ;  c'est  cette  dernière  qui  est  le  plus  ordinairement  externe 


Fie.  18.  —  Placenta  (l'ace  externe). 

quand  le  placenta  est  expulsé  ou  extrait  des  parties  génitales,  après 
l'accouchement.  Lorsque  l'on  veut  se  rendre  compte  de  sa  véritable  dis- 
position dans  l'utérus  gravide,  il  est  nécessaire  de  le  placer  de  manière 
que  la  face  utérine,  au  lieu  de  regarder  l'intérieur  du  sac  formé  par  les 
membranes,  soit  au  contraire  dirigée  en  dehors  (fig.  18).  On  constate 
alors  que  cette  face,  dont  la  coloration  varie  du  rouge  brun  au  blanc 
grisâtre,  est  convexe,  à  surface  lisse,  divisée  en  lobes  (appelés  impropre- 
ment cotylédons),  irrégulièrement  polygonaux,  séparés  par  des  scissures 
plus  ou  moins  profondes.  On  trouve  le  plus  souvent  sur  elle  des  lambeaux 
de  la  caduque  utérine  qui  sont  restés  adhérents  au  tissu  placentaire.  La  face 
interne  ou  fœtale  est  concave;  elle  est  recouverte  par  l'amnios  dont  elle  n'est 


44  PLACENTA.  —  anatomik. 

séparée  que  par  les  premières  divisions  des  vaisseaux  ombilicaux.  C'est 
vers  le  milieu  de  cette  face  que  le  cordon  se  termine  le  plus  fréquem- 
ment (lig.  19)  ;  mais  son  insertion,  au  lieu  d'être  centrale,  peut  se  Caire 
aussi  sur  les  membranes  ou  vers  le  bord  du  placenta.  On  a  désigné  cette 
dernière  disposition  sous  le  nom  de  placenta  en  raquette. 

Quel  que  soit  le  point  d'inserlion  du  cordon  ombilical,  les  vaisseaux 
qu'il  contient  s'écartent  généralement  les  uns  des  autres  avant  d'arriver 
au  niveau  du  gâteau  placentaire  et  se  divisent  en  branches  d'inégal 
volume  qui  s'appliquent  sur  la  surface  interne  du  eborion;  les  altères 
se  dil  igent  vers  la  circonférence  en  devenant  de  moins  en  moins  volumi- 
neuses à  mesure  qu'elles  abandonnent  des  ramifications  qui  pénètrent 
dans  les  villosités  choriales.  Les  veines  situées  sur  un  plan  plus  profond 
augmentent  de  volume  en  se  rapprochant  du  centre  ou,  à  parler  plus  net- 
tement, du  point  d'insertion  du  cordon,  où  elles  se  réunissent  pour  for- 
mer la  veine  ombilicale. 

Le  bord  du  placenta  est,  comme  il  a  été  dit  plus  haut,  beaucoup 
moins  épais  que  la  partie  centrale;  il  se  continue  avec  le  chorion  lœve, 
recouvert  lui-même  par  la  caduque  réfléchie  et  la  caduque  utérine.  On 
rencontre  le  plus  souvent  au  niveau  du  bord  placentaire  une  veine  consi- 
dérable, qu'on  a  désignée  sous  le  nom  de  sinus  circulaire,  et  qui,  pour 
quelques  auteurs,  joue  un  grand  rôle  dans  la  circulation  placentaire. 

Le  placenta  présente  des  variétés  assez  grandes  sous  le  rapport  de  la 
configuration.  Habituellement  ovale  ou  presque  rond,  il  alfecle  rarement 
d'autres  formes,  surtout  quand  l'insertion  du  cordon  ou  la  division  de  ses 
vaisseaux  se  fait  d'une  façon  normale.  Les  variétés  les  plus  ordinaires  sont 
les  suivantes  :  le  placenta  peut  être  séparé  en  deux  parties  (placenta 
duplex,  dimidiata,  bipartita),  qui  n'ont  entre  elles  d'union  que  par  l'in- 
termédiaire du  cordon  et  des  membranes.  Dans  un  cas  rapporté  par  Ebcrt, 
les  deux  moitiés  du  placenta  étaient,  égales,  arrondies,  entièrement 
distinctes;  la  veine  ombilicale  se  bifurquait  à  10  centimètres  du  gâteau 
placentaire  et  une  artère  accompagnait  chacune  de  ses  divisions.  Hyrtl, 
au  contraire,  a  vu  un  placenta  bipartita  dans  lequel  le  cordon  ombili- 
cal s'insérait  sur  une  des  moitiés.  La  plupart  du  temps  les  deux  moitiés 
sont  inégales  ;  l'une  peut  être  très  petite  et  ne  représenter  qu'un  lobe 
(placenta  succenturiala)  ou  bien  il  peut  exister  à  la  circonférence  d'un 
placenta  normalement  développé  une  série  de  lobes  complètement  isolés 
du  gâteau  principal,  auquel  ils  ne  sont  alors  unis  que  par  les  vaisseaux 
qui  se  continuent  avec  ceux  du  cordon  ombilical.  Le  placenta  formé  de 
trois  parties  à  peu  près  égales ;  placenta  triparlila  est  extrêmement  rare. 
On  rencontre  plus  souvent  une  forme  décrite  par  Nyrtl  sous  le  nom  de 
placenta  multiloba  dans  laquelle  un  grand  nombre  de  lobes  sont  tout  à 
fait  séparés  mais  assez  rapprochés  les  uns  des  autres  pour  qu'il  n'existe 
aucune  analogie  avec  le  placenta  des  ruminants. 

Les  dimensions  du  placenta  sont  différentes  aux  diverses  époques  de  la 
grossesse  ;  il  est  généralement  arrivé  à  son  entier  développement  dans 
le  courant  du  septième  mois.  On  a  cru  remarquer  qu'il  recouvre  à  la 


PLACENTA.  —  anatomie.  45 

périphérie  de  l'œuf  une  surface  d'autant  plus  grande  qu'il  a  moins  d'é- 
paisseur. Dans  les  conditions  normales  il  occupe  environ  le  quart  du 
cliorion. 

Le  placenta  augmente  également  de  poids  à  mesure  que  la  grossesse 
avance  jusqu'au  septième  mois  environ.  Lorsque  aucune  altération  patho- 
logique n'est  venue  entraver  son  développement,  il  pèse  au  terme  de  la 
grossesse  de  450  à  500  grammes,  déduction  faite  du  poids  du  cordon  et 
des  membranes  lequel  est  d'environ  60  à  80  grammes. 

Développement  et  structure.  —  Si  l'on  veut  se.  faire  une  idée  exacte 
du  mode  de  développement  et  de  la  structure  du  placenta,  il  est  néces- 
saire de  se  rappeler  comment  se  comportent  les  enveloppes  de  l'œuf  vers 
le  vingtième  jour  après  la  conception,  c'est-à-dire  au  moment  où  l'allan- 


Fig.  19.—  Placenta  (face  interne). 


loïde  part  de  la  partie  postérieure  de  l'embryon  pour  se  placer  entre  l'am- 
nios  et  le  '.horion,  dont  elle  va  tapisser  la  face  interne.  Le  cliorion,  formé 
parle  kuillet  externe  du  blastoderme  et  la  membrane  vilcMine,  présente 
une  surface  externe  hérissée  de  villosités  qui  sont  elles-mêmes  en  rapport 
avec  la  muqueuse  utérine  (caduque  ntéro-placcntaire  et  caduque  réflé- 
chie). C'est  dans  ces  villosités  que  pénètrent  les  nombreux  vaisseaux  ap- 
portés par  l'allantoïde  à  la  périphérie  de  l'œuf.  Chaque  villosité  reçoit 
une  artère  et  une  veine  recouvertes  d'une  couche  mince  de  tissu  allan- 
toidien  (magma  réticulé  de  Joulin.)  Au  bout  de  très  peu  de  temps  deux 
phénomènes  tout  à  l'ait  différents  se  passent  dans  les  villosités  choriales, 
selon  qu'elles  se  trouvent  directement  on  contact  avec  la  muqueuse  uté- 
rine (caduque  utéro-placentaire)  ou  qu'elles  ne  sont  en  rapport  qu'avec 


46  PLACENTA.  —  anatomie. 

la  caduque  réfléchie.  Dans  ce  dernier  cas,  les  villosités  cessent  de 
croître,  leur  cavité  s'oblitère  et  leurs  vaisseaux  disparaissent.  D'après 
Charles  Robin,  le  mécanisme  de  cette  oblitération  serait  le  suivant  : 
le  tissu  allantoïdien  (magma  réticulé),  qui  sert  de  gaine  aux  vaisseaux 
lorsqu'ils  pénètrent  dans  les  villosités,  envahirait  jusqu'à  leurs  dernières 
ramifications,  tandis  que  les  vaisseaux  disparaîtraient  sans  laisser  de 
trace.  11  paraît  plus  simple  et  plus  logique  de  penser  que  ces  villosités, 
devenues  inutiles  après  le  développement  du  placenta,  subissent  vers  le 
quatrième  ou  le  cinquième  mois  un  véritable  travail  de  régression  ou 
plutôt  d'atrophie,  comme  tous  les  organes  qui  n'ont  plus  de  raison 
d'être.  Par  contre,  les  villosités  qui  plongent  directement  dans  la  mu- 
queuse utérine,  croissent,  augmentent  de  volume,  se  ramifient  et  consti- 
tuent le  chorion  frondosum,  qui  sera  le  placenta. 

Ces  premières  données  étant  admises,  il  devient  plus  facile  d'étudier  le  pla- 
centa en  décomposant  les  différents  éléments  qui  le  constituent.  Lorsqu'on 
enlève  l'amnios,  on  rencontre  les  premières  divisions  des  vaisseaux  ombi- 
licaux appliqués  contre  la  face  interne  du  chorion  par  un  tissu  conjonctif 
lâche,  sur  la  nature  duquel  il  existe  des  opinions  très  diverses  (fig.  20). 
Considéré  par  les  uns  comme  faisant  partie  du  chorion  dont  il  serait  la 
couche  la  plus  interne,  il  a  été  très  minutieusement  décrit  par  Joulin  sous 
le  nom  de  tissu  lamineux,  et  regardé  par  lui  comme  étant  constitué  par 
le  tissu  allantoïdien  dont  la  gélatine  de  Wharton  serait  elle-même  une 
variété.  Ce  tissu  est  divisé  en  deux  lames,  l'une  superficielle  située  au- 
dessus  des  vaisseaux  qu'elle  sépare  de  l'amnios,  l'autre  profonde  pla- 
cée immédiatement  au-dessous  du  chorion,  accompagnant  dans  les  vil- 
losités choriales  les  ramifications  vasculaires.  Il  se  rapproche  beaucoup 
par  sa  structure  du  tissu  sous-cutané  (Renault),  et  n'est  en  somme  que 
du  tissu  conjonctif  embryonnaire. 

Le  chorion,  situé  immédiatement  au-dessus,  est  une  membrane  trans- 
parente, lisse  ;  sa  surface  externe  est  couverte  par  les  troncs  villeux,  qui  se 
subdivisent  eux-mêmes  en  un  très  grand  nombre  de  rameaux  formant 
une  masse  compacte  d'un  rouge  vif,  qui  constitue  le  véritable  organe 
placentaire.  Il  est  extrêmement  difficile  d'apprécier  le  nombre  et  la  forme 
de  ces  divisions,  qui  varient  dans  les  différents  placentas.  Elles  commen- 
cent généralement  dans  le  voisinage  du  chorion,  et  se  dirigent  dans  tous 
les  sens.  Chaque  tige  principale  donne  naissance  soit  à  deux  rameaux 
parlant  d'un  même  point,  soit  à  un  seul  rameau  se  détachant  à  angle  droit 
du  tronc  lui-même  ou  d'une  de  ses  premières  divisions.  Il  en  est  de  même 
pour  les  subdivisions  successives  de  chacun  des  rameaux,  qui  deviennent 
de  plus  en  plus  fines.  Cependant,  dans  quelques  cas,  d  ne  se  détache,  sur 
toute  la  hauteur  du  tronc  principal,  que  des  rejetons  simples,  ne  se  sub- 
divisant pas  eux-mêmes.  Quel  que  soit  le  mode  de  division  des  villosités. 
leurs  extrémités  se  comportent  de  deux  façons  diiïér entes  ;  les  unes  plon- 
gent dans  la  caduque  utérine  qui  constitue  le  placenta  maternel;  les  autres 
restent  libres  et  s'enlre-croisent  entre  elles  de  façon  à  former  la  trame 
du  tissu  placentaire;  leur  diamètre  est  de  57  à  i  1  i  in.  Langhans  a 


PLACENTA.  —  anatomie.  47 

décrit  une  autre  variété  de  rameaux  villeux  consistant  en  divisions  pri- 
maires et  secondaires  du  tronc  principal.  Ils  sont  de  volume  variable, 
pouvant  atteindre  jusqu'à  un  millimètre  de  diamètre  et  se  rendent  au  pla- 
centa utérin,  auquel  ils  adhèrent  si  intimement  qu'on  ne  peut  les  en  déta- 
cher, même  par  une  forte  traction.  On  rencontre  ces  rameaux  villeux  en 
<n-and  nombre  dans  le  tissu  maternel  qui  s'enfonce  profondément  entre  les 
lobes.  On  les  trouve  cependant  aussi  à  l'intérieur  même  des  cotylédons; 
leurs  divisions  se  terminent,  comme  les  villosités  ordinaires, pur  des  extré- 
mités libres,  ou  s'entre-croisant  entre  elles.  Ces  différents  moyens  d'union 
font  de  la  masse  placentaire  un  tout  dense  et  compacte,  qui  adhère 
fortement  à  la  muqueuse  utérine,  surtout  à  partir  du  troisième  mois 
de  la  grossesse.  Les  villosités  placentaires  et  le  chorion  qui  leur  donne 
naissance  sont  constitués  exactement  comme  le  chorion  lui-même.  On  y 
rencontre  une  couche  interne  ou  fœtale  composée  de  tissu  conjonctif, 
et  une  couche  externe  constituée  par  un  épithélium  pavimenleux  ayant  de 
7  à  10  m.  d'épaisseur.  Cet  épithélium,  très-apparent  sur  les  premières 
divisions  des  villosités  anciennes,  l'est  beaucoup  moins  sur  leurs  extré- 
mités ou  sur  les  rameaux  qui  sont  en  voie  de  développement. 

Les  villosités  (fig.  20)  n'ayant  d'autre  destination  que  de  mettre  les  vais- 
seaux du  fœtus  en  communication  avec  la  circulation 
maternelle,  chacune  d'elles  est  pourvue  d'une  artériole 
venant  de  l'une  ou  l'autre  artère  ombilicale  et  d'un 
rameau  veineux  allant  se  rendre  dans  la  veine  ombi- 
cale.  On  a  vu  plus  haut  que  les  premières  divisions 
des  vaisseaux  ombilicaux  étaient  comprises  entre 
deux  lames  de  tissu  conjonctif  séparant  le  chorion  de 
l'anmios.  Avant  de  se  diviser  en  ramuscules  qui  se 
distribuent  dans  les  villosités  choriales,  ces  vaisseaux 
forment  de  véritables  bouquets,  dont  les  branches 
divergent  dans  tous  les  sens,  les  unes  passant  immé- 
diatement à  l'état  capillaire  pour  pénétrer  dans  les 
villosités,  les  autres  formant  des  bouquets  secondaires 
qui  donnent  eux-mêmes  naissance  à  des  ramifications 
capillaires.  Ces  ramifications  pénètrent  jusque  dans  les  Extrémité  d'une  viiiosiié  du 

d.  .  .        ,        ,  ,  .         -,        ...     ..  ,         .,  placent.-!,  à  uu  grossisse- 

îvisions  les  plus  secondaires  des  villosités  ;  elles  se   ,ne„i  (ie  (ieux  ceuu  dia- 

dirigent  vers  le  cul-de-sac  villeux,  soit  directement,  mèlres 

.,  P  .    ,  ,  .      ,  .  aa,   vaisseaux    pleins  de 

soit  en  lormant  des  spirales,  et  s  y  terminent  par  sang;  <»<<«.',  vaisseau  vide; 
des  anses  anoslomotiques  qui  font  communiquer  j^^y^.  J" villosité" 
entre  eux  les  deux  ordres  de  vaisseaux ,  de  telle 
sorte  que  le  système  vasculaire  de  l'embryon  est  un  système  entière- 
ment fermé,  dont  la  circulation  placentaire  n'est  elle-même  qu'une 
partie.  Il  n'existe  aucune  anastamosc  d'une  villosité  à  une  autre,  pas 
plus  que  d'un  cotilédon  à  l'autre.  Les  vaisseaux  des  villosités  sont  dé- 
pourvus de  valvules.  Ceux  des  premières  divisions  villeuses  ont  la  même 
structure  que  les  vaisseaux  du  cordon,  et  sont  richement  pourvus  de 
fibres  musculaires.  Dans  les  dernières  divisions,  au  contraire,  ils  nepossè- 


4g  PLACENTA.    AKAT0M1K. 

dent  que  leur  enveloppe  celluleuse  propre,  et  sont  placés  trcs-supcrficiel- 
lemciit.  presque  immédiatement  au-dessous  de  l'épilhélium.  Leur  dia- 
mètre est  généralement  de  11  à  15  m. 

Le  développement  des  villosités  placentaires  et  de  leur  système  vascu- 
laire débute  au  moment  où  l'allantoïde  vient  loucher  la  paroi  de  l'œuf  ,  il 
n'est  terminé  qu'à  une  époque  avancée  de  la  grossesse,  comme  le  prouve 
l'augmentation  progressive  (en  surface  et  en  poids)  du  placenta,  qui, 
mesurant  au  cinquième  mois  de  11  à  15  centimètres  de  diamètre,  en 
acquiert  de  16  à  20  au  terme  de  la  gestation.  Cet  accroissement  est  dû 
au  développement  sur  les  troncs  primitifs,  de  ramifications  inconnaissables 
à  la  nature  de  leur  enveloppe  dont  l'épithélium  est  peu  apparent,  tandis 
qu'il  s'enlève  par  larges  plaques  sur  les  villosités  anciennes.  Ainsi  le 
placenta  fœtal  est  composé  des  ramifications  des  artères  ombilicales  qui  se 
continuent  dans  les  villosités  par  l'intermédiaire  des  capillaires,  avec  les 
divisions  de  la  veine  ombilicale.  Ces  villosités  rappellent  presque  exacte- 
ment par  leur  structure  les  villosités  intestinales,  à  cette  différence  près 
que  dans  ces  dernières  on  rencontre  un  vaisseau  chylifère  qui  en  occupe 
le  centre.  Elles  s'enchevêtrent  les  unes  dans  les  autres  et  affectent  avec  la 
muqueuse  utérine  des  rapports  très  difficiles  à  définir  et  au  sujet  desquels 
la  lumière  n'est  pas 'entièrement  faite. 

Si  la  plupart  des  ailleurs  sont  d'accord  sur  la  structure  du  placenta 
fœtal,  il  n'en  est  pas  de  même  quand  il  s'agit  de  ce  qu'on  est  convenu 
d'appeler  le  placenta  maternel.  Il  n'existe  peut-être  pas  de  sujet 
sur  lequel  l'imagination  des  anatomistes  se  soit  plus  exercée.  La  rareté 
des  investigations  faites  dans  des  conditions  tout  à  fait  favorables,  c'est- 
à-dire  lorsque  le  placenta  adhère  encore  à  l'utérus,  a  rendu  possibles  les 
hypothèses  les  plus  opposées.  Pendant  longtemps,  la  plupart  des  auteurs 
croyaient  à  une  communication  directe  entre  les  vaisseaux  maternels 
el  les  vaisseaux  fœtaux.  Yieussens,  Cooper,  Haller,  Chaussier  admet- 
taient ces  communications  utero -fœtales.  Radford  partageait  la  même 
opinion,  tout  en  pensant  que  les  vaisseaux  trop  fins  ne  laissaient  passer  que 
la  partie  blanche  du  sang.  De  son  côté,  Flourens  prétendait  démontrer 
par  une  série  d'expériences  :  1°  qu'une  liqueur  injectée  passe  du  fœtus  à 
la  mère;  2°  qu'elle  passe  de  la  mère  à  l'enfant,  el  que  par  conséquent  il 
existe  une  communication  vasculaire  évidente,  constante  entre  la  mère 
et  le  fœtus,  comme  entre  le  fœtus  el  la  mère.  11  arrivait  ainsi  à  cette  singu- 
lière conclusion  que,  dans  la  classe  des  mammifères,  il  existe  deux 
modes  de  communication  entre  le  fœtus  el  la  mère  :  1°  communication 
vasculaire  directe  par  placenta  unique;  2°  communication  de  simple 
contact,  de  simple  adhésion,  en  cas  de  placentas  multiples  (ruminants). 
Les  expéiiences  de  Flourens  furent  reprises  par  Bonamy,  qui  se  convain- 
quit que  les  communications  directes  constatées  par  le  célèbre  physiolo- 
giste résultaient  d'un  procédé  d'injection  défectueux.  11  serait  du  reste  fa- 
cile de  démontrer  qu'en  dehors  même  des  données  analomiqucs,  il  exisle 
des  raisons  physiologiques  très  péremptoircs  pour  écarter  la  communica- 
tion directe  entre  les  deux  circulations. 


PLACENTA.  —  ANATOMiBi 


D'autres  auteurs  pensaient  et  pensent  encore  aujourd'hui  qu'il  se  déve- 
loppe dans  le  placenta  maternel  des  vaisseaux  nouveaux  qui  ont  reçu  le 
nom  de  vaisseaux  utéro-placentaires  (A.  Duliois),  et  qui,  tout  en  étant  indé 
pendants  des  vaisseaux  fœtaux, s'enchevêtrent  avec  eux.  C'est  à  Jacquemicr 
que  l'on  doit  les  recherches  les  plus  exactes  à  l'appui  de  cette  opinion. 
Pour  lui,  il  existe  des  artères  et  des  veines  utéro-placentaires  de  nouvelle 
formation.  Les  artères  se  terminent  en  cul-de-sac,  et  n'ont  aucune  anasto- 
mose visible  avec  les  veines.  Les  veines,  ayant  jusqu'à  54  millimètres  de 
longueur,  se  distribuent  vers  les  scissures  interlobaires,  et  se  divisent  à 
la  surface  des  cotylédons.  Elles  sont  fréquemment  anastomosées  et  for- 
ment ainsi  le  sinus  coronaire.  Les  villosités  placentaires  sont  intriquées 
avec  les  veines  et  font  saillie  dans  leur  intérieur.  Cette  manière  de  voir 
fut  acceptée  par  Bonamy,  qui  admet  les  vaisseaux  utéro-placentaires  intri- 
qués  avec  les  villosités  fœtales,  et  crut  les  voir  pénétrer  jusqu'au  chorion. 
Joulin,  tout  en  ne  niant  pas  d'une  façon  absolue  l'existence  de  vaisseaux 
interplacentaires  à  titre  d'anomalie,  se  rallie  à  la  doctrine  du  développe- 
ment des  sinus  utérins  dans  lesquels  les  villosités  viendraient  plonger, 
et  se  mettraient  plus  ou  moins  directement  en  rapport  avec  le  sang  ma- 
ternel. Cette  théorie,  défendue  par  limiter,  Weber,  Robert  Lee,  Coste, 
Kiwisch,  Kôlliker,  Virchow,  mérite  d'être  examinée  avec  la  plus  grande 
attention,  tant  à  cause  de  sa  grande  simplicité  que  parce  qu'elle  est 
conforme  aux  lois  de  l'anatomie  générale. 

La  muqueuse  utérine  qui  est  en  contact  avec  le  placenta  fœtal,  et  qui 
a  reçu  le  nom  de  placenta  maternel  (caduque  utéro-placentaire,  decidua 
placentalis) ,  subit  des  modifications  très-importantes,  consistant  dans  un 
développement  de  plus  en  plus  considérable  de  ses  éléments  cellulaires 
et  de  ses  vaisseaux,  ainsi  que  dans  la  disparition  plus  ou  moins  rapide  de 
ses  glandes.  Elle  se  divise  elle-même  en  deux  couches,  dont  l'une  reste 
fixée  à  la  surface  externe  du  placenta,  et  pénètre  dans  sa  prolondeur, 
tandis  que  l'autre,  plus  épaisse  et  riche  en  vaisseaux,  reste  adhérente  à  la 
paroi  utérine;  son  relief  est  encore  facile  à  constater  quelques  jours 
après  l'accouchement.  A  mesure  que  ses  différents  éléments  se  dévelop- 
pent, la  caduque  pénètre  entrj  les  villosités  placentaires,  puis  entre  les 
lobes,  qu'elle  sépare  à  l'aide  de  cloisonnements  nommés  par  Kôlliker 
septa  placentœ.  Ces  prolongements  s'enfoncent  plus  ou  moins  profon- 
dément jusqu'au  voisinage  du  chorion.  Ils  sont  formés  de  deux  parois 
adossées  l'une  à  l'autre,  comprenant  entre  elles  des  vaisseaux.  Ils  ne  con* 
stituent  du  reste  pas  les  seuls  prolongements  envoyés  par  la  muqueuse 
utérine  à  l'intérieur  du  placenta.  Winckler  a  constaté  qu'en  dehors  du 
sinus  circulaire  il  partait  du  point  de  réunion  des  deux  caduques  (utéro- 
placentaire,  utérine  réfléchie)  une  expansion  de  tissu  maternel  s'insir 
nuant  à  la  base  des  villosités,  immédiatement  au-dessus  du  chorion,  et 
s'avançant  vers  le  centre  du  placenta  jusqu'à  deux  ou  trois  centimètres  du 
bord.  Il  résulte  de  cette  disposition  que,  vers  la  circonférence  du  disque 
placentaire,  les  cotylédons  sont  presque  complètement  environnés  de  tissu 
maternel,  tandis  que,  vers  le  centre,  leur  base  en  est  dépourvue.  Kolli- 

NOUY.  DICT.  MÉD    HT  CBIB.  XXVIII,  —  4 


50  PLACENTA.  —  anatomie. 

ker  a  appelé  l'attention  sur  une  variété  de  placenta  dans  laquelle 
l'Expansion  de  la  caduque  utérine  et  réfléchie,  signalée  par  Winckler,  se 
prolonge  à  5  ou  0  centimètres  du  hord  placentaire,  de  telle  sorte  que  les 
troncs  des  villosités  chorialcs  et  des  vaisseaux  n'occupent  que  le  centre 
du  disque,  dont  la  plus  grande  partie  se  trouve  ainsi  constituée  par  les 
ramifications  villeuses  et  vasculaires.  Il  a  appelé  cette  anomalie  placenta 
marginata. 

Eu  examinant  tour  à  tour  les  deux  parties  de  la  caduque  utéro-placen- 
taire,  on  rencontre  dans  la  portion  restée  adhérente  à  l'utérus  de  nom- 
breuses artères  contournées  en  spirale  dont  on  retrouve  le  prolongement 
dans  la  caduque  qui  tapisse  la  surface  externe  du  placenta.  Elles  pénètrent 
avec  les  sepla  dans  les  scissures  intercotylédonaires  et  forment  un  lacis 
très-serré  qui  se  trouve  placé  entre  les  dernières  ramifications  des  villo- 
sités choriales  dans  toute  la  partie  superficielle  du  placenta  fœtal,  mais 
qu'on  ne  retrouve  plus  dans  la  profondeur  du  gâteau  placentaire  immé- 
diatement au-dessus  du  chorion.  Ces  artères  ne  sont  que  les  capillaires 
hypertrophiés  du  plan  superliciel  de  la  caduque;  elles  subissent  une 
modification  profonde  dans  leur  structure  et  ont  pour  unique  paroi  un 
endothelium  séparé  du  tissu  de  la  caduque  placentaire  par  un  tissu  con- 
jonctif  lâche  et  finement  strié.  L'absence  de  fibres  musculaires  lisses  et 
d'éléments  élastiques  rapproche  beaucoup  leur  structure  de  celle  des 
veines.  Elles  sont,  du  reste,  la  partie  la  moins  importante  du  système 
vasculaire  du  placenta  maternel,  plus  spécialement  composé  de  veines 
dans  la  partie  qui  se  trouve  en  contact  avec  les  villosités. 

Les  vaisseaux  veineux  du  placenta  maternel,  soit  qu'on  les  suive  dans 
l'épaisseur  du  gâteau  placentaire,  soit  qu'on  les  recherche  dans  la  paroi 
utérine,  sont  constitués  par  les  veines  elles-mêmes,  et  les  capillaires  delà 
muqueuse  utérine  ayant  subi  un  développement  tel,  qu'ils  forment  de  véri- 
tables sinus. 

Dans  les  conditions  où  on  les  étudie  habituellement,  c'est-à-dire  lorsque 
le  placenta  a  été  détaché,  on  peut  les  diviser  en  deux  couches  :  l'une 
fœtale,  située  à  la  surface  et  dans  la  profondeur  du  tissu  placentaire, 
l'autre  utérine,  pouvant  être  poursuivie  jusqu'à  la  couche  musculaire  de 
l'utérus  sur  laquelle  elle  s'applique.  Dans  les  deux  cas,  les  veines  naissent 
des  artères  utérines  par  l'intermédiaire  des  capillaires  et  vont  se  jeter  dans 
des  veines  volumineuses  qui  ramènent  le  sang  dans  la  circulation  mater- 
nelle. Les  sinus  qui  restent  fixés  dans  la  paroi  utérine  sont  faciles  à  re- 
connaître; une  incision  faite  sur  la  portion  de  la  caduque  qui  répond  à 
l'insertion  placentaire  permet  d'apercevoir  de  larges  vaisseaux  béants 
composés  d'artères  et  de  veines  formant  un  véritable  tissu  caverneux.  11 
n'est  pas  rare  de  rencontrer  sur  cette  surface  qui,  comme  on  l'a  dit  plus 
haut,  forme  un  léger  relief  dans  toute  la  partie  correspondant  au  pla- 
centa, des  ouvertures  à  travers  lesquelles  on  peut  introduire  un  stylet 
jusque  dans  l'intérieur  des  vaisseaux.  Ces  orifices  sont  probablement  dus 
à  un  arrachement  plus  profond  de  la  caduque  et  de  la  paroi  vasculaire,  et 
ils  doivent  leur  direction  légèrement  oblique  à  la  rétraction  de  l'utérus 


» 


PLACENTA.  —  anatomie.'  51 

qui  a  changé  les  rapports  de  la  couche  musculaire  avec  la  couche  mu- 
queuse. 

Les  veines  et  les  sinus  qui  sont  directement  en  rapport  avec  les  villo- 
sités  choriales  ont  été  décrits  bien  différemment  par  les  observateurs. 
D'après  Weber,  les  artères  et  les  veines  pénètrent  dans  la  substance 
sponyieuse  du  placenta  et  communiquent  entre  elles  par  l'intermédiaire 
d'un  réseau  de  canaux  très-volumineux  (fig.  21).  Ce  réseau  capillaire 
colossal,  a  parois  très-minces,  s'insinue  entre  les  cotylédons  et  entre  les 
ramifications  les  plus  ténues  des  villosités  choriales.  Robin  pense  égalc- 


Fig.  21.  —  Coupe  Je  la  matrice  et  du  placenta,  sur  le  cadavre  d'une  femme  morte  par  accidcul, 
à  la  trentième  semaine  de  sa  grossesse. 

a,  Cordon  ombilical;  b,  amnios;  c,  cliorion;  dd,  partie  foetale  du  placenta;  ee,  paroi  utérine; 
ff,  ramifications  arborescentes  qui  constituent  la  trame  du  placenta;  gg,  membrane  caduque  (portion 
maternelle  du  placenta);  h  h,  prolongement  de  la  membrane  caduque  pénétrant  dans  le  placenta 
fœtale;  ti,  artères  utérines  contournées  eu  spirales  ou  tire-bouebon  ;  ip,  rameau  artériel  pénétrant 
dans  le  placenta;  kk,  sinus  veineux  de  la  matrice  (A.  Eckcr). 

ment  que  ce  sont  les  capillaires  qui  s'unissent  pour  former  autour  des 
villosités  un  vrai  lac  sanguin.  Pour  Bustamante,  la  muqueuse,  qui  a 
pénétre  entre  les  villosités,  devient  très-vasculaire;  les  capillaires,  en 
augmentant  de  volume,  s'adossent,  et  leurs  parois  s'atrophient  ;  il  se  forme 
ainsi  de  gros  vaisseaux,  ou,  pour  mieux  dire,  des  sinus  qui  pénètrent 
avec  la  caduque  hypertrophiée  jusqu'au  chorion  et  embrassent  les  troncs 
des  villosités  placentaires.  À  une  période  plus  avancée,  la  caduque  et 
les  parois  des  vaisseaux  finissant  par  disparaître,  les  villosités  baigneraient, 
directement  dans  le  sang  maternel. 


52  PLACENTA .  —  a.natomie. 

Delore  a  cherché  à  démontrer  que  le  système  vasculairc  du  placenta 
est  constitué  par  l'expansion  des  sinus  utérins  les  plus  superficiels,  à 
l'exclusion  d'artères  et  de  capillaires.  La  circulation  maternelle  s'y  ferait 
par  un  sinus  circulaire  et  des  sinus  lacunaires,  présentant  des  orifices  eu 
grillage,  à  travers  lesquels  on  aperçoit  les  villosités  plongeant  directe- 
ment dans  le  sang  contenu  dans  ces  vaisseaux.  Le  contact  ne  serait  point 
aussi  immédiat  d'après  Joulin,qui  pense,  lui,  que  la  circulation  du  fœtus  est 
séparée  de  celle  de  la  rnère  par  la  paroi  des  sinus,  par  l'épithelium  de  la 
caduque,  par  l'épithelium  de  la  villosité  et  la  couche  réticulée  snus- 
jacente,  et  enfin  par  la  paroi  des  capillaires  villeux.  Quoi  qu'il  en  soit  de 
ces  différentes  manières  de  voir,  les  veines  en  pénétrant  dans  les  espaces 
intercotylédonaires  se  comportent  de  la  manière  suivante  :  les  unes 
entrent  en  contact  avec  les  villosités  choriales  et  se  réunissent  dans  les 
septa  pour  former  des  veines  plus  volumineuses  qui  vont  se  jeter  dans  le 
sinus  circulaire;  les  autres,  plus  profondément  placées,  forment  à  la  base 
des  troncs  villeux,  immédiatement  au-dessus  du  chorion,  un  réseau  com- 
muniquant largement  avec  les  premières.  Les  différents  troncs  qui  en  ré- 
sultent se  dirigent  vers  le  bord  du  placenta  et  constituent  par  leurs  anasto- 
moses un  sinus  circulaire,  rarement  complet,  situé  au  point  de  réunion  de 
la  caduque  placentaire  avec  la  caduque  utérine  et  surplombé  par  les 
cotylédons  marginaux  qui  le  recouvrent.  Ce  vaisseau  prend  des  racines 
nombreuses  dans  le  placenta  et  communique  par  des  embranchements  non 
moins  nombreux  avec  les  veines  utérines  profondes.  La  quantité  considé- 
rable de  vaisseaux  qui  va  s'ouvrir  dans  le  sinus  donne  à  la  paroi  un  aspect 
criblé  qui  a  fait  supposer  que,  dans  le  placenta,  le  sang  entoure  directe- 
ment les  villosités  embryonnaires  et  n'est  séparé  des  vaisseaux  du  fœtus 
que  par  l'épithelium  villeux.  On  a  vu  précédemment  quelle  était  à  cet 
égard  l'opinion  de  Joulin,  elle  paraît  être  la  plus  vraisemblable. 

En  résumé,  considéré  au  point  de  vue  de  sa  structure,  le  placenta  est 
constitué  par  les  villosités  choriales  pourvues  d'une  artère  et  d'une 
veine  dans  leurs  ramifications  les  plus  fines,  réunies  en  une  seule  masse, 
en  premier  lieu  par  leur  propre  entrecroisement,  en  second  lieu  par  les 
prolongements  de  la  caduque  qui,  sur  certains  points,  les  groupe  en  lobes 
complètement  indépendants  les  uns  des  autres  au  point  de  vue  de  la  cir- 
culation fœtale.  Ces  villosités  sont  entourées  de  toute  part  par  des  sinus 
résultant  du  développement  des  veines  superficielles  de  la  caduque  utéro- 
phicentaire  dont  elles  restent  séparées  jusqu'à  la  fin  de  la  grossesse  par 
une  mince  couche  d'épithelium.  Celte  disposition  ou  tout  au  moins  les 
rapports  plus  ou  moins  immédiats  des  vaisseaux  maternels  avec  les  vais- 
seaux fœtaux  sont  aujourd'hui  admis  par  presque  tous  les  auteurs. 
Cependant  un  savant  d'un  grand  mérite,  Ercolani,  de  Bologne,  a  conçu 
une  tout  autre  idée  de  la  structure  du  placenta.  D'après  lui,  les  villo- 
sités choriales  seraient  séparées  des  lacs  sanguins  par  un  organe  glan- 
dulaire de  nouvelle  formation,  se  développant  dans  la  caduque  et  enve- 
loppant le  placenta  fœtal  d'une  sorte  de  gaine.  Ce  tissu  glandulaire, 
constitué  par  une  membrane  amorphe  et  une  couche  épithéliale,  sécréterait 


PLACENTA.  —  anatomie.  t»3 

un  liquide  (lait  utérin)  dans  lequel  baignent  les  villosités  choriales  et  qui 
servirait  à  la  nutrition  du  fœtus.  Cette  théorie  nouvelle  ne  paraît  reposer 
sur  aucune  base  sérieuse. 

Situation.  —  Le  placenta  est  habituellement  situé  au  fond  de  l'utérus, 
tantôt  sur  la  paroi  antérieure,  tantôt  sur  la  paroi  postérieure,  rarement 
sur  les  parties  latérales.  D'après  les  recherches  de  Gusserow  et  de  Schrœdcr, 
l'insertion  sur  la  paroi  antérieure  serait  la  plus  commune;  l'insertion 
latérale,  très-rare,  aurait  lieu  un  peu  plus  souvent  à  droite  qu'à  gauche. 
Ces  différences  dans  l'implantation  du  placenta  n'ont  aucune  importance 
au  point  de  vue  de  son  développement;  elles  influent  tout  au  plus  sur  sa 
forme.  Parfois  le  placenta  est  (ixé  sur  le  segment  inférieur  de  l'utérus 
dans  un  point  rapproché  de  l'orifice  interne  (implantation  marginale),  ou 
sur  cet  orifice  lui-même  (implantation  centrale).  Ce  vice  d'implantation 
placentaire  est  la  cause  d'accidents  formidables  au  moment  de  l'accou- 
chement, et.  a  été  attribué  par  la  plupart  des  auteurs  à  la  multiparité. 
Le  ramollissement  et  le  relâchement  des  parois  de  la  matrice,  ainsi  que 
l'élargissement  de  la  cavité  utérine,  paraissent  être,  en  effet,  les  causes 
prédisposantes  les  plus  communes  de  cette  anomalie.  On  peut  aussi  sup- 
poser avec  Hiliais  qu'un  développement  inégal  de  la  caduque  favorise  la 
chute  de  l'œuf  sur  la  partie  inlérieure  de  la  cavité  utérine.  11  est  plus 
difficile  d'admettre  que  l'œuf  passe  par  une  éraillure  de  la  caduque  réflé- 
chie, comme  le  pensait  Hohl,  ou  que  des  contractions  spasmodiques  de 
l'utérus  poussent  l'œuf  vers  le  col  avant  qu'il  ait  été  fixé  à  la  partie  supé- 
rieure de  l'organe  par  le  développement  de  la  caduque  réfléchie.  Per- 
sonne ne  s'imagine  plus  aujourd'hui,  comme  le  faisait  encore  Levret,  que 
le  placenta,  primitivement  fixé  au  fond  de  l'utérus,  retombe  sur  le  segment 
inférieur  à  la  fin  de  la  grossesse.  L'insertion  vicieuse  du  placenta  est 
assez  rare.  Il  résulte  d'un  ensemble  de  statistiques  qu'on  l'a  obser- 
vée 56  fois  sur  41,169  accouchements,  c'est-à-dire  dans  la  proportion  de 
1  sur  763. 

Dans  des  circonstances  heureusement  peu  communes,  l'œuf  fécondé  ne 
peut  parvenir  jusque  dans  la  cavité  utérine,  et  tombe  alors  dans  la  cavité 
abdominale  (grossesse  abdominale,  péritoncale)  ou  est  arrêté  dans  la 
trompe  (grossesse  tubaire).  Comment  se  constitue  dans  ce  cas  la  partie  des 
annexes  qui  correspond  au  placenta  maternel?  La  muqueuse  de  la  trompe 
se  comporte  comme  l'aurait  fait  la  muqueuse  utérine;  cependant,  d'après 
KôUikcr,  il  ne  çe  formerait  pas  de  decidua  reflexa.  On  sait,  du  reste, 
que  dans  cette  variété  de  grossesse  extra-utérine  la  gestation  est  d'ordi- 
naire interrompue  vers  le  quatrième  mois  par  la  rupture  de  la  trompe,  et 
que,  par  conséquent,  le  placenta  n'arrive  pas  à  son  entier  développement. 

Dans  la  grossesse  abdominale,  l'œuf  est  en  contact  avec  le  péritoine,  qui 
forme  les  ligaments  larges;  il  s'établit  aussitôt  après  sa  chute  une  con- 
gestion très-intense  des  parties  qui  l'avoisinent;  puis  de  proche  en  proche 
il  se  fait  une  telle  hypertrophie  du  péritoine  qu'il  devient  apte  à  jouer  le 
rôle  de  muqueuse  utérine;  il  se  forme  une  sorte  de  placenta  qui  ne 
diffère  pas  essentiellement  de  celui  que  l'on  rencontre  dans  les  gros- 


PLACENTA.  —  anatomj  i 


scsses  utérines;  cependant  il  est  plus  mince,  plus  large,  suppléant  par 
son  étendue  à  la  vascularité  moindre  de  la  membrane  sur  laquelle  il 

D'autres  variétés  de  placenta  non  moins  importantes  sont  celles  que 
l'on  rencontre  en  cas  de  grossesses  multiples.  Dans  les  grossesses  gémel- 
laires, les  œufs  peuvent  être  entièrement  séparés  et  avoir  non-seulement 
deux  placentas,  mais  deux  caduques  réfléchies;  ou  bien  avoir  deux  pla- 
centas, mais  une  seule  caduque  (fig.  22).  Dans  ce  cas,  qui  est  le  plus 
ordinaire,  les  placentas  sont  soudés;  les  vaisseaux  ombilicaux  sont  sépa- 
rés, puisque  chaque  œuf  a  un  eborion  qui  lui  est  propre.  Dans  une 
troisième  variété,  avec  un  seul  placenta  et  un  seul  chorion,  il  existe  deu\ 
amnios  •  les  vaisseaux  des  deux  cordons  s'anastomosent  alors  constamment 
'sur  le  placenta.  C'est  dans  ces  circonstances  qu'une  hémorrhagie  par  le 


cordon  du  premier  enfant  pourrait  se  faire  aux  dépens  du  second.  Enfin, 
dans  des  cas  très-rares,  il  n'existe  qu'un  placenta,  et  toutes  les  mem- 
branes, y  compris  l'amnios,  sont  communes.  Dans  les  grossesses  trigé- 
mellaires,  il  peut  exister  soit  trois  placentas  séparés  avec  trois  caduques 
réfléchies,  soit  trois  placentas  soudés  ayant  une  seule  caduque  et  trois 
(  horions,  soit  un  seul  placenta  et  un  seul  chorion.  Enfin,  un  œuf  peut  être 
isolé,  tandis  que  les  deux  autres  ont  un  placenta  et  un  chorion  communs. 
11  est  inutile  de  pousser  cette  énuméralion  plus  loin,  chacune  de  ces 

variétés  pouvant  se  reproduire  dans  les  grossesses  où  la  multiplicité  des 

fœtus  est  plus  grande  encore. 

Physiologie.  —  C'est  dans  ces  derniers  temps  seulement,  lorsqu'on 

s'était  l'ait  une  juste  idée  du  rapport  anatomique  des  vaisseaux  maternels 

avec  les  vaisseaux  fœtaux,  que  l'on  a  commencé  à  se  Tendre  un  compte 
x    a  et  des  fonctions  du  placenta.  Aussi  longtemps  qu'on  a  supposé  que 


PLACENTA.  —  physiologie. 


55 


des  communications  directes  existaient  entre  les  vaisseaux  des  deux 
placentas  (fœtal  et  utérin),  on  n'avait  aucune  raison  de  pousser  plus  loin 
les  recherches  et  on  considérait  la  circulation  de  l'embryon  comme  dépen- 
dant entièrement  de  celle  de  la  mère.  Il  eût  été  facile  cependant  de  trou- 
ver, en  dehors  des  constatations  anatomiques,  des  considérations  de 
nature  à  prouver  que  cette  communication  à  plein  canal  est  impossible. 
Les  plus  importantes  de  ces  raisons  sont  les  suivantes  :  1"  La  circulation 
embryonnaire  existe  avant  que  les  vaisseaux  du  fœtus  aient  atteint  la 
périphérie  de  l'œuf;  2°  la  fréquence  de  la  circulation  maternelle  (70  à  80) 
diffère  de  celle  du  fœtus  (150  à  140);  5°  l'enfant  qui  nait  après  une 
hémorrhagie  survenue  pendant  le  travail  meurt  asphyxié,  et  non  exsangue; 
4°  le  sang  qui  s'écoule  par  le  cordon  d'un  placenta  encore  adhérent  appar- 
tient au  placenta  fœtal  et  non  à  la  mère  ;  5°  en  cas  de  grossesse  gémellaire 
avec  placenta  unique,  l'hémorrhagie  se  produit  aux  dépens  du  second 
enfant  et  la  mère  n'y  prend  aucune  part.  A  ces  raisons  on  pourrait  en 
ajouter  quelques  autres  tirées  de  la  forme  des  globules  et  de  la  composi- 
tion de  l'un  et  de  l'autre  sang,  mais  elles  sont  moins  évidentes  que  les 
précédentes  et  rentrent  du  reste  plus  particulièrement  dans  le  domaine 
de  l'anatomie. 

Il  est  impossible  d'attribuer  une  importance  plus  grande  à  la  théorie 
d'ErcoIani,  fondée  sur  l'existence  d'un  organe  glandulaire  interposé  entre 
les  villosilés  et  les  sinus  utérins;  théorie  d'après  laquelle  les  sucs  nutri- 
tifs ou  le  lait  u  érin  sécrété  par  l'épilhclium  de  cet  appareil  serait  absorbé 
par  les  villosilés  chorialcs,  comme  le  chyle  est  absorbé  par  les  villosités 
intestinales.  Il  n'est  pas  nécessaire  de  discuter  une  hypothèse  qui  repose 
sur  des  faits  anatomiques  erronés,  ou  au  moins  supposés. 

Tout  le  monde  reconnaît  aujourd'hui  que  les  échanges  entre  le  sang  de 
la  mère  et  celui  du  fœtus  ne  sont  que  médiats  et  sont  le  résultat  de  phéno- 

:  mènes  osmotiques,  qui  ont  donné  lieu  dans  ces  derniers  temps  à  de 
remarquables  travaux.  On  doit  se  rappeler  d'abord  que  les  échanges  sont 

:  singulièrement  facilités  par  la  stase  prolongée  du  sang  maternel  dans  les 
sinus.  On  pourrait  même  redouter  qu'en  raison  de  la  largeur  des  vais- 
seaux et  de  leurs  communications  nombreuses  la  circulation  subisse  des 
perturbations  consistant  particulièrement  en  stagnations,  si  elle  n'était, 
régularisée  :  1°  par  la  turgescence  habituelle  des  villosilés  chorialcs; 

'  2°  par  la  contraclilité  de  l'utérus  et  des  vaisseaux. 

Ces  phénomènes  d'osmose  étant  admis,  quelle  est  la  nature  de  ces 

i  échanges  qui  se  font  entre  les  deux  organismes?  Deux  questions  impor- 

I  tantes  se  posent  tout  d'abord  :  1°  le  fœtus  respirc-t-il  ?  2°  quels  maté- 
riaux emprunle-t-il  au  sang  maternel  pour  sa  nutrition? 

1°  Le  fœtus  respirc-t-il,  c'csl-à-dire  y  a-t-il  dans  le  placenta  oxygéna- 
tion du  sang  apporté  par  les  artères  et  ramené  au  fœtus  par  la  veine 
ombilicale?  Presque  tous  les  physiologistes  semblent  l'admettre  aujour- 
d'hui. Longet  et  Bisclioff  ont  en  quelque  sorte  éludé  la  question  en  com- 
parant «  l'embryon  à  une  sorte  d'organe  maternel  qui  ne  respire  pas 
lui-même,  mais  a  besoin  du  sang  aitériel  de  sa  mère,  de  sang  qui  a 


56  PLACENTA.  —  physiologie. 

respiré.  »  Pourquoi  en  aurait-il  besoin,  si  ce  n'est  pour  lui  prendre  une 
partie  de  son  oxygène? 

Les  raisons  qui  démontrent  que-  le  placenta  est  un  organe  d'hématose 
sont  les  unes  subjectives,  les  autres  objectives,  et  résultant  toutes  d'expé- 
riences des  plus  concluantes.  Les  premières  sont  les  suivantes  :  \°  le  fœtus 
succombe  rapidement  dès  qu'une  compression  interrompt  la  circulation 
dans  le  cordon  ombilical,  et  l'on  trouve  toujours  dans  ce  cas  à  l'autopsie 
des  signes  d'asphyxie;  2°  il  existe  entre  le  placenta  et  les  poumons  un 
antagonisme  très-évident:  l'enfant  nouveau-né  peut,  en  effet,  se  passer 
de  respiration  pulmonaire  tant  que  la  communication  entre  lui  et  le  pla- 
centa n'est  pas  interrompue,  et  cette  communication  peut  être  interrom- 
pue sans  danger  dès  qu'il  respire  par  le  poumon  ;  de  plus,  toute  inter- 
ruption delà  respiration  dans  les  premières  heures  qui  suivent  la  naissance 
donne  lieu  à  un  retour  de  la  circulation  dans  les  artères  ombilicales,  qui 
se  traduit  par  une  hémorrhagie,  si  le  cordon  est  mal  lié,  et  de  même  toute 
interruption  de  la  circulation  du  cordon  avant  la  naissance  provoque 
chez  le  fœtus  des  mouvements  respiratoires;  5°  si  l'on  admet  que  le  sang 
maternel  contient  de  l'oxygène  en  dissolution,  que  les  globules  ont  une 
grande  affinité  pour  l'oxygène,  on  a  foute  raison  de  penser  que  le  sang 
noir  des  artères  villeuses  séparé  du  sang  des  sinus  par  une  paroi  très- 
mince,  s'empare  d'une  partie  de  l'oxygène  qui  s'y  trouve  dissous.  11  existe 
du  l'esté,  à  cet  égard,  une  telle  ressemblance  avec  ce  qui  se  passe  chez 
les  animaux  à  branchies,  qu'on  a  appelé  le  placenta  «  une  sorte  de  bran- 
chie  pédiculée  qui  est  en  même  temps  un  organe  d'absorption  nutritive  et 
de  respiration  »  (Nivet). 

Les  preuves  expérimentales  sont  encore  plus  concluantes.  Zwfeel  a 
constaté  à  l'aide  du  spectroscope  l'oxyhémoglobine  dans  le  sang  des  vais- 
seaux ombilicaux  d'un  fœtus  n'ayant  pas  encore  respiré.  En  outre,  dans 
des  expériences  faites  sur  des  lapines  vivantes,  il  a  observé  que  le  sang  se 
rendant  du  fœlus  au  placenta  par  les  artères  ombilicales  est  noir,  tandis 
que  le  sang  revenant  du  placenta  au  fœtus  par  la  veine  ombilicale  est 
rouge.  Il  semble  donc  incontestable  que  chez  le  fœtus  le  placenta  remplace 
le  poumon,  qu'il  s'y  débarrasse  de  son  acide  carbonique  et  qu'il  puise 
l'oxygène  dans  les  globules  rouge<  du  sang  maternel. 

*2'  Le  fœlus  puise-t-il  dans  le  placcn'a  les  matériaux  nécessaires  à  son 
développement  et  quels  sont  ces  matériaux?  A  partir  du  moment  où  le 
placenta  est  formé,  il  paraît  être,  sinon  la  seule  voie  par  laquelle  les 
sucs  nutritifs  passent  de  la  mère  à  l'enfant,  du  moins  l'agent  le  plus  actif 
de  cette  absorption.  Il  n'est  plus  nécessaire  de  démontrer  que  certaines 
substances  injectées  dans  les  vaisseaux  de  la  mère  se  retrouvent  dans 
ceux  de  l'enfant.  Magendie  avait  déjà  retrouvé  dans  le  sang  de  fœlus  de 
chien  l'odeur  du  camphre  un  quart  d'heure  après  avoir  injecté  une  solu- 
tion de  celte  substance  dans  le  système  veineux  dos  mères.  Meyer  ayant 
injecté  du  cyanure  de  potassium  dans  la  trachée-artère  d'une  lapine,  avait 
découvert  ce  composé  dans  le  placenta  et  dans  les  différents  organes  de 
l'embryon.  Plus  récemment  des  recherches  ont  été  faites  par  Denickc,  qui 


PLACENTA;  —  pathologie.  57 

reconnut  que  l'acide  salicylique  passait  dans  le  sang  fœtal  40  minutes 
après  son  absorption.  Gusserow,  Fehling,  y  retrouvèrent  l'iodure  de 
potassium  et  le  chloroforme.  On  peut  donc  dire  avec  certitude  que  les 
substances  tenues  en  dissolution  dans  le  sang  maternel  passent  dans  la 
circulation  fœtale.  En  est-il  de  même  des  substances  qui  ne  peuvent  être 
dissoutes,  et  en  particulier  des  éléments  figurés,  tels  que  les  globules 
sanguins?  Il  est  parfaitement  établi  aujourd'hui  qu'aucun  élément  figuré 
ne  traverse  la  membrane  mince  intermédiare  qui  sépare  le  placenta  mater- 
nel du  placenta  fœlal  (Claude  Bernard).  Les  expériences  de  Davaine  ont 
également  démontré  que  les  poisons  organiques,  tels  que  ceux  du  charbon, 
de  la  pustule  maligne,  ne  peuvent  pénétrer  dans  la  circulation  du  fœtus.  Le 
ferment  virulent  de  la  variole,  qui  est  un  micrococcu?,  fait  seul  exception 
à  cette  règle;  l'embryon  peut  être  infecté  par  l'intermédiaire  de  la  mère 
lorsqu'elle  est  atteint;  de  variole,  ou  quand  même,  sans  être  malade, 
elle  vit  simplement  dans  un  miliej  contaminé.  Les  villosités  choriales 
n'absorbent  que  des  substances  nutritives  ou  médicamenteuses  dissoutes; 
des  albuminoses  et  des  dissolutions  salines  en  constituent  la  majeure 
partie  ;  les  granulations  graisseuses  elles-mêmes  ne  traversent  pas  les 
parois  des  villosités,  ainsi  que  le  prouvent  les  expériences  d'Ahlfeld  ;  il  en 
est  de  même  des  corps  solides,  quelque  fractionnés  qu'ils  soient,  qui  sont 
en  suspension  dans  le  sang  mat  rnel.  L'absorption  des  sucs  nutritifs  desti- 
nés au  développement  du  fœtus  se  fait  par  osmose,  et  on  peut  se  deman- 
der si  ces  phénomènes  endosmotiques  ne  sont  pas  favorisés  par  la  pres- 
sion sanguine  qui  est  relativement  plus  considérable  dans  les  vaisseaux 
maternels  que  dans  ceux  de  l'embryon  ?  Les  phénomènes  d'exosmose  se 
produisent-ils  également,  et  les  principes  contenus  dans  le  sang  fœtal 
peuvent-ils  être  repris  par  la  circulation  maternelle  ?  Magendie  a  souvent 
poussé  dans  les  vaisseaux  du  cordon  des  poisons  très-actifs,  et  il  n'a 
jamais  vu  les  mères  en  éprouver  les  effets.  D'autre  part,  on  voit  assez 
souvent  des  enfants  naître  syphilitiques  sans  que  la  mère  soit  infectée.  11 
est  vraisemblable,  par  conséquent,  que,  si  le  fœtus  puise  dans  le  sang 
maternel  tous  les  principes  solubles  qu'il  contient,  la  mère  n'absorbe 
rien  des  principes  contenus  dans  le  sang  fœtal.  Enfin  il  est  une  dernière, 
et  importante  propriété  du  placenta  qui  a  été  découverte  par  Claude  Ber- 
nard. Dans  une  communication  faite  à  l'Académie  des  Sciences,  le  savant 
physiologiste  a  établi,  qu'il  existe  dans  le  placenta  des  mammifères  une 
fonction  jusqu'à  présent  méconnue  qui  est  destinée  à  remplacer  la  fonction 
glycogénique  du  foie  pendant  les  premiers  temps  delà  vie  embryonnaire. 
Cette  fonction  serait  localisée  dans  un  élément  anatomique  épithélial  du 
placenta  mélangé  avec  la  partie  vasculaire  de  cet  organe,  et  commence- 
rait dès  le  début  de  la  vie  fœtale,  avant  que  l'organe  dans  lequel  cette 
fonction  est  localisée  chez  l'adulte  soit  développé. 

Pathol.oc.ie,  —  L'obscurité  qui  a  longtemps  régné  sur  la  constitution 
anatomique  du  placenta  n'avait  pas  permis  aux  anciens  observateurs 
d'étudier  ses  altérations  d'une  façon  tout  à  fait  scientifique.  Chacun 
d'eux,  se  faisant  une  opinion  différente  de  la  structure  et  du  fonctionne- 


58  PLACENTA.  —  patiioi-ocik. 

ment  de  cet  organe  caduque,  en  concevait  la  pathologie  d'après  des  don- 
nées très-variables  et  le  plus  souvent  erronées.  En  dehors  de  cette 
cause  fondamentale  d'erreur,  l'analogie  tout  au  moins  apparente  qui 
existe  entre  certaines  lésions  placentaires  et  certaines  lésions  organiques 
que  l'on  rencontre  dans  d'autres  tissus  était  de  nature  à  donner  lieu  à  des 
assimilations  dont  l'examen  microscopique  devait  faire  justice. 

Ce  n'est  qu'à  partir  du  moment  où  l'anatomie  du  placenta  a  été  mieux 
connue  que  la  plupart  des  points  de  sa  pathologie  ont  été  étudiés  avec 
fruit;  cependant,  malgré  les  travaux  des  modernes,  de  Ch.  Robin,  de  Yir- 
ehow  en  particulier,  il  est  encore  un  nombre  considérable  de  questions 
dont  la  solution  est  restée  indécise.  Il  résulte  d'un  semblable  état  de 
choses  qu'une  classification  tout  à  fait  rationnelle  des  affections  du  pla- 
centa est  encore  aujourd'hui  très-difficile  à  établir;  tous  ceux  qui  ont 
tenté  de  le  faire  se  sont  bornés  à  une  simple  énumération  des  différentes 
lésions  connues  et  étudiées  au  moment  où  se  publiaient  leurs  travaux. 
Pour  ne  point  entrer  dans  de  longs  et  inutiles  détails  qui  n'auraient 
qu'un  intérêt  historique,  il  suffira  de  mentionner  les  classifications  les 
plus  récentes. 

Dans  une  thèse  inaugurale  (1845)  très-remarquable,  un  élève  du  pro- 
fesseur Stoltz,  Jajger,  a  fait  le  bilan  de  l'état  de  la  science  à  cette  épo- 
que ;  il  a  décrit,  tout  en  discutant  quelques-unes  d'entre  elles,  chacune 
des  affections  suivantes  : 

1°  Hypertrophie  du  placenta.  2°  Atrophie  (a)  simple  ou  dépendant 
d'une  diminution  de  nutrition;  (h)  résultant  de  la  cessation  des  rap- 
ports physiologiques;  (c)  par  suite  de  maladie  du  placenta.  o°  Malacic. 
4°  Congestion.  5°  Apoplexie.  6°  Inflammation  ou  placcntite.  7°  Dépôts  cal- 
caires. 8°  Dégénérescences  diverses. 

Cette  dissertation,  qu'on  pourrait  croire  écrite  d'aujourd'hui,  si  elle 
comprenait  les  recherches  de  Ch.  Robin  sur  la  dégénérescence  hydatoïde. 
résoud  d'une  façon  qu'on  ne  peut  cependant  croire  définitive  la  plupart 
des  questions  qui  se  rapportent  aux  affections  du  placenta. 

Ecrite  plus  récemment  et  par  conséquent  plus  complète  au  point  de  vue 
des  recherches  modernes,  la  thèse  de  Charpentier  (1869)  multiplie  les 
divisions  en  décrivant  séparément  des  lésions  qui  ne  sont  que  des  variétés 
d'un  même  état  morbide.  Sa  classification  comprend  dix  espèces  d'alté- 
rations, qui  sont  : 

1°  Les  épanchements  sanguins  ;  hémorrhagie  utéro-placcntairc.  2°  Les 
dégénérescences  fibro-graisseuses.  3"  Les  transformations  successives  du 
sang  épanché.  4°  La  placcntite  et  les  dépôts  pathologiques  divers  (pus, 
concrétions  ossiformes,  lésions  syphilitiques).  5°  Les  adhérences  anor- 
males soit  à  l'utérus,  soit  au  fœtus.  6°  L'hypertrophie.  7°  L'atrophie. 
8° L'œdème.  9°  Les  tumeurs  (kystes  et  autres).  10" La  sclérose  du  placenta. 

La  môle  vésiculeuse  hydatoïde  est  rangée  par  Charpentier  parmi  les 
maladies  des  membranes. 

Ercolani  a  basé  sa  classification  sur  les  idées  qui  lui  sont  propres  sur 
la  structure  du  placenta  ;  il  divise  ses  affections  en  douze  catégories  : 


PLACENTA. 


  ANOMALIES  DE  DÉVELOPPEMENT. 


5& 


1°  Hypertrophie  des  villosités  choriales,  ou  myxome;  2°  Placenta  hyda- 
Itigène  :  myxome  des  villosités  choriales;  myxome  des  villosités  placen- 
l  taires;  5°  Myxome  de  la  sérotine  ou  de  l'organe  glandulaire  qui  enveloppe 
les  villosités  placentaires;  4° Hyperplasic  ou  hypertrophie  cellulaire  du 
parenchyme  des  villosités  du  placenta  (dégénérescence  graisseuse)  ;  5°  Fi- 
bromes des  villosités  et  de  la  sérotine;  6°  Mélanose  du  placenta;  7°  Lésions 
syphilitiques;  8°  Thromboses,  apoplexies  et  hémorrhagies  ;  9°  Transfor- 
mation des  caillots  sanguins  et  néoplasies  du  placenta;  10°  Concrétions 
calcaires;  M"  Kystes;  12°  Développement  anormal. 

Parmi  ces  différentes  classifications,  en  est-il  une  qui  soit  tout  à  fait 
rationnelle  et  qui  satisfasse  entièrement  l'esprit?  Ne  serait-il  pas  possible 
de  mettre  un  peu  d'ordre  dans  cette  énumération  de  maladies  qui,  bien 
qu'ayant  pour  siège  un  organe  transitoire,  n'en  sont  pas  moins  soumises 
aux  lois  de  la  pathologie  générale?  Si  l'on  veut  bien  s'en  rendre  compte, 
le  placenta,  organe  en  réalité  peu  compliqué,  en  ce  sens  que  les  élé- 
ments anatomiques  qui  le  composent  sont  simples ,  ne  présente  pas 
une  diversité  d'affections  très-considérable,  et  il  semble  que  l'on  peut 
ranger  toutes  ses  lésions  sous  un  tirs-petit  nombre  de  chefs.  Voici  la 
classification  qui  nous  paraît  la  plus  simple  et  qui  sera  suivie  pour  la» 
description  de  toutes  les  altérations  du  placenta  connues  jusqu'ici  : 

D"  Anomalie  de  dév eloppomcnt .  .  .  .  |  ''i  I101   opine  - 

lr  I  atropine. 

2°  Inflammation   placenlile,  abcès,  adhérence. 

»k.T     ii    i     •     i  .•  (  congestion  et  apoplexie. 

(        ù°  Trouble  de  circulation  {  .    br       ..     ,       ...  , 

j  transformation  des  caillots. 

t  (ibro -graisseuse 

•4°  Dégénérescence  ]  calcaire. 

'  hydatoïde. 

5°  Altérations  syphilitiques. 

P.  Anomalies  de  développement.  —  V  Hypertrophie  du  placenta. 

On  sait  qu'au  terme  de  la  grossesse  le  placenta  pèse  généralement  un 
peu  plus  ou  un  peu  moins  de  500  grammes.  Il  peut  cependant,  sans  qu'il 
y  ait  hypertrophie  véritable  ,  dépasser  ce  poids  ,  lorsque  son  augmenta- 
tion de  volume  est  en  rapport  avec  le  développement  du  foetus.  Sa  sur- 
face peut  également,  sans  devenir  anormale,  être  supérieure  aux  dimen- 
sions habituelles,  lorsque  cette  augmentation  d'étendue  vient  en  quelque 
sorte  suppléer  à  un  défaut  d'épaisseur,  comme  cela  arrive  presque  tou- 
jours dans  les  grossesses  abdominales.  On  ne  doit  considérer  comme 
hypertrophique  que  le  placenta  dans  lequel  l'augmentation  de  volume 
n'est  pas  déterminée  par  une  des  deux  causes  qui  viennent  d'être  in- 
diquées. 

Sans  parler  des  cas  cités  parRuysch  [Thèses  anatomiques) .  pour  lesquels 
les  renseignements  sont  insuffisants,  Wrisberg  et  Lassus  assurent  avoir 
recueilli  «les  placentas  de  1500  grammes.  Sclimidt  en  a  rencontré  dont  le 
poids  s'élevait  jusqu'à  2  kilogrammes;  Stoltz  en  a  vu  également  dont  le 
volume  dépassait  de  beaucoup  les  dimensions  normales,  sans  que  leur 
constitution  anatomique  fût  altérée;  mais  ces  cas  sont  probablement  les 


00  PLACENTA.  —  anomalies  de  développement. 

moins  connus,  et  l'on  peut  s'assurer,  en  lisant  les  observations  des  au- 
teurs, de  l'erreur  qu'ils  ont  commise  en  prenant  pour  des  placentas  hyper- 
trophiés des  placentas  malades.  L'altération  qui  en  impose  le  plus 
souvent  est  l'épanchement  sanguin,  parfois  très-considérable.  Le  sang 
peut  avoir  été  récemment  épanché  et  conserver  tous  ses  caractères,  ou 
bien  avoir  subi  en  partie  certaines  transformations  qui  seront  décrites 
plus  loin.  C'est  à  des  cas  de  ce  genre  que  semblent  se  rapporter  certains 
cas  d'hypertrophie  signalés  par  Meyer  (SieboUVs  Journal,  t.  111,  p.  232), 
et  par  Stein  [Wahrnehmungen.  Marbourg,  1808). 

Une  autre  cause  d'augmentation  de  volume  du  placenta,  qui  peut  faire 
croire  à  une  hypertrophie,  a  été  décrite  par  Cruveilhier  (Anatomie patho- 
logique, Maladies  du  placenta,  16e  livraison)  :  c'est  l'infiltration  séreuse, 
due  très-vraisemblablement  à  une  stase  sanguine.  Simpson  en  a,  en  effet, 
observé  un  cas  dans  lequel  il  y  avait  obstacle  à  la  circulation  dans  le 
cordon.  Joulin  fait  remarquer  que  le  placenta  est  dans  ces  cas  volumi- 
neux, de  consistance  molle,  et  plus  pâle  qu'à  l'état  normal.  La  plupart 
du  temps  le  fœtus  est  mort,  tandis  que  le  contraire  a  habituellement  lieu 
en  cas  d'hypertrophie  simple  (Stoltz). 

Charpentier  décrit  aussi,  sous  le  nom  d'hypertrophie,  le  dévelop- 
pement anormal  de  certains  placentas  rencontrés  sur  des  œufs  abortifs 
dont  l'embryon  est  dissous  ou  le  fœtus  macéré.  La  partie  fœtale  du  pla- 
centa serait,  dans  ce  cas,  flétrie,  tandis  que  la  partie  maternelle  (cadu- 
que utéro-placentaire)  aurait  conservé  sa  vitalité  et  même  augmenté  de 
volume.  Cette  partie  de  l'œuf  aurait  ainsi  continué  à  végéter  après  la 
mort  et  même  après  l'expulsion  du  fœtus,  et  constituerait  ce  qu'on  a  dési- 
gné sous  le  nom  de  môle  charnue.  Il  nous  semble  qu'à  aucun  titre  cette 
altération  ne  peut  être  rangée  parmi  les  hypertrophies  placentaires. 

2°  Atrophie.  —  La  distinction  qui  a  été  faite  entre  l'hypertrophie  sim- 
ple et  celle  qui  est  due  à  des  causes  morbides  est  à  plus  forte  raison 
applicable  à  l'atrophie  du  placenta.  Cette  anomalie  de  développement 
peut  être  générale  ou  partielle  ;  elle  présente  trois  variétés  (Jœger)  : 

a.  Atrophie  pure  et  simple  dépendant  d'une  diminution  de  nutrition  ; 

b.  Atrophie  résultant  de  la  diminution  ou  même  de  la  cessation  des 
rapports  physiologiques  ; 

c.  Atrophie  par  suite  de  maladies  du  placenta. 

a.  Atrophie  simple.  —  Le  placenta  atrophié  a  un  volume  sensible- 
ment moindre  qu'à  l'état  normal  ;  il  est  moins  dense,  tantôt  plus  pâle, 
tantôt  [dus  foncé  ;  c'est  une  véritable  diminution  de  nutrition,  qui  parait 
dépendre  le  plus  souvent  de  l'él  U  de  santé  de  la  mère  (chagrins,  ca- 
chexie, etc.).  Dans  certains  cas,  l'atrophie  peut  porter  uniquement  sur 
l'épaisseur  de  l'organe  (placenta  membraneux),  sans  que  sa  structure 
soit  modifiée.  Quand  cet  arrêt  de  développement  est  porté  à  un  très-haut 
degré,  le  fœtus  peut  en  souffrir,  moins  cependant  que  dans  les  variétés 
suivantes  : 

b.  Atrophie  due  à  une  modification  dans  les  rapports  physiologiques. 
—  Le  placenta  a  deux  sortes  de  rapports  physiologiques,  les  uns  humé 


PLACENTA.  — 


INFLAMMATION. 


01 


diats,  avec  la  circulation  fœtale  dont  sa  propre  circulation  fait  partie;  les 
autres  médiats,  avec  la  circulation  maternelle.  Toute  modification  dans 
ces  rapports  est  de  nature  à  déterminer  une  atrophie  placentaire.  II  a  été 
dit  plus  haut  qu'un  obstacle  à  la  circulation  funiculaire  pouvait  provo- 
quer un  œdème  intervilleux  simulant  l'hypertrophie  ;  il  n'en  est  plus  de 
même  quand,  par  suite  de  la  morl  du  fœtus,  le  sang  cesse  de  circuler  dans 
les  vaisseaux  ombilicaux  et  dans  leurs  ramifications.  Le  placenta,  n'ayant 
plus  de  fonctions  à  remplir,  se  flétrit  le  plus  habituellement  ;  son  tissu 
devient  gris,  ratatiné,  résistant  au  doigt  :  il  subit,  selon  toute  apparence, 
une  véritable  régression  graisseuse,  non  point  primitive,  mais  secondaire. 
Le  même  résultat  se  produit  lorsque  les  rapports  entre  le  placenta  et  la 
circulation  maternelle  viennent  à  cesser  sur  une  étendue  tant  soit  peu 
considérable,  par  suite  d'un  décollement  le  plus  souvent  déterminé  par 
des  hémorrhagies  inter-utéro-placentaires; 

c.  Atrophie  due  à  des  maladies  du  placenta.  —  Cette  variété  sera 
décrite  plus  spécialement  à  propos  des  différentes  affections  qui  la  déter- 
minent.-Par  anticipation,  on  peut  dire  qu'elle  est  le  plus  souvent  la  con- 
séquence d'épanchements  sanguins  ou  de  dégénérescence  graisseuse 
primitive. 

II.  Inflammation  du  placenta.  Placentite,  abcès,  adhérences.  —  Une 
des  questions  les  plus  controversées  de  la  pathologie  placentaire  est  celle 
de  savoir  si  le  placenta  est  susceptible  de  s'enflammer.  Un  nombre  impo- 
sant d'auteurs,  parmi  lesquels,  entre  autres,  Brachet,  Dance,  Simpson,  ad- 
mettent la  possibilité  de  l'inflammation,  tandis  qu'elle  est  contestée  par 
des  observateurs  non  moins  autorisés,  tels  que  Bustamente,  Jccquemier, 
Millet  et  Charles  Robin. 

D'après  les  écrivains  qui  croient  à  la  possibilité  de  la  placentite,  celte 
affection  présente  trois  périodes  :  1°  congestion  inflammatoire  ;  2°  hépati- 
sation  et  induration;  5°  suppuration. 

La  congestion  inflammatoire  se  traduirait  par  une  augmentation  de 
volume  du  placenta  résultant  de  l'accumulation  du  sang  dans  ses  vais- 
seaux. Le  parenchyme  placentaire  est  alors  plus  dense,  plus  foncé.  A  un 
degré  plus  avancé,  il  se  fait  un  épanchement  de  lymphe  coagulable  qui 
permet  de  distinguer  la  congestion  inflammatoire  de  la  congestion  passive. 
En  outre,  dans  la  placentite,  la  congestion  est  limitée  à  une  partie  de  l'or- 
gane, tandis  qu'elle  est  générale,  quand  elle  est  due  à  une  cause  méca- 
nique. 

Dans  la  seconde  période  la  placentite  se  présente  sous  forme  aiguë  ou 
chronique;  dans  le  premier  cas,  qui  est  rarement  observé,  il  y  a  véritable 
hépatisation  de  l'organe;  son  tissu,  gorgé  de  sérosité  rougeàtre  qui  s'écoule 
quand  on  le  comprime  entre  les  doigts,  est  facile  à  déchirer;  il  est  d'un 
rouge  plus  ou  moins  vif,  et  a  tout  à  fait  l'apparence  de  celui  du  poumon 
hépalisé.  Dans  la  forme  chronique,  qui  peut  être  primitive  ou  secondaire, 
on  remarque  une  induration  du  placenta,  qui  est  gris,  rouge  ou  jaunâtre, 
criant  parfois  sous  le  scalpel  et  présentant  à  l'incision  un  aspect  lardacé: 
Cette  induration  est  tantôt  générale,  tantôt  bornée  à  quelques  lobes.  C'est 


I 


PLACENTA.  —  ixfkammatios 

dans  cette  période  que  s'établissent  entre  la  matrice  et  le  placenta  des 
adhérences;  laililcs  quand  l'inflammation  est  récente;  très-resisiantes 
quand  elle  est  ancienne. 

Ces  adhérences  résulteraient  d'un  véritahle  travail  inllarnmatoire. 
se  produisant  à  la  fois  sur  la  surlace  interne  de  la  muqueuse  utérine  et 
sur  la  surface  utérine  du  placenta,  dont  la  réunion  avec  la  première  se 
ferait  en  quelque  sorte  par  voie  de  cicatrisation.  D'après  Rrachet,  il  y 
aurait  d'abord  épanchement  de  lymphe  plastique,  puis  organisation  de 
fausses  membranes.  11  est  plus  vraisemhlablc  que  ces  adhérences,  lors- 
qu'elles existent,  résultent  de  la  coagulation  d'un  épanchement  sanguin 
peu  épais  (Stoltz),  ou  d'une  modification  dans  la  structure  de  la  caduque 
utéro-placentaire,  ou  bien  encore  de  la  persistance  de  la  structure  primi- 
tive de  la  caduque  (Ch.  Robin).  Dans  la  même  période  d'induration, 
Désormeaux  et  Dubois  ont  signalé  l'épaississement  des  membranes  chorion 
et  amnios,  par  suite  de  dépôt  de  lymphe  plastique.  Cette  modilication  de 
la  surface  fœtale  du  placenta  pourrait  même  être  assez  considérable  pour 
déterminer  des  adhérences  entre  les  membranes  de  l'œuf  et  le  corps 
du  fœtus  (Ilouel). 

La  troisième  période  de  la  placentite  serait  caractérisée  par  la  forma- 
tion de  pus,  qui  peut  se  trouver  infiltré  ou  réuni  en  foyers,  tan  lot 
centraux,  tantôt  voisins  de  l'une  ou  de  l'autre  surface.  De  volume  variable, 
ils  présenteraient  cette  particularité  importante,  de  n'avoir  jamais  de 
membrane  granuleuse  sur  leur  paroi  (Geoffroy  de  Montreuil). 

Quelque  précise  que  paraisse  cette  description  de  l'anatomie  patholo- 
gique de  la  placentite,  on  est  obligé  de  reconnaître  qu'elle  est  un  peu 
imaginaire.  Aussi  les  adversaires  de  l'inflammation  du  placenta  ont-ils 
recherché  si,  dans  les  observations  connues,  les  caractères  d'une  véritable 
inflammation  avec  son  cortège  habituel  de  modifications  dans  les  élé- 
ments anatomiques  se  rencontraient.  Ils  ont  fait  remarquer  que  les  lésions 
appartenant  à  la  première  période  se  voient  également  à  la  suite  de 
toute  congestion  des  vaisseaux  ombilicaux,  ou  de  toute  stase  sanguine 
dans  le  parenchyme  placentaire,  et  que  les  lésions  de  la  seconde  période 
(induration,  etc.)  étaient  produites  par  les  diverses  transformations  de 
sang  épanché.  Quant  à  la  présence  du  pus  dans  le  tissu  placentaire,  elle 
n'est  rien  moins  que  démontrée  dans  les  dix  observations  connues  et 
publiées  dans  les  recueils.  Et,  même  en  admettant  que  l'on  a  trouvé 
réellement  du  pus  dans  le  placenta,  il  se  serait  formé,  d'après  Jac- 
quemicr,  dans  l'utérus  enflammé.  De  son  côté,  Ch.  Robin  a  cherché  à 
établir  que  le  liquide  contenu  dans  les  prétendus  abcès  n'était  qu'un 
pseudo-pus  fibrineux  tout  à  fait  différent  du  pus  véritable  (Ch.  Robin  et 
Ycrdeil).  En  résumé,  poui  Ch.  Rodin  et  la  plupart  des  modernes,  ce  que 
l'on  a  pris  pour  les  signes  d'une  placentite,  n'est  qu'une  série  d'états 
dépendant  de  la  congestion  placentaire  et  de  transformations  successives 
du  sang  épanché.  Ce  qui  a  été  regardé  comme  du  pus  n'est  que  de  la 
fibrine  en  voie  de  désorganisation.  Dans  les  cas  où  l'on  a  trouvé  du  pus 
véritable,  ce  pus  avait  été  déposé  accidentellement  dans  le  tissu  pla- 


PLACENTA.   —  TROUBLES  DE  CIRCULATION.  63 

ccntaire.  En  présence  d'opinions  si  diverses,  on  ne  peut  que  répéter  avec 
Jœ^er  que  la  question  de  l'inflammation  du  placenta  est  environnée 
d'obscurités,  et  qu'il  faut  de  nouvelles  observations  bien  faites,  soumises 
à  tous  les  moyens  de  vérification  qui  sont  en  noire  pouvoir,  pour  être 
autorisé  à  tirer  des  conclusions  définitives. 

111.  Troubles  de  circclation.  —  i°  Congestion,  apoplexie.  Les  troubles 
de  la  circulation  placentaire  ont  été  étudiés  principalement  au  poiul 
de  vue  des  épanchements  sanguins  qui  se  produisent  fréquemment 
dans  le  placenta  et  sont  une  des  causes  les  plus  ordinaires  d'avortement. 
Après  les  avoir  considérées  comme  l'origine  des  altérations  diverses  des 
villosités  choriales,  on  s'est  demandé  si  ces  altérations,  et  en  particulier 
la  dégénérescence  graisseuse,  n'en  étaient  pas  plutôt  la  cause  déterminante 
que  le  résultat.  Ce  sont  là  des  questions  assez  difficiles  à  résoudre  avant 
que  des  recherches  plus  précises  ne  les  aient  plus  complètement  élucidées. 
Tout  ce  qu'on  peut  affirmer  aujourd'hui,  c'est  que  ces  deux  états,  apo- 
plexie placentaire  et  dégénérescence  graisseuse  des  villosités,  sa  trouvent 
fréquemment  réunis  sans  que  l'on  puisse  décider  quel  est  celui  qui  s'est 
produit  le  premier. 

La  plupart  des  auteurs  admettent  que  l'épanchcment  sanguin  est  pré- 
cédé et  accompagné  d'une  état  congestif  qui  se  traduit  par  une  augmen- 
tation de  volume,  par  une  densité  plus  grande  et  par  une  coloration  plus 
foncée  du  tissu  placentaire.  La  congestion  aurait  pour  siège,  d'après 
Simpson,  les  vaisseaux  ombilicaux  et  les  vaisseaux  uléro -placentaires. 
Jacquemier  pense  que  l'afflux  du  sang  se  fait  uniquement  par  les  vais- 
seaux uléro-placentaires  et  sous  l'influence  d'une  congestion  utérine.  Cette 
manière  de  voir  n'est  plus  admissible  depuis  qu'il  a  été  démontré  qu'il 
n'existe  pas  de  communication  vasculaire  directe  entre  les  vaisseaux 
fœtaux  et  utérins.  11  est  on  ne  peut  plus  vraisemblable  que  ce  sont  les 
vaisseaux  utérins  qui  se  congestionnent  presque  toujours.  Ce  ne  serait 
que  dans  des  cas  assez  rares  que  des  perturbations  dans  la  circulation 
fœtale  (compression,  anomalie  du  cordon)  amèneraient  une  stase  sanguine 
dans  les  vaisseaux  ombilicaux.  Les  causes  de  congestion  venant  du  côté 
de  la  mère  sont  beaucoup  plus  nombreuses;  Jœger  signale  en  particu- 
lier la  pléthore  générale,  une  menstruation  habituellement  abondante 
dont  le  molimen  persiste  pendant  la  gestation,  les  accidents  hyslérnluiques, 
les  excitations  portées  sur  l'utérus  ou  ses  annexes,  les  phlegmasies  des 
organes  voisins,  etc. 

Quelle  que  soit  la  cause  qui  l'ait  déterminée,  la  congestion  peut  dis- 
paraître sous  l'influence  du  repos  et  d'un  régime  convenable,  ou  donner 
lieu  à  des  épanchements  sanguins.  Cruveilhier  avait  déjà  appelé  l'attention 
des  accoucheurs  sur  cette  lésion  qui  «consiste,  dit-il,  dans  des  foyers  de 
sang  en  plus  ou  moins  grand  nombre  et  à  divers  degrés  dans  l'épaisseur 
du  placenta  déchiré,  lésion  bornée  quelquefois  à  un  petit  nombre  de  coty- 
lédons, mais  s'étendant  souvent  à  un  plus  grand  nombre  ».  Jacqucniior, 
deson  côté,  publiait  en  1839  un  travail  très-remarquable  et  très-com- 
plet sur  les  épanchements  sanguins.  D'après  cet  auteur  les  hémorrhagies 


64  PLACENTA.  —  tiioudles  vv.  chiculatio.x.' 

ont  pour  origine  constante  des  déchirures  veineuses,  soit  dans  le  tissu 
placentaire,  soit  en  dehors  du  placenta,  dans  la  caduque. 

Le  siège  de  l'épanghement  varie  selon  l'âge  de  la  grossesse.  Dans  les 
trois  premiers  mois  une  des  veines  utéro-placenlaires  se  rompt;  le  sang 
épanché  s'accumule  dans  un  espace  libre  qui  persiste  encore  à  celte 
époque  entre  le  chorion  et  la  caduque  et  il  enveloppe  L'œuf  tout  entier. 
Dans  une  seconde  période  le  sang  épanché,  rencontrant  moins  de  résistance 
dans  la  partie  profonde  du  placenta  que  du  côté  de  la  partie  superficielle, 
dont  la  densité  est  plus  grande,  s'accumule  vers  la  surface  externe  du 
chorion  sans  dépasser  les  limites  du  placenta.  A  une  époque  encore  plus 
avancée  de  la  gestation,  la  densité  de  plus  en  plus  grande  du  placenta 
ne  permet  plus  au  sang  de  s'épancher  sur  une  grande  surface,  et  il  se 
forme  des  foyers  isolés. 

L'épanchement  peut  donc  avoir  lieu  entre  la  caduque  et  le  chorion, 
ou  dans  le  placenta  lui-même.  Dans  ce  cas  il  se  présente  sous  trois  formes 
différentes,  selon  l'époque  à  laquelle  il  s'est  produit  :  (a)  Les  foyers  irré- 
guliers, volumineux,  sont  le  plus  souvent  placés,  soit  dans  les  environs 
de  la  veine  coronaire,  laquelle  communique  avec  eux,  soit  au  centre  du  gâ- 
teau placentaire;  ils  s'étendent  alors  jusqu'à  la  face  externe  du  chorion 
ou  jusqu'à  la  surface  utérine  du  placenta  déchiré  et  décollé  dans  la 
partie  correspondante,  (b)  On  ne  trouve  pas  de  foyer  proprement  dit, 
mais  une  infiltration  sanguine  dans  un  ou  plusieurs  lobes  dont  le  tissu 
paraît  raréfié,  (c)  Enfin  les  foyers  peuvent  être  nombreux,  très  bien 
circonscrits  et  disséminés  dans  l'épaisseur  du  tissu  placentaire.  Désor- 
meaux  et  Paul  Dubois  avaient  également  insisté  sur  ce  que,  «  lors- 
que vers  la  fin  du  troisième  mois  le  chorion  est  immédiatement  appliqué 
contre  la  caduque  réfléchie  et  que  le  sang  ne  peut  plus  trouver,  eutre  ces 
deux  membranes,  d'espace  pour  se  répandre,  c'est  dans  l'épaisseur  même 
du  placenta  qu'il  s'épanche,  forme  alors  des  foyers  qui  varient,  non- 
seulement  par  le  nombre,  la  forme  et  le  volume,  mais  encore  par  le  siège, 
foyers  qu'on  trouve  en  général  d'autant  plus  rapprochés  de  la  face  fœtale 
que  la  grossesse  est  moins  avancée,  et  au  contraire  d'autant  plus  voisins 
de  la  face  utérine  qu'on  s'éloigne  davantage  du  moment  de  la  concep- 
tion ». 

Les  foyers  apoplectiques  ne  diffèrent  pas  moins  par  leur  nombre  et  par 
leur  volume  que  par  leur  siège.  Tantôt  du  volume  d'un  pois,  tantôt 
aussi  de  celui  d'une  noix  ou  d'un  œuf  de  pigeon,  ils  sont  parfois  uniques, 
parfois  très-nombreux.  Simpson  a  trouvé  un  placenta  sur  lequel  on 
n'apercevait  en  le  coupant  qu'une  infinité  de  petit  caillots  arrondis,  dis- 
tincts, mais  serrés  les  uns  contre  les  autres.  On  conçoit  que  dans  des  cas 
analogues  l'aspect  du  tissu  placentaire  puisse  être  altéré  au  point  de 
simuler  une  véritable  dégénérescence  mëlanique ;  mais  les  choses  ne  se 
passent  pas  habituellement  ainsi  et  l'on  rencontre  le  plus  souvent  des  foyers 
à  contours  très-bien  limités.  Dans  quelques  cas  cependant,  le  sang  s'in- 
filtre dans  le  tissu  placentaire  sans  s'y  créer  de  cavité  proprement  dite, 
et,  si  l'épanchement  a  lieu  dans  le  voisinage  du  chorion,  il  peut  cheminer 


PLACENTA.  —  TROUBLES  DE  la  circulation. 


65 


jusqu'à  l'insertion  du  cordon  qui  en  est  "quelquefois  lui-même  infiltré. 
On  peut  également  rencontrer  sur  un  même  placenta  des  foyers  bien  cir- 
conscrits et  une  infiltration  du  tissu  placentaire  voisin;  cet  état  peut  tenir 
à  deux  causes,  soit  à  l'existence  de  petits  foyers  apoplectiques  autour  d'un 
foyer  plus  volumineus,  soit  à  une  infiltration  des  parties  colorantes  du 
sang. 

Quelle  est  l'origine  du  sang  épanché.  On  a  vu  plus  haut  que  Jacqucmier 
en  place  la  source  la  plus  commune  dans  les  vaisseaux  utéro-placentaires. 
Simpson  pense  que  si  l'hémorrhagie  se  déclare  pendant  les  premiers 
mois,  elle  prend  naissance  dans  les  vaisseaux  de  la  caduque  et  dans  les 
vaisseaux  rudimentaires  du  placenta.  D'après  Cruveilhier,  le  sang  est 
fourni  le  plus  souvent  par  les  vaisseaux  ombilicaux.  Cette  dernière  opinion 
est  partagée  par  Millet,  qui  soutient  que  les  foyers  apoplectiques  du  centre 
des  lobes  sont  le  résultat  d'une  rupture  des  vaisseaux  du  cordon,  et  par 
Charpentier  qui  dit  avoir  vu  souvent,  une  dilatation  anévrysinale  de  ces 
vaisseaux  au  niveau  de  leur  insertion  placentaire.  La  possibilité  de  la  rup- 
ture des  vaisseaux  ombilicaux  a,  du  reste,  été  démontrée  par  une  obser- 
vation de  Dcneux  et  on  ne  saurait  contester  que  leurs  tuniques  très  minces 
ne  soient  dans  des  conditions  bien  propres  à  se  rompre  sous  l'influence  de 
causes  variables.  Joulin  place  l'origine  des  épanchements  sanguins  soit 
dans  la  muqueuse  utéro-placentaire,  soit  dans  la  substance  même  du  pla- 
centa et  les  attribue  à  la  destruction  des  parois  des  vaisseaux  et  à  leur  fusion. 
Toutes  ces  causes  peuvent  amener  des  hémorrhagies  dans  des  circonstances 
spéciales,  mais  il  est  vraisemblable  que  dans  le  plus  grand  nombre  de  cas 
c'est  par  les  sinus  veineux  que  le  sang  fait  irruption.  Voici,  d'après  Jœger, 
comment  les  choses  se  passeraient  :  par  suite  de  la  congestion  il  y  a 
décollement  du  placenta  au  niveau  de  la  caduque  et  l'écoulement  san- 
guin se  fait  par  les  sinus.  Le  sang  s'épanche  dans  les  lobes  placen- 
taires ou  entre  eux,  les  infiltre  ou  se  réunit  en  foyer. 

Cette  irruption  du  sang  par  les  vaisseaux  utérins  a-t-elle  toujours  lieu 
sous  l'influence  d'une  congestion  utérine  ou  bien  n'est-elle  pas  plutôt 
due  à  l'altération,  qui  sera  décrite  plus  loin,  sous  le  nom  de  dégéné- 
rescence graisseuse  ;  ou  bien  encore  ces  deux  causes  ne  contribuent-elles 
point  ensemble  à  déterminer  des  apoplexies  placentaires?  L'époque  peu 
avancée  de  la  grossesse  où  l'on  observe  le  plus  souvent  des  hémorrhagies 
placentaires  considérables  donnerait  à  penser  que  c'est  plutôt  sous  l'in- 
fluence de  la  congestion  utérine  qu'elles  se  produisent;  on  verra,  en 
effet,  que  la  dégénérescence  graisseuse  des  villosités  est  un  fait  à  peu 
près  constant  dans  la  dernière  période  de  la  grossesse,  c'est-à-dire  à  une 
époque  où  les  hémorrhagies  deviennent  de  plus  en  plus  rares. 

Les  théories  qui  viennent  d'être  exposées  reposent  toutes  sur  le  fait  de 
la  persistance  des  tuniques  des  sinus  utérins,  or,  on  sait  qu'un  certain 
nombre  d'auteurs  ont  cru  avoir  constaté  que  les  villosités  choriales  plon- 
gent directement  dans  le  sang  maternel,  dans  de  véritables  lacs  san- 
guins; aussi  tous  ceux  qui  se  sont  ralliés  à  cette  manière  de  voir,  consi- 
dèrent-ils les  hémorrhagies  placentaires  comme  impossibles  dans  les 

NODV.  DICT.  M  ÉD.  ET  CUIR.  XXVIII  5 


Qg  PLACENTA.  —  thouhles  df.  lk  ciiicui.atio.n. 

vaisseaux  et  prétendent  que  le  sang  n'est  jamais  extravasé,  mais  simple- 
ment coagulé  de  façon  à  former  de  véritables  thromboses.  D'après  Busta- 
mente,  ces  thromboses  seraient  ducs  tout  à  la  fois  à  l'augmentation  du 
calibre  des  vaisseaux,  au  changement  de  direction  qu'ils  affectent  et  aux 
modifications  que  la  puerpéralité  apporte  dans  la  composition  du  sang. 
Bailly  conteste  la  possibilité  des  foyers  apoplectiques  aussi  longtemps  que 
la  constitution  anatomique  du  placenta  n'a  point  été  altérée  par  la  dégé- 
nérescence fibro-graisseuse.  Ces  théories  paraissent  un  peu  subtiles,  elles 
ont  le  tort  de  reposer  sur  deux  hypothèses  également  erronées  :  en  pre- 
mier lieu,  l'existence  de  vrais  lacs  sanguins  dans  lesquels  les  villosités 
seraient  en  rapport  direct  avec  le  sang  maternel,  et  en  second  lieu,  la 
dégénérescence  graisseuse  constante  des  villosités  choriales  en  cas  d'apo- 
plexie placentaire;  or,  les  recherches  de  Depaul  ont  démontré,  qu'il 
peut  y  avoir  épanchement  sanguin  sans  altération  préalable  des  villosités. 
La  même  objection  s'applique  à  la.  théorie  d'Ercolani  d'après  laquelle  la 
dégénérescence  graisseuse  des  cellules  de  la  sérotine  serait  toujours  pré- 
existante ;  ces  cellules  une  fois  transformées  supporteraient  mal  la  pression 
du  sang  des  lacunes,  ce  qui  donnerait  lieu  à  de  véritables  hémorrbagics. 

2°  Transformation  des  caillots  sanguins.  Lorsqu'un  épanchement 
sanguin  survient  dans  les  premiers  mois  de  la  grossesse,  il  se  fait  entre  le 
chorion  et  la  caduque  ce  qui  détruit  les  moyens  d'union  encore  très  faibles 
qui  existent  entre  ces  deux  membranes.  L'avortement  en  est  le  plus  sou- 
vent la  conséquence.  Cependant  dans  quelques  cas,  le  liquide  épanché 
s'organise  et  détermine  des  adhérences  plus  ou  moins  intimes  de 
l'œuf  avec  la  muqueuse  utérine.  Lorsque  la  grossesse  est  plus  avancée, 
l'hémorrhagie  est  limitée  au  tissu  placentaire  et  peut  également  déter- 
miner l'expulsion  prématurée  du  produit  de  la  conception  ;  mais  il  n'en 
est  pas  toujours  ainsi,  et  l'on  rencontre  un  grand  nombre  de  placentas 
dans  lesquels  une  hémorrhagie  plus  ou  moins  considérable  s'est  produite, 
sans  que  souvent  rien  ne  soit  venu  en  révéler  l'existence  pendant  le 
cours  de  la  gestation.  Les  transformations  subies  par  les  foyers  apoplec- 
tiques ont  été  étudiées  avec  soin.  Le  premier  ebangement  qui  survient 
dans  le  caillot  est  sa  décoloration,  qui  marche  de  l'extérieur  à  l'intérieur. 
La  couche  externe  prend  une  couleur  d'abord  rougeàtre,  puis  jaune, 
puis  grise  ou  blanchâtre.  Les  couches  les  plus  internes  présentent,  à  me- 
sure qu'elles  deviennent  plus  profondes,  une  coloration  plus  foncée.  En 
général  la  partie  centrale  est  plus  molle  ou  même  tout  à  fait  liquide  ;  ce 
n'est  qu'au  bout  d'un  temps  assez  long  que  toute  la  masse  prend  une 
consistance  homogène  et  une  coloration  uniforme.  Lorsque  les  foyers 
sont  un  peu  considérables,  il  existe  presque  toujours  à  leur  centre  une 
cavité  vide  ou  contenant  du  sérum,  qui  a  été  prise  parfois  pour  un  k\ste 
séreux;  à  une  époque  plus  avancée  le  caillot  peut  devenir  tout  à  fait  dur 
et  prendre  une  consistance  lardacéc  ou  bien  se  transformer,  ainsi  que  l'a 
observé  Jacqucmicr,  en  une  substance  jaune,  grisâtre,  sléatomalcusc,  res- 
semblant à  de  la  matière  tuberculeuse. 

Pendant  qu'il  subit  ces  transformations  successives,  le  foyer  revient  sur 


PLACENTA.  —  DÉGÉ.NISRKSCENCES.  67 

lui-même  et  diminue  notablement  de  volume  ;  en  même  temps  le  tissu 
ambiant  dans  lequel  il  s'est  produit,  s'infiltre  de  sérosité  sanguine  plus  ou 
moins  considérable  et  subit  aussi  quelques  modifications.  Pour  peu  que 
L'infiltration  ait  été  abondante,  la  résorption  ne  se  fait  pas,  les  villosités 
cboriales  et  leurs  vaisseaux  s'oblitèrent  et  subissent  une  véritable  régres- 
sion, le  plus  souvent  bornée  à  un  lobe,  mais  pouvant  s'étendre  à  une 
notable  portion  du  placenta  et  nuire  à  la  nutrition  du  fœtus. 

Les  épancliements  sanguins  ne  subissent  pas  toujours  les  transforma- 
tions qui  viennent  d'être  décrites  ;  ils  peuvent  disparaître  entièrement. 
Verdier  a  indiqué  de  la  façon  suivante  le  processus  de  leur  disparition. 
La  fibrine  s'infiltre  dans  les  tissus,  son  apparence  librillaire  devient 
grenue,  la  masse  se  ramollit  et  on  a  sous  les  yeux  une  masse  semi-liquide, 
jaunâtre,  ayant  absolument  l'aspect  de  pus  et  qui  a  été  considéré  comme 
tel  par  les  anciens  observateurs.  On  trouve  dans  ces  masses  pyoïdes  : 
1°  des  granulations  fibreuses  et  graisseuses;  k2°  du  liquide;  5°  des  glo- 
bules blancs  restés  englobés  et  mis  à  nu  par  le  travail  de  ramollissement; 
ils  sont  toujours  altérés,  ordinairement  ebargés  de  granulations  grais- 
seuses (Vulpian). 

Quelques  auteurs  pensent  aussi  que  les  caillots  sanguins  peuvent  s'or- 
ganiser plus  ou  moins  complètement  (Uunter,  Billroth).  On  a  même 
prétendu  que  lorsque  du  sang  s'est  épanebé  entre  la  muqueuse  utérine  et 
le  placenta,  la  partie  décollée  peut  s'unir  à  l'utérus  par  l'intermédiaire 
des  caillots  organisés,  et  cette  union  devenir  assez  solide,  pour  rendre  la 
délivrance  difficile.  Mais  les  recherches  de  Ch.  Robin  ne  semblent  pas  con- 
firmer cette  opinion;  elles  tendent  au  contraire  à  démontrer  que  les 
épancliements  sanguins  ne  s'organisent  pas,  mais  se  décolorent  seule- 
ment et  se  condensent.  Leur  apparence  d'organisation  serait  due  à  l'état 
librillaire  de  la  fibrine. 

On  rencontre  quelquefois  sur  la  face  ^fœtale  du  placenta  des  tumeurs 
volumineuses  dont  l'enveloppe  est  formée  par  un  tissu  analogue  au  tissu 
squirrheux,  et  dont  la  partie  centrale  est  constituée  par  des  caillots. 
Danyau,  qui  en  a  cité  deux  observations,  considère  avec  raison  ces  tumeurs 
comme  d'anciens  foyers  apoplectiques.  On  doit  également  donner  une 
.  origine  hématique  à  des  kystes  occupant  le  même  siège  et  contenant  un 
liquide  lactescent  dans  lequel  nagent  des  globules  sanguins.  Ces  kystes 
ne  doivent  pas  être  confondus  avec  une  autre  variété  décrite  par  Millet  et 
que  la  nature  du  liquide  qu'elle  contient  (gélatine  de  Wharlon)  suffit  à 
faire  classer  parmi  les  dégénérescences-hydatoïdes  des  villosités. 

IV.  Uégénéuescences.  —  1°  Dégénérescence  dite  graisseuse  du  pla- 
centa. Induration  du  placenta.  Encéphaloïdes.  Dégénérescence  squir- 
rheuse,  cancéreuse,  tuberculeuse.  On  doit  aux  travaux  de  Ch.  Robin,  de 
Barnes  et  de  Druilt  la  connaissance  de  deux  faits  qui  éclairent  d'un  jour 
nouveau  l'histoire  de  la  dégénérescence  graisseuse  du  placenta  et  toute  la 
pathologie  de  cet  organe,  il  résulte  en  effet  des  recherches  de  Robin  que 
les  villosités  cboriales  qui  ne  concourent  pas  à  la  formation  du  placenta 
s'oblitèrent  dès  les  premiers  mois  de  la  grossesse  et  que  l'on  rencontre 


08  PLACENTA.  —  dégénérescences. 

non  seulement  dans  leurs  parois,  mais  encore  dans  leur  épaisseur  un 
grand  nombre  de  granulations  graisseuses.  Cette  oblitération  fibreuse  et 
fa  dégénérescence  graisseuse  qui  l'accompagne  n'est  ordinairement  pas 
bornée  aux  villosités  choriales,  mais  envahit  également  un  nombre  plus 
ou  moins  considérable  de  villosités  placentaires.  De  son  côté,  Bames 
pvait  constaté  que  la  surface  utérine  d'un  grand  nombre  de  placentas  à 
terme  présentait  une  coloration  d'un  jaune  pâle  et  que  les  villosités  de 
cette  surface  avaient  subi  la  dégénérescence  graisseuse.  L'altération  était 
moins  avancée  dans  la  profondeur  du  gâteau  placentaire,  mais  aucune 
villosité  n'était  saine  et  tous  les  vaisseaux  étaient  rompus,  si  ce  n'est 
au  fond  des  sillons  interlobaijres  où  la  communication  vasculaire  avec  l'uté- 
rus était  persistante.  Druitt  arrivait  également  aux  conclusions  suivantes: 
1°  La  dégénérescence  commençante  est  une  condition  normale  du  placenta 
à  la  fin  de  la  grossesse.  2°  Elle  a  pour  cause  la  cessation  partielle  des 
fonctions  actives  de  cet  organe,  quand  le  développement  actif  du  fœtus 
est  presque  complet.  5°  Lorsqu'elle  se  présente  dans  les  premiers  mois, 
elle  a  probablement  pour  cause  un  défaut  de  forces  nutritives  du  fœtus 
ou  sa  mort.  La  conséquence  de  ces  recherches  dont  les  résultats  sont 
identiques  est,  que  l'oblitération  fibreuse  et  l'altération  graisseuse  sont 
des  phénomènes  normaux  dans  l'évolution  des  villosités  choriales  et  pla- 
centaires; qu'elles  envahissent  les  premières  dès  le  début  de  la  grossesse, 
tandis  que  les  secondes  ne  sont  atteintes  que  tardivement  et  seulement 
dans  leur  partie  superficielle.  Mais  si  les  choses  se  passent  ainsi  dans  le 
plus  grand  nombre  des  cas,  il  n'est  pas  rare  de  voir  la  lésion  s'étendre 
à  un  ou  plusieurs  lobes  et  même  à  la  plus  grande  partie  du  placenta.  Le 
plus  souvent  c'est  à  la  circonférence  du  gâteau  placentaire  qu'elle  se  ren- 
contre. Un  nombre  plus  ou  moins  grand  de  lobes  présentent  l'aspect  sui- 
vant :  ils  sont  déprimés,  plus  fermes  qu'à  l'état  normal  et  forment  une 
masse  compacte  se  déchirant  en  fragments  dont  la  surface  est  filamenteuse 
et  irrégulière.  Les  villosités  offrent  un  degré  très  avancé  d'oblitération 
fibreuse  et  forment  des  cordons  pleins  et  résistants.  La  substance  cho- 
riale  propre  est  devenue  très  granuleuse  sans  qu'il  existe  cependant  des 
granulations  graisseuses  dans  toutes  les  ramifications  villeuses.  Les  villosi- 
tés adhèrent  entre  elles.  Dans  une  autre  variété,  les  granulations  graisseuses 
sont  plus  abondantes,  les  lobes  sont  séparés  par  des  sillons  profonds, 
leur  tissu  est  plus  dur  qu'à  l'état  normal;  friable,  d'un  gris  jaunâtre; 
il  reprend  dans  la  profondeur  son  aspect  normal  tant  comme  consistance 
que  comme  coloration. 

Peut-être  est-ce  à  une  altération  de  même  nature  qu'il  faut  attribuer 
l'affection  décrite  sous  le  nom  de  sclérose  du  placenta.  Le  placenta  se 
présente  sous  la  forme  d'une  masse  rougcàtre,  homogène,  compacte,  se 
séparant  en  petits  lobes  ;  le  tissu  morbide  est  constitué  par  des  éléments 
fibro-plastiques,  régulièrement  disposés  et  formant  des  couches  concen- 
triques. 

Les  placentas  dont  un  ou  plusieurs  lobes  sont  atteints  de  dégénéres- 
cence fibro-graisseuse  ont  une  physionomie  particulière.  On  distingue  au 


PLACENTA.  —  dégénérescences'.  69 

milieu  de  lobes  frais  et  rosés  des  masses  grisâtres  ou  blanchâtres  d'un 
aspect  squirrlieux  qu'on  a  longtemps  regardées  comme  dues  à  des  épan- 
chements  sanguins.  Selon  Robin,  l'induration  jaunâtre  n'est  point  l'effet 
de  la  suffusion  du  sang,  dont  on  ne  rencontre  jamais  les  éléments  carac- 
téristiques (globules  et  cristaux  d'hématoïdine)  ;  ce  qui  a  pu  induire  en 
erreur  à  cet  égard,  c'est  la  concomitance  des  hémorrbagies  placentaires 
et  de  la  dégénérescence  iibro-graisscuse,  ainsi  que  la  présence  simultanée 
des  lésions  consécutives  à  chacune  de  ces  deux  affections.  Il  est  probable 
que  des  recherches  poursuivies  dans  le  même  sens  que  celles  de  Robin 
achèveront  de  faire  connaître  les  causes  et  le  mécanisme  de  l'altération 
fibro-graisseuse.  On  doit  se  borner  aujourd'hui  à  la  considérer  comme 
résultant  d'une  oblitération  fibreuse  des  villosités  compliquée  d'infiltra- 
tion granulo-graisseuse. 

2°  Dépôts  calcaires.  Lithiase.  Concrétions  ossiformes.  —  Les  dépôts 
calcaires  du  placenta  ont  été  observés  et  décrits  par  les  plus  anciens  au- 
teurs. Lobstein  les  considérait  comme  des  ossifications  vasculaires;  on  sait 
aujourd'hui  qu'ils  sont  formés  de  carbonate  de  chaux  et  de  phosphate  de 
chaux  et  de  magnésie.  Ils  ont  la  forme  de  grains  de  gravier,  d'aiguilles,  de 
stalactites,  ou  mieux  encore  de  coraux.  Leur  volume  varie  de  quelques 
centièmes  de  millimètres  à  quelques  millimètres.  Les  concrétions  les  plus 
petites  se  trouvent  généralement  sur  la  surface  utérine  ;  elles  donnent 
sous  le  doigt  la  sensation  de  grains  de  sable  et  se  sont  déposées  dans  la 
caduque.  Celles  qui  ont  la  forme  d'aiguilles  ou  de  coraux  se  rencontrent 
plus  habituellement  dans  l'épaisseur  du  gâteau  placentaire  et  ont,  d'après 
Cruveilhier,  leur  siège  dans  les  tuniques  artérielles.  Enfin  elles  peuvent 
également  être  rassemblées  en  une  seule  masse  irrégulière  occupant  un 
point  quelconque  du  parenchyme  spongieux  et  particulièrement  les  espaces 
interlobaires.  Leur  nombre  est  extrêmement  variable.  Millet  dit  avoir 
trouvé  dans  un  seul  placenta  plus  de  deux  cents  calculs  dont  le  plus 
volumineux  était  gros  comme  une  noix?  Ces  concrétions  se  développent 
dans  les  tissus  affectés  de  dégénérescence  graisseuse  et  spécialement  dans 
la  caduque,  ou  bien  dans  la  paroi  externe  des  villosités  atteintes  de  trans- 
formation fibreuse. 

5°  Dégénérescence  hydatoïde.  —  Celte  affection  est  sans  contredit  la 
maladie  de  l'œuf  humain  qui  a  été  le  plus  anciennement  décrite  et  celle 
dont  la  nature  a  été  le  plus  complètement  méconnue,  llippocrate,  qui  attri- 
buait sa  production  à  l'épaisseur  du  sperme  retenu,  lui  assignait  pour 
symptômes  le  développement  exagéré  du  ventre,  ainsi  que  l'absence  de  tout 
mouvement  dans  le  ventre  et  de  lait  dans  les  mamelles.  De  Graaf  la  con- 
sidérait comme  formée  de  véritables  œufs,  tandis  que  Smellie  croyait  y 
voir  des  glandes.  Ce  fut  Levret  qui  entrevit  un  des  premiers  sa  véritable 
nature  en  lui  donnant  pour  siège  l'œuf,  et  pour  condition  essentielle  la 
fécondation.  Cette  opinion  avait  généralement  prévalu  quand  en  1782, 
Gorze  prélendit  avoir  rencontré  dans  ce  qu'on  était  alors  convenu  d'ap- 
peler une  môle  (|j.uXv]),des  entozoaires,  desversvésiculaires.etlui  donna  le 
nom  de  môle  hydatique.  Percy,  Hippolyte  Cloquet  et  Gluge  acceptèrent 


70  PLACENTA.  —  dégénérescimces. 

cette  manière  de  voir  tout  invraisemblable  qu'elle  était,  mais  elle  ne  ré- 
sista pas  longtemps  aux  investigations  exactes  de  l'anatomie  microscopique. 
Tout  le  monde  reconnaît  aujourd'hui  que  les  villosités  choriales,  et  en  par- 
ticulier les  villosités  placentaires,  sont  le  siège  de  la  transformation  hyda- 
toïde. Le  seul  point  qui  soit  encore  controversé  est  relatif  à  la  nature  de 
l'altération  qu'elles  ont  subie.  On  a  cliercbé  à  donner  à  cette  altération 
deux  explications  différentes  connues  sous  le  nom  d'opinion  française  et 
d'opinion  allemande.  Avant  de  les  exposer,  il  est  utile  de  rappelerune  théo- 
rie déjà  ancienne  qui  a  été  récemment  reproduite  par  Ancelot  et  d'après  la- 
quelle «  les  môles  hydatoïdes  seraient  une  altération  particulière  de  la 
caduque  utérine  ou  de  la  caduque  réfléchie,  produite  sous  l'influence  de 
l'imprégnation  et  consistant  en  la  production  par  poussées  successives  par 
un  travail  exogène,  de  vésicules  indépendantes,  adhérentes  les  unes  aux 
autres,  revêtues  d'une  membrane  commune,  mais  tendant  à  s'isoler  les 
unes  des  autres.  » 

Opinion  allemande.  —  On  a  vu  dans  la  description  anatomique  des 
villosités  choriales  que  leur  couche  interne  est  constituée  par  un  tissu 
désigné  par  Joulin  sous  le  nom  de  magma  réticulé,  sorle  de  tissu  muqueux 
analogue  à  la  gélatine  de  Wharton.  C'est  à  l'hyperplasie  de  ce  tissu  muqueux, 
et  non  à  celle  de  l'épithélium  comme  le  supposait  Ileinricb  Muller,  que 
Virchow  attribue  la  dégénérescence  des  vil losilés  choriales.  D'après  lui,  la 
môle  liydatoïde  doit  être  rangée  dans  la  classe  des  tumeurs  proliférantes 
avec  persistance  de  tissu  originaire  et  être  appelée  myxôme  des  villosités 
choriales.  La  lésion  peut  être  étendue  à  toutes  les  villosités  et  envelopper 
l'œuf  entier  (myxôme  généralisé)  ou  être  limitée  à  une  partie  du  placenta 
(myxôme  partiel) .  Elle  débute  par  la  multiplication  des  noyaux  et  des  cellules 
qui  plus  tard  peuvent  se  réduire  en  mucus  et  subir  la  dégénérescence  grais- 
seuse, ou  bien  s'accumuler  sous  la  couche  épithéliale  des  villosités  et  les 
distendre  de  façon  à  augmenter  considérablement  leur  volume  en  formant 
de  véritables  vésicules.  A  mesure  que  les  villosités  se  développent,  elles 
deviennent  de  plus  en  plus  gélatiniformes  ;  si  l'on  y  pratique  une  piqûre, 
il  s'en  écoule  un  liquide  transparent  donnant  la  réaction  de  la  mucine. 
En  général,  les  vésicules  ne  contiennent  pas  de  vaisseaux,  surtout  quand  la 
lésion  s'est  produite  au  début  de  la  grossesse.  Dans  des  cas  assez  rares, 
elles  sont  entourées  d'un  réseau  vasculairc  très  riche.  En  résumé,  pour 
Yirchow,la  dégénérescence  hydatoïde  ne  serait  que  le  développement  exa- 
géré du  tissu  normal  de  la  villosité.  Cette  manière  de  voir  est  partagée 
par  Cornil  et  Ranvier.  Ercolani  pense  également  qne  le  placenta  hydati- 
gène  est  dû  à  une  hyperplasic;  mais  d'après  lui  cette  hyperplasie  aurait, 
pour  siège  tantôt  la  couche  épithéliale  des  villosités,  tantôt  leur  enveloppe 
extérieure,  c'est-à-dire  la  portion  du  placenta  qu'il  a  décrite  sous  le  nom 
d'organe  glandulaire. 

Opinion  française.  —  Cette  théorie  consiste  à  considérer  la  dégéné- 
rescence hydatoïde  comme  une  hydropisie  des  extrémités  des  villosités 
choriales.  Soutenue  par  Stoltz  dans  un  mémoire  présenté  à  la  Société  du 
muséum  d  hisloire  naturelle  de  Strasbourg  en  1856  elle  a  été  confirmée 


PLACENTA.  —  DÉGÉNÉRESCENCES.  71 

par  les  travaux  de  Ch.  Robin  et  adoptée  par  Depaul.  La  structure  de  l'en- 
veloppe des  vésicules,  la  nature  du  liquide  qu'elles  contiennent,  l'oblité- 
ration de  leur  pédicule,  rendent  cette  opinion  on  ne  peut  plus  vraisem- 
blable. On  peut  admettre  avec  Desormeaux  et  Dubois  que  la  môle  hydatoïde 
se  présente  sous  trois  formes  diverses  :  1°  mole  liydalique  embryonnée; 
2°  môle  bydatique  creuse;  5°  môle  bydatique  en  masse.  C'est  la  troisième 
de  ces  variétés  qui  va  être  plus  spécialement  décrite.  Les  deux  premières 
n'en  diffèrent  que  par  la  persistance,  au  milieu  de  la  masse  vésiculeuse, 
de  la  cavité  amniotique  dans  laquelle  l'embryon  a  été  plus  ou  moins 
complètement  dissous  ou  a  continué  à  se  développer.  Les  détails  relatifs 
à  chacune  de  ces  variétés  trouveront  leur  place  après  la  description  de  la 
môle  la  plus  commune,  c'est-à-dire  de  la  môle  en  masse. 

L'œuf  qui  a  été  frappé  de  dégénérescence  hydatoïde  se  présente  sous  l'as- 
pect d'une  masse  plus  ou  moins  volumineuse  constituée  par  des  vésicules 
cristallines  de  forme  et  de  grandeur  variables.  Ces  vésicules  sont  re- 
liés ontre  elles  par  des  filaments  très  fins  formant  un  réseau  inextricable 
de  grappes.  Tantôt  cette  masse  vésiculeuse  est  entièrement  entourée  d'une 
membrane  d'un  tissu  rouge  et  spongieux  qui  n'est  autre  chose  que  la  ca- 
duque; d'autres  fois  on  ne  rencontre  à  sa  surface  que  des  fragments  plus 
ou  moins  larges  de  cette  membrane,  dont  une  partie  est  restée  adhé- 
rente aux  parois  utérines.  L'intégrité  de  la  caduque  est  d'autant  plus 
grande  que  l'expulsion  a  eu  lieu  à  une  époque  moins  avancée  de  la  gros- 
sesse, et  il  est  extrêmement  rare  qu'après  le  quatrième  mois  l'enveloppe 
qu'elle  forme  autour  de  la  môle  soit  encore  complète. 

Lorsqu'on  a  incisé  cette  membrane  on  remarque  que  la  masse  vésicu- 
leuse est  formée  de  deux  parties  bien  distinctes  :  l'une,  centrale,  moins 
considérable,  d'un  rouge  tendre,  d'un  tissu  filamenteux  très  friable,  rap- 
pelant le  tissu  placentaire  ;  elle  est  constituée  selon  toute  vraisem- 
blance par  le  chorion  et  les  premiers  troncs  villeux  non  dégénérés.  La 
seconde  partie  beaucoup  plus  volumineuse  se  compose  des  vésicules  et  de 
leurs  pédicules.  Ces  vésicules  sont  réunies  en  forme  de  grappes  qui  sont 
parfois  isolées  les  unes  des  autres,  mais  qui,  dans  d'autres  cas,  sont  utri- 
quées  comme  les  villosités  placentaires  et  forment  un  véritable  gâteau 
de  kystes  enchevêtrés  les  uns  dans  les  autres.  Les  vésicules  se  développent 
habituellement  au  point  où  le  pédicule  des  villosités  commence  à  se  ra- 
mifier et  offrent  une  disjonction  identique  à  celle  que  présentaient  les  di- 
visions et  les  subdivisions  des  villosités  elles-mêmes.  Parfois  le  pédicule 
fait  défaut  cl  l'on  voit  un  kyste  volumineux  sur  lequel  de  petits  kystes  se 
sont  développés,  Ces  kystes  ont  une  enveloppe  externe  commune,  mais 
chacun  d'eux  possède  une  tunique  interne  qui  lui  est  propre  et  s'adosse 
plus  ou  moins  intimement  aux  parois  voisines.  Les  vésicules,  souvent  aussi 
petites  qu'un  grain  de  mil,  peuvent  atteindre  le  volume  d'une  noisette,  et 
dans  quelques  cas  exceptionnels  on  en  rencontre  d'aussi  grosses  qu'un 
œuf  de  pigeon.  Celles  qui  sont  situées  le  plus  profondément  sont  très 
petites,  nombreuses,  adhérentes,  mais  à  mesure  qu'elles  deviennent 
plus  superficielles,  elles  sont  de  plus  en  plus  volumineuses.  Dans  quel- 


72  PLACENTA.  —  dégénérescences. 

ques  cas  elles  prennent  un  développement  tellement  considérable  (pie  le 
pédicule  se  rompt;  le  kyste  devenu  libre  est  expulsé  avant  la  sortie  de  la 
masse.  Les  vésicules  sont  généralement  presque  transparentes  mais  elles 
prennent  parfois  une  couleur  rougeâtre  due  à  l'imbibition  de  l'hématine 
des  caillots  sanguins.  Leur  forme  varie;  celles  qui  sont  placées  sur  le 
trajet  des  pédicules  sont  fusiformes;  celles  qui  sont  terminales,  au  con- 
traire, sont  pyriformes  ;  leur  grosse  extrémité  est  libre,  tandis  que  la 
petite  se  continue  avec  le  pédicule.  Le  liquide  qu'elles  contiennent  ne 
peut  communiquer  d'un  kyste  à  l'autre  à  cause  de  l'oblitération  constante 
des  pédicules. 

On  n'est  pas  d'accord  sur  le  nombre  et  la  structure  des  enveloppes 
des  vésicules  ;  d'après  Cruveilhier,  il  n'existerait  qu'un  feuillet  unique  à 
disposition  réticulée  parfaitement  nette.  Madame  Boivin  et  Ancclol  décri- 
vent deux  membranes  tout  à  fait  distinctes.  Pour  Ch.  Robin  la  structure 
des  parois  des  vésicules  est  identique  à  celle  des  villosités  à  l'état  normal, 
c'est-à-dire  qu'il  existe  deux  tuniques  ,  l'une  externe,  mince,  grisâtre, 
formée  de  noyaux  ovoïdes  et  de  granulations  graisseuses  ;  l'autre  interne, 
hyaline  n'ayant  que  0ram,01  d'épaisseur,  composée  de  libres  de  tissu  cellu- 
laire entre-croisées  à  noyaux  fibro-plastiques  assez  abondants.  Le  contenu 
des  vésicules  est  un  liquide  incolore,  quelquefois  rosé  bien  qu'on  n'y 
rencontre  jamais  de  globules  sanguins.  Il  donne  un  précipité  albumineux 
par  l'acide  nitrique  et  tient  en  suspension  deux  sortes  de  cellules;  les 
unes  appartiennent  à  l'épithélium  pavimenteux;  les  autres  n'ont  aucune 
analogie  avec  celles  des  autres  tissus,  sont  sphériques,  transparentes,  à 
bords  réguliers  et  contiennent  des  granulations  moléculaires  grisâtres 
d'égal  volume. 

Le  poids  des  môles  hydatoïdes  est  très  variable,  habituellement  de 
500  à  1000  grammes,  il  peut  s'élever  jusqu'à  cinq  ou  six  kilogrammes. 
Quel  que  soit  leur  volume  elles  peuvent  affecter  les  trois  formes  dont  il  a 
été  question  plus  haut  ;  mais  la  môle  hydatique  en  masse,  est  celle  qui 
présente  habituellement  les  dimensions  les  plus  considérables.  Dans  la 
môle  embryonnée  on  rencontre  une  poche  plus  ou  moins  vaste  contenant  un 
fœlus  et  dont  la  surface  externe  donne  naissance  dans  une  plus  ou  moins 
grande  étendue  à  des  villosités  dégénérées.  Dans  le  cas  où  presque  toutes 
les  villosités  placentaires  ont  été  atteintes  par  la  dégénérescence,  on  trouve 
à  peine  quelques  traces  de  l'embryon  ;  mais  si  en  dehors  des  villosités 
altérées  une  partie  notable  de  l'œuf  est  restée  intacte,  on  trouvera  au 
milieu  de  la  cavité  amniotique  un  fœtus  plus  ou  moins  volumineux.  Dans 
un  cas  où  la  moitié  du  placenta  avait  subi  la  transformation  hydati- 
forme,  Depaul  vit  la  grossesse  aller  à  terme  et  l'enfant  naître  vivant  bien 
que  malingre.  Dans  une  autre  circonstance  citée  par  Brachet,  le  placenta 
ne  présentait  que  trois  grappes  hydatoïdes  et  le  fœtus  était  vivant  et  bien 
développé.  La  môle  vésiculaire  creuse  ne  diffère  de  la  précédente  que 
parce  qu'on  ne  retrouve  plus  dans  la  cavité  amniotique  l'embryon  qui  a 
été  complètement  dissous,  alors  la  maladie  datait  du  début  de  la  gros- 
sesse et  avait  envahi  toutes  les  villosités  placentaires. 


PLACENTA.  —  lésions  syphilitiques.  75 

Les  rapports  de  la  môle  hydatoïde  avec  les  parois  utérines  sont  très 
intéressantes  à  étudier;  nous  avons  dit  que  lorsque  son  expulsion  a  lieu 
dans  les  deux  premiers  mois  de  la  grossesse,  la  môle  est  enveloppée 
d'une  membrane  constituée  par  la  caduque,  disposition  qui  fit  supposer 
à  quelques  auteurs  que  c'était  la  muqueuse  utérine  qui  donnait  naissance 
aux  vésicules  hydatoïdes.  Mais  quand  l'œuf  dégénéré  a  séjourné  long- 
temps dans  l'utérus,  la  muqueuse,  au  lieu  d'être  hypertrophiée,  est  consi- 
dérablement amincie,  et  le  muscle  utérin  est  mis  à  nu.  Les  vésicules  pénè- 
trent profondément  dans  les  parois  de  la  matrice  et  leurs  extrémités  se 
logent  dans  autant  de  petites  cavités.  Après  qu'elles  ont  été  détachées, 
la  surface  interne  de  l'utérus  présente  des  lacunes  plus  ou  moins 
larges  selon  qu'elles  ont  servi  à  loger  un  ou  plusieurs  kystes.  Dans  cer- 
tains cas,  ces  lacunes  sont  assez  profondes  pour  que  les  fibres  musculaires 
soient  dissociées  et  que  le  péritoine  mis  à  découvert  constitue  à  lui  seul 
la  paroi.  Les  villosités  peuvent  même  pénétrer  dans  les  ouvertures  des 
sinus  utérus  et  on  conçoit  que  leur  expulsion  soit  alors  longue  et  difficile 
et  qu'elle  détermine  des  hémorrhagies  très  abondantes. 

La  môle  hydatoïde  se  développe  habituellement  dans  la  cavité  utérine, 
cependanton  lui  a  assigné  quelquefois  un  siège  tout  à  fait  anormal.  Yolk- 
mann  et  Krieger  prétendent  avoir  vu  une  môle  vésiculaire  dans  le  muscle 
utérin.  Otto  Heinrich  (thèse  de  Greiffswalder  sur  les  grossesses  extra- 
utérines) cite  un  cas  de  grossesse  tubaire  clans  lequel  un  grand  nombre 
de  villosités  choriales  avaient  subi  la  dégénérescence  hydatiforme. 

V.  Lésions  syphilitiques.  —  L'attention  n'a  été  dirigée  que  fort  tard 
sur  les  altérations  que  la  syphilis  peut  provoquer  dans  le  placenta,  lors- 
que l'on  eut  reconnu  depuis  longtemps  l'influence  de  cette  dialhèsc  sur  la 
marche  de  la  grossesse  ainsi  que  sur  la  santé  et  sur  la  vie  du  fœtus.  L'avor- 
tement  habituel,  la  mort  habituelle  du  fœtus  dans  les  derniers  mois  de  son 
développement,  avaient  déjà  été  signalés  par  Aslruc;  mais  cet  auteur,  tout 
en  attribuant  à  la  syphilis  ces  différents  accidents,  n'en  avait  point 
cherché  la  cause  déterminante  dans  des  lésions  placentaires.  Murât  avait 
bien,  il  est  vrai,  fait  observer  que  les  femmes  affectées  de  syphilis  sont 
prédisposées  à  des  maladies  du  placenta,  et  ajouté  que  cette  affection 
semble  favoriser  les  décollements.  Simpson  considérait  la  décoloration  et 
l'anémie  du  tissu  placentaire  alors  que  le  fœtus  était  mort  de  péritonite 
d'origine  syphilitique,  comme  une  conséquence  et  non  comme  la  cause 
de  la  mort  du  fœtus.  Lebcrt,  tout  en  signalant  des  granulations  jaunes 
d'apparence  tuberculeuse  et  une  tumeur  plus  volumineuse  fibrineuse 
qu'il  avait  rencontrées  sur  des  placentas  de  femmes  atteintes  de  syphilis 
constitutionnelle,  ajoutait  qu'il  ne  voyait  dans  cette  altération  rien  de 
spécifique.  Une  lésion  analogue  consistant  dans  une  couche  fibrineuse 
d'apparence  graisseuse  avait  déjà  été  observée  par  Mackensic  entre  les 
membranes.  Ce  fut  Virchow  qui  présenta  le  premier  ces  différentes  lésions 
comme  étant  de  nature  syphilitique.  Il  fit  remarquer  qu'il  faut  distinguer 
dans  les  enveloppes  de  l'œuf  la  partie  maternelle  et  la  partie  fœtale, 
ce  qui  au  point  de  vue  de  la  syphilis  n'est  point  indifférent  dans  la  déter- 


74  PLACENTA.  —  lésions  symulitiques. 

i i i i nation  de  la  pari  qui  revient  à  la  mère  et  au  fœtus  dans  les  affections 
de  ce  genre.  Celle  division  conduisit  Yirchow  à  admettre  deux  formes 
d'endométrite  vénérienne  :  la  forme  placentaire  et  la  forme  déciduale. 
L'endométrite  peut  être  simple  et  diffuse  ;  elle  produit  alors  des  épais- 
sissemenls  et  des  indurations  fibreuses  qui  déterminent  l'atrophie  des 
villosilés;  lorsque  au  contraire  elle  est  circonscrite,  elle  donne  lieu  à 
des  proliférations  présentant  parfois  les  caractères  des  papules  et  des 
contlylômes.  Ces  tumeurs  circonscrites  noueuses  partent  du  placenta 
maternel  et  pénètrent  profondément  dans  le  placenta  fœtal  ;  elles  sont  for- 
mées de  deux  couches,  une  périphérique,  dense,  grisâtre,  l'autre  centrale, 
jaunâtre,  caséiforme.  D'après  Verdicr  (Paris,  18G8),  le  caractère  dislinctif 
de  la  syphilis  placentaire  est  l'inflammation  des  branches  des  artères  om- 
bilicales avec  épaississement  et  oblitération  consécutive.  Ilennig  considère 
comme  des  gommes,  ces  nodosités  formées  par  les  artères  oblitérées.  Enfin 
Charpentier  a  vu  chez  une  femme  syphilitique  un  placenta  pâle  et  mou 
au  point  qu'en  le  lavant  à  l'éther  les  capillaires  devenaient  apparents. 

On  voit  qu'il  n'est  presque  pas  d'altération  placentaire  qui  n'ait  été 
observée  dans  des  cas  de  syphilis  congénitale  et  qui  n'ait  été  considérée 
par  les  uns  ou  par  les  autres  comme  étant  de  nature  syphilitique.  Malgré 
les  doutes  qui  peuvent  encore  subsister  sur  la  signification  de  ces  diffé- 
rentes lésions,  Frânkel  (Archiv  fur  Gynœcologie)  a  formulé  quelques 
conclusions  qui,  bien  que  trop  absolues,  méritent  d'être  citées  textuelle- 
ment. 1°  Le  placenta  peut  devenir  malade  par  syphilis,  et  ces  sortes  de 
maladies  sont  reconnaissables  à  des  signes  caractéristiques;  2° la  syphilis 
placentaire  accompagne  exclusivement  la  syphilis  héréditaire  et  congé- 
nitale du  fœtus;  5°  le  siège  de  la  maladie  varie  selon  que  la  mère  resle 
bien  portante  et  que  le  virus  syphilitique  est  communiqué  directement 
au  fœtus  par  le  sperme  ou  que  la  mère  est  devenue  malade  elle-même. 
Dans  le  premier  cas  les  villosités  du  placenta  dégénèrent  dans  leur  partie 
fœtale  et  se  transforment  en  granulations  avec  oblitération  des  vaisseaux, 
souvent  compliquée  d'épaississement  de  la  membrane  épithéliale  des  vil- 
losilés. Dans  le  second  cas,  quand  la  mère  est  syphilitique,  ou  elle  a  été 
infectée  en  même  temps  que  le  fruit,  ou  elle  était  syphilitique  antérieure- 
ment, ou  l'est  devenue  peu  après  la  conception  ;  alors  le  placenta  peut  rester 
intact  ou  devenir  malade;  dans  ce  dernier  cas  la  forme  de  l'affection  est 
l'endométrite  placentaire  gommeuse.  Si  la  mère  n'est  devenue  malade  que 
dans  les  derniers  temps  de  la  grossesse  et  si  le  père  est  bien  portant  au  mo- 
ment de  la  fécondation,  le  fœtus  et  le  placenta  restent  habituellement  sains. 

11  est  inutile  d'insister  sur  les  difficultés  que  présente  encore  aujour- 
d'hui l'histoire  des  altérations  syphilitiques  du  placenta.  La  question  est 
à  l'étude  et  les  travaux  qui  viennent  d'être  signalés  n'auront  pas  peu 
contribué  à  en  rendre  la  solution  plus  facile.  On  peut  se  demander  quelle 
sera  l'utilité  pratique  de  ces  découvertes.  Sous  le  rapport  scientifique  il 
est  sans  doute  intéressant  de  savoir  quelles  sont  les  modifications  qui 
peuvent  survenir  dans  le  placenta  par  l'effet  supposé  du  virus  syphili- 
tique, mais  l'art  ne  pourra  jamais  intervenir  utilement.   Les  mêmes 


PLACENTA.  —  BIBLIOGRAPHIE,  75 

réflexions  s'appliquent  à  toutes  les  altérations  de  structure  du  placenta, 
attendu  que  leur  diagnostic  est  à  peu  près  impossible  et  que  d'ailleurs 
notre  thérapeutique  n'aurait  aucune  action  sur  elles. 

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Eugènk  Marchai. 


PLAIE. 


—  P.   PAR  INSTRUMENTS  TRANCHANTS. 


77 


PL, AIE.  —  On  désigne  sous  le  nom  de  plaie,  toute  solution  de  con- 
tinuité des  tissus  vivants,  produite  par  une  cause  mécanique  et  ouverte 
à  l'extérieur.  Ces  deux  conditions  sont  indispensables.  Pour  qu'il  y  ait 
plaie,  il  faut  que  la  peau  ou  les  muqueuses  exposées  à  l'air  aient  été  in- 
téressées par  la  cause  vulnérante.  Les  luxations,  les  fractures,  les  rup- 
tures des  ligaments  des  tendons  ou  des  muscles  qui  ne  s'accompagnent 
pas  de  lésion  de  la  peau,  sont  des  blessures  et  non  des  plaies.  D'un  autre 
côté,  on  ne  doit  pas  donner  ce  nom  aux  solutions  de  continuité  des  tégu- 
ments et  des  parties  sous-jacentes,  lorsqu'elles  se  produisent  spontané- 
ment ;  on  les  désigne  sous  le  nom  d'ulcères. 

Ainsi  limité,  le  sujet  que  nous  allons  aborder  est  encore  assez  vaste 
pour  qu'il  soit  indispensable  d'y  établir  des  divisions.  Il  est  impossible 
d'étudier  en  bloc  des  lésions  aussi  complexes  et  aussi  variées.  Lorsqu'on 
veut  se  renfermer  quand  même,  dans  un  cadre  de  généralités,  on  se 
résigne  à  tourner,  sans  aucun  profit  pour  le  lecteur,  dans  un  cercle  de 
banalités  et  d'inexactitudes.  C'est  un  écueil  que  nous  tenons  d'autant 
plus  à  éviter,  que  les  questions  théoriques,  les  seules  qui  se  prêtent 
à  une  étude  d'ensemble,  ont  déjà  été  traitées  dans  d'autres  articles 
de  ce  Dictionnaire,  ou  le  seront  dans  ceux  qui  n'ont  pas  encore  paru.  Il 
ne  nous  reste  plus  à  aborder  que  le  côté  purement  clinique. 

Les  différences  que  présentent  les  plaies  se  rapportent  à  trois  chefs 
principaux  :  l'étendue  qu'elles  présentent,  le  siège  qu'elles  affectent, 
la  cause  qui  les  a  produites.  De  ces  trois  caractères,  le  dernier  est  celui 
que  tous  les  auteurs  ont  pris  pour  base  de  leurs  classifications,  et  nous 
suivrons  leur  exemple,  en  étudiant  successivement  les  plaies  par  instru- 
ments tranchants,  celles  que  produisent  les  instruments  piquants, 
celles  qui  reconnaissent  pour  cause  l'action  des  corps  contondants ,  les 
plaies  par  armes  à  feu,  qui  ne  sont  qu'un  cas  particulier  de  ces  der- 
nières, les  plaies  par  arrachement  et  les  plaies  empoisonnées. 

Quant  aux  plaies  par  écrasement,  par  broiement,  elles  ne  sont 
qu'une  variété  des  plaies  contuses;  les  plaies  par  morsure  rentrent 
également  dans  l'une  des  catégories  précédentes,  selon  l'espèce  à 
laquelle  appartient  l'animal  qui  les  a  faites  et  la  forme  de  sa  denture. 
Dans  l'un  comme  dans  l'autre  cas,  elles  ne  présentent  pas  d'indications 
particulières. 

I.  Plaies  par  instruments  tranchants.  —  Ce  sont  les  plaies  par  excel- 
lence, celles  qui  ont  servi  de  type  pour  toutes  les  descriptions  générales. 
Les  instruments  qui  les  produisent  sont,  :  ou  des  armes  de  guerre,  comme 
les  sabres,  les  haches,  les  yatagans,  ou  des  objets  usités  dans  la  vie^domes- 
tique,  dans  les  arts  ou  dans  l'industrie,  comme  les  couteaux,  les  rasoirs, 
les  faucilles,  comme  les  scies  à  mouvement  circulaire  ou  les  machines 
qui  servent  à  trancher  le  fer.  Tous  ces  instruments  agissent  de  la  même 
manière  que  les  bistouris  et  les  couteaux  des  chirurgiens,  en  pressant  et 
en  sciant,  et  les  plaies  qu'ils  produisent  sont  d'autant  plus  nettes  que  le 
tranchant  est  plus  affilé.  Elles  varient  pour  la  forme ,  l'étendue  et  la  pro- 
fondeur, suivant  l'instrument  qui  les  a  faites,  la  force  avec  laquelle  il  a 


78  PLAIE.  —  p.  l'An  insthumknts  tiukciia.nts. 

été  mu,  la  direction  qui  lui  a  été  imprimée  et  la  région  sur  laquelle  il  a 
porté  son  action. 

Les  phénomènes  primitifs  des  plaies  qui  nous  occupent  sont  au  nom- 
bre de  trois  :  la  douleur,  l'écoulement  du  sang  et  l'écarlement  des  Lords 
de  la  solution  de  continuité.  La  douleur  est  due  à  la  section  des  nom- 
breux filets  nerveux  sensitifis  qui  se  répandent  dans  la  peau  et  dans  h  s 
tissus  sous-jacents.  Elle  est  d'autant  plus  vive  que  la  solution  de  conti- 
nuité est  plus  étendue  et  la  partie  plus  sensible.  Les  plaies  de  la  face  et 
surtout  des  lèvres,  celles  des  doigts,  de  la  paume  de  la  main,  de  la  plante 
du  pied,  du  pourtour  de  l'anus  sont,  à  dimensions  égales,  plus  doulou- 
reuses que  celles  qui  siègent  dans  d'autres  parties  du  corps,  sur  les  tégu- 
ments du  dos,  ou  à  la  région  externe  des  membres ,  par  exemple.  L'idio- 
syncrasie  du  blessé,  les  conditions  dans  lesquelles  il  se  trouve  placé, 
influent  également  sur  la  somme  de  douleur  qu'il  ressent.  Il  est  des 
sujets  qui  supportent  sans  sourciller  les  blessures  les  plus  douloureuses; 
il  en  est  d'autres  pour  lesquels  l'appréhension  seule  de  la  souffrance  que 
doit  entraîner  une  opération,  devient  une  véritable  torture;  enfin  la  dou- 
leur est  d'autant  moins  vive  que  l'instrument  vulnérant  a  le  tranebant 
mieux  affilé  et  qu'il  est  mu  avec  plus  de  vitesse.  Tous  les  chirurgiens 
savent  combien  l'ouverture  d'un  panaris,  par  exemple,  est  moins  doulou- 
reuse lorsqu'elle  est  faite  par  un  bistouri  qui  coupe  bien  et  par  une  main 
bien  exercée,  que  lorsqu'un  instrument  ébréché  passe  lentement  et  avec 
hésitation  à  travers  les  tissus.  En  général,  dans  les  plaies  par  coupure, 
la  douleur  est  vive,  mais  elle  s'éteint  promplement,  parce  que  les  filets 
nerveux  ont  été  nettement  et  complètement  tranchés. 

L'écoulement  du  sang  est  eonstanl  à  la  suite  des  plaies  qui  nous  occu- 
pent. Ce  sont  celles  qui  saignent  le  plus  abondamment  et  riiémorrhagie  y 
est  en  rapport  avec  la  profondeur  et  l'étendue  de  la  blessure.  Toutefois, 
lorsqu'elle  provient  de  capillaires  ou  de  vaisseaux  artériels  et  veineux 
d'un  petit  calibre,  elle  s'arrête  d'elle-même,  sous  l'influence  de  l'air 
froid  ou  du  simple  rapprochement  des  parties.  Il  n'en  est  plus  ainsi,  lors- 
qu'une artère  d'un  certain  volume  a  été  intéressée,  lorsqu'un  gros  tronc 
veineux  a  été  ouvert.  Dans  ce  cas,  la  vie  du  blessé  peut  être  rapidement 
compromise  et,  dans  les  conditions  les  plus  favorables,. celte  hémorrhagie 
constitue  une  complication  sérieuse  qui  fait  surgir  des  indications  spéciales 
[Voy.  Artères,  Plaies,  t.  111,  p.  168). 

L'ecartement  des  bords  est  un  phénomène  particulier  aux  plaies  par 
instruments  tranchants.  Il  est  produit  par  l'élasticité  des  I issus  divisés  et 
par  la  contraction  des  muscles,  lorsque  ceux-ci  ont  été  intéressés.  L'élas- 
ticité de  tissu,  considérable  dans  la  peau,  assez  prononcée  dans  les 
artères,  est  moindre  dans  le  tissu  cellulaire,  nulle  dans  les  nerfs  et  à 
peine  appréciable  dans  les  tissus  fibreux.  La  contraction  musculaire,  au 
contraire,  est  extrêmement  énergique.  Irrésistiblement  provoquée  par 
l'excitation  que  produit  la  section  des  fibres  charnues,  elle  est  brusque, 
soudaine  et  cesse  avec  le  stimulant  qui  l'a  produite;  mais  la  contracti- 
lité  inliérenlo  au  tissu  musculaire  se  manifeste  alors,  agit  lentement, 


PLAIE.    P.  PAR  INSTRUMENTS  TRANCHANTS.  79 

mais  d'une  manière  incessante  et  maintient  l'écarlement des  bords  delà 
plaie  jusqu'à  ce  que  la  cicatrisation  ait  rétabli  la  continuité  des  libres 
divisées  et  que  la  rélractilité  du  tissu  inodulaire  en  ait  rapproché  les 
extrémités.  Lorsque  des  muscles  voluminenx  ont  été  divisés  dans  toute 
leur  épaisseur,  l'écarlement  des  lèvres  de  la  solution  de  continuité  est 
considérable.  Nous  nous  souvenons  d'avoir  donné  des  soins  à  une  jeune 
paysanne  qui  avait  eu  tous  les  muscles  du  mollet  coupés  en  travers  par 
une  faucille;  le  tranchant  de  l'instrument  n'avait  été  arrêté  que  par  les 
os  et  l'artère  tibiale  postérieure  était  ouverte  au  fond  de  cette  vaste 
plaie,  dont  les  bords  étaient  écartés  par  une  intervalle  de  plus  de  douze 
centimètres.  Il  ne  nous  fut  pas  difficile  de  découvrir  et  de  lier  les  deux 
bouts  du  vaisseau;  mais,  pour  rapprocher  les  deux  surfaces  traumatiques, 
il  fallut  mettre  le  pied  dans  l'extension  et  fléchir  la  jambe  sur  la  cuisse. 
La  réunion  se  fit  alors  sans  trop  de  difficultés  et  la  malade  guérit  rapide- 
ment. Dans  certaines  régions ,  les  mouvements  viennent  encore  aug- 
menter cet  écartement.  C'est  ainsi  que,  dans  les  plaies  transversales  de  la 
partie  antérieure  du  cou  qu'on  observe  à  la  suite  des  tentatives  de  sui- 
cide, la  mobilité  de  la  peau ,  la  contraction  des  muscles  longs  et  grêles 
qu'elle  recouvre,  l'élasticité  de  la  trachée  produisent  déjà  un  écartement 
considérable,  mais  il  devient  effrayant,  lorsqu'on  porte  la  tète  du  blessé 
en  arrière. 

Le  pronostic  des  plaies  par  instruments  tranchants  dépend  surtout  de 
leur  profondeur.  Lorsque  la  peau  seule  est  intéressée,  ce  sont  des  lésions 
insignifiantes  ;  la  section  des  muscles  n'ajoute  pas  sensibleuiont  à  leur 
gravité,  celle  des  tendons  ou  des  nerfs  peut  compromettre  plus  tard  les 
fonctions  de  la  région  blessée,  la  lésion  des  artères  expose  à  des  dangers 
que  nous  avons  indiqués  déjà,  mais  l'ouverture  des  articulations  et  celle 
des  cavités  splanclmiques  est  bien  autrement  redoutable.  Les  plaies  péné- 
trantes de  ces  cavités  sont  plus  rarement  produites  par  les  instruments 
tranchants  que  par  les  armes  piquantes  et  par  les  projectiles,  cependant 
il  n'est  pas  rare  de  voir  l'articulation  du  genou  ouverte  par  un  coup  de 
hache  ou  par  un  coup  de  faucille  ;  celle  du  coude-pied  est  souvent  blessée 
par  l'outil  de  charpentier  qui  porte  le  nom  d'herminelle,  et  le  coude  lui- 
même  l'est  quelquefois  par  un  coup  de  sabre.  Les  plaies  nettes  et  large- 
ment béantes  qu'on  observe  en  pareil  cas,  sont  moins  graves  que  les 
blessures  sinueuses  faites  par  les  instruments  piquants,  que  les  plaies 
causées  par  les  projectiles  de  guerre  (Voy.  Auticulations,  Plaies,  t.  III, 
p.  506).  Les  cavités  splanclmiques  sont  rarement  atteinlcs  par  les  instru- 
ments tranchants.  Les  coups  de  sabre  assez  vigoureusement  assénés  pour 
fendre  le  crâne  et  atteindre  le  cerveau,  ne  s'observent  guère  aujourd'hui  ; 
la  poitrine  et  l'abdomen  sont  encore  moins  exposés  à  ce  genre  de  bles- 
sures ;  on  ne  les  rencontre  guère  que  dans  les  grands  ateliers  et  par  l'ef- 
fet des  machines  dont  nous  avons  parlé.  C'est  ainsi  que  nous  avons  eu 
l'occasion  de  voir,  à  l'hôpital  de  Brest, un  ouvrier  de  l'arsenal  qui,  en 
passant  le  bras  au-dessus  d'une  scie  circulaire,  avait  été  entraîné  par  son 
vêtement  et  était  tombé  en  travers  sur  la  lame  dentée,  pendant  qu'elle 


â 


80  PLAIE.    P-   TAII   ÎN-STRUMEMS  l'IQUANTS. 

faisait  cinq  cents  tours  à  la  minute.  Les  parois  abdominales  avaient 
été  tranchées  d'un  hypochondre  à  l'autre,  les  cartilages  costaux  du  côté 
droit  avaient  été  coupés  et  le  foie  profondément  labouré  par  les  dents 
de  l'appareil;  le  malheureux  ne  mourut  qu'onze  heures  après  son 
accident. 

Le  traitement  des  plaies  par  instrument  tranchant  consiste  à  les  net- 
toyer avec  soin,  à  mettre  la  partie  dans  le  relâchement  et  à  rapprocher  les 
Lords  de  la  solution  de  continuité.  Avant  de  les  réunir,  le  chirurgien  doit 
s'assurer  que  tout  écoulement  de  sang  a  cessé.  S'il  aperçoit,  sur  une  des 
surfaces  traumatiques,  un  endroit  qui  saigne  encore,  s'il  y  voit  se  pro- 
duire une  petite  pulsation,  ou  s'il  s'en  échappe  un  mince  filet  de  sang 
rouge,  il  doit  saisir  avec  des  pinces  à  artères  le  point  qui  donne,  le  sou- 
lever légèrement  et  l'entourer  d'une  ligature.  C'est  encore  le  plus  sûr  et 
le  meilleur  de  tous  les  moyens  hémostatiques. 

Les  plaies  par  instruments  tranchants  doivent  toujours  être  réunies  par 
première  intention.  Ce  sont  même  les  seules  qui  comportent  ce  mode  de 
traitement  et  il  leur  est  partout  applicable,  même  au  cuir  chevelu  pour 
lequel  on  a  voulu  faire  une  exception.  Il  est  bien  entendu  que  nous  ne 
parlons  pas  des  cas  où  l'on  se  trouve  oblige  d'agir  dans  l'atmosphère  viciée 
d'un  hôpital  insalubre.  Ceux  qui  pratiquent  dans  de  semblables  milieux 
font  comme  ils  peuvent,  mais  il  ne  faut  pas  ériger  ces  pratiques  de  né- 
cessité en  règle  générale.  Nous  avons  réuni  et  vu  réunir  par  la  suture  un 
Lien  grand  nombre  de  plaies  de  tête,  car  ce  sont  les  lésions  les  plus  com- 
munes à  bord  des  navires  et  dans  nos  hôpitaux,  jamais  nous  n'avons  eu  à 
nous  en  repentir  et  les  cas  dans  lesquels  nous  avons  vu  survenir  des  érysi- 
pèles  sont  tellement  rares  qu'il  n'y  a  pas  lieu  d'en  tenir  compte.  La  réu- 
nion s'opère  à  la  faveur  des  bandages  unissants,  des  agglutinatifs  et  des  su- 
tures. C'est  à  ce  dernier  moyen  que  nous  donnons  la  préférence  toutes  les 
fois  que  la  plaie  a  une  certaine  étendue.  Dans  le  cas  contraire,  une  ou 
deux  bandelettes  de  diachylum  peuvent  suffire  pour  en  rapprocher  les 
bords  ;  parfois  même  dans  les  cas  les  plus  simples,  on  se  contente  de  re- 
couvrir la  petite  solution  de  continuité  avec  une  mouche  de  taffetas  d'An- 
gleterre. Nous  ne  nous  étendrons  pas  sur  ces  moyens  de  réunion,  ni  sur 
le  pansement  qui  les  complète,  parce  que  ces  sujets  ont  déjà  été  traités 
dans  d'autres  arLicles.  (Voy.  Agglutinatifs,  1. 1,  p.  427.  Pansements,  t.  XXV, 
p.  729.  Sutures.)  Nous  garderons  le  même  silence  et  pour  le  même  motif, 
au  sujet  des  phénomènes  consécutifs  de  l'évolution  des  plaies  et  de  leur 
mode  de  cicatrisation.  (Voy.  Cicatrices,  Cicatrisation,  t.  VII,  p.  587.) 

II.  Plaies  par  instruments  piquants.  —  Les  corps  vulnérants  qui  dé- 
terminent ce  genre  de  plaies  sont  encore  plus  variés  que  ceux  dont  nous 
nous  sommes  occupé  précédemment.  Elles  peuvent,  en  effet,  être  pro- 
duites par  tout  objet  muni  d'une  pointe  assez  résistante  pour  pénétrer 
dans  nos  tissus.  Dans  celte  catégorie  nombreuse,  on  trouve  des  armes 
comme  la  baïonnette,  la  lance,  l'épée,  le  fleuret,  le  stylet,  le  poignard, 
des  instruments  usuels  tels  que  les  couteaux,  les  canifs,  les  ciseaux,  les 
poinçons,  les  compas  de  menuisier,  des  corps  variés  comme  les  clous, 


PLAIE.  — 


P.   TAR  INSTRUMENTS  PIQUANTS. 


8 1 


les  fragments  d'os,  de  verre,  de  bois,  etc.  Nous  ne  citons  que  pour  mé- 
moire les  instruments  de  chirurgie,  comme  les  aiguilles  a  acupuncture,  les 
trocarts,  les  aiguilles  lubulées. 

■  Les  instruments  piquants  n'agissent  pas  tous  de  la  même  manière. 
Les  uns  ne  sont  offensifs  que  par  leur  pointe;  dans  les  autres,  celle 
pointe  fait  suite  à  une  lame  tranchante  qui  facilite  sa  pénétration.  Les 
premiers  entrent  dans  nos  tissus  en  écartant  les  fibres  qui  en  constituent 
la  trame,  et,  lorsqu'ils  sont  extrêmement  déliés,  ils  peuvent  arriver  à  des 
profondeurs  considérables  sans  causer  une  vive  douleur  et  presque  sans 
effusion  de  sang.  Les  aiguilles  à  acupuncture,  les  aiguilles  tubulées  dont 
on  se  sert  pour  les  ponctions  capillaires,  sont  le  type  de  ces  corps  acérés 
qui  peuvent  traverser  des  couches  épaisses  de  parties,  pénétrer  même  dans 
les  grandes  cavités  de  l'économie  sans  y  causer  de  désordres  sérieux,  lors- 
qu'ils sont  conduits  par  une  main  prudente  et  exercée.  Les  corps  plus 
volumineux,  tels  que  les  poinçons,  les  épées  triangulaires,  les  fleurets 
aiguisés,  agissent  de  la  même  façon  ;  mais  ils  ne  sont  pas  aussi  inoffensifs. 
Ils  écartent  violemment  les  fibres  ;  le  trajet  qu'ils  se  creusent  est  accom- 
pagné d'un  certain  état  de  déchirure  et  de  contusion,  d'une  douleur  parfois 
très-vive  et  d'un  léger  écoulement  de  sang  qui  s'arrête, il  est  vrai,  le  plus 
souvent  de  lui-même.  Nous  ne  parlons  pas  du  cas  où  un  gros  tronc  ner- 
veux, artériel  ou  veineux,  a  été  intéressé,  parce  que  nous  reviendrons  plus 
tard  sur  les  complications  de  cette  nature. 

Les  corps  vulnéranls  qui  agissent  à  la  fois  par  la  pointe  et  par  la  lame, 
les  sabres,  les  couteaux,  les  canifs,  produisent  des  plaies  analogues  à 
celles  que  font  les  instruments  tranchants,  mais  qui  en  diffèrent  en  ce 
qu'elles, s'étendent  surtout  en  profondeur.  Ces  blessures  sont  souvent  dou- 
loureuses et  saignent  parfois  assez  abondamment.  Leur  forme  est  en  rap- 
port avec  celle  de  l'instrument  qui  les  a  faites.  Elle  diffère  suivant  que 
sa  pointe  est  supportée  par  une  lame  à  un  ou  deux  tranchants  ;  mais  ce 
genre  de  considérations  n'intéresse  que  la  médecine  légale,  et  ce  sujet 
sera  traité  plus  loin.  Enfin,  il  est  des  corps  vulnéranls  à  pointe  obtuse 
<jui  ne  pénètrent  qu'à  la  condition  d'être  poussés  avec  force.  Tel  est  le 
cas  de  la  lance  et  de  la  baïonnette,  auxquelles  le  poids  de  la  hampe  ou  du 
fusil  permet  d'imprimer  une  impulsion  considérable.  Ces  blessures,  ainsi 
que  celles  qu'on  observe  à  la  suite  de  chutes  faites  sur  des  pieux,  des 
échalas,  sur  des  grilles  de  fer,  sont  toujours  fortement  contuses  et,  en 
général,  d'un  pronostic  sérieux. 

Les  plaies  par  piqûre,  étant  surtout  caractérisées  par  leur  étroilessc  et 
leur  profondeur,  ne  présentent  pas  cet  écartement  des  bords  qui  forme 
le  trait  particulier  des  blessures  que  nous  avons  précédemment  étudiées. 
Sauf  dans  quelques  cas  rares  où  un  corps  d'un  volume  considérable, 
animé  d'une  grande  force  d'impulsion,  a  creusé,  en  quelque  sorte,  un 
puits  au  milieu  des  tissus,  les  bords  de  la  plaie  se  rapprochent  d'eux- 
mêmes  aussitôt  que  l'instrument  vulnérant  en  a  été  retiré. 

Les  plaies  par  instruments  piquants  sont,  en  général,  plus  graves  que 
celles  que  produisent  les  instruments  tranchants;  mais  cela  ne  tient  pas, 

NOUV.  DICT.  MÉD.  ET  CUIR.  XXVIII    0 


82  PLAIE.           P.   PAU  I.NSTHUMKNTS  PIQUANTS. 

comme  on  le  croyait  autrefois,  à  lcurïormcet  à  leur  étroitesse.  Les  anciens 
chirurgiens  les  redoutaient  à  cause  de  la  difficulté  que  leur  disposition  op- 
pose à  l'écoulement  des  liquides.  Ils  pensaient  que  l'al'llux  des  humeurs 
devait  fréquemment  amener  la  formation  d'abcès  profonds,  d'infiltrations 
et  de  fusées  purulentes,  que  leur  rétention  provoquait  l'étranglement  et, 
par  suite,  des  douleurs  violentes,  parfois  même  le  tétanos  ou  la  gangrène- 
Ces  accidents  se  produisaient,  en  effet,  assez  souvent  sous  leurs  yeux,  mais 
ils  étaient  dus  aux  moyens  qu'ils  employaient  pour  les  prévenir.  Au  lieu 
de  respecter,  comme  on  le  fait  aujourd'hui,  le  trajet  de  la  blessure,  ils  y 
introduisaient  des  sondes  pour  l'explorer,  des  mèches,  des  tentes  pour  le 
dilater  et  pour  empêcher  l'accumulation  des  humeurs  ;  ils  s'opposaient 
ainsi  à  la  réunion  par  première  intention  qu'on  voit  survenir  le  plus  sou- 
vent, quand  la  plaie  est  exempte  de  complications  et  qu'on  l'abandonne  à 
elle-même.  Depuis  Bellostc,  on  a  renoncé  à  ces  pratiques  et,  peu  à  peu,  le 
préjugé  qu'elles  entretenaient  a  cessé  de  régner.  Malgaigne  avait  déjà  fait 
ressortir  l'innocuité  des  piqûres  laites  par  le  trocart  et  la  promptitude 
avec  laquelle  elles  se  cicatrisent;  les  opérations  sous-cutanées  ont  porté  le 
dernier  coup  à  l'opinion  que  nous  combattons.  On  a  vu  des  ténotomistes 
diviser,  dans  la  même  séance,  une  foule  de  tendons  et  de  faisceaux 
musculaires,  pratiquer  sous  la  peau  des  incisions  de  plusieurs  décimè- 
tres, léser  inévitablement,  en  passant,  nombre  de  petits  vaisseaux  et  de 
filets  nerveux,  sans  que  le  moindre  accident  en  ait  été  la  suite.  Jules 
Guérin  a  communiqué  à  l'Académie  des  sciences,  le  51  août  1840,  l'ob- 
servation d'un  malade  chez  lequel  il  avait  pratiqué,  le  même  jour,  la 
section  sous-cutanée  de  quarante-deux  muscles,  tendons  ou  ligaments, 
pour  remédier  à  une  difformité  articulaire.  Le  malade  n'avait  pas  pro- 
féré une  plainte  pendant  le  cours  de  cette  opération,  qui  n'avait  pas  duré 
moins  d'une  heure,  et  le  cinquième  jour  toutes  les  plaies  étaient  cicatri- 
sées. De  pareilles  hardiesses  prouvent  au  moins  l'innocuité  des  plaies 
faites  par  les  instruments  piquants,  quelque  anfractueuses,  quelque  éten- 
dues qu'elles  soient  dans  leur  profondeur,  à  la  condition  que  l'ouver- 
ture faite  à  la  peau  soit  petite  et  qu'on  la  ferme  sur-le-champ.  La  péné- 
tration de  l'air  est,  en  effet,  le  seul  obstacle  à  lia  réunion  et  à  la  cicatri- 
sation immédiate  des  tissus  divisés  ;  c'est  sa  présence  qui  enllamme  les 
plaies,  et  nous  ne  comprenons  pas  que  ce  fait  si  simple  et  pour  nous  si 
évident  ait  pu  donner  naissance  à  tant  de  contestations. 

Le  contact  de  l'air  atmosphérique  est  fatal  aux  tissus  vivants  ;  partout 
où  ce  conflit  doit  s'établir  la  nature  a  mis  une  barrière  :  l'épidcrmc  pour 
la  peau,  l'épithélium  pour  les  muqueuses;  quand  cette  enveloppe  est 
détruite,  une  douleur  cuisante,  une  inflammation  vive,  se  manifestent  à 
l'instant  sur  les  parties  dénudées.  C'est  ce  qui  se  produit  lorsqu'on 
enlève  l'épidcrmc  à  la  surface  d'un  vésicatoire  ou  d'une  brûlure  au  second 
degré.  La  chimie  nous  enseigne  que  tous  les  liquides  organiques  restent 
immuables  dans  leur  composition  tant  qu'ils  sont  contenus  dans  des 
cavités  closes,  qu'ils  s'altèrent  et  se  décomposent  aussitôt  qu'ils  ont  le 
contact  de  l'air.  Les  fractures,  les  luxations,  s'accompagnent  de  délabre- 


PLAIE.  — 


P.   PAR  INSTRUMENTS  PIQUANTS. 


855 


unents  très-étendus,  et  cependant  lorsque  la  peau  est  intacte,  les  phéno- 
;  mènes  de  réparation  s'accomplissent  sans  accident  sous  cet  abri  protec- 
teur, et  les  infiltrations  sanguines  se  résorbent  sans  que  l'inflammation 
intervienne,  sans  qu'il  se  forme  une  goutte  de  pus.  Les  plaies  faites  par 
les  instruments  piquants  ne  sont  donc  pas  dangereuses  par  le  fait  seul  de 
leur  étroitesse  et  de  leurs  sinuosités;  lorsqu'elles  sont  simples,  il  suffit 
de  les  respecter  et  d'en  fermer  l'ouverture,  pour  obtenir  une  prompte 
guérison  ;  mais  une  foule  de  causes  peuvent  en  changer  les  conditions  et 
aggraver  le  pronostic. 

Nous  n'avons  parlé  jusqu'ici  que  de  plaies  nettes,  franches,  exemptes 
de  corps  étrangers;  mais  les  instruments  vulnérants  sont  souvent  de 
forme  irrégulière;  ils  présentent  des  aspérités  qui  déchirent  les  tissus, 
au  lieu  de  les  écarter,  comme  les  aiguilles,  ou  de  les  diviser  nettement, 
comme  les  ténotomes  :  parfois  ils  sont  recouverts  de  matières  irritantes, 
qu'ils  introduisent  avec  eux  et  qu'ils  déposent  au  fond  des  plaies  ;  ils  peu- 
vent même  être  imprégnés  de  substances  toxiques  ou  virulentes,  et  nous 
aurons  l'occasion  de  revenir,  plus  tard,  sur  ces  plaies  empoisonnées: 
pour  le  moment,  nous  n'envisageons  que  le  cas  où  la  piqûre  a  été  faite 
par  un  corps  hérissé  d'aspérités  ou  malpropre,  et,  dans  ces  conditions, 
il  n'est  pas  rare  de  voir  la  plaie  s'enflammer.  Si  elle  est  superficielle,  si 
elle  siège  dans  des  parties  peu  sensibles,  il  n'en  résulte  qu'un  retard 
pour  la  guérison  ;  mais  il  n'en  est  plus  ainsi  lorsque  la  région  intéressée 
est  très-vivante,'  très-vasculaire,  et  qu'elle  présente  des  plans  fibreux, 
résistants.  On  sait  combien  les  panaris  sont  fréquents  à  la  suite  des  piqûres 
aux  doigts,  et  chacun  connaît  les  dangers  que  présentent  les  phlegmons 
profonds  de  la  paume  de  la  main,  lorsqu'ils  surviennent  dans  les  mêmes 
circonstances  (Voy.  Main  (Phlegmon  delà),  t.  XXL  p.  55G).  La  plante 
du  pied  est  souvent  le  siège  des  mêmes  lésions,  chez  les  gens  qui  mar- 
chent sans  ebaussures.  C'est  habituellement  un  fragment  de  verre,  un 
clou  ou  une  éebarde  qui  cause  la  blessure  ;  cet  accident  est  commun  à 
bord  des  navires,  et  il  a  parfois  des  conséquences  sérieuses,  sans  présen- 
ter cependant  la  même  gravité  qu'à  la  paume  de  la  main.  Nous  n'insis- 
terons pas  sur  la  marche  de  ces  complications,  qui  ont  été  décrites  dans 
d'autres  articles. 

Les  régions  dont  nous  venons  de  parler  sont  celles  qui  réalisent  au 
plus  haut  degré  les  conditions  anatomiques  propres  à  faire  éclater  l'in- 
flammation et  même  l'étranglement,  à  la  suite  des  piqûres  ;  mais  il  est 
d'autres  points  de  l'économie  où  le  pronostic  de  ces  lésions  emprunte 
également  un  certain  caractère  de  gravité  aux  tissus  qui  s'y  rencontrent: 
ainsi  la  blessure  des  gaines  tendineuses  peut  occasionner  des  inflamma- 
tions diffuses  d'un  caractère  sérieux;  celle  des.  nerfs,  indépendamment 
de  la  douleur  vive  qui  en  est  la  suite,  cause  souvent  une  paralysie  par- 
tielle ;  lorsqu'elle  renferme  un  corps  étranger,  elle  expose  à  des  névral- 
gies persistantes  et  détermine  parfois  des  convulsions  épilepti formes, 
précédées  d'une  aura  qui  part  de  la  cicatrice;  dans  des  cas  rares,  enfin, 
on  voit  survenir  le  tétanos  traumatique  lui-même.  La  lésion  des  vaisseaux 


84  l'bAlK.  —  P.  PAU  IM8TBOMEMT8  PIQUANTS. 

sanguins  peut  occasionner  la  mort  immédiate,  si  le  tronc  est  assez  vo- 
lumineux, la  formation  d'un  anévrysme  faux  primitif,  circonscrit  ou 
artérioso-vcincux,  suivant  le  calibre,  le  siège  et  les  rapports  des  vais- 
seaux intéressés  ;  enfin  l'ouverture  des  articulations,  celle  des  cavités 
splanchniques,  sont  suivies  d'accidents  très-graves  dont  la  description 
ne  saurait  trouver  place  dans  un  article  de  généralités. 

Les  corps  étrangers  qu'on  rencontre  dans  les  plaies  qui  nous  occupent 
sont  nécessairement  d'un  petit  volume.  Ce  sont  des  aiguilles,  de  petits 
éclats  de  bois,  des  hameçons,  des  épines,  etc.  Pour  qu'on  y  trouve  des 
pointes  d'épée,  de  poignard  ou  de  couteau,  il  faut  que  ces  armes  aient 
rencontré  une  résistance  osseuse  contre  laquelle  elles  sont  venues  se  bri- 
ser. Dans  ce  cas,  le  fragment  détaché  est  solidement  enfoncé  dans  le  tissu 
osseux. 

Le  traitement  des  plaies  par  instruments  piquants  comporte  la  même 
indication  que  celui  des  plaies  par  instruments  tranchants.  Quels  quesoient 
la  profondeur  et  le  siège  de  la  blessure,  il  faut  en  fermer  l'orifice.  Cette 
règle  est  d'autant  plus  absolue  que  les  parties  intéressées  sont  plus  im- 
portantes et  le  pronostic  plus  sérieux.  Elie  ne  comporte  qu'une  seule 
exception,  c'est  le  cas  où  le  corps  vulnérant  est  resté  dans  la  plaie.  11  faut 
alors  en  pratiquer  immédiatement  l'extraction.  S'il  y  a  des  doutes,  le 
chirurgien  doit  s'enquérir  des  commémoralifs,  s'informer  près  du  blessé 
ou  des  personnes  présentes  de  la  direction  de  l'instrument  vulnérant  et 
de  la  profondeur  à  laquelle  il  a  pénétré.  Il  doit  se  le  faire  représenter, 
quand  la  chose  est  possible,  afin  de  s'assurer  si  la  pointe  est  intacte. 

Lorsque  cette  source  d'informations  vient  à  manquer,  il  devient  néces- 
saire de  sonder  la  plaie  avec  ménagement,  mais  avec  persistance,  jusqu'à 
ce  que  ce  point  de  diagnostic  soit  bien  établi.  Dans  la  grande  majorité 
des  cas,  les  corps  étrangers  abandonnés  dans  les  plaies  déterminent 
une  inflammation  suppurative;  c'est  la  règle  pour  les  petits  éclats  de 
bois  engagés  sous  les  ongles,  pour  les  épines  profondément  enfoncées 
dans  les  tissus.  Nous  avons  vu  survenir  un  phlegmon  sous-aponévrolique 
des  plus  graves  chez  un  jeune  homme  qui  s'était  enfoncé  une  épine  de 
prunier  sauvage  dans  le  mollet,  en  traversant  un  buisson.  Le  corps  étran- 
ger avait  été  méconnu  au  moment  de  l'accident,  et  ne  fut  expulsé  que 
quinze  jours  après,  avec  la  suppuration  abondante  à  laquelle  de  larges 
incisions  donnèrent  issue.  Les  fragments  de  verre,  les  pointes  de  cou- 
teau, de  poignard  ou  d'épée,  sont  plus  facilement  tolérés  que  les  petits 
corps  de  nature  végétale.  Les  exemples  en  sont  assez  communs  à  la 
suite  des  plaies  de  tète.  On  en  trouve  un  des  plus  remarquables  dans 
le  Traité  des  blessures  par  armes  de  guerre  de  Dupuytren.  Il  y  est  ques- 
tion d'un  jeune  homme  qui  entra  dans  son  service,  à  ITlôtcl-Dicu,  pour 
des  douleurs  de  tète  localisées  sous  une  ancienne  cicatrice  du  cuir  che- 
velu, résultant  d'un  coup  de  couteau  reçu  quelques  années  auparavant 
dans  une  rixe.  En  palpant  la  cicatrice,  Dupuytren  sentit  qu'elle  était 
soulevée  par  un  corps  étranger;  une  incision  mit  à  découvert  la  poinlc 
du  couteau  enfoncée  dans  le  crànc.  L'extraction  en  fut  pratiquée  à  l'aide 


PLAIE.  —  I'.  PAR  INSTRUMENTS  PIQUANTS.  85 

i  du  trépan,  mais  les  accidents  persistèrent;  il  s'y  joignit  une  hémiplégie 
i  du  coté  opposé.  Dupuytren  incisa  d'abord  la  dure-mère  et  n'obtint  aucun 
i résultat;  il  enfonça  doucement  alors  le  bistouri  dans  la  substance  céré- 
Ibrale;  un  flot  de  pus  s'en  échappa,  tous  les  accidents,  fièvre,  délire,  som- 
nolence, cessèrent  comme  par  enchantement,  et  le  malade  guérit.  En 
laissant  de  côté  ce  qu'il  peut  y  avoir  de  suspect  dans  le  résultat  merveil- 
leux de  cette  opération,  il  n'en  reste  pas  moins  le  fait  d'une  pointe  de 
.couteau  enfoncée  dans  le  crâne  et  y  séjournant  pendant  de  longues 
.  années,  sans  produire  d'accidents  inflammatoires. 

Une  observation  plus  surprenante  encore  est  celle  qu'on  trouve  citée 
d'une  manière  inexacte  dans  tous  les  traités  classiques  de  pathologie 
externe,  et  que  Berchon  a  rétablie,  pièces  en  main  (1861).  C'est  le  fait 
d'un  forçat  du  bagne  de  Rochefbrt,  qui  a  porté  pendant  de  longues 
années,  dans  la  poitrine,  un  fragment  d'épée  de  85  millimètres  de  lon- 
gueur, enclavé  entre  la  première  et  la  quatrième  côte  gauche,  traver- 
sant de  part  en  part  la  tète  de  celle-ci  et  l'apophyse  transverse  de  la  ver- 
tèbre correspondante.  Nous  avons  eu  souvent  l'occasion  d'examiner  la 
pièce  anatomique,  dans  le  musée  de  l'École  de  médecine  navale  de  Ro- 
chefort.  Ce  sont  là,  il  faut  le  dire,  des  cas  exceptionnels. 

Lorsque  le  corps  étranger  n'a  pas  été  extrait,  il  détermine,  le  plus  sou- 
vent, une  suppuration  de  longue  durée.  La  plaie  reste  fistuleuse,  elle  se 
ferme  et  se  rouvre  tour  à  tour,  puis  le  trajet  finit  par  s'indurer  et  la 
guérison  ne  s'obtient  que  lorsque  l'expulsion  du  corps  étranger  a  été 
opérée  par  les  efforts  de  la  nature  ou  par  la  main  du  chirurgien.  Parfois , 
après  être  resté  longtemps  inoffensif,  il  provoque  tout  à  coup  une  inflam- 
mation suivie  d'un  abcès  dans  le  foyer  duquel  on  le  trouve  en  liberté. 
Pour  éviter  ces  accidents,  il  faut  donc  procéder  à  l'extraction  toutes  les 
fois  qu'elle  est  possible.  Ce  n'est  pas  toujours  sans  difficultés  qu'on  y 
parvient,  et  les  corps  de  petite  dimension  ne  sont  pas  ceux  qui  en  pré- 
sentent le  moins.  Les  fragments  d'aiguilles  enfoncés  sous  les  téguments 
demandent  parfois  d'assez  longues  recberches  et  sont  difficiles  à  saisir, 
les  échardes  échappent  aux  pinces  ,  se  brisent  ou  se  morcellent  sous  leur 
pression,  et  il  est  souvent  nécessaire  de  pratiquer  une  petite  incision 
pour  les  dégager  de  leur  trajet.  Les  hameçons  sont  d'une  extraction  plus 
laborieuse  encore.  Lorsqu'on  cherche  à  les  retirer  par  leur  ouverture 
d'entrée,  le  crochet  dont  ils  sont  munis ,  sur  leur  concavité ,  s'enfonce 
dans  les  tissus  et  oppose  un  obstacle  absolument  invincible.  Il  faut 
recourir  au  procédé  qu'on  employait  autrefois  pour  extraire  les  flèches 
barbelées  ;  il  faut  pousser  l'hameçon  dans  la  direction  suivant  laquelle  il 
est  entré,  lui  faire  continuer  son  trajet  curviligne  eL  en  faire  sortir  la 
pointe,  en  traversant  la  peau  de  dedans  en  dehors.  Lorsque  l'extrémité 
est  dégagée,  on  la  coupe  avec  des  tenailles  incisives  et  le  reste  de  ia  tige 
se  relire  sans  difficulté  par  l'ouverture  d'entrée.  Quand  le  corps  étranger 
est  solidement  implanté  dans  le  tissu  osseux,  lorsque  la  pointe  d'un  cou- 
teau, par  exemple,  s'est  brisée  dans  l'épaisseur  du  crâne  et  ne  donne  pas 
de  prise  à  l'extérieur,  il  devient  nécessaire  d'appliquer  une  couronne  de 


PLAIE.    I".   l'A"  INSIIIUSIEMS  1MQUA.NTS. 

trépan  pour  l'extraire.  C'est  ce  que  lit  Dupuylren,  dans  le  cas  que  nous 
avons  rapporté  plus  haut.  Velpeau,  dans  sa  Médecine  0|)ératoire,  cite  un 
l'ait  où  l'extraction  d'un  corps  étranger  fut  entourée  de  dilïicultés  insur- 
montables. 11  s'agissait  d'une  baguette  de  fusil  qu'un  -  officier  de  la  garde 
nationale  de  Taris  avait  reçue  dans  le  dos,  pendant  un  exercice  à  l'eu. 
Cette  tige  de  fer  était  si  solidement  fixée  dans  la  vertèbre  qu'elle  avait 
traversée,  qu'il  fut  impossible  de  l'arracher.  Velpeau  lit  construire,  par 
Charrière,  un  instrument  spécial  pour  la  retirer;  mais  le  blessé  succomba 
dans  l'intervalle  et  c'est  sur  le  cadavre  seulement  qu'on  put  en  faire 
l'application.  Les  observations  de  corps  étrangers  retenus  dans  les  tissus 
étaient  beaucoup  plus  fréquentes  autrefois,  alors  qu'on  combattait  surtout 
à  l'arme  blanche.  Ambroise  Paré  entre  dans  de  longs  détails  au  sujet  de 
leur  extraction  et  cite,  à  cette  occasion ,  la  blessure  reçue  devant  Boulo- 
gne par  le  duc  de  Guise.  La  pointe  de  la  lance,  entrée  au-dessous  de 
l'œil  droit,  était  sortie  entre  la  nuque  et  l'oreille;  elle  s'était  rompue; 
le  fer  et  une  partie  du  bois  étaient  restés  dans  la  plaie  ;  il  fallut,  pour 
l'exlraire,  employer  une  grande  force  et  recourir  à  des  tenailles  de  maré- 
chal, ce  qui  n'empêcha  pas  la  guérison  d'avoir  lieu. 

Lorsque  la  plaie  ne  renferme  pas  de  corps  étranger ,  il  suffit  d'appli- 
quer sur  son  ouverture  une  mouche  de  taffetas  d'Angleterre  ou  de  spara- 
drap, et  de  condamner  la  partie  au  repos.  Dans  la  majorité  des  cas,  lors- 
qu'aucun  organe  important  n'a  été  intéressé ,  la  cicatrisation  s'opère 
rapidement  et  sans  accident;  lorsque,  par  suite  d'une  des  causes  que 
nous  avons  indiquées ,  le  trajet  de  la  blessure  vient  à  s'enflammer,  le 
chirurgien  en  est  averti  par  un  sentiment  de  douleur  et  de  tension  dans 
la  partie  ;  il  survient  du  gonflement  et  de  la  rougeur  autour  de  la  plaie, 
les  bords  de  celle-ci  se  décollent  et  la  suppuration  se  fait  jour  au  dehors. 
Il  faut,  en  ce  cas,  recourir  au  traitement  des  plaies  qui  suppurent.  Par- 
fois, lorsque  l'instrument  vulnéraut  a  glissé  sous  la  peau,  les  phéno- 
mènes inflammatoires  se  manifestent  sur  un  point  du  trajet  éloigné  de 
l'ouverture,  il  y  survient  un  véritable  phlegmon  qui  se  termine  presque 
toujours  par  un  abcès  dont  l'ouverture  est  suivie  d'une  prompte  gué- 
rison. 

Les  choses  ne  se  passent  pas  d'une  manière  aussi  simple,  lorsque  la 
plaie  siège  dans  une  région  abondamment  pourvue  de  nerfs,  de  vaisseaux, 
et  bridée  par  des  aponévroses.  Nous  avons  cité,  pour  exemple  de  cette 
disposition,  les  doigts,  la  paume  de  la  main  et  la  plante  du  pied.  L'in- 
flammation alors  se  complique  d'un  véritable  étranglement,  et  la  suppu- 
ration qui  en  est  la  conséquence  presque  fatale,  au  lieu  de  tendre  à  se 
faire  jour  au  dehors,  fuse  dans  les  gaines  des  tendons  et  donne  lieu  à 
des  accidents  redoutables.  Dans  ce  cas,  il  ne  faut  pas  attendre,  pour 
agir,  que  la  suppuration  se  soit  formée.  Lorsque  les  douleurs  sont  conti- 
nues, tensives ,  accompagnées  de  battements  et  assez  intenses  pour 
empêcher  le  sommeil,  il  faut  recourir  au  débridcmenl  des  aponévroses 
qui  s'opposent  à  la  libre  expansion  des  tissus  enflammés.  L'incision  pré- 
maturée du  panaris  est  le  seul  moyen  de  sauver  la  phalange  qui  en  est 


PLAIE.  — 


l>.   l'Ait  INSTRUMENTS  CONTONDANTS. 


S7 


atteinte.  La  môme  pratique  esL  indiquée  au  début  des  phlegmons  pro- 
fonds de  la  main  et  du  pied. 

Nous  ne  parlons  pas  des  complications  plus  graves  qui  peuvent  surve- 
nir à  la  suite  des  plaies  par  piqûre,  de  l'érysipèle,  du  phelgmon  diffus, 
de  l'infection  purulente,  de  la  lésion  des  gros  vaisseaux,  des  articulations 
ou  des  cavités  splanchniqucs,  parce  que  la  conduite  à  tenir ,  en  pareil 
•cas,  a  été  tracée  dans  d'autres  parties  de  ce  Dictionnaire. 

III.  Plaies  par  instruments  contondants.  —  Les  plaies  de  cette  espèce 
s'observent  plus  fréquemment,  dans  la  pratique,  que  toutes  les  autres 
réunies.  Cela  se  conçoit,  lorsqu'on  réfléchit  à  la  variété  presque  infinie 
des  causes  qui  peuvent  les  produire.  Tout  corps,  quelle  que  soit  sa  forme, 
pourvu  qu'il  ait  un  certain  volume,  un  certain  poids,  et  qu'il  ait  reçu  une 
impulsion  suffisante,  peut  déterminer  des  plaies  contuses.  Les  chutes,  les 
chocs  contre  des  obstacles  imprévus,  les  produisent  également.  Toutes 
les  découvertes  de  l'industrie  moderne  ont  eu  pour  effet  d'augmenter  le 
nombre  de  ces  blessures  et  d'en  accroître  la  gravité.  L'emploi  des  ma- 
chines dans  l'industrie,  la  navigation  à  vapeur,  les  chemins  de  fer,  leur 
fournissent  un  formidable  contingent,  auquel  viennent  se  joindre  encore 
les  blessures  produites  par  la  poudre  à  canon  et  les  projectiles  qu'elle 
met  en  mouvement,  ainsi  que  celles  qui  sont  causées  par  les  substances 
explosives  d'invention  moderne ,  qu'utilisent  l'industrie  et  l'art  de  la 
guerre. 

Toutes  ces  lésions  ont  un  caractère  commun.  Elles  s'accompagnent  toutes 
d'un  certain  degré  d'attrition,  de  lacération  des  tissus,  et  ces  désordres 
peuvent  aller  jusqu'au  broiement  le  plus  complet.  Elles  ne  se  réunissent 
que  par  seconde  intention,  et  la  guérison,  plus  longue  à  obtenir  que  dans 
les  plaies  précédemment  étudiées,  laisse  après  elle  une  cicatrice  plus  visi- 
ble. A  part  cet  air  de  famille,  elles  diffèrent  aussi  essentiellement,  sous 
le  rapport  de  l'étendue,  de  la  gravité  et  des  conséquences,  que  les  causes 
qui  les  ont  produites.  Pour  en  faciliter  l'étude,  les  chirurgiens  les  ont 
divisées  en  deux  groupes  :  les  plaies  contuses  ordinaires  et  les  plaies  par 
armes  à  feu.  Nous  ne  nous  occuperons  que  de  ces  dernières,  les  plaies 
contuses  ordinaires  ayant  été  l'objet  de  développements  suffisants  à  l'ar- 
ticle Contusion  (t.  IX,  p.  522). 

Plaies  par  armes  à  feu.  —  On  doit  réserver  ce  nom  aux  blessures 
produites  par  les  projectiles.  Celles  qui  résultent  de  l'action  de  la 
poudre' en  liberté,  de  l'explosion  d'une  gargousse ,  d'une  poudrière, 
d'une  fabrique  de  dynamite;  celles  qui  sont  causées  par  l'éclatement  des 
fusils  ou  des  canons,  parles  mines,  par  les  torpilles,  peuvent  être  des 
blessures  de  guerre,  mais  ne  sont  pas  des  plaies  par  armes  à  feu.  Le 
caractère  essentiel  de  ces  dernières  est  l'extrême  contusion  de  leurs 
bords  et  de  leur  trajet,  ainsi  que  l'ébranlement  qui  les  accompagne. 
L'aspect  de  la  plaie,  l'état  général  du  blessé,  sont  tellement  particuliers, 
que  les  premiers  chirurgiens  témoins  de  ces  étranges  symptômes  les 
attribuèrent  à  un  empoisonnement ,  qu'ils  mirent  sur  le  compte  de  la 
oudre.  C'est  à  Ambroise  Parc  que  revient,  comme  on  le  sait,  le  mérite 


S£  PLAIE.    P.   PAS   INSTRUMENTS  CONTONDANTS. 

d'avoir  dissipé  celte  erreur  et  fait  renoncer  en  même  temps  aux  pratiques 
barbares  qui  en  étaient  la  conséquence. 

Les  plaies  d'armes  à  l'eu  diffèrent  suivant  la  forme  et  les  dimensions 
des  projectiles  qui  les  ont  produites.  Ces  derniers  sont,  dans  l'ordre  de 
leurs  dimensions,  les  boulets,  les  éclats  de  bombe,  d'obus,  de  grenades, 
les  biscaïens,  les  grains  de  mitraille,  les  balles  de  différents  calibres,  le 
plomb  de  ebasse.  Parfois  le  corps  vulnérant  n'a  pas  été  lancé  lui-même 
par  une  arme  à  feu,  mais  il  a  été  emporté  par  un  projectile  qui  lui  a 
communiqué  son  impulsion.  C'est  ainsi  que,  dans  les  batailles  navales, 
les  morceaux  de  bois  ou  de  fer  arracbés  à  la  muraille  du  bâtiment  cau- 
sent autant  de  ravages  que  les  projectiles  eux-mêmes,  et  dans  les  sièges, 
les  combats  d'artillerie,  les  hommes  qui  se  tiennent  près  des  pièces  sont 
souvent  atteints  par  des  fragments  de  pierre,  par  des  cailloux  que  les 
boulets  et  les  obus  font  voler  dans  toutes  les  directions. 

Les  blessures  qui  se  produisent  dans  de  pareilles  conditions  sont 
extrêmement  variées;  mais  les  différences  les  plus  essentielles  sont  celles 
qu'on  observe  entre  les  lésions  faites  par  les  gros  projectiles  sortis  des 
bouches  à  feu,  et  les  plaies  déterminées  par  les  balles  et  les  grains  de 
plomb  que  lancent  les  armes  portatives.  Elles  sont  assez  importantes 
pour  exiger  une  étude  à  part. 

A.  Blessures  faites  par  les  gros  projectiles.  —  Lorsqu'un  boulet 
atteint  en  plein  la  tête  ou  le  tronc,  la  blessure  est  toujours  mortelle  et  le 
chirurgien  n'a  pas  à  intervenir  ;  mais  il  arrive  quelquefois  que  le  projec- 
tile ne  fait,  pour  ainsi  dire,  que  les  frôler,  et  l'on  a  vu  des  blessés  sur- 
vivre, après  avoir  eu  une  partie  du  visage ,  la  mâchoire  inférieure  ou  le 
nez,  par  exemple,  emportés,  après  avoir  eu  la  hanche,  les  parois  de 
l'abdomen  ou  du  thorax  profondément  labourées.  Ces  cas  sont  rares, 
et  les  blessures  faites  aux  membres  par  les  gros  projectiles  offrent  beau- 
coup plus  d'intérêt.  Quand  un  boulet  qui  n'a  encore  rien  perdu  de  sa 
force  initiale  rencontre  un  membre  sur  son  passage,  il  l'emporte,  s'il 
l'atteint  en  plein;  il  se  borne  à  y  produire  une  échancrure,  s'il  le  saisit 
par  un  de  ses  côtés.  Dans  le  premier  cas,  la  plaie  est  irrégulière  et 
comme  mâchée  ;  la  peau  et  les  muscles,  inégalement  déchirés,  présen- 
tent une  surface  anfractueuse,  noirâtre,  à  la  surface  de  laquelle  font  saillie 
des  esquilles  à  demi  détachées  et  les  extrémités  fracturées  des  os  eux- 
mêmes,  d'où  pendent  des  lambeaux  de  tissu  fibreux  et  des  bouts  de  nerfs 
arrachés.  Ce  cas  est  assez  rare  ,  au  dire  de  Legouest.  La  plupart  du 
temps,  les  membres  sont  fracassés,  broyés,  dilacérés  sur  la  plus  grande 
partie  de  leur  circonférence,  mais  tiennent  encore  appendus  au  tronc  par 
quelques  débris  de  peau  ou  de  muscles  qui  n'ont  pas  été  complètement 
arrachés.  Lorsque  le  projectile  prend  un  membre  par  le  côté,  il  y  creuse 
une  gouttière  plus  ou  moins  profonde  et  dont  la  largeur  est  en  rapport 
avec  son  calibre.  Les  bords  de  ce  sillon  sont  renversés  en  dehors,  frangés, 
ecchymosés  dans  toute  leur  étendue  ;  sa  surface  est  d'un  gris  rougeâtre, 
irrégulière,  couverte  de  tractus  fibreux,  de  débris  de  muscles  et  d'aponé- 
vroses. 


PLAIE.  —  P.   PAR  INSTRUMENTS  CONTOîiDANTS. 


89 


Ces  horribles  blessures  donnent  rarement  lieu  à  une  hémorrhngie 
abondante;  souvent  même  elles  ne  saignent  pas  du  tout.  Elles  sont,  à  cet 
égard,  dans  le  même  cas  que  les  plaies  par  arrachement,  et  quand  nous 
parlerons  de  celles-ci,  nous  en  indiquerons  la  cause.  Toutefois,  cette  sus- 
pension n'est  pas  toujours  définitive;  il  n'est  pas  rare  de  voir  reparaître 
Phémorrhagie,  lorsque  la  contraction  de  l'orifice  cesse  et  que  l'affaiblisse- 
ment de  la  circulation,  causé  par  la  stupeur,  vient  à  disparaître  à  son 
tour. 

Lorsqu'un  membre  a  été  emporté  par  un  boulet  ou  assez  fortement 
échancré  pour  qu'il  ne  puisse  pas  continuer  à  vivre,  l'indication  est  for- 
melle :  il  faut  procéder  à  l'amputation  immédiate.  Faite  dans  ces  condi- 
tions, après  un  traumatisme  aussi  violent,  elle  a  beaucoup  de  chances 
pour  ne  pas  réussir;  mais  enfin  c'est  le  seul  espoir  qui  reste.  L'am- 
putation substitue  une  plaie  régulière  à  la  blessure  inégale  et  déchi- 
rée qu'a  produite  le  boulet,  elle  prévient  les  accidents  immédiats  les  plus 
sérieux;  elle  épargne  au  blessé  les  longues  suppurations  et  les  fusées  puru- 
lentes remontant  au  centre  du  moignon.  Elle  doit  être  pratiquée  sur  des 
tissus  parfaitement  sains,  à  une  hauteur  suffisante  pour  qu'on  n'ait  pas 
à  craindre  de  laisser  dans  le  moignon  des  parties  contuses  ou  déchirées, 
et,  avant  de  scier  les  os,  il  faut  s'assurer  qu'ils  ne  sont  pas  dépouillés  de 
leur  périoste  au  delà  du  point  où  va  porter  la  section,  et  qu'ils  ne  pré- 
sentent pas  quelques-unes  de  ces  fêlures  étendues  que  produisent  sou- 
vent les  gros  projectiles. 

Lorsque  le  membre  n'a  été  intéressé  que  dans  une  petite  partie  de  sa 
circonférence,  que  les  os  et  les  vaisseaux  principaux  n'ont  pas  été  atteints, 
il  est  possible  d'en  tenter  la  conservation  ;  mais  la  guérison  ne  s'obtient 
dans  ces  cas  qu'au  prix  d'un  long  traitement,  et  le  résultat  n'est  jamais 
bien  satisfaisant.  Ces  blessures  s'accompagnent  de  pertes  de  substance  si 
étendues  qu'elles  ne  se  réparent  qu'avec  la  plus  grande  difficulté.  La 
cicatrice  qui  les  recouvre  adhère  aux  os  et  aux  tissus  sous-jacents  ;  elle 
est  mince,  inégale,  se  déchire  au  moindre  froissement,  ne  se  reproduit 
que  pour  se  rompre  de  nouveau,  et  la  plaie  finit  par  dégénérer  en  un 
ulcère  qui  persiste  indéfiniment.  Ces  alternatives  s'observent  surtout 
dans  les  régions  abondamment  pourvues  de  parties  molles,  comme  les 
fesses  et  les  mollets. 

Nous  ne  nous  sommes  occupé  jusqu'ici  que  des  blessures  causées  par 
des  projectiles  animes  de  toute  leur  vitesse  initiale  ;  mais  les  boulets 
arrivés  à  la  fin  de  leur  course  causent  parfois  des  blessures  mortelles, 
sans  laisser  de  traces  extérieures.  La  peau  est  saine,  tandis  que  les  os,  les 
muscles,  les  vaisseaux  et  les  viscères  sont  broyés.  En  voyant  ces  cadavres 
intacts  eu  apparence,  les  anciens  chirurgiens  attribuaient  la  mort  au  vent 
du  boulet,  mais  cette  erreur  est  depuis  trop  longtemps  dissipée  pour  qu'il 
soit  nécessaire  de  s'arrêter  à  la  combattre.  Lorsque  cette  attrition  n'inté- 
resse qu'un  membre,  l'amputation  reste  comme  dernière  ressource,  si 
les  désordres  ne  remontent  pas  jusqu'à  sa  racine  :  car  dans  ce  dernier 
cas,  elle  est  le  plus  souvent  impraticable. 


<J()  PLAIE.  —    I'.   l'Ul  INSTRUMENTS  CONTONDANTS. 

Les  boulets  de  très-petit  calibre,  ainsi  que  les  biscaïens,  traversent 
parfois  les  parties  d'outre  en  outre.  Dans  ce  cas,  l'ouverture  d'entrée  est 
habituellement  plus  petite  et  plus  régulière  que  celle  de  sortie.  Ces  blessu- 
res, à  la  gravité  et  aux  dimensions  près,  présentent  les  mèrnes  caractères 
que  celles  «pie  produisent  les  balles,  dont  nous  parlerons  plus  loin. 

Les  plaies  causées  par  les  projectiles  pleins  sont  rarement  compliquées 
de  la  présence  d'un  corps  étranger.  Vidal  (de  Cassis)  cite  pourtant  le  lait 
d'un  boulet  de  quatre  livres  logé  à  la  racine  d'un  des  membres  inférieurs 
et  dont  la  présence  aurait  été  méconnue  par  les  premiers  chirurgiens  qui 
examinèrent  le  blessé.  Un  fait  plus  surprenant  encore  est  celui  que  le 
baron  Larrey  a  cité,  le  18  octobre  1871,  à  la  Société  de  Chirurgie.  11  est 
relatif  au  général  Auger,  qui  reçutdans  l'aisselle,  à  la  bataille  de  Solferino, 
un  boulet  de  six  dont  on  ne  reconnut  la  présence  que  le  lendemain  matin, 
lorsqu'on  pratiqua  la  désarticulation  de  l'épaule.  Quant  aux  biscaïens 
restés  dans  la  plaie,  les  exemples  en  sont  nombreux.  Leur  diagnostic  est, 
en  général,  facile  ;  leur  extraction  est  soumise  aux  mêmes  règles  que 
celle  des  balles,  et  le  traitement  de  la  blessure  présente  les  mêmes  indi- 
cations. 

Les  projectiles  creux  font  aujourd'hui,  sur  les  champs  de  bataille,  beau- 
coup plus  de  victimes  que  les  boulets  et  que  la  mitraille.  Lorsqu'ils 
éclatent,  ceux  qui  s'en  trouvent  très-rapprochés  sont  littéralement  mis 
en  lambeaux.  C'est  ce  qu'on  a  trop  souvent  l'occasion  d'observer  dans  les 
ateliers  où  on  les  charge,  et  ce  qui  arrive  encore,  de  temps  en  temps, 
lorsqu'on  découvre  quelque  obus  échappé  à  la  dernière  guerre  et  que  des 
imprudents  veulent  le  vider  sans  précaution.  Les  lésions  produites  à  dis- 
tance, par  des  éclats  isolés,  varient  suivant  la  dimension  des  fragments 
et  la  force  d'impulsion  dont  ils  sont  animés.  Pour  peu  qu'ils  aient  un  cer- 
tain volume,  on  peut  leur  reconnaître  deux  surfaces  unies,  l'une  con- 
vexe, l'autre  concave,  et  des  bords  extrêmement  irréguliers.  Lorsqu'ils 
frappent  par  leur  face  convexe,  ils  se  bornent  parfois  à  produire  de  fortes 
contusions  sans  plaie,  mais  accompagnées  de  tumeurs  sanguines  énor- 
mes et  qui  mettent  très-longtemps  à  se  résorber  ;  lorsqu'ils  atteignent  les 
tissus  par  un  des  angles  de  leurs  bords  irréguliers,  il  en  résulte  des 
plaies  contuses,  profondes,  anfractucuses,  déchirées,  des  fractures  sou- 
vent compliquées  d'issue  des  os  et  d'attrition  des  parties  molles.  Ces 
plaies  recèlent  souvent  des  fragments  de  projectile  ou  des  lambeaux  de 
vêtement  entraînés  par  eux.  Ces  fragments  se  dévient  comme  les  balles, 
et  cela  avec  d'autant  plus  de  facilité  qu'ils  sont  animés  d'un  mouvement 
moins  rapide.  Les  exemples  d'éclats  de  bombe  et  d'obus  ayant  séjourné 
longtemps  au  milieu  des  tissus  sans  qu'on  en  ait  reconnu  la  présence 
sont  tellement  nombreux,  qu'il  n'est  guère  de  chirurgien  de  nos  jours 
qui  n'ait  eu  l'occasion  d'en  observer.  Les  blessures  faites  par  les  éclats 
d'obus  sont  plus  souvent  suivies  d'hémorrhagies  que  celles  qui  sont  pro- 
duites par  les  projectiles  pleins,  parce  que  les  vaisseaux  sont  plus  nettement 
coupés  par  leurs  bords  tranchants  que  par  les  contours  arrondis  des  bou- 
lets et  des  biscaïens  ;  enfin,  Legouest  a  remarqué  que  les  enveloppes  des 


PLAIE.  — 


P.   PAU   INSTRUMENTS  CONTOND  \  N  i  s. 


boites  à  niilniille  donnent  lieu  à  des  blessures  en'tout  semblables  à  celles 
que  font  les  instruments  tranchants. 

Les  plaies  qui  nous  occupent  ont  un  caractère  de  gravité  sur  le  compte 
duquel  tout  le  monde  est  d'accord.  Lorsque  le  fragment  d'obus  est  resté 
dans  la  plaie,  il  faut  se  bâter  de  l'en  retirer.  Scrive  dit  qu'au  bout  de 
quelques  beurcs  il  se  développe  dans  la  cavité  qui  le  loge  de  l'hydrogène 
sulfuré,  dont  l'action  est  extrêmement  nuisible.  Après  l'extraction,  ajoule- 
t-il,  les  tissus  affaissés,  fortement  contus  et  privés  de  vie  dans  leurs  points 
de  contact  avec  les  corps  étrangers,  ne  reviennent  plus  sur  eux-mêmes, 
de  sorte  que  l'excavation  produite  par  le  projectile  persiste.  Panas  attri- 
bue, à  plus  juste  titre,  selon  nous,  la  gravité  de  ces  lésions  à  l'excessive 
contusion  dont  elles  s'accompagnent  et  dont  il  est  impossible,  à  priori, 
de  mesurer  la  profondeur  et  l'étendue.  Il  cite  des  cas  dans  lesquels  des 
tentatives  de  conservation,  à  la  suite  de  fractures  de  la  jambe  par  des 
celais  d'obus,  ont  amené  les  plus  déplorables  résultats,  et  il  a  adopté  pour 
règle  de  toujours  amputer  sans  retard  en  pareille  occurrence.  Nous  avons 
pu  constater  nous-mème,  sur  les  blessés  de  l'armée  de  la  Loire  (18  70- 
1871),  le  peu  de  tendance  de  ces  plaies  à  la  guérison  et  la  prédilection 
que  la  pourriture  d'hôpital  semble  affecter  pour  elles. 

Il  est  un  genre  de  blessures  qui  se  rapproche  des  précédentes,  etqui  ne 
s'observe  guère  qu'à  bord  des  navires  :  ce  sont  celles  qui  sont  faites  par  les 
boulets  de  gros  calibre,  lorsqu'ils  viennent  se  briser  sur  la  volée  des  pièces 
ou  sur  le  can  des  sabords  des  bâtiments  cuirassés.  A  l'attaque  de  MogaJor 
(15  août  1844),  un  aspirant  eut  la  moitié  de  la  face  emportée  par  un 
fragment  de  boulet  marocain  qui  venait  de  voler  en  éclats  en  frappant  le 
canon  dont  il  surveillait  le  tir.  A  Kinburn,  plusieurs  hommes  furent 
blessés  de  cette  manière,  et,  après  l'a  flaire,  la  batterie  de  la  Tonnante 
était  pleine  de  débris  de  toute  forme  et  de  toute  dimension,  provenant 
des  boulets  de  vingt-quatre  du  fort  russe,  qui  s'étaient  brisés  sur  l'arête 
vive  de  ses  sabords. 

Les  blessures  produites  par  les  gros  projectiles  ou  par  leurs  éclats  pré- 
sentent une  complication  qui  ne  s'observe  que  beaucoup  plus  rarement  et 
à  un  degré  bien  plue  faible,  à  la  suite  des  plaies  laites  par  les  balles.  C'est 
un  état  de  stupeur  borné,  le  plus  souvent,  à  la  partie  sur  laquelle  le  pro- 
jecLile  a  porté,  mais  qui  se  généralise  quelquefois.  La  stupeur  locale  est 
caractérisée  par  l'engourdissement  du  membre  lésé,  qui  devient  froid, 
insensible,  pesant  et  inhabile  à  se  mouvoir.  La  circulation  s'y  ralentit,  s'y 
suspend  même  dans  quelques  cas.  A  son  degré  le  plus  faible,  cet  état  se 
dissipe  assez  rapidement  ;  mais,  lorsque  la  commotion  a  été  plus  forte,  la 
réaction  qui  survient  ensuite  est  signalée  par  une  congestion  active  et  des 
accidents  inflammatoires  suivis  de  suppurations  profondes  et  diffuses. 
Dans  les  cas  les  plus  graves,  la  réaction  ne  se  produit  pas,  et  le  membre, 
après  être  resté  comme  mort  pendant  plusieurs  jours,  finit  par  tomber  en 
gangrène. 

Lorsque  le  choc  a  été  très-violent,  la  stupeur  s'étend  à  l'organisme 
tout  entier.  Le  blessé,  plongé  dans  une  sorte  d'hébétude,  parait  indifférent 


g'g  PLAIE.    P.   PAU  INSTRUMENTS  CO.NTONDANTS. 

à  loul  ce  qui  l'entoure.  Il  est  insensible  et  comme  somnolent.  La  face  est 
pâle,  L'œil  fixe,  la  respiration  profondé,  la  peau  froide,  le  pouls  faible, 
lent  concentré,  souvent  irrégulier.  11  survient  parfois  des  mouvements 
convulsifs,  des  nausées  et  des  vomissements,  et  le  malade  succombe  sans 
que  la  réaction  se  soit  produite;  lorsqu'elle  intervient,  elle  est  souvent 
entravée  par  le  retour  de  la  stupeur  ;  sa  marebe  est  irrégulière,  accompa- 
gnée de  frissons,  de  chaleurs  fugaces,  de  délire  et  parfois  d'une  teinte 
ictérique  générale.  En  même  temps  on  voit  se  produire  du  côté  du  mem- 
bre lésé  les  phénomènes  menaçants  que  nous  avons  indiqués  plus  haut. 

Le  sentiment  de  froid  qui  accompagne  les  grands  traumatisme»  n'est 
pas  seulement  une  sensation  perçue  par  le  malade,  il  consiste  dans  un 
abaissement  très-réel  de  la  température  générale,  et  le  thermomètre  l'ac- 
cuse de  la  façon  la  plus  nette.  Sur  trente-huit  sujets  blessés  par  des  éclats 
d'obus,  pendant  le  siège  de  Paris,  et  observés  par  Deraarquayi  ce  chirur- 
gien a  constaté  un  abaissement  de  un  à  trois  degrés.  Chez  l'un  d'entre 
eux  le  thermomètre  est  descendu  jusqu'à  54°.  Dans  ces  observations,  la 
diminution  de  la  température  a  été  plus  marquée  à  la  suite  des  blessures 
causées  par  les  éclats  d'obus  que  clans  toute  autre  lésion,  et  plus  forte 
chez  les  hommes  de  quarante  ans  que  sur  ceux  de  vingt.  Elle  s'est  mon- 
trée à  son  plus  haut  degré  chez  les  fédérés  qui  faisaient  un  usage  immo- 
déré de  l'alcool  :  ce  qui  s'explique  par  l'action  dépressive  de  ce  liquide 
sur  la  température  animale.  Tous  les  blessés  chez  lesquels  le  thermomètre 
est  descendu  à  55°  sont  morts,  qu'ils  aient  été  opérés  ou  non,  et  dans  le 
premier  cas  la  réaction  a  toujours  été  nulle.  Tous  les  chirurgiens  pru- 
dents sont  d'accord  sur  la  nécessité  de  s'abstenir  de  toute  opération 
grave,  tant  que  la  stupeur  n'est  pas  complètement  dissipée.  Il  laut  atten- 
dre que  l'organisme  ait  pu  se  relever  de  l'ébranlement  causé  par  le  trau- 
matisme, pour  lui  en  imprimer  un  second;  mais  il  peut  rester  des  doutes 
sur  le  moment  opportun,  et  le  thermomètre  permet  de  les  lever  en  fournis- 
sant des  indications  précises.  Jusqu'à  ce  que  la  température  soit  revenue 
à  l'état  normal,  il  faut  se  borner  à  combattre  la  commotion,  à  réchauffer, 
à  ranimer  le  malade,  et  c'est  alors  seulement  qu'il  a  repris  complètement 
possession  de  lui-même  qu'il  est  permis  d'agir  activement,  de  pratiquer 
les  amputations  ou  les  résections  que  peut  nécessiter  la  blessure. 

Quand  les  plaies  par  les  éclats  d'obus  ne  sont  pas  de  nature  à  exiger 
des  opérations  aussi  graves,  le  traitement  qu'elles  réclament  est  celui  des 
plaies  contuses  au  plus  haut  degré  ;  cependant  elles  présentent  quelques 
indications  spéciales.  Il  faut  d'abord,  ainsi  que  nous  l'avons  dit,  les 
débarrasser  des  corps  étrangers.  Leur  recherche  est  en  général  facile  ; 
l'ouverture  d'entrée  est  toujours  assez  large  pour  qu'on  puisse  l'explorer  à 
l'aide  d'un  ou  de  plusieurs  doigts,  et  les  fragments  de  métal  se  rencon- 
trent d'eux-mêmes.  Dans  quelques  cas  cependant  nous  avons  vu  qu'ils 
pouvaient  échapper  aux  recherches,  et  cela  arrive  surtout  pour  les  frag- 
ments de  très-petite  dimension  et  pour  les  lambeaux  d'étoile  que  le  tact 
ne  distingue  pas  facilement  des  tissus  vivants  au  milieu  desquels  ils  sont 
engagés.  Il  faut  se  livrer  à  leur  recherche  avec  persévérance  et  ne  pas 


PLAIE. 


  P.   T'Ait  IKSTRPMKNTS.  CONTONDANTS. 


95 


craindre  de  multiplier  les  incisions,  soit  pour  les  découvrir,  soit  pour  les 
extraire  sans  déchirement.  Lorsqu'un  éclat  d'obus  a  parcouru,  sous  la 
peau,  un  trajet  d'une  certaine  étendue,  celle-ci  est  amincie,  contusc  et 
dans  de  très-mauvaises  conditions  pour  se  réunir  aux  parties  sous-ja- 
centes.  Il  y  a  alors  avantage  à  inciser  le  décollement  dans  toute  sa  lon- 
gueur et  à  retrancher  les  portions  de  tégument  trop  altérées  pour  pouvoir 
continuer  à  vivre.  Lorsque  la  plaie  a  été  ainsi  simplifiée,  on  la  lave  à 
plusieurs  reprises  avec  de  l'eau  pure  ou  additionnée  d'alcool,  ou  bien 
encore  avec  une  solution  très-étendue  d'acide  phénique  ;  puis  on  procède 
au  pansement,  en  remettant  en  place  les  parties  qui  peuvent  encore  ser- 
vir à  combler  la  perte  de  substance,  mais  sans  faire  d'efforts  pour  les 
rapprocher,  sans  tenter  une  réunion  qui,  dans  ce  genre  de  blessures,  ne 
peut  s'obtenir  qu'à  la  suite  d'une  longue  suppuration.  En  raison  même 
de  leurs  fâcheux  caractères,  les  plaies  dont  nous  nous  occupons  récla- 
ment plus  souvent  que  les  autres  l'emploi  des  pansements  antiseptiques, 
dont  les  indications  ont  été  posées  dans  un  autre  article  (Voy.  Pansement, 
t.  XXV,  p.  729). 

B.  Blessures  faites  par  les  pelils  projectiles.  —  On  donne  le  nom  de 
petits  projectiles  à  ceux  qui  sont  lancés  par  les  armes  portatives.  Ce  sont 
des  balles  de  fusil,  de  pistolet,  de  revolver,  des  chevrotines,  des  grains 
de  plomb  de  différent  calibre.  Autrefois,  tous  ces  projectiles  étaient  sphé- 
riques  et  lancés  par  des  armes  à  parois  intérieures  lisses.  C'est  en  1842 
qu'on  a  commencé  à  employer  les  fusils  rayés  et  les  balles  oblongucs. 
Depuis  lors,  la  forme  de  ces  dernières  a  subi  bien  des  modifications  ; 
cependant,  aujourd'hui  que  toutes  les  armées  régulières  sont  pourvues 
d'armes  à  tir  rapide,  toutes  les  balles  se  ressemblent  et  ne  présentent 
entre  elles  que  de  légères  dilfércnces  de  forme  et  de  poids.  Toutes  sont 
oblongucs,  se  forcent  par  le  fait  de  l'explosion  contre  les  rayures  du  fusil 
et  acquièrent,  en  suivant  la  spire  décrite  par  celles-ci,  un  mouvement  de 
rotation  sur  leur  axe,  une  force  d'impulsion  considérable  et  une  portée 
six  fois  plus  grande  que  celle  des  balles  sphériques.  Les  fusils  ancien 
modèle  ne  portaient  pas  régulièrement  au  delà  de  deux  cents  mètres,  les 
armes  nouvelles  atteignent  des  portées  de  mille  et  même  de  douze  cents 
mètres,  avec  une  justesse  suffisante.  11  en  résulte,  dans  leurs  effets  sur  le 
corps  humain,  des  différences  dont  nous  aurons  à  tenir  compte. 

L'aspect  et  la  gravité  des  plaies  d'armes  à  feu  dépendent  de  la  forme  et 
du  volume  du  projectile,  de  la  force  d'impulsion  dont  il  est  animé,  delà 
direction  dans  laquelle  il  atteint  la  partie  qu'il  frappe  et  de  la  nature  des 
tissus  qu'il  rencontre  sur  son  passage. 

Les  balles  mortes,  c'est-à-dire  arrivées  à  la  fin  de  leur  course,  n'ont 
plus  assez  de  force  pour  pénétrer,  et  déterminent  des  contusions  nette- 
ment circonscrites,  peu  étendues  et  de  forme  circulaire.  Si  la  peau  qui 
recouvre  la  région  atteinte  est  voisine  d'un  os  et  que  celui-ci  résiste,  la 
membrane  légumcnlaire  est  frappée  de  mort  dans  le  point  qui  a  reçu  le 
choc  et  il  s'y  produit  une  eschare  arrondie,  sèche,  semblable  à  celle  d'un 
moxa.  Cette  eschare  est  lente  à  se  détacher;  clic  tombe  tout  d'un  bloc; 


94         .  PI/AIE.  ' —  P-    PAR   INSTRUMENTS  CONTONDANTS. 

la  plaie  qui  on  résulte  suppure  un  certain  temps  et  fait  place  à  une 
cicatrice  blanche,  légèrement  déprimée  et  tout  à  l'ait  caractéristique. 
Lorsque,  au  contraire,  la  couche  des  parties  molles  sous- jaccnles  est 
épaisse,  la  peau  est  à  peine  altérée  et  les  désordres  siègent  dans  le  tissu 
cellulaire  qui  là  double.  Ces  effets  s'observaient  beaucoup  plus  souvent  à 
l'époque  où  on  se  servait  déballes  spbériques;  les  projectiles  oblongs 
qu'on  emploie  aujourd'hui  pénètrent  plus  facilement,  à  cause  de  leur 
forme  et  de  leur  force  d'impulsion. 

Quand  une  balle  animée  de  toute  sa  vitesse  frappe  très-obliquement 
sur  une  surface  large  et  plane,  ou  sur  le  sommet  d'une  partie  saillante, 
clic  se  borne  souvent  à  produire  une  érosion  qui  peut  parfois  présenter 
une  grande  longueur,  ainsi  que  cela  s'observe,  par  exemple,  à  la  partie 
postérieure  du  tronc.  Ce  n'est  parfois  qu'une  traînée  noirâtre  où  L'épi- 
derme  seul  a  été  détruit,  mais  le  plus  souvent  la  peau  est  entamée  dans  la 
plus  grande  partie  de  son  épaisseur.  Ces  écorchures,  dit  Legouest,  sont 
en  général  très-douloureuses.  Si  la  balle  a  pénétré  plus  profondément,  il 
en  résulte  un  véritable  sillon,  dont  les  bords  s'écartent,  en  laissant  à 
découvert  les  aponévroses  d'enveloppe  et  les  muscles  qui ,  parfois  même, 
sont  intéressés.  La  douleur  est  moins  vive  que  dans  le  cas  précédent. 
Lorsque  la  direction  du  projectile  est  moins  oblique,  il  perce  la  peau, 
glisse  dans  le  tissu  cellulaire  sous-cutané  et  va  sortir  à  quelque  distance, 
en  formant  ce  qu'on  nomme  une  plaie  en  séton.  Le  trajet  de  ces  blessures 
est  fortement  contus;  la  peau  qui  le  recouvre  est  amincie,  ecchymosée; 
elle  se  mortifie  le  plus  souvent  et,  lorsque Teschare  est  tombée  ,  le  séton 
se  trouve  transformé  en  un  large  sillon ,  à  bords  frangés  et  inégaux. 
Enfin,  quand  la  direction  du  coup  de  feu  se  rapproche  encore  davantage 
de  la  perpendiculaire,  le  projectile  s'enfonce  profondément  dans  les  par- 
ties; s'il  n'a  pas  une  force  d'impulsion  suffisante,  il  s'y  arrête  et  forme 
ainsi  une  plaie  en  cul-de-sac,  qui  n'a  qu'une  ouverture  et  au  fond  de 
laquelle  on  le  trouve  le  plus  souvent.  Dans  le  cas  contraire,  il  traverse  la 
région  de  part  en  part  et  y  creuse  un  véritable  canal  qui  présente  deux 
ouvertures,  l'une  d'entrée,  l'autre  de  sortie. 

La  forme  et  la  dimension  respective  de  ces  deux  ouvertures  ont  donné 
lieu  à  de  longues  discussions,  et,  quoique  cette  question  n'ait  guère 
d'intérêt  qu'au  point  de  vue  de  la  médecine  légale,  nous  devons  en  dire 
quelques  mots.  Autrefois  il  était  admis  en  principe  que  l'ouverture  d'en- 
trée était  toujours  plus  petite  que  celle  de  sortie,  que  la  première  était 
ronde,  déprimée  et  comme  taillée  à  l'emporte-pièce,  tandis  que  la 
seconde  était  irrégulière,  déchirée,  à  bords  renversés  en  dehors  et 
frangés.  Dupuytren  avait  établi  cette  règle,  d'après  des  expériences  faites 
sur  des  corps  inertes;  elle  avait  été  acceptée  sans  contestation  et  repro- 
duite dans  tous  les  livres  classiques,  jusqu'en  1848,  époque  à  laquelle 
les  combats  livrés  dans  les  rues  de  Paris  permirent  aux  chirurgiens  des 
hôpitaux  de  la  soumettre  au  contrôle  des  faits.  La  discussion  qui  eut  lieu 
à  cette  époque  à  l'Académie  de  médecine,  et  à  laquelle  prirent  part 
toutes  ^cs  illustrations  chirurgicales  du  temps,  laissa  la  question  indé- 


PLAIE. 


  P.   PAU  INSTRUMENTS  CONTONDANTS. 


9& 


,  cise  :  cela  s'explique  par  ce  fait,  aujourd'hui  généralement  admis,  que  la 

■  dimension  respective  des  deux  orifices  dépend  de  la  l'orme  et  de  la  vitesse 
ide  la  balle,  de  l'angle  sous  lequel  elle  frappe  les  parties  et  des  obstacles 
.qu'elle  rencontre  en  traversant  les  tissus.  Legouest  nous  parait  avoir  tenu 
iun  compte  bien  exact  de  ces  différentes  circonstances.  D'après  lui,  les 
ideux  ouvertures  sont  de  dimensions  égales,  lorsque  la  balle  frappe  la 

peau  sous  la  même  incidence  en  entrant  et  en  sortant,  quand  sa  vitesse 
inc  diminue  pas  sensiblement  dans  le  trajet  et  qu'ellç  n'est  pas  déformée, 
i quand  la  peau  présente  sur  les  deux  points  opposés  la  même  épaisseur  cl 
I  la  même  élasticité.  L'ouverture  d'entrée  est  plus  petite  que  l'autre,  quand 
Ile  projectile  traverse  des  tissus  de  plus  en  plus  denses,  lorsqu'il  s'est 

■  détonné  dans  son  trajet,  quand  il  entre  par  la  pointe  et  qu'il  sort  en  tra- 
wers,  enfin  lorqu'il  frappe  les  parties  perpendiculairement  à  son  entrée  et 
i  qu'il  les  traverse  obliquement  à  sa  sortie.  L'ouverture  d'entrée  est  plus 
[grande  dans  les  circonstances  opposées,  quand  le  coup  est  tiré  de  très- 
[près,  quand  la  balle  entraîne  avec  elle  la  bourre  ou  des  lambeaux 
i  d'étoffe  détachés  des  vêtements,  quand  elle  traverse  des  tissus  de  moins 
ten  moins  résistants,  lorsqu'elle  entre  obliquement  et  sort  dans  une  direc- 
Ition  perpendiculaire,  enfin  lorsqu'elle  se  présente  par  son  plus  grand 

diamètre  à  l'entrée  ,  et  par  son  plus  petit  à  la  sortie.  Les  observa- 
l  lions  qui  précèdent  s'appliquent  surtout  aux  balles  oblongues,  les 
<seules  qui  soient  maintenant  en  usage  dans  les  armées  européennes. 
ILeurs  effets  ne  s'éloignent  pas  sensiblement,  du  reste,  de  ceux  que  pro- 
duisent les  balles  sphériques.  D'après  les  observations  de  Legouest  et  de 
?ses  confrères  de  l'armée,  les  dimensions  respectives  des  ouvertures  sont 
ssoumises  aux  mêmes  règles  dans  les  deux  cas.  Si,  dans  des  circonstances 
Itrès-rarcs,  on  a  vu  les  balles  oblongues  produire  des  plaies  linéaires,  ce 
liait  exceptionnel  a  été  également  observé  par  Gutbrie  jet  par  Legouest  à 
I  la  suite  des  blessures  faites  par  les  balles  spbériques.  On  avait  également 
I  exagéré,  dans  le  principe,  la  gravité  des  lésions  causées  par  les  nouveaux 
|  projectiles.  Après  la  campagne  de  Crimée,  Scrive  les  accusa  de  déchirer 
|  plus  largement  les  parties  molles,  d'exciter  une  inflammation  trauma- 
I  tique  plus  considérable,  d'amener  fréquemment  l'étranglement,  la  gan- 
grène et  la  nécessité  de  l'amputation.  On  est  revenu  de  celte  prévention; 
imais  il  faut  remarquer  que  les  balles  oblongues  dont  on  se  servait  pen- 
(dant  la  campagne  de  Crimée,  étaient  d'un  plus  gros  calibre  que  celles 
'qu'on  emploie  aujourd'hui.  Ainsi,  pour  ne  parler  que  de  l'armée  fran- 
çaise, les  balles  des  carabines  à  tige,  les  balles  évidées,  les  balles  de 
l  chasseurs,  pesaient  47  ou  48  grammes,  tandis  que  la  balle  du  chassepot 
m'en  pèse  que  '25.  On  comprend,  d'après  cela,  que  les  premières  aient 
i causé  de  plus  grands  désordres  que  les  secondes,  puisque  la  gravité 
•  des  blessures  est  en  raison  directe  du  poids  et  du  volume  du  projectile. 

Nous  verrons  plus  tard  que  les  balles  oblongues  sont  moins  sujettes  aux 

déviations  que  les  balles  sphériques  et  occasionnent  de  plus  grands 

fracas  dans  les  os. 

En  traversant  les  parties,  les  balles  rencontrent  sur  leur  passage  des 


90  PLAIE.  —  p.  pau  instiiuments  contondants. 

tissus  qui  résistent  d'une  façon  différente  suivant  leur  densité,  leur  élas- 
ticité et  leur  texture.  Le  tissu  cellulaire  cède  facilement  et  se  creuse  en 
formant  un  canal  dont  le  centre  est  détruit  ou  morlilié.  Les  aponévroses 
sont  déchirées  et  souvent  leurs  fibres  s'écartent  pour  laisser  passer  le  pro- 
jectile à  travers  une  véritable  boutonnière,  dont  les  bords  se  rapprochent 
ensuite  et  peuvent  dissimuler  son  trajet.  Les  tendons,  plus  mobiles,  échap- 
pent souvent  à  l'action  des  projectiles.  Les  muscles  se  laissent  traverser 
et  déchirer  sans  résistance,  qu'ils  soient  à  l'état  de  contraction  ou  de  re- 
lâchement. Cependant  cette  circonstance  peut  modifier  la  forme  et  la  di- 
rection du  trajet.  Les  plexus  et  les  cordons  nerveux  sont  facilement 
divisés,  dilacérés  par  les  projectiles.  Les  vaisseaux  se  comportent,  diffé- 
remment suivant  leur  calibre.  Les  capillaires  froissés  et  déchirés  ne  don- 
nent pas  de  sang;  il  en  est  de  même  des  artérioles  et  des  veinules,  dont 
les  tuniques  inégalement  divisées  se  contractent  et  s'opposent  à  l'hémor- 
rhagie.  Les  gros  vaisseaux  peuvent  échapper  à  l'action  du  projectile,  par 
suite  de  leur  mobilité  latérale,  mais  le  plus  souvent  ils  sont  coupés  et 
parfois  même  assez  nettement.  Verneuil  a  l'ait  connaître,  en  1871,  à  la 
Société  de  Chirurgie,  un  certain  nombre  de  faits  qui  démontrent  que  les 
artères  ne  se  comportent  pas  sous  l'action  des  petits  projectiles  comme 
elles  le  font  dans  les  plaies  par  arrachement  et  dans  les  ablations  de 
membre  par  les  boulets.  Sur  lespièces  qu'il  a  montrées  à  la  Société,  elles 
étaient  nettement  divisées  et  leurs  tuniques  étaient  sectionnées  au  même 
niveau.  L'hémorrhagie  avait  été  arrêtée  par  un  caillot  obturateur  dont 
l'extrémité  faisait  une  légère  saillie  en  dehors  et  dépassait  la  bouche  du 
vaisseau;  mais  il  n'en  est  pas  toujours  ainsi,  et  nous  verrons  plus  loin 
que  les  lésions  artérielles  causées  par  des  coups  de  feu  donnent  lieu  à  des 
pertes  de  sang  considérables  et  parfois  même  mortelles.  La  section  des 
vaisseaux  est  d'autant  plus  nette  que  la  vitesse  du  projectile  est  plus 
grande  ;  lorsqu'il  a  notablement  perdu  de  sa  force  d'impulsion,  il  dé- 
chire plutôt  les  tuniques  qu'il  ne  les  coupe;  lorsqu'il  est  arrivé  à  la  fin 
de  sa  course,  il  se  borne  à  les  frapper  de  mort  sans  les  diviser,  et  ce  n'est 
qu'à  la  chute  des  eschares  que  l'hémorrhagie  se  produit.  Les  cartilages 
échappent  parfois  par  leur  élasticité  à  l'action  des  projectiles,  mais  le 
plus  souvent  ils  sont  comme  fracturés  ou  détruits. 

Les  effets  produits  par  les  balles  sur  les  différentes  parties  du  squelette 
sont  ceux  qui  offrent  le  plus  d'intérêt  dans  la  pratique  et  qui  méritent 
d'être  étudiés  avec  le  plus  de  soin.  Ils  varient  suivant  la  forme  et  la 
structure  de  l'os  atteint,  la  direction  dans  laquelle  il  est  frappé  et  la  force 
d'impulsion  du  projectile.  Lorsqu'une  balle  animée  d'une  grande  vitesse 
frappe  un  os  plat  perpendiculairement  à  sa  surface,  clic  le  traverse,  en 
y  pratiquant  un  trou  à  bords  nets  et  comme  taillé  à  l'emporle-pièce.  Dans 
ce  cas,  il  n'y  a  pas  d'éclats,  pas  de  fracture  rayonnante.  Lorsque  l'impul- 
sion est  moins  forte,  au  contraire,  l'ouverture  osseuse  est  plus  irrégulière, 
et  il  en  part  des  fêlures  qui  se  dirigent  en  divers  sens;  souvent  alors  la 
table  interne  éclate  et  des  fragments  aigus  pénètrent  dans  les  parties 
sous-jaccnlcs.  C'est  ce  qui  s'observe  à  la  voûte  du  crâne.  Enfin  la  table 


PLAIE.    P.   PAR  INSTRUMENTS  CONTONDANTS.  97 

externe  peut  résister  et  la  table  interne  se  fracturer  par  contre-coup.  Lors- 
que le  projectile  arrive  plus  obliquement,  il  creuse  dans  l'os  un  sillon  qui 
peut  être  aussi  le  point  de  départ  de  fractures  rayonnantes  ;  parfois  il  ne 
détermine  qu'une  simple  contusion  du  tissu  osseux.  Les  extrémités  spon- 
gieuses des  os  longs  et  les  os  courts  se  comportent  à  peu  près  de  la  même 
manière;  ils  se  laissent  traverser  de  part  en  part  et  sans  qu'il  s'y  pro- 
duise d'éclats,  lorsque  le  projectile  est  animé  d'une  impulsion  suf- 
fisante. Le  tissu  subit  alors  un  véritable  écrasement;  on  ne  trouve  clans 
le  canal  qu'une  sorte  de  poussière  d'os.  Quand  sa  vitesse  est  moin- 
dre, le  projectile  reste  enclavé  à  une  certaine  profondeur,  et,  lorsque  sa 
direction  est  oblique,  il  se  borne  à  creuser  un  sillon  dans  le  tissu  spon- 
gieux. Les  extrémités  des  os  longs  se  laissent  cependant  moins  facilement 
traverser:  elles  éclatent  souvent  et  les  fractures  pénètrent  jusque  dans 
l'articulation  voisine.  C'est  la  règle  pour  les  énarthroses,  tandis  qu'on  cite 
quelques  exemples  de  balles  ayant  traversé  les  deux  condyles  du  fémur 
ou  l'extrémité  supérieure  du  tibia  sans  y  produire  de  fêlure.  Lorsqu'une 
balle  frappe  un  os  long  dans  un  point  de  sa  diapbyse,  elle  le  brise  ordi- 
nairement en  éclats;  souvent  même  elle  le  réduit  en  petits  fragments 
extrêmement  multipliés.  Ces  effets  sont  plus  souvent  produits  par  les 
balles  oblongues  que  par  les  balles  spbériques,  à  cause  de  leur  force 
d'impulsion  plus  grande.  Ces  graves  désordres  contrastent  avec  la  béni- 
gnité apparente  de  la  plaie  extérieure.  On  observe  rarement  des  fractures 
nettes  à  la  suite  des  coups  de  feu  ;  il  faut  pour  les  produire  que  le  projectile 
soit  arrivé  à  la  fin  de  sa  course.  Il  est  plus  rare  encore  que  la  diaphyse  se 
laisse  traverser  sans  que  l'os  éclate  ;  il  existe  presque  toujours  des  fê- 
lures dirigées  suivant  sa  longueur.  Dans  quelques  cas,  la  balle  pénètre 
dans  la  cavité  médullaire  et  tombe  par  son  poids  jusqu'à  la  partie  in- 
férieure de  ce  canal.  Dans  d'autres  circonstances,  elle  reste  enclavée 
dans  le  tissu  osseux  ou  serrée  entre  deux  os  voisins. 

Les  petits  projectiles  s'écartent  souvent  de  leur  route  au  contact  des 
os;  parfois  même  des  aponévroses  épaisses,  des  tendons  ou  des  ligaments 
résistants,  suffisent  pour  les  faire  dévier.  Tous  les  auteurs  en  citent  des 
exemples  et  la  plupart  des  chirurgiens  ont  eu  l'occasion  d'en  observer. 
Tantôt  c'est  une  balle  entrée  par  la  région  frontale  qui  glisse  entre  les  os 
du  crâne  et  l'aponévrose  épicrànienne  pour  sortir  par  la  région  lemporale 
ou  occipitale;  tantôt  c'est  un  projectile  dont  l'ouverture  d'entrée  est  au- 
devant  du  sternum,  celle  de  sortie  au  niveau  des  gouttières  vertébrales,  et- 
qui  a  parcouru  la  moitié  de  la  circonférence  de  la  poitrine  sans  y  pénétrer; 
on  en  cite  qui  ont  fait  le  tour  de  la  cuisse,  en  parcourant  la  moitié  de  sa 
circonférence  entre  l'aponévrose  d'enveloppe  et  la  peau,  d'autres  qui  ont 
contourne  le  cou  de  la  même  façon,  et  on  s'est  évertué  à  ebereber  la  rai- 
son d'un  pareil  phénomène.  Lcgouest  nous  paraît  en  avoir  donné  l'explica- 
tion la  plus  plausible.  11  attribue  ces  trajets  circulaires  à  la  rotation  sur 
leur  axe  dont  les  projectiles  sont  animés.  Il  se  produit  là  quelque  cliose 
d'analogue  à  ce  qui  se  passe  sur  le  tapis  d'un  billard,  lorsqu'une  bille 
renconlre  la  bande  avec  beaucoup  d'effet  contrarié  :  au  lieu  de  s'écarter 

Noirv.  dict.  m£d.  et  ciiiK.  XXVIII.  7 


(Jg  l'LAllv    P«    l'Ait   INSTllUJIKNTS  CONTONDANTS. 

de  celle-ci  d'après  les  lois  de  la  réflexion,  elle  tend  à  s'en  rapprocher  sans 
cesse  en  verlu  de  sa  rotation  sur  elle-même  et  la  suit  jusqu'à  ce  que  ce 
mouvement  soit  éteint.  Les  balles  spliériques  peuvent  seules  se  comporter 
ainsi,  et  encore  à  la  condition  qu'elles  ne  soient  pas  déformées.  Les  balles 
oblongues,  animées  d'un  mouvement  hélicoïde,  n'ont  encore,  dit  Legouest, 
offert  aucun  exemple  de  ces  déviations  circulaires.  Ce  n'est  pas  à  dire, 
pour  cela,  qu'elles  ne  s'écartent  jamais  de  leur  trajet,  ainsi  qu'on  l'avait 
cru  d'abord.  En  général,  elles  marchent  plus  droit  que  les  autres  parce 
qu'elles  ont  une  portée  plus  longue  et  qu'elles  atteignent  plus  souvent 
le  but,  avant  d'avoir  sensiblement  perdu  de  leur  force  d'impulsion,  mais, 
dans  le  cours  des  dernières  campagnes,  tous  les  chirurgiens  militaires 
ont  pu  constater  qu'elles  se  déviaient  parfois  de  leur  route.  Leur  forme 
allongée,  la  pointe  qu'elles  présentent  à  leur  partie  antérieure,  les  dispo- 
sent même  à  s'écarter  de  la  ligne  droite,  quand  leur  vitesse  a  diminué 
et  qu'elles  frappent  des  parties  résistantes. 

Les  balles  de  plomb  ne  se  bornent  pas  toujours  à  se  dévier  au  contact 
des  os,  souvent  elles  se  déforment  à  la  suite  de  ce  choc.  Tantôt  elles 
s'aplatissent  et  deviennent  semblables  à  des  pièces  de  monnaie;  tantôt 
elles  se  creusent  de  sillons  profonds,  de  rainures  ou  de  stries  parallèles, 
au  fond  desquelles  on  trouve  de  petits  fragments  osseux  qui  s'y  sont  in- 
crustés; dans  d'autres  cas,  après  avoir  causé  la  fracture  de  l'os,  elles  se 
brisent  contre  ses  saillies  anguleuses  ou  tranchantes  et  se  divisent  en 
plusieurs  fragments  qui  poursuivent  isolément  leur  route  et  donnent  lieu 
à  plusieurs  ouvertures  de  sortie,  tandis  qu'il  n'y  a  qu'une  ouverture 
d'entrée.  11  peut  arriver  aussi  que  l'un  des  fragments  sorte  seul  tandis 
que  les  autres  restent  dans  les  tissus  et  que  le  chirurgien,  induit  en  er- 
reur par  l'existence  de  deux  ouvertures  opposées,  méconnaisse  la  pré- 
sence des  fragments  de  balle  restés  dans  la  plaie. 

Les  balles  oblongues  se  déforment  et  se  brisent  comme  les  autres.  Il  y 
a  môme  lieu  de  penser  qu'en  raison  de  leur  vitesse  elles  se  partagent  sou- 
vent en  un  plus  grand  nombre  de  fragments  que  ne  le  feraient  les  balles 
spliériques  ;  toujours  est-il  que  pendant  la  dernière  guerre,  on  a  observé  des 
faits  de  ce  genre  qui  n'avaient  pas  été  signalés  auparavant.  On  a  trouvé 
sur  les  champs  de  bataille  des  blessés  dont  les  plaies  étaient  littérale- 
ment remplies  de  petits  morceaux  de  plomb  disséminés  au  milieu  des 
tissus,  et  ce  fait  adonné  lieu  à  différentes  interprétations.  On  s'est  d'abord 
accusé  réciproquement  d'avoir  fait  usage  de  balles  explosibles,  mais 
cette  allégation  n'a  pas  tenu  devant  l'examen  consciencieux  des  faits.  On 
a  supposé,  ensuite,  que  ce  morcellement  provenait  de  la  fusion  des 
halles  brusquement  arrêtées  dans  leur  course  et  de  la  transformation  en 
chaleur  du  mouvement  dont  elles  étaient  animées.  Cette  explication  a  été 
proposée  par  Mulhaiiser.  S'appuyant  sur  les  calculs  de  Tyndall  et  d'Ha- 
genhach,  d'après  lesquels  une  vitesse  de  quatre  cents  mètres  produit,  au 
moment  du  choc,  une  température  de  cinq  cent  quatre-vingt-deux  de- 
grés, et  partant  de  ce  lait  que  le  plomb  fond  à  trois  cent  trente-quatre 
degrés,  Mulhaiiser  en  conclut  que  toute  balle  qui  pénètre  dans  le  corps 


PLAIE.    T.   PAU  INSTRUMENTS   CONTONDANTS.  99 

humain  doit  s'y  fondre  instantanément  en  cautérisant  les  tissus.  Coze 
(de  Strasbourg)  a  adopté  cette  manière  de  voir,  qui  est  trop  évidemment 
en  opposition  avec  les  laits  pour  qu'il  soit  nécessaire  de  la  discuter.  Nous 
sommes  encore  moins  disposé  à  mettre,  avec  Baudon,  la  friabilité  des 
balles  sur  le  compte  des  insectes,  et  nous  pensons,  comme  Legouest,  que 
le  choc  très-violent  des  projectiles  contre  les  corps  durs  suffit  pour  rendre 
•compte  de  leur  fragmentation. 

Les  balles  explosibles  produisent  des  effets  bien  autrement  sérieux, 
•quand  elles  éclatent  au  milieu  des  tissus  vivants.  Elles  ont  été,  comme  on 
le  sait,  inventées  par  Devisme,  pour  la  chasse  des  grands  animaux,  et  les 
Américains  en  ont  fait  l'application  à  la  pêche  de  la  baleine.  Des  essais 
faits  à  Paris  et  en  Angleterre  ont  prouvé  qu'elles  peuvent  être  adaptées 
aux  armes  de  guerre  sans  nécessiter  aucun  changement  dans  celles-ci, 
mais  les  résultats  de  ces  expériences  ont  été  tels,  qu'en  1868  l'empereur 
de  Russie  provoqua  la  réunion  d'un  congrès  diplomatique  à  la  suite  du- 
quel les  grandes  puissances  militaires  de  l'Europe  s'engagèrent  à  ne  pas 
s'en  servir.  Cette  convention  a  été  respectée.  Dans  aucun  pays,  il  n'a  été 
délivré  de  projectiles  de  cette  espèce  à  des  corps  d'armée.  Il  paraît  cer- 
tain qu'il  en  a  été  tiré  dans  le  cours  de  cette  dernière  guerre,  mais  ce 
sont  là  des  faits  individuels  dont  on  ne  saurait,  sans  injustice,  faire  re- 
monter la  responsabilité  jusqu'aux  gouvernements.  Ils  n'auraient  du  reste 
aucun  avantage  à  recourir  à  de  pareils  moyens.  La  fabrication  en  grand,  la 
conservation,  le  transport  et  le  maniement  de  ces  engins  exposeraient  à 
trop  de  périls.  Ils  s'altèrent  facilement  et  manquent  souvent  leur  effet. 
S'ils  sont  extrêmement  sensibles,  comme  ceux  qui  ont  servi  aux  expé- 
riences anglaises,  et  qui  éclataient  en  traversant  de  simples  membranes, 
ils  constituent  un  danger  de  tous  les  instants  pour  ceux  qui  s'en  servent; 
s'il  n'éclatent  qu'au  contact  des  os,  comme  ceux  dont  nous  nous  sommes 
servi  dans  les  expériences  que  nous  avons  faites  nous-même  à  Lorient, 
•en  1870,  et  qui  sortaient  des  magasins  de  Devisme,  ils  manquent  com- 
plètement leur  but,  car  sur  le  champ  de  bataille  il  ne  s'agit  pas  de  tuer 
des  hommes,  mais  d'en  mettre  le  plus  possible  hors  de  combat,  et  toute 
blessure  compliquée  d'une  lésion  osseuse  suffit,  quel  que  soit  le  projectile 
qui  l'a  faite,  pour  entraîner  l'incapacité  de  servir  pendant  le  reste  de  la 
campagne. 

Les  balles  des  fusils  de  chasse,  des  pistolets,  des  revolvers,  produisent 
•des  effets  semblables  à  ceux  des  armes  de  guerre,  à  la  gravité  près  ; 
celle-ci  est  d'autant  moindre  que  le  projectile  est  plus  petit  et  que  sa 
lorce  d'impulsion  est  plus  faible.  Les  plombs  de  chasse,  quclqu'en  soit 
le  numéro,  s'écartent  en  sortant  de  l'arme  et  couvrent  une  surlace  d'au- 
tant plus  grande  que  le  but  est  plus  éloigné.  A  bout  portant,  le  coup  fait 
balle,  et  les  désordres  sont  considérables.  A  une  distance  plus  grande 
chaque  grain  de  plomb  pénètre  isolément,  mais,  s'ils  sont  de  gros  cali- 
bre et  très-rapprochés  les  uns  des  autres,  il  peut  en  résulter  des  acci- 
dents sérieux.  Nous  avons  vu  survenir  chez  un  blessé  qui  avait  reçu,  à 
huit  mètres  environ,  un  coup  de  fusil  chargé  avec  du  plomb  n°  5,  une 


Iflfl  PLAIE-    P.   PAU  INSTRUMENTS  CONTONDANTS. 

gangrène  de  tout  l'avant-bras  qui  nous  força  à  pratiquer  l'amputation 
au-dessus  du  coude.  Quand  le  coup  est  tiré  à  grande  dislance,  les  grains 
de  plomb  se  bornent  le  plus  souvent  à  traverser  la  peau  sous  laquelle  ils 
restent  souvent  sans  occasionner  de  désordres.  Enfin  la  bourre  des  armes 
chargées  à  blanc  et  la  poudre  elle-même  peuvent  déterminer  des  bles- 
sures sérieuses  quand  le  coup  est  tiré  de  très-près.  Les  grains  de  poudre 
qui  ont  échappé  à  la  combustion  pénètrent  dans  le  tissu  de  la  peau  et  y 
produisent  un  véritable*tatouagc.  Si  l'explosion  a  lieu  à  bout  portant,  le 
eboe  des  gaz  qui  s'échappent  de  l'arme  peut  occasionner  des  plaies  con- 
tuses  d'une  extrême  gravité. 

Les  plaies  d'armes  à  l'eu  s'accompagnent  rarement  de  douleur  très- 
vive.  Le  blessé,  au  moment  où  il  est  atteint,  perçoit  la  sensation  d'un 
choc  qu'il  compare  à  un  coup  de  bâton  et  qui  est  suivi  d'un  engourdisse- 
ment, d'un  sentiment  de  pesanteur  dans  la  partie.  Souvent,  dans  l'ar- 
deur du  combat,  les  soldats  ne  ressentent  pas  le  coup,  et  ne  s'aper- 
çoivent qu'ils  sont  frappés  qu'en  tombant  à  terre,  ou  en  constatant 
l'impossibilité  de  mouvoir  un  de  leurs  membres.  Pour  que  la  douleur  soit 
intense,  il  faut  qu'un  ou  plusieurs  cordons  nerveux  aient  été  dilacérésou 
incomplètement  divisés.  Dans  ce  cas,  le  blessé  ressent  des  élancements, 
des  frémissements  extrêmement  pénibles  qui  s'étendent  à  toute  la  lon- 
gueur du  membre.  L'ébranlement  nerveux  est  beaucoup  moins  consi- 
dérable qu'à  la  suite  des  blessures  faites  par  les  gros  projectiles.  La  stu- 
peur générale  fait  presque  toujours  défaut,  sauf,  bien  entendu,  dans  les  cas 
de  lésion  du  crâne,  et  la  stupeur  loca'e  ne  se  traduit  habituellement  que 
par  l'engourdissement  et  le  sentiment  de  pesanteur  dont  nous  avons 
parlé;  mais,  sur  le  champ  de  bataille,  les  blessés  surpris  au  milieu  de 
l'animation  du  combat  arrivent  souvent  à  l'ambulance  en  proie  à  une 
excitation  des  plus  vives,  à  une  sorte  de  délire  qui  se  traduit  par  de  la 
loquacité,  des  mouvements  incohérents,  des  rires  ou  des  larmes,  et  qui  se 
termine  le  plus  souvent  par  le  sommeil  ou  par  le  relour  au  calme,  après 
que  la  blessure  a  été  pansée.  Lorsque  cel  état  se  prolonge,  on  en  triom- 
phe facilement  à  l'aide  des  antispasmodiques  ou  des  narcotiques. 

Les  plaies  par  armes  à  feu  ne  sont  pas  en  général  suivies  d'hémor- 
rhagics  abondantes,  et  nous  en  avons  déjà  donné  les  raisons.  Dans  la  majo- 
rité des  cas,  elles  laissent  s'écouler  quelques  gouttes  d'un  sang  noir  qui 
se  coagule  promptement  et  dont  il  n'y  a  pas  lieu  de  s'occuper,  mais  il 
n'en  est  plus  ainsi  lorsqu'un  vaisseau  artériel  de  quelque  importance  a 
été  ouvert.  Dans  ce  cas,  l'Iiémorrhagie  est  la  règle  et  elle  est  souvent 
suivie  de  mort.  Morard  a  sans  doute  été  trop  loin  en  disant  que  les  trois 
quarts  de  ceux  qui  perdent  la  vie  dans  une  bataille  périssent  par  suite 
de  la  perle  de  sang,  mais  il  résulte  des  recherches  faites  pendant  la  cam- 
pagne de  Crimée  que  ce  genre  de  mort  entre  pour  18/00  dans  la  totalité 
des  décès  causés  par  le  feu  de  l'ennemi  ;  encore  ne  fait-on  pas  figurer  dans 
cette  évaluation  les  hémorrhagies  consécutives,  à  la  suite  desquelles  tant 
de  blessés  succombent.  Nous  reviendrons  sur  celte  complication  à  l'occa- 
sion du  traitement. 


PLAIE.  —  p.  r.\n  instruments  contondants.  101 

La  marche  et  le  pronostic  des  plaies  d'armes  «à  feu  diffèrent  suivant 
qu'elles  sont  simples  ou  compliquées.  On  considère  comme  simples  celles 
qui  n'intéressent  que  la  peau  et  les  masses  musculaires;  comme  compli- 
quées celles  qui  s'accompagnent  de  la  présence  de  corps  étrangers,  de 
la  lésion  de  nerfs,  de  vaisseaux  ou  d'organes  importants,  de  la  fracture 
d'un  ou  de  plusieurs  os,  et  celles  qui  pénètrent  dans  les  articulations  ou 
dans  les  cavités  splanchniqucs.  On  peut  voir  survenir  enfin,  pendant 
le  cours  du  traitement,  les  accidents  qu'il  y  a  lieu  de  redouter  à  la  suite 
de  toutes  les  blessures  et  qui  constituent  des  complications  nouvelles. 

Les  plaies  simples  marchent  régulièrement  vers  la  guérison,  lorsque 
leurs  cours  n'est  entravé  par  aucun  des  accidents  consécutifs  dont  nous 
venons  de  parler.  Dans  les  vingt-quatre  heures  qui  suivent  la  blessure, 
il  survient  un  peu  de  gonflement  et  de  chaleur  dans  la  région  que  le 
projectile  a  traversée;  le  trajet  de  la  plaie  devient  plus  sensible,  les  mou- 
vements du  membre  plus  pénibles  et  plus  douloureux.  Les  deux  ouver- 
tures laissent  suinter  un  peu  de  liquide  séreux  et  roussâtre.  Ces  phéno- 
mènes augmentent  d'intensité  pendant  trois  ou  quatre  jours,  puis  il  se 
produit  une  détente,  la  suppuration  apparaît,  un  sillon  éliminateur  s'éta- 
blit autour  des  eschares,  qui  se  détachent  du  huitième  au  douzième  jour, 
en  laissant  à  leur  place  une  surface  vermeille,  couverte  de  bourgeons 
charnus  et  sécrétant  un  pus  de  bonne  nature.  Les  phénomènes  inflamma- 
toires disparaissent,  puis  la  suppuration  diminue  et  la  cicatrisation  s'opère. 
Elle  est  complète  au  bout  d'un  mois  ou  six  semaines.  Ce  terme  ne  peut 
être  considéré  que  comme  une  moyenne;  il  est  des  plaies  qui  se  ferment 
beaucoup  plus  vite  que  d'autres  ;  on  en  a  même  vu  se  réunir  par  première 
intention  ou  du  moins  après  une  suppuration  insignifiante.  Les  plaies 
linéaires,  celles  qui  sont  peu  profondes  ou  qui  siègent  à  la  face  se  cica- 
trisent plus  vite  que  celles  qui  présentent  de  longs  trajets  sinueux  peu 
favorablement  disposés  pour  l'écoulement  des  fluides.  L'état  de  santé  du 
blessé  influe  également  sur  la  durée  de  la  guérison.  Rapide  chez  les 
hommes  vigoureux  et  bien  portants,  la  cicatrisation  devient  interminable 
chez  les  sujets  affaiblis,  anémiés,. et  surtout  chez  ceux  qui  sont  en  proie 
au  scorbut  ou  à  toute  autre  affection  débilitante.  En  général,  l'ouverture 
de  sortie  se  ferme  la  première. 

Pour  être  certain  qu'une  plaie  d'arme  à  feu  est  exempte  de  complica- 
tions, il  faut  de  tout  nécessité  en  explorer  le  trajet.  Dans  quelques  cas 
rares,  la  vue  et  les  commémoratifs  suffisent  pour  établir  le  diagnostic, 
mais  cette  exception  ne  fait  que  confirmer  la  règle.  Lorsque  la  blessure 
siège  sur  une  partie  encore  recouverte  de  vêtements,  il  faut  les  en- 
lever avec  les  plus  grandes  précautions  et  les  couper  ou  les  fendre,  si 
cela  est  nécessaire.  Pendant  qu'on  déshabille  le  blessé,  il  arrive  souvent 
que  le  projectile  tombe  sur  le  sol,  soit  qu'il  ait  été  arrêté  par  les  vête- 
ments, qu'il  n'ait  pénétré  qu'à  une  petile  profondeur  et  qu'il  ait  été 
chassé  par  les  mouvements  ou  par  les  contractions  musculaires,  soit  enfin 
qu'il  ait  repoussé  devant  lui  la  chemise  du  malade  et  qu'il  s'en  soit  coiffé 
comme  d'un  doigt  de  gant.  Parfois  enfin  la  balle  reste  collée  aux  vête- 


10'2  PLAIE.    P.   PAU  INSTRUMENTS  CONTONDANTS. 

monts  et  ne  se  retrouve  que  plus  tard.  Il  faut  être  prévenu  de  ces  parti- 
cularités, afin  de  se  mettre  en  garde  contre  les  erreurs  de  diagnostic. 
Avant  d'explorer  le  trajet  de  la  plaie,  le  chirurgien  doit  se  l'aire  rendre 
compte  de  l'attitude  du  blessé  au  moment  où  il  a  été  atteint,  de  la  direc- 
tion dans  laquelle  il  a  reçu  le  coup,  et  le  placer  dans  la  même  position. 
Sans  cette  précaution,  les  rapports  des  parties  sont  changés  et  leprojectile 
peut  échapper  aux  recherches.  Les  explorations  doivent  se  l'aire  avec  mé- 
nagement, mais  avec  persévérance  ;  la  crainte  de  pénétrer  dans  une  cavité 
naturelle  encore  intacte,  de  provoquer  le  retour  d'une  hémorrhagie 
en  déplaçant  un  caillot,  ou  de  causer  des  douleurs  excessives,  peut  seule 
imposer  des  limites  à  cette  insistance. 

L'indicateur  de  la  main  droite,  lorsque  les  ouvertures  sont  assez  larges 
pour  le  laisser  pénétrer,  ou  l'un  des  autres  doigts  de  la  même  main  dans  le 
cas  contraire,  suffisent  le  plus  souvent  pour  explorer  le  trajet  du  projec- 
tile et  doivent  toujours  être  préférés  aux  instruments,  à  cause  de  la  net- 
teté des  sensations  qu'ils  recueillent.  Les  sondes  et  les  stylets  ne  doivent 
être  employés  que  lorsque  l'élroitesse  de  la  plaie  s'oppose  à  l'introduction 
du  doigt  ou  que  sa  profondeur  ne  permet  pas  d'arriver,  parce  moyen,  à 
en  parcourir  toute  l'étendue.  Ces  instruments  ne  fournissent  jamais  des 
notions  aussi  certaines  et  sont  exposés  à  faire  fausse  route,  à  léser  des 
organes  intacts  et  à  causer  de  nouveaux  accidents. 

Les  plaies  d'armes  à  feu  doivent  être  explorées  aussitôt  que  possible. 
Cette  opération  est  beaucoup  moins  douloureuse  au  moment  de  l'accident, 
alors  que  la  partie  est  encore  engourdie,  quelle  ne  le  serait  plus  tard.  Au 
bout  de  vingt-quatre  heures,  le  gonflement  inflammatoire  a  déjà  rendu 
les  plaies  plus  sensibles  et  l'examen  plus  difficile.  Ces  règles  ont  été 
adoptées  par  tous  les  chirurgiens  d'armée.  Il  faut  toutefois  en  excepter 
Stromeyer,  qui  conseille  d'attendre  qu'on  ail  pu  soumettre  le  malade 
au  chloroforme  et  de  s'abstenir  de  toute  exploration,  lorsqu'il  existe 
une  fracture  à  la  diaphyse  d'un  os  long  et  qu'on  veut  tenter  la  con- 
servation du  membre.  La  présence  du  projectile  ne  suffit  même  pas, 
à  ses  yeux,  pour  autoriser  l'introduction  du  doigt,  parce  que  cette  ma- 
nœuvre déplace  souvent  les  fragments  osseux.  Aucune  des  fractures  par 
coup  de  feu,  que  nous  avons  vues  guérir  à  Floing,  près  Sedan,  ajoute- 
t-il,  n'avait  été  explorée.  (Stromeyer,  Remarques,  in  Mac  Cormac. 
p.  128.)  Nous  ne  pensons  pas  que  cette  réserve  trouve  beaucoup  d'imi- 
tateurs en  France. 

Lorsque  le  chirurgien  s'est  assuré  qu'il  n'existe  pas  de  complication, 
il  lui  reste  à  résoudre,  avant  de  procéder  au  pansement,  une  question 
qui  a  été  l'objet  de  bien  des  controverses.  C'est  celle  du  débridement 
préventif.  Cette  opération  consiste  à  inciser  le  trajet  parcouru  par  le 
projectile,  dans  le  but  de  prévenir  l'étranglement  des  parties  qu'il  a  tra- 
versées. Conseillée  par  Ambroise  Paré,  adoptée  par  l'Académie  de  chi- 
rurgie, elle  répondait,  d'après  les  idées  de  l'époque,  à  tant  d'indications 
importantes,  qu'on  en  était  arrivé  à  pourfendre  lesmembres  dans  tous  les 
sens.  Ravaton  fut  un  des  premiers  à  s'élever  contre  de  pareilles  exagéra- 


PLAIE.  —  P.  PAR  INSTRUMENTS  CONTONDANTS.  105 

Irions;  les  chirurgiens  militaires  du  premier  Empire  l'imitèrent  et,  tout  en 
.conservant  une  pratique  qui  cadrait  avec  leur  chirurgie  essentiellement 
active,  ils  en  tracèrent  les  indications  et  les  contre-indications  d'une  ma- 
nière beaucoup  plus  rationnelle.  Dupuytren  adopta  leurs  principes,  Bégin 
s'en  montra  le  zélé  partisan;  mais,  depuis,  le  débridement  a  trouvé  dans 
Baudcns  un  adversaire  résolu,  et  la  plupart  des  chirurgiens  de  Paris  se 
sont  ralliés  à  ses  idées,  après  les  événements  de  1849,  imitant  en  cela 
les  chirurgiens  anglais  et  les  allemands,  qui  sont  toujours  restés  fidèles 
aux  doctrines  de  Hunter  et  qui  traitent  les  plaies  d'armes  à  feu  comme 
les  autres.  Aujourd'hui  le  débridement  a  repris  une  certaine  faveur 
parmi  les  chirurgiens  de  l'armée  française  :  Scrivc  et  Lustreman  s'en  sont 
constitués  les  défenseurs  après  la  guerre  d'Orient,  et  Legouest,  dont  l'au- 
torité est  si  grande  en  pareille  matière,  ne  dissimule  pas  la  prédilection 
qu'il  lui  inspire:  «  En  résumé,  dit-il,  nous  sommes  plus  partisan  du  débri- 
«  dément  préventif  que  de  l'abstention,  parce  qu'il  rend  l'exploration  plus 
«  facile  et  plus  sûre,  parce  qu'en  chirurgie  il  vaut  mieux  prévenir  un  dan- 
«  ger  que  de  le  laisser  naître  pour  le  combattre,  parce  que  l'étranglement, 
«  moins  commun  en  effet  qu'on  ne  l'a  dit,  ne  laisse  pas  que  d'être  très-fré- 
«  quent,  enfin,  parce  qu'il  met  à  l'abri  de  préjudiciables  erreurs.  »  En  par- 
tant de  ces  principes,  il  donne  le  conseil  de  débrider  loutcs  les  fois  que 
la  plaie  est  profonde,  située  dans  des  régions  dont  les  différentes  couches 
sont  séparées  par  de  fortes  aponévroses  et  exposées  à  l'inflammation, 
lorsque  des  incisions  sont  nécessaires  pour  permettre  d'explorer  complè- 
tement le  trajet  du  projectile,  enfin,  et  à  fortiori  lorsqu'il  s'agit  d'aller 
à  la  recherche  d'un  projectile  ou  de  lier  une  artère  pour  remédier  à  une 
hémorrhagie.  11  est  vrai  que,  dans  ce  cas,  l'incision  n'a  plus  pour  but  de 
prévenir  l'étranglement  des  parties  et  ne  peut,  par  conséquent,  plus  porter 
le  nom  de  débridement.  Cette  petite  opéiation  se  pratique  avec  un  bis- 
touri à  pointe  mousse  conduit  sur  le  doigt  ou  sur  la  sonde  cannelée,  si 
le  doigt  ne  peut  pas  être  introduit,  et,  dans  ce  cas,  ildoitétre  substituéau 
conducteur  métallique,  aussitôt  que  la  dilatation  de  l'ouverture  est  suf- 
fisante. Lorsque  le  bistouri  est  arrivé  à  la  profondeur  convenable,  on  in- 
cise le  trajet  sur  deux  points  opposés  et  parallèlement  à  l'axe  du  membre. 
S'il  se  rencontre  sur  le  trajet  une  aponévrose  épaisse  et  résistante,  il  est 
préférable  d'y  pratiquer  un  débridement  multipJe.  Dans  tous  les  cas,  il  est 
indispensable  d'éviter  la  direction  des  nerfs  et  des  vaisseaux  d'un  certain 
volume,  et  c'est  pour  cela  surtout  que  le  doigt  est  le  meilleur  conducteur. 
Cette  manière  de  procéder  ne  ressemble  en  aucune  façon  à  celle  qui  a 
été  proposée,  en  1851,  par  un  chirurgien  allemand,  G.  Simon,  et  érigée 
en  méthode  par  Julian  Chisholm,  dans  son  manuel  de  chirurgie  mili- 
taire, à  l'usage  de  l'armée  des  Etats-Unis.  Cette  méthode  a  pour  but  de 
convertir  les  blessures  par  armes  à  feu  en  plaies  sous-cutanées.  Elle  consiste 
à  cerner  les  deux  ouvertures  par  des  incisions  elliptiques  comprenant  seu- 
lement l'épaisseur  de  la  peau  qu'on  dissèque  ensuite  dans  une  étendue 
suffisante  pour  rapprocher  les  bords  saignants  de  l'ellipse,  et  à  les  réunir 
par  la  suture.  Nous  nous  bornerons  à  indiquer,  en  passant,  ce  mode  de 


i  04  PLAIE.    P.    l'Ail  JNSTIlUMENTS  CONTONDANTS. 

traitement  contre  lequel  protestent  à  la  l'ois  le  raisonnement  et  l'expé- 
rience. 

Les  plaies  simples  ne  sont  pas  les  plus  communes  sur  les  champs  de 
bataille,  et,  parmi  les  complications  qui  peuvent  se  présenter,  la  plus  fré- 
quente, celle  qui  doit  tout  d'abord  attirer  l'attention,  est  la  présence  des 
corps  étrangers.  Les  projectiles  sont  ceux  qu'on  doit  s'attendre  à  y  ren- 
contrer le  plus  souvent;  après  eux  viennent  dans  l'ordre  de  fréquence  les 
lambeaux  d'étoffe  détachés  des  -vêtements,  les  fragments  de  cuir  ou  de 
métal  provenant  de  l'équipement,  des  objets  contenus  dans  les  poches  du 
blessé,  des  débris  de  bois  ou  de  pierre  que  le  projectile  a  poussés  de- 
vant lui.  Le  diagnostic  de  cette  complication  est  souvent  difficile.  Lors- 
que la  plaie  n'a  qu'une  ouverture,  il  y  a  des  raisons  pour  penser  que 
le  projectile  y  est  contenu  ;  cependant  il  peut  avoir  été  rejeté  au  dehors 
par  un  des  mécanismes  que  nous  avons  indiqués  plus  haut.  Il  arrive 
parfois,  au  contraire,  qu'une  plaie  qui  présente  deux  ouvertures  oppo- 
sées n'en  recèle  pas  moins  un  corps  étranger,  parce  que  le  projectile 
s'est  brisé  dans  son  trajet  et  y  a  laissé  un  de  ses  fragments.  Pins  sou- 
vent encore  il  y  a  abandonné  les  lambeaux  d'étoffe  ou  les  autres  corps 
qu'il  avait  poussés  devant  lui.  Le  nombre  des  ouvertures  ne  peut 
donc  fournir  que  des  notions  incertaines,  et  c'est  pour  cela  qu'il  est  indis- 
pensable d'explorer  toute  plaie  qui  peut  contenir  un  corps  étranger. 
Cette  exploration  se  fait,  comme  nous  l'avons  dit,  à  l'aide  du  doigt.  On  le 
fait  pénétrer  doucement,  par  de  légers  mouvements  de  vrille,  et  après  avoir 
fait  prendre  au  malade  la  position  qu'il  avait  au  moment  de  la  blessure. 
Lorsque  la  plaie  n'est  pas  très-profonde  et  que  son  trajet  est  rectiligne, 
les  projectiles  se  découvrent  assez  facilement.  Ils  se  reconnaissent  à 
leur  forme  et  à  leur  dureté.  Parfois  cependant  la  balle  enveloppée  dans 
le  tissu  cellulaire,  recouverte  de  débris  de  parties  molles,  ne  donne  pas 
la  sensation  d'un  corps  métallique,  mais  plutôt  celle  d'une  portion  d'os 
dans  une  situation  anormale.  Il  est  encore  plus  difficile  de  reconnaître 
au  toucher  et  même  à  la  vue  la  présence  des  lambeaux  d'étoffe.  Ils  ont  la 
consistance  des  tissus  vivants,  ils  y  adhèrent  et  le  sang  dont  ils  sont  teints 
leur  en  donne  la  couleur.  Lorsqu'ils  sont  situés  à  des  profondeurs  qu'on 
ne  'peut  atteindre  qu'avec  la  sonde,  ils  échappent  souvent  à  l'examen, 
tandis  que  les  projectiles  produisent  sous  le  choc  du  métal  une  sensation 
particulière  sur  laquelle  on  ne  se  méprend  pas  quand  on  l'a  souvent 
éprouvée.  Il  est  vrai  que  l'interposition  du  sang,  de  lambeaux  de  tissus  ou 
d'eschares,  empêche  souvent  le  contact  d'être  immédiat  et  ne  permet  pas 
de  recueillir  celte  sensation. 

Il  ne  faut  pas  se  borner  à  explorer  la  plaie  par  son  ouverture.  Souvent 
le  projectile  a  traversé  la  région  d'outre  en  outre  et  a  été  arrêté  par  les 
dernières  couches  de  parties  molles  ou  même  par  la  peau.  Dans  ce  cas, 
on  le  rencontre  en  palpant  avec  précaution  le  point  diamétralement  op- 
posé à  la  plaie  et  en  pressant  doucement  dans  la  direction  de  l'instru- 
ment explorateur  maintenu  en  place.  Enfin,  ce  que  nous  avons  dit  de  la 
déviation  des  balles  l'ait  pressentir  des  difficultés  d'un  autre  ordre.  C'est  au 


PLAIE.    P.  PAR  INSTRUMENTS  CONTONDANTS.  i  03 

commémoratif  et  à  ses  connaissances  en  anatomie  que  le  chirurgien  doit 
faire  appel  pour  découvrir  ou  pour  deviner  le  trajet  flexueux  que  le  pro- 
jectile a  dû  suivre.  La  présence  de  ce  dernier  dans  une  région  éloignée  de 
la  blessure  est  parfois  révélée  par  une  ecchymose,  une  tuméfaction  insolite 
ou  un  peu  de  douleur  à  la  palpation. 

Lorsqu'un  projectile  se  trouve  enclavé  dans  un  massif  osseux,  la  sonde 
rencontrant  ce  corps  immobile  ne  parvient  pas  à  le  distinguer  des  saillies 
voisines,  résistantes  comme  lui.  Il  y  a  quelques  années,  ce  point  de  dia- 
gnostic a  été  l'objet  de  nombreuses  recherches.  C'était  à  l'occasion  de  la 
blessure  reçue  par  le  général  Garibaldi  au  combat  d'Àspromontc.  La  balle, 
après  avoir  fracturé  la  malléole  interne  du  côté  droit  et  ouvert  l'articula- 
tion, s'était  logée  dans  la  dépression  placée  au  devant  de  la  poulie  de 
l'astragale  sur  le  col  de  cet  os.  Les  chirurgiens  italiens  réunis  près  du 
blessé,  Riboli,  de  Negri,  Prandina,  Zanetti,  Rizoli  et  Porta,  avaient  dé- 
claré, d'un  commun  accord,  que  le  projectile  était  sorti  de  la  plaie.  Néla- 
ton,  appelé  au  cinquante-neuvième  jour  de  la  blessure,  reconnut  la  pré- 
sence de  la  balle  et  en  détermina  la  position.  Arrivé  à  Paris,  il  fit  confec- 
tionner un  stylet  terminé  par  une  petite  olive  en  porcelaine  blanche  non 
vernissée  et  l'envoya  à  Zanetti.  Cet  instrument,  après  avoir  été  introduit 
jusqu'au  corps  suspect,  ramena  par  le  frottement  une  tache  noirâtre 
que  l'analyse  fit  reconnaître  pour  du  plomb.  Les  doutes  qui  restaient 
encore  dans  l'esprit  des  chirurgiens  italiens  furent  complètement  dissipés 
et  la  balle  fut  extraite  quelque  temps  après.  Le  stylet  de  Nélaton  est 
resté  dans  la  pratique;  il  est  d  un  emploi  facile,  mais,  une  fois  taché  par 
le  métal.,  il  est  très-difficile  à  nettoyer.  Pour  obvier  à  cet  inconvénient, 
Lccomtc  a  proposé  de  remplacer  l'olive  du  stylet  explorateur  par  une 
double  curette  à  bords  tranchants.  Cette  pince,  en  rapprochant  ses  mors, 
détache  quelques  parcelles  de  métal  qu'on  peut  ensuite  examiner  à  loisir. 
A  la  même  époque,  Fabre  eut  l'idée  d'employer  l'électricité  pour  la  re- 
cherche des  projectiles.il  inventa,  dans  ce  but,  un  appareil  que  Trouvé  a 
simplifié  et  dont  Gosselin  s'est  servi  avec  avantage  pour  découvrir  une 
balle  enkystée  qui  séjournait  depuis  quatre  mois  dans  les  tissus.  Cet 
instrument  a  été  adopté  par  la  Société  internationale  de  secours  aux 
blessés.  En  1870,  un  médecin  russe,  Milliot,  proposa  de  se  servir  d'une 
sonde  métallique  vissée  sur  un  électro-aimant  portatif  de  Ruhmkorff. 
Enfin  la  chimie  a  voulu  payer  aussi  son  tribut  à  ce  genre  de  recherches. 
'Deneux  (de  Saint-Calais)  a  soumis,  en  1872,  à  l'Académie  de  médecine, 
un  moyen  très-simple  pour  déceler  à  la  fois  la  présence  et  la  nature  des 
projectiles.  Il  consiste  à  toucher  le  corps  suspect  avec  un  pinceau  trempé 
dans  un  acide  affaibli.  S'il  s'agit  d'un  métal,  le  pinceau  fournit  les  réac- 
tions qui  lui  sont  propres,  après  quelques  instants  de  contact  ;  si  le 
trajet  est  trop  étroit  pour  laisser  passer  une  tige  exploratrice,  on  la  rem- 
place par  une  injection  acide.  Legoucst,  chargé  de  faire  à  l'Académie  de 
médecine  un  rapport  sur  ce  procédé,  reconnut  qu'il  décelait  facilement 
la  présence  du  plomb,  que  les  résultats  étaient  moins  probants  quand  il 
s'agissait  du  fer  et  presque  nuls  pour  le  zinc,  le  cuivre  et  le  bronze.  En 


100  PLAIE.    P.    l'Ail  INsTIlUMENTS  CONTONDANTS. 

résumé,  tous  ces  procédés  sont  ingénieux,  mais  ils  nous  paraissent  trop 
délicats  et  trop  incertains  pour  pouvoir  rendre  de  grands  services  dans 
La  chirurgie  d'année. 

La  recherche  des  projectiles  doit  être  faite  avec  persévérance;  cependant 
il  est  des  cas  où  il  faut  savoir  s'arrêter  dans  ces  perquisitions.  Le  chirur- 
gien est  parfois  retenu  par  la  crainte  d'ouvrir,  avec  les  instruments  d'ex- 
ploration, une  cavité  splanchnicpie  que  la  halle  a  respectée  ou  une  articu- 
lation sur  laquelle  elle  a  glissé.  Il  doit,  dans  d'autres  cas,  se  résigner  à 
abandonner  le  corps  étranger,  lorsqu'il  faudrait,  pour  le  poursuivre,  tour- 
menter les  parties,  multiplier  les  perquisitions  douloureuses  et  causer  des 
désordres  plus  graves  que  ceux  que  son  séjour  peut  faire  redouter.  Nous 
avons  dû  renoncer  ainsi  à  la  recherche  de  deux  halles  de  pistolet,  qu'un 
de  nos  confrères  avait  reçues  de  la  main  d'un  aliéné.  La  première  l'avait 
atteint  au  niveau  du  premier  espace  intercostal  tout  près  du  sternum  ;  la 
plaie  paraissait  se  diriger  directement  d'avant  en  arrière,  mais  il  n'y 
avait  aucun  signe  de  pénétration.  Nous  limes  les  débridements  néces- 
saires pour  arriver  jusqu'au  projectile  sans  pouvoir  le  découvrir,  et  nous 
nous  arrêtâmes  au  moment  où  il  était  impossible  d'aller  plus  loin  sans 
entrer  dans  la  poitrine.  La  seconde  balle  était  entrée  dans  le  liane,  et  se 
déroba,  comme  la  précédente,  à  nos  recherches.  De  ce  côté  aussi  les  signes 
de  pénétration  faisaient  absolument  défaut.  Nélaton,  appelé  deux  jours 
après,  approuva  notre  réserve,  et  le  blessé  guérit  sans  accident,  en  con- 
servant ses  balles.  Cette  tolérance  des  tissus  vivants  pour  les  corps  métal- 
liques et  notamment  pour  les  projectiles  en  plomb  est  depuis  longtemps 
connue,  ainsi  que  les  migrations  qu'ils  opèrent  à  la  longue  sous  l'in- 
fluence de  la  pesanteur  :  il  faut  bien  savoir,  toutefois,  qua  ce  sont  là  des 
faits  exceptionnels  et  qu'ils  n'autorisent  pas  l'abstention  systématique  que 
certains  chirurgiens  ont  voulu  ériger  en  règle  générale.  Sauf  les  cir- 
constances particulières  que  nous  venons  d'indiquer,  il  faut  rechercher 
les  projectiles  et  les  extraire  aussitôt  qu'on  les  a  reconnus. 

Il  est  rare  que  l'extraction  des  corps  étrangers  puisse  se  faire  à  l'aide 
des  doigts,  le  plus  souvent  il  faut  recourir  à  des  instruments  spéciaux. 
L'arsenal  de  l'ancienne  chirurgie  en  renfermait  un  nombre  considérable, 
mais  on  les  a  complètement  abandonnés,  ils  n'ont  plus  qu'un  intérêt 
historique  et  nous  ne  les  décrirons  pas.  On  ne  se  sert  plus  aujourd'hui 
que  des  pinces  dites  dé  balle.  Elles  ont  la  plus  grande  analogie  avec 
les  pinces  à  polypes;  leurs  mors  solides  et  résistants  sont  légèrement' 
concaves,  creusés  de  rainures  profondes  et  percés  de  trous  ;  leurs  bran- 
ches très-longues  sont  entre-croisées  de  façon  à  s'écarter  aussi  peu  que 
possihle,  afin  de  ne  pas  distendre  le  trajet  de  la  blessure,  tout  en  per- 
mettant aux  mors  de  s'ouvrir  de  la  quantité  nécessaire  pour  embrasser  le 
projectile.  Lorsqu'il  est  saisi,  la  pince  se  maintient  fermée  à  l'aide  d'un 
rivet  dont  l'une  de  ses  branches  est  munie  et  de  deux  trous  qui  sont  prati- 
ques sur  l'autre.  Son  articulation  n'a  pas  d'entahlurc  et  chacune  des  tiges 
isolées  peut  servir  d'élévatoirc. 

Pour  introduire  le  tire-balle,  on  le  fait  glisser  sur  la  face  palmaire 


PLAIE.  —  T.   PAU  INSTRUMENTS  CONTONDANTS.  107 

dde  l'indicateur  gauche  préalablement  porté  jusqu'au  fond  de  la  plaie; 
lorsque  le  bout  de  la  pince  a  touché  le  projectile,  on  écarte  les  mors  en 
Mes  poussant  légèrement,  et  on  saisit  la  balle  en  les  rapprochant.  Lors- 
qu'elle est  chargée,  on  retire  le  tout  avec  la  plus  grande  précaution,  de 
façon  à  ne  pas  tirailler  les  libres  musculaires  ou  aponévrotiques  qu'on 
aaurait  pu  saisir  en  même  temps.  On  est  averti  de  cet  incident  par  la  ré- 
sistance qu'on  rencontre  et  par  la  douleur  qu'accuseje  blessé.  11  faut  alors 
lâcher  le  projectile  et  tacher  de  le  mieux  saisir  une  seconde  fois.  H 
(arrive  souvent  que  la  balle  glisse  et  s'échappe  des  mors  de  la  pince,  soit 
îau  moment  ou  on  ferme  celle-ci,  soit  en  traversant  l'ouverture  trop 
étroite  de  quelque  aponévrose  profonde.  Dans  ce  dernier  cas,  avant  de 
saisir  de  nouveau  le  projectile,  il  faut  débrider  sur  le  point  où  la  résis- 
tance s'est  rencontrée.  On  éprouve  parfois  d'assez  grandes  difficultés  à 
eélargir  suffisamment  tout  le  trajet  de  la  blessure.  Nous  nous  sommes 
litrouvé  dans  cet  embarras,  chez  un  soldat  d'infanterie  de  marine  qui 
aavait  été  blessé  au  combat  de  Bazeilles.  La  balle  avait  pénétré  par  le  trou 
sous-pubien  et  était  restée  dans  le  petit  bassin.  Un  long  trajet  fistuleux 
ipermettait  d'arriver  jusqu'à  elle;  on  la  sentait  mobile,  il  était  facile  de 
lia  charger,  mais  elle  était  arrêtée  au  niveau  du  trou  ovale  par  l'étroilesse 
<ldu  trajet,  limité  d'un  côté  par  la  branche  ascendante  de  l'ischion  et  de  l'au- 
iitre  par  des  brides  cicatricielles.  Pour  élargir  cet  étroit  passage,  il  fallait 
1  inciser  ces  brides,  au  risque  de  léser  une  artériole,  ou  bien  attaquer  la 
Ibranchc  osseuse.  C'est  à  ce  dernier  parti  que  nous  nous  arrêtâmes.  Avec  la 
jgouge  et  le  maillet  nous  pratiquâmes  un  échancrure  qui  nous  suffit  pour 
oextraire  sans  effort  la  pince  et  le  projectile  qui  séjournait  depuis  six  mois 
■  dans  la  plaie. 

L'extraction  des  balles  oblongues  n'est  pas  plus  difficile  que  celle  des 
!  balles  sphériques.  C'est  à  tort  qu'on  a  recommandé  de  les  saisir  par  leur 
I  plus  grand  diamètre.  Cette  façon  d'agir  nécessiterait  un  écartement  des 
i  mors  de  la  pince  qui  pourrait  avoir  de  sérieux  inconvénients.  Le  l'ail  est 
que  dans  la  plupart  des  cas  on  saisit  les  projectiles  et  les  corps  étrangers 
iconime  on  peut.  L'essentiel,  comme  le  dit  Legouesl,  c'est  de  les  bien  tenir, 
jafin  qu'ils  ne  s'échappent  pas  pendant  les  manœuvres  de  l'extraction. 

Lorsque  la  balle  a  traversé  le  membre  presque  de  part  en  part,  ou 
qu'elle  a  subi  des  déviations  telles,  qu'elle  est  fort  éloignée  de  son  ou- 
verture d'entrée,  il  y  a  plus  d'avantages  à  l'extraire  par  une  contr'ouver- 
tuic  que  par  la  voie  qu'elle  a  parcourue.  L'incision  doit  être  pratiquée 
sur  le  point  où  le  projectile  se  fait  le  plus  nettement  sentir.  Le  chirurgien 
divise  les  tissus  couche  par  couche,  en  s'aidant  de  l'indicaieur  gauche 
pour  guider  le  bistouri  et  l'ait  soutenir  par  un  aide  les  parties  opposées  à 
la  contr'ouverture,  afin  d'empêcher  le  projectile  de  fuir.  11  faut  découvrir 
largement  celui-ci,  inciser  avec  le  plus  grand  soin  le  tissu  cellulaire  et 
les  brides  fibreuses  qui  le  recouvrent,  pour  pouvoir  le  charger  et  l'extraire 
d  un  seul  coup,  sans  tiraillements  et  sans  violence.  Lorsqu'il  y  a  une 
grande  épaisseur  de  tissu  à  diviser,  on  a  proposé,  pour  frayer  la  route  au 
bistouri,  de  se  servir  de  la  soude  à  dard,  usitée  dans  la  taille  hypogas- 


îos 


PLAIE. 


  P.   PAR   INSTRUMENTS  CONTONDANTS. 


trique,  ou  d'un  long  trocart  comme  ceux  dont  Chassaignac  se  servait 
pour  le  drainage;  ces  moyens,  parfois  dangereux,  ne  sont  indiqués  que 
dans  des  cas  tout  à  fait  exceptionnels. 

Lorsque  les  balles  sont  profondément  engagées  dans  le  tissu  osseux, 
les  pinces  ne  suffisent  pas  pour  les  extraire.  Il  en  est  de  même  lors- 
qu'elles sont  enclavées  entre  deux  os.  Il  faut  alors  recourir  à  des 
instruments  spéciaux.  Ceux  qui  sont  usités  en  pareil  cas  sont  les 
élévatoires,  le  lire-fond,  le  trépan,  la  gouge  et  le  maillet.  L'éléva- 
toire,  conduit  par  l'indicateur  gauche,  agit  comme  un  levier,  pour 
ébranler,  soulever  et  déplacer  la  balle,  mais  il  n'a  de  prise  sur  elle  que 
lorsqu'elle  est  peu  profondément  incrustée,  et  qu'elle  a  conservé  une 
certaine  mobilité.  Le  tire-fond,  sorte  de  vrille  terminée  par  un  double 
pas  de  vis  tranchant,  est  d'un  usage  encore  plus  restreint.  Legouest,  qui 
l'a  souvent  employé,  n'en  a  jamais  obtenu  de  résultats  satisfaisants,  et, 
parmi  les  nombreux  projectiles  extraits  des  os  qu'il  a  eu  l'occasion  d'exa- 
miner, il  n'en  a  pas  rencontré  un  seul  qui  ait  été  enlevé  avec  le  tire-fond. 
Nous  ne  nous  arrêterons  donc  pas  à  décrire  le  mode  d'emploi  d'un 
instrument  aussi  défectueux.  Le  trépan  s'applique,  soit  en  embrassant 
avec  sa  couronne  la  balle  elle-même  de  manière  à  l'enlever  avec  l'anneau 
osseux  qui  l'entoure,  soit  en  pratiquant  à  côté  d'elle  une  ouverture  qu'on 
agrandit  ensuite  avec  la  gouge  et  le  maillet  et  par  laquelle  se  fait  l'ex- 
traction. 

11  nous  reste  à  parler  maintenant  des  complications  qui  résultent  de  la 
lésion  des  nerfs,  des  vaisseaux  et  des  os,  de  l'ouverture  des  articulations 
ou  des  cavités  splancbniques.  La  lésion  des  troncs  nerveux  s'accompagne 
toujours  de  troubles  immédiats  de  la  sensibilité  et  du  mouvement  ;  leur 
section  complète  entraîne  des  paralysies  presque  toujours  incurables, 
parce  que  les  extrémités  contuses  et  déchirées  se  réunissent  isolément  et 
sont  comme  perdues  au  milieu  de  la  cicatrice.  Nous  n'insisterons  pas  sili- 
ces phénomènes,  parce  qu'ils  ont  été  longuement  étudiés  dans  un  autre 
article  (Voij.  Neufs,  lésions  physiques,  t.  XXIII,  p.  624).  Nous  passe- 
rons rapidement,  et  pour  le  même  motif,  sur  les  conséquences  des  plaies 
d'artères.  Nous  avons  déjà  signalé  la  fréquence  des  hémorrhagies  à  la 
suite  de  leur  blessure,  et  les  dangers  de  celles  qui  se  produisent,  dans  le 
cours  du  traitement,  alors  que  les  eschares  se  détachent,  ou  sous  l'in- 
fluence de  certains  états  dialhésiques,  tels  que  le  scorbut  et  la  pourriture 
d'hôpital.  Dans  ces  circonstances,  on  voit  même  souvent  survenir  des 
hémorrhagies  en  nappe  qui  ne  tiennent  pas  à  la  lésion  des  gros  vaisseaux, 
et,  pendant  le  siège  de  Paris,  la  plupart  des  chirurgiens  ont  remarqué  que 
ces  hémorrhagies  imprévues  étaient  les  signes  avant-coureurs  de  l'infec- 
tion purulente.  Quoi  qu'il  en  soit,  lorsqu'elles  sont  sous  la  dépendance 
d'une  lésion  artérielle  à  laquelle  il  n'a  pas  élé  porté  remède  au  moment 
même  de  la  blessure,  il  faut  se  hâter  d'aller  à  la  recherche  des  deux 
bouts  du  vaisseau  qui  donne  et  en  pratiquer  la  ligature.  Cette  règle  a  élé 
posée  par  Gulhrie  et  sa  doctrine  a  fini  par  remporter  sur  celle  de  Du- 
puylrcn,  grâce  à  Nélaton,  qui  en  a  démontré  la  supériorité  par  ses  expé- 


PLAIE.    P.    PAR   INSTRUMENTS  CONTONDANTS.  i  09 

rienecssur  les  animaux  et  par  les  succès  de  sa  pratique.  Les  chirurgiens 
militaires  français  en  ont  reconnu  les  avantages  pendant  la  campagne  de 
Crimée;  les  Anglais,  après  quelques  hésitations,  ont  adopté  la  méthode 
de  leur  compatriote;  Stromeyer  a  fait  de  même,  et  aujourd'hui  il  n'est 
pas  de  règle  de  chirurgie  d'armée  qui  soit  mieux  établie.  Malheureuse- 
ment, elle  est  quelquefois  inapplicable,  par  suite  de  l'état  d'inflammation, 
de  gonflement,  de  délabrement  des  parties,  ou  en  raison  de  la  position 
inaccessible  de  Tarière  à  l'endroit  où  elle  a  été  lésée.  Nous  nous  sommes 
trouvé  dans  cette  impossibilité  en  présence  d'une  lésion  de  l'artère 
radiale  chez  un  artilleur  qui  s'était  fait  partir  un  marron  d'artifice  dans 
la  paume  de  la  main.  Les  parties  molles  du  premier  espace  interosseux 
avaient  été  détruites  et  l'artère  ouverte  au  moment  où  elle  passe  entre  les 
tètes  des  deux  premiers  métacarpiens.  On  avait  tamponné  cette  plaie 
noire,  anfractueuse,  au  fond  de  laquelle  on  ne  pouvait  songer  à  aller 
chercher  le  vaisseau.  Nous  liâmes  la  radiale  au  lieu  d'élection,  et,  quel- 
ques jours  après,  l'hémorrhagic  reparut.  Il  fallut  lier  successivement  et 
à  d'a.sscz  longs  intervalles  la  cubitale  et  l'humérale;  enfin,  cinquante  et 
quelques  jours  après  la  blessure,  nous  yîmes  survenir,  par  le  même  point, 
une  dernière  hémorrhagic  qui  céda  définitivement  à  une  forte  application 
de  fer  rouge. 

En  parlant,  des  effets  des  projectiles  sur  les  os,  nous  avons  signalé  la 
gravité  des  désordres  qu'ils  occasionnent.  Ces  lésions  participent  tout  à  la 
fois  de  la  fracture  et  de  la  plaie  d'os.  Elles  s'accompagnent  d'une  véritable 
attriliou  du  tissu  osseux  sur  le  point  que  le  projectile  a  frappé,  de  lon- 
gues fêlures  qui  s'étendent  en  tout  sens,  d'esquilles  dont  les  unes  sont 
entièrement  détachées  de  l'os  et  dont  les  autres  y  tiennent  encore.  Les 
premières  sont  libres  et  complètement  privées  de  vie.  Elles  sont  enfoncées 
au  milieu  des  parties  molles  ou  retenues  dans  le  foyer  de  la  fracture. 
Elles  ont  des  bords  tranchants,  à  cassure  nette,  à  vive  arête,  et  ressemblent 
à  des  morceaux  de  porcelaine  brisée.  Ce  sont  celles  que  Dupuytren  ap- 
pelait esquilles  primitives.  Il  désignait  sous  le  nom  de  secondaires 
celles  qui,  bien  que  mobiles,  adhèrent  encore  à  l'os  par  des  tissus 
fibreux  ou  des  lambeaux  de  périoste,  et  qui  finissent  le  plus  souvent  par 
s'en  séparer  sous  l'influence  du  travail  pathologique.  Enfin,  il  réservait 
le  nom  de  tertiaires  aux  esquilles  qui,  complètement  adhérentes  au 
début  et  n'ayant  subi  aucun  déplacement,  peuvent,  dans  quelques  cas, 
continuer  à  vivre,  mais  qui  sont  le  plus  souvent  frappées  de  mort  au  bout 
d'un  certain  temps  et  deviennent  alors  de  véritables  séquestres.  La  nécrose 
peut  également  s'emparer  de  l'extrémité  des  fragments,  et  cet  accident 
s'explique  par  le  décollement  du  périoste,  qui  s'étend  très-souvent  au 
delà  du  foyer  de  la  fracture,  ainsi  que  de  nombreux  exemples  en  ont  été 
cités  à  la  Société  de  Chirurgie  et  notamment  dans  la  séance  du  G  dé- 
cembre 1871. 

Le  diagnostic  des  lésions  osseuses  produites  par  les  coups  de  feu  est 
rarement  difficile.  Indépendamment  des  signes  communs  à  toutes  les 
fractures,  on  a,  pour  s'éclairer,  l'exploration  directe  à  l'aide  du  doigt.  Elle 


110  PLAIE.    P.    PAR   INSTRUMENTS  CONTONDANTS. 

permet  d'apprécier  l'étendue  des  désordres,  le  nombre,  le  volume  et  le 
îlegré  de  mobilité  des  esquilles.  Ces  blessures  sont  toujours  d'un  pronostic 
«rave.  Pour  les  chirurgiens  militaires  du  commencement  du  siècle,  une 
fracture  par  coup  de  l'eu  constituait,  le  plus  souvent,  un  cas  d'amputation. 
La  chirurgie  d'armée  est  aujourd'hui  devenue  beaucoup  plus  conservatrice. 
Le  sacrifice  du  membre  est  toujours  considéré  comme  indispensable  dans 
les  fractures  comminulives  avec  lésion  des  gros  troncs  vasculaires  ou 
nerveux,  mais,  lorsque  les  désordres  causés  par  les  balles  ne  portent  que 
sur  les  os,  la  conservation  est  la  règle,  et  l'amputation  l'exception.  On 
s'en  abstient  même  au  membre  supérieur,  dans  le  cas  de  plaie  artérielle, 
à  moins  que  la  brachiale  n'ait  été  atteinte  au-dessus  de  la  naissance  de 
l'humêrale  profonde.  Au  membre  inférieur,  la  règle  est  plus  sévère,  mais 
pour  l'exposer  il  faudrait  entrer  dans  la  discussion  des  cas  particuliers, 
et  c'est  ce  qui  a  été  fait  dans  un  autre  article  {Voy.  Amputation,  t.  II,  p.  89) . 

Lorsque  la  conservation  du  membre  a  été  décidée,  la  première  indica- 
tion qui  se  présente  consiste  à  extraire  les  esquilles  et  à  pratiquer  pour 
cela  les  incisions  nécessaires,  sans  crainte  de  leur  donner  trop  d'étendue. 
A  l'exception  de  Stromeyer,  dont  nous  avons  déjà  cité  l'opinion,  tous  les 
cbirurgiens  sont  d'accord  sur  la  nécessité  d'enlever  sur-le-champ  les 
esquilles  primitives,  mais  les  avis  sont  partagés  en  ce  qui  concerne  les 
esquilles  secondaires.  Percy  et  Larrey  les  laissaient  en  place,  et  Dupuy- 
tren  avait  adopté  cette  pratique,  contre  laquelle  Guthrie  s'était  déjà  élevé. 
Roux,  Bégin  et  Baudens  ont  fait  un  précepte  formel  d'extraire  immé- 
diatement tous  les  fragments  osseux  libres  ou  adhérents.  Les  chirurgiens 
français  et  les  anglais  s'y  sont  conformés  en  Crimée,  et  les  allemands,  à 
l'exception  de  Stromeyer,  ont  fait  de  même  dans  leurs  dernières  guerres. 
Legouest  a  exposé  ce  point  de  pratique  avec  sa  lucidité  habituelle,  et  les 
raisons  qu'il  donne  pour  étayer  le  précepte  de  l'extraction  immédiate 
sont  aussi  convaincantes  que  possible.  Il  est  certain  qu'il  faut  renoncer  à 
leur  ablation,  lorsqu'elle  entraîne  de  trop  grands  dangers  et  qu'elle  né- 
cessite des  délabrements  trop  considérables,  mais  ce  sont  là  des  cas 
exceptionnels. 

L'extraction  des  esquilles  doit  se  faire  sans  violence  et  avec  les  plus 
grands  ménagements.  11  faut  se  garder  de  les  arracher,  de  déchirer,  de 
tordre  les  parties  molles  qui  les  retiennent  encore  et  qui  doivent  être 
coupées  avec  le  bistouri  ou  les  ciseaux.  Quant  à  ménager  le  périoste,  avec 
l'espoir  de  le  voir  reproduire  un  os  nouveau,  c'est  un  conseil  qu'il  est 
bon  de  suivre,  lorsque  la  fracture  est  superficielle  et  que  les  esquilles 
sont  facilement  accessibles,  mais  c'est  là  le  cas  le  plus  rare,  el  dans  la 
pratique  on  est  le  plus  souvent  obligé  d'y  renoncer,  en  raison  des  diffi- 
cultés (pie  présenterait  une  dissection  aussi  délicate,  et  de  l'étendue  des 
incisions  qu'elle  nécessiterait,  pour  arriver  le  plus  souvent  à  un  résultat 
négatif.  Ou  a  donné  le  conseil  de  réséquer  les  extrémités  des  fragments, 
lorsqu'elles  sont  anguleuses  cl  dépouillées  de  leur  périoste,  mais  cette 
pratique  est  le  plus  souvent  inutile  et  peut  avoir  des  inconvénients. 

Lorsqu'une  plaie  d'arme  à  feu  avec  lésion  des  os  a  été  débridée,  dé- 


PLAIE.    T.   PAR  INSTRUMENTS  CONTONDANTS.  111 

barrassée  avec  soin  des  corps  étrangers  eL  des  esquilles,  elle  est  réduite 
.à  la  condition  d'une  fracture  comrainutive  ordinaire,  avec  pénétration  de 
l'air  dans  son  foyer,  et  doit  être  traitée  comme  telle.  Le  premier  soin 
qu'elle  réclame  consiste  dans  l'application  d'un  appareil  capable  d'im- 
mobiliser le  membre  tout  en  permettant  de  surveiller  et  de  panser  la 
plaie.  Cet  appareil  doit  être  appliqué  sur  le  champ  de  bataille  même  et 
avant  le  transport  du  blessé.  La  chirurgie  moderne  possède,  pour  atteindre 
ce  but,  une  grande  variété  de  moyens  qui  ont  été  décrits  et  appréciés  à 
l'article  Fractures,  t.  XV,  p.  460. 

11  nous  resterait  à  parler  d'un  dernier  ordre  de  complications  immé- 
diates  résultant  de  l'ouverture  des  articulations  et  des  cavités  splanchni- 
ques,  mais  ce  sujet  a  été  traité  ou  le  sera  dans  d'autres  articles,  auxquels 
nous  nous  bornons  à  renvoyer  le  lecteur. 

Indépendamment  des  complications  que  nous  venons  de  passer  en  revue 
et  qui  résultent  de  l'action  immédiate  des  projectiles,  les  plaies  d'armes 
à  feu  sont  exposées  à  tous  les  accidents  consécutifs  qui  peuvent  survenir 
dans  le  cours  des  blessures  graves.  Elles  y  sont  même  plus  particulière- 
ment disposées  par  la  violente  contusion  qui  les  accompagne,  par  l'in- 
flammation et  les  longues  suppurations  qui  en  résultent.  Les  phlegmons 
profonds,  les  fusées  purulentes,  les  trajets  listuleux  étendus,  sont  la 
conséquence  fréquente  des  désordres  qui  accompagnent  la  lésion  des  os, 
et  dans  toutes  les  plaies  d'armes  à  feu,  même  quand  elles  sont  exemptes 
de  complications,  on  doit  craindre  l'explosion  des  accidents  formidables 
que  font  naître  les  grandes  agglomérations  de  blessés.  Dans  ces  conditions, 
l'érysipèle,  l'angéioleucite,  le  tétanos,  la  pourriture  d'hôpital,  l'infection 
purulente,  sont  à  l'état  de  menace  permanente  et  constituent  la  princi- 
pale cause  des  revers  que  la  chirurgie  d'armée  a  si  souvent  à  déplorer. 
Nous  ne  faisons  que  signaler  ces  accidents,  malgré  leur  importance,  parce 
qu'ils  ne  présentent  rien  de  particulier  dans  le  cas  qui  nous  occupe  et 
que  chacun  d'entre  eux  a  sa  place  marquée  et  son  article  spécial  dans  ce 
Dictionnaire. 

Il  nous  reste  peu  de  chose  à  ajouter  à  ce  que  nous  avons  dit  déjà  sur 
le  traitement  des  plaies  d'armes  à  feu.  Lorsqu'on  a  pratiqué  les  débride- 
ments  nécessaires,  arrêté  les  hémorrhagies,  enlevé  les  corps  étrangers  et 
les  esquilles,  il  ne  reste  plus  qu'à  panser  le  malade  et  à  le  placer  dans  les 
meilleures  conditions  hygiéniques  pour  assurer  sa  guérison.  Le  pansement 
doit  être  aussi  simple  que  possible.  On  a  depuis  longtemps  renoncé  aux 
tentes,  aux  sétons,  aux  baumes  et  aux  onguents  si  chers  à  l'ancienne 
chirurgie  ;  la  plupart  des  chirurgiens  d'armée  n'emploient  plus  d'autre 
topique  que  l'eau  froide.  On  la  trouve  partout,  elle  permet  de  mainte- 
nir la  plaie  dans  un  état  de  propreté  constante,  elle  modère  l'inflam- 
mation, et  les  blessés  peuvent  humecter  eux-mêmes  les  pièces  de  leur 
appareil  lorsqu'ils  en  sentent  le  besoin.  L'eau  froide  peut  être  employée 
sans  inconvénient  jusqu'à  la  cicatrisation  complète  ;  il  ne  faut  y  renoncer 
que  lorsque  la  suppuration  est  à  peu  près  tarie  ou  lorsque  la  surface 
traumatique  devient  blafarde.  Il  est,  toutefois,  des  circonstances  dans 


M  S  PLAIE.  —  r.  l'An  aui:aciu:mi:kt. 

lesquelles  ce  pansement  si  simple  ne  suffit  pas.  Dans  les  ambulances  et 
dans  les  hôpitaux  encombrés,  lorsque  les  complications  que  nous  avons 
indiquées  régnent  épidémiquement  au  milieu  des  blessés,  lorsqu'on  un 
mot  on  est  obligé  de  les  traiter  dans  un  milieu  infectieux,  il  est  néces- 
saire de  recourir  aux  pansements  antiseptiques,  et  l'acide  phénique  est 
le  désinfectant  qui  a  donné  jusqu'ici  les  meilleurs  résultats  (Voy.  Panse? 
MENTSj  t.  XXV,  p.  747). 

Les  irrigations  continues,  la  glace  même,  trouvent  aussi  leurs  applica- 
tions dans  quelques  cas  spéciaux;  on  en  obtient  de  bons  résultats  dans  les 
plaies  d'armes  à  feu  des  articulations  et  notamment  dans  celles  de  la 
main  et  du  pied,  mais  ce  mode  de  traitement,  qui  demande  une  grande 
surveillance  et  l'emploi  d'appareils  un  peu  compliqués,  ne  peut  être  mis 
en  usage  que  dans  les  hôpitaux  et  ne  saurait,  par  conséquent,  rendre  de 
grands  services  en  chirurgie  d'armée. 

On  a  bien  rarement  l'occasion  de  recourir  aux  émissions  sanguines.  La 
saignée  générale,  dont  les  anciens  faisaient  un  si  large  emploi,  est  tombée 
en  désuétude.  On  n'a  même  presque  jamais  recours  aux  sangsues,  aux- 
quelles Baudens  accordait  encore  une  si  grande  confiance.  La  pratique 
moderne  est  dominée,  à  juste  raison,  par  la  crainte  de  l'anémie  et  de  l'épui- 
sement, auxquels  les  blessés  par  les  armes  de  guerre  sont,  presque  fata- 
lement voués,  lorsque  leur  guérison  se  fait  attendre  et  que  leur  séjour 
dans  les  hôpitaux  se  prolonge.  Au  lieu  de  leur  faire  perdre  du  sang,  on 
ne  songe  qu'à  soutenir  leurs  forces,  et,  les  premiers  accidents  dissipés, 
la  fièvre  traumatique  passée,  on  les  soumet  à  un  régime  aussi  fortifiant, 
aussi  réparateur  que  possible.  Une  bonne  alimentation,  un  air  pur,  une 
propreté  minutieuse,  sont,  en  effet,  les  premières  conditions  d'une  guérison 
rapide  ;  malhcurçusement  elles  sont,  le  plus  souvent,  irréalisables,  dans  les 
circonstances  où  ces  blessures  se  produisent. 

IV.  Plaies  pak  arrachement.  —  On  désigne  sous  ce  nom  les  solutions 
de  continuité  qui  résultent  de  l'avulsion  d'une  partie  du  corps  produite 
par  une  traction  violente.  Quoique  toutes  les  parties  saillantes  puissent 
être  ainsi  arrachées,  ce  n'est  qu'aux  membres  que  ce  genre  de  blessures 
offre  de  l'intérêt.  Elles  ne  sont  pas  fréquentes.  Dans  les  traités  classiques 
leur  histoire  est  tracée  d'après  quelques  observations  qu'on  retrouve, 
partout  et  qui  ne  sont  pas  suffisamment  détaillées.  Il  a  été  pourtant 
publié  assez  de  faits,  depuis  quelques  années,  pour  qu'on  puisse  l'aire  une 
étude  plus  complète  de  ces  lésions. 

Les  plaies  par  arrachement  sont  plus  fréquentes  aux  membres  supérieurs, 
cl  ce  sont  les  doigts  qui  en  sont  le  plus  souvent  le  siège.  Dans  le  tome  II 
des  Mémoires  de  V Académie  de  Chirurgie,  on  en  trouve  huit  exemples 
dont  Sept  ont  été  réunis  par  Morand»  Nous  en  avons  recueilli  une  quin- 
zaine d'autres  dans  les  recueils  périodiques  récents,  cl  notamment  dans 
les  Bulletins  de  In  Société  de  Chirurgie. 

Dans  l'ordre  de  fréquence,  c'est  la  main  qui  vient  ensuite;  nous  en 
avons  trouvé  quatre  observations  ;  puis  l'épaule,  dont  il  existe  trois 
cas  bien  authentiques,  et  enfin  I'avant-bras,  dont  nous  ne  connaissons 


PLAIE.    P.   PAR  ARRACHEMENT.  |113 

.qu'un  exemple.  Au  membre  inférieur,  ce  sont  aussi  les  orteils  qui 
sont  le  plus  souvent  arrachés;  le  pied  vient  après;  nous  n'avons 
I  trouvé  qu'un  seul  fait  d'arrachement  de  la  jambe,  et  jamais  on  n'a 
■  observé  l'avulsion  du  membre  inférieur  tout  entier.  Si  nous  avons 
cité  des  chiffres,  ce  n'est  pas  que  nous  ayons  la  prétention  d'avoir 
recueilli  toutes  les  observations,  ni  le  désir  d'établir  une  statistique, 
c'est  seulement  pour  faire  connaître  le  nombre  de  faits  qui  nous  ont  servi 
à  rédiger  ce  travail. 

Les  causes  qui  produisent  l'arrachement  des  membres  agissent  toutes 
d'après  le  môme  mécanisme.  Une  violente  traction  s'opère  sur  une  extré- 
mité, le  corps  résiste  par  son  poids  ou  par  l'effort  que  fait  le  blessé,  et  la 
déchirure  s'opère  à  une  distance  plus  ou  moins  grande  du  point  où  la  force 
a  été  appliquée.  Le  plus  souvent,  cette  force  est  celle  d'une  machine  dans 
les  engrenages  ou  dans  la  courroie  de  laquelle  une  partie  du  corps  s'est 
engagée.  Parfois,  c'est  un  nœud  coulant,  une  corde  qui  s'enroule  autour 
d'un  membre,  l'entraîne  et  l'arrache  lorsque  le  corps,  arrêté  par  un 
obstacle  ne  peut  plus  suivre  le  mouvement.  C'est  ainsi  que  fut  emporté 
le  bras  de  Samuel  Wood,  le  meunier,  dont  l'observation,  publiée  en  1758 
dans  les Philosophical  Transactions,  a  été  reproduite  depuis  par  tous  les 
auteurs.  Nous  connaissons  quelques  exemples  d'arrachement  du  pied 
produit  par  le  même  mécanisme  à  bord  des  navires.  Lorsqu'un  homme 
a  l'imprudence  démettre  le  pied  dans  le  cercle  formé  par  une  manœuvre 
roulée  sur  le  pont  et  que  celle-ci  vient  à  se  dérouler  brusquement,  la  spi- 
rale se  resserre,  l'homme,  se  sentant  saisi,  s'accroche  instinctivement 
au  premier  point  résistant  qu'il  rencontre,  et  le  pied  est  emporté.  C'est 
ordinairement  en  jetant  l'ancre  ou  en  amenant  les  huniers  que  cet  [acci- 
dent se  produit. 

Les  gens  qui  conduisent  des  chevaux  ont  souvent  les  doigts  arrachés 
par  la  bride  de  l'animal,  lorsque  celui-ci  fait  un  écart  brusque.  J.  D.  Larrey 
a  le  premier  signalé  la  fréquence  de  cette  blessure  chez  les  cavaliers  qui 
entortillent  le  bridon  autour  de  leurs  doigts  lorsqu'ils  mènent  leurs  che- 
vaux à  l'abreuvoir.  Enfin,  il  existe  dans  la  science  un  fait  d'arrachement  de 
l'avant-bras  survenu  dans  les  tentatives  faites  pour  réduire  une  luxation 
de  l'épaule.  Les  tractions  avaient  été  opérées  avec  prudence  par  un  chi- 
rurgien d'un  habileté  reconnue,  et  la  facilité  avec  laquelle  le  membre  se 
détacha  ne  peut  s'expliquer  que  par  une  altération  profonde  des  tissus 
qui  fut,  du  reste,  constatée  à  l'autopsie. 

Les  plaies  par  arrachement  ne  présentent  pas  l'aspect  hideux  des  bles- 
sures faites  par  les  gros  projectiles,  bien  qu'il  y  ait  quelque  analogie 
dans  leur  mode  de  production.  Leur  surface  est  inégale  parce  que  les 
tissus,  n'ayant  pas  la  même  force  de  cohésion,  ont  cédé  à  des  hauteurs 
différentes,  mais  elle  n'est  pas  noire  et  infiltrée  de  sang,  parce  qu'elle  n'a 
pas  été  contuse.  La  peau  est  le  plus  souvent  amincie,  frangée  sur  les 
bords,  parfois  roulée  sur  sa  surface  saignante  ;  tantôt  elle  dépasse  le  ni- 
veau des  chairs  et  tantôt  elle  les  laisse  à  découvert  dans  une  certaine 
étendue.  Quand  la  lésion  a  été  produite  par  la  constriction  d'un  lien,  les 

HOUV.  DICT.  MÉD.  ET  CUIIl.  f.     XXVIIIg—  8 


H4  PLAIE.  —  p.  paii  arrachement. 

téguments  sont  quelquefois  coupés  circulairemenl  et  avec  netteté.  Les 
muscles  cèdent  plus  facilement  dans  leur  masse  charnue  que  dans  leur 
partie  fibreuse,  et  la  portion  du  membre  qui  a  été  détachée  entraîne  avec 
elle  de  longs  bouts  de  tendons  accompagnés  parfois  de  quelques  fibres 
musculaires.  Ce  fait  est  constant  lorsqu'il  s'agit  de  la  main,  des  doigts 
ou  des  orteils.  Les  portions  tendineuses  ont,  dans  ce  cas,  de  vingt  à  trente 
centimètres  de  longueur.  Dans  un  fait  rapporté  à  la  Société  de  Chirurgie 
par  ll.Larroy,le  tendon  fléchisseur  de  l'index  gauche  attenant  à  la  troisième 
phalange  mesurait  trente-trois  centimètres.  Les  nerfs  présentent  souvent 
la  même  disposition.  Huguier  a  rapporté  une  observation  dans  laquelle 
la  main,  arrachée  par  une  machine,  avait  entraîné  vingt  centimètres  du 
nerf  médian,  mais  la  partie  détachée  allait  s'amincissant  jusqu'à  son 
extrémité  et  ne  contenait  guère  que  du  névrilème.  Dans  le  fait  d'ar- 
rachement de  l'avant-bras  que  nous  avons  cité,  tous  les  nerfs  du  plexus 
brachial  avaient  été  détachés  à  une  assez  grande  hauteur  au-dessus  du 
plan  général  de  la  section.  Il  en  est  de  même  des  artères  dont  le  bout  in- 
férieur fait  saillie  à  la  surface  du  tronçon,  tandis  que  le  bout  supérieur  se 
rétracte  fortement  vers  la  racine  du  membre  et  que  son  extrémité  se 
ferme  de  manière  à  mettre  obstacle  à  l'écoulement  du  sang.  Ce  phéno- 
mène remarquable  tient  à  la  manière  dont  les  différentes  tuniques  se 
comportent  lorsquelles  cèdent  à  la  traction.  L'interne  et  la  moyenne,  plus 
fragiles,  se  rompent  les  premières  et  se  recroquevillent  à  l'intérieur  du 
vaisseau;  la  celluleuse  s'allonge,  se  distend,  finit  par  céder  en  s'effilant. 
comme  le  fait  un  tube  de  verre  devant  la  lampe  d'émailleur,  et  coiffe  les 
extrémités  rétractées  des  deux  autres.  Le  sang  qui  vient  se  heurter  contre 
cet  obstacle  s'arrête,  se  coagule,  le  caillot  ainsi  formé  s'affermit  et  s'op- 
pose d'une  manière  définitive  à  l'hémorrhagie.  Le  même  phénomène  se 
produit,  à  plus  forte  raison,  dans  les  vaisseaux  de  petit  calibre  et  dans  les 
capillaires. 

La  plupart  des  auteurs  et  notamment  ceux  du  Compendium  de  Chi- 
rurgie ont  avancé  que  la  séparation  s'opérait  toujours  dans  une  jointure. 
Le  fait  n'est  pas  complètement  exact.  La  fracture  des  os  est  signalée  dans 
la  plupart  des  observations  que  nous  avons  consultées.  L'omoplate  était 
rompue  en  travers  chez  Samuel  Wood;  la  plupart  des  os  du  carpe  étaient 
brisés, dans  l'observation  citée  par  Huguier;  chez  la  femme  dont  l'avant- 
bras  avait  été  arraché  pendant  les  efforts  de  réduction,  la  partie  supé- 
rieure de  l'olécrane  était  restée  appendue  au  tendon  du  triceps,  tandis  que 
la  moitié  postérieure  du  condyle  de  l'humérus,  l'épicondyle  et  une  por- 
tion de  l'épitrochlée,  adhéraient  aux  muscles  de  l'avant-bras.  Les  mal- 
léoles sont  le  plus  souvent  arrachées  avec  le  pied,  et,  lorsqu'il  s'agit  des 
doigts,  les  phalanges  sont  souvent  fracturées. 

Les  plaies  par  arrachement  ne  sont  pas  douloureuses  :  Samuel  Wood  ne 
s'aperçut  qu'il  avait  perdu  le  bras  qu'en  le  voyant  passer  dans  la  roue  de 
son  moulin;  l'enfant  cité  par  Benomont  n'était  préoccupé  que  de  la 
crainte  d'encourir  les  reproches  de  ses  parents;  les  cavaliers  qui  ont  les 
doigts  arrachés  par  la  bride  de  leur  cheval  ne  s'en  aperçoivent  pas  tou- 


PLAIE.    P.  EMPOISONNÉES.  115 

jours  au  premier  moment,  mais,  lorsque  de  longs  bouts  de  tendons  ont 
accompagné  la  phalange,  le  blessé  ressent  souvent  une  douleur  très-vive 
au  point  où  la  séparation  a  eu  lieu.  Ces  blessures  ne  saignent  pas.  Tous 
les  observateurs  en  ont  fait  la  remarque,  et  nous  en  avons  indiqué  les  rai- 
sons. Il  ne  faudrait  cependant  pas  croire  à  l'impossibilité  d'une  hémor- 
rhagie,  en  pareille  circonstance.  Dans  une  des  observations  que  nous 
avons  citées,  au  moment  où  l'avant-bras  se  détacha,  un  Ilot  de  sang  cou- 
vrit le  chirurgien,  qui  s'empressa  de  lier  l'artère. 

Le  pronostic  des  plaies  par  arrachement  n'est  pas  aussi  redoutable  qu'on 
pourrait  le  croire.  En  général,  elles  guérissent  plus  vite  et  sont  suivies  de 
moins  d'accidents  que  les  amputations  pratiquées  au  même  point.  On 
attribue  cette  bénignité  relative  à  la  rétraction  des  vaisseaux,  qui  empê- 
che l'écoulement  du  sang  et  son  infiltration  dans  les  tissus;  quelques 
chirurgiens  ont  même  proposé  d'ériger  l'arrachement  en  méthode  opé- 
ratoire et  de  l'appliquer  partout  où  la  structure  des  parties  peut  s'y  prêter. 
Nous  n'avons  pas  à  nous  occuper  de  cetle  question,  mais,  tout  en  recon- 
naissant que  les  suites  de  ces  blessures  sont  le  plus  souvent  bénignes, 
nous  rappellerons  que  Billroth  a  vu  succomber  rapidement  un  garçon  de 
14  ans  qui  avait  eu  le  bras  droit  arraché  par  une  roue  de  machine,  que  la 
femme  dont  l'avant-bras  s'était  détaché  sous  l'effort  de  tractions  chirurgi- 
cales est  morte,  au  bout  de  douze  jours,  d'infection  purulente,  et  qu'il 
n'est  pas  rare  de  voir  survenir  des  acciJents  du  côté  de  l'avant-bras  et  de 
la  main,  chez  les  gens  qui  ont  eu  des  doigts  arrachés  avec  leurs  tendons. 
L'inflammation  remonte  souvent  le  long  des  gaines  vides  et  donne  lieu  à 
des  abcès  qui  retardent  notablement  la  guérison. 

L'indication  que  présentent  ces  blessures  est  simple.  Elle  consiste  à 
régulariser  la  section  que  la  cause  vulnérante  a  produite.  Si  les  os  sont 
brisés  comme  cela  arrive  souvent  aux  phalanges,  on  en  pratique  la  désar- 
ticulation dans  la  jointure  la  plus  voisine.  S'il  s'agit  d'une  extrémité  ar- 
ticulaire qui  dépasse  le  niveau  des  parties  molles,  on  en  fait  la  résection  à 
une  hauteur  suffisante  ;  on  coupe  les  bouts  de  tendons  qui  dépassent  et  on 
régularise, 'si  cela  est  nécessaire,  les  lambeaux  cutanés.  Quant  aux  artères, 
il  est  inutile  de  s'en  préoccuper,  puisqu'elles  se  sont  retirées  au  milieu  des 
chairs  et  que  la  disposition  de  leurs  tuniques  s'oppose  à  l'hémorrhagie. 
Cela  fait,  on  procède  au  pansement,  comme  s'il  s'agissait  d'une  ampu- 
tation. 

V.  Plaies  empoisonnées.  —  Nous  désignerons  sous  ce  nom  toutes  les 
plaies  compliquées  de  l'inoculation  d'un  agent  toxique,  que  ce  soit  un 
venin,  un  virus  ou  un  poison.  Ces  blessures  sont  essentiellement  caracté- 
risées par  ce  fait  que  la  plaie,  en  elle-même,  est  sans  importance,  et 
qu'elle  n'a  pas  plus  d'influence  sur  les  accidents  graves  et  souvent  mor- 
tels qui  vont  se  produire  que  la  piqûre  de  l'aiguille  tubulée  dans  une 
injection  hypodermique. 

Ces  accidents  diffèrent  suivant  la  nature  de  l'agent  toxique  et  sont  tou- 
jours semblables  lorsqu'ils  sont  produits  par  le  môme  agent,  quelle  que 
soit  d'ailleurs  l'étendue  de  la  plaie.  Les  blessures  dont  nous  allons  nous 


IIG  PLAIE.    P.  EMPOISONNÉES. 

occuper  peuvent  donc  se  ranger  d.'ins  trois  catégories  :  celles  qui  résultent 
de  la  morsure  ou  de  la  piqûre  des  animaux  venimeux,  celles  qui  sont  pro- 
duites par  l'inoculation  d'un  virus,  celles  qui  sont  faites  par  des  armes 
ou  des  intruments  imprégnés  d'un  poison  proprement  dit.  Nous  n'avons 
pas  à  parler  ici  des  plaies  appartenant  aux  deux  premières  catégories, 
parce  que  leur  étude  se  rattache  à  celle  des  agents  toxiques  qui  leur  don- 
nent leurs  caractères  spéciaux  (Voy.  Ciiauuon,  Moiive,  Race,  Vipère,  etc.). 

Nous  nous  bornerons  à  dire  un  mot  des  plaies  faites  par  les  armes  em- 
poisonnées et  des  blessures  des  anatomistes,  ces  sujets  rentrant  plus  par- 
ticulièrement dans  notre  cadre  et  n'ayant  pas  été  traités  ailleurs. 

A.  Plaies  faites  par  les  armes  empoisonnées.  —  La  coutume  d'em- 
poisonner les  armes  de  chasse  ou  de  guerre  a  régné  de  tout  temps  chez 
les  peuples  barbares,  et  de  tout  temps  aussi  cette  coutume  a  été  enlouréc 
de  pratiques  superstitieuses  dans  lesquelles  l'imagination  a  toujours  eu  sa 
bonne  part.  Dans  un  travail  rempli  d'érudition  qu'il  a  lu,  le  2  novem- 
bre 1877,  à  l'Institut,  Lagneau  a  retracé  l'histoire  de  ce  passé  toxicologi- 
que  depuis  les  temps  préhistoriques  jusqu'à  nos  jours;  nous  ne  le  sui- 
vrons pas  dans  cette  étude  rétrospective  et  nous  nous  bornerons  à  aborder 
la  question  telle  qu'elle  se  présente  aujourd'hui. 

On  ne  trouve  plus  d'armes  empoisonnées  qu'entre  les  mains  de  quel- 
ques peuplades  sauvages.  La  plupart  d'entre  elles  s'entourent,  pour  leur 
préparation,  d'un  mystère  qui  laisse  planer  les  plus  grands  doutes  sur  la 
nature  des  substances  employées.  C'est  le  plus  souvent  au  suc  de  plantes 
vénéneuses  qu'elles  ont  recours,  et  beaucoup  de  celles  dont  on  cite  les 
noms  sont  trop  peu  actives  pour  déterminer  la  mort  par  une  inoculation 
de  cette  espèce.  D'autres  font  séjourner  leurs  flèches  dans  des  cadavres 
putréfiés,  ce  qui  né  peut  avoir  d'autre  effet  que  de  leur  communiquer  les 
propriétés  septiques  de  nos  instruments  d'amphithéâtre  ;  il  en  est  enfin 
qui  ont  recours  au  venin  des  serpents  ou  à  l'exsudation  cutanée  de 
quelques  espèces  de  batraciens.  Si  l'histoire  de  ces  poisons  est  entourée 
d'obscurité,  celle  de  leurs  effets  sur  l'homme  l'est  bien  davantage  encore; 
toutefois,  il  est  bien  démontré,  pour  nous,  que  ces  armes  sont  plus  redou- 
tables parla  terreur  qu'elles  inspirent  que  par  les  blessures  qu'elles  font. 
Lofait  est  assez  important  pour  que  nous  n'hésitions  pas  à  entrer  dans 
quelques  détails,  afin  de  le  bien  établir. 

Parmi  les  peuplades  de  l'Afrique  qui  ont  conservé  l'habitude  d'empoi- 
sonner leurs  flèches,  on  cite  les  Boschimans,  les  Holtcntots  et  les  Pahouins. 
Les  premiers  se  servent,  dit-on,  de  la  chair  de  la  Vipère  à  cornes,  qu'ils 
pilent  jusqu'à  en  retirer  un  suc  visqueux  ;  les  seconds,  d'un  liquide  ex- 
trait des  bulbes  de  quelques  Amarillidacëes  ou  de  certaines  Euphpr&es; 
les  derniers,  des  graines  de  L'Inée  ou  Onaye,  plante  de  la  famille  ûe&Apo- 
cynces.  Des  expériences  physiologiques  ont  été  laites  par  Polaillon  et  (";n- 
ville  sur  ce  dernier  poison,  à  l'aide  de  graines  qui  leur  avaient  été 
apportées  du  Gabon  par  le  docteur  Vincent,  médecin  de  première  classe 
do  la  marine.  Ils  se  sont  servis  de  l'extrait  alcoolique  et  ils  ont  déter- 
miné la  mort  chez  les  batraciens,  les  poissons,  les  oiseaux  et  nicinc  chez 


PLAIE.    P.   EMPOISONNÉES.  117 

les  petits  mammifères,  à  l'aide  d'injections  contenant  de  5  à  10  milli- 
grammes de  cet  extrait.  Il  est  douteux  qu'en  trempant  la  pointe  de  leurs 
flèches  dans  le  suc  de  ces  graines  grossièrement  broyées  les  Pahouins 
réussissent  à  leur  communiquer  des  propriétés  vénéneuses  bien  redouta- 
bles, mais  il  est  certain  que,  depuis  plus  de  trente  ans  que  nous  occu- 
pons le  Gabon,  jamais  nos  médecins  n'ont  eu  l'occasion  d'observer 
une  seule  blessure  empoisonnée  de  cette  façon.  Les  Anglais  du  Cap  et  de 
Port-Natal,  qui  ont  souvent  des  engagements  avec  les  Hottentots  et  les 
Boschimans,  n'en  ont  pas  vu  davantage. 

Certains  peuples  de  l'Inde  empoisonnent,  cfii-on,  leurs  flèches  avec  le 
suc  d'une  plante  de  la  famille  des  Moracées.'  En  Cochinchine,  les  Mois 
trempent  les  leurs  dans  un  extrait  végétal  qu'on  dit  assez  actif,  lorsqu'il  est 
récemment  préparé,  pour  tuer  un  éléphant.  Richaud,  qui  rapporte  ce  fait, 
s'empresse  d'ajouter  que  les  blessures  faites  à  nos  soldats  avec  ces  pré- 
tendues flèches  empoisonnées  n'ont  amené  aucun  accident  et  ont  guéri 
comme  de  simples  plaies  par  instruments  piquants. 

Les  sauvages  de  l'Océanie  sont  ceux  dont  les  armes  sont  le  plus  redou- 
tées. Les  indigènes  de  Java  et  de  Sumatra,  ceux  des  Nouvelles-Hébrides, 
des  îles  Santa-Cruz  et  Vanikoroo,  ont  à  cet  égard  une  réputation  bien 
établie.  Les  Javanais  emploient  Vapas  antiar,  qui  provient  de  Vanliaris 
toxicaria,  famille  des  Urticées  ortocarpées,  et  Vupas  tieulé,  fourni  par 
une  espèce  de  strychnos.  La  récolte  de  ces  poisons  a  donné  lieu  à  des 
légendes  effrayantes,  mais  les  Hollandais,  qui  ont  eu  de  fréquents  dé- 
mêlés avec  les  Javanais,  n'ont  jamais  observé  de  blessures  empoison- 
nées à  la  suite  de  ces  engagements,  et  on  ne  trouve  pas  un  mot  qui  y 
soit  relatif  dans  les  travaux  publiés  par  leurs  médecins  sur  cette  colonie. 
A.  Sumatra,  tous  les  habitants  sont  armés  de  poignards  dont  les  lames 
sont  presque  toutes  creusées  de  rainures  longitudinales.  Nous  avons  eu 
l'occasion  d'examiner  sur  les  lieux  un  grand  nombre  de  ces  armes,  et 
nous  n'avons  jamais  trouvé  de  trace  de  poison  au  fond  de  ces  rainures, 
ni  entendu  parler  d'accidents  particuliers  survenus  à  la  suite  des  bles- 
sures faites  par  ces  poignards.  Enfin,  dans  leur  guerre  contre  l'empire 
d'Atjeh,  où  ils  se  sont  maintes  fois  battus  à  l'arme  blanche  et  où  ils 
ont  eu  plus  de  sept  cents  blessés,  les  Hollandais  n'ont  pas  signalé  un  seul 
cas  de  blessure  empoisonnée. 

Les  flèches  des  indigènes  des  Nouvelles-Hébrides,  de  Santa-Cruz  et  de 
Vanikoroo,  ne  sont  pas  plus  redoutables,  au  dire  du  docteur  A.  li.  Messer, 
médecin  de  la  frégate  anglaise  la  Pearl.  Il  s'est  livré  à  de  longues 
recherches  sur  ce  sujet,  pendant  sa  station  dans  l'Océan  Pacifique,  et  il 
n  avait  pu  se  procurer  aucun  renseignement  de  quelque  intérêt,  lorsque 
les  circonstances  lui  permirent  d'apprécier  par  lui-même  la  valeur  des 
croyances  qui  régnent  à  cet  égard.  Le  commodore  Goodenough,  un  officier 
et  six  hommes  de  la  Pearl,  furent  attaqués  à  S;m!n-Cruz  par  les  naturels 
et  blessés  par  leurs  flèches.  Tous  les  hommes  de  l'équipage  étaient  con- 
vaincus que  les  plaies  faites  par  ces  armes  étaient  mortelles  et  que  tous 
ceux  qui  en  étaient  atteints  devaient  mourir  du  tétanos.  Le  commodore 


118  PLAIE.  —  P.  EMPOISONNÉES. 

Lui-même,  malgré  la  trempe  solide  de  son  caractère,  ne  pouvait  se  sous- 
traire à  l'obsession  de  cette  pensée,  et  l'événement  parut  lui  donner 
raison,  car  il  l'ut  atteint  du  tétanos  le  cinquième  jour,  et  mourut  le 
huitième.  Deux  de  ses  marins  eurent  le  même  sort  :  les  accidents  téta- 
niques se  montrèrent  chez  eux  le  sixième  jour.  Ainsi,  sur  huit  blessés, 
trois  succombèrent  à  cette  redoutable  complication,  mais,  ainsi  que  le 
fait  observer  le  docteur  Messer,  elle  est  extrêmement  commune  dans 
^Océanie,  et  il  est  impossible  d'admettre  que  le  poison  y  soit  pour  quel- 
que chose,  car  il  n'est  pas  de  substance  toxique  dont  les  effets  attendent 
cinq  ou  six  jours  avant  de  se  manifester. 

Pour  terminer  cette  rapide  revue,  il  ne  nous  reste  plus  qu'à  parler 
des  peuplades  de  l'Amérique  méridionale  qui  habitent  sur  les  bords  de 
l'Amazone  et  de  l'Orénoque.  C'est  de  là  que  nous  vient  le  curare,  ce 
poison  redoutable  qui  a  été,  de  la  part  de  Claude  Bernard,  l'objet  de  tra- 
vaux si  remarquables  (Voy.  Curare,  t.  X,  p.  548).  A  l'époque  où  ré- 
minent physiologiste  poursuivait  ses  recherches,  on  ne  connaissait  pas 
d'une  manière  exacte  la  composition  de  ce  produit.  On  se  demandait 
encore  s'il  ne  devait  pas  son  activité  au  venin  de  quelque  animal.  On  est 
aujourd'hui  bien  fixé  sur  ce  point.  Gubler  a  publié  dans  le  Journal  de 
thérapeutique  du  25  avril  1879  un  important  article  dans  lequel  il 
démontre,  à  l'aide  de  documents  récents,  que  le  curare  est  un  poison 
végétal,  et  le  docteur  Crevaux,  médecin  de  première  classe  de  la  marine, 
qui  explore,  en  ce  moment,  les  bords  de  l'Amazone,  a  écrit  le  10  mars 
1879  au  gouverneur  de  la  Guyane  qu'il  avait  découvert  le  mode  de  pré- 
paration du  curare  et  le  végétal  auquel  il  doit  ses  propriétés  toxiques  : 
c'est  une  liane  très-élevée  qu'il  a  pu  voir  en  fleur  et  dont  il  a  envoyé 
la  photographie  à  Cayenne.  En  faisant  macérer  l'écorce  de  sa  racine  dans 
l'alcool  et  en  injectant  le  liquide  à  une  poule,  on  la  fait  périr  en  trente 
secondes.  On  comprend  que  des  flèches  imprégnées  d'un  pareil  poison 
puissent  donner  la  mort  à  de  petits  animaux  ;  le  fait  est  d'ailleurs  incon- 
testable. Il  est  logique  d'admettre  qu'il  en  arriverait  autant  chez  l'homme, 
s'il  était  atteint  par  un  nombre  suffisant  de  ces  flèches  et  que  leurs  pointes 
vinssent  à  se  briser  dans  la  plaie.  Le  fait  est  vraisemblable,  mais  il  n'est 
pas  démontré.  Nous  n'avons  pas  pu,  du  moins,  en  trouver  une  seule  ob- 
servation concluante,  car  nous  ne  pouvons  pas  donner  ce  nom  à  celles 
qui  ont  été  publiées  par  le  docteur  Fernira  de  Lcmos  (1867).  Il  y  est 
question  de  voyageurs  attaqués  sur  les  bords  de  l'Amazone  par  une 
bande  de  sauvages.  Sept  d'entre  eux  furent  blessés  par  leurs  flèches.  L'un 
succomba  au  bout  de  quelques  heures,  mais  il  avait  reçu  trois  blessures 
à  l'abdomen.  Cinq  autres  ne  ressentirent  aucun  symptôme  particulier,  et 
l'auteur  attribue  cette  immunité  à  ce  qu'ils  burent  de  l'eau  salée  et  en 
lavèrent  leurs  plaies.  Le  dernier  éprouva  des  accidents  bizarres  dans  le 
détail  desquels  nous  ne  pouvons  entrer,  mais  qui  sont  tout  à  fait  diffé- 
rents de  ceux  du  curare,  et  il  finit  par  guérir  après  avoir  subi  l'amputation 
de  la  cuisse  nécessitée  par  des  hémorrhngics  incoercibles  dues  à  ce  que 
l'une  des  flèches  avait  lésé  simultanément  l'artère  lihiale  postérieure  gau- 


PLAIli.  P.   EMPOISONNÉES.  119 

che  et  J'une  de  ses  veines  satellites.  Ces  observations  n'ont  rien  de  con- 
cluant, et  l'auteur  avoue  lui-même  qu'elles  n'ont  pas  toute  la  rigueur 
scientifique  désirable. 

Les  sauvages  du  Gboco  empoisonnent  leurs  llècbes  avec  le  venin  sé- 
crété parla  peau  d'une  grenouille  particulière  au  pays.  A.  Posada  Arango, 
qui  a  publié,  en  1871,  un  travail  très-savant  sur  ce  sujet,  la  désigne 
sous  le  nom  de  Pkyllobates  Chocoensis.  11  a  analysé  le  poison  avec  le 
plus  grand  soin  ;  il  l'a  expérimenté  sur  des  coqs,  des  poules,  des  canards, 
des  ebats  et  des  codions  d'Inde,  et  tous  ceux  qu'il  a  piqués  avec  les  flè- 
ches des  Indiens  du  Choco  sont  morts  en  moins  d'un  quart  d'heure.  Ces 
sauvages,  dit-il,  sont  d'un  naturel  essentiellement  pacifique  et  ne  se  ser- 
vent de  leurs  flèches  que  pour  la  chasse  et  pour  se  défendre  contre  les 
bêtes  féroces,  mais  ils  en  craignent  tellement  les  effets  que,  lorsqu'ils  se 
blessent  accidentellement,  ils  n'hésitent  pas  à  couper  immédiatement  la 
partie  qui  a  été  atteinte,  quand  cette  opération  est  possible.  Les  informa- 
tions manquent  donc  complètement  de  ce  côté  comme  des  autres. 

En  résumé,  nous  sommes  loin  de  révoquer  en  doute  les  effets  que  peu- 
vent produire  sur  l'homme  les  armes  empoisonnées.  Nous  pensons  que 
de  pareilles  blessures.peuvent  occasionner  des  accidents  graves  et  même 
amener  la  mort;  mais  toutes  les  recberebes  que  nous  avons  pu  faire  pour 
en  trouver  des  observations  sérieuses  et  autbentiques  ont  abouti  à  un 
résultat  complètement  négatif.  Les  médecins  des  autres  nations  n'ont  pas 
été  plus  heureux  que  nous,  et  ce  fait  valait  la  peine  d'être  constaté,  parce 
qu'il  est  de  nature  à  diminuer  les  craintes  exagérées  que  les  armes  des 
sauvages  inspirent  à  ceux  qui  sont  exposés  à  en  subir  les  atteintes. 

Le  traitement  à  opposer  à  ces  blessures,  dans  le  cas  où  on  viendrait 
à  en  observer,  est  celui  de  toutes  les  plaies  empoisonnées.  11  consiste  à 
appliquer  immédiatement  une  ligature  entre  le  cœur  et  la  partie  lésée, 
à  inciser  la  plaie  pour  en  mettre  tout  le  trajet  à  découvert,  à  la  laver  à 
grande  eau  et  à  la  cautériser  soit  avec  un  caustique  liquide,  tel  que  le  ni- 
trate acide  de  mercure  ou  l'acide  nitrique,  soit  avec  le  fer  rouge,  suivant 
qu'on  a  l'un  ou  l'autre  de  ces  moyens  à  sa  disposition.  On  peut  aussi 
opérer  la  succion  à  l'aide  de  ventouses,  ce  qui  permet  d'attendre  qu'on 
se  soit  procuré  les  moyens  d'agir  plus  énergiquement.  Il  ne  faut  pas  se 
bâter  d'enlever  la  ligature.  Claude  Bernard  a  donné  à  cet  égard  un  excel- 
lent conseil.  Il  faudra,  dit-il,  relâcher  la  ligature  pendant  un  instant  pour 
la  renouer  aussitôt  qu'apparaîtra  le  premier  symptôme  d'empoisonne- 
ment nouveau,  et  ainsi  de  suite.  La  dose  de  curare  ainsi  fractionnée 
pourra  sans  occasionner  la  mort  traverser  toute  l'économie  et  s'éliminer 
ou  se  détruire.  Enfin,  si,  malgré  l'emploi  de  ces  moyens,  l'i?suc  fatale 
semblait  imminente,  il  faut  savoir,  dit  Paul  Bert,  que  le  danger  peut  être 
combattu  par  la  respiration  artificielle  et  par  elle  seule,  mais  il  faut  bien 
insister  sur  ce  fait  que  cette  pratique  a  besoin  d'être  prolongée  fort  long- 
temps. Ces  conseils  n'ont  été  donnés  qu'en  vue  du  curare,  mais  il  ne  pour- 
rait y  avoir  que  de  l'avantage  à  y  recourir  dans  le  cas  de  blessure  empoi- 
sonnée par  une  autre  substance. 


m 


PLAIE.   —   1'.   DES  ANATOMISTES. 


B.  Plaies  des  Anatomisles. —  11  n'est  guère  de  médecin  qui  ne  se  soit 
blessé,  dans  le  cours  de  ses  études  anatomiques,  et  qui  n'ait  éprouvé  quel- 
ques accidents  à  la  suite  de  cette  blessure.  Les  scalpels,  les  érignes,  les 
épingles,  les  ciseaux,  sont  jetés  au  hasard  sur  les  tables  d'ampbilliéâtre, 
et  ceux  qui  s'en  servent  sont  à  chaque  instant  exposés  à  se  piquer.  Dans 
les  manœuvres  opératoires,  la  scie  s'échappe  parfois  de  sa  voie  et  vient 
blesser  le  pouce  de  la  main  gauche  qui  sert  à  la  lui  tracer.  Souvent  aussi 
c'est  une  esquille  osseuse,  un  fragment  de  côte,  par  exemple,  qui  cause  la 
blessure.  Enfin,  il  arrive  souvent  aux  anatomisles  de  plonger  leurs  mains 
dans  des  liquides  cadavériques,  sans  se  préoccuper  des  plaies  insignifiantes 
qu'elles  peuvent  présenter  et  qui  se  trouvent  ainsi  en  contact  avec  le 
principe  septique.  Les  érosions  de  la  peau  sont  plus  souvent  suivies  d'ac- 
cidents que  les  piqûres  nettes  faites  par  la  pointe  des  scalpels.  D'après 
Billroth,  les  petites  écorchures  non  saignantes  sont  plus  dangereuses,  au 
point  de  vue  de  l'infection,  que  les  incisions  profondes,  par  la  raison 
anatomique  que  les  réseaux  de  lymphatiques  dont  le  pouvoir  absorbant 
est  le  plus  considérable  se  trouvent  précisément  répandus  dans  la  couche 
la  plus  superficielle  du  derme. 

Il  est  à  remarquer  que  les  cadavres  frais  offrent  plus  de  danger  que 
ceux  qui  sont  en  pleine  putréfaction.  Cette  observation,  que  Colles  (de  Du- 
blin) a  faite  le  premier,  a  depuis  été  vérifiée  par  la  plupart  des  anato- 
mistes.  On  prétend  même  que  les  intoxications  les  plus  graves,  celles  qui 
sont  suivies  de  mort  au  bout  de  quelques  jours,  surviennent,  le  plus  sou- 
vent, à  la  suite  des  blessures  faites  en  pratiquant  l'autopsie  de  cadavres 
encore  chauds,  et  Billroth  se  demande  si,  dans  ce  cas,  le  médecin  ne  s'est 
pas  inoculé  une  humeur  pathologique  formée  antérieurement  dans  l'orga- 
nisme vivant,  plutôt  qu'un  virus  cadavérique.  Ce  qui  est  certain,  c'est 
que  les  corps  des  femmes  mortes  de  fièvre  puerpérale,  ceux  des  sujets  qui 
ont  succombé  à  la  suite  d'une  opération  de  hernie  étranglée,  sont  particu- 
lièrement à  redouter.  Il  faut  tenir  compte  aussi  des  prédispositions  in- 
dividuelles. 11  est  des  gens  qui  semblent  jouir  d'une  véritable  immunité  et 
qui  peuvent  impunément  se  blesser,  dans  le  cours  de  leurs  dissections, 
tandis  qu'il  en  est  d'autres  qui  ne  peuvent  se  faire  la  plus  légère  piqûre 
sans  voir  survenir  des  accidents.  Billroth  fait  observer,  avec  raison,  que 
des  infections  répétées  semblent  plutôt  augmenter  que  diminuer  cette  ré- 
ceptivité. 

Les  accidents  qui  se  produisent  à  la  suite  des  plaies  d'amphithéâtre 
diffèrent  essentiellement,  sous  le  rapport  de  la  gravité,  suivant  qu'ils  res- 
tent bornés  à  la  partie  blessée,  qu'ils  s'étendent  aux  membres  tout  entiers 
en  suivant  la  chaîne  des  lymphatiques  et  des  glanglions,  ou  que  le  prin- 
cipe toxique  pénètre  d'emblée  dans  le  torrent  circulatoire  et  s'attaque  à 
l'économie  tout  entière.  Dans  le  premier  cas,  tout  se  borne  parfois  au  dé- 
veloppement d'un  bouton  inflammatoire  semblable  à  celui  de  la  fausse  vac- 
cine et  qui  se  termine  par  la  guérison,  après  avoir  fourni  une  gouttelette  de 
pus.  Souvent  il  se  forme  une  croûte  sous  laquelle  la  suppuration  s'a- 
masse et  qui  se  renouvelle  aussitôt  qu'on  l'enlève  ;  le  point  blessé  reste 


PLAIE.    P.  DES  ANATOMISTES.  121 

(douloureux,  dur,  et  parfois  il  s'y  développe  une  petite  tumeur  que  Follin 
(désigne  sous  le  nom  de  tubercule  anatornique.  C'est  une  hypertrophie 
ipapillairc  du  derme,  violacée,  indolente,  saignant  facilement,  et  quelque- 
fois divisée  en  une  multitude  d'élevures  papuleuses  au  centre  desquelles 
i  existe  un  vide  dont  on  peut  faire  sortir  par  la  pression  une  gouttelette  de 
;pus.  Ces  tubercules  sont  très-nombreux  cbez  quelques  sujets,  et  cela  s'ob- 
i  serve  particulièrement  sur  les  garçons  d'ampliithéâtre,  qui  ont  les  mains 
constamment  plongées  dans  des  liquides  cadavériques. 

Dans  le  second  des  cas  que  nous  avons  prévus,  la  petite  plaie  ne  présente 
d'abord  rien  de  particulier,  mais,  dans  la  journée  qui  suit  la  blessure,  le 
doigt  se  gonfle  et  devient  douloureux  ;  on  y  sent  de  la  cbaleur,  de  la 
i  tension  et  des  battements  :  c'est  le  début  d'un  panaris.  Les  accidents  peu- 
vent rester  bornés  à  la  phalange  et  aux  ganglions  axillaires,  qui  deviennent 
toujours  plus  ou  moins  douloureux  en  pareil  cas,  mais  parfois  il  survient 
une  véritable  angéioleucite,  avec  un  mouvement  fébrile  très-accusé  et  une 
tuméfaction  considérable  des  ganglions  de  l'aisselle,  laquelle  se  termine 
souvent  par  un  abcès. 

Dans  le  troisième  cas,  le  plus  grave  de  tous,  mais  heureusement  le  plus 
rare,  les  accidents  généraux  débutent  brusquement,  de  12  à  18  heures 
après  la  blessure.  Le  malade  est  pris  de  frisson,  de  nausées  et  parfois  de 
vomissements  ;  il  accuse  une  céphalalgie  frontale  intense  ;  le  pouls  est  pe- 
tit, concentré  et  fréquent,  l'anxiété  est  extrême  et  le  système  nerveux  pro- 
fondément déprimé.  En  même  temps,  on  voit  se  produire,  sur  le  point  où 
siège  la  piqûre,  une  petite  vésicule  à  bord  très-nets,  qui  prend  bientôt  l'as- 
pect d'une  pustule  remplie  d'un  liquide  trouble.  11  survient  alors  de  vio- 
lentes douleurs  dans  l'aisselle  et  dans  l'épaule  ;  les  ganglions  axillaires  se 
tuméfient,  ainsi  que  le  tissu  cellulaire  des  régions  sous-scapulaire  et  sous- 
pectorale,  qui  semblent  envahies  par  une  sorte  d'œdème  inflammatoire. 
L'état  général  s'aggrave  rapidement;  l'anxiété  respiratoire  augmente  ;  il 
survient  un  délire  fugace  qui  fait  place  à  un  accablement  profond  ;  le 
pouls  se  déprime,  devient  irrégulier,  et  la  mort  arrive  parfois  avant  la  fin 
du  second  jour.  Dans  quelques  cas,  les  accidents  se  montrent  plus  tard  et 
marchent  avec  moins  de  promptitude.  Le  gonflement  général  du  membre 
ne  survient  qu'au  bout  de  quatre  ou  cinq  jours  ;  il  remonte  rapidement 
jusqu'à  l'épaule  et  jusqu'au  cou,  prend  une  teinte  livide  et  se  termine 
bientôt  par  une  suppuration  gangreneuse  et  des  décollements  étendus. 
En  même  temps,  des  symptômes  ataxiques  se  manifestent,  l'adynamie  se 
prononce  et  la  mort  survient  vers  le  dixième  jour,  avec  tous  les  signes 
d'une  infection  purulente  entée  sur  un  phlegmon  diffus  gangreneux. 

Dans  les  deux  premiers  cas,  il  y  a  lieu  de  croire  que  les  fluides  putréfiés 
ont  porté  leur  action  sur  le  système  lymphatique  seulement  et  qu'elle 
s  est  traduite  par  de  simples  phénomènes  inflammatoires;  maïs,  dans  le 
dernier,  il  faut  bien  admettre  une  intoxication  produite  par  un  poison 
septique  qui  a  pénétré  dans  le  torrent  circulatoire,  en  un  mot,  une  vérita- 
ble SEPTICÉMIE. 

Nous  n'insisterons  pas  sur  la  marche  et  sur  le  traitement  des  accidents 


\22  PLAIE.    QUESTIONS  MÉMCO-LÉfiALES. 

que  nous  venons  de  passer  en  revue,  parce  qu'il  en  a  élu  question  dans 
d'autres  articles  ;  mais  nous  devons  dire  un  mot  des  précautions  à 
l'aide  desquelles  on  peut  les  prévenir.  Elles  sont  simples  et,  le  plus 
souvent,  suivies  de  succès.  Le  premier  soin  à  prendre,  lorsqu'on  vient 
de  se  blesser  à  l'amphithéâtre,  consiste  à  faire  saigner  la  petite  plaie 
en  comprimant  le  doigt  de  haut  en  bas  et  à  y  l'aire  tomber  en  même 
temps  un  fdet  d'eau  froide.  On  peut  également  en  opérer  la  succion.  Il 
faut  continuer  cette  manœuvre  pendant  huit  ou  dix  minutes.  Gela  suf- 
firait, dans  la  majorité  des  cas,  pour  atteindre  le  but,  mais  nous  trouvons 
plus  prudent  d'y  joindre  une  cautérisation  légère.  Le  nitrate  d'argent, 
auquel  on  a  recours  d'habitude,  a  l'inconvénient  de  ne  pouvoir  pénétrer 
jusqu'au  fond  de  la  plaie  :  nous  lui  préférons  les  caustiques  liquides, 
tels  que  le  nitrate  acide  de  mercure  ou  tout  simplement  l'acide  nitri- 
que qu'on  a  toujours  sous  la  main,  dans  les  amphithéâtres.  Il  suffit  d'en 
laisser  tomber  une  gouttelette  enlre  les  lèvres  de  la  petite  plaie  et  de 
la  replacer  immédiatement  sous  le  jet  d'eau  froide.  Ces  moyens,  d'un  em- 
ploi facile  et  très-peu  douloureux,  réussissent  presque  toujours,  lorsqu'on 
y  a  recours  sur-le-champ,  à  prévenir  les  accidents  auxquels  les  anato- 
mistes  sont  exposés.  Jules  Rochat.d. 

Questions  médico-légales  uelatives  aux  tlaies.  —  Pour  qu'il  y  ait  plaie,  il 
faut  qu'il  y  ait  solution  de  continuité  des  parties  sous-jacentes  à  la  peau; 
il  y  a  toujours  dans  ce  cas,  plus  ou  moins,  une  effusion  de  sang,  mais 
sans  qu'il  y  ait  nécessairement  hémorrhagie;  ce  fait  de  l'effusion  du  sang 
est  expressément  retenu,  dans  notre  loi,  comme  un  caractère  aggravant 
les  violences  exercées  et  constitutives  du  crime  lui-même  (art.  521  C.  P.). 

Une  plaie  est  une  blessure,  et  l'histoire  des  blessures,  au  point  de  vue 
médico-légal,  a  été  assez  bien  faite,  dans  ce  Dictionnaire,  par  notre  émi- 
nent  et  regretté  maître,  AmbroiseTardieu,  pour  que  nous  n'ayons  que  peu 
à  ajouter  à  ce  qu'il  a  dit  sur  ce  sujet;  nous  insisterons  seulement  sur 
quelques  considérations  relatives  aux  blessures  en  général,  mais  plus  spécia- 
lement applicables  aux  plaies  et  que  notre  pratique  a  pu  nous  apprendre. 

I.  Il  faut  se  préoccuper,  avant  tout,  lorsqu'on  examine  un  blessé  ou 
lorsqu'on  procède  à  l'autopsie  d'un  cadavre,  (f'énumérer  et  de  décrire 
les  plaies.  Pour  cela,  nous  ne  saurions  trop  conseiller  de  ne  point  se 
contenter  de  simples  noies  ;  il  est  préférable  de  faire,  en  quelques  coups 
de  crayons,  un  schéma  représentant  la  partie  du  corps  où  existent  les 
plaies,  puis  de  représenter  ces  plaies  dans  leur  direction,  leurs  dimen- 
sions, que  l'on  mesure  avec  soin  et  que  l'on  reporte  sur  le  dessin.  Des 
renvois  chiffrés  permettent,  pour  telle  ou  telle  plaie,  d'ajouter  une  note 
complémentaire. 

Depuis  quelques  années,  un  service  photographique  a  été  institué,  à 
la  Préfecture  de  Police,  pour  reproduire,  avant  l'autopsie,  dans  les  cas 
de  mort  violente,  avec  plaies,  la  configuration  extérieure  des  blessures; 
l'intervention  du  médecin  chargé  de  l'autopsie  peut  èlre  utile  pour 
indiquer  au  photographe  quelles  sont  les  parties  qui  doivent  èlre.  plus 
spécialement  reproduites. 


PLAIK.    QUESTIO.NS  MÉDICO-I.KGAI.ES.  125 

U.  Lorsque  les  plaies  ont  été  énumérées  et  décrites,  il  faut  déterminer 
d'abord  de  quelle  façon  ou  avec  quelle  arme  elles  ont  été  produites. 
[Nous  n'avons  pas  à  rappeler  ici  les  caractères  généraux  des  plaies  par 
•  arrachement,  par  morsures.  Les  plaies  par  arrachement  (à  l'exception 
ide  l'arrachement  du  pénis,  mutilation  qui  peut  être  volontaire,  ou  cri- 
minelle et  dans  certains  cas  provoquée  par  un  attentat  à  la  pudeur),  s'ob- 
.  servent  dans  les  cas  de  blessures  par  imprudence. 

Les  plaies  par  morsures  sont  facilement  reconnaissables;  elles  exis- 
tent aux  doigts,  au  nez,  aux  oreilles;  elles  peuvent  être  trouvées  sur  le 
corps  de  la  victime,  souvent  aussi  sur  le  corps  du  meurtrier  ;  elles  sont 
l'indice  d'une  lutte  ayant  précédé  la  mort.  Pour  n'en  citer  qu'un  exem- 
ple, Troppmann,  lorsque  nous  l'avons  examiné,  avait  sur  le  corps  des 
cicatrices  de  morsures,  des  égratignures  au  visage,  des  traces  de  che- 
veux arrachés.  Ces  cicatrices  de  morsures  doivent  être  décrites  et  dessinées 
avec  le  soin  le  plus  minutieux,  car  l'inculpé  cherche  le  plus  souvent  à 
les  expliquer  par  une  tout  autre  cause,  écorchure  ou  brûlure,  etc. 
On  examinera  avec  soin  l'état  des  dents  de  la  victime,  on  peut  avoir 
occasion,  dans  certaines  circonstances,  de  faire  des  comparaisons  utiles. 

Il  faut  savoir  reconnaître  aussi  les  plaies  par  morsures  produites  par 
les  dents  d'un  animal  ;  on  trouve  souvent,  sur  les  cadavres  d'enfants  sub- 
mergés dans  les  égouts,  des  morsures  de  rats  qui,  dans  certains  cas, 
ont  été  considérées  comme  l'indice  de  violences  criminelles  par  des  mé- 
decins peu  expérimentés. 

Les  plaies  conluses  se  reconnaissent  à  leurs  caractères  spéciaux  : 
attritions  des  lèvres  de  la  plaie  et  des  tissus  sous-jacents,  irrégularité 
et  largeur  de  la  plaie  correspondant  souvent  à  la  forme  du  corps 
vulnérant,  etc.  Cependant,  il  faut  cire  prévenu  que  dans  certains  cas 
la  forme  extérieure  de  la  plaie  peut  être  toute  différente  ;  cela  dépend 
surtout  de  la  configuration  des  plans  osseux  sous-jacents;  nous  avons  vu 
des  plaies  du  cuir  chevelu  faites  avec  un  bâton,  plaies  de  formes  régu- 
lièrement curviligne,  aux  lèvres  écartées,  mais  nettement  divisées,  et 
qu'à  un  examen  superficiel  on  aurait  attribué  à  des  coups  de  couteau. 
Un  corps  contondant  quadragulaire  et  massif  peut  faire  des  plaies  étoilées. 

Les  plaies  par  instrument  piquant  gardent  plus  souvent  l'empreinte 
de  l'arme  spéciale  qui  les  a  produites.  Les  plaies  faites  avec  des  ciseaux 
ont  ce  caractère  spécial  d'êtres  doubles  et  formant  un  lambeau  triangu- 
laire dont  le  sommet  est  souvent  mousse  (Tardieu);  la  plaie  faite  par  un 
compas  est  triangulaire  ;  par  un  fleuret,  anguleuse  et  carrée.  Cepen- 
dant, par  le  fait  de  l'écartement  des  tissus,  de  la  direction  suivie  par 
l'instrument  vulnérant,  la  forme  extérieure  de  la  plaie  peut  varier:  c'est 
ainsi  qu'un  poinçon  rond  peut  l'aire  une  plaie  elliptique». 

Lorsque  l'instrument  est  à  la  fois  piquant  et  tranchant;  la  blessure 
présente  alors  des  particularités  qu'il  est  bon  de  .connaître.  Souvent  la 
largeur  de  la  plaie  extérieure  est  plus  considérable  que  celle  de  l'arme 
(Bayard,  Annales  d'hygiène  publ.  et  de  médecine  légale).  Si  la  lame  est 
introduite  par  la  pointe,  les  angles  de  la  plaie  varieront  suivant  que 


PLAIE.    QUESTIONS  MÉDICO-LÉGALES. 

l'instrument  offrira  un  tranchant  simple  ou  double.  Au  dos  de  la  lame 
correspondra  un  angle  tronqué',  au  tranchant  un  angle  très-aigu  (Tardieu, 
Étude  médico-légale  sur  les  blessures). 

Dans  les  plaies  par  instrument  tranchant,  les  bords  sont  nets,  les 
angles,  plus  ou  moins  aigus,  se  terminant  parfois  par  un  prolongement 
de  moins  en  moins  profond.  Les  bords  sont  souvent  écartés,  mais  l'écar- 
teinent  des  lèvres  ne  dépend  pas  de  l'épaisseur  de  la  lame;  elle  dépend 
surtout  de  la  profondeur  de  la  plaie,  de  la  direction  des  fibres  des  tissus 
divisés  par  rapport  à  celle  qu'a  suivie  l'instrument  vulnérant.  Lorsque  la 
blessure  a  été  faite  avec  un  rasoir,  on  peut  reconnaître  en  quel  point 
l'arme  a  été  enfoncée  par  son  talon  et  dans  quelle  direction  elle  a  été 
ramenée  ensuite,  l'incision  se  terminant  par  une  sorte  de  queue  effilée. 
On  peut  reconnaître  également ,  par  les  entailles  pouvant  exister  sur  les 
lèvres  de  la  plaie  ou  dans  sa  profondeur,  si  l'arme  a  été  ramenée  dans  la 
plaie  ;  mais  il  faut  ne  pas  perdre  de  vue  ce  fait  que,  dans  les  cas  de  plaie 
profonde,  l'inégale  rétraction  des  tissus  divisés  par  une  seule  incision, 
peut  donner  l'apparence  d'entailles  plus  ou  moins  régulières. 

La  distinction  de  la  nature  de  la  plaie  et  de  l'espèce  de  l'arme  qui 
l'a  produite  n'est  point  des  plus  faciles;  sur  des  parties  du  corps  où  la 
peau  recouvre  des  parties  molles  et  épaisses,  un  instrument  tranchant 
à  lame  mal  affilée,  comme  un  vieux  couteau,  un  sabre,  etc.,  peut 
faire  des  plaies  à  bords  mâchés,  contus  et  à  angles  mousses  analogues 
à  celles  que  produit  d'ordinaire  un  instrument  contondant.  Dans  les 
autopsies  auxquelles  nous  avons  procédé,  lors  de  l'affaire  Troppmann, 
nous  avons  constaté,  sur  trois  des  victimes,  des  plaies  contuses  semi- 
elliptiques,  et  nous  avons  pu  reconnaître  «  qu'elles  avaient  été  faites  par 
une  arme  telle  qu'un  couteau  brisé ,  agissant  à  la  fois  comme  instru- 
ment tranchant  et  contondant.  » 

Dans  certains  cas,  les  plaies  ont  été  faites  à  l'aide  d'instruments  ser- 
vant à  l'exercice  de  professions  spéciales;  et  il  est  nécessaire  de  connaître 
la  forme  et  la  dimension  des  instruments  tranchants  ou  contondants 
utilisés  dans  certaines  professions,  et  qui  peuvent  servir  d'armes  dans 
certaines  conditions. 

La  forme  des  plaies,  en  apprenant  de  quelle  arme  on  s'est  servi,  peut 
donner  des  renseignements  utiles  sur  la  profession  du  meurtrier. 

Le  siège  et  l'étendue  des  blessures  faites  peuvent  donner  également, 
au  point  de  vue  de  la  profession  du  meurtrier,  des  indications  utiles.  Dans 
le  cas  d'un  jeune  garçon  boucher  de  quinze  à  seize  ans,  trouvé,  la  gorge 
coupée,  au  voisinage  de  l'abattoir  de  Saînt-Ouen,  la  forme  et  la  situation 
de  la  plaie  du  cou  nous  indiquèrent  que  la  victime  avait  été  égorgée  par 
le  procédé  dont  on  se  servait,  à  l'abattoir  même,  pour  tueries  moulons; 
et  ce  détail  a  permis  de  retrouver  le  meurtrier  parmi  les  compagnons  de 
travail  du  jeune  apprenti  boucher. 

En  même  temps  (pie  l'on  est  chargé  d'énumérer  et  de  décrire  les  bles- 
sures, on  doit  également  examiner  les  armes  saisies  et  que  l'on  croit 
avoir  servi  à  faire  les  blessures.  On  ne  peut  jamais  affirmer  que  telle  arme 


PLAIE.    QUESTIONS  MÉDICO-LÉGALES. 


125 


a  dû  nécessairement  faire  telle  ou  telle  blessure;  on  peut  dire  seulement 
que  cette  arme  a  pu  faire  les  blessures  constatées  lors  de  l'examen 
du  blessé,  de  l' autopsie  du  cadavre;  et  lorsqu'il  s'agit  de  l'examen 
d'un  blessé,  il  faut  tenir  compte,  pour  apprécier  ce  que  devait  être 
la  plaie  primitive,  du  temps  qui  s'est  écoulé  depuis  la  blessure  et  de 
la  déformation  à  laquelle  ont  pu  donner  lieu,  dans  l'aspect  primitif 
de  la  plaie,  la  tuméfaction,  l'infiltration  des  tissus  et  l'inflammation 
consécutive. 

Les  plaies  par  arme  à  feu  doivent  être  spécialement  étudiées,  au  point 
de  vue  de  la  nature  du  projectile  et  de  la  distance  à  laquelle  le  coup  a 
été  tiré.  Depuis  quelques  années,  l'arme  le  plus  souvent  employée  est  le 
revolver.  Comme  la  cartouche  de  cuivre  du  revolver  ne  contient  que  des 
traces  de  poudre,  les  recherches  faites  précédemment  et  consignées  dans 
les  livres,  sur  la  distance  à  laquelle  se  produisent  les  brûlures  et  l'in- 
crustation des  grains  de  charbon,  n'offrent  plus  grand  intérêt.  Lors  de 
l'affaire  Godefroy,  nous  avons  dû  chercher  à  déterminer  jusqu'à  quelle 
distance  avaient  pu  se  produire,  dans  un  cas  déterminé,  la  brûlure  et 
l'incrustation  des  grains  ;  les  expériences  ont  été  faites  avec  Vanne  elle- 
même  et  avec  des  cartouches  identiques  à  celles  qui  avaient  servi  au 
meurtrier.  Lorsque  cette  question  de  la  distance  du  coup,  très-importante 
au  point  de  vue  de  la  distinction  entre  le  suicide  et  l'homicide,  sera 
soulevée  de  nouveau,  nous  croyons  qu'il  conviendra  de  procéder  de  la 
même  façon  et  de  se  servir,  pour  chaque  cas  particulier,  de  l'arme  et  de 
la  cartouche  qui  se  rapprochent  le  plus  de  celles  qui  ont  servi  à  com- 
mettre le  meurtre.  La  charge  de  fulminate  et  de  poudre  n'est  point  la 
même  dans  les  cartouches  de  différentes  fabrications,  et  ces  conditions 
font  varier  la  dislance  à  laquelle  peuvent  se  produire  la  brûlure  et  les 
incrustations. 

Dans  les  cas  des  plaies  par  armes  à  feu  autres  que  le  revolver  (fusil  de 
chasse...),  il  faut  recueillir  avec  soin  tous  les  débris  qui  peuvent  se 
trouver  dans  la  plaie  ou  qui  sont  entraînés  par  la  suppuration.  Dans 
certains  cas,  il  a  été  possible  de  recueillir  ainsi  des  débris  de  papier 
ayant  servi  à  la  bourre  et  qui  ont  constitué  ultérieurement  d'importantes 
pièces  à  conviction. 

III.  La  question  du  pronostic  des  plaies  a  été  traitée  à  l'article  :  Bles- 
sures en  général.  Rappelons  seulement  qu'il  ne  convient  point  de  porter 
un  pronostic  d'après  une  seule  visite;  en  effet,  on  sait  combien  sont  nom- 
breuses les  complications  des  plaies  il  faut  tenir  compte  du  siège  de 

la  blessure  (plaies  de  tête,  de  la  racine  du  nez,  etc.),  de  la  constitution 
et  des  habitudes  du  sujet  (ivrognerie,  syphilis,  scrofule),  des  épidémies 
régnantes  (érysipèle,  etc.). 

Au  point  de  vue  de  la  responsabilité  de  l'auteur  des  plaies,  il  faut 
tenir  grand  compte  du  défaut  de  soins  donnés  à  la  victime,  et  surtout 
rechercher  si  l'on  n'a  point  employé,  pour  panser  les  plaies,  des  pom- 
mades ou  onguents  fournis  par  des  empiriques.  C'est  ainsi  que,  s'il  sur- 
vient un  phlegmon  diffus,  consécutivement  à  une  plaie  du  dos  de  la 


120  PLAIE.    QUESTIONS  MÉDICO-LÉGALES. 

main,  pansée  avec  un  onguent  irritant,  la  responsabilité  n'en  saurait  être 
attribuée  à  l'autour  d'une  blessure  souvent  légère. 

Le  pronostic  des  plaies  par  arme  à  feu,  alors  même  qu'elles  semblent 
insignifiantes,  telles  que  celles  laites  par  quelques  grains  de  plomb,  doit 
toujours  être  réservé  ;  nous  avons  vu,  aux  environs  de  Cbartrcs,  un  indi- 
vidu atteint  au  cou  de  deux  grains  de  plomb ,  dans  un  accident  de 
cirasse,  chez  lequel  les  deux  petites  plaies  avaient  guéri,  après  quelques 
jours,  et  qui  succombait,  deux  ans  après,  aux  suites  d'un  anévrysme  de 
la  carotide  causé  par  la  blessure  de  l'artère. 

IY.  Il  est  difficile  de  répondre  avec  précision  à  cette  question  : 
A  quelle  époque  la  plaie  a-l-elle  été  faite?  La  durée  de  la  cicatrisation 
varie,  en  effet,  suivant  la  profondeur  et  l'étendue  de  la  blessure,  l'inten- 
sité de  l'inflammation,  l'abondance  de  la  suppuration,  etc.  La  plaie  cica- 
trisée, rouge  ou  violacée  d'abord,  pâlit  ensuite,  puis  devient  tout  à  fait 
blanche,  dure  et  nacrée.  L'étude  des  cicatrices ,  au  point  de  vue  de 
l'identité,  est  importante  en  médecine  légale,  mais,  lorsque  la  cica- 
trice se  forme,  déjà  la  plaie  n'existe  plus,  et  nous  n'avons  point  à  en  parler 
ici. 

Il  est  plus  facile  de  distinguer  les  plaies  faites  pendant  la  vie  des 
déchirures  ou  solutions  de  continuité  faites  après  la  mort;  celles-ci  sont 
pâles  et  livides,  et  leurs  bords,  incomplètement  rétractés,  ne  sont  pas 
infiltrés  de  sang.  Cette  distinction  est  importante  à  faire,  lorsqu'on  exa- 
mine un  cadavre  de  noyé,  qui  peut  être  mutilé,  sur  lequel  existent  des 
plaies  profondes,  faites  à  l'aide  du  croc,  ou  des  plaies  plus  petites  prove- 
nant de  morsures  d'animaux,  alors  qu'il  ne  s'agit  cependant  que  d'une 
submersion  accidentelle. 

Enfin  on  doit  se  demander  si  les  plaies  proviennent  d'un  accident, 
d'un  suicide  ou  d'un  meurtre.  Nous  n'avons  point  à  répéter  ce  qui  a  été 
dit  à  ce  sujet,  à  propos  des  blessures  en  général  ;  rappelons  seulement 
que,  dans  la  pratique,  cette  question  est  des  plus  complexes. 

Pour  ne  parler  que  de  l'apparence  extérieure  des  plaies,  la  multiplicité 
des  coups  portés  est  une  présomption  de  meurtre,  mais  nous  avons  vu, 
dans  des  cas  de  suicide  avéré,  le  corps  criblé  de  blessures. 

Lorsque  plusieurs  armes  ont  été  employées,  il  y  a  également  pré- 
somption de  meurtre  ;  cependant  nous  avons  vu,  dans  des  cas  de  sui- 
cide, des  blessures  faites  avec  des  armes  différentes,  rasoir  et  revolver, 
poinçon  et  couteau,  serpette,  etc. 

L'examen  du  cadavre,  au  point  de  vue  des  traces  extérieures  de  vio- 
lences indiquant  une  lutte,  l'examen  des  vêtements  surtout,  donneraient, 
dans  cetLc  difficile  question,  des  éléments  de  conviction.  Souvent,  dans 
les  cas  de  suicide,  l'individu,  avant  de  se  frapper,  écarte  ses  vêtements, 
puis  s'assure  du  point  où  il  veut  frapper  ;  il  n'en  est  pas  de  même,  dans 
les  cas  de  meurtre,  les  vêtements  sont  atteints  par  l'arme.  Lorsqu'il  s'agit 
de  décider  s'il  y  a  suicide  ou  meurtre,  on  attache,  et  avec  raison,  une 
grande  importance  à  la  découverte  de  l'arme  près  du  cadavre.  Il  convient 
de  rappeler  cependant  que  quelquefois  l'arme  peut  être  projetée  à  une 


PLAIE.    QUESTIONS  MÉDICO-LÉGALES.  127 

assez  grande  distance;  dans  un  cas  de  suicide  par  égorgement,  que  nous 
avons  eu  occasion  d'observer,  l'arme  n'avait  pu,  malgré  les  recherches  les 
plus  attentives,  être  retrouvée  auprès  du  cadavre;  en  fouillant  le  gilet,  on 
trouva  le  couteau  fermé  et  plein  de  sang  dans  une  des  poches  ;  l'indi- 
vidu, après  s'être  ouvert  la  gorge,  avait  pu,  par  une  sorte  de  mouvement 
automatique,  fermer  son  couteau,  et  l'avait  remis  dans  la  poche  où  il  le 
plaçait  d  habitude.  Il  ne  faut  point  oublier  que,  dans  les  blessures  les  plus 
graves,  alors  que  le  cœur  est  percé,  la  gorge  ouverte,  la  mort  n'est  pas 
toujours  foudroyante;  l'individu  peut  marcher  quelque  temps  encore. 

En  résumé,  dans  celte  question  de  la  distinction  du  suicide  et  du  meur- 
tre, l'étude  de  la  plaie  en  elle-même  ne  peut,  le  plus  souvent,  que  donner 
des  présomptions  ;  mais  dans  certaines  circonstances,  ces  présomptions 
équivalent  presqueà  la  certitude.  Dans  l'affaire  Godefroy,  l'accusé  préten- 
dait que  sa  victime  s'était  suicidée,  tenant  le  pistolet  à  deux  mains,  par 
conséquent  très-rapproché  du  front  (à  moins  de  douze  centimètres).  A 
cette  distance,  il  eut  dû  y  avoir  incrustation  de  grains  de  poudre  et 
brûlure  des  bords  de  la  plaie;  les  bords  de  la  plaie  étaient  nets;  ils 
n'étaient  ni  brûlés,  ni  noircis  ;  le  coup  avait  été  tiré  à  une  plus  grande 
distance.  On  ponvait  donc  conclure  qu'il  n'y  avait  pas  eû  suicide. 

Georges  Bergeron, 

Pour  la  bibliographie,  Voy.  Farf.  Bi-essore. 

Paré  (A.).  Manière  de  traiter  les  plaies  faites  par  arquebuses.  Paris,  1551  ;  —  Œuvres,  édit.  Mal- 
gaigne,  Paris,  1840. 

Ravaton  (11.).  Chirurgie  d'année,  ou  traité  des  plaies  d'armes  à  l'eu  et  d'armes  blanches. 
Paris,  1768. 

Morand.  Précis  de  plusieurs  observations  sur  des  membres  arrachés,  avec  les  conséquences  que 

l'on  en  peut  tirer  (Mémoires  de  l'Académie  de  Chirurgie.  Paris,  1769,  t.  Il,  p.  85). 
Tdobassin.  Sur  l'extraction  des  corps  étrangers  des  plaies  d'armes  à  feu.  Strasbourg,  1788. 
Percy.  Manuel  de  chirurgie  d'armée.  Paris,  1792. 

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PLÉTHORE.  —  Le  mot  pléthore  (Tikrfiû?*,  plethora)  exprime, 
aussi  bien  par  son  étymologie  (tcXy)U£cv,  être  plein)  que  par  le  sens  qu'on 
y  altachc  généralement,  l'idée  de  plénitude,  de  trop-plein,  de  surabon- 
dance, etc.,  et  ol'i'resous  ce  rapport  une  richesse  synonymique  tout  à  fait 


PLÉTHORE.  —  HISTORIQUE. 


129 


concordante,  dans  ces  expressions  :  plenitudo,  replelio,  polijœmia,  copia 
boni  sanguinis,  etc.  Quelles  que  soient  les  applications  spéciales,  ou  plus 
ou  moins  détournées,  qu'on  ait  faites  de  ces  termes  équivalents,  c'est 
toujours  la  même  interprétation,  conforme  au  point  de  départ.  Les  au- 
teurs, sûrs  de  cette  notion  initiale,  ont  pu  s'étendre  à  loisir  sur  un  pa- 
reil sujet;  et  admettre  aussi  bien  une  surabondance  des  diverses  hu- 
meurs que  l'on  distingue,  et  même  de  la  vitalité  et  des  forces  intimes, 
que  du  sang  lui-même,  considéré  comme  la  source  de  toute  activité 
biologique.  La  plénitude  fut  aussi  bien  relative  qu'absolue,  partielle  que 
générale,  substantielle  que  virtuelle,  etc.  ;  et  le  remède,  si  simple  à 
trouver,  fut  toujours  la  déplétion,  c'est-à-dire  la  soustraction  de  l'humeur 
vitale  par  excellence,  le  sang.  Aussi  la  facilité  avec  laquelle  on  prodiguait 
la  saignée  impliquait-elle,  d'une  façon  presque  corrélative,  le  règne 
de  la  pléthore.  L'influence  de  cette  affection  est  bien  contestée  de  nos 
jours;  mais,  comme  les  accidents  qu'on  lui  attribuait  n'étaient  pas 
purement  subjectifs,  la  physiologie  moderne  a  pour  devoir  d'interpréter 
rationnellement  la  pléthore  des  âges  antérieurs,  de  montrer  ce  qui  lui 
correspond  aujourd'hui  parmi  les  troubles  morbides  observés,  et  d'indi- 
quer en  même  temps  quels  sont  les  moyens  propres  à  y  remédier. 

I.  Historique.  —  Dans  un  sujet  qui  a  subi  aussi  profondément  les 
vicissitudes  des  doctrines,  le  point  de  vue  historique  doit  occuper  le 
premier  plan.  Tout  l'intérêt  de  la  question  est  là  :  c'est  en  vain  qu'on 
voudrait  faire  de  la  pléthore  une  entité  nosologique,  et  en  donner  une 
description  didactique,  comme  s'il  s'agissait  d'un  cas  définitivement  ac- 
quis à  la  science,  et  parfaitement  défini.  Tout  proteste  contre  cette 
manière  de  procéder,  et  nous  impose  certaines  limites.  La  pléthore,  c'est 
l'excès  du  bien,  pouvant  seulement  aboutir  parfois  à  quelques  troubles 
fonctionnels,  et  encore  plus  rarement  à  de  véritables  accidents.  Nous 
devons  donc  rechercher  surtout  comment  s'est  établie  la  notion  de  la 
pléthore,  et  comment  cette  conception  s'est  transformée  dans  la  série  des 
âges,  et  jusqu'à  notre  temps,  conformément  aux  doctrines  qui  se  sont 
succédées. 

Nous  voyons  tout  d'abord  que  l'idée  de  la  pléthore  était  déjà  familière 
à  l'époque  d'IIippocrate.  Son  troisième  aphorisme,  interprété  dans  ce 
sens  par  Van  Swieten,  déclare  que  l'excès  même  de  la  santé  est  dange- 
reux; car,  un  équilibre  parfait  étant  impossible,  et  de  même  le  progrès 
vers  le  mieux,  il  est  de  toute  nécessité  de  déchoir.  La  déplétion  peut  être 
dangereuse,  et  non  moins  dangereuse  la  réfection  qui  lui  succède.  Dans 
d'autres  passages,  que  nous  avons  analysés  à  propos  de  la  Dyspepsie  (T.  XII, 
p.  44),  celte  obligation  de  maintenir  une  juste  proportion  entre  la 
recette  et  la  dépense  est  très-nettement  indiquée,  et  dans  des  termes 
tpie  ne  renierait  pas  la  doctrine  de  la  corrélation  des  forces  physiques. 
En  somme,  est-il  dit,  c'est  l'harmonie  du  tout  qui  constitue  la  parfaite 
santé 

Les  progrès  de  la  science,  au  temps  de  Galien,  introduisirent  une  plus 
grande  précision  dans  le  sujet.  Galien  lui-même  reconnaît  que  la  pléthore 

ROOT.  DICT.  MÉD.  ET  CHIH.  XXVIII  —  9 


150 


PLÉTHORE,  —  HISTORIQUE. 


n'est  pas  l'augmentation  de  toutes  les  humeurs,  mais  seulement  de  la 
masse  du  sang  normal.  Les  accumulations  de  bile  jaune  ou  noire,  de 
pituite,  de  sérosité  n'appartiennent  pas  à  la  pléthore,  mais  à  la  cachexie. 
Il  admet  aussi,  d'après  une  opinion  reçue  de  son  temps,  deux  espèces  de 
pléthore  :  l'une  relative  aux  vaisseaux  (xpcç  à.^iî%),  et  l'autre  aux  forces 
(■xpbq  t»]v  Sûva[wv).  La  première  implique  une  réplétion  extrême  des  vais- 
seaux,  au  point  d'exposer  à  une  rupture  imminente,  et  de  gêner  le 
jeu  des  fonctions  par  cette  distension  même  ;  la  seconde  ne  consiste  plus 
dans  une  réplétion  trop  grande  du  système  vasculaire,  mais  dans  ce  fait 
que  la  force  vitale  amoindrie  peut  à  peine  mettre  l'humeur  centrale  en 
mouvement. 

Ces  vues  sur  la  pléthore  restèrent  classiques  tant  que  dura  le  règne  du 
Galénisme,  c'est-à-dire  jusqu'à  une  époque  assez  rapprochée  de  nous,  et 
se  retrouvent  dans  presque  toute  leur  pureté  première  chez  Boerhaave, 
qui  leur  a  donné  l'appui  de  son  autorité.  C'est  encore  là  qu'on  trouve  la 
description  la  plus  complète  de  la  pléthore,  à  peine  distinguée  comme 
cas  morbide  particulier  par  les  autres  auteurs.  Van  Swieten,  le  com- 
mentateur des  aphorismes,  s'en  prend  à  Van  Ilelmont,  qui  hésite  à 
compter  la  pléthore  parmi  les  maladies,  n'admettant  pas  que  ce  qui  est 
bon  puisse  pécher  par  excès  ;  et  il  fait  observer  que,  si  la  pléthore  n'est 
pas  encore  la  maladie,  elle  est  une  telle  situation,  que  la  moindre  addi- 
tion d'humeurs,  ou  que  la  raréfaction  de  ces  humeurs  sous  l'influence  du 
calorique,  ne  peut  manquer  de  troubler  les  fonctions. 

Quelque  soit,  du  reste,  le  rôle  qu'on  accordât  à  la  pléthore,  soit  qu'on, 
eût  égard  à  la  surabondance  générale  du  sang,  soit  qu'on  vît  dans  les 
accumulations  partielles  de  cette  humeur,  constituant  les  congestions 
actives  ou  les  fluxions  inflammatoires,  de  véritables  pléthores  locales, 
jamais  plus  grand  emploi  delà  saignée,  pour  ne  pas  dire  abus,  ne  fut  fait 
que  pendant  le  siècle  dernier,  et  jusqu'à  l'époque  presque  contemporaine,, 
finissant  avec  Broussais  et  son  influence.  Ce  n'est  pas  que  cet  abus  justifie 
absolument  l'espèce  d'abandon  où  se  trouvent  à  l'heure  présente  les 
émissions  sanguines  ;  mais  les  idées  ont  pris  un  autre  cours  :  les  hypéré- 
mies  partielles  ont  reçu  une  interprétation  plus  conforme  à  la  réalité  des 
choses,  et  sont  combattues  par  des  moyens  non  moins  énergiques,  tout 
en  épargnant  le  sang,  dont  il  ne  semhle  pas  qu'on  ait  jamais  une  trop 
grande  proportion. 

Durant  cet  intervalle,  des  données  plus  positives  s'étaient  introduites 
dans  l'histoire  de  la  pléthore.  On  avait  cherché  à  déterminer  quelle  de- 
vait être  la  masse  totale  du  sang  chez  un  homme,  dans  les  conditions 
normales,  d'après  certaines  comparaisons  faites  avec  les  animaux  (Allen 
Moulin).  Mais,  indépendamment  de  l'incertitude  attachée  à  une  pareille 
méthode,  la  quantité  du  sang  peut  encore  varier  avec  la  taille  de  l'indi- 
vidu, avec  la  capacité  relative  des  vaisseaux,  et  enfin  avec  beaucoup 
d'autres  circonstances  encore.  La  considération  de  la  pression  exercée 
par  le  sang  sur  les  parois  vasculaircs  offrait  déjà  des  résultats  plus  facile- 
ment appréciables;  mais,  en  raison  de  l'impossibilité  d'obtenir  celle 


PliÉTHORE.  —  HISTORIQUE.  151 

pression  sur  le  vivant  par  des  moyens  directs,  on  en  était  toujours  réduit 
à  l'apprécier  d'après  certains  caractères  du  pouls,  dont  les  rapports  avec 
la  tension  vasculaire  sont  d'une  nature  tout  à  fait  contradictoire. 

Avec  les  conquêtes  de  l'hématologie  chimique,  la  question  prit  un  tout 
autre  aspect.  Les  travaux  de  Becquerel  et  Rodier  (1841),  d'Andral  et 
Gavarret  (180),  et  de  tant  d'autres,  servirent  de  base  à  une  étude  plus 
rigoureuse  de  la  pléthore.  C'est  le  globule  rouge  qui  devint  l'unité  de 
mesure,  comme  étant  l'élément  le  plus  essentiel  du  sang;  mais  il  ne  fut 
d'abord  évalué  qu'en  masse,  et  par  rapport  aux  autres  parties  consti- 
tuantes de  l'humeur  centrale.  Nous  verrons  dans  quelles  limites  oscillent 
les  résultats  obtenus,  et  quel  écart  peut  exister  entre  le  plus  et  le  moins, 
entre  la  pléthore  et  l'anémie. 

La  science  moderne  fit  mieux  encore.  Aidée  du  microscope,  elle  chercha 
à  dénombrer  ces  globules  rouges,  principe  de  la  richesse  du  sang,  mal- 
gré les  difficultés  de  l'entreprise,  et  l'énormité  des  chiffres  qu'on  devait 
trouver.  Nous  aurons  à  fournir  quelques  détails  sur  ce  sujet,  qui  n'a  reçu 
ses  perfectionnements  pratiques  que  de  nos  jours  (iMalasscz,  1872; 
llayem,  1875). 

La  qualité  du  sang  ne  fut  pas  seulement  appréciée  au  moyen  de  la 
numération  des  globules  rouges,  elle  parut  aussi  subordonnée  à  l'inten- 
sité de  sa  coloration,  due  elle-même  à  V hémoglobine,  substance  intime- 
ment attachée  à  la  constitution  du  globule  rouge.  Le  procédé  de  dosage  de 
l'hémoglobine  est  plus  facile  à  mettre  en  œuvre  que  la  numération  des 
globules  rouges  ;  nous  dirons  sur  quels  faits  il  est  fondé,  et  nous  aurons 
à  juger  de  sa  valeur  réelle.  Il  a  été  imaginé  par  ces  mêmes  auteurs  que 
nous  venons  déjà  de  citer  (Malassez,  1874;  llayem,  1875)  :  comme  on 
le  voit,  il  est  né  d'hier,  pour  ainsi  dire. 

Nous  n'avons  pas  voulu  détourner  l'attenlion  de  la  pléthore  vraie,  clas- 
sique, pour  parler  de  certaines  acceptions  que  le  mot  a  reçues  chemin 
faisant  :  nous  réservant  d'y  revenir  en  dernier  lieu,  pour  être  complet. 
C'est  ainsi  que  l'excès  absolu  de  la  masse  du  sang,  nécessitant  une  déri- 
vation de  cette  humeur  vers  certaines  dépendances  du  système  vasculaire, 
où  elle  s'emmagasine,  donne  lieu  à  une  sorte  de  pléthore  partielle,  avec 
dilatation  variqueuse  de  diverses  sections  du  système  veineux.  Parmi  ces 
déterminations  d'un  ordre  si  particulier,  nous  mentionnerons  la  plélhore 
abdominale,  dans  ses  rapports  avec  la  disposition  hémorrhoïdaire  et 
toutes  ses  conséquences.  Qui  ne  voit  ici  comme  une  consécration  des 
opinions  de  Stahl,  et  comme  le  principe  de  cette  grande  affection  hypo- 
chondriaque,  qui  joue  un  rôle  si  considérable  dans  ses  doctrines? 
La  pléthore  se  révèle,  sous  ce  nouvel  aspect,  avec  son  véritable  sens, 
que  nous  aurons  à  faire  prévaloir  en  temps  opportun,  et  prend  ainsi  une 
consistance  qui  laisse  bien  loin  dans  un  vague  indéterminé  cet  état 
sans  limites  et  sans  attributions,  tel  que  l'on  conçoit  la  pléthore  gé- 
néralement. 

Une  dernière  acception  de  ce  terme  repose  sur  certains  faits  observés, 
d'abord,  dans  le  cours  do  la  grossesse;  alors  qu'il  semble  y  avoir  sura- 


1 3*2  PLETHORE,  —  physiologie  pathologique. 

bondance  de  sang,  donnant  lieu  à  quelques  accidents  qui  cèdent  précisé- 
ment à  l'emploi  de  la  saignée.  Cette  disposition  parait  justifiée  par  l'état 
du  pouls,  qui  implique  une  grande  masse  de  sang  en  mouvement;  et  par 
l'hypertrophie  temporaire  du  ventricule  gauche,  reconnue  par  Larcher 
(1828).  Mais  d'autres  circonstances  reproduisent  les  mêmes  phénomènes  en 
dehors  de  la  grossesse,  toutes  dominées  par  une  certaine  dilution  du  sang. 
L'état  cachectique,  en  un  mot,  se  trouve  mainte  fois  doublé  d'une  sorte 
de  polyémie  séreuse  (Beau,  1846),  forme  de  pléthore,  qui  ne  simule  la 
véritable  pléthore  que  par  ses  caractères  les  plus  accessoires.  Néanmoins 
nous  aurons  à  tenir  compte  de  cette  assimilation  plus  ou  moins  forcée, 
pour  mieux  en  faire  ressortir  les  oppositions  et  les  apparences  para- 
doxales. 

Cet  historique  serait  incomplet,  si  nous  ne  signalions  pas  l'influence 
de  la  méthode  graphique  sur  les  progrès  de  la  question  qui  nous  occupe 
en  ce  moment.  Les  rapports  réciproques  des  circulations  locales  avec  la 
circulation  générale,  et  l'action  des  mouvements  respiratoires  sur  la  ten- 
sion vasculaire,  sont  nettement  établis  au  moyen  de  tracés  qui  ne  laissent 
guère  de  place  à  l'équivoque.  La  véritable  pléthore  se  trouve  ainsi  déga- 
gée des  simples  troubles  circulatoires,  qui  sont  plus  ou  moins  fugaces,  et 
qui  nécessitent  l'emploi  de  moyens  différents,  destinés  à  y  remédier.  On 
peut  donc  affirmer,  sans  crainte  d'être  contredit,  que  la  question  de  la 
pléthore,  longtemps  stationnaire,  a  reçu  de  la  science  contemporaine  des 
éclaircissements  qui  vont  nous  permettre  de  décider  ce  qu'il  y  a  à  prendre 
ou  à  laisser  de  cet  état  qu'on  ose  à  peine  appeler  morbide. 

II.  Physiologie  pathologique.  —  La  notion  de  la  pléthore,  au 
point  de  vue  objectif,  est  relative  aux  diverses  circonstances  suivantes  : 
1°  à  la  masse  totale  du  sang;  2°  au  degré  de  pression  que  ce  sang 
exerce  sur  les  parois  vasculaires;  3°  à  sa  richesse,  soit  en  globules 
rouges,  soit  en  hémoglobine;  4°  enfin  à  quelques  autres  particularités 
secondaires.  Nous  allons  examiner  la  question  sous  chacun  de  ces  diffé- 
rents aspects,  laissant  à  la  clinique  le  soin  de  coordonner  ces  éléments  et 
de  conclure  sous  le  rapport  nosologique. 

1°  On  ne  peut  arriver  à  la  connaissance  de  la  masse  totale  du  sang, 
chez  l'homme  vivant,  que  par  des  voies  détournées  et  d'une  façon  tout 
approximative.  Partant,  il  est  encore  plus  difficile  de  dire  à  quel  point 
précis  commence  la  pléthore  par  surabondance  de  la  masse  sanguine; 
car,  à  l'absence  de  moyens  certains  pour  évaluer  la  quantité  de  sang  que 
l'on  possède,  s'ajoutent  les  incertitudes  provenant  des  écarts  considéra- 
bles dans  les  résultats  obtenus  tant  bien  que  mal,  sans  sortir  des  limites 
physiologiques.  C'est  ainsi  que,  d'après  Cl.  Bernard ,  et  suivant  qu'un 
animal  est  à  jeun  ou  en  pleine  digestion,  la  masse  totale  du  sang  peut 
varier  du  simple  au  double.  Dans  ces  termes,  on  conçoit  quelles  pertur- 
bations apportent  à  la  solution  du  problème  les  actes  les  plus  simples  de 
la  vie,  qui  tantôt  ajoutent  et  tantôt  enlèvent  à  la  masse  de  nos  humeurs. 

On  avait  bien  songé  à  appliquer  la  méthode  de  numération  des  glo- 
bules rouges  à  l'évaluation  de  la  quantité  moyenne  du  sang  ;  et  Vierordt, 


PLÉTHORE.   —  PHYSIOLOGIE  PATHOLOGIQUE.  155 

le  premier  (1852-54),  avait  proposé  un  procédé  qui  serait,  à  la  rigueur, 
praticable  chez  l'homme  vivant.  MaisMalassez  (1874),  tout  en  indiquant 
quatre  autres  moyens  de  dosage  fondés  sur  le  même  fait,  est  obligé  de 
reconnaître  que  les  résultats  obtenus  sont  loin  d'être  absolus  ;  et  d'ail- 
leurs on  ne  peut  opérer  que  sur  des  animaux,  puisqu'il  faut  les  sacri- 
fier. Cet  auteur  a  néanmoins  énoncé  un  principe  qui  peut,  par  extension, 
recevoir  son  application  chez  l'homme  et  éclairer  la  question  qui  nous 
occupe  :  c'est  le  principe  de  la  capacité  globulaire  ;  à  savoir,  le  rap- 
port qui  existe  entre  le  nombre  des  globules  rouges  et  l'unité  de  poids 
de  l'animal,  en  supposant  le  sang  distribué  avec  égalité  dans  tous  les 
tissus.  Il  ne  faut  pas  confondre  la  capacité  globulaire  avec  la  richesse 
globulaire,  qui  n'est  que  le  nombre  absolu  des  globules  rouges  par  mil- 
limètre cube  de  sang.  Voici  maintenant  quelques  faits  qui,  sans  exiger  la 
connaissance  de  la  masse  du  sang,  peuvent  être  utiles  à  savoir  : 

Relativement  à  l'âge,  il  semble,  du  moins  dans  les  premières  périodes 
de  la  vie,  que  la  capacité  et  la  richesse  globulaires  vont  d'abord  en  aug- 
mentant, tandis  que  le  volume  total  du  sang  diminue. 

L'influence  du  régime,  produisant  l'engraissement  de  l'animal,  amène 
une  diminution  de  la  capacité  globulaire  et  du  volume  du  sang;  mais  la 
richesse  en  globules  augmente.  Il  s'ensuit  que  l'embonpoint  se  développe 
plus  rapidement  que  le  sang. 

Dans  l'amaigrissement,  au  contraire,  le  volume  proportionnel  du  sang 
augmente;  et  la  capacité  globulaire  et  la  richesse  globulaire  diminuent  : 
il  y  a  hydrémie. 

Dans  l'inanition,  il  y  a  à  la  fois  diminution  de  la  capacité  et  de  la 
richesse  globulaire  et  du  volume  du  sang  :  le  sang  paraît  plus  vite  affecté 
que  tout  autre  tissu. 

Chez  un  inanitié,  Malassez  évalue  la  réduction  de  la  masse  du  sang  au 
soixante-dixième  du  poids  du  corps;  tandis  que,  chez  un  individu  sain, 
dont  le  sang  était  destiné  à  être  transfusé  au  précédent,  la  proportion 
était  environ  du  neuvième. 

De  ces  faits,  qui  ne  nous  dispenseront  pas  de  revenir  sur  la  numéra- 
tion absolue  des  globules  rouges  dans  ses  rapports  avec  la  pléthore,  nous 
pouvons  conclure  que  cet  état  du  sang  est  indépendant  de  ce  qui  est 
la  marque  extérieure  de  la  force  et  de  la  santé,  l'embonpoint  et  l'exubé- 
rance des  masses  musculaires  :  il  serait  plutôt  en  opposition  avec  ces 
apparences. 

C'est  qu'en  effet,  la  surabondance  de  sang  doit  se  traduire  par  cer- 
tains phénomènes  qui  impliquent  une  prédominance  du  liquide  sur  le 
solide,  dont  on  chercherait  en  vain  les  attributs  sur  les  individus  san- 
guins qu'on  qualifie  trop  volontiers  de  pléthoriques.  Il  y  a  là  une  erreur 
qui  a  longtemps  subsisté,  et  dont  il  faut  revenir.  Si  à  l'homme  d'un 
tempérament  sanguin,  on  oppose  un  homme  à  tempérament  bilieux, 
on  remarquera,  entre  autres  caractères,  chez  ce  dernier,  un  développe- 
ment exagéré  des  veines  sous-cutanées,  souvent  une  tendance  à  l'état  vari- 
queux de  ces  veines;  les  veines  hémorrhoïdaires  sont  également  vari- 


PLÉTHORE,           rilYSIOLOGIE  I'atiiologiqh  . 


queuses;  tout  annonce  une  sorte  de  pléthore  abdominale,  qui  se  trahit 
par  des  malaises  propres  aux  hypocliondriaques,  et  qui  se  juge,  soit  par 
des  épistaxis,  soit  surtout  par  des  flux  hémorrhoïdaux.  Cet  ensemble 
annonce  une  surabondance  de  sang,  un  trop-plein,  qui  tend  à  relluer 
dans  le  système  veineux,  et  à  y  constituer  de  véritables  réserves  :  tel  est 
le  sens  général  de  l'affection  hémorrhoïdairc ,  chez  l'homme  principale- 
ment! Pour  ce  qui  est  de  la  femme,  il  y  a  une  circonstance,  la  grossesse, 
qui  entraîne  une  sorte  de  pléthore,  s'annonçant  par  des  varices  des  mem- 
bres inférieurs,  et  indirectement  par  l'hypertrophie  du  ventricule  gauche 
(Larcher,  1828).  L'origine  d'un  pareil  état  est  moins  dans  la  présence 
d'un  fœtus,  qui  gêne  la  circulation,  que  dans  le  fait  de  la  suppression 
des  règles  qui,  chaque  mois,  enlevaient  le  trop-plein  du  système  vascu- 
laire.  Si  on  voulait  nier  le  rôle  et  l'utilité  de  ces  réserves  de  sang,  il  suffi- 
rait de  citer  le  cas  de  celte  servante  qui,  à  chaque  grossesse,  se  faisait 
avorter  en  comprimant  les  varices  qu'elle  portait  aux  membres  infé- 
rieurs. 

Cette  forme  de  pléthore  est  bien  la  pléthore  ad  vasa ,  par  excellence  ;  l'ex- 
pansion de  la  masse  sanguine,  sous  l'influence  de  la  chaleur,  ou  delà  pres- 
sion atmosphérique  diminuée,  donne  lieu  à  la  variété  de  pléthore  dite  ad 
volumen;  tandis  que  la  réduction  du  champ  circulatoire,  par  le  fait  d'une 
amputation,  par  exemple,  constitue  la  variété  ad  spatium.  Ces  distinc- 
tions ont  leur  importance,  puisqu'elles  spécifient  telle  ou  telle  condi- 
tion étiologique  particulière;  elles  sont,  jusqu'à  un  certain  point,  indé- 
pendantes de  la  qualité  du  sang,  c'est-à-dire  de  sa  richesse  en  globules 
rouges,  de  sa  consistance  et  de  sa  densité.  Aussi  a-t-on  admis  une  autre 
espèce  de  cet  état  qui  mérite  les  noms  de  pléthore  ou  de  polyémie 
séreuse.  La  pléthore  de  la  grossesse  est  en  grande  partie  de  cette  nature  ; 
des  accoucheurs  célèbres  (Désormeaux,  P.  Ménière,  1828)  ont  mis  sur 
son  compte  bon  nombre  des  accidents  de  la  grossesse,  et  ont  ainsi  jus- 
tifié l'emploi  de  la  saignée,  si  largement  fait,  même  à  simple  titre  pré- 
ventif. 

'Le  même  ensemble  symptomatique  a  conduit  certains  observateurs 
(Beau,  1845-56)  à  admettre  une  sorte  de  pléthore  de  cachexie,  compre- 
nant à  la  fois  une  plus  ou  moins  grande  hydratation  du  sang,  et  une 
surabondance  apparente  de  l'humeur  en  circulation.  L'hydralalion  se 
traduit,  en  pareil  cas,  par  une  transsudation  du  sérum  hors  des  vais- 
seaux, et  par  un  affaiblissement  de  la  coloration  rouge  du  >ang;  tandis 
que  la  soi-disant  pléthore  serait  accusée  par  une  réplétion  extrême  des 
vaisseaux,  par  des  congestions  viscérales  et  par  des  bruits  de  souffle. 
Mais,  dans  ce  tableau  si  habilement  tracé,  les  apparences  jouent  un  plus 
grand  rôle  que  la  réalité  ;  et  nous  aurons  à  décider  jusqu'à  quel  point, 
dans  la  pléthore,  la  quantité  du  sang  peut  se  séparer  de  sa  qualité. 

2°  La  pression  que  le  sang  exerce  sur  les  parois  vasculaires,  est  aussi 
un  élément  important  de  la  question.  Il  peut  toujours  y  avoir  phlétorc 
relative,  du  moment  que  la  tension  intravasculaiic  dépasse  un  certain 
degré.  Les  caractères  de  la  forte  tension  sont  précisément  ceux  de  la 


PLÉTHORE.  — 


PHYSIOLOGIE  PATHOLOGIQUE. 


155 


surabondance  de  la  masse  sanguine,  et  ont  servi  de  point  de  départ  à  une 
variété  de  pléthore,  ad  vires,  qui  s'est  introduite  tout  empiriquement 
■dans  la  science.  Ces  caractères  sont  :  la  petitesse  et  la  dureté  du  pouls , 
le  ralentissement  des  pulsations  cardiaques,  et,  dans  les  tracés  sphyg- 
mographiqucs,  le  peu  d'amplitude  de  la  courbe  et  le  défaut  de  dicro- 
lisme.  En  même  temps,  on  observe,  dans  les  cas  extrêmes,  tous  les  acci- 
dents propres  à  la  concentration  des  forces  (oppressio  virium) ,  et 
jusqu'à  Yalgidité  cholériforme  la  plus  inquiétante.  Un  pareil  état  reçoit 
sa  solution,  soit  d'une  émission  sanguine  faite  à  propos,  ou  de  toute 
autre  déplétion  ;  et,  corrélativement,  du  relâchement  du  réseau  capil- 
laire de  la  périphérie,  dans  cette  phase  de  réaction  qui  suit  si  avanta- 
geusement la  période  de  frisson  et  d'algiilité. 

Cette  forme  de  pléthore  se  rencontre  dans  un  grand  nombre  de  cir- 
constances, dont  quelques-unes  s'écartent  à  peine  de  l'état  physiologique. 
On  l'observe  dans  le  simple  frissonnement  du  froid  et  de  la  terreur,  et 
dans  le  degré  le  plus  avancé  de  l'algidité  cholérique  et  de  l'étranglement 
intestinal.  Elle  suppose  une  énorme  concentration  de  sang  dans  les  or- 
ganes intérieurs,  où  la  vie  semble  se  réfugier,  et  y  constitue  une  pléthore 
ad  vasa  réelle,  quoique  temporaire  et  fugace.  Il  existe  momentanément 
une  congestion  des  grosses  veines  afférentes  du  cœur,  et  une  dilatation 
des  cavités  droites,  en  rapport  avec  l'état  asphyxique  et  l'angoisse  où  se 
trouve  le  malade.  Des  transsudalions,  telles  que  Venlérorrhée  choléri- 
que, compensent  à  peine  cette  tension  extrême,  qui  ne  saurait  durer  sans 
danger,  et  qui  ne  se  trouve  efficacement  levée  que  par  la  relaxation  du 
réseau  capillaire  périphérique.  Alors,  à  la  forte  tension  succède  la  faible 
tension,  à  la  petitesse  et  à  la  lenteur  du  pouls,  l'ampleur  et  la  vitesse,  au 
refroidissement  le  réchauffement,  à  la  suspension  momentanée  de  la  vie 
extérieure  l'expansion  de  toutes  les  activités  fonctionnelles,  à  Voppressio 
virium  la  réaction.  C'est  alors  la  fièvre  dans  ses  manifestations  les  plus 
amples.  Le  système  vasculairc  est  le  théâtre  de  ces  mouvements  antago- 
nistes, qui  sont  liés  entre  eux  par  des  lois,  inscrites  automatiquement 
parles  procédés  graphiques  (Marey,  1865;  S.  Tschirjew,  1877). 

Les  divers  actes  de  la  vie  nutritive,  les  congestions  actives  ou  passives, 
présidant  aux  phlegmasies  ou  aux  hémorrhagies,  constituent  autant  de 
cas  de  pléthore  relative,  et  entretiennent  les  mêmes  alternatives  entre  la 
tension  vasculairc  profonde  et  la  périphérique. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  la  quantité  de  sang  que  l'on  possède,  le  système 
artériel  s'accommode  toujours  pour  conserver  un  certain  état  de  pression, 
sous  lequel  s'accomplissent  les  divers  actes  de  la  vie,  et  qui  donne  en 
partie  la  mesure  de  l'énergie  vitale,  comme  le  manomètre  du  générateur 
de  vapeur.  Cette  pression,  qu'on  a  pu  déterminer  chez  les  animaux,  n'est 
pas  exactement  connue  pour  l'homme  :  elle  est  d'ailleurs  incessamment 
variable.  Il  y  a  pourtant  des  sections  du  système  artériel,  où  l'adaptation 
ne  se  fait  plus  aussi  strictement,  lorsque  la  tension  intra-vasculaire  vient 
à  s'aba  isser  au-dessous  de  certaines  limites,  par  suite  d'anémie  surtout. 
C  est  dans  l'aorte,  où  l'absence  de  l'élément  contractile  ne  permet  pas  de 


136 


PLÉTHORE.  —  physiologie;  pathologique:. 


régler  le  calibre  du  vaisseau  suivant  la  masse  du  sang  qui  le  traverse.  Il 
en  résulte  des  écarts  considérables  entre  le  maximum  et  le  minimum  de 
tension,  et  une  excursion  des  parois,  qui  donne  naissance  aux  ballemenls 
aortiques  (voy.  t.  II,  p.  79i).  En  thèse  générale,  on  sera  d'autant  plu» 
voisin  de  l'état  pléthorique,  dans  les  conditions  ordinaires  de  la  vie,  que 
la  tension  vasculaire  sera  plus  près  de  sa  limite  supérieure,  sans  pouvoir 
s'abaisser  beaucoup  au-dessous  :  l'exploration  du  pouls  servira  de  mesure 
dans  ce  cas. 

C'est  encore  sous  l'influence  de  la  pression  atmosphérique,  que  ces 
accommodations  auront  le  plus  lieu  de  s'exercer.  La  tension  intra-vascu- 
laire  ne  vaut  que  par  son  écart  au-dessus  de  la  pression  extérieure.  On 
sait  ce  qui  se  passe  dans  les  ascensions  en  ballon,  et  réciproquement 
dans  la  cloche  du  plongeur  ;  et  par  le  jeu  alternatif  de  ces  deux  conditions 
extrêmes,  on  peut  en  quelques  secondes  accroître  la  pression  vasculaire 
jusqu'aux  ruptures  hémorrhagiques,  ou  lui  faire  équilibre  jusqu'à  l'an- 
nuler pour  ainsi  dire.  On  se  rend  ainsi  compte  enfin  du  rôle  de  la  pres- 
sion barométrique  dans  un  grand  nombre  de  troubles  fonctionnels  aussi 
mobiles  qu'elle,  et  souvent  inexplicables. 

3°  Mais  c'est  la  qualité  du  sang  qu'il  s'agit  surtout  d'apprécier. 
Qu'importe  que  ce  sang  remplisse  outre  mesure  le  système  circulatoire,  et 
que  ce  système  soit  monté  au  degré  de  la  forte  tension,  si  le  liquide  en 
mouvement  est  dépourvu  de  vertus  vivifiantes.  Il  est  donc  nécessaire  que 
le  sang  ait  une  certaine  densité,  qu'il  soit  suffisamment  riche  en  globules 
rouges,  que  ces  globules  eux-mêmes  soient  en  état  d'accomplir  énergique- 
ment  leur  tâche  intime,  et  qu'enfin  dans  toutes  leurs  proportions,  les 
éléments  constituants  de  l'humeur  centrale  soient  tels  que  le  comporte  le 
type  moyen  de  la  vie.  La  pléthore  ne  commencera  que  lorsque  l'un  ou 
l'autre  de  ces  principes  constitutifs,  ou  tous  à  la  fois,  dépasseront  une 
limite  déterminée. 

Parmi  les  parties  intégrantes  du  sang,  les  globules  ronges  occupent  le 
premier  rang  par  l'importance.  Il  y  a  donc  lieu  de  les  apprécier  eux- 
mêmes,  et  pour  la  proportion  que  le  sang  en  renferme.  Ce  dernier  point 
nous  occupera  d'abord. 

Dans  les  premiers  essais  rigoureux  d'hématologie,  on  s'est  surtout  in- 
quiété de  mesurer  en  masse  ces  globules  rouges,  et  d'en  donner  le  poids 
absolu  pour  1000  parties  de  sang.  Mais  les  résultats  ne  sont  pas  constants; 
ils  varient  avec  les  observateurs,  et  même  d'un  instant  à  l'autre  chez  le 
même  individu.  (Voy.  art.  Sang.)  Afin  de  fixer  les  idées,  nous  indiquerons 
le  chiffre  de  127  pour  1000,  adopté  par  Andral  et  Gavarret,  et  qui  a 
plutôt  servi  à  marquer  une  limite  supérieure  pour  les  anémies,  et  surtout 
la  chlorose,  qu'à  édifier  les  esprits  à  l'égard  de  la  pléthore.  Cependant 
nous  voyons  la  proportion  de  131,  de  154  (moyenne  141)  pour  1000, 
dans  des  cas  se  rapportant  à  ce  dernier  étal  morbide. 

Ces  résultats  ont  heaucoup  perdu  de  leur  importance  depuis  qu'on  a 
entrepris  de  compter  ces  globules  rouges  eux-mêmes.  Les  principes  de 
cette  numération  sont  indiqués  d'autre  pai  (art.  Sang),  et  nous  n'avons  à 


PLÉTHORE.    PHYSIOLOGIE  PATHOLOGIQUE. 


137 


nous  occuper  ni  des  moyens,  ni  des  faits  qui  n'intéressent  pns  directement 
notre  sujet.  Cependant  nous  indiquerons  la  méthode  de  Hayem  (1875), 
comme  la  plus  simple  et  la  plus  facile,  pour  arriver  à  connaître  le 
nombre  des  globules  rouges  par  millimètre  cube  de  sang.  Maintenant  à 
quel  chiffre  pourra-t-on  dire  qu'il  y  a  pléthore?  Est-ce  à  quatre  millions? 
à  six  millions?  etc.  Il  est  bien  difficile  de  se  poser  des  bornes  fixes  à  cet 
égard,  car  une  multitude  d'influences  font  varier  ces  proportions.  C'est 
ainsi  que,  pour  ne  citer  qu'un  exemple,  Brouardel  (1876)  a  vu  une  pur- 
gation  élever  le  chiffre  habituel  des  globules  rouges  d'un  million  par 
millimètre  cube,  et  quelquefois  de  deux  millions.  Il  est  vrai  que  le  pre- 
mier rapport  ne  tardait  pas  à  se  rétablir,  à  la  suite.  De  même,  chez  un 
inanitié,  il  a  compté  4  849  595  globules  rouges,  chiffre  relativement 
considérable,  qui  a  permis  à  notre  ingénieux  observateur  d'émettre  ce 
paradoxe  :  «  Voulez-vous  rendre  un  homme  pléthorique?  mettez-le  à  la 
diète,  et  purgez-le.  »  Il  n'est  pas  besoin  de  dire  que  la  réciproque  est 
également  vraie;  et  qu'un  repas  copieux,  délayant  le  sang,  le  rend  plus 
pauvre  en  globules.  Mais  nous  savons  aussi  que  la  solution  du  problème 
de  la  pléthore  ne  dépend  pas  que  d'un  seul  facteur. 

Le  globule  rouge  étant  considéré  comme  l'élément  essentiel  du  sang, 
et,  ainsi  que  Malassez  le  désigne,  comme  la  monnaie  respiratoire,  il  ne 
suffit  pas  d'en  connaître  le  nombre  exact,  mais  aussi  quelle  est  sa  charge 
en  hémoglobine.  L'hémoglobine,  à  quelque  titre  que  ce  soit,  est  le  prin- 
cipe qui  fixe  l'oxygène  de  l'air  dans  l'acte  de  la  respiration,  et  sert  à  le 
dépenser  dans  tous  les  points  de  l'organisme.  Un  globule,  quoique  volu- 
mineux, comme  dans  la  chlorose,  peut  être  pauvre  en  hémoglobine;  et  sa 
richesse  en  cette  substance  est  le  vrai  mobile  de  son  utilité  et  de  son 
énergie.  Il  est  donc  important  d'en  opérer  le  dosage,  pour  juger  de  la 
valeur  d'un  certain  sang.  Ce  dosage  est,  en  général,  fondé  sur  l'intensité 
de  la  coloration  du  sang  donné,  en  rapportant  la  nuance  observée  à  un 
chiffre  connu  de  globules  rouges.  (Yoy.  art.  Sang.)  Il  arrive  ainsi 
qu'avec  moins  de  globules  rouges,  et  avec  des  globules  plus  petits,  un 
sang  peut  être  plus  riche  en  hémoglobine,  et  par  conséquent  plus  vrai- 
ment pléthorique,  qu'un  autre  sang  dont  il  faut  plus  de  globules  rouges 
pour  obtenir  la  même  teinte,  et  le  même  pouvoir  respiratoire,  par  con- 
séquent. 

L'hémoglobine,  à  son  tour,  paraît  devoir  ses  vertus  dynamiques  au  fer 
qu'elle  contient.  D'après  les  évaluations  les  plus  récentes,  elle  ne  renfer- 
merait pas  moins  de  0.42  pour  100  de  ce  métal.  D'un  autre  côté,  l'action 
du  fer,  chez  les  chlorotiques,  se  traduit  par  une  augmentation  rapide  de 
la  richesse  globulaire,  et  parallèlement  de  la  charge  en  hémoglobine.  Ces 
faits,  observés  à  l'occasion  des  anémies  et  de  la  chlorose,  servent  par 
extension  à  concevoir  l'état  pléthorique,  sans  qu'aucun  terme  précis 
permette  de  dire  où  finit  l'anémie,  où  commence  la  pléthore. 

4°  Il  n'est  pas,  d'ailleurs,  un  seul  des  éléments  du  sang  que  la  chimie 
a  distingués  et  dosés,  qui  n'apporte  son  contingent  au  sujet  qui  nous 
occupe.  On  peut  même  poser  en  fait  que  la  pléthore  est  une  sorte  de 


158 


PLÉTHORE.    AI'l'UCAHONS  CLINIQUES. 


résultante  de  toutes  les  activités  intimes  de  l'humeur  centrale,  s'exerçant 
avec  harmonie,  mais  à  la  limite  supérieure  même  de  ces  énergies.  De 
sorte  qu'avec  un  degré  de  plus  la  désunion  commence,  et  les  troubles 
fonctionnels  en  même  temps.  1!  en  résulte  qu'on  doit  rencontrer  une. 
juste  proportion  de  fibrine,  ou  mieux  de  plasma,  pour  servir  de  milieu 
kYhémalie;  et  des  principaux  sels  :  chlorure  de  sodium,  phosphate  de 
soude,  etc.,  qui  favorisent  les  réactions  propres  à  la  respiration  et  à  la 
nutrition. 

Il  est  si  vrai  que  cet  ensemble  de  richesse  globulaire  et  en  hémo- 
globine constitue  le  point  culminant  de  la  vie  physiologique,  ou  pléthore, 
que,  dès  le  premier  pas  de  l'état  morbide,  l'équilibre  est  rompu.  On  sait 
avec  quelle  vitesse  se  consomment  les  globules  rouges  dans  les  inflam- 
mations, les  pyrexies,  les  dégénérescences,  et  surtout  les  hémorrha- 
gies,  etc.  Un  des  points  les  plus  remarquables  de  cette  destruction,  c'est 
le  défaut  d'emploi  de  la  fibrine  qui  sert,  pour  ainsi  dire,  d'atmosphère 
au  globule  rouge,  et  qui  dès  lors  se  précipite  avec  tant  de  facilité,"  soit 
dans  le  vase  de  la  saignée,  soit  dans  les  parties  qui  sont  le  siège  de  la 
détermination  morbide.  Cette  prépondérance  de  la  fibrine  se  retrouve 
dans  le  cours  de  la  plupart  des  cachexies,  et  même  dans  la  chlorose,  à 
l'exception  peut-être  des  affections  scorbutiques.  Un  nouvel  équilibre 
tend  à  s'établir  par  un  appel  surabondant  de  l'élément  aqueux;  la  tension 
intra-vasculaire  remonte;  une  autre  forme  de  plénitude  ou  pléthore  ap- 
paraît :  c'est  notre  plélhore  ou  polyémie  séreuse. 

Il  faut  encore  tenir  compte  de  la  qualilé  du  sang,  et  surtout  de  sa  den- 
sité' dans  leurs  rapports  avec  les  mouvements  circulatoires.  Nous  nous 
contenterons  de  rappeler  ici  que  le  sang  circule  d'autant  plus  facilement 
qu'il  est  moins  dense  (art.  Cibculation,  t.  VII,  p.  720)  ;  et  que  la  dispo- 
sition à  produire  des  bruits  de  souffle  est  en  raison  inverse  de  cette  den- 
sité (art.  Auscultation,  t.  IV,  p.  490).  Renversez  les  termes  de  ces  deux 
propositions,  et  vous  en  aurez  fait  l'application  à  la  pléthore.  D'un  autre 
côté,  les  recherches  de  Malassez  (1875)  nous  montrent  l'inégale  ri- 
chesse du  sang  en  globules  rouges,  suivant  les  différentes  parties  de 
l'arbre  circulatoire,  et  une  foule  d'autres  circonstances  accessoires;  cela 
implique  une  grande  diversité  parmi  les  circulations  locales,  qui  sont 
d'autant  plus  entravées  que,  d'après  l'expression  vulgaire,  le  sang  est 
plus  épais. 

Il  nous  reste,  à  présent,  à  transporter  ces  données  de  physiologie  pa- 
thologique sur  le  terrain  de  la  clinique,  pour  y  recevoir  leur  véritable 
signification,  et  y  trouver  leur  utilité  pratique, 

III.  —  Applications  cliniques.  —  Nous  avons  déjà  fait  pressentir 
combien  il  serait  difficile  de  réunir  dans  un  même  cadre  tous  les  phéno- 
mènes propres  à  la  pléthore,  pour  en  conclure  à  une  unité  nosologiquc 
bien  définie.  Nous  pensons,  au  contraire,  qu'il  y  a  lieu  de  former  plu- 
sieurs groupes  parmi  les  symptômes  que  l'analyse  précédente  nous  a  révé- 
lés, et  de  rattacher  chacun  d'eux  à  sa  série  naturelle,  d'après  ses  affinités. 
C'est  ainsi  que  nous  distinguerons,  d'abord,  trois  grands  cas  principaux 


PLETllOllli.    APPLICATIONS  CLINIQUES.  159 

pour  la  pléthore  proprement  dite  :  1°  l'un  relatif  à  la  surabondance  du 
sang;  2°  le  second,  sous  la  dépendance  de  la  pression  inlravasculaire  ; 
et  5°  le  troisième  caractérisé  par  la  richesse  du  sang  en  globules  rouges 
et  en  hémoglobine.  Puis,  nous  admettrons  un  quatrième  et  dernier  cas, 
pour  la  pléthore  fausse  ou  paradoxale. 

1°  Pléthore  par  surabondance  de  la  masse  sanguine.  —  C'est  la 
pléthore  vraie  ou  classique  par  excellence,  la  pléthore  ad  vasa  des  au- 
teurs anciens.  Elle  n'est  pas  une  maladie,  mais  une  prédisposition  ex- 
trême à  ces  trouhles  morbides  qu'engendre  le  trop-plein,  ou  l'excès  dans 
le  bien.  Elle  résulte  d'une  accumulation  des  produits  de  la  digestion,  que 
leur  surabondance,  ou  que  l'allanguissement  des  fonctions  laisse  sans 
emploi.  Elle  est  l'attribut  des  gros  mangeurs,  des  gens  sédentaires,  et  ne 
se  montre  guère  que  durant  l'âge  mûr.  Elle  appartient  encore  à  ceux  qui 
ont  subi  l'amputation  d'un  ou  plusieurs  membres,  et  qui,  ayant  la  même 
puissance  digestive,  n'offrent  plus  une  capacité  vasculaire  suffisante.  La 
femme,  après  l'âge  de  retour,  se  retrouve  dans  le  même  cas,  étant  privée 
d'un  flux  sanguin  périodique,  devenu  une  nécessité.  Durant  la  grossesse, 
un  pareil  état  peut  être  observé;  mais  il  se  complique  d'une  sorte  de 
pléthore  anomale,  que  nous  signalerons  par  la  suite. 

Cette  forme  de  pléthore  se  traduit  par  le  signe  physique  le  moins  équi- 
voque, une  ampliation  du  système  veineux,  qui  offre  en  différents  points  du 
corps  des  dilatations,  des  sinuosités,  constituant  les  varices,  les  tumeurs 
variqueuses,  et  plus  spécialement  le  varicocèle,  les  hémorrhoïdes,  etc. 
On  ne  saurait  douter  de  la  signification  de  ces  états  anatomiques, 
quand  on  voit  des  hémorrhagies  périodiques  et  critiques  prendre  une 
telle  voie  comme  si  elles  n'en  étaient  que  l'aboutissant  obligé  et  naturel; 
et  lorsque  les  malaises,  propres  à  la  période  préparatoire,  disparaissent 
avec  la  crise  qui  leur  succède.  Ces  malaises  sont  ceux  de  Y  affection  hgpo- 
chondriaque,  conçue  selon  les  idées  de  Stahl,  et  correspondant  à  ce  que 
les  Allemands  appellent  la  vénosilé.  C'est  un  sentiment  d'angoisse,  de 
dyspnée,  de  tension  des  hypochondres,  avec  dispositions  aux  vésanies 
tristes,  etc.  :  le  tout  aboutissant  parfois  à  une  épistaxis,  ou  mieux  à  une 
poussée  hémorrhoïdaire,  avec  lénesme  et  enfin  flux  hémorrhagique.  Si 
l'hémorrhagie  donne  la  solution  d'un  tel  état  morbide,  on  ne  manque  pas 
de  le  voir  reparaître  au  bout  d'un  certain  temps,  lorsqu'une  nouvelle 
surabondance  du  sang  sans  emploi  se  fait  sentir.  On  ne  peut  mieux 
comparer  cette  situation  qu'à  celle  de  la  menstruation  chez  la  femme  : 
chaque  période  cataméniale  est  une  nécessité  physiologique;  et  lorsqu'une 
circonstance  quelconque,  telle  que  la  grossesse  ou  le  retour  d'âge,  vient 
à  supprimer  une  pareille  habitude,  nous  savons  déjà  que  les  mêmes 
phénomènes  d'ampliation  veineuse  et  de  ilux  supplémentaire  ne  tardent 
pas  à  se  montrer. 

Sans  insister  davantage  sur  des  faits  qui  n'ont  peut-être  pas  encore 
reçu  l'interprétation  que  nous  en  donnons,  mais  qui  la  méritent  bien, 
nous  ferons  remarquer  que  la  pléthore,  envisagée  à  ce  point  de  vue,  cor- 
respond plutôt  à  l'ensemble  du  tempérament  bilieux  qu'à  celui  du  tem- 


140 


PLÉTHORE.  — 


APPLICATIONS  CLINIQUES. 


Défaillent  sanguin.  Avec  les  mêmes  attributs,  elle  expose  aux  mêmes 
complications  morbides.  La  surabondance  du  sang  l'emporte  sur  sa  ri- 
chesse globulaire,  et  la  tendance  aux  hémorrhagies  conduit  même  peu  à 
peu  certains  malades  à  l'anémie,  ou  à  la  polyémie  séreuse.  La  stagnation 
du  sang  dans  les  dilatations  veineuses  implique  un  certain  ralentisse- 
ment du  mouvement  circulatoire,  particulier,  du  reste,  aux  tempéra- 
ments bilieux.  Le  contact  prolongé  de  l'humeur  centrale  avec  les  tissus 
fait  qu'il  se  surcharge  de  principes  uratiques  ;  et,  de  là  à  la  goutte  et  à 
la  gravelle,  il  n'y  a  qu'un  pas.  Enfin  le  fait  même  de  l'excès  de  la  masse 
sanguine  donne  au  pouls  les  caractères  de  la  forte  tension  :  circonstance 
qui  prédispose  d'autant  plus  aux  hémorrhagies  que  le  sujet  est  plus 
avancé  en  âge,  et  que  ses  vaisseaux  sont  plus  athéromateux.  Parmi  les 
hémorrhagies  dues  à  cette  cause,  Y  apoplexie  cérébrale  est  une  des  plus 
fréquentes  et  des  plus  redoutables. 

On  devra  compléter  cet  exposé  par  l'étude  des  varices,  en  général,  et 
de  Y  affection  hémorrhoïdaire,  en  particulier. 

Le  traitement,  non  pas  de  celte  forme  de  pléthore  elle-même,  mais  des 
accidents  auxquels  elle  donne  lieu,  est  tout  indiqué.  Si  la  nature  ne 
provoque  pas  un  soulagement  prompt  par  une  hémorrhagic  spontanée 
critique,  il  faut  l'aider  dans  ses  efforts,  et,  par  des  émissions  sanguines 
générales,  ou  mieux  locales,  opérer  la  spoliation  nécessaire  au  retour  de 
l'ordre  et  du  bien-être.  On  devra  autant  que  possible  déterminer  l'hé- 
morrhagie  là  où  elle  tendait  à  se  faire  :  appliquer,  par  exemple,  des 
sangsues  à  l'anus  chez  un  hémorrhoïdaire.  Cependant,  tenant  compte  des 
voies  détournées  qu'utilise  la  dérivation  (v oy.T.  XI,  p.  192),  on  allégera 
une  tension  sanguine  des  parties  supérieures  trop  forte,  par  cette  même 
émission  hémorrhoïdaire,  spontanée  ou  provoquée. 

Aucun  autre  moyen  ne  vaudra  celui  que  nous  mettons  en  avant;  et  si 
l'on  préconise  parfois  certains  purgatifs  drastiques,  c'est  dans  le  but  de 
porter  le  molimen  hémorrhoïdaire  à  son  plus  haut  degré,  et  d'amener  la 
rupture  par  excès  de  pression. 

Mais  il  y  aura  lieu  également  de  combattre  la  disposition  à  un  pareil 
état  par  des  moyens  hygiéniques  convenables  :  faire  par  exemple  succéder 
à  une  vie  trop  sédentaire  des  occupations  qui  nécessitent  l'emploi  des 
forces  physiques,  et  accroissent  la  dépense  des  substances  qu'accumule  la 
nutrition;  ou  bien  alors  diminuer  la  recette,  et  la  proportionner  à  l'acti- 
vité que  l'on  développe.  Il  faut,  en  outre,  combattre  la  constipation  habi- 
tuelle en  pareil  cas;  et  peut-être,  en  assurant  des  évacuations  régulières 
et  abondantes,  prévenir  une  plénitude  trop  imminente.  C'est  à  ce  titre 
que  certaines  eaux  minérales,  comme  celles  de  Niederbronn.  de  Ilom- 
bourg,  de  Biermenstorlf,  etc.,  conviennent  si  bien  aux  pléthoriques  hypo- 
chondriaques.  Peu  importe  le  mode  de  dcplétion,  pourvu  que  le  but  soit 
atteint,  et  surtout  qu'il  le  soit  à  moindres  frais  pour  l'organisme.  Sous 
ce  rapport,  les  évacuations  alvines  ont  un  avantage  marqué,  surtout  chez 
les  pléthoriques  qui  ont  déjà  passé  l'âge  moyen  de  la  vie,  chez  les  hom- 
mes obèses  et  chez  les  goutteux. 


PLÉTHORE.           APPLICATIONS  CUBIQUES. 


L'atténuation  de  la  masse  sanguine  peut  encore  être  obtenue,  dans 
quelques  cas,  par  l'action  des  eaux  minérales  alcalines,  et  particuliè- 
rement des  eaux  de  Vichy  et  congénères.  Il  est  de  tradition,  en  effet,  que 
les  hommes  à  tempérament  bilieux,  et  voués  aux  conséquences  de  la  plé- 
thore abdominale  et  de  la  vénosité,  se  trouvent  bien  d'un  pareil  traite- 
ment. 

2°  Pléthore  par  excès  de  pression  intravasculaire .  —  Nous  avons 
vu  plus  haut  quelles  étaient  les  conditions  physiologiques  de  cette  forme 
de  pléthore,  et  comment,  par  une  adaptation  particulière  du  système 
vasculaire,  les  apparences  du  trop-plein  se  reproduisaient  exactement, 
de  même  que  dans  le  cas  précédent.  C'est  une  pléthore  essentiellement 
relative,  que,  par  rapport  à  la  pléthore  ad  vasa,  on  qualifiait  de  pléthore 
ad  vires,  comme  si  la  gêne  de  la  circulation  ne  provenait  plus  de  la  sur- 
abondance du  liquide  à  mouvoir,  mais  seulement  de  l'insuffisance  dans 
l'impulsion. 

Cette  pléthore  est  plus  souvent  partielle  que  générale.  Cependant  il 
existe  telles  circonstances  presque  physiologiques  qui  nous  mettent  en 
présence  d'un  état  de  cette  nature,  étendu  à  l'universalité  du  corps  :  c'est, 
d'une  part,  lorsqu'il  y  a  plénitude  vraie  du  système  circulatoire,  et  que 
par  conséquent  la  tension  vasculaire  reste  toujours  voisine  d'un  point  maxi- 
mum, et  limite  les  excursions  des  parois  des  vaisseaux;  et,  d'autre  part, 
dans  les  cas  de  pression  atmosphérique  forte,  soit  libre,  soit  artificielle. 
Ici  encore  les  oscillations  du  ressort  vasculaire  sont  nécessairement  bor- 
nées. De  toute  façon  les  explorations  sphygmographiques,  ou  simplement 
tactiles,  indiquent  ce  qu'il  en  est,  par  les  signes  de  la  forte  tension,  qu'il 
est  inutile  de  reproduire  en  ce  moment. 

On  connaît  mieux  les  troubles  qui  résultent  d'une  rupture  brusque 
d'équilibre  entre  la  pression  atmosphérique  et  la  pression  intravascu- 
laire, lorsque  la  première  vient  subitement  à  baisser,  comme  dans  les  as- 
censions de  montagnes  ou  en  aérostat,  que  les  phénomènes  inverses. 
Cependant,  il  est  admis  qu'une  forte  pression  à  l'extérieur,  dans  la  cloche 
du  plongeur  ou  dans  les  appareils  à  air  comprimé,  est  plutôt  accompagnée 
de  bien-être  général,  d'une  respiration  plus  libre  et  d'un  allégement  de 
tous  les  mouvements  :  au  point  que  l'art  s'est  emparé  de  ce  fait,  et  l'ex- 
ploite au  grand  avantage  de  certains  malades,  parmi  lesquels  on  range 
précisément  les  asthmatiques  et  les  anémiques. 

Mais  les  pléthores  partielles,  de  la  nature  de  celles  qui  nous  occupent, 
apportent  un  bien  plus  grand  trouble  fonctionnel  que  les  précédentes,  et 
nous  placent  définitivement  sur  le  terrain  morbide.  Nous  distinguerons, 
à  cet  égard,  le  groupe  de  Valgidité,  celui  de  Voppressio  virium,  et  enfin 
celui  des  congestions  proprement  dites.  Nous  avons  établi  les  données  de 
physiologie  pathologique  qui  correspondent  à  ces  formes  exceptionnelles 
de  pléthore;  il  nous  reste  à  les  présenter  au  point  de  vue  clinique. 

Le  groupe  de  Valgidité  est  bien  connu  ;  c'est  cet  état  dans  lequel  tout 
le  sang  semble  s'être  réfugié  à  l'intérieur  des  principaux  viscères,  tandis 
que  la  chaleur  eL  la  vie  ont  en  quelque  sorte  abandonné  la  périphérie.  On 


142  PLÉTHORE.  —  applications  cliniques. 

ne  peut  douter  qu'il  n'en  soit  ainsi,  lorsqu'on  voit  tout  le  réseau  vasculaire 
extérieur  vide  de  sang,  et  comme  un  ratatinement  de  l'enveloppe  géné- 
rale du  corps  qui  est,  dans  les  conditions  ordinaires  de  la  vie,  dans  une 
sorte  d'érection  physiologique.  Il  faut  bien  admettre  des  lors  qu'il  y  a 
trop-plein  ou  pléthore  des  cavités  viscérales,  y  compris  les  organes 
qu'elles  recèlent.  Nous  n'avons  pas  à  entrer  dans  les  détails  d'une  pa- 
reille situation;  il  nous  suffira  de  renvoyer  aux  cas  qui  y  correspondent 
cliniquement  :  à  l'algidité  cholérique,  au  frisson  de  la  lièvre,  aux  ma- 
laises de  la  nausée,  de  la  migraine,  aux  accidents  de  l'iléus  et  du 
péritonisme,  à  la  colique  hépatique,  néphrétique,  etc.  Lorsque  cet  état 
est  porté  à  l'extrême,  on  peut  observer  des  ruptures  hémorrhagiques, 
des  transsudalions  séro-sanguines,  et  des  mouvements  colliquatifs  dont  le 
flux  cholérique  donne  une  idée  exacte.  Il  ne  s'agit  là  que  des  accidents 
purement  mécaniques,  qui  ne  jugent  pas  la  maladie;  celle-ci  n'a  d'autre 
fin  que  la  cessation  même  du  spasme,  le  relâchement  du  réseau  capillaire 
périphérique,  et  le  retour  du  sang  dans  les  parties  qu'il  avait  quittées  : 
c'est,  en  un  mot,  la  réaclion.  Cet  événement  est  l'issue  habituelle  d'un 
état  fort  grave,  qui  à  lui  seul  est  dans  le  cas  de  compromettre  l'existence, 
si  la  nature  ou  l'art  n'interviennent  pas  promptement.  Dans  cette  dernière 
circonstance,  on  a  recours  au  réchauffement  artificiel  du  malade,  aux 
frictions,  et  à  certaines  substances,  données  à  l'intérieur,  qui  opèrent 
dans  le  même  sens,  tel  que  l'opium  ou  la  morphine,  et  en  général  toute 
la  classe  des  excitants  diffusibles. 

Le  groupe  de  Yoppressio  virium  offre  beaucoup  d'analogies  avec  le 
précédent.  Il  n'en  diffère  que  parce  qu'il  correspond  à  une  détermination 
morbide  définie,  qu'il  n'est  pas  fugace  à  la  façon  de  l'algidité,  et  qu'il 
fait  souvent  illusion  sur  sa  véritable  signification.  On  l'observe  à  la  suite 
des  grands  traumatismes ,  des  brûlures  étendues,  dans  le  cours  d'im- 
portantes phlegmasies  viscérales,  comme  la  pneumonie,  par  exemple, 
dans  certains  anthrax  de  mauvaise  nature,  etc.  La  présente  circonstance 
est  remarquable  surtout  par  une  extrême  prostration  des  forces,  et  par 
cet  état  qualifié  d'adynamie.  Malgré  la  gravité  de  sa  situation,  le  malade,' 
frappé  de  stupeur,  demeure  indifférent  à  ses  souffrances  et  à  tout  ce  qui 
l'entoure.  C'est  sous  l'empire  d'une  sensation  excessive,  que  se  fait  cette 
sorte  de  concentration  des  forces;  il  y  a  comme  une  compression  des 
centres  nerveux  par  l'afflux  du  sang,  qui  cesse  pour  ainsi  dire  de  circuler: 
du  moins  il  y  a  la  plus  grande  analogie  entre  cet  état  et  les  signes  de 
la  compression  cérébrale.  Cette  plénitude  des  vaisseaux  de  l'encéphale 
et  du  canal  médullaire  cesse  comme  par  enchantement,  et  les  désordres 
qu'il  entraine,  par  une  dérivation  puissante  qui  appelle  le  sang  loin  des 
régions  où  il  est  accumulé,  et  notamment  par  l'emploi  de  la  saignée 
générale.  À  la  suite  de  l'émission  sanguine,  il  semble  qu'un  obstacle 
soit  écarté;  et  que,  l'humeur  centrale  recommençant  à  circuler,  les 
fonctions  se  raniment  et  la  vie  se  réveille.  D'autre  part,  l'affection 
morbide,  qui  commande  une  pareille  situation,  ne  peut  entrer  en  réso- 
lution qu'à  ce  prix.  Il  faut  encore  remarquer  que  tout  moyen  capablo 


PLÉTHORE.           APPLICATIONS  CLINIQUES. 


145 


d'atténuer  les  impressions  excessives,  qui  oppriment  ainsi  le  jeu  des 
fonctions,  pourrait  êlre  mis  en  usage  au  môme  titre  :  sous  ce  rapport, 
les  injections  hypodermiques  de  morphine  et  les  inhalations  de  chloro- 
forme donneraient  le  même  résultat,  à  moindres  frais. 

Enlin  le  groupe  des  congestions  proprement  dites,  congestions  actives, 
congestions  passives,  congestions  hémorrhagiques,  inflammatoires,  tro- 
phiques,  congestions  par  paralysie  et  par  rétention,  etc.  ,  nous  placent 
dans  un  cas  tout  à  fait  analogue  :  une  pléthore  locale  excessive  rompt 
l'équilibre  de  la  circulation  générale,  et  a  pour  conséquence  une  déshar- 
monie  de  l'ensemble  physiologique.  Des  accidents  nombreux  résultent 
de  cet  appel  fait  au  profit  de  la  partie  malade,  et  sont  en  rapport  avec 
l'excès  de  tension  d'un  côté,  et  avec  son  insuffisance  de  l'autre.  C'est 
l'économie  tout  entière  se  prêtant  à  une  accommodation  vicieuse,  il  est 
vrai,  mais  inévitable.  Parmi  les  formes  multiples  que  prend  la  pléthore 
par  congestion,  nous  signalerons  particulièrement  l'ensemble  de  phéno- 
mènes touchant  à  l'état  morbide,  et  qui  sont  le  produit  de  Veffort.  Pour 
le  reste,  nous  renvoyons  à  l'article  congestion  (T.  IX,  p.  15)  qui  donnera 
la  clé  de  bien  des  difficultés  inhérentes  au  sujet  actuel,  et  qui  le  complé- 
tera tout  naturellement. 

5°  Pléthore  par  richesse  en  globules  rouges  et  en  hémoglobine.  —  Ici, 
nous  nous  éloignons  plus  que  jamais  de  l'état  morbide  :  c'est  au  contraire 
l'idéal  de  la  santé,  sans  qu'on  puisse  dire  à  quel  point  précis  commence 
la  pléthore.  Un  pareil  état  se  revêt  des  attributs  du  tempérament  sanguin 
(voyez  Tempéraments),  et  n'a  guère  d'autres  inconvénients  que  d'exposer 
ceux  qui  le  présentent  aux  affections  inflammatoires  franches,  à  la  pneu- 
monie principalement  ;  et  l'indication  thérapeutique  toute  trouvée,  c'est 
la  saignée  faite  largâ  manu.  L'extrême  densité  du  sang,  unie  à  une  plasti- 
cité non  équivoque,  amène,  surtout  au  voisinage  des  déterminations  mor- 
bides, des  stases,  des  ralentissements  du  mouvement  circulatoire,  con- 
duisant assez  facilement  à  Voppressio  virium.  Il  faut  enlin  savoir  que 
celte  richesse  en  globules,  en  hémoglobine,  en  monnaie  respiratoire, 
comme  l'appelle  iMalassez,  n'est  pas  nécessairement  liée  à  la  surabon- 
dance de  la  masse  du  sang  :  sous  ce  rapport,  il  existe  un  certain  anta- 
gonisme entre  cette  forme  de  pléthore  et  la  première  que  nous  ayons 
étudiée;  il  est  le  même  que  celui  qui  apparaît  entre  le  tempérament 
bilieux  ou  hémorrhoïdaire,  et  le  tempérament  sanguin  qui  a  un  tonus 
vascularis  plus  énergiquement  constitué,  et  se  prête  par  conséquent 
moins  facilement  à  l'ampliation  variqueuse. 

Si  la  pléthore  par  excès  de  richesse  n'est  pas  un  mal,  il  y  a  néanmoins, 
dans  cet  état  bien  et  dûment  constaté,  comme  un  critérium  ou  un  étalon 
pour  la  santé;  et  lorsqu'on  aura  reconnu,  chez  un  individu,  une  certaine 
exubérance  globulaire,  comme  cinq  à  six  millions,  par  exemple,  avec  une 
intensité  de  coloration  proportionnelle  en  hémoglobine,  et  cela  d'une 
façon  moyenne  et  habituelle,  tout  abaissement  notable  et  persistant  dans 
ces  résultats  indiquera  qu'il  y  a  déchéance  organique  et  menace  pour 
la  santé.  La  vitesse  de  la  chute  sera  mesurée  par  la  diminution  plus  ou 


|/t4  PLÉTHORE.    APPLICATIONS  CLINIQUES. 

moins  rapide  du  nombre  des  globules  rouges,  sacbant  que  l'état  morbide 
les  consomme  avec  une  extrême  avidité.  A  ce  litre,  la  numération  des 
hématies  et  le  dosage  de  l'hémoglobine  sont  de  précieuses  conquêtes 
pour  la  science  du  pronostic. 

Jusqu'à  présent,  nous  avons  envisagé  les  différents  aspects  sous  les- 
quels apparaît  la  pléthore,  comme  autant  de  formes  distinctes  dans  cet 
état  plus  ou  moins  morbide  ;  or,  il  peut  se  faire  que  ces  distinctions  quel- 
que peu  arbitraires  soient,  au  fond,  les  éléments  d'un  même  tout,  et  que 
la  vraie  pléthore  soit  précisément  constituée  par  leur  réunion.  Rien 
n'empêche,  en  effet,  que  l'on  observe  tout  à  la  fois  chez  le  même  sujet 
la  surabondance  absolue  du  sang,  un  état  de  tension  circulatoire  élevé, 
et  une  grande  richesse  en  globules  et  en  hémoglobine  :  ces  diverses  cir- 
constances vont  parfaitement  ensemble  ;  mais  on  peut  affirmer  que  leur 
concours  harmonique  constituerait  un  idéal  de  la  santé  qui  est  rarement 
atteint.  Nous  pensons  que  la  vérité  se  trouve  sur  le  terrain  analytique; 
d'autant  plus,  que,  loin  de  poursuivre  une  entité  chimérique,  nous  nous 
sommes  tenu  dans  les  limites  d'une  simple  étude  de  physiologie  patholo- 
gique. 

4°  Pléthores  fausses  ou  paradoxales.  —  Il  nous  reste  à  dire  quelques 
mots  de  certains  états  qui  simulent  la  pléthore,  et  que  nous  avons  déjà 
entrevus  dans  ce  qui  précède.  C'est  principalement  au  lit  du  malade  que 
doit  s'agiter  une  pareille  question,  particulièrement  liée  à  des  apparences. 
La  masse  du  sang  semble  surtout  surabondante  ;  mais  on  ne  peut  nier 
que  la  charge  en  hémoglobine  ne  soit  toujours  faible,  le  nombre  des  glo- 
bules rouges  fût-il  même  assez  considérable.  Quoiqu'il  en  soit  de  ces  dé- 
tails, il  importe  avant  tout  de  se  placer  en  face  de  cas  particuliers. 

C'est  à  l'occasion  de  la  grossesse  que  l'idée  de  cette  pléthore  a  été 
principalement  soulevée;  et  la  plupart  des  accidents  propres  à  cet  état 
ont  été  mis  sur  le  compte  d'un  excès  de  sang.  Certains  phénomènes  justi- 
fiaient cette  manière  de  voir,  et  notamment  la  dilatation  variqueuse  des 
veines  des  membres  inférieurs,  la  bouffissure  et  l'ampliation  du  corps 
tout  entier,  et  jusqu'au  développement  hypertrophique  du  ventricule 
gauche  du  coeur,  signalé  par  Larcher,  impliquant  une  plus  forte  ondée 
sanguine  mise  en  mouvement,  etc.  Enfin  les  bons  résultais  de  la  saignée, 
si  largement  employée  autrefois,  venaient  donner  leur  appui  à  celte  opi- 
nion. On  ne  saurait  du  reste,  sans  l'accepter  dans  sa  totalité,  méconnaître 
la  surabondance  de  la  masse  sanguine  prouvée  par  tant  de  faits,  et  même 
par  la  nécessité  de  la  situation  ;  mais  ce  sang  est  relativement  pauvre  :  les 
globules  rouges  ont  diminué  de  nombre,  leur  charge  en  hémoglobine  est 
faible;  il  a  gagné  en  fibrine, et  il  est  plus  hydraté. Cet  état  est  qualifié  de 
polyémie  séreuse,  et  se  retrouve  dans  d'autres  circonstances  que  la  gros- 
sesse. 

On  l'observe  tout  d'abord  dans  la  chlorose,  qui  présente  les  mêmes 
signes  extérieurs  de  pléthore,  dans  la  bouffissure  du  visage,  dans  les  ver- 
tiges, la  céphalalgie,  les  pulsations  cardiaques,  les  bruits  de  soufflet  qui 
semblent  annoncer  qu'une  forte  ondée  parcourt  rapidement  le  système 


PLÉTIIOHE.           APPLICATIONS  CLINIQUES. 


145 


.artériel.  Enfin  il  n'est  pas  jusqu'à  une  certaine  coloration  du  visage  (chlo- 
iwsis  florida)  qui  ne  puisse  faire  illusion. 

Tout  cet  ensemble  appartient  à  la  plupart  des  états  cachectiques,  et  la 
piépondérance  de  tel  symptôme,  comme  la  tuméfaction  légère  des  tissus, 
indépendamment  des  véritables  suffusions  hydropiques,  va  jusqu'à  mas- 
quer, pendant  un  certain  temps,  l'amaigrissement  du  sujet  et  trompe 
sur  l'étendue  des  ressources  qui  lui  restent. 

Les  mêmes  objections  peuvent  s'adresser  à  ces  différents  cas ,  assez 
semblables  dans  la  forme  ;  et  voici  en  quoi  elles  consistent  :  si  ce  sang 
paraît  abondant,  sous  le  rapport  du  volume,  il  est  réellement  pauvre  de 
ce  qui  constitue  sa  véritable  valeur,  c'est-à-dire  en  globules  rouges.  Et 
quand  même  ceux-ci  n'auraient  pas  trop  perdu  de  leur  nombre  ,  ils 
offrent  un  faible  degré  d'hémoglobine  ;  car,  ainsi  que  Malassez  l'a  con- 
staté, il  n'y  a  pas  de  rapport  nécessaire  entre  ces  deux  facteurs.  Enfin  il 
n'est  pas  jusqu'au  volume  de  ces  hématies,  qui  ne  puisse  être  augmenté 
dans  la  chlorose,  par  exemple.  Ensuite,  il  faut  bien  savoir  que  la  facilité 
à  produire  fies  bruits  vasculaires,  prouve  moins  en  faveur  de  la  quantité 
que  de  la  faible  densité  du  sang  ;  et  cela  conformément  à  des  principes 
parfaitement  connus  (Voy.  Auscultation,  t.  IV,  p.  195)  ;  et,  qui  plus 
est,  la  faible  tension  du  système  artériel  entraine,  de  la  part  du  cœur, 
un  surcroît  de  travail  qui  amène  assez  promptement  son  hypertrophie  ; 
et,  comme  il  est  mal  nourri,  sa  dégénérescence  granulo-graisseuse.  Enfin, 
tout  en  admettant  un  trop-plein  de  sang  hydraté ,  l'excès  de  pression 
intra-vasculaire ,  et  toutes  les  conditions  hydrostatiques  perverties,  ont 
pour  résultat  la  transsudation  séreuse  au  travers  des  parois  du  vaisseau, 
et  déchargent  le  système  circulatoire  au  profit  du  tissu  cellulaire  com- 
mun, des  cavités  séreuses  et  des  émonctoires.  Telle  est  l'issue  d'un  état 
qui  ne  comporte  aucun  équilibre  ni  aucune  persistance.  Mais  ce  sont,  en 
général,  les  caractères  de  la  faible  tension,  que  présente  le  pouls  dans  les 
cachexies,  de  même  que  pendant  la  fièvre  ;  et  l'anasarque  doit  reconnaî- 
tre pour  cause  presque  exclusive  les  troubles  survenus  dans  la  constitu- 
tion du  sang,  surtout  son  hydratation. 

Quelques  affections  cardiaques  spéciales,  comme  l'insuffisance  aor- 
tique,  et  un  état  cachectique  très-intéressant,  le  goitre  exoplithalmique, 
se  prêteraient  à  une  analyse  du  même  genre,  et  nous  conduiraient  à  un 
résultat  analogue,  pour  ce  qui  est  de  la  pléthore;  mais  il  est  inutile  d'in- 
sister davantage  sur  une  question  jugée. 

De  cette  discussion,  il  est  donc  permis  de  conclure,  que  les  fausses  plé- 
thores ne  conservent,  avec  la  pléthore  vraie,  qu'une  ressemblance  très- 
éloignée,  pour  ne  pas  dire  plus  ;  et  que,  ainsi  que  nous  avons  cru  devoir 
les  désigner,  elles  sont,  à  tous  les  points  de  vue,  paradoxales. 

Nota.  —  Consultez  la  bibliographie  des  articles  :  Aoscdltatiox  ,  Congestiox,  |D£iuvatiox, 
Saxg,  elc. 

Hippocratb,  Aphorismes,  secl.  I,  aph.  5.  Édit.  I.ittré.  Paris,  IS»,  l.  IV,  p.  461. 
Galies,  De  plenitudine,  cap.  m,  chartes,  t.  VII,  p.  320. 

Uoemiaave  (II.),  Aphorismes;  commentaires  par  G.  Van  Swiéten,  t.  I,  p.  130.  Paris,  1709. 

NOUV.   UICT.  HÊD.  ET  CHIB.  XXVIII.  —  10 


146 


PLEURÉSIE. 


Fiunk  (J.  P.),  Traité  de  médecine  pratique,  1811-1820.  —  Trad.  pu  Coudareau,  t.  I,  p,  478. 
Paris,  1842. 

Mkiut,  Dictionnaire  des  sciences  médicales,  art.  Pléthore,  t.  XLIII,  p.  17g,  1820. 

Mknièue  (!'•),  Observ.  et  réll.  sur  l'hémorragie  cérébrale,  considérée  pendant  la  grossesse, 

pendant  et  après  l'accouchement  (Areh.  gén.  de  méd.,  1"  série,  t.  XVI,  p.  400.  1828). 
Rocuoux,  Dîct.  de  médecine,  art.  Pléthore,  2'édit.,  t.  XXV,  p.  1.  18'rJ. 

Monnehet  (Ed.)  et  Fleuiiy  (L.),  Compcndiuin  de  médecine,  art.  Plétiioiie.  Paris,  1845,  t.  VI 
p.  582. 

Beau  (J.  H.  S.),  De  la  polyémie  séreuse  (Bull,  de  l'Acad.  de  méd.,  7  juillet  1845).  —  Trait  - 
expérimental  et  clinique  d'auscultation.  Paris,  1850,  p.  014. 

Valleix  (F.  L.  J.),  Guide  du  médecin  praticien,  t.  11,2°  édit.  Paris,  1850,  p.  131. 

Malassez  (L.),  De  la  numération  des  globules  rouges  du  sang  chez  les  mammiières,  les  oiseaux  et 
les  poissons  (Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences,  l.  LXXY,  n°  23.  1872).  —  De  la 
numération  des  globules  rouges  du  sang.  Des  méthodes  de  numération  de  la  richesse  du  sang 
en  globules  rouges  dans  les  différentes  parties  de  l'arbre  circulatoire,  thèse  de  Paris,  1873.  — 
Nouveaux  procédés  pour  apprécier  la  masse  totale  du  sang  {Archives  de  physiologie  nor- 
male cl  pathologique.  1874).  —  Recherches  sur  quelques  variations  que  présente  la  masse 
totale  du  sang  (Archives  de  physiologie  normale  et  pathologique.  1875,  n"  2  et  3).  —  Nou- 
veau colorimètre  destiné  à  la  mesure  du  pouvoir  colorant  du  sang  (Bull,  de  la  Soc.  de  bio- 
logie, 28  octobre  1870).  — Sur  la  richesse  des  globules  rouges  en  hémoglobine  (Comptes  ren- 
dus de  l'Acad.  des  sciences.  1877). 

IIaïeu  (G.),  De  la  numération  des  globules  du  sang.  Leçon  laite  à  l'hôpital  de  la  Charité  (Gaz. 
hebd.  de  méd.  et  de  chir.  1875,  p.  291).  —  Note  sur  l'action  du  1er  dans  l'anémie  (Comptes 
rendus  de  l'Académie  des  sciences.  1870). 

Hatem  (G.)  et  Nachet  (A.),  Sur  un  nouveau  procédé  pour  compter  les  globules  du  sang 
Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences.  1875). 

Lesseii  (de  Leipzig),  De  la  circulation  du  sang;  travail  basé  sur  de  nouvelles  expériences  sur  la 
masse  et  la  distribution  du  sang.  1875. 

Fouassieii  (Angel),  De  la  numération  des  globules  du  sang  dans  les  suites  de  couches  physiolo- 
giques et  dans  la  lymphangite  utérine.  Paris,  1870. 

Brouakdel,  De  l'influence  des  purgations  et  de  l'inanition  sur  la  proportion  des  globules  rouges 
contenus  dans  le  sang  (Soc.  médicale  des  hôpitaux  et  Union  médicale,  n°  1 10.  1870). 

Tscuiujew  (S.),  Uber  der  Einfluss  der  Blutdruckschwankungen  auf  den  Iierzrhythmus  (Arch 
f.  Anat.  und  Pliys.,  Band  I,  p. '110-193.  1877). 

Alfred  Luton. 

PLEURÉSIE.  —  La  pleurésie  est  l'inflammation  de  la  plèvre.  Une 
des  plus  communes  parmi  les  maladies  de  l'appareil  respiratoire,  elle  se 
montre  sous  des  formes  très-diverses,  et  les  nombreuses  variétés  qu'elle 
présente  se  rattachent,  d'une  part  aux  causes  multiples  qui  peuvent  lui 
donner  naissance,  d'autre  part  aux  différences  des  lésions  qui  en  sont  la 
conséquence.  Pour  caractériser  ces  nombreuses  variétés,  on  a  coutume 
d'employer  des  dénominations  destinées  à  mettre  en  relief  les  caractères 
les  plus  saillants  de  chacune  d'elles  ;  mais  ces  caractères  sont  tantôt  rela- 
tifs aux  causes  de  la  maladie  (pleurésie  à  frigore,  traumatique,  tubercu- 
leuse, etc.),  tantôt  subordonnés  aux  lésions  anatomiques  (pleurésie  sèche 
ou  avec  épanchement,  générale  ou  partielle,  enkystée,  multiloculaire, 
purulente,  hémorrhagique,  etc.).  Parmi  toutes  ces  formes,  il  serait  sans 
doute  très-difficile,  sinon  impossible,  d'établir  une  classification  régu- 
lière, basée  sur  la  considération  d'un  caractère  dominant  tous  les  autres, 
et  si  l'on  prenait  pour  point  de  départ  unique,  soit  les  causes,  soit  les 
lésions,  on  serait  exposé  à  reléguer  au  second  plan  des  caractères  qui  ont. 
en  mainte  circonstance,  une  importance  majeure  au  point  de  vue  pra- 
tique. 

En  présence  de  ces  difficultés,  il  nous  a  paru  préférable,  sans  cher- 


PLEURÉSIE.  —  r.  Aicuii  primitive.  —  causes.  147 

cher  à  présenter  une  classification  méthodique  des  pleurésies,  de  suivre 
un  ordre  qui  nous  permit  d'étudier  successivement  et  séparément  lus 
types  cliniques  les  plus  communs  et  les  plus  importants.  Nous  sépare- 
rons d'abord  les  pleurésies  aiguës  et  les  pleurésies  chroniques,  Chacun 
de  ces  groupes  comprendra  des  formes  primitives  et  des  formes  secon- 
daires; dans  cette  division,  ce  sera  la  considération  des  causes  différentes 
qui  servira  de  base  fondamentale  et  qui  permettra,  à  la  suite  des  pleuré- 
sies simples  et  franches,  d'étudier  certains  types  spéciaux  de  pleurésies 
secondaires,  comme  la  pleurésie  rhumatismale,  la  pleurésie  tuberculeuse 
et  d'autres.  Puis,  suivant  la  nature  des  lésions,  nous  séparerons,  pour  les 
étudier  à  part,  les  pleurésies  purulentes  et  hémorrhagiques,  dont  l'his- 
toire ne  saurait  être  réunie  à  celle  de  la  pleurésie  à  épanchement  séro-ji- 
brineux  qui  appartient  toute  entière  à  la  forme  aiguë  franche  et  primi- 
tive. L'étude  des  pleurésies  partielles  (interlobaire,  diaphragmatique, 
médiastine)  sera  faite  à  propos  des  autres  groupes  dans  lesquels  elles 
rentrent  comme  de  simples  variétés. 

Plecrésie  aiguë  pmmitive.  —  La  pleurésie  aiguë  primitive,  pleurésie 
franche,  séro-fibrineuse ,  est  la  forme  la  plus  commune  des  pleurésies  ; 
c'est  celle  où  les  caractères  propres  de  la  maladie  se  dégagent  le  plus  net- 
tement. Aussi  nous  la  prendrons  comme  type  principal,  et  c'est  à  propos 
d'elle  que  nous  étudierons,  avec  les  développements  nécessaires,  les 
caractères  communs  à  toutes  les  pleurésies. 

Causes.  —  La  cause  la  plus  fréquente  de  la  pleurésie  aiguë  est  le 
refroidissement  :  le  plus  souvent  c'est  un  refroidissement  de  toute  la  sur- 
face du  corps,  et  cette  cause  est  d'autant  plus  efficace,  que  le  corps  était 
au  préalable  échauffé  ou  en  sueur;  d'autres  fois,  c'est  un  refroidissement 
partiel  agissant  sur  une  partie  du  corps  et  notamment  sur  la  poitrine,  ou 
résultant  de  l'ingestion  de  boissons  froides.  Cette  cause  est  aussi  celle 
qui  détermine  le  développement  de  la  pneumonie  et  de  la  bronchite,  et 
souvent  on  ne  peut  invoquer  autre  chose  que  les  dispositions  indivi- 
duelles, pour  expliquer  comment,  à  une  même  cause  apparente,  corres- 
pondent des  effets  différents.  Nous  nous  contenterons  de  remarquer  ici 
que  la  pleurésie  semble  survenir  de  préférence  chez  les  individus  dont  la 
constitution  est  plus  ou  moins  débilitée,  tandis  que  la  pneumonie  sur- 
vient plutôt  chez  les  personnes  plus  robustes.  L'âge  intervient  aussi  dans 
celte  détermination  morbide  :  le  refroidissement  produit,  peut-être  chez 
les  enfants,  certainement  chez  les  vieillards,  beaucoup  plus  souvent  la 
pneumonie  que  la  pleurésie. 

Comment  agit  le  refroidissement  pour  produire  la  pleurésie?  On  a  invo- 
qué une  action  réflexe,  et  c'est  à  ce  mécanisme  que  Marcovitz  s'est  ratta- 
ché dans  sa  thèse  :  d'après  cette  manière  de  voir,  le  froid  impressionne- 
rait les  extrémités  phériphériques  des  nerfs  sensitifs,  et  agirait  par  action 
réflexe  sur  les  nerfs  vaso-moteurs  qui  se  rendent  aux  organes,  produisant, 
suivant  les  susceptibilités  individuelles,  ici  une  angine,  là  une  pneumo- 
nie, là  encore  une  pleurésie.  Peut-être  pourrait-on  admettre  aussi  bien 
une  action  directe  du  froid  sur  les  nerfs  qui  se  rendent  aux  organes 


148       PLEURÉSIE  —  P.  aiguë  primitive.  —  lésions  anatomiqiks. 

amenant  l'irritation  de  ces  nerfs  ou  leur  inflammation  et,  par  suite,  à 
lilrc  de  troubles  trophiques,  des  lésions  inflammatoires  de  la  gorge,  du 
poumon  ou  des  plèvres.  Mais  ce  ne  sont  là  encore  que  des  hypothèses  sur 
lesquelles  il  n'y  a  pas  lieu  ici  d'insister  plus  longuement. 

La  pleurésie  aiguë  est  encore  quelquefois  causée  par  des  traumatismes, 
tels  que  les  plaies  ou  les  contusions  du  thorax,  les  fractures  de  côtes. 
Ces  pleurésies  traumatiques  ,  subordonnées  ,  pour  leur  siège  et  leurs 
caractères  anatomiques,  à  la  cause  qui  les  a  produites,  diffèrent  notable- 
ment des  pleurésies  simples  ordinaires,  dont  le  refroidissement  est,  en 
quelque  sorte,  la  cause  univoque. 

Comme  toutes  les  autres  maladies,  celle  qui  nous  occupe  a  ses  conditions 
d'opportunité,  qu'il  est  intéressant  de  connaître  :  peu  fréquente  dans  les 
premières  années  de  la  vie,  elle  se  montre  assez  commune  après  l'âge  de 
cinq  ans;  clans  l'âge  adulte,  elle  devient  très-fréquente,  surtout  entre 
vingt  et  trente  ans,  puis  devient  moins  commune  avec  le  progrès  des 
années  et  est  enfln  presque  rare  dans  la  vieillesse.  Quant  au  sexe,  il  semhle 
sans  influence  réelle  sur  le  développement  de  la  maladie;  mais  il  n'en  est 
pas  de  môme  de  l'état  antérieur  de  la  santé  :  la  pleurésie  est  fréquente 
dans  la  convalescence  de  diverses  maladies;  sans  cesser  pour  cela  d'être 
primitive,  elle  se  développe  souvent  à  la  suite  d'un  refroidissement, 
même  léger,  auquel  les  convalescents  sont  plus  sensibles  en  raison  de 
leur  état  de  faiblesse.  Enfin  la  pleurésie  à  frîgore  est  encore  assez  fré- 
quente dans  le  cours  de  certaines  maladies,  et  notamment  des  néphrites 
chroniques  et,  dans  ce  cas,  elle  peut  être  influencée  dans  sa  marche  par 
la  maladie  antérieure  qu'elle  est  venue  compliquer. 

Lésions  anatomiques.  —  Toutes  les  pleurésies  sont  caractérisées 
anatomiquement  par  une  lésion  de  nutrition  occupant  le  tissu  même 
de  la  plèvre  (hyperémie .  hyperplasie  du  tissu  séreux),  et  par  une  exsu- 
dation qui  se  fait  dans  la  cavité  séreuse  (épanchement  liquide,  pseudo- 
membranes). 

Dans  la  pleurésie  simple,  les  premières  de  ces  lésions  sont  ordinaire- 
ment peu  marquées  ;  les  secondes,  au  contraire,  ont  une  grande  impor- 
tance par  le  développement  qu'elles  acquièrent  et  par  les  conséquences 
qu'elles  peuvent  entraîner  ;  nous  les  étudierons  successivement. 

a.  Lésions  parenchymateuses .  —  Au  début  de  la  pleurésie,  la  plèvre 
est  le  siège  d'une  rougeur  qui  se  présente  sous  la  forme  d'arborisations 
ducs  à  l'injection  des  petits  vaisseaux  ;  quelquefois  il  y  a  par  places  des 
ecchymoses,  résultant  de  la  distension  excessive  et  de  la  rupture  de  quel- 
ques-uns de  ces  vaisseaux.  La  plèvre  est  un  peu  épaissie;  souvent  elle  a 
perdu  une  partie  de  sa  transparence  et  présente  un  aspect  louche  ;  sa  sur- 
face est  moins  lisse,  elle  est  hérissée  de  granulations  ordinairement  très 
peu  saillantes. 

Sur  des  coupes  de  la  membrane  séreuse  examinées  au  microscope,  on 
constate  que  les  cellules  épithéliales  sont  gonflées,  qu'elles  se  sont  multi- 
pliées par  prolifération  et  se  sont  détachées  en  grand  nombre;  aussi  en 
trouve-t-on  de  petits  îlots  entre  la  surface  de  la  plèvre  et  l'cxsudat  lîbri- 


PLEURÉSIE.  —  p.  aiguë  primitive.  —  lésions  anatomiques.  149 

neux.  Le  tissu  conjonctif  sous-jacent  est  gorgé  de  liquide  dans  lequel  on 
trouve  en  plus  grande  quantité  qu'à  l'état  normal  des  cellules  ayant  les 
caractères  des  globules  blancs  du  sang.  Il  se  forme,  en  outre,  à  la  sur- 
face de  la  plèvre  un  tissu  de  granulation  composé  de  cellules  embryon- 
naires, qui  proviennent  de  la  prolifération  des  éléments  conjonctifs;  dans 
dans  ce  tissu  de  nouvelle  formation,  on  peut  voir  des  vaisseaux  nouveaux 
qui  proviennent  des  vaisseaux  contenus  dans  le  tissu  sous-séreux  et 
s'avancent,  en  bourgeonnant,  jusqu'à  la  surface  libre  des  granulations; 
ces  vaisseaux  ont  des  parois  minces  et  friables:  aussi  se  rompent-ils  quel- 
quefois et  donnent  lieu,  soit  à  des  ecebymoses  de  la  plèvre  ou  des  fausses 
membranes  (ibrineuses,  soit  à  des  épanehements  de  sang  qui  se  mêlent  à 
la  sérosité  accumulée  dans  la  cavité  pleurale  (pleurésie  hémorrhagique) . 
U'Ce  tissu  nouveau  est  susceptible  de  s'organiser  et  de  se  transformer  pro- 
I  gressivement  en  un  tissu  analogue  au  tissu  de  cicatrice  :  telle  est  l'origine 
des  néomembranes  organisées  qui  se  forment  à  la  surface  de  la  plèvre  ; 
c'est  encore  à  ce  tissu  de  granulation  que  sont  ducs  les  adhérences  qui 
unissent  la  plèvre  pariétale  et  la  plèvre  viscérale,  et  qui  sont  produites 
par  le  contact  et  le  fusionnement  de  végétations  ou  de  néomembranes 
développées  sur  les  deux  feuillets  opposés  de  la  plèvre.  Ces  adbérences 
sont  d'ailleurs  plus  ou  moins  développées,  tantôt  formant  des  brides 
filamenteuses  tenues,  tantôt  amenant  la  soudure  de  portions  très  étendues 
du  sac  séreux. 

Mais,  nous  le  répétons,  ces  dernières  lésions  sont  d'ordinaire  très-peu 
marquées,  et  en  quelque  sorte  à  l'état  rudimentaire,  dans  la  pleurésie  aiguë 
franche  ;  nous  les  retrouverons  ,  avec  leur  entier  développement ,  dans 
la  pleurésie  purulente  et  surtout  dans  la  pleurésie  chronique. 

b.  Exsudai.  —  La  principale  lésion  de  la  pleurésie  aiguë  consiste 
dans  un  épanchemenl  séro-librincux ,  qui  se  fait  dans  la  cavité  de  la 
plèvre. 

Quelquefois  la  partie  séreuse  de  l'exsudat  est  très-peu  abondante  et 
aussitôt  résorbée;  la  partie  fibrineuse  se  dépose  sur  les  parois  de  la  plèvre, 
sous  forme  d'une  fausse  membrane  plus  ou  moins  épaisse.  C'est  la  pieu-  ! 
résie  sèche,  qui  est  rarement  primitive. 

Presque  toujours  l'épanchement  liquide  existe  en  quantité  notable. 
Dans  le  liquide  sont  suspendus,  très-habituellement  des  flocons  fibri- 
neux,  et  à  la  surface  de  la  plèvre  on  trouve  des  fausses  membranes. 
Ces  lésions  si  importantes  doivent  être  étudiées  avec  quelques  détails. 

Les  caractères  de  V épanchement  pleurélique  sont  surtout  bien  connus 
depuis  que  la  pratique  de  la  thoracenlèse  a  fourni  des  occasions  fré- 
quentes de  les  déterminer  dans  toutes  les  particularités  qu'ils  présentent. 

La  quantité  de  liquide  épanché  est  très-variable,  depuis  quelques 
grammes  jusqu'à  plusieurs  litres  :  suivant  l'abondance  du  liquide  épan- 
ché, on  dit  que  l'épanchement  est  faible,  moyen  ou  abondant.  La  valeur 
de  ces  expressions  n'a  rien  d'absolu;  cependant,  en  se  conformant  à 
l'usage,  on  peut  appeler  faible  un  épancheinent  de  1/2  litlre,  moyen  un 
épanchement  de  1  litre  à  1  litre  1/2,  abondant  un  épanchement  de 


I  DO      PL  KL  K  KSI  K.  — 


V.  AIGUK  PRIMITIVE. 


  LÉSIONS  ANATOJIIQUES. 


2  litres  à  2  litres  4/2,  très  abondant  un  épanchement  qui  dépasse 

3  litres  (Bouilly). 

Le  liquide  est  transparent,  de  couleur  ambrée  ou  jaunâtre  plus  ou 
moins  foncée;  les  épanebements  anciens  ont  habituellement  une  colora- 
tion plus  intense  que  les  épanebements  récents,  et  leur  couleur  peut  res- 
sembler à  celle  du  bouillon;  quelquefois  on  observe  une  teinte  rosée, 
quand  le  liquide  contient  une  assez  grande  quantité  de  globules  rouges 
du  sang,  ou  une  teinte  loucbc  quand  il  renferme  une  forte  proportion  de 
leucocytes.  La  présence  de  quelques  globules  rouges  dans  la  sérosité  pleu- 
rale ne  suffit  cependant  pas  pour  faire  croire  à  une  pleurésie  hémorrha- 
gique,  pas  plus  que  l'existence  de .  quelques  leucocytes  n'indique  une 
pleurésie  purulente  :  l'examen  microscopique  montre  en  effet  que  tous 
les  liquides  pleurctiques  contiennent  quelques-uns  de  ces  éléments  du 
sang.  La  pleurésie  ne  mérite  vraiment  le  nom  d'bémorrhagique  ou  de  puru- 
lente que  quand  ces  éléments  sont  très-abondants;  nous  reviendrons  ail- 
leurs sur  ces  caractères. 

Les  caractères  chimiques  des  épanebements  pleuraux  ont  été  surtout 
bien  étudiés  par  Méhu,  qui  a  en  même  temps  montré  les  indications  qu'on 
en  pouvait  tirer  pour  le  diagnostic  et  le  pronostic.  Relativement  à  sa 
composition,  le  liquide  pleurétique  se  rapproche  du  sérum  du  sang; 
cela  d'ailleurs  ne  doit  pas  surprendre,  si  l'on  observe  que  l'exsudat  de  la 
pleurésie,  comme  tous  les  exsudats  inflammatoires,  a  son  origine  dans 
le  sang  et  résulte  de  la  transsudation  exagérée  du  sérum  sanguin  à  la 
surface  de  la  plèvre.  On  trouve  donc  dans  ce  liquide  les  mêmes  éléments 
constituants  que  dans  ce  sérum,  à  savoir  de  l'eau,  de  l'albumine,  de  la 
matière  fibrinogène,  des  sels;  on  y  trouve  même,  comme  nous  venons  de 
le  voir,  des  éléments  figurés  du  sang,  globules  rouges  et  leucocytes.  Mais  la 
proportion  de  ces  principes  constituants  du  sang  est  très-modifiée  dans 
l'exsudat  pleurétique  :  la  quantité  d'eau  est  toujours  augmentée,  la 
quantité  des  principes  en  dissolution  est  au  contraire  toujours  diminuée; 
l'exsudat  est  donc,  en  quelque  sorte,  du  plasma  sanguin  plus  ou  moins 
dilué,  dans  lequel  d'ailleurs  la  proportion  relative  des  éléments  consti- 
tuants varie  beaucoup  suivant  l'intensité  et  d'autres  caractères  de  l'in- 
flammation. Comme  le  plasma  sanguin,  le  liquide  pleurétique  est  coagu- 
lable  spontanément  et  par  le  battage;  il  présente  en  outre  la  même 
réaction  alcaline  au  papier  de  tournesol  et  les  mêmes  réactions  chimi- 
ques, ainsi  que  nous  allons  le  voir. 

Le  liquide  pleurétique  extrait  de  la  poitrine  par  une  ponction  est  spon- 
tanément coagulable,  caractère  important  à  examiner  en  raison  des 
déductions  qu'on  en  peut  tirer  (Méhu)  :  quand,  après  avoir  pratiqué  la 
thoracentèse,  on  abandonne  le  liquide  de  l'épanchement  dans  un  vase,  il 
se-  prend  bientôt  en  une  masse  transparente  qui  présente  les  apparences 
d'une  gelée.  Cette  coagulation  est  duc  à  la  fibrine  qui  était  en  dissolution 
dans  la  sérosité  et  qui  se  concrète  au  contact  de  l'air;  elle  se  produit 
dans  un  laps  de  temps  qui  varie  suivant  la  quantité  de  fibrine  contenue 
dam  le  liquide;  quand  la  fibrine  est  abondante,  la  coagulation  commence 


PLEURÉSIE.    P.  AIGUË  PRIMITIVE.  —  LÉSIONS  ANATOMIQUES.  151 

très  vite,  et  au  bout  de  quatre  à  cinq  heures  le  coagulum  est  assez  ferme 
pour  qu'on  éprouve  quelque  difficulté  à  le  diviser  avec  une  baguette  de 
Terre;  dans  d'autres  circonstances,  la  coagulation  se  fait  plus  lentement, 
mais  ordinairement  la  fibrine  est  à  peu  près  complètement  déposée  au 
bout  de  douze  à  vingt-quatre  heures.  Cependant,  malgré  cette  rapidité 
relative  de  la  coagulation,  la  quantité  de  fibrine  contenue  dans  le  liquide 
pleurétique  est  faible,  elle  ne  dépasse  ordinairement  pas  la  moitié  de 
celle  que  contient  un  poids  égal  de  sérum  sanguin  et  lui  est  souvent  très- 
inl'érieurc  :  ainsi,  sur  trente  analyses,  Méhu  a  trouvé  que  la  quantité 
•moyenne  de  fibrine  était  de  0g,425  par  kilogramme  de  liquide,  au  maxi- 
mum 1B,276,  au  minimum  0g,075. 

Les  matières  albumineuses  contenues  dans  l'exsudat  font  que  ce  liquide 
est  coagulable  par  la  chaleur,  par  l'acide  nitrique,  etc.,  et  que,  traité  par 
l'un  de  ces  procédés,  il  se  prend  en  une  masse  plus  ou  moins  compacte. 
La  richesse  en  albumine  des  liquides  pleurétiques  est  d'aillleurs  très-iné- 
gale; elle  peut  varier  de  10  grammes  à  150  grammes  et  au  delà  par 
kilogramme  de  sérosité  (Méhu). 

Enfin,  outre  la  fibrine  et  l'albumine,  on  trouve  dans  l'épanchement  les 
mêmes  matières  minérales  que  dans  le  plasma  du  sang,  mais  en  quan- 
tité moindre.  La  quantité  de  résidu  sec  par  kilogramme  de  liquide  (non 
•compris  la  fibrine)  a,  dans  50  analyses,  varié  de  58g,06à  79g,80,  com- 
prenant :  matières  organiques  508,01  à  71e, 55,  matières  minérales  7g,20 
à  9g,01  ;  en  sorte  que,  suivant  une  proposition  formulée  par  Méhu,  c'est 
à  peine  si  les  liquides  pleurétiques  les  plus  riches  en  matières  solides  en 
renferment  autant  que  le  sérum  sanguin  le  plus  pauvre. 

En  résumé,  comme  le  dit  Méhu,  le  liquide  de  la  pleurésie  aiguë  res- 
semble tellement  au  plasma  sanguin ,  qu'on  serait  fort  embarrassé  de 
distinguer  ces  deux  liquides  autrement  que  parles  proportions  des  élé- 
ments qui  entrent  dans  leur  composition  :  même  coagulation  spontanée 
et  par  le  battage ,  mêmes  réactions  chimiques.  Mais  les  éléments  con- 
tenus dans  le  liquide  pleurétique  sont  beaucoup  moins  abondants  que 
ceux  que  contient  le  sérum  du  sang. 

L'intensité  de  l'inflammation  lait  varier,  dans  des  proportions  très- 
.-  -étendues,  la  composition  de  l'exsudat  :  plus  l'inflammation  est  aiguë , 
plus  est  abondante  la  quantité  d'albumine  et  de  matière  fibrinogène  ;  et, 
inversement,  moins  intense  est  le  caractère  inflammatoire,  plus  l'exsudat 
est  dilué  et  pauvre  en  matières  coagulables.  Il  n'est  pas  question  ici,  bien 
entendu,  de  la  pleurésie  purulente,  dans  laquelle  l'épanchement  pré- 
sente des  caractères  particuliers  qui  seront  étudiés  ailleurs. 

La  matière  fibrinogène  contenue  dans  l'exsudat  ne  se  coagule  pas 
seulement  au  contact  de  l'air  :  une  partie  se  concrète  pendant  la  vie  au 
sein  même  de  l'organisme  ;  de  là  les  flocons  fibrineux  qui  flottent  dans 
le  liquide  et  les  fausses  membranes  qui  se  déposent  à  la  surface  de  la 
plèvre  enflammée.  Cette  coagulation  a  lieu  suivant  un  mode  analogue  à 
celui  de  la  coagulation  de  la  fibrine  dans  une  goutelette  de  sang  (Ran- 
vier)  :  on  voit  partir  d'un  centre,  sorte  de  centre  de  cristallisation,  des 


152       PLEURÉSIE.  —  i>.  aiguk  piumitivk.  —  lésions  anatomiques. 

rayons  qui  s'enchevêtrent  et  constituent  un  réseau  semblable  à  une  toile 
d'araignée.  Agglomérés  en  masses  plus  ou  moins  volumineuses,  ces 
dépôts  constituent  les  llocons  fibrineux;  étalés  en  membranes  etsuperpo-, 
sés  par  couches  successives,  ils  constituent  les  fausses  membranes.  Les 
flocons  fibrineux,  dont  l'existence  même  est  inconstante,  sont  quelquefois 
très  abondants  dans  le  liquide  pleurélique  ;  ils  se  présentent  tantôt  sous 
la  forme  de  filaments  tenus,  tantôt  sous  l'apparence  de  grumeaux  ordi- 
nairement peu  volumineux.  Souvent,  pendant  l'opération  de  la  thoracen- 
lèsc,  ils  s'engagent  dans  le  trocart  et  en  obstruent  la  lumière. 

Les  fausses  membranes  déposées  à  la  surface  de  la  plèvre  sont  à  peu 
près  constantes  dans  la  pleurésie  aiguë,  mais  leur  développement  est  très- 
variable.  Quelquefois  elles  forment  une  couche  mince  et  à  peine  appa- 
rente sur  la  membrane  séreuse;  pour  démontrer  leur  existence,  il  peut 
être  nécessaire  de  racler  avec  l'ongle  la  surface  de  la  plèvre,  et  on  en 
détache  ainsi  un  mince  lambeau  semi-transparent,  mou  et  friable.  Quand 
l'inflammation  est  plus  intense  ou  a  duré  plus  longtemps,  on  peut  trou- 
ver de  grandes  fausses  membranes  plus  ou  moins  épaisses,  qu'on  peut 
quelquefois  partager  en  plusieurs  feuillets  stratifiés;  ces  différentes  cou- 
ches correspondent  sans  doute  à  des  dépôts  successifs  de  fibrine.  Les 
fausses  membranes  se  montrent  très-souvent  dans  toute  l'étendue  de  la 
partie  enflammée  de  la  plèvre,  occupant  les  deux  feuillets  opposés  de  la 
membrane,  séreuse,  et  accolées  l'une  à  l'autre  sur  les  limites  de  la  partie 
malade:  elles  forment  alors  autour  de  l'épanchement  une  enveloppe  con- 
tinue, un  sorte  de  kyste  contenu  dans  la  cavité  de  la  plèvre;  d'autres  fois 
ces  fausses  membranes  établissent  des  adhérences  rarement  très-nom- 
breuses qui  cloisonnent  la  cavité  de  la  plèvre  et  la  partagent  en  un  certain 
nombre  de  loges  contenant  du  liquide  [pleurésies  aréolaires)  ;  dans  d'au- 
tres cas  encore,  elles  ne  se  montrent  que  par  places  sous  forme  de 
plaques  plus  ou  moins  étendues.  Leur  surface  libre  est  inégale,  irrégu- 
lière, hérissée  de  saillies  sous  forme  de  mamelons  ou  de  villosités.  Leur 
couleur  est  blanchâtre,  opaline  et  demi-transparente  quand  elles  sont 
jeunes,  opaque  à  une  époque  éloignée  de  leur  formation,  Leur  consis- 
tance varie  aussi  avec  l'âge  de  la  maladie  :  au  début  elles  sont  molles, 
imprégnées  de  liquide,  faciles  à  écraser  et  à  rompre;  plus  tard  elles 
deviennent  résistantes  et  presque  sèches. 

Dans  ces  fausses  membranes  plus  ou  moins  denses,  l'examen  micros- 
copique fait  à  peine  reconnaître  la  disposition  réticulée  qu'on  observe  peu 
de  temps  après  la  coagulation  de  la  fibrine  :  on  retrouve  cependant  par 
places  des  tractus  fibrillaires,  et  dans  leurs  intervalles  on  distingue  çà  et 
là  des  cellules,  dont  les  unes  sont  des  globules  blancs  du  sang,  dont  les 
autres,  quelquefois  très-volumineuses,  procèdent  sans  doute  des  cellules 
épithéliales  de  la  membrane  séreuse  gonflées,  proliférées  et  détachées 
(Cornil  cl  Ranvier). 

Quand  l'inflammation  pleurale  est  terminée,  l'exsudat  est  destiné  à 
disparaître.  Le  plus  habituellement  la  guérison  arrive  par  résorption  des 
produits  épanchés  :  la  partie  liquide  de  l'exsudat,  c'est-à-dire  la  sérosité, 


PLEURÉSIE.    P.   AIGUË   l'RIMITIVK.    LÉSIONS  ANATOMIQUES.  153 

est  absorbée  par  les  lymphatiques  qu'on  voit  souvent  dilatés  et  dont  quel- 
ques-uns sont  remplis  par  des  coagulations  librineuses  et  par  des  leuco- 
cytes; les  parties  solides,  fausses  membranes,  fibrine  concrétée,  cellules, 
disparaissent  plus  difficilement  :  ne  pouvant  être  directement  résorbées, 
elles  subissent  la  métamorphose  granulo-graisseuse  et  ainsi,  sous  forme 
de  détritus  granulo-graisseux,  elles  sont,  comme  les  parties  liquides, 
reprises  par  les  lymphatiques. 

Pendant  longtemps  on  a  cru  que  les  fausses  membranes  librineuses 
étaient  susceptibles  de  s'organiser,  qu'il  pouvait  s'y  déveloper  des  vais- 
seaux, et  que  souvent  elles  persistaient  comme  trace  indélébile  d'une 
pleurésie  antérieure  sous  forme  de  brides  réunissant  les  deux  feuillets  de 
la  plèvre,  ou  sous  forme  de  plaques  capables  même  de  subir  diverses 
transformations.  Mais  contrairement  à  cette  manière  de  voir,  il  est  établi 
aujourd'hui  que  les  exsudats  sont  inaptes  à  l'organisation  ;  il  n'y  a  que 
les  néomeinbranes  formées  par  la  prolifération  des  éléments  de  la  plèvre 
qui  soient  organisées  ou  organisables  ;  ce  sont  elles  qui  forment  les  bri- 
des ou  les  faux  ligaments  qui  attachent  le  poumon  à  la  paroi  thoracique  ; 
ce  sont  elles  aussi  qui  sont  susceptibles  de  se  transformer  en  cartilages, 
en  os  même,  ainsi  que  nous  le  verrons  à  propos  de  la  pleurésie  chro- 
nique. 

Après  avoir  étudié  les  lésions  de  la  pleurésie  aiguë  en  elles-mêmes, 
nous  devons  examiner  maintenant  les  particularités  qu'elles  présentent 
dans  leurs  dispositions  générales,  et  l'influence  que  ces  lésions  exercent 
sur  les  organes  voisins. 

La  disposition  que  les  épanchements  pleurétiques  présentent  dans  le 
thorax  a  une  grande  importance,  parce  que  leur  situation  et  leur  forme 
fournissent  des  données  précieuses  au  diagnostic.  Au  début  de  la  maladie, 
les  produits  épanchés  paraissent  former  d'abord  une  couche  mince,  une 
nappe  interposée  entre  le  poumon  et  la  partie  thoracique  ;  plus  tard,  à 
mesure  que  la  quantité  en  est  plus  grande,  ils  obéissent  à  l'influence 
de  la  pesanteur  et  s'accumulent  dans  les  parties  déclives  de  la  cavité  pleu- 
rale, puis  ils  s'élèvent  graduellement  de  bas  en  haut  jusqu'à  atteindre, 
dans  les  épanchements  considérables,  les  parties  supérieures  du  thorax. 
Une  fois  formés,  ces  épanchements  seraient  mobiles  et  se  déplaceraient 
librement  suivant  la  position  du  sujet,  si  leur  consistance  visqueuse  et 
surtout  les  fausses  membranes  qui  les  enveloppent  ne  les  maintenaient 
dans  la  situation  où  ils  se  sont  primitivement  déposés.  En  fait,  tandis  que 
les  épanchements  séreux  de  l'hydrothorax  sont  libres  dans  la  plèvre  et 
occupent  toujours  la  partie  déclive  dans  toutes  les  positions  du  thorax,  les 
épanchements  delà  pleurésie  sont,  au  contraire,  habituellement  immobiles 
dans  la  place  qu'ils  occupent,  maintenus  et  emprisonnés  dans  la  situation 
qu'ils  ont  prise  par  des  fausses  membranes  qui  leur  forment  un  kyste 
et  les  limitent  de  toutes  parts. 

La  disposition  et  la  forme  qu'affectent  les  épanchements  dans  la  pleu- 
résie ont  été  parfaitement  établies  par  Damoiseau.  Pour  s'en  rendre  compte, 
il  suffit  d'avoir  présentes  à  l'esprit,  pendant  la  formation  de  l'épanché- 


154       PLEUHÉSIIi.  —  r.  aiguë  primitive.  —  lésions  anatomiques. 

mont,  ces  trois  données  :  la  forme  irrégulièrement  conique  de  la  cavité 
pleurale,  l'action  de  la  pesanteur,  enfin  la  position  habituelle  du  malade 
dans  son  lit.  Si  l'on  observe  que  les  pleurétiques  au  début  sont  couchés 
d'ordinaire  sur  le  dos,  le  thorax  étant  soulevé  et  plus  ou  moins  incliné  à 
l'horizon,  on  comprendra  facilement  que  les  épanchernents  doivent  s'ac- 
cumuler d'abord  en  arrière  dans  la  partie  la  plus  déclive  de  la  gouttière 
costo-vertébrale,  au-dessous  de  l'angle  inférieur  de  l'omoplate;  puis,  à 
mesure  qu'ils  augmentent,  leur  surface  en  s'élevant  coupe  obliquement  la 
cavité  conoïde  qui  les  renferme  et  dessine  à  sa  surface  des  courbes  du 
genre  des  sections  coniques  obliques  (Damoiseau).  Dans  leurs  différentes 
phases  d'accroissement  et  de  décroissance,  les  épanchernents  décrivent 
des  courbes  emboîtées  ,dont  l'axe  vertical  correspond  toujours  aux  parties 
les  plus  déclives  de  la  gouttière  costale, et  dont  la  moitié  antérieure  et  la 
moitié  postérieure  sont  très-inégales,  la  moitié  antérieure  étant  très-lon- 
gue jusqu'à  atteindre  le  sternum  plus  ou  moins  haut  et  la  moitié  posté- 
rieure très-courte  se  terminant  à  la  colonne  vertébrale.  Ils  sont  fixés  et 
maintenus  dans  celle  position,  comme  nous  l'avons  dit,  par  leur  consi- 
stance et  le  kyste  pseudo-membraneux  qui  les  enveloppe  ;  dès  lors  ils  sont 
soustraits  à  la  pesanteur,  et,  quelle  que  soit  la  position  du  thorax,  ils 
conservent  la  forme  d'une  section  de  cône,  et  leur  niveau  supérieur  coupe 
le  thorax  selon  un  plan  dirigé  de  haut  en  bas  et  d'arrière  en  avant  rela- 
tivement à  l'axe  vertical  de  cette  cavité. 

Quelle  que  soit  l'abondance  de  l'épanchement,  sa  disposition  reste 
toujours  telle  que  nous  venons  de  l'indiquer;  les  parties  anléro-supé- 
rieures  de  la  poitrine  sont  donc  les  dernières  à  être  envahies  par  l'épan- 
chement, et  elles  ne  le  sont  que  quand  ce  dernier  remplit  toute  la  cavité 
la  plèvre. 

A  ces  indications  fournies  par  Damoiseau,  Peter  a  récemment  ajouté 
quelques  particularités  relatives  surtout  à  la  nature  du  liquide  épanché; 
nous  aurons  à  y  revenir  à  propos  du  diagnostic. 

Telle  est  la  disposition  la  plus  ordinaire  et  la  plus  fréquente  dans  la 
pleurésie  aiguë  primitive.  Cependant  il  existe  quelques  variétés  de  la  ma- 
ladie dans  lesquelles  la  situation  et  la  forme  des  lésions  offrent  des  carac- 
tères différents  :  ainsi  dans  la  pleurésie  diaphragmatique,  l'épanchement 
se  fait  entre  la  face  supérieure  du  diaphragme  et  la  base  du  poumon,  repré- 
sentant un  kyste  étalé  entre  ces  deux  organes  ;  dans  la  pleurésie  interlo- 
baire,  qui  est  à  la  vérité  rarement  primitive,  il  présente  une  disposition 
analogue,  le  liquide  s'accumulant  et  s'enkystant  entre  deux  lobes  du 
poumon  ;  de  même  dans  la  pleurésie  médiastine,  où  le  liquide  s'épanche 
entre  la  face  interne  du  poumon  et  le  médiastin.  D'autre  part,  quand 
l'inflammation  se  développe  dans  une  plèvre  antérieurement  bridée  ou 
cloisonnée  par  des  adhérences,  l'épanchement  se  produit  dans  une  partie 
quelconque  de  la  cavité  pleurale,  et  sa  forme  très  variable  est  subordonnée 
aux  adhérences  qui  le  limitent. 

Les  lésions  de  voisinage  que  détermine  la  pleurésie  sont  de  deux 
ordres  :  en  tant  qu'inflammation,  elle  produit  dans  les  organes  adjacents 


PLEURÉSIE.  —  r.  aiguë  primitive.  —  lésions  a.natomiques.  155 

des  lésions  inflammatoires  ;  en  outre,  par  l'épanchement  auquel  elle 
donne  lieu,  elle  entraine  des  déformations  ou  des  déplacements  des  parois 
thoraciques  et  des  viscères  avec  lesquels  la  plèvre  est  en  rapport. 

L'inflammation  de  la  plèvre  pulmonaire  se  propage  aux  couches  les 
plus  superficielles  du  poumon  et,  ainsi  que  Brouardel  l'a  démontré,  on 
trouve,  dans  la  zone  corticale  du  parenchyme  pulmonaire  contigu  aux 
lésions  pleurétiques,  les  altérations  de  la  pneumonie  interstitielle  ;  ces 
altérations  survivent  même  à  la  pleurésie  qui  leur  a  donné  naissance  et 
expliquent  certains  phénomènes  d'auscultation  qui  persistent  souvent 
pendant  un  très  long  temps  après  la  guérison  de  la  pleurésie.  Dans  la 
paroi  thoracique  on  trouve  aussi  des  lésions  inflammatoires  des  organes  sous- 
jacents  à  la  plèvre  :  ainsi  le  tissu  cellulaire  peut  présenter  les  altérations 
du  phlegmon  aigu  ou  suhaigu  (Leplat),  le  périoste  des  côtes  lui-même  peut 
être  atteint  par  l'inflammation;  enfin  les  nerfs  intercostaux  présentent  des 
caractères  de  névrite,  ainsi  que  l'a  signalé  Beau  :  «  Ces  nerfs,  dit-il,  sont 
plus  ou  moins  enflammés  dans  tous  les  cas  d'inflammation  de  la  plèvre, 
soit  simple,  soit  compliquée  de  pneumonie.  L'inflammation  occupe  ordi- 
nairement toute  la  portion  du  nerf  qui  touche  la  plèvre,  mais  ne  s'étend 
pas  au  delà.  Elle  est  caractérisée  par  une  injection  souvent  intense,  non- 
seulement  du  névrilème,  mais  du  nerf  lui-même,  qui  est  augmenté  de 
volume,  sans  être  pour  cela  ni  plus  mou  ni  plus  friable  qu'un  nerf  sain. 
Quelquefois  il  adhère  légèrement  à  la  portion  de  plèvre  contiguë.  » 

Mais  les  altérations  les  plus  importantes  que  détermine  la  pleurésie 
dans  les  organes  voisins,  sont  sans  contredit  celles  qui  résultent  de  la 
compression  exercée  par  l'épanchement;  ce  sont  elles  qui  font  en  grande 
partie  la  gravité  de  la  maladie,  en  sorte  que  le  danger  de  la  pleurésie 
réside  moins  dans  l'inflammation  elle-même  que  dans  l'abondance  de 
l'épanchement  auquel  elle  donne  lieu  et  dans  les  troubles  mécaniques 
qui  en  sont  la  conséquence.  La  compression  que  l'épanchement  exerce 
sur  les  organes  adjacents  à  la  plèvre,  le  refoulement,  la  déformation  et  les 
déplacements  de  ces  organes  résultent  en  grande  partie  de  la  tension  à 
laquelle  est  soumis  le  liquide  dans  les  épanchements  pleurétiques  ;  nous 
nous  arrêterons  un  instant  d'abord  à  cette  importante  question  des  ten- 
sions intra-thoraciques,  sur  laquelle  Peyrota  récemment  publié  une  élude 
très  remarquable,  et  nous  résumerons  ici  les  intéressantes  recherches 
qu'il  a  publiées. 

Lorsqu'il  existe  un  épanchement  un  peu  abondant,  soit  liquide,  soit 
gazeux,  dans  une  des  cavités  pleurales  et  à  plus  forte  raison  dans  les 
deux,  les  tensions  intra-thoraciques  subissent  des  modifications  impor- 
tantes. A  l'état  normal,  en  raison  de  l'élasticité  pulmonaire,  la  surface 
interne  des  parois  thoraciques  et  les  organes  creux  contenus  dans  le  mé- 
diastin  sont  soumis  à  une  pression  négative;  mais  lorsqu'il  se  produit 
un  épanchement  qui  permet  au  poumon  de  revenir  sur  lui-même,  cette 
tension  négative  tend  à  disparaître,  et  quand  l'épanchement  devient  con- 
sidérable, elle  peut  être  remplacée  par  une  tension  positive.  Ordinaire- 
ment les  épanchements  ne  se  bornent  pas  à  tenir  sans  effort  dans  la  loge 


150       PLEURESIE.  —  P.  aiguë  primitive.  —  lésions  anatomiques. 

où  ils  tombent;  ils  tendent  à  écarter  et  â  refouler  les  parois  qui  les  limi- 
tent; niais  celles-ci  réagissent  par  leur  élasticité  et  entretiennent  dans  le 
milieu  liquide  ou  gazeux  qui  les  presse  une  tension  variable.  Il  n'est  pas 
besoin  d'un  épanchement  très-abondant  pour  que  celte  pression  puisse 
être  supérieure  à  la  pression  atmosphérique.  Veut- on  la  preuve  expéri- 
mentale de  cet  excès  de  tension?  Quand,  chez  un  sujet  mort  avec  un 
épanchement  pleural,  on  fait  une  ponction  en  un  point  quelconque  du 
thorax,  on  voit  le  liquide  sortir  par  l'ouverture  et  non  l'air  pénétrer  dans 
la  poitrine  (Peyrot).  Si,  chez  des  sujets  morts  de  même  avec  des  épan- 
chemenls  pleurétiqucs,  on  adapte  un  manomètre  à  la  trachée  et  qu'on 
fasse  ensuite  l'ouverture  de  la  poitrine,  alors  l'eau  du  manomètre,  au  lieu 
d'être  refoulée  et  de  s'élever  dans  le  tube,  comme  dans  l'état  normal, 
par  l'effet  de  l'élasticité  pulmonaire,  est  au  contraire  aspirée  et  s'abaisse 
dans  le  tube  :  dans  un  cas,  l'abaissement  de  la  colonne  liquide  fut  de 
4  centimètres,  dans  un  autre  cas  de  10  centimètres  (Mocquot  et  Rosa- 
pclly). 

Aussi  tout  épanchement  un  peu  abondant  se  trouve  soumis  à  une  pres- 
sion plus  ou  moins  considérable.  Sur  le  vivant,  celle  pression  varie  dans 
chaque  mouvement  respiratoire  ;  et  dans  les  cas  d'épanchement  peu  co- 
pieux, les  grandes  inspirations  peuvent  sans  aucun  doute  ramener  dans 
la  plèvre  une  tension  négative.  Dans  un  cas,  Peyrot  a  mesuré  la  tension 
pleurale  sur  le  vivant  à  l'aide  d'un  manomètre  à  mercure  ;  chez  un  ma- 
lade atteint  d'un  pyo-pneumothorax  la  tension  était,  au  moment  de  la 
ponction,  de  -}-5  centimètres  de  mercure;  après  la  soustraction  d'un  litre 
et  demi  de  liquide,  elle  n'était  plus  que  de  12  millimètres;  on  suspendit 
alors  l'aspiration  :  à  ce  moment,  les  mouvements  respiratoires  se  tradui- 
saient par  des  oscillations  de  la  colonne  liquide. 

On  a  du  reste  souvent  la  preuve  d'une  grande  tension  intra-pleurale, 
quand  on  fait  la  thoracentèse  avec  le  trocart  ordinaire  :  le  liquide  jaillit 
à  une  certaine  distance  pendant  un  certain  temps  ;  ce  n'est  pas  alors  que 
la  baudruche  est  nécessaire,  mais  seulement  à  la  fin  de  l'opération,  alors 
que  la  plèvre  est  presque  vide  et  que  l'influence  des  mouvements  respira- 
toires peut  s'y  faire  sentir  (Peyrot). 

Quelques  autres  auteurs  se  sont  aussi  occupés  de  déterminer  quelle  est 
la  tension  intra-thoracique  dans  les  épanchements  pleuraux.  Ainsi,  en 
Allemagne,  Quincke  et  Leyden  (cités  par  Homolle)  ont,  dans  un  grand 
nombre  de  cas,  mesuré  cette  tension  à  l'aide  du  manomètre,  pendant 
l'opération  de  la  thoracentèse,  à  divers  moments  de  l'écoulement  du 
liquide..  Tout  récemment  enlin,  Homolle  a  publié,  dans  un  très-intéres- 
sant mémoire,  les  nombreuses  recherches  que  Potain  a  faites  sur  ce  sujet 
important,  en  se  servant  surtout  d'un  petit  manomètre  matallique  qui 
s'adapte,  sans  difficulté,  aux  appareils  aspirateurs.  Voici  les  principales 
conclusions  auxquelles  Potain  et  Homolle  ont  été  conduits  :  La  tension 
initiale,  au  début  de  la  thoracentèse,  est  presque  toujours  positive;  elle 
s'élève  parfois  jusqu'à  20  et  50  millimètres  de  mercure;  elle  peut,  par 
exception,  s'abaisser  à  0  ou  à  — 2.  Il  est  impossible  d'établir  un  rapport 


PLEURÉSIE.    P.   AIGUË  PRIMITIVE.    LÉSIONS  ANATOMIQUES.  157 

proportionnel  entre  le  degré  de  pression  positive  ou  négative  et  la  pré- 
sence d'une  quantité  déterminée  de  liquide  dans  la  plèvre.  Les  hautes 
tensions  s'observent  avec  les  grands  épanchements,  surtout  lorsqu'ils  sont 
franchement  inflammatoires  et  récents,  chez  les  sujets  jeunes  et  vigou- 
reux, dont  les  parois  thoraciques  sont  fortes  et  élastiques,  enfin  lorsque 
le  poumon  hyperémié  ou  enflammé  conserve,  sous  la  pression  du  liquide, 
un  volume  notable.  Les  basses  pressions  initiales  se  montrent  dans  les 
conditions  opposées  (vieil  épanebement,  sujet  cachectique,  poumon 
affaissé,  etc.).  Les  grandes  décompressions  finales  succèdent  à  la  sous- 
traction de  quantités  considérables  de  liquide,  quand  les  parois  sont 
rigides,  quand  le  poumon  est  peu  susceptible  d'expansion,  qu'il  est  bridé 
par  la  plèvre  épaissie,  hyperémié  on  atélectasié  depuis  longtemps.  Une 
décompression  brusque  et  forte  est  une  des  causes  les  plus  certaines  et 
les  plus  importantes  des  divers  accidents  qui  s'observent,  soit  après,  soit 
même  pendant  l'évacuation  des  épanchements  pleuraux  par  la  thoracen- 
tèse  (toux,  douleur,  expectoration  albumineuse,  congestion  ou  œdème 
aigu,  peut-être  même  pneumothorax).  Le  manomètre  permet  d'apprécier 
la  rapidité  avec  laquelle  se  produit  l'abaissement  de  tension  et  le  degré  de 
l'aspiration;  il  peut  donc  servir  de  guide  pour  faire  apprécier  le  moment 
où  il  convient  d'interrompre  l'écoulement  du  liquide.  Tant  que  la  décom- 
pression est  lente  et  graduelle,  on  peut,  en  général,  continuer  l'extrac- 
tion ;  il  est  bon  de  la  suspendre  quand,  après  un  abaissement  progressif, 
on  constate  une  diminution  brusque  et  notable  de  la  pression. 

Voyons  maintenant  les  effets  de  compression  que  l'épanchement  exerce 
sur  les  organes  voisins. 

Le  poumon  est  naturellement  le  premier  organe  comprimé,  et  c'est  sur 
lui  que  les  effets  de  la  compression  sont  le  plus  accusés.  Au  début  de  l'é- 
panchement, il  revient  d'abord  sur  lui-même  en  vertu  de  son  élasticité  ; 
plus  tard,  à  mesure  que  le  liquide  augmente,  il  se  vide  graduellement  de 
l'air  qu'il  contient,  son  parenchyme  s'affaisse,  devient  de  plus  en  plus 
compacte,  et  présente  les  caractères  qu'on  a  décrits  sous  le  nom  de  splé- 
nisation;  il  ne  crépite  plus  sous  le  doigt  et  surnage  à  peine  dans  le  li- 
quide où  on  le  plonge.  Les  bronches  elles-mêmes  n'échappent  pas  à  la 
compression  :  les  extrémités  bronchiques  et  même  les  bronches  d'un  cer- 
tain calibre,  quand  l'exsudatest  très-abondant,  sont  aplaties  et  imperméa- 
bles à  l'air.  Si  l'épanchement  est  demeuré  limité  en  arrière  et  sur  les 
côtés,  comme  cela  est  très-ordinaire,  c'est  surtout  dans  les  parties  posté- 
rieures du  poumon  qu'on  trouvera  les  altérations  précédentes  ;  mais 
quand  l'épanchement  très-considérable  a  envahi  la  totalité  de  la  cavité 
pleurale,  le  poumon  se  retire  vers  son  hile  sur  le  côté  de  la  colonne  ver- 
tébrale, c'est  là  qu'on  le  retrouve  sous  la  forme  d'une  petite  masse  grisâ- 
tre, exsangue,  souvent  enveloppée  de  fausses  membranes  épaisses.  Lorsque 
le  liquide  épanché  est  résorbé  et  que  la  pression  cesse,  le  poumon  peut 
quelquefois  reprendre  ses  caractères  normaux;  mais  ce  retour  à  l'état  nor- 
mal est  toujours  très-lent  à  se  produire,  et  le  plus  souvent  même  il  reste 
quelques  traces  de  la  maladie.  Si  une  partie  plus  ou  moins  considérable 


158  PLEURÉSIE.    P.   AIGUË  PRIMITIVE.    LÉSIONS  ANATOMIQUES. 


du  poumon  est  enveloppée  de  néoineinbranes  inextensibles,  le  paren- 
chyme pulmonaire,  ainsi  emprisonné,  reste  ail'aissé  et  inapte  à  remplir 
ses  fonctions. 

Le  refoulement  des  parois  thoraciques  et  des  organes  adjacents  est 
étroitement  lié  à  la  tension  de  Pépanchement  ;  ce  sont  des  phénomènes 
connexes,  si  bien  que  les  déformations  du  thorax  et  les  déplacements  des 
viscères  peuvent,  dans  une  certaine  mesure,  servir  à  apprécier  l'augmen- 
tation de  la  tension  intrathoracique. 

Les  différentes  parois  de  la  loge  pulmonaire  subissent  à  des  degrés  va- 
riables l'influence  du  refoulement.  La  paroi  costale  éprouve,  du  côté  de 
l'épanchement,  un  changement  d'aspect  qui  saute  aux  yeux,  elle  tend  à 
devenir  globuleuse  ;  cette  déformation  est  due  à  ce  que  les  côtes,  repous- 
sées en  dehors  par  le  liquide,  exécutent  un  mouvement  de  rotation  autour 
d'une  ligne  fictive  passant  par  leurs  deux  extrémités  ;  dans  ce  mouvement 
toute  la  partie  convexe  de  l'arc  costal  se  trouve  écartée  de  l'axe  vertical 
du  thorax,  et  par  suite  le  périmètre  de  la  poitrine  est  agrandi.  Cependant, 
ainsi  que  l'a  montré  Peyrot,  l'agrandissement  du  côté  malade  n'est  pas 
surtout  formé  par  le  développement  de  la  moitié  du  thorax  où  siège  l'é- 
panchement, l'autre  côté  conservant  sa  forme  normale  ;  il  est  plutôt  le 
résultat  d'un  mouvement  subi  à  la  fois  par  les  deux  côtés  de  la  cage  tho- 
racique  qui  se  portent  d'ensemble  dans  le  sens  du  mamelon  qui  corres- 
pond à  l'épanchement.  Le  côté  malade  se  dilate  donc  surtout  aux  dépens 
du  côté  sain,  qui  se  trouve  entraîné  vers  lui  par  l'effort  que  l'épanche- 
ment exerce  sur  une  partie  de  la  paroi  thoracique,  et  il  en  résulte  une 
déformation  de  la  poitrine  qui  amène  la  production  d'une  sorte  de  tho- 
rax oblique  ovalaire  (Peyrot).  Des  expériences  cadavériques  ont  dé- 
montré à  Peyrot  la  réalité  de  cette  déformation  générale  de  la  poitrine;  il 
a  vu  que,  dans  le  cas  d'épanebement  considérable,  le  sternum  se  déjette 
vers  le  côté  malade  jusqu'à  se  transporter  tout  entier  de  ce  côté  ;  en 
même  temps,  la  portion  cartilagineuse  des  côtes  bombe  et  s'arrondit  du 
côté  malade,  tandis  que  de  l'autre  côté  elle  s'aplatit  de  plus  en  plus  à 
mesure  qne  le  sternum  s'éloigne  davantage  de  la  ligne  médiane.  Dans  ce 
mouvement  général  du  thorax  sous  l'effort  de  l'épanchement,  ce  sont  sur- 
tout les  parties  antérieures  qui  cèdent  en  raison  de  leur  mobilité,  tandis 
que  les  parties  postérieures  résistent  et  opposent  un  obstacle  efficace  au 
déplacement.  Quoi  qu'il  en  soif,  ces  déformations  de  la  paroi  du  thorax 
pToduisent,  en  même  temps  que  le  soulèvement  des  côtes,  une  asymétrie 
très-marquée  que  l'œil  et  la  main  peuvent  apprécier  facilement. 

Le  refoulement  du  diaphragme  est  très-commun,  et  concurremment  on 
observe  le  déplacement  du  foie  ou  de  la  rate.  Ces  déplacements  sont  quel- 
quefois très-considérables  ;  ainsi  Damoiseau  rapporte  que,  dans  un  cas  d'é- 
panchement  purulent  du  côté  droit,  le  foie  avait  subi  un  mouvement  de 
bascule  tel  que  sa  face  inférieure  était  devenue  verticale  et  que  son  bord 
inférieur  touchait  le  ligament  de  Fallopc  ;  le  diaphragme  présentait  dans 
l'abdomen  une  convexité  au  moins  égale  à  celle  qu'il  forme  ordinairement 
dans  la  poitrine.  L'abaissement  de  la  rate  dans  les  épanchemenls  du  côté 


PLEURÉSIE.           P.  AIGUË  PRIMITIVE.  LÉSIONS  ANATOMIQUES.  159 

eauche  signalé  par  Sloll,  a  moins  d'importance  et  est  plus  difficile  à 
apprécier. 

Le  refoulement  du  médiastin,  admis  par  la  plupart  des  auteurs,  a  cepen- 
dant été  contesté  par  Richerand,  qui,  s'appuyant  sur  des  expériences  cada- 
vériques, déclare  que  le  médiastin  est  assez  solidement  fixé  en  avant  et 
en  arrière  du  thorax  et  présente  une  résistance  suffisante  pour  s'opposer 
au  refoulement  même  dans  les  épanchements  les  plus  considérables.  Mais 
Peyrot,  qui  a  fait  aussi  des  expériences  sur  le  cadavre,  affirme  que  le  dé- 
placement du  médiastin  existe  et  est  môme  considérable  dans  les  grands 
épanchements.  On  apprécie  surtout  ce  refoulement  par  le  déplacement 
ou  la  compression  des  organes  contenus  dans  le  médiastin.  Ledéplacement 
du  cœur  est  souvent  très-accusé  dans  les  épanchements  de  la  plèvre  gau- 
che; il  est  fréquent  devoir  le  cœur  dépasser  le  bord  droit  du  sternum,  et 
il  n'est  pas  très-rare  de  le  voir  atteindre  le  niveau  du  mamelon  droit.  La 
trachée  et  la  crosse  de  l'aorte  peuvent  encore  être  comprimées  dans  le  mé- 
diastin antérieur.  Les  organes  contenus  dans  le  médiastin  postérieur  sem- 
blent moins  subir  les  effets  de  refoulement;  cependant  Damoiseau  a  ob- 
servé, dans  un  cas  de  pleurésie,  une  dysphagie  qui  ne  peut  guère  être 
attribuée  qu'à  la  compression  de  l'œsophage.  Il  faut  tenir  compte  aussi  des 
modifications  que  la  compression  du  médiastin  apporte  à  la  circulation 
dans  les  grosses  veines  qui  sont  contenues  dans  cet  espace  :  la  compres- 
sion que  subissent  ces  vaisseaux  peut  être  invoquée  pour  expliquer  la  gêne 
extrême  de  la  circulation  et  de  la  respiration  qu'on  observe  souvent,  cer 
tains  œdèmes  qui  surviennent  dans  le  cours  de  la  pleurésie,  enfin  les  coagu- 
lations sanguines  qui  peuvent  se  former  dans  le  cœuroules gros  vaisseaux 
et  entraîner  de  redoutables  accidents  (Peyrot). 

Les  déplacements  du  cœur,  du  foie,  de  la  rate,  que  nous  venons  d'indi- 
quer sont  très-réels;  mais  nous  pensons  qu'ils  sont  moins  étendus  en  réalité 
qu'ils  ne  le  paraissent.  En  effet,  dans  l'appréciation  de  ces  déplacements, 
on  prend  pour  point  de  repère  la  paroi  tboracique  ;  or  celle-ci,  ainsi  que 
nous  l'avons  vu,  ne  reste  pas  immobile  dans  sa  position  normale  :  elle  se  dé- 
place aussi,  et  ses  déplacements  viennent  s'ajouter  à  ceux  des  organes  et  les 
exagèrent  en  apparence.  Ainsi,  dans  le  cas  d'épanchement  considérable  dans 
la  plèvre  gauche,  le  cœur  est  refoulé  à  droite  sous  lesternum  et  même  au  delà 
de  cet  os;  il  y  a  là  un  déplacement  réel  Au.  cœur;  mais  en  même  temps  le 
sternum  est  entraîné  vers  la  gauche  et  glisse  au-devant  du  cœur,  qui  dès 
lors  paraît  plus  entraîné  vers  la  droite  qu'il  n'est  en  réalité  ;  il  y  a  donc 
un  déplacement  relatif  du  cœur  par  rapport  au  sternum  qu'on  prend  pour 
point  de  repère.  Cette  manière  nouvelle  d'interpréter  les  déplacements  du 
cœur  a  été  très-nettement  formulée  par  un  de  nos  élèves,  M.  Defontaine, 
à  propos  d'un  malade  atteint  de  pleurésie  purulente  et  traité  par  les  ponc- 
tions successives,  chez  lequel  nous  avions  fait  un  grand  nombre  de  men- 
surations du  thorax  dans  le  but  d'apprécier  les  déformations  de  la  poitrine 
et  les  déplacements  des  organes.  Nous  la  croyons  pour  notre  part  très- 
exacte,  el  l'un  de  nous  en  a  fait  l'objet  d'un  petit  mémoire;  mais  il  reste- 
rait à  indiquer  des  moyens  pratiques  pour  distinguer  les  déplacements  re- 


Kill 


PLEURÉSIE. 


  P.  ÂIGUii  PRIMITIVE.   


SYMPTÔMES. 


latii's  des  déplacements  réels  ou  faire  la  part  qui  revient  à  chacun  d'eux 
dans  chaque  cas  particulier  ;  c'est  ce  que  nous  n'avons  encore  pu  réaliser. 

Ce  qui  vient  d'être  dit  des  déplacements  du  cœur  est  également  appli- 
cable aux  déplacements  du  l'oie  et  de  la  rate:  sans  doute  l'abaissement 
du  diaphragme  repoussé  par  l'épanchement  refoule  le  foie,  mais  en  même 
temps  le  mouvement  des  côtes  qui  se  relèvent  tend  à  laisser  le  foie  plus 
à  découvert  dans  l'abdomen,  et  si  on  veut  apprécier  le  déplacement  du 
foie  par  l'étenduedont  cet  organe  déborde  les  fausses  côtes,  on  réunit  dans 
cette  appréciation  et  le  refoulement  en  bas  du  foie  par  l'épanchement 
(déplacement  réel)  et  le  mouvement  en  haut  de  la  paroi  thoracique,  qui 
ebange  les  rapports  du  foie  avec  les  dernières  fausses  côtes  (déplacement 
relatif).  En  résumé,  nous  croyons  que,  contrairement  à  ce  qui  a  été  fait 
jusqu'ici,  il  faut  tenir  compte,  dans  l'appréciation  des  déplacements  des 
viscères  dans  les  grands  épanebements  pleuraux,  des  déformations  et  des 
déplacements  que  subit  la  paroi  thoracique  elle-même,  et  savoir  que  les 
changements  de  rapports  des  viscères  avec  le  sternum  ou  les  côtes,  consi- 
dérés à  tort  comme  (ixes,  ne  donnent  pas  la  mesure  exacte  des  déplace- 
ments de  ces  viscères;  mais  qu'ils  sont  la  somme  de  deux  facteurs,  d'une 
part  le  refoulement  vrai  des  organes,  d'autre  part  le  glissement  en  sens 
inverse  de  la  paroi  thoracique. 

Symptômes.  —  Le  début  de  la  pleurésie  aiguë  est  très-variable  : 
le  plus  souvent  il  est  brusque,  marqué  par  un  mouvement  fébrile,  accom- 
pagné de  point  de  côté,  de  toux  et  de  gêne  respiratoire  ;  quelquefois  il 
est  insidieux,  caractérisé  seulement  par  du  malaise  et  une  sensation  peu 
accusée  de  gêne  dans  la  poitrine,  en  sorte  que  le  malade  continue  à 
vaquer  à  ses  occupations  jusqu'à  ce  qu'il  soit  arrêté  par  la  difficulté  de  la 
respiration,  et  il  arrive  quelquefois  qu'on  trouve,  dès  la  première  fois 
qu'on  examine  la  poitrine,  un  abondant  épanchement.  La  fièvre,  la  dou- 
leur de  côté,  la  toux  et  la  dyspnée,  tels  sont  les  symptômes  qui  indiquent 
l'invasion  de  la  maladie,  mais  ces  symptômes  ne  sont  pas  constants,  ils 
sont  suivant  les  cas  plus  ou  moins  développés,  ou  encore  diversement 
associés  entre  eux  ;  de  là  des  variétés  nombreuses  dans  le  mode  de  début 
de  la  pleurésie  qui,  dès  le  commencement  comme  durant  son  cours,  pré- 
sente plus  d'irrégularités  et  d'imprévu  que  la  plupart  des  autres  maladies 
aiguës. 

Quel  qu'ait  été  son  début,  la  pleurésie  ne  tarde  pas  en  général  à  être 
caractérisée  par  la  persistance  des  trouhles  fonctionnels,  spécialement  de 
l'oppression  et  de  la  toux,  et  surtout  par  l'apparition  de  signes  physiques 
qui  permettent  en  général  de  suivre  la  maladie  dans  toutes  ses  phases  et 
de  reconnaître  avec  précision  la  plupart  des  particularités  qui  s'y  ratta- 
chent :  ainsi  avec  l'inspection,  la  palpation,  la  mensuration,  la  percus- 
sion et  l'auscultation,  il  est  le  plus  souvent  possible  de  déterminer  avec 
exactitude,  s'il  existe  ou  non  un  épanchement  dans  la  plèvre;  quand  l'épan- 
chement existe,  quel  siège  il  occupe,  quelle  est  sa  foi  inc.  quels  sont  ses 
limites,  son  épaisseur  ;  d'apprécier  ainsi  dans  une  certaine  mesure  quelle 
est  sa  quantité,  quelle  est  sa  composition,  s'il  est  libre  ou  enkysté  dans 


PLEURÉSIE. 


  P.  AIGUË  PRIMITIVE. 


  SYMPTÔMES. 


m 


la  cavité  pleurale,  de  le  suivre  dans  ses  diverses  périodes  d'accroisse- 
ment, d'état  et  de  déclin;  de  reconnaître  les  efi'cts  mécaniques  qu'il 
exerce  sur  les  viscères  adjacents  ;  toutes  questions  capitales  pour  !e 
pronostic  et  pour  le  traitement. 

Enfin,  quand  l'inflammation  pleurale  est  éteinte,  elle  laisse  souvent 
après  elle  des  reliquats  qui  dépendent  de  la  persistance  de  quelques- 
unes  des  lésions  de  la  plèvre  et  de  la  compression  que  l'épanchement  a 
exercée  sur  les  organes  voisins.  Tous  ces  symptômes  et  ces  signes  méri- 
tent une  étude  attentive. 

Symptômes  généraux  et  fonctionnels.  —  La  fièvre  de  la  pleurésie  est  le 
plus  souvent  modérée,  elle  s'établit  graduellement  et  se  montre  sous  le 
type  rémittent.  Elle  n'a  ni  la  brusquerie  du  début,  ni  l'intensité,  ni  la 
marche  typique  qu'on  trouve  par  exemple  dans  la  pneumonie;  mais  elle 
présente  pourtant  quelques  caractères  qui  ont  une  réelle  importance. 

Au  début  de  la  pleurésie  aiguë  franche,  la  fièvre  peut  être  regardée 
comme  presque  constante,  et  il  est  de  règle  qu'il  y  ait  un  mouvement 
fébrile  dans  les  premiers  jours  de  l'invasion  de  la  maladie.  Le  plus  sou- 
vent il  y  a  des  frissons  durant  un  jour  ou  deux  :  on  ne  trouve  pas  Je  gros 
frisson  intense,  unique  et  prolongé  du  début  de  la  pneumonie,  mais  de 
petits  frissons  qui  reviennent  à  intervalles  irréguliers.  Cette  différence 
paraît  due  à  ce  que  la  fièvre,  au  lieu  de  s'élever  rapidement  et  d'attein- 
dre son  apogée  en  quelques  heures  comme  dans  la  pneumonie,  s'accroît 
au  contraire  lentement  et  met  deux  ou  trois  jours  pour  arriyer  à  son 
maximum  qui  est  lui-même  relativement  peu  élevé.  La  température,  en 
effet,  monte  habituellement  aux  chiffres  de  58°,  58°  5,  et  même  59  de- 
grés ;  rarement  elle  dépasse  beaucoup  ce  chiffre  ou,  si  elle  atteint 
40  degrés,  ce  n'est  que  d'une  façon  passagère.  Le  pouls  est  accéléré,  et 
celte  accélération  est  souvent  hors  de  proportion  avec  l'élévation  de  la 
température  :  ainsi,  on  compte  souvent  100,  120  pulsations  par  minute 
et  même  davantage  :  «  Dans  la  pleurésie,  dit  Lorain,  la  circulation  est 
plus  accélérée  que  la  température  n'est  élevée.  Il  y  a  une  gêne  mécanique 
de  la  respiration  qui  entraîne  la  circulation.  »  En  même  temps  qu'il  est 
accéléré,  le  pouls  est  souvent  dur  et  résistant. 

Après  avoir  augmenté  pendant  deux  ou  trois  jours,  la  fièvre  reste  ordi- 
nairement stationnaire  pendant  le  temps  que  dure  la  formation  et  l'ac- 
croissement de  l'épanchement,  c'est-à-dire  pendant  une  à  deux  semaines 
environ.  Pendant  ce  temps  qu'on  peut  considérer  comme  la  période 
d'état  de  la  maladie,  la  température  oscille  entre  58  et  59  degrés,  pré- 
sentant un  écart  de  1  degré  à  peu  près  entre  la  température  du  matin  et 
celle  du  soir,  et  le  pouls  varie  entre  90  et  120  ou  150  pulsations. 
Cependantil  n'est  pas  rare  que,  dès  le  commencement  de  celte  période,  la 
fièvre  tombeau  moment  où  l'épanchement  se  forme  ou  pendant  qu'il  aug- 
mente. La  durée  de  la  période  fébrile  dans  la  pleurésie  est  donc  très-varia- 
ble; elle  peut  n'être  que  de  trois  ou  quatre  jours,  elle  peut  se  prolonger 
au  delà  de  deux  semaines.  En  général  la  persistance  delà  fièvre  doit  faire 
craindre  et  rechercher  l'existence  de  quelque  complication  ou  la  transfor- 

KOBV.  D1CT.  M  ÉD.  ET  C11III.  XXVIII    il 


102 


PLEURÉSIE. 


  P.   AlCUij  l'UIMlTIVE. 


  SYMI'TÔMKS. 


mation  purulente  de  l'épanchement;  nous  reviendrons  ailleurs  sur  ce 
point. 

Quand  la  pleurésie  se  termine  par  résolution,  comme  c'est  le  cas  le 
plus  fréquent,  la  période  de  terminaison  qui  commence  en  moyenne  vers 
le  vingtième  jour,  est  ordinairement  apyrétique  :  pendant  tout  le  temps 
que  dure  la  résorption  progressive  oc  l'épanchcment,  il  n'y  a  pas  de  fièvre; 
mais  le  pouls  conserve  assez  souvent  un  peu  de  fréquence,  imputable 
sans  doute  à  la  gène  respiratoire.  Quelquefois  durant  cette  période,  on 
voit  des  retours  passagers  de  fièvre  qui  coïncident  avec  un  arrêt  dans  la 
résorption  ou  même  avec  un  retour  de  l'épanchement. 

Bien  que  les  phénomènes  fébriles,  appréciés  surtout  par  la  tempéra- 
ture, présentent  en  général  les  caractères  que  nous  venons  d'indiquer,  il 
n'est  pas  rare  d'observer  des  exceptions  :  ainsi  Woillez  remarque,  d'après 
plusieurs  faits  qu'il  rapporte,  que  la  Ihermométrie  fournit  des  données 
très-variables  suivant  les  individus  et  que  parfois  même  les  signes  en 
sont  négatifs  ;  en  outre  que,  les  premiers  jours  passés,  la  température 
n'est  nullement  en  rapport  avec  les  progrès  de  l'épanchement. 

Indépendamment  de  l'observation  de  la  température  générale  recher- 
chée dans  l'aisselle  ou  dans  le  rectum,  Peter  s'est  préoccupé  des  varia- 
tions delà  température  locale  dans  la  pleurésie (thermométrie  pleurale)  : 
pour  apprécier  la  température  de  la  paroi  thoracique  du  côté  sain  et  du 
côté  malade,  ainsi  que  ses  rapports  avec  la  température  moyenne  du 
malade,  il  place  successivement  le  même  thermomètre  dans  le  même 
espace  intercostal,  le  sixième  par  exemple,  du  côté  malade  et  du 
côté  sain,  puis  enfin  dans  l'aiselle  du  côté  sain.  Voici  quelques- 
uns  des  résultats  intéressants  auxquels  il  a  été  conduit  :  Du 
côté  de  la  pleurésie,  la  température  pariétale  est  toujours  plus 
élevée  que  la  température  pariétale  moyenne  (qui  est  de  55°, 8)  ;  la  suré- 
lévation morbide  ou  bypei  thermie  locale  est  de  5  dixièmes  de  degré  à  '2°, 5 
et  même  davantage;  —  l'élévation  de  la  température  augmente  comme 
l'épanchement,  c'est-à-dire  avec  la  période  d'activité  sécrétoire  de  la 
plèvre  ;  elle  décroît  dans  la  période  d'état  de  l'épanchement,  bien  qu'elle 
reste  encore  plus  élevée  que  du  côté  sain  ;  —  la  pleurésie  n'élève  pas 
seulement  la  température  pariétale  du  côté  où  elle  siège,  elle  l'élève 
également  du  côté  opposé;  mais  la  température  pariétale  du  côté  malade 
est  toujours  plus  élevée  (de  quelques  dixièmes  de  degré  à  1°  et  même 
davantage)  que  la  température  pariétale  du  côté  sain;  —  la  température 
pariétale  s'abaisse  peu  à  peu  quand  l'épanchement  se  résorbe  spontané- 
ment, tout  en  restant  supérieure  (en  général  de  plusieurs  dixièmes  de 
degré)  à  la  température  pariétale  du  côté  sain;  cette  persistance  tempo- 
raire de  l'hypcrtlicrinie  locale  explique  la  possibilité  de  la  récidive  par  la 
persistance  des  conditions  anatomiques  qui  président  à  la  formation  de 
l'épanchement.  —  Un  fait  des  plus  intéressants,  c'est  que  l'élévation 
absolue  de  la  température  locale,  du  côté  malade,  est  plus  considérable 
que  l'élévation  absolue  de  la  température  axillaire,  bien  que  le  chiffre 
thermique  axillaire  puisse  être  plus  fort  que  le  chiffre  thermique  pariétal. 


PLEURÉSIE.  —  p.  aiguë  pimimvE.  —  symptômes.  163 

Cette  hyperthermie  locale  précède  l'hyperthermie  axillaire.  Deux  choses 
qui  démontrent  l'influence  dominatrice  du  travail  morbide  pleurétique  sur 
l'état  général  ou  tout  au  moins  sur  la  température  générale.  —  Si  on 
vient  à  évacuer  le  liquide  épanché,  c'est-à-dire  à  vider  la  cavité  de  la 
plèvre,  la  température  pariétale  s'élève  du  côté  ponctionné;  cette  surélé- 
vation de  la  température  ne  persiste  pas  si  Pépanchement  ne  doit  pas  se 
reproduire,  elle  persiste  si  l'épanchement  se  reproduit.  Peler  a  établi  que 
cette  hyperthermie  consécutive  à  la  ponction  est  duc  à  l'hypcrémic  pro- 
voquée par  l'évacuation  du  liquide,  que  cette  hyperémie  a  vacuo 
s'ajoute  à  l'hyperémie  phlegmasiquc  antérieure  et  qu'ainsi  on  comprend 
comment  la  ponction  pratiquée  intempestivement  pendant  la  période 
d'activité  inflammatoire  peut  aider  à  la  transformation  purulente  de 
l'épanchement  .Nous  sommes  obligés  de  nous  borner  à  ce  court  résumé  des 
recherches  de  Peter  ;  on  voit  pourtant  les  applications  qu'on  en  peut 
faire  au  pronostic  et  au  traitement. 

La  douleur  de  côté  est  un  des  symptômes  les  plus  constants  du 
début  de  la  pleurésie  aiguë.  Elle  a  souvent  son  siège  sous  le  mamelon 
du  côté  malade,  dans  une  partie  limitée  du  cinquième  ou  du  sixième 
espace  intercostal  ;  elle  mérite  alors  le  nom  de  point  de  côté  :  c'est  une 
douleur  aiguë,  analogue  à  celle  que  donnerait  un  instrument  piquant 
enfoncé  sous  la  peau;  elle  entrave  la  respiration,  qui  devient  courte, 
saccadée,  entrecoupée.  D'autres  fois  la  douleur  est  plus  étalée,  et  alors 
elle  occupe  fréquemment  une  certaine  étendue  de  la  base  du  thorax  vers 
la  partie  externe  ;  elle  s'irradie  dans  quelques  cas  vers  l'épaule,  vers  la 
partie  postérieure  de  la  poitrine  et  même  vers  le  flanc  du  côté  correspon- 
dant ;  elle  présente  ordinairement  moins  d'intensité  quand  elle  est  ainsi 
diffuse  que  lorsqu'elle  est  bornée  à  un  point  peu  étendu.  Tantôt  elle  est 
continue,  s'exagéraut  dans  les  mouvements  respiratoires  ou  dans  les 
secousses  de  la  toux;  tantôt  elle  ne  se  montre  que  par  intervalles,  pro- 
voquée seulement  par  la  toux  ou  par  les  grandes  inspirations.  La  douleur 
de  côté  ne  dure  pas  en  général  plus  de  quelques  jours  :  ordinairement 
«lie  s'amoindrit  ou  disparaît  quand  l'épanchement  se  produit;  elle 
revient  quelquefois  lorsqu'il  survient  des  exacerbations  dans  le  cours  de  la 
maladie.  A  quoi  est  due  cette  douleur?  Non  pas  sans  doute  à  l'inflamma- 
tion de  la  plèvre  elle-même,  puisque  la  sensibilité  propre  de  celte  mem- 
brane est  douteuse,  mais  à  l'irritation  des  nerfs  adjacents,  c'est-à-dire  des 
nerfs  intercostaux.  Bouillaud  considérait  le  point  de  côté  de  la  pleurésie 
comme  l'expression  d'une  névralgie  intercostale;  il  semble  plus  légitime 
de  rapporter  cette  douleur  à  l'inflammation  des  nerfs  intercostaux,  dont 
Beau,  a  démontré  l'existence  dans  la  pleurésie,  ainsi  que  nous  l'avons  vu 
précédemment  :  la  douleur  de  cette  névrite  est  rapportée  aux  expansions 
terminales  des  nerfs  atteints,  aussi  le  malade  n'accusc-t-il  souvent  qu'un 
point  douloureux  sous  le  mamelon  ;  mais  il  est  facile  de  se  convaincre  que 
la  pression  est  douloureuse  sur  tout  le  trajet  d'un  ou  de  plusieurs  espaces 
intercostaux,  qu'elle  est  le  plus  pénible  en  des  foyers  qui  sont  les  points 
d'émergence  des  rameaux  nerveux,  enfin  qu'elle  éveille  de  la  souffrance 


104 


PLEURÉSIE. 


  P.  AIGUË  PRIMITIVE.  — 


SYMPTÔMES. 


au  sommet  des  apophyses  épineuses  des  espaces  correspondants  (Beau, 
Peter). 

La  toux  peut  manquer  dans  la  pleurésie,  mais  le  plus  souvent  elle  se 
montre  par  intervalles,  surtout  quand  le  malade  veut  parler,  ou  qu'il 
cherche  à  l'aire  une  profonde  inspiration  ou  encore  quand  il  change  de 
position  dans  son  lit.  Elle  présente  comme  caractères  dans  la  pleurésie 
d'être  brève,  quelquefois  quinteuse,  toujours  sèche  :  à  peine,  en  effet,  le 
malade  rejclte-l-il  après  les  quintes  quelque  peu  prolongées  une  petite 
quantité  de  mucosités  semblables  à  de  la  salive  ;  quand  il  y  a  mie  expec- 
toration différente,  c'est  que  la  pleurésie  est  compliquée  d'une  autre 
maladie,  une  bronchite  ou  une  pneumonie  par  exemple.  Peter  a  très- 
habilement,  recherché  la  pathogénie  de  la  toux  dans  la  pleurésie  ;  il 
l'attribue  dans  tous  les  cas  à  l'excitation  des  filets  terminaux  du  nerf 
vague,  mais  celle-ci  se  produit  de  façons  différentes  aux  diverses  phases 
de  la  maladie  :  au  début,  l'excitation  du  pneumogastrique  a  lieu  par 
transmission  de  l'inflammation  de  la  plèvre  viscérale  aux  couches  adja- 
centes du  poumon  et  aux  ramuscules  bronchiques  contigus;  plus  tard 
quand  l'épanchement  s'est  produit  en  quantité  peu  considérable,  la  toux 
se  manifeste  lorsque  le  malade  se  déplace,  pareeque  l'exsudat,  en  se 
déplaçant  lui-même  par  les  mouvements  du  thorax  vient  irriter  de  nou- 
velles portions  du  pneumogastrique;  elle  diminue  souvent  quand  l'épan- 
chement augmente,  et  cesse  même  quand  il  est  considérable  et  que  le 
poumon  est  enveloppé  de  fausses  membranes  et  de  liquide,  parce  qu'il  n'y 
a  plus  alors  de  nouvelle  surface  irritable  parles  déplacements  du  liquide. 
La  toux  sèche,  quinteuse,  qui  survient  chez  un  malade  dans  les  change- 
ments de  position,  acquiert  ainsi  une  valeur  diagnostique  :  elle  est 
l'indice  d'une  pleurésie  et  d'une  pleurésie  avec  épanchement  peu  abon- 
dant (Peler). 

L' oppression  se  montre  dans  la  pleurésie  à  toutes  les  périodes  de  la 
maladie;  elle  est  quelquefois  peu  marquée  quand  le  malade  est  au  repos 
et  surtout  au  lit  ;  il  est  rare  pourtant  qu'elle  ne  se  montre  pas  quand  il 
veut  faire  un  effort,  marcher,  monter  un  escalier.  Souvent  le  malade  n'en 
a  pas  conscience,  mais  elle  est  ordinairement  très-appréciable  pour  le 
médecin  :  on  constate  en  effet,  le  plus  souvent,  une  accélération  des  mou- 
vements respiratoires,  dont  le  chiffre  s'élève  à  50.  40,  00  respirations- 
par  minute  et  même  davantage,  au  lieu  de  18  ou  20  comme  à  l'état  nor- 
mal ;  on  observe  en  même  temps  que  les  mouvements  de  la  partie  supé- 
rieure du  thorax  sont  exagérés  et  que  les  muscles  accessoires  de  la  respi- 
ration entrent  en  jeu.  Quand  la  dyspnée  devient  excessive,  elle  est 
accompagnée  de  tous  les  caractères  habituels  de  l'asphyxie.  Au  début  de 
la  pleurésie,  l'oppression  est  souvent  due  au  point  de  côlé  et  à  l'immobi- 
lisation instinctive  du  thorax  qui  en  est  la  conséquence,  la  respiration  est 
courte,  comme  contenue,  et  précipitée  ;  plus  tard,  à  la  période  d'épan- 
chement,  elle  est  habituellement  en  rapport  avec  La  quantité  du  Liquide 
épanché  et  résulte  de  la  diminution  de  la  surface  respiratoire  ;  mais 
même  dans  ces  conditions,  elle  est  très-variable,  surtout  suivant  la  rapi- 


PLEURÉSIE.  — 


P.  AIGUË  PRIMITIVE. 


  SIGNES  PHYSIQUES. 


165 


dite  avec  laquelle  l'épanchement  s'est  développé  :  il  est  peu  de  maladies 
où  l'on  rencontre  plus  que  dans  La  pleurésie  l'accoutumance  aux  lésions 
lentement  formées  ;  c'est  ainsi  que,  dans  les  pleurésies  subaigucs,  on 
trouve  quelquefois  des  épanchements  considérables,  remplissant  tout  un 
côté  du  thorax,  chez  des  malades  qui  n'ont  presque  pas  ressenti  de  trou- 
bles fonctionnels. 

Pendant  le  cours  de  la  pleurésie,  les  malades  restent  souvent  couchés 
sur  le  dos  ;  quant  au  décubitus  latéral,  il  a  lieu  tantôt  d'un  côté,  tantôt 
de  l'autre  suivant  la  période  de  la  maladie  :  au  début,  pendant  la  durée 
du  point  de  côté,  le  décubitus  a  lieu  quelquefois  sur  le  côté  sain,  mais 
jamais  sur  le  côté  malade  dont  la  pression  du  corps  raviverait  les  dou- 
leurs ;  plus  tard,  quand  il  y  a  un  épanchement  capable  de  gêner  la  res- 
piration, le  décubitus  latéral  ne  peut,  au  contraire,  avoir  lieu  que  sur  le 
côté  malade,  parce  que,  dans  cette  position,  le  côté  sain  peut  se  dévelop- 
per librement  pour  les  besoins  de  la  respiration  et  que  du  côté  malade 
lui-même  le  poumon  est  le  moins  possible  comprimé  par  l'épanchement. 
Dans  le  cas  d'un  épanchement  considérable,  la  position  du  malade  debout 
et  sa  démarche  ne  seraient  pas,  d'après  Peter,  moins  particulières  :  «  Le 
malade,  dit-il,  se  tient  alors  légèrement  penché  de  côté,  l'épaule  un  peu 
abaissée,  l'avant-bras  fléchi,  la  main  rapprochée  de  la  ceinture,  et  c'est 
dans  cette  position  qu'il  marche  lentement  et  avec  prudence.  » 

Le  faciès  est  habituellement  pâle;  les  forces  sont  un  peu  diminuées  et 
le  travail  est  rendu  impossible  surtout  par  la  gêne  respiratoire.  En- 
fin, comme  dans  toutes  les  maladies  inflammatoires  et  suivant  le  degré 
de  la  fièvre,  on  observe,  principalement  au  début,  de  l'inappétence,  un 
peu  de  constipation,  des  urines  moins  abondantes  et  plus  chargées  de  prin- 
cipes minéralisateurs. 

Tous  les  troubles  généraux  et  fonctionnels  qui  précèdent  ont  une  réelle 
importance  dans  l'étude  de  la  pleurésie  aiguë;  mais,  en  raison  de  leur 
grande  variabilité,  ils  ont  une  valeur  diagnostique  bien  inférieure  à  celle 
des  signes  physiques  qui  permettent  de  suivre  dans  leurs  diverses  phases 
toutes  les  lésions  dont  la  plèvre  est  le  siège  et  d'apprécier  toutes  les  parti- 
cularités qu'elles  présentent  dans  leur  évolution. 

Signes  physiques.  —  Nous  avons,  sous  ce  titre,  à  étudier  successi- 
vement les  signes  fournis  par  l'inspection,  la  percussion,  l'auscultation,  la 
palpation  et  la  mensuration.  Ces  signes  sont  tous  en  rapport  avec  deux 
conditions  fondamentales  qu'on  observe  dans  toutes  les  pleurésies,  à  sa- 
voir d'une  part  la  présence  d'un  exsudât  composé  de  fausses  membranes 
et  d'un  liquide  séro-librineux,  d'autre  part  les  troubles  apportés  aux 
mouvements  du  thorax,  aux  phénomènes  mécaniques  de  la  respiration. 

Inspection.  —  La  vue  permet  de  constater:  1°  la  voussure  d'un  côté  de 
la  poitrine  dans  les  parties  correspondantes  à  un  épanchement  considéra- 
ble ;  2°  le  retrait  de  la  poitrine  qui  arrive,  au  contraire,  après  la  résorp- 
tion de  l'épanchement;  3°  la  diminution  des  mouvements  d'ampliatiou 
du  thorax  :  4°  le  déplacement  de  certains  viscères. 

L'ampliation  du  thorax  est  assez  exactement  en  rapport  avec  l'abondance 


166 


PLEURÉSIE.  — 


P.  AIGUË  PIUMITIVE. 


—  SIGNES  PHYSIQUES. 


de  l'exsudat  liquide.  Elle  ne  se  montre  p;is  dès  le  début  de  la  période 
d'épanclieraent  :  en  effet,  tant  que  l'élasticité  pulmonaire  n'est  pas  satis- 
faite, le  liquide  épanché  dans  la  cavité  pleurale  prend  la  place  du  pou? 
mon  qui  se  retire  cL  n'exerce  aucun  effort  sur  la  paroi  thoracique;  mais, 
plus  tard,  les  quantités  nouvelles  qui  s'accumulent,  refoulent  dans  tous 
les  sens  les  parois  qui  limitent  l'épanchement;  de  là  la  formation  de 
voussures  partielles  ou  générales.  Dans  les  épanchements  moyens,  qui 
n'occupent,  par  exemple,  que  la  moitié  inférieure  du  thorax,  la  voussure 
est  .imitée  à  cette  partie  et  n'atteint  pas  la  partie  supérieure  du  thorax. 
Quand,  au  contraire,  l'épanchement  envahit  et  distend  toute  la  cavité  de 
la  plèvre,  la  voussure  occupe  tout  un  côté  de  la  poitrine  qui  tend  à  pren- 
dre la  forme  globuleuse.  Quelle  que  soit  l'étendue  de  ces  voussures,  elles 
résultent  toujours  d'un  mouvement  des  côtes  autour  d'un  axe  fictif  qui 
passerait  par  leurs  deux  extrémités,  mouvement  qui  a  pour  effet  de  rele- 
ver les  côtes  et  de  les  écarter  de  l'axe  anléro-postérieur  du  thorax  ;  en 
même  temps  l'extrémité  antérieure  des  côtes  est  repoussée  en  avant.  Ces 
déplacements  des  côtes  ont  pour  effet  d'ngrandir,  du  côté  de  l'épanche- 
ment, le  diamètre  transversal  et  le  diamètre  antéro-postérieur  du  thorax  ; 
mais  ils  amèneraient  un  raccourcissement  du  diamètre  vertical,  s'il  ne 
se  produisait  concurremment  un  abaissement  et  un  refoulement  du  dia- 
phragme qui  compense  cet  effet.  On  dit,  en  général,  que  les  voussures 
du  thorax,  dans  la  pleurésie,  se  forment  surtout  dans  les  parties  posté- 
rieures et  latérales  ;  je  crois,  au  contraire,  que  c'est  surtout  la  partie  anté- 
rieure des  côtes,  qui  du  reste  est  la  plus  mobile,  qui  se  laisse  refouler 
par  l'épanchement  :  il  suffit  d'ailleurs  d'examiner  quelques  tracés  cyrto- 
métriques,  dans  des  cas  d'épanchements  pleuraux,  pour  se  convaincre 
que  c'est  principalement  en  avant  et  sur  les  côtés  que  l'amplialion  du 
thorax  se  fait,  et  que  c'est  en  ces  points  que  les  voussures  sont  le  plus 
développées.  On  peut  contrôler  les  résultats  donnés  par  la  vue,  en  embras- 
sant avec  les  deux  mains  les  deux  côtes  du  thorax  successivement  :  on 
constate  alois,  sans  difficulté,  que  le  côté,  de  l'épanchement  présente  une 
bien  plus  grande  épaisseur  que  le  côté  opposé,  et  que  sa  surface  est  plus 
régulièrement  arrondie.  Au  niveau  des  parties  dilatées  du  thorax,  on 
constate  en  même  temps  l'effacement  des  espaces  intercostaux  ;  cet  effa- 
cement est  dû  en  partie  à  la  pression  du  liquide,  mais  surtout  à  la  para- 
lysie des  muscles  intercostaux  qui  participent  à  l'inflammation  de  la  plèvc 
sous-jacente. 

L'amplialion  du  thorax  suit  les  variations  de  l'épanchement  et  elle  dis- 
paraît avec  lui;  plus  tard,  dans  la  convalescence  de  la  pleurésie,  on  peut 
même  observer  un  phénomène  inverse,  c'est-à-dire  une  dépression  des 
parois  de  la  poitrine,  un  rétrécissement  de  l'un  des  côtés  du  thorax. 
Lacnnec,  qui  a  le  premier  appelé  l'attention  sur  cette  conséquence  possi- 
ble de  la  pleurésie,  en  a  parfaitement  indiqué  les  caractères  et  le  méca- 
nisme :  «  Les  sujets  qui  présentent  ce  rétrécissement  sont,  dit-il,  très- 
reconnaissablcs,  même  à  leur  conformation  extérieure  et  à  leur  démar- 
che. Ils  ont  l'air  d'être  penches  sur  le  côté  affecté ,  lors  même  qu'ils 


PLEURÉSIE.  — 


P.  AIGUË  PRIMITIVE. 


—  SIGNES  PHYSIQUES. 


167 


cherchent  à  se  tenir  droits.  La  poitrine  est  manifestement  plus  étroite  de 
ce  côté;  et  si  on  la  mesure  avec  un  cordon,  on  trouve  souvent  plus  d'un 
centimètre  de  différence  entre  son  contour  et  celui  du  côté  sain.  Son 
étendue  en  longueur  est  également  diminuée  ;  les  côtes  sont  plus  rap- 
prochées les  unes  des  autres;  l'épaule  est  plus  Lasse  que  du  côté  op- 
posé; les  muscles,  et  particulièrement  le  grand  pectoral,  présentent  un 
volume  de  moitié  moindre  que  ceux  du  côté  opposé.  La  différence  des 
deux  côtés  est  si  frappante,  qu'au  premier  coup  d'oeil  on  la  croirait  beau- 
coup plus  considérable  qu'on  ne  la  trouve  en  la  mesurant.  La  colonne 
vertébrale  conserve  ordinairement  sa  rectitude  :  cependant  elle  fléchit 
quelquefois  un  peu  à  la  longue,  par  l'habitude  que  prend  le  malade  de 
se  pencher  toujours  du  côté  affecté.  »  Ces  caractères  si  tranchés  ne  se 
présentent  guère  que  dans  les  pleurésies  qui  ont  amené  la  formation  d'un 
épanchement  considérable ,  avec  fausses  membranes  épaisses,  et  qui  ont 
duré  très-longtemps,  notamment  dans  les  pleurésies  chroniques;  ils  se 
montrent  pourtant,  sous  une  forme  atténuée,  à  la  suite  d'un  grand  nom- 
bre de  pleurésies  aiguës,  surtout  chez  les  enfants.  Laônnec  pensait  que 
ce  rétrécissement,  une  fois  produit,  persistait  indéfiniment;  mais  il  est 
établi  que  la  déformation  peut  disparaître  à  la  longue  ;  c'est  encore  chez 
les  enfants  qu'on  observe  souvent  ce  retour  à  la  conformation  normale  de  la 
poitrine,  même  après  des  pleurésies  qui  ont  entraîné  des  déformations 
considérables.  Outre  ces  rétrécissements  généraux  de  tout  un  côté  de  la 
poitrine,  Woillez  a  montre  qn'il  s'opérait  aussi  des  rétrécissements  par- 
tiels du  côté  affecté,  à  la  suite  de  la  pleurésie,  et  que  ces  rétrécissements 
limités  se  développaient  de  préférence  au  niveau  des  régions  où  s'obser- 
vent habituellement  les  dépressions  relatives  des  saillies  physiologiques, 
c'est-à-dire  de  préférence  en  arrière  du  côté  gauche,  et  en  avant  du  côté 
droit. 

Quant  au  mode  de  formation  de  ces  dépressions  du  thorax,  tous  les 
auteurs,  depuis  Laënnec,  l'interprètent  de  la  façon  suivante  :  Lors  de  la 
guérison  de  la  pleurésie,  le  poumon  rétracté  et  emprisonné  dans  les 
fausses  membranes  résistantes,  ne  peut  se  dilater  ou  du  moins  il  ne  se 
dilate  que  partiellement  ;  à  mesure  que  l'épanchement  est  résorbé,  il 
faut  que  le  vide  virtuel  qui  en  résulte  soit  comblé  et  dès  lors,  à  défaut  du 
poumon  qui  a  perdu  son  expansibilité,  ce  sont  les  côtes  et  les  parois  tho- 
raciques  qui  se  laissent  déprimer  par  la  pression  atmosphérique.  A  cette 
première  cause  d'affaissement  des  côtes  s'ajoute  dans  une  certaine  me- 
sure la  traction  exercée  sur  elles  par  les  adhérences  costo-pulmonaircs  qui 
se  sont  formées  au  cours  de  la  pleurésie  :  ces  adhérences  agissent  à  la  fois 
sur  les  côtes  et  sur  le  poumon,  sur  les  côtes  qu'elles  entraînent  en  dedans 
vers  l'axe  de  la  poitrine,  sur  le  poumon  qu'elles  forcent  dans  une  cer- 
taine mesure  à  se  développer,  mais  en  déterminant  souvent  une  dilatation 
des  bronches  (Barth).  Ainsi  d'après  celte  théorie,  ce  serait  surtout  la  pres- 
sion atmosphérique  s' exerçant  sur  la  paroi  thoracique  lors  de  la  résorption 
de  l'épanchement  et  accessoirement  la  rétractilité  des  fausses  membranes, 
qui  amèneraient  la  dépression  du  thorax  à  la  suite  de  la  pleurésie.  Cepen- 


108  PLEURÉSIE»  —  Pï   AIGUË  I'HIMITIVK.           SIGNES  physiques. 

dant  Brbuardel  a  contesté,  dans  la  production  de  cette  déformation,  l'in- 
ilucuce  de  la  pression  atmosphérique,  sous  prétexte  que  la  différence  de 
tension  à  la  surface  thoracique  et  à  la  surface  bronchique  était  très-faihle 
dans  l'inspiration  (un  ou  deux  centimètres  de  mercure)  et  que  d'ailleurs 
pendant  l'expiration  la  différence  était  en  sens  inverse;  d'après  lui  la 
véritable  cause  des  déformations  thoraciques  après  la  pleurésie,  réside 
dans  le  travail  physiologico-pathologiquc  des  fausses  membranes  et  dans 
ieur  tendance  rétractile. 

L'inspection  permet  encore  de  constater  la  diminution  des  mouvements 
du  thorax  du  côté  correspondant  à  la  pleurésie  :  souvent  il  semble  qu'une 
moitié  de  la  poitrine  soit  presque  immobile;  tout  au  moins  les  excursions 
respiratoires  de  la  paroi  thoracique  sont  extrêmement  limitées  du  côté 
malade,  tandis  que  du  côté  sain  elles  conservent  leur  amplitude  normale 
ou  paraissent  même  exagérées.  Rien  n'est  plus  facile  que  de  conslater 
cette  différence  dans  les  mouvements  respiratoires  des  deux  côtés  quand 
le  malade  est  couché  sur  le  dos  et  qu'on  examine  de  face  la  poitrine  dé- 
couverte :  déjà  très-appréciable  dans  les  respirations  ordinaires,  elle 
devient  beaucoup  plus  apparente  dans  les  respirations  profondes.  Ce  n'est 
pas  seulement  la  respiration  costale  qui  est  ainsi  modifiée,  c'est  encore  la 
respiration  diaphragmatique  :  par  suite  de  l'immobilité  du  diaphragme 
du  côté  malade,  l'hypochondre  et  la  moitié  de  l'épigastre  restent  immo- 
biles dans  les  deux  temps  de  la  respiration,  tandis  qu'on  les  voit  du  côté 
sain  soulevés  pendant  l'inspiration  et  déprimés  pendant  l'expiration.  Ces 
phénomènes  peuvent  se  montrer  aux  diverses  périodes  de  la  pleurésie, 
mais  ils  paraissent  dépendre  de  conditions  pathogéniques  différentes  : 
au  début  le  côté  malade  paraît  immobilisé  instinctivement  par  la  dou- 
leur; plus  tard  on  peut  invoquer  laparalysie  des  muscles  intercostaux  et 
du  diaphragme  par  voisinage  avec  la  plèvre  enflammée  ;  quand  l'épan- 
chement  est  formé  et  qu'il  est  abondant,  la  paroi  du  thorax  et  le  dia- 
phragme sont  maintenus  immobiles  dans  la  situation  qui  correspond  à  la 
plus  grande  ampliation  delà  cavité  thoracique  ;  enfin  après  la  résorption  de 
î'épanchement,  ces  mêmes  parties  sont  fixées  par  les  adhérences  et  par  le 
défaut  d'expansibilité  du  poumon,  dans  la  position  qui  correspond  à  la 
plus  grande  rétraction  du  thorax. 

L'inspection  permet  enfin  de  constater  le  déplacement  du  cœur  et  en 
fournit  un  des  meilleurs  signes,  à  savoir  les  battements  de  la  pointe  qui, 
dans  la  pleurésie  gauche  sont  visibles  plus  ou  moins  loin  du  point  où 
elle  bat  habituellement  :  tantôt  à  gauche  dans  le  voisinage  du  sternum, 
tantôt  à  l'épigastre,  ou  bien  à  droite  de  la  ligne  médiane,  dansles  espaces 
intercostaux  du  côté  droit,  le  long  du  bord  du  sternum.  Moins  souvent, 
dans  les  pleurésies  droites,  on  voit  la  pointe  du  cœur  refoulé  vers  la 
gauche,  battre  plus  ou  moins  loin  en  dehors  et  au-dessous  du  mam- 
mclon. 

Percussion.  —  Les  signes  fournis  par  la  percussion  sont  avec  ceux 
que  donne  l'auscultation  d'une  importance  décisive  dans  le  diagnostic  de 
la  pleurésie.  Par  la  percussion,  on  trouve  du  côté  malade  soit  une  dimi- 


PLEURÉSIE.  —  P.  AIGUË  PRIMITIVE.  —  SIGNES  TIIYSIQUES.  169 

nution  de  résonnance  appréciable,  soit  une  matité  plus  ou  moins  com- 
plète; en  même  temps  que  les  qualités  du  son  ont  varié,  les  sensations 
tactiles  perçues  par  le  doigt  qui  percute  se  sont  modifiées  :  il  existe  une 
résistance  au  doigt  dans  les  parties  occupées  par  l'épanchement  (Piorry), 
résistance  qui  contraste  avec  la  sensation  de  souplesse  qu'on  trouve  dans 
les  parties  saines. 

Pour  que  le  son  soit  obscurci,  il  faut  que  le  liquide  ait  au  moins  de 
un  à  trois  centimètres  d'épaisseur.  Si  l'épanchement  est  minime,  il  reste 
disposé  sous  forme  d'une  lame  mince  interposée  aux  deux  feuillets  de  la 
plèvre,  et  donne  lieu  alors  à  une  légère  diminution  de  résonnance.  Dès 
que  le  liquide  augmente,  sous  l'influence  de  la  pesanteur  il  s'accumule 
dans  les  parties  les  plus  déclives  de  la  cavité  pleurale,  c'est-à-dire,  en 
raison  du  décubitus  dorsal  habituel  aux  malades,  à  la  partie  postéro-in- 
férieure  du  thorax.  Nous  avons  vu  plus  haut  que  l'intersection  du  plan 
de  la  face  supérieure  du  liquide  et  du  cône  figuré  par  le  thorax,  donne 
une  courbe  parabolique,  à  laquelle  succèdent,  avec  les  progrès  de  l'ex- 
sudat,  une  série  de  courbes  concentriques  de  même  ordre.  La  percussion, 
en  donnant  les  limites  de  l'épanchement,  permet  de  retracer  ces  disposi- 
tions de  la  surface  du  liquide.  Nous  verrons  plus  loin  quel  parti  l'on  peut 
tirer  de  la  forme  de  ces  courbes,  pour  le  diagnostic  et  le  pronostic  de  la 
pleurésie. 

A  mesure  que  le  liquide  augmente  la  matité  s'étend,  et  le  son,  com- 
plètement mat  à  la  partie  inférieure,  devient  en  remontant  simplement 
obscur.  La  matité  envahit  bientôt  les  parties  latérales  de  la  poitrine, 
mais  ce  n'est  que  dans  les  cas  d'épanchement  très-abondant,  qu'on  la 
voit  s'étendre  aux  parties  antérieures  du  thorax.  Le  niveau  supérieur  du 
liquide  permet,  par  son  ascension  graduelle,  d'apprécier  les  progrès  de 
l'exsudat  ;  il  peut  arriver  néanmoins  que  le  liquide  augmente  sans  varia- 
tions appréciables  de  son  niveau,  et  sans  que  la  limite  de  la  matité  se 
rapproche  de  plus  en  plus  du  sommet  du  thorax.  Ce  phénomène  est  du 
au  déplacement  du  cœur,  au  refoulement  des  médiastins,  à  l'abaissement 
du  diaphragme,  du  foie,  de  la  rate  et  à  la  dilatation  du  thorax  qui  ré- 
sistant d'abord,  cède  ensuite  plus  ou  moins  rapidement  et  se  laisse 
distendre. 

Le  degré  de  la  matité  varie  comme  son  étendue  avec  l'ahondance  du 
liquide  :  au  début,  alors  que  l'exsudat  est  étale  en  lame  jusqu'à  une  cer- 
taine hauteur,  il  ne  donne  que  de  la  submalité,  et  une  percussion  un 
peu  énergique  évoque  toujours  la  résonnance  des  parties  profondes.  Une 
percussion  plus  ou  moins  forte  peut  donc,  dans  de  certaines  limites, 
faire  apprécier  l'épaisseur  du  liquide.  Ce  n'est  que  lorsque  celle-ci  est 
considérable  que  la  résonnance  profonde  fait  entièrement  défaut,  cl  que 
la  matité  est  complète,  absolue,  sans  vibrations  du  thorax  ;  elle  est  alors 
bien  plus  prononcée  que  dans  la  pneumonie,  et  devient  identique  au  son 
que  donne  la  percussion  d'épaisses  masses  musculaires  :  lanqaam  per- 
cussi  femoris.  La  résistance  au  doigt  qui  percute,  et  l'absence  d'élas- 
ticité sont  aussi  bien  plus  marquées.  Ces  caractères  plcssimétriques 


170      PLEURESIE.  —  p.  aiguë  piumitive.  —  signes  physiques. 

peuvent  s'étendre  à  tout  un  côté  du  thorax,  mais  les  parties  anléro- 
SUpérieures,  envahies  les  dernières,  ne  donnent  de  matité  que  lorsque  le 
liquide  est  assez  ahondant  pour  occuper  toute  la  poitrine.  Dans  ces  cas, 
le  poumon  refoulé,  comprimé, est  réduit  quelquefois  à  une  sorte  de  moi- 
gnon presque  exsangue.  On  peut  encore  néanmoins,  par  une  percussion 
minutieuse,  le  retrouver  dans  un  point  de  la  poitrine  où,  retenu  par  son 
hilc,  il  surnage  au-dessus  de  l'épanchement.  Il  est  alors  en  haut  en  avant 
et  en  dedans  du  médiaslin,  dans  le  sinus  formé  par  le  hord  du  sternum 
et  l'extrémité  interne  de  la  clavicule;  c'est  là  la  dernière  partie  sonore 
du  thorax. 

Avcnhrugger  avait  donné  comme  un  des  caractères  de  la  matité  pleu- 
rétique,  la  mobilité  de  son  niveau  dans  les  changements  d'attitude  im- 
posés au  malade.  Le  fait  est  loin  d'être  constant,  il  paraît  même 
exceptionnel  dans  la  pleurésie  franche.  Deux  conditions  s'opposent  au 
déplacement  de  l'exsudat  :  sa  consistance,  quand  il  contient  une  forte 
proportion  de  fibrine,  ce  qui  est  le  cas  ordinaire  dans  la  pleurésie 
franchement  inflammatoire  ;  la  limitation  du  liquide  par  des  fausses 
membranes  qui  l'enkystent  constitue  encore  un  obstacle  à  sa  mobilité. 
Néanmoins  lorsque,  procédant  d'une  phlegmasie  moins  franche,  l'épan- 
chement est  plus  fluide,  ou  que  l'enkystement  est  moins  complet,  comme 
cela  arrive  dans  certaines  pleurésies  secondaires,  on  peut  en  changeant 
la  posture  du  malade,  faire  varier  la  ligne  de  niveau,  et  trouver  de  la 
résonnance  dans  des  points  précédemment  mats. 

La  percussion  ne  donne  pas  seulement  de  la  matité,  elle  permet  aussi 
d'étudier  les  changements  de  résonnance  des  points  de  la  poitrine  avec 
lesquels  le  poumon  reste  encore  en  contact.  Quand  l'épanchement,  même 
très-abondant,  laisse  libre  le  sommet  de  la  poitrine,  on  observe  à  ce 
niveau  une  exagération  de  sonorité  à  laquelle  Skoda  a  attaché  son  nom  : 
bruit  skodique.  Cette  partie  du  poumon,  un  peu  rétractée,  est  moins 
tendue,  elle  vibre  plus  complètement,  et  donne,  au-dessous  de  la  clavi- 
cule, une  résonnance  tympanique  qui  tranche  sur  la  matité  absolue  des 
parties  inférieures.  Par  un  mécanisme  analogue,  c'est-à-dire  une  légère 
rétraction  du  poumon,  un  son  clair  ou  même  tympanique  se  montre  au 
niveau  de  l'épanchement,  tout  à  fait  au  début  de  la  pleurésie,  dans  des 
points  où  le  liquide  est  encore  très-peu  considérable  et  où  l'on  trouvera, 
un  peu  plus  tard  de  la  matité.  Ce  fait,  établi  par  Skoda,  a  été  confirmé 
par  Barth  et  Gueneau  de  Mussy.  Quand  répanchement  occupe  toute  la 
cavité  de  la  poitrine  d'un  côté,  la  matité  sous-claviculaire  est  absolue. 
Quelquefois  en  ce  point  le  son  est  encore  tympanique,  mais  avec  un  bruit 
de  pot  fêlé  ou  une  résonnance  métallique  ;  cela  tient  à  ce  que  la  compres- 
sion du  poumon  étant  alors  complète,  permet  au  doigt  de  faire  vibrer 
directement  la  colonne  d'air  de  la  trachée  et  des  grosses  bronches. 

Le  degré  de  la  matité  n'est  pas  toujours  l'expression  absolue  de  l'abon- 
dance et  de  l'épaisseur  de  la  couche  liquide  :  Skoda  a  fait  voir  que, 
lorsqu'une  paroi  vibrante  est  très-tendue,  la  tonalité  du  son  s'élève  et  la 
résonnance  diminue;  la  pneumalosc  abdominale,  l'emphysème  pulmo- 


PLEURÉSIE.  —  r.  aiguë  primitive.  —  signes  physiques.  171 

naire  peuvent,  avec  une  tension  élevée,  donner  une  résonnance  moindre 
qu'à  l'état  normal  ;  il  en  est  deméme,  comme  l'a  fait  remarquer  Laënnec, 
d'un  épanchement  moyen  ou  même  peu  abondant,  s'il  se  forme  rapide- 
ment et  surprend  le  poumon,  qui  ne  se  laisse  pas  refouler  d'abord,  et  la 
paroi  costale  qui  résiste;  la  tension  de  la  paroi  Ihoracique  peut  alors  clic 
telle,  qu'il  y  ait  absence  plus  ou  moins  complète  de  vibrations,  et  matité 
presque  absolue. 

Auscultation.  Les  données  diagnostiques  fournies  par  l'application  de 
l'oreille  se  tirent  surtout  de  l'examen  du  côté  malade,  néanmoins,  il 
n'est  pas  sans  intérêt  d'ausculter  le  côté  sain.  Ces  signes  d'auscultation 
consistent  tantôt  en  une  simple  modification  des  bruits  normaux,  tantôt 
dans  l'apparition  de  bruit  insolites. 

Le  signe  stéthoscopique  le  plus  commun,  celui  que  l'on  rencontre  à 
divers  degrés  dans  tous  les  cas  de  pleurésie  avec  exsudât,  c'est  l'affai- 
blissement du  bruit  respiratoire  ;  toutefois,  ce  n'est  pas  toujours  le  pre- 
mier indice  que  donne  l'auscultation  :  tout  à  fait  au  début  de  la  phleg- 
masie  pleurale,  alors  qu'il  n'existe  pas  encore  d'épanebement,  il  n'est  pas 
rare  de  percevoir  un  léger  bruit  de  frottement  dû  à  la  locomotion  du 
poumon,  qui  fait  frotter  l'une  contre  l'autre  les  deux  plèvres  engluées 
de  fibrine  granuleuse;  ce  frottement  est  extrêmement  doux.  C'est  là  un 
phénomène  tout  à  fait  fugace,  et  promptement  on  voit  s'affaiblir  ou  dispa- 
raître  complètement  le  murmure  respiratoire;  ce  bruit,  d'abord  plus  faible 
à  la  base,  cesse  bientôt  complètement  à  ce  niveau,  en  même  temps  qu'il 
commence  à  s'affaiblir  plus  baut,  pour  reparaître  avec  son  intensité  nor- 
male à  la  limite  supérieure  de  l'épanchement.  Quand  le  liquide  est  très- 
abondant,  le  silence  peut  être  absolu  dans  toute  la  bauteur  de  la  poitrine 
en  arrière  ;  chez  l'enfant,  toutefois,  il  est  rare  que  la  respiration  soit  tout  à 
fait  abolie,  si  ce  n'est  à  une  époque  éloignée. Dans  les  cas  d'épanchements 
moyens,  le  bruit  respiratoire  complètement  nul  ou  très  atténué  en  arrière, 
est  simplement  affaibli  sur  les  côtés  et  en  avant,  ce  qui  résulte  de  la 
disposition  du  liquide  que  nous  avons  déjà  signalée.  Au  sommet  de  la 
poitrine,  surtout  en  avant,  il  n'est  pas  rare  de  trouver  au  contraire  un 
bruit  fort,  exagéré,  presque  soufflant,  semblable  à  la  respiration  puérile 
qu'on  perçoit  dans  le  poumon  du  côté  opposé.  Cette  exagération  du  mur- 
mure vésiculaire,  serait  due,  pour  Woillez,  à  un  léger  refoulement  en 
haut  du  poumon  par  le  liquide. 

L'affaiblissement  de  la  respiration  est  d'autant  plus  prononcé  que 
l'cxsudatest  plus  considérable.  Néanmoins  Guéneau  de  Mussy  fait  remar- 
quer qu'il  ne  lui  est  pas  toujours  proportionnel  :  comme  l'avait  vu 
Laenncc,  ce  signe  peut  être  plus  accusé  au  début  qu'il  ne  le  sera  plus 
tard,  alors  que  le  liquide  aura  augmenté  d'abondance.  Ce  désaccord  appa- 
rent entre  le  symptôme  et  sa  condition  physique  s'explique,  pour  l'émi- 
nent  médecin  de  l'IIôtcl-Dieu,  par  une  tension  moindre  de  la  paroi 
thoracique  ;  nous  pensons  qu'il  est  dû  aussi  en  partie  à  l'immobilisation 
instinctive  du  côté  malade  qui  résulte  de  la  douleur  de  côté. 

Il  faut  se  garder,  quand  on  ausculte  le  côté  malade,  de  prendre  pour 


17'2         rLKURÉSIE.  —  r.  aiguë  primitive.  —  sicnes  physiques. 

un  bruit  vésiculairc  produit  sur  place,  le  retentissement  du  murmure 
respiratoire  du  poumon  opposé.  Nous  verrons,  à  propos  de  l'auscultation 
du  côté  sain,  que  la  respiration  y  csttrès-dévcloppéc  et  prend  le  caractère 
puéril,  et  ce  bruit  intense  se  propage  aisément  au  poumon  malade.  On 
reconnaîtra  l'erreur,  en  auscultant  sur  une  ligne  horizontale  des  points 
de  plus  en  plus  distants  du  rachis,  le  bruit  transmis  allant  alors  en 
s' éteignant. 

L'affaiblissement  du  bruit  normal,  dû  à  la  présence  du  liquide,  per- 
siste néanmoins  à  un  certain  degré  après  sa  disparition,  ce  qu'il  bail 
attribuer  pour  une  part  à  l'existence  de  fausses  membranes,  mais  aussi 
à  ce  que  l'expansion  pulmonaire  reste  amoindrie  pendant  des  mois  et 
même  des  années,  et  permet  de  reconnaître,  bien  longtemps  après  la 
guérison,  quel  a  été  le  côté  atteint. 

L'affaiblissement  ou  la  disparition  plus  ou  moins  complète  du  bruit 
respiratoire  peut  être  le  seul  signe  que  donne  l'auscultation,  mais  il  est 
fréquent  d'observer,  avec  les  progrès  de  l'épanchement,  de  la  respiration 
bronchique  ou  souffle  bronchique.  Le  souffle,  à  son  moindre  degré,  n'est 
guère  qu'un  bruit  d'expiration  prolongée,  et  même  alors  qu'il  est  très 
développé,  il  a  un  caractère  de  douceur  et  d'acuité  qui  diffère  de  la 
rudesse  à  timbre  métallique  du  souffle  de  la  pneumonie  ;  il  est  voilé, 
lointain,  en  général  plus  marqué  durant  l'expiration, mais  se  produi- 
sant aux  deux  temps  de  la  respiration;  toutefois,  il  peut  ne  se  montrer 
que  dans  les  inspirations  profondes,  alors  que  l'on  fait  tousser  le  ma- 
lade, ou  bien  à  l'expiration  seulement.  Souvent  avant  de  se  faire  entendre 
aux  deux  temps,  il  se  montre  d'abord  à  l'expiration,  et  quand  il  est 
sur  le  point  de  disparaître,  c'est  encore  par  l'expiration  qu'il  finit.  Le 
souffle  bronchique  existe  très-fréquemment  au  début  de  la  pleurésie  chez 
les  enfants. 

Si  le  liquide  est  très-copieux,  le  souffle  peut  disparaître,  pour  devenir 
de  nouveau  appréciable  lorsque  l'épanchement  diminue.  Il  occupe  rare- 
ment tout  le  côté  malade,  quelque  étendue  que  soit  la  matité,  quelque 
complet  que  soit  le  silence  respiratoire  :  tantôt  borné  aux  parties  laté- 
rales du  rachis,  là  où  le  poumon  est  refoulé  par  l'exsudat,  d'autres 
fois,  il  est  limité  à  la  partie  moyenne  de  la  poitrine  en  arrière,  dans 
le  voisinage  de  l'angle  inférieur  de  l'omoplate.  On  le  trouve  dans 
les  points  où  l'épanchement  offre  peu  d'épaisseur,  et  où  les  modifications 
de  la  voix  sont  plus  accentuées  ;  ce  sont  deux  phénomènes  connexes. 
L'existence  d'adhérences  dues  à  une  pleurésie  antérieure  peut  modifier 
la  situation  qu'il  occupe  habituellement,  quand  aucun  obstacle  n'empêche 
le  liquide  d'obéir  à  l'action  delà  pesanteur. 

Existc-t-il  un  rapport  constant  entre  la  quantité  de  l'épanchement  et 
l'existence  du  souffle  bronchique  ?  On  est  loin  d'être  d'accord  sur  ce 
point,  et  tandis  que  Monneret,  llirlz,  Gucncau  de  Mussy,  Jaccoud.  Gutt- 
mann  admettent  que  le  souille  apparaît  avec  une  collection  liquide  peu 
abondante,  Fournct,  Landouzy,  Netler,  pensent  qu'un  épanchement  volu- 
mineux est  la  condition  nécessaire  de  sa  production.  D'après  Guttmann 


PLEURÉSIE.    P.   AIGUË  PRIMITIVE.    SIGNES  PHYSIQUES.  175 

le  souflle  se  produirait  quand  le  liquide,  d'abondance  moyenne,  est  suffi, 
saut  pour  comprimer  les  cellules  pulmonaires  et  les  petites  bronches, 
sans  aplatir  les  gros  tuyaux  bronchiques.  Les  épanchements  faibles,  n'ame- 
nant pas  l'imperméabilité  du  poumon,  ne  le  déterminent  pas,  non  plus 
que  les  collections  volumineuses  qui  aplatissent  les  grosses  bronches,  et 
empêchent  ainsi  la  plus  grande  partie  des  vibrations  laryngées  de  retentir 
jusqu'au  poumon.  L'opinion  de  Woillez  sur  le  souflle  bronchique,  se 
rapproche  de  celle  que  nous  venons  de  rapporter  :  «  La  cause  immédiate 
du  souffle  bronchique  dans  la  pleurésie,  dit-il,  doit  être  cherchée  dans  des 
conditions  physiques  du  poumon  encore  difficiles  à  déterminer.  Une  seule 
nous  paraît  évidente,  c'est  l'imperméabilité  complète  ou  incomplète  des 
vacuoles  pulmonaires,  par  le  fait  du  retour  du  poumon  sur  lui-même, 
ou  de  sa  compression,  imperméabilité  d'où  résulte  la  résonnance  bron- 
chique de  l'air  en  mouvement  dans  les  conduits  respiratoires.  »  L'abon- 
dance médiocre  du  liquide  et  sa  faible  densité  sont  favorables  à  l'appari- 
tion du  souffle.  Pour  Jaccoud,  il  serait  produit  par  le  bruit  vésiculaire 
renforcé  et  prolongé  par  une  couche  mince  de  liquide  faisant  office  d'anche 
membraneuse.  Il  convient  d'ajouter  que  la  présence  du  liquide  ne  paraît 
pas  indispensable  à  sa  production,  puisque  Woillez  et  Landouzy  ont  signalé 
sa  persistance  après  la  disparition  complète  du  liquide  et  alors  que  la 
résorption  de  l'épanchement  n'était  pas  douteuse. 

Quelquefois  le  souflle  pleurétique  prend  le  caractère  caverneux  ou 
amphorique,  et  peut  s'accompagner  de  gargouillement,  comme  s'il 
existait  une  caverne  vaste  et  superficielle,  ou  bien  un  hydropneumo- 
thorax; Azam,  Béhier,  Landouzy,  Rilliet  et  Barthez  en  ont  cité  des 
observations.  Ces  caractères  ont  été  rencontrés  surtout  au  niveau  de 
l'épine  de  l'omoplate,  dans  le  voisinage  des  grosses  bronches  et  de  la 
trachée.  Ces  phénomènes  regardés  comme  exceptionnels  chez  l'adulte, 
sont  relativement  fréquents  dans  la  pleurésie  des  enfants.  Ils  seraient 
dus  à  la  compression  du  poumon  par  l'épanchement,  et  à  la  transmis- 
sion à  la  paroi  thoracique  des  bruits  trachéaux  et  bronchiques  par  le  tissu 
pulmonaire  refoulé  et  induré.  Mais  on  a  expliqué  de  la  même  façon  le 
simple  souffle  bronchique,  il  semble  donc  évident  que  dans  les  cas  de 
souffle  caverneux  et  amphorique,  il  doive  y  avoir  autre  chose.  Il  est 
probable  que  la  transmission  du  bruit  trachéal  est  ici  rendue  plus  com- 
plète et  plus  facile  par  l'existence  d'un  certain  degré  de  congestion  pul- 
monaire. On  a  encore  expliqué  les  phénomènes  cavitaires  par  l'existence 
d'adhérences  qui  retiennent  le  poumon  appliqué  contre  la  paroi  costale  au 
niveau  de  laquelle  on  perçoit  les  bruits  amphoriques.  Barthez  et  Rilliet 
ont  noté  comme  conditions  favorables  à  ces  modifications  du  souflle  pleu- 
rétique les  indurations  du  poumon,  les  tumeurs  situées  au  voisinage  des 
gros  tuyaux  bronchiques,  comme  un  anévrysme  de  l'aorte,  une  tumeur 
fibreuse,  etc. 

Si  la  pleurésie  se  complique  d'une  bronchite,  les  râles  que  celle-ci  déter- 
mine prennent  souvent,  dans  les  points  où  s'entend  le  souffle,  un  carac- 
tère éclatant,  un  timbre  métallique,  véritable  gargouillement  bronchique. 


174        PLEURESIE.  —  p.  aiguë  primitive.  —  signes  physiques. 

Ou  a,  dans  ces  cas,  beaucoup  de  peine  à  se  défendre  de  croire  à  l'existence 
d'une  caverne  pulmonaire. 

Pendant  qu'on  ausculte  le  malade,  il  est  important  de  le  faire  parler. 
La  voix  peut  conserver  ses  caractères  ordinaires,  à  l'intensité  près  ;  elle 
est  alors  plus  faible  que  du  côté  sain,  comme  éloignée,  et  l'affaiblissement 
s'accroît  de  haut  en  bas,  ainsi  que  cela  arrive  pour  le  bruit  pulmonaire. 
Quand  l'épanchement  est  considérable,  et  le  son  de  percussion  complète- 
ment mat,  la  voix  cesse  d'être  perceptible  ;  plus  rarement  le  murmure  vocal 
est  exagéré  et  constiluc  une  sorte  de  bourdonnement.  Un  signe  autrement 
significatif  est  Yégophonie,  mais  elle  est  loin  d'être  constante,  et  ses 
caractères  varient  avec  ceux  de  la  voix  normale  et  la  quantité  de  l'ex- 
sudat.  Si  la  collection  étant  d'abondance  moyenne,  la  voix  n'est  pas 
trop  aiguë,  elle  prend  à  l'auscultation  un  caractère  aigre,  elle  est  trem- 
blotante, comme  bredouillante,  saccadée  ;  elle  rappelle  le  bêlement  de  la 
chèvre,  ou  bien  elle  à  un  timbre  nasillard  comme  celui  que  l'on  produit 
lorsqu'on  parle  en  se  pinçant  les  narines  ;  ailleurs  c'est  un  bruit  criard 
comme  la  voix  de  polichinelle,  semblable  au  son  du  mirliton,  ou  strident 
comme  la  vibration  d'un  jeton  sur  les  dents. 

L'égophonie  ne  s'entend  ni  dans  un  espace  étendu,  ni  d'ordinaire  pen- 
dant longtemps  :  le  plus  souvent,  on  la  perçoit  au  pourtour  de  l'angle 
inférieur  de  l'omoplate  entre  la  ligne  axillaire  et  le  rachis,  et  habituelle- 
ment vers  la  limite  supérieure  de  l'épanchement.  Sa  production,  souvent 
transitoire  et  fugace,  semble  être  liée  à  une  hauteur  donnée  du  liquide, 
en  deçà  et  au  delà  de  laquelle  elle  n'existe  pas.  Très-commune  dans  les 
épanchements  médiocres  qui  atteignent  la  partie  moyenne  de  la  poitrine 
elle  parait  résulter  de  la  résonnance  de  la  voix  à  travers  une  mince  lame 
de  liquide  infiltré  dans  des  fausses  membranes  ou  interposé  à  la  paroi 
thoracique  et  au  poumon.  Lorsque  l'épanchement  devient  très-abondant 
elle  disparaît,  pour  revenir  dans  le  décours  de  la  maladie,  mais  elle  est 
alors  bien  moins  nette  que  l'égophonie  du  début,  ce  qui  paraît  tenir  à 
l'existence  des  fausses  membranes  dont  la  présence  entrave  sa  production. 
Dans  quelques  cas,  au  lieu  d'égophonie,  on  perçoit  une  bronchophonie 
semblable  par  ses  caractères  à  celle  de  la  pneumonie,  ou  bien  le  retentis- 
sement vocal  a  un  caractère  mixte  qui  participe  à  la  fois  de  l'une  et  de 
l'autre,  c'est  la  broncho-égophonie.  Enfin,  il  n'est  pas  rare  de  trouver  en 
même  temps,  dans  des  points  différents  d'une  part  de  l'égophonie,  de 
l'autre  de  la  bronchophonie. 

La  recherche  de  la  pectoriloquie  aphone  donne  encore  des  caractères 
diagnostiques  importants  :  Baccelli  (de  Rome)  appelle  ainsi  le  phénomène 
qui  se  produit  lorsqu'on  fait  parler  à  voix  basse,  pendant  qu'on  l'ausculte, 
un  malade  atteint  d'epanchement  plcurétiquc.  Lorsque  la  transmission 
vocale  se  fait  bien,  il  semble  que  le  malade  chuchote  directement  dans 
l'oreille  de  l'observateur.  D'après  Baccelli,  les  liquides  homogènes,  peu 
denses,  très-fluides  transmettent  très-nettement  la  voix  chuchotée  ;  mais 
si  le  liquide  épanché  s'écarte  de  la  consistance  et  de  la  composition  du 
sérum,  s'il  est  épais,  chargé  de  flocons  d'exsudat,  s'il  tient  en  suspension 


PLEURÉSIE.  — 


P.  AIGUË  PRIMITIVE. 


  SIGNES  PHYSIQUES. 


175 


des  éléments  histologiques,  des  leucocytes,  des  hématies,  les  vibrations 
ne  se  feront  plus  sentir.  Les  signes  tirés  de  ce  mode  d'exploration,  appor- 
teraient, si  sa  valeur  était  confirmée,  un  sérieux  appoint  au  diagnostic  de 
la  nature  des  épanchements,  et  éclaireraient  singulièrement  le  diagnostic 
de  la  pleurésie  purulente  et  des  hémorrhagies  pleurales. 

Tous  ces  signes  d'auscultation,  le  souffle,  l'égophonie,  la  bronchopho- 
nie,  peuvent  faire  défaut,  et  l'on  ne  trouve  d'autres  signes  que  la  matité 
et  l'absence  du  murmure  vésiculaire. 

Le  frottement  pleural  que  nous  verrons  être  le  seul  signe  physique 
de  la  pleurésie  sèche  se  rencontre  quelquefois  au  début,  et  très-souvent  à 
la  fin  de  la  pleurésie  avec  épanchement.  C'est  surtout  au-dessous  de 
l'aisselle  qu'il  offre  son  maximun  d'intensité,  en  raison  de  l'amplitude 
plus  grande  du  glissement  pulmonaire  à  ce  niveau.  Suivant  son  degré,  il 
a  des  caractères  bien  différents  :  quelquefois  très-léger,  il  constitue  un 
simple  frottement,  semblable  au  froissement  de  la  soie,  au  bruit  des 
feuilles  mortes  que  l'on  foule  aux  pieds.  Quand  il  est  plus  fort,  si  ses 
saccades  sont  nombreuses  et  régulières,  elles  peuvent  simuler  les  râles 
sous-crépitants,  c'est  là  le  frottement  râle  de  Damoiseau.  Quelquefois,  les 
frôlements  sont  assez  multipliés  et  assez  fins  pour  faire  croire  à  un  véri- 
table râle  crépitant,  fausse  crépitation  que  Trousseau  considérait  comme 
bien  réelle,  et  qu'il  rapportait  à  une  phlegmasie  superficielle  du  poumon 
développée  par  conliguité  avec  la  plèvre  enflammée.  11  y  aurait  là  quelque 
chose  d'analogue  à  ce  qui  arrive  dans  l'érysipèle  pour  le  tissu  cellulaire 
sous-cutané  qui  s'infiltre  de  fibrine.  Cette  variété  de  frottement  s'entend 
tout  à  fait  au  début,  pendant  les  quelques  heures  qui  précèdent  la  forma- 
tion de  l'épanchement.  On  a  d'ailleurs  bien  rarement  l'occasion  de  la 
constater,  car  on  ne  voit  guère  les  malades  tout  à  fait  au  début,  et 
quelques  heures  suffisent  pour  amener  la  production  du  liquide.  Nous 
verrons  à  propos  du  diagnostic  que  des  râles  crépitants  existent  réelle- 
ment dans  d'autres  cas,  et  reconnaissent  pour  cause,  soit  une  congestion 
pulmonaire,  soit,  lorsque  l'épanchement  s'est  rapidement  résorbé,  le 
déplissement  pulmonaire. 

Quand  le  frottement  est  plus  marqué,  c'est  un  bruit  intense  ressem- 
blant au  froissement  de  la  neige,  et  même  à  la  crépitation  osseuse;  il  peut 
être  alors  perçu  par  l'oreille  placée  à  une  petite  distance  de  la  poitrine, 
il  devient  appréciable  par  le  palper,  et  le  malade,  qui  en  a  conscience, 
peut  en  être  incommodé.  La  toux,  l'expectoration  ne  le  modifient  pas,  ce 
qui  le  distingue  des  bruits  bronchiques.  Il  est  superficiel,  on  peut  l'obser- 
ver aux  deux  temps,  mais  il  est  plus  marqué  à  l'inspiration  qui  peut 
être  le  seul  moment  où  on  le  perçoive.  Les  saccades  sèches  et  inégales 
du  frottement  moyen  ou  intense,  en  font  un  signe  d'une  grande  valeur  ;  il 
s  entend  dans  la  plupart  des  cas  lors  de  la  résolution  de  l'épanchement  ; 
quand  on  l'observe  tout  à  fait  à  la  base  du  poumon,  il  indique  très  net- 
tement la  disparition  complète  du  liquide. 

Une  variété  de  pleurésie  sur  laquelle  nous  aurons  à  revenir  à  propos 
des  pleurésies  secondaires,  h  pleurésie  sèche,  n'a  pas  d'autre  signe  phy- 


m 


PLEURÉSIE.  — 


P.  AIGUË  I'IUMITIVE. 


—  SIGNES  PHYSIQUES. 


siquc  que  le  frottement.  Lorsque  l'exsudal  liquide  manque,  ou  qu'il  est 
très-peu  abondant,  l'exsudat  fibrineux  qui  revêt  la  plèvre  au  niveau  du 
point  enllammé,  donne  lieu  àdn  frottement  pleural.  Ce  signe,  qui  persiste 
pendant  toute  la  durée  de  l'affection,  en  constitue,  avec  une  légère  dou- 
leur siégeant  au  niveau  du  point  malade,  toute  la  symplomalologie.  La 
pleurésie  sèche  est  bien  rarement  primitive,  elle  est  d'ordinaire  symp- 
tomatique  de  la  tuberculose.  On  en  a  néanmoins  signalé  quelques  cas, 
chez  des  sujets  bien  portants  d'ailleurs  et  non  diathésiques. 

Tels  sont  les  signes  stéthoscopiques  que  donne  l'application  de  l'oreille 
sur  le  côté  malade.  II  est  de  quelque  importance  d'examiner  également 
le  côté  sain  :  dans  les  cas  ou  l'épanchement  est  très-peu  abondant,  la 
comparaison  du  côté  malade  au  côté  sain  fera  mieux  saisir  un  léger  affai- 
blissement du  bruit  respiratoire  qui  aurait  pu  échapper  sans  cela.  Si 
l'épanchcment  est  faible  ou  médiocre,  le  murmure  vésiculaire  reste  nor- 
mal du  côté  opposé,  mais  quand  le  liquide  est  très-abondant,  et  le  pou- 
mon fortement  comprimé,  on  perçoit  dans  le  côté  sain  une  respiration 
exagérée,  puérile.  Par  suite  de  la  suppression  plus  ou  moins  complète 
des  fonctions  d'un  des  poumons  qui  cesse  de  pouvoir  se  dilater,  toute 
la  colonne  d'air  trachéale  passe  dans  le  poumon  sain  ;  il  est  d'ailleurs 
probable  que  le  malade  s'efforce  instinctivement  d'augmenter  l'ampli- 
tude de  la  dilatation  du  poumon  sain,  pour  suppléer  son  congénère  dont 
l'inaction  rend  l'hématose  insuffisante. 

Il  faut  se  garder,  quand  on  ausculte  le  côté  sain,  de  prendre  pour  du 
souffle  un  bruit  de  propagation  venant  du  côté  malade.  Le  souffle  trans- 
mis, qui  est  à  son  maximum  au  voisinage  de  la  gouttière  vertébrale,  di- 
minue à  mesure  que  l'oreille  s'éloigne  vers  l'aisselle,  où  l'on  percevra  la 
respiration  exagérée,  mais  sans  mélange  de  bruits  morbides. 

L'auscultation  du  poumon  resté  libre  servira  encore  à  reconnaître 
l'existence  de  la  congestion  pulmonaire  très-fréquente  du  côté  sain,  quand 
l'épanchement  est  considérable. 

Enfin,  les  déplacements  du  cœur  souvent  appréciables  à  la  vue  ou  au 
palper  quand  les  battements  de  la  pointe  sont  superficiels  et  suffisamment 
énergiques,  seront  aisément  suivis  dans  leur  marche  à  l'aide  de  l'oreille 
qui  trouvera  aisément  le  maximum  qui  répond  à  la  pointe  de  l'organe. 

Palpation.  —  L'application  de  la  main  sur  la  paroi  thoracique  ne 
fournit  aucun  signe  qui  lui  soit  propre  et  que  l'auscultation  ou  la  vue  ne 
puisse  donner;  elle  permet  néanmoins  de  contrôler  les  autres  méthodes 
d'exploration,  et  à  son  aide,  certains  signes  sont  appréciés  d'une  façon 
plus  complète  ;  tels  sont  le  frémissement  vocal  des  parois  thoraciques,  le 
frottement  pleurétiquc,  l'existence  et  le  siège  d'un  point  de  côté  non 
appréciable  spontanément,  l'amplitude  de  la  dilatation  du  côté  de  l'épan- 
chement. 

Le  frémissement  thoracique,  connu  de  longue  date  par  le  travail  de 
Raynaud,  qni  l'a  le  premier  signalé  (1824)  et  par  la  clinique  d'Andral. 
a  été  surtout  vulgarisé  par  Monneret  qui  a  insisté  sur  sa  valeur  et  sa 
signification  dans  un  certain  nombre  de  maladies,  et  notamment  dans  la 


PLEURÉSIE.  —  P.  AIGUË  PRIMITIVE.    SIGNES  PHYSIQUES.  177 

pleurésie.  L'intensité  des  vibrations  thoraciques  varie  avec  des  conditions 
multiples  :  elle  est  d'autant  plus  grande  que  la  voix  est  plus  forte  et  plus 
grave,  la  paroi  costale  plus  mince,  et  le  point  exploré  plus  rapproché  du 
larynx.  Si,  au  contraire,  la  voix  est  grêle  et  aiguë,  la  couche  musculo- 
adipeuse  très-épaisse,  les  vibrations  laryngées,  plus  nombreuses  mais 
moins  étendues,  feront  à  peine  vibrer  la  paroi  costale;  le  frémissement 
pourra  même  être  nul,  ainsi  que  cela  arrive  souvent  chez  les  femmes.  Ce 
signe  n'a  donc  pas  une  valeur  absolue;  on  peut  trouver  des  vibrations  à 
peine  perceptibles  sur  un  sujet  sain,  alors  qu'elles  conserveront  une  cer- 
taine intensité  dans»  des  cas  d'épanchement  pleural;  il  faudra  toujours 
procéder  par  comparaison. 

Lorsque  le  poumon  et  la  paroi  costale  sont  écartés  l'un  de  l'autre  par 
l'interposition  d'un  liquide,  le  frémissement  diminue;  il  disparaît  presque 
complètement  quand  le  liquide  occupe  toute  la  cavité  pleurale  et  comprime 
fortement  le  poumon.  Dans  ces  cas  les  vibrations,  faiblement  transmises 
par  les  bronches  comprimées  et  aplaties,  s'atténuent  en  traversant  le 
liquide  et  n'arrivent  pas  à  la  paroi  thoracique.  La  diminution  des  vibra- 
tions thoraciques  caractérise  plus  sûrement  la  présence  de  l'épanchement 
que  la  matité  ou  l'obscurité  du  son;  celle-ci  peut  être  donnée  par  des 
fausses  membranes  épaisses,  tandis  que  l'affaiblissement  du  frémissement 
vocal  est  bien  le  fait  de  la  présence  d'un  liquide. 

Woillez  a  établi,  à  l'aide  d'un  nombre  relativement  considérable  d'ob- 
servations, que  dans  la  pleurésie  avec  épanchement  le  simple  affaiblisse- 
ment des  vibrations  thoraciques  est  la  règle,  et  leur  abolition  complète 
l'exception. Dans  les  épanchements  très-abondants,  si  les  vibrations  vocales 
naguère  complètement  supprimées  se  montrent  de  nouveau,  on  peut  annon- 
cer la  diminution  du  liquide,  quand  même,  son  niveau  restant  stationnaire 
et  son  épaisseur  seule  diminuant,  la  percussion  n'indiquerait  rien.  Le 
frémissement  thoracique  laisse  donc  suivre  avec  quelque  exactitude  la 
marche  du  liquide.  L'absence  de  vibrations  thoraciques  à  la  base  de  la 
poitrine,  permet  sans  le  secours  de  l'oreille,  d'affirmer  la  présence  en  ce 
point  d'un  épanchement  ;  dans  quelques  cas,  chez  les  vieillards  par 
exemple,  dont  la  pneumonie  même  étendue  éveille  si  peu  de  retentisse- 
ment général,  et  présente  des  signes  physiques  si  incomplets,  l'absence 
du  frémissement  vocal  sera  souvent  le  seul  moyen  de  décider  entre  la 
1  pleurésie  et  la  pneumonie,  les  vibrations  étant  toujours  accrues  dans  cette 
i  dernière  maladie. 

Par  le  palper  thoracique,  on  reconnaît  encore  l'existence  du  frottement 
i  pleural,  mais  seulement  quand  il  est  assez  intense;  il  donne  alors  à  la 
i  main  une  sensation  analogue  au  froissement  du  cuir  neuf,  ou  à  celle 
i  que  l'on  éprouve  en  marchant  sur  la  neige  gelée  ;  on  peut  enfin  ne  per- 
l  cevoir  qu'une  sorte  de  grattement  ou  de  frôlement.  Le  frottement  peut  être 
•  senti  dans  tous  les  points  de  la  poitrine,  plus  rarement  toutefois  au 
;  sommet,  ou  les  exsudats  sont  exceptionnels,  et  les  mouvements  de  lo- 
i  comotion  du  poumon  fort  limités;  par  une  raison  inverse,  c'est  au- 
dessous  de  la  région  axillaire  qu'on  le  perçoit  le  mieux  ;  on  le  trouve 

NOUV.  IlICT.  MÉD.  ET  CUIR.  XXVIII  —  12 


•178        PLEURESIE.  —  p.  aiguë  ramrfim  —  signes  physiques. 
quelquefois  aux  deux  temps,  mais  plus  souvent  à  l'inspiration,  surtout  à 
la  lin. 

La  pression  du  doigt  sur  différents  points  de  la  poitrine  peut  servir 
soit  à  éveiller  une  sensibilité  qui  ne  se  manifestent  pas  spontément,  soit 
à  exagérer  un  point  de  côté  peu  marqué. 

•  La  palpation  fait  encore  estimer  d'une  façon  prompte  et  néanmoins 
assez  exacte,  le  degré  d'amplialion  anormale  de  la  poitrine,  surtout 
dans  le  sens  antéro-postérieur  :  en  appliquant  une  main  à  plat  sur  le  de- 
vant de  la  poitrine,  et  l'autre  en  arrière,  on  constate  l'augmentation  de 
volume  du  côté  malade,  comme  à  l'aide  d'une  sorte  de  compas  d'é- 
paisseur. Ce  procédé,  assez  grossier  en  apparence,  est  réellement  très- 
utile. 

Par  la  palpation  on  déterminera  aussi,  le  plus  souvent,  le  déplacement 
du  cœur  et  le  lieu  où  bat  sa  pointe. 

Signalons  enfin,  pour  mémoire,  la  fluctuation  intercostale,  que  Cor- 
visart  avait  indiquée  pour  la  péricardite,  et  que  depuis  on  a  donnée 
comme  un  signe  d'épanchement  pleural.  Trousseau  l'avait  fréquemment 
constatée  et  la  percevait  à  l'aide  d'un  doigt  appliqué  dans  un  espace  in- 
tercostal pendant  qu'il  exerçait  une  percussion  légère  dans  un  espace 
voisin;  pour  lui  elle  n'est  pas  l'objet  d'un  cloute.  Difficile  à  percevoir 
quand  le  liquide  n'est  pas  très-abondant  et  les  espaces  intercostaux  très- 
dilatés.  elle  ne  se  montre  guère  que  dans  des  cas  ou  sa  présence  n'ajoute 
rien  au  diagnostic. 

Mensuration.  —  On  tire  de  la  mensuration  de  la  poitrine  des  résul- 
tats assez  précis.  Il  faut  savoir  d'abord  que  le  périmètre  du  tborax  n'est 
pas  égal  des  deux  côtés  :  le  droit  est  plus  étendu  que  le  gauclie  de  1  à 

5  centimètres  ;  quelquefois  ils  sont  égaux,  trèsr-arement  le  rapport  est 
inverse,  et  le  côté  gauche  l'emporte  sur  le  droit.  Cet  excès,  à  l'avantage 
du  côté  droit,  tient  au  développement  plus  marqué  des  muscles  correspon- 
dants sous  l'influence  du  travail  qui  les  met  plus  souvent  en  jeu.  Woillezr 
mesurant  le  thorax  cbez  41  sujets  bien  conformés,  a  trouvé  le  côté  droit 
plus  développé  chez  56,  les  deux  côtés  égaux  chez  5.  Pour  comparer  le 
périmètre  du  côté  malade  à  celui  du  côté  sain,  le  ruban  métrique  suffit, 
et  l'on  peut  ainsi  trouver  des  différences  assez  marquées,  et  atteignant 

6  et  môme  7  centimètres. 

Dans  le  même  but,  on  peut  encore  se  servir  du  cyrtomètre.  Voy.  t.  V 
art.  Cybtomètre,  par  Rigal.  11  donne  en  outre  des  indications  sur  la  forme 
et  les  diamètres  de  la  poitrine.  Les  dimensions  circonférentielles  ne  sau- 
raient augmenter  très-notablement,  et  le  côté  malade  ne  l'emporte  jamais 
sur  l'autre  que  de  quelques  centimètres.  Mais  lorsque  la  cavité  pleurale 
est  distendue  par  un  épanchement  assez  considérable,  son  diamètre  an- 
téro-postérieur augmente  et  la  cage  tlioracique  tend  à  devenir  cylindri- 
que, d'aplatie  qu'elle  était,  ce  qui  augmente  sa  contenance,  les  cavités 
sphériques  ayant,  à  périmètre  égal  la  capacité  la  plus  grande.  Le  cyrto- 
mètre rend  ici  de  grands  services  en  donnant  les  diamètres  vertébro- 
ma.mmairccl  vertcbro-sternal  et  en  indiquant  leur  accroissement.  La  men- 


PLEURESIE.    P.   AIGUË  PRIMITIVE.    VARIÉTÉS.  { 79 

suration  permet  aussi  d'apprécier  le  retrait  du  thorax  après  la  résorption 
de  l'épanchement. 

Variétés.  —  Un  certain  nombre  de  pleurésies,  par  „eur  limi- 
tation à  un  siège  spécial,  ou  au  contraire  par  leur  généralisation, 
présentent  des  symptômes  particuliers,  mais  elles  ne  diffèrent  pas  par 
leur  nature  de  la  pleurésie  commune  à  laquelle  leur  description  doit  être 
rattachée.  Ce  sont  :  la  pleurésie  double,  les  pleurésies  diaphragmalique 
interlobaireaimédiastine.  D'autres  pleurésies  aiguës  se  distinguent  de  la' 
forme  commune  par  certaines  particularités  anatomiques,  notamment  par 
le  mode  d'enkystement  du  liquide  épanché  et  par  le  cloisonnement  de  la 
cavité  kystique  (pleurésie  mulliloculaire,  pleurésie  aréolaire).  Nous  en 
dirons  aussi  quelques  mots. 

Pleurésie  double.  —  La  pleurésie  peut  être  étendue  aux  deux  côtés  de 
la  poitrine.  Elle  n'envahit  pas  alors  en  même  temps  les  deux  plèvres  • 
plusieurs  jours  d'intervalle  séparent  souvent  les  deux  poussées  inflamma- 
toires; ce  sont,  le  plus  souvent,  comme  deux  pleurésies  se  développant 
isolément  et  n'ayant  pas  une  évolution  parallèle.  Tantôt  chaque  pleurésie 
donne  lieu  pour  son  propre  compte  à  une  douleur  de  côté,  ou  bien  il  n'v 
a  qu'un  seul  point  douolureux,  ou  enfin  ce  phénomène  fait  complète- 
ment défaut;  ce  dernier  cas  est  même  plus  commun  que  dans  la  pleurésie 
unilatérale.  La  dyspnée  est  bientôt  considérable,  et  l'anxiété  très-marquée  • 
les  symptômes  généraux  ont  une  grande  intensité,  la  violence  de  la' 
phlegmasie  peut  développer  une  réaction  fébrile  assez  intense  et 
pour  Monneret  la  mort  pourrait  même  survenir  avant  la  formation  d'un 
double  épanchement.  La  percussion  et  l'auscultation  donnent  les  mêmes 
résultats  que  dans  la  pleurésie  unilatérale,  mais  elles  demandent  plus  d'at- 
tention et  de  soin  à  cause  de  l'absence  de  terme  de  comparaison.  L  enan- 
chement  n'est  jamais  égal  des  deux  côtés.  La  marche  de  la  maladie  est 
plus  rapide,  elle  aboutit  plus  vite  au  dénoûment  presque  constamment 
funeste.  Lorsque  les  malades  guérissent,  ils  gardent,  probablement  par 
le  fait  d'adhérences,  des  troubles  souvent  très-profonds  dans  le  jeu  de 
l'appareil  respiratoire. 

La  plupart  des  pleurésies  doubles  sont  secondaires  et  se  montrent  soit 
chez  les  rhumatisants,  soit  chez  les  tuberculeux. 

Pleurésie  diaphragmalique.  —  La  plus  nette  des  pleurésies  partielles 
est  celle  qui  atteint  le  diaphragme  ;  elle  peut  coïncider  avec  l'inflamma- 
tion de  la  séreuse  costo-pulmonaire,  dont  elle  ne  constitue  alors  iiu'un 
épisode;  mais,  quand  la  phlegmasie  est  limitée  au  diaphragme,  les  signes 
habituels  de  la  pleurésie  font  défaut,  et  le  diagnostic  n'es^  basé  que°sur 
l'existence  des  troubles  fonctionnels  et  l'intervention  de  quelques  symp- 
tômes spéciaux. 

Il  existe  un  mouvement  fébrile  et  les  symptômes  généraux  d'une  pleu- 
résie dont  aucun  signe  physique  ne  vient  révéler  le  siège  :  de  la  loin 
une  dyspnée  intense  et  qui  va  jusqu'à  l'orthopnée  et  l'angoisse  respira- 
toire; la  respiration  est  saccadée,  convulsive  et  entrecoupée.  Les  rmdades 
ont  une  attitude  spéciale,  ils  sont  assis  sur  leur  lit,  le  tronc  incliné  en 


180 


PLEUKÛSIE. 


—  I'.  AlCUii  PRIMITIVE.   


VARIÉTÉS. 


avant;  une  douleur  vive  et  subite  éclate  spontanément  dans  une  des 
régions  hypochondriaques,  s'étend  suivant  la  ligne  de  jonction  des  carti- 
lages costaux,  remonte  souvent  jusqu'à  l'épaule  et  descend  vers  le  côté 
correspondant  de  l'abdomen  ;  elle  s'aggrave  par  les  inspirations  profondes, 
la  toux,  les  efforts  de  vomissement,  mais  surtout  par  la  pression  exercée 
au-dessous  du  rebord  des  fausses  côtes,  de  façon  à  refouler  en  haut  l'hy- 
pochondre.  La  percussion  et  l'auscultation  sont  d'un  médiocre  secours  : 
quand  le  liquide  est  très-abondant,  il  s'accumule  au-dessus  du  diaphragme 
et  dans  le  sillon  costo-diaphragmatique,  à  la  base  du  poumon  adhérent 
par  son  pourtour,  et  dont  les  parties  centrales  sont  refoulées  en  haut; 
peut-être  alors  la  percussion  pourrait-elle  limiter  une  malité  relative  éten- 
due transversalement  à  la  base  du  thorax,  et  très-courte  dans  le  sens 
vertical,  avec  une  sonorité  exagérée  au-dessus;  mais  ce  cas  est  rare,  d'or- 
dinaire les  résultats  de  la  percussion  sont  nuls.  Si  l'affection  siège  à 
droite,  on  peut  quelquefois  reconnaître  un  abaissement  du  foie;  si  elle 
est  à  gauche,  la  rate  peut  être  refoulée  en  bas,  mais  c'est  là  un  fait 
difficile  à  constater.  A  l'auscultation,  on  trouve  vers  la  base  de  la  poitrine 
une  diminution  du  murmure  vésiculaire  ou  un  silence  complet,  le  malade 
retenant  instinctivement  son  souffle  pour  éviter  la  douleur;  quelquefois  on 
perçoit  vers  la  limite  inférieure  du  poumon,  un  peu  de  râle  sous-crépitant 
dû  sans  doute  à  de  la  congestion  pulmonaire  au  voisinage  de  la  plèvre 
enflammée.  En  observant  les  mouvements  respiratoires  à  la  base  de  la 
poitrine,  on  constate  l'immobilité  plus  ou  moins  complète  de  cette  ré- 
gion; les  deux  mouvements  produits  par  la  contraction  du  diaphragme, 
élévation  des  dernières  côtes  et  soulèvement  de  l'épigastre  à  l'inspiration 
n'existent  plus,  ce  qui  est  caractéristique  de  l'inertie  du  diaphragme. 
Celle-ci  est  due  en  partie  à  l'influence  du  liquide  interposé  entre  ce 
muscle  et  la  base  du  poumon,  mais  surtout  au  trouble  vital  survenu,  sui- 
vant la  loi  de  Stokes,  dans  l'activité  fonctionnelle  de  la  fibre  contractile  : 
il  y  a  une  véritable  paralysie  du  muscle,  consécutive  à  la  phlegmasie  delà 
séreuse  qui  le  revêt. 

N.  Guéneau  de  Mussy  a  appelé  l'attention  sur  quelques  signes  qui  ont  une 
grande  valeur  :  le  nerf  plirénique  est  douloureux  à  la  pression  pratiquée 
sur  les  points  accessibles  de  son  trajet,  entre  les  deux  faisceaux  inférieurs 
du  sterno-mastoïdum,  à  la  base  du  cou.  Il  y  a,  de  plus,  des  irradiations 
douloureuses  dans  le  domaine  du  plexus  cervical,  au-dessus  de  la  clavi- 
cule, dans  la  région  scapulaire,  dans  le  moignon  de  l'épaule.  La  pression 
dans  un  point  circonscrit  de  la  région  épigastrique  éveille  une  douleur 
vive  et  une  angoisse  très-accusée.  Ce  point  siège  à  l'intersection  de  deux 
lignes  qui  prolongent  l'une  le  bord  externe  du  sternum,  l'autre  la  partie 
osseuse  de  la  dixième  côte.  Guéneau  de  Mussy  a  nommé  bouton  diaphra- 
gmatique  ce  point  si  nettement  limité,  dont  la  pression  fait  à  volonté  jaillir 
en  quelque  sorte  la  douleur.  On  trouve  quelquefois  aussi  un  point  dou- 
loureux au  voisinage  des  vertèbres  dorsales,  à  la  hauteur  du  dernier  espace 
intercostal.  Un  autre  signe  des  épanchements  sus-diaphragmatique  est 
l'abaissement,  du  côté  malade,  de  la  dernière  côte  qu'entraîne  en  bas  le 


PLEURÉSIE.  — 


P.  AIGUË  PlllSIITIVIi.   


VARIÉTÉS. 


diaphragme  refoulé  par  le  liquide  ;  c'est  là  un  fait  habituel,  mais  non 
constant.  On  a  signalé  également  le  hoquet,  les  nausées,  les  vomisse- 
ments qui  sont  exceptionnels,  l'ictère  qui  est  plus  rare  encore.  Quant 
aux  accidents  nerveux,  au  délire,  au  rire  sardonique  mentionnés  par 
les  anciens,  ils  sont  à  peine  connus  des  cliniciens  modernes. 

Les  différents  symptômes  que  nous  venons  d'indiquer  peuvent  faire 
complètement  défaut,  et  la  pleurésie  diaphragmalique  ne  se  trahit  alors 
par  aucun  signe.  Une  de  ses  terminaisons  possibles  est  l'ouverture  de  la 
collection  circonscrite  dans  la  grande  cavité  séreuse  ;  celte  solution  favo- 
rable, mais  trop  rare,  amène  un  soulagement  rapide  et  profond,  qui  con- 
traste d'une  façon  en  apparence  irrationnelle  avec  l'extension  de  la  pleu- 
résie. Plus  souvent  que  la  pleurésie  ordinaire,  la  pleurésie  diaphragma- 
tique  peut  entraîner  la  mort,  soit  par  ouverture  dans  la  cavité  périto- 
néale,  soit  par  les  troubles  fonctionnels  qui  se  produisent. 

Pleurésie  interlobaire,  médiastine.  —  Dans  la  pleurésie  interlobaire, 
l'épanchement,  limité  par  des  adhérences  de  la  périphérie  des  deux  lobes 
contigus,  les  écarte  l'un  de  l'autre  et  se  creuse  un  lit  à  leurs  dépens.  La 
pleurésie  médiastine  siège  sur  le  feuillet  pleural  qui  limite  les  médias- 
tins  et  sur  la  partie  adjacente  de  la  séreuse  pulmonaire.  Ces  deux  formes 
de  pleurésie  circonscrite,  très-rares  d'ailleurs,  ne  donnent  lieu  qu'à  des 
symptômes  locaux  obscurs  et  peu  tranchés.  La  pleurésie  interlobaire  peut 
être  quelquefois  reconnue  par  l'existence  d'une  zone  mate  et  non  vibrante 
siégeant  à  la  hauteur  de  la  seissure  du  poumon,  et  ayant  la  même  di- 
rection qu'elle.  Dans  la  pleurésie  médiastine,  il  existe  une  douleur  pro- 
fonde, perçue  au  niveau  du  sternum,  et  qu'exaspèrent  fortement  les  mou- 
vements respiratoires.  Toutes  les  deux  s'accompagnent  de  fièvre,  d'op- 
pression qui,  avec  la  douleur  localisée,  peuvent  les  faire  soupçonner  par 
exclusion,  lorsque  l'examen  du  péricarde  et  de  la  plèvre  n'y  accusent 
aucun  désordre.  Dans  ces  sortes  de  pleurésies  limitées,  la  pleurésie 
interlobaire  surtout,  on  voit  fréquemment  le  liquide  se  frayer  une  issue 
au  dehors  à  travers  le  parenchyme  pulmonaire  et  être  rendu  par  expec- 
toration. Un  bon  nombre  de  prétendus  abcès  pulmonaires  et  de  vomiques 
n'ont  pas  d'autre  origine,  et  sont  dus  à  des  pleurésies  interlobaires. 

Pleurésie  multiloculaire  aréolaire.  —  La  pleurésie  multiloculaire 
ou  pleurésie  enkystée  multiloculaire,  est  due  à  la  présence  de  cloisons 
pseudo-membraneuses  qui  divisent  la  cavilé  pleurale  en  grands  compar- 
timents. Cette  variété  n'est  pas  rare,  et  souvent,  après  l'évacuation  par 
l'aspirateur  d'un  épanchement  notable  ,  on  voit  la  résonnance  et  le  bruit 
vésiculaire  reparaître  à  la  partie  inférieure  de  la  plèvre,  et  la  matité  per- 
sister au-dessus,  ce  qui  indique  évidemment  un  épanchement  divisé  en 
plusieurs  loges.  Les  pleurésies  cloisonnées  surviennent  chez  des  sujets 
atteints  antérieurement  de  pleurésies  sèches  et  adhésives  ;  celles-ci  étant 
d'ailleurs  souvent  diathésiques,  il  en  résulte  que  la  pleurésie  cloisonnée 
qui  leur  succède,  a  un  pronostic  plus  sérieux  que  la  pleurésie  commune. 

Quant  aux  signes  de  cette  variété,  ils  sont  encore  incomplètement 
connus. 


182 


l'LKUKÉSlE. 


  P.   AIGUË  PRIMITIVE. 


  VARIKTÊR. 


Le  professeur  Jaccoud,  dans  une  récente  communication  à  l'Aca- 
démie, a  signalé  deux  types  de  pleurésie  multiloculaire ,  dont  il  s'est 
efforcé  de  donner  les  caractères  cliniques.  Dans  une  première  forme,  on 
reconnut  à  l'aide  des  signes  ordinaires  l'existence  d'un  épanchement 
total  ;  mais  les  vibrations  vocales,  anéanties  dans  tout  le  côté,  persis- 
taient suivant  une  bandelette  antéro-poslérieure ,  qui  décrivait  sur  la 
paroi  un  trajet  demi-circulaire.  L'éminent  observateur  diagnostiqua 
l'existence,  entre  le  poumon  refoulé  par  l'épanchement  et  la  paroi  tho- 
racique,  d'une  cloison  tendue  et  transmettant  à  celle-ci  les  vibrations 
vocales.  En  vidant  séparément  les  deux  loges,  dont  le  contenu,  séreux 
dans  l'une,  était  purulent  dans  l'autre,  la  thoracentèse  vérifiée  confirma 
le  diagnostic  plus  lard  par  l'autopsie. 

Dans  un  second  type,  dont  il  a  observé  plusieurs  cas,  l'épanchement 
était  accusé  par  une  matité  de  pierre,  du  souffle  bronchique,  de  la  bron- 
chophonie,  le  déplacement  des  organes  voisins,  l'absence  de  bruit  skodi- 
que,  et  la  conservation  des  vibrations  vocales.  A  l'autopsie,  cloison 
transversale  complète  divisant  la  plèvre  en  deux  loges  indépendantes, 
comme  dans  la  première  forme,  et  de  plus,  brides  nombreuses  tendues 
entre  le  poumon  el  la  paroi  thoracique,  mais  ne  cloisonnant  pas  les 
loges.  Pour  Jaccoud,  ces  dispositions  anatomiques  expliquent  l'ensemble 
des  symptômes  :  l'épanchement  abondant  refoule  le  poumon  autant  que 
le  permet  la  présence  de  la  .cloison  et  des  brides  fibreuses;  en  raison  de 
leur  tension,  celles-ci  vibrent  facilement,  et  transmettent  à  la  paroi  les 
hruits  bronchiques,  souffle  el  voix;  elles  communiquent  au  thorax  leur 
frémissement,  et  comme  elles  sont  nombreuses,  toute  la  paroi  vibre,  d'où 
fremitus  vocal  conservé.  Comme  les  adhérences  occupent  le  poumon  du 
haut  en  bas,  le  lobe  supérieur  ne  peut  être  refoulé  au  contact  du  thorax 
en  avant,  ce  qui  explique  l'absence  de  bruit  skodique.  Dans  la  discussion 
provoquée  par  cette  communication  si  intéressante,  Moutard-Martin, 
Maurice  Raynaud  et  Woillez,  ont  contesté  la  légitimité  de  ces  conclu- 
sions fort  ingénieuses,  mais  qui  attendent  des  faits  une  confirmation  plus 
complète. 

Un  troisième  type  de  pleurésie  cloisonnée  a  été  indiqué  par  Moutard- 
Martin  :  avec  tous  les  signes  d'un  épanchement  abondant  qui  efface  les 
espaces  intercostaux  et  fait  bomber  le  côté  malade  dans  toute  son  éten- 
due, l'attention  est  appelée  sur  une  saillie  considérable  de  la  région  anté- 
rieure du  thorax,  avec  matité  absolue  sous  la  clavicule  ;  ces  signes  per- 
mettent de  reconnaître  une  pleurésie  enkystée ,  et  la  thoracentèse 
appliquée  à  la  partie  inférieure  de  la  poitrine,  en  isolant  le  kyste  supé- 
rieur, complète  le  diagnostic. 

Dans  la  pleurésie  aréolaire,  beaucoup  plus  rare,  le  liquide  est  empri- 
sonné dans  des  vacuoles  séparées  par  des  cloisons  fibrineuses  ;  l'examen 
anatomique  montre  la  poitrine  remplie  d'une  sorte  de  gelée  transparente 
(pleurésie  gélatiniforme),  constituée  par  un  nombre  infini  de  vacuoles 
pleines  de  sérosité  iluide.  L'exsudat  ressemble  alors  au  tissu  cellulaire 
largement  infiltré  de  liquide.  Un  épanchement  inflammatoire  infiltré  au 


PLEURÉSIE. 


  P.   AIGUË  PRIMITIVE.    MARCHE. 


183 


:  sein  de  fausses  membranes  anciennes,  dues  à  une  pleurésie  antérieure, 
peut  revêtir  le  même  aspect. 

Aucun  signe  clinique  ne  caractérise  la  pleurésie  aréolaire  ;  on  peut 
seulement  la  reconnaître  par  la  thoracentèse,  qui  ne  fournit  qu'une 
minime  quantité  de  liquide.  Si  l'on  fait  alors  varier  la  position  de  la 
canule,  soit  en  l'enfonçant,  soit  en  lui  imprimant  des  mouvements  de 
latéralité,  on  voit  reparaître  quelques  gouttes  de  sérosité,  et  l'on  perçoit 
en  outre  une  sorte  de  crépitation  fine  due  à  la  rupture  des  cloisons. 

Le  pronostic  de  la  pleurésie  aréolaire  est  un  peu  plus  sérieux  que  celui 
de  la  pleurésie  commune,  parce  que  sa  thérapeutique  n'a  rien  à  espérer 
de  l'emploi  de  la  thoracentèse,  qui  reste  sans  résultats. 

Marche,  terminaisons,  complications.  —  L'évolution  de  la 
pleurésie  comprend  trois  phases  distinctes  :  la  période  de  début,  celle 
d'état  ou  d'épanchement,  celle  de  résorption. 

Le  début  est  nettement  établi  par  l'apparition  des  symptômes  généraux  et 
des  troubles  fonctionnels,  par  les  petits  frissons  répétés,  la  fièvre,  la  toux,  la 
•dyspnée  et  la  douleur  de  côté.  Ces  diverses  manifestations  sont  d'ordinaire 
simultanées  ;  quelquefois  les  signes  locaux  précèdent  de  quelques  heures 
la  réaction  fébrile.  Plus  rarement  les  troubles  fonctionnels  font  défaut,  la 
maladie  est  seulement  annoncée  par  une  fièvre  légère  ;  souvent  même  chez 
les  vieillards,  il  n'y  a  qu'un  léger  délire  et  de  la  sécheresse  de  la  langue. 

Au  début  l'exploration  à  l'aide  des  signes  physiques  reste  complètement 
muette:  il  y  a  bien,  à  l'oreille,  un  peu  de  faiblesse  du  bruit  respiratoire, 
mais  elle  elle  tient  seulement  à  ce  que,  pour  éviter  la  douleur,  le  malade 
retient  instinctivement  sa  respiration.  La  durée  de  cette  période  initiale 
est  très-courte  ;  bientôt,  en  même  temps  que  persistent  les  symptômes 
généraux  et  les  troubles  fonctionnels ,  l'existence  de  l'épanchement 
se  caractérise.  Quelquefois,  nous  l'avons  vu,  on  perçoit  avant  son  appa- 
rition un  léger  frottement  dû  au  glissement  des  deux  plèvres  dépolies  par 
un  mince  exsudai  fibrineux.  Si  l'on  peut  surprendre  à  son  début  l'appari- 
tion de  la  malité,  on  la  trouve  d'abord,  le  malade  étant  assis,  à  la  partie 
inférieure  de  la  gouttière  vertébrale,  au-dessus  de  la  douzième  côte; 
d'autres  fois  à  la  partie  latérale  du  thorax.  Dans  ce  point,  indiqué  par  Da- 
moiseau, il  y  a  d'abord,  en  bas  et  en  arrière,  de  l'obscurité  du  son  qui  re- 
monte peu  à  peu,  et  devient  en  bas  de  la  véritable  matité.  A  ce  niveau, 
les  vibrations  vocales  sont  diminuées;  le  liquide  s'élève  graduellement,  et 
la  limite  de  la  matité,  son  degré,  la  résistance  au  doigt  qui  percute,  permet- 
tent de  tracer  assez  nettement  la  marche  de  l'épanchement.  Cependant,  le 
murmure  vésiculaire  a  disparu  pour  faire  place  à  de  l'expiration  prolongée, 
à  du  souffle  doux  et  voilé,  il  y  a  de  l'égophonie.  Les  progrès  du  liquide 
peuvent  alors  s'arrêter  et  les  signes  physiques  persistent,  ou  bien  il  aug- 
mente encore,  ces  bruits  cessent  à  leur  tour,  et  quand  l'épanchement  de- 
vient très-abondant,  la  matité  est  complète  du  haut  en  bas,  les  vibrations 
-vocales  nulles,  le  silence  absolu.  La  durée  de  la  période  d'épanchement, 
depuis  le  moment  où  le  liquide  apparaît  jusqu'à  celui  où  il  commence  à 
décroître,  est  de  quinze  à  vingt-cinq  jours. 


184  PLEURÉSIE.  —  i>.  aiguë  primitive.  —  habche. 

Arrivé  à  son  point  culminant,  le  liquide  reste  stationnaire  pendant 
plusieursjonrs.Woillez serait  arrivé,  par  l'emploi  de  la  mensuration, à  recon- 
naître que  la  phase  stationnaire  de  l'épanchement  est  rare,  et  que  sa 
durée,  quand  elle  existe,  n'excède  pas  un  à  deux  jours. 

Néanmoins  ce  n'est  guère  qu'au  bout  de  trois  semaines  au  moins  que 
l'anscullation  et  la  percussion  signalent  la  diminution  du  liquide.  La  ré- 
solution, d'abord  assez  rapide,  paraît  se  ralentir  beaucoup  à  mesure  qu'on 
se  rapproche  des  couches  inférieures  de  l'exsudat  qui  contiennent  une 
plus  forte  proportion  de  fibrine,  et  dans  certains  cas,  elle  s'arrête  com- 
plètement, et  cesse  pendant  plusieurs  jours  de  faire  des  progrès.  A  mesure 
que  l'épanchement  baisse,  la  sonorité  et  le  murmure  vésiculaire  reparais- 
sent du  haut  en  bas.  On  trouve  souvent  alors,  nous  l'avons  vu,  une  égopho- 
nie  de  retour,  beaucoup  moins  nette  que  celle  du  début.  On  perçoit  alors 
aussi  le  frottement  qui  répond  à  des  points  où  le  liquide  a  complètement 
disparu.  La  résolution  de  la  pleurésie  a  une  durée  qui  varie  entre  trois 
et  six  semaines.  Chez  les  enfants,  la  marche  est  rapide,  la  guérison 
prompte,  et  la  durée  totale  de  la  maladie  est  de  7  à  15  jours. 

Telle  est  la  marche  habituelle  de  la  pleurésie  ;  on  en  suivra  aisément 
les  phases  en  observant  attentivement  les  signes  physiques.  Les  troubles 
fonctionnels  seront  d'un  moindre  secours,  car  ils  ne  sont  pas  toujours  soli- 
daires de  l'état  local;  la  fièvre  notamment,  est  loin  d'avoir  une  évolution 
parallèle  à  celle  de  la  phlegmasie  pleurale.  La  pleurésie  n'a  pas,  comme  la 
pneumonie,  une  marche  cyclique  ;  dans  celle-ci,  on  sait  à  peu  près  à  quel 
moment  la  fièvre  doit  tomber,  et  quand  elle  baisse  on  en  conclut  légiti- 
mement à  la  résolution  de  la  phlegmasie  lobaire  ;  dans  la  pleurésie,  la 
défervescence  est  irrégulière  :  elle  peut  se  produire  longtemps  avant  que 
l'épanchement  ait  cessé  de  croître,  souvent  même,  dans  certaines  pleu- 
résies latentes,  l'épanchement  devient  considérable,  sans  que  la  moindre 
réaction  fébrile  vienne  donner  l'éveil,  et  inversement  la  résorption  peut 
commencer  alors  que  la  fièvre  est  encore  très  intense.  La  défervescence 
peut  s'accompagner  de  quelques  phénomènes  critiques,  sueurs  abondantes,, 
émission  d'urines  copieuses  ,  mais  ces  cas  sont  exceptionnels.  Les  signes 
physiques  ont  une  bien  autre  valeur.  Dans  quelques  cas,  néanmoins,  ni 
l'auscultation  ni  la  percussion  ne  peuvent  éclairer  sur  la  marche  de  l'épan- 
chement: la  ligne  de  niveau  peut  baisser  alors  que  le  liquide  a  réellement 
augmenté,  elle  peut  paraître  lixe  tandis  qu'il  diminue.  Hirtz  a  signalé  i'as- 
cension  du  poumon  d'abord  plongé  dans  le  liquide,  puis  émergeant  à  la 
partie  supérieure,  et  donnant  lieu  à  un  abaissement  apparent  de  la  matilé. 
On  pourra  alors  tirer  quelque  parti  du  déplacement  des  viscères  ;  dans  la 
pleurésie  gauche,  si  le  cœur  déplacé  continue  à  marcher  vers  la  droite,  s'il 
s'arrête  dans  sa  migration  ou  revient  graduellement  vers  sa  place  normale, 
on  saura  que  le  liquide  augmente,  qu'il  reste  stationnaire  ou  qu'il  dimi- 
nue. Pour  la  pleurésie  droite,  Damoiseau  avait  voulu  faire  du  bord  infé- 
rieur du  foie  un  point  de  repère  propre  à  indiquer  les  variations  du  liquide, 
suivant  que  l'organe  descend  vers  l'abdomen  ou  remonte  vers  le  thorax  ; 
mais  ces  déplacements  n'ont  rien  de  constant  ni  de  régulier. 


PLEURÉSIE.  —  p.  AiGuii  primitive.  —  terminaisons.  185 

En  faisant  appel  à  tous  les  modes  d'exploration,  en  observant  attenti- 
vement les  phénomènes  généraux  et  locaux,  il  sera  d'ordinaire  aisé  de 
suivre  la  marche  de  l'exsudat.  Il  se  présente  néanmoins  des  cas  très  dif- 
ficiles, où  le  médecin  est  dans  l'impossibilité  presque  absolue  de  recon- 
naître dans  quel  sens  marebe  l'épancliemenl;  lorsque,  par  exemple,  le 
couche  liquide,  complètement  enkystée,  varie  seulement  d'épaisseur,  ou 
bien  quand  la  matité  complète  et  absolue  occupe  toute  la  cavité  pleurale. 
Dans  ces  cas,  il  est  évident  que  la  percussion  et  l'auscultation  seront 
muettes,  et  que  le  liquide  pourra  augmenter,  sans  que  les  signes  physiques 
en  trahissent  rien.  Woillez  recommande  en  pareil  cas  la  mensuration  à  l'aide 
du  cyrtomètre.  Ce  moyen  de  diagnostic  est  quelquefois  utile,  mais  il  est 
souvent  impuissant  comme  les  autres  ;  il  exige  d'ailleurs  une  habileté 
de  main  qu'on  ne  peut  acquérir  qu'après  une  longue  pratique,  pour  prix 
de  laquelle  on  n'obtient  souvent  que  des  résultats  peu  certains.  Néanmoins, 
l'emploi  du  cyrtomètre,  en  signalant  l'accroissement  des  diamètres  antéro- 
postérieurs  du  thorax  (diamètres  vertébro-sternal  et  vertébro-mammaire) 
indiquera  souvent  une  augmentation  du  liquide  absolument  inappréciable 
par  d'autres  moyens.  L'emploi  du  simple  ruban  gradué  rendra  aussi, 
quelques  services  en  pareil  cas. 

La  pleurésie  aigiic  peut  se  terminer  parla  guérison  ;  elle  peut  aboutir  à 
l'état  chronique,  ou  entraîner  la  mort. 

La  pleurésie  franche  développée  chez  un  sujet  sain  et  robuste  se  termine 
communément  par  la  guérison.  La  résorption  peut  être  alors  complète,  et 
l'on  voit  reparaître  la  sonorité  et  le  murmure  vésiculaire  du  haut  en  bas 
jusqu'à  la  limite  inférieure  du  poumon.  Quelquefois,  mais  rarement,  la 
guérison  est  précédée  de  phénomènes  critiques,  sueurs,  diarrhées,  urines 
abondantes  ;  on  a  même  signalé  des  métrorrhagies.  Quand  la  maladie  a 
été  très-intense,  ou  que  la  résolution  se  fait  moins  activement,  il  reste  à 
la  hase  de  la  poitrine,  en  arrière,  un  peu  de  submatité  et  d'obscurité  du 
murmure  vésiculaire,  et  ces  modifications  peuvent  persister  durant  des 
mois  et  même  des  années.  Quelques  malades  gardent,  durant  leur  vie 
entière,  des  signes  manifestes  de  l'affection  pleurale.  Souvent,  après  la 
guérison,  ils  conservent  des  douleurs  dans  le  côté  autrefois  atteint,  ils  ne 
peuvent  faire  une  inspiration  profonde,  ni  se  livrer  à  aucun  effort.  Ces 
troubles,  qui  les  inquiètent  beaucoup,  sont  dus  à  la  présence  de  fausses 
membranes,  ou  d'adhérences  celluleuses  qui  gênent  l'expansion  du  pou- 
mon, déjà  mal  disposé  à  se  dilater,  par  le  fait  de  la  compression  qu'il  a 
subie. 

La  pleurésie  aiguë  peut  se  terminer  par  la  suppuration  et  le  passage  à 
1  état  chronique  :  c'est  là  un  dénoùment  exceptionnel  qui  se  montre  sur- 
tout dans  les  pleurésies  secondaires,  lesquelles  même  sont  quelquefois 
chroniques  d'emblée.  Après  la  chute  de  la  fièvre  et  la  résolution  de  la 
phlegmasie,  le  liquide  peut  persister  sans  aucun  autre  trouble,  consti- 
tuant ainsi  un  véritable  hydrothorax  facilement  curable  par  la  simple 
évacuation  du  liquide. 

La  mort  eslpcu  commune  dans  la  forme  aiguë,  elle  peut  être  graduelle 


186 


PLEURÉSIE. 


  P.  AIGUË  PKIMIïn  I .. 


  COMPLICATIONS. 


et  résulter  de  la  gène  progressive  de  l'hématose,  lorsque  l'épanchement 
devient  considérable.  11  peut  se  faire  alors  que  la  paroi  thoracique,  dis- 
tendue par  le  liquide,  ait  presque  atteint  la  limite  de  sa  dilatation  extrême, 
et  que  l'expansion  inspiratrice  soit  à  peine  sensible.  Une  congestion  du 
poumon  libre,  sorte  de  fluxion  collatérale,  peut  venir  augmenter  les  trou- 
illes de  l'hématose.  La  mort  survient  alors  par  le  fait  d'accès  d'orthopnée 
et  d'oppression  vive,  avec  anxiété  extrême.  La  quantité  de  liquide  néces- 
saire pour  amener  l'issue  fatale  est  très  variable  ;  on  a  rarement  vu,  toute- 
fois, la  mort  être  causée  par  un  épanchement  inférieur  à  2000  grammes. 
La  pleurésie  double,  quand  les  épanchements  remontent  très-haut,  donne 
lieu  à  ces  désordres  et  peut  aboutira  l'asphyxie  ;  il  en  est  de  même  de 
la  pleurésie  diaphragmatique, 

La  mort  peut  arriver  subitement,  même  dans  le  cours  d'une  pleurésie 
d'apparence  bénigne  :  tantôt  la  quantité  du  liquide  a  augmenté  subite- 
ment jusqu'à  produire  l'asphyxie  ;  plus  souvent  l'issue  funeste  est  due  à 
une  déplacement  extrême  et  à  la  compression  du  cœur  et  des  gros  vais- 
seaux. En  pareil  cas,  on  a  expliqué  la  mort  par  une  syncope,  ce  qui  est 
exceptionnel,  et  l'on  a  exagéré  l'influence  du  déplacement  du  coeur  sur 
la  production  de  la  syncope. 

Ce  déplacement  du  cœur  agit  surtout  par  les  troubles  de  circulation 
qu'il  entraîne  :  les  gros  vaisseaux  de  la  base  subiraient  une  certaine 
torsion  ;  Chomel  a  insisté  sur  cette  torsion  des  gros  vaisseaux,  dont  il 
a  tout  au  moins  exagéré  l'importance;  le  cœur  est  gêné  dans  ses  mou- 
vements, il  en  résulte  la  formation  de  caillots  ventriculaires,  ces  caillots 
peuvent  se  prolonger  dans  l'artère  pulmonaire,  et  entraver  l'hématose, 
ou  bien,  détachés,  ils  donnent  lieu  à  des  embolies  pulmonaires  prompte- 
ment  mortelles.  C'est  principalement  dans  la  pleurésie  gauche,  avec  forte 
projection  du  cœur  à  droite,  qu'on  voit  se  former  ces  caillots.  Les  mêmes 
désordres  peuvent  être  l'effet  de  la  pleurésie  droite.  Blachez  a  démontré 
la  coagulation  du  sang  dans  la  branche  de  l'artère  pulmonaire  desser- 
vant le  poumon  comprimé,  coagulation  probablement  due  à  la  la  gêne  de 
la  circulation  dans  ce  viscère.  Cette  thrombose  d'une  branche  de  l'artère 
pnlmonaire  peut  s'étendre  au  tronc  principal  et  de  là  à  la  branche  oppo- 
sée. On  a  signalé,  mais  plus  rarement,  des  caillots  des  cavités  gauches  don- 
nant lieu  à  des  embolies  cérébrales.  La  formation  des  caillots  cardiaques 
peut  être  diagnostiquée  chez  les  enfants  à  l'aide  des  troubles  de  la  circu- 
lation, de  l'irrégularité  du  pouls,  de  la  dyspnée,  de  la  jactitation,  qu'ils 
déterminent  (Labric).  Maurice  Raynaud  a  signalé  comme  cause  de  mort 
subite  dans  les  pleurésies  à  exsudât  abondant,  la  dégénérescence  graisseuse 
du  cœur.  La  péricardite  est  une  complication  funeste,  et  qui  semble  dé- 
terminer la  mort  plus  hâtivement  que  toutes  les  autres.  La  mort  subite 
peut  encore  être  l'effet  de  l'évacuation  spontanée  ou  curalive  de  l'épan- 
chement: quand  il  est  expulsé  sous  forme  de  vomique,  ce  qui  du  reste 
est  l'exception  dans  les  formes  aiguës,  et  arrive  surtout  dans  la  pleurésie 
purulente,  le  liquide  peut  envahir  les  voies  aériennes  avec  une  telle  abon- 
dance qu'il  entraîne  une  prompte  suflocation.  D'autre  part,  dans  la 


PLEURÉSIE.           P.  AIGUË  PIUMITIVK.  —  DIAGNOSTIC.  187 


thoracentèse  comme  nous  le  verrons  plus  loin,  on  peut  voir  se  produire 
des  congestions  et  des  apoplexies  pulmonaires  par  le  fait  de  la  soustraction 
trop  rapide  et  trop  complète  du  liquide  épanché. 

Nous  venons  de  signaler,  à  propos  des  terminaisons,  un  certain  nom- 
bre de  complications  redoutables ,  pouvant  amener  la  mort  :  syn- 
cope ,  caillots  cardiaques,  dégénérescences  graisseuses  du  myocarde, 
embolies  veineuses,  etc.  Eu  dehors  de  ces  accidents,  heureusement  rares, 
la  pleurésie  franche  s'accompagne  rarement  de  complications  impor- 
tentes.  Cependant  Potain  a  insisté  sur  la  fréquence  de  la  congestion  pul- 
monaire, non-seulement  du  côté  sain,  mais  dans  le  poumon  malade.  La 
pneumonie  consécutive  à  la  phlegmasie  pleurale  est  une  maladie  très- 
rare,  et  bien  distincte  de  la  pleuro-pneumonie  où  la  pneumonie  est  l'af- 
fection primitive. 

La  pleurésie  gauche  se  complique  quelquefois  de  péricardite,  accident 
grave  en  pareil  cas,  puisqu'il  a,  dans  quelques  exemples,  entraîné  la 
mort.  Mais,  quand  les  deux  affections  coïncident,  elles  sont  bien  plus  sou- 
vent l'expression  commune  de  la  diathèse  rhumatismale. 

La  pleurésie  est  une  complication  très-fréquente  de  la  tuberculose,  le 
rapport  inverse,  s'il  est  possible,  est  bien  diflicile  à  démontrer.  A  peine 
peut-on  regarder  comme  une  complication,  la  douleur  qui,  chez  certains 
malades,  persiste  dans  le  côté  affecté  longtemps  après  la  guérison.  Cette 
douleur  que  la  pression  n'augmente  pas,  paraît  profonde,  et  serait  due, 
d'après  Woillez,  à  l'existence  d'adhérences  pleurales.  Une  complication 
bien  lointaine  de  la  pleurésie,  indiquée  par  Barth,  est  la  dilatation  des 
bronches,  qui  coïncide  trop  fréquemment  avec  les  adhérences  pleurales 
pour  qu'il  n'y  ait  pas  là  un  rapport  de  cause  à  effet. 

Diagnostic.  —  Nous  avons  insisté  suffisamment  pour  n'avoir  pas  à 
y  revenir,  sur  les  signes  qui  distinguent  la  pleurésie. 

Au  début,  on  n'observe  que  des  symptômes  fonctionnels,  lesquels, 
pour  si  complets  et  si  accusés  qu'on  les  suppose,  n'ont  rien  qui  carac- 
térise spécialement  une  pleurésie  et  peuvent  tout  aussi  bien  signaler 
l'invasion  d'une  pneumonie  ou  d'une  congestion  pulmonaire.  Le  frotte- 
ment prémonitoire  qui  précède  l'apparition  du  liquide  aurait  plus  de 
valeur,  mais  il  n'existe  que  rarement  et  l'on  devra,  pour  se  prononcer, 
attendre  la  formation  de  l'épanchement.  Celui-ci  est  particulièrement 
indiqué  par  la  matité,  l'absence  de  vibrations  vocales,  dans  quelques  ças 
par  le  déplacement  du  liquide  appréciable  à  la  percussion,  par  la  fai- 
blesse ou  l'absence  du  murmure  vésiculaire  avec  ou  sans  souffle  bron- 
chique, par  les  modifications  de  la  résonnance  vocale,  egophonie  ou 
broncho-egophonie.  Aucun  de  ces  signes  n'est  pathognomonique,  aucun 
n'est  absolument  propre  à  la  pleurésie,  leur  ensemble  seul  permet  d'être 
affirmatif,  et  comme  ils  sont  loin  d'être  toujours  réunis,  le  diagnostic 
est  quelquefois  embarrassant.  Toutefois  deux  signes  ont  une  valeur 
presque  décisive  ce  sont  P egophonie  et  l'absence  des  vibrations  vocales. 
Certaines  pleurésies  restent  absolument  latentes,  et  malgré  la  présence 
d'un  épanchement  abondant,  le  son  de  percussion  reste  clair  et  l'auscul- 


188 


PLEURÉSIE. 


  P.   AIGUË  l'IllMITIVK.   


DIAGNOSTIC. 


talion  fait  entendre  le  bruit  respiratoire.  Clionicl  expliquait  celte  ano- 
malie en  invoquant  la  transmission  des  bruits  pulmonaires  par  le  liquide 
épanché.  Woillcz  qui  en  a  rapporté  six  observations,  explique  les  anoma- 
lies de  l'exploration  physique  par  une  condition  anatomique  commune  à 
tous  ces  cas  :  condensation  du  poumon  refoulé  par  le  liquide  épanché  et 
adhérence  de  l'organe  aux  parois  thoraciques  dans  une  étendue  variable. 
Les  cas  sont  des  raretés  pathologiques  et  d'ordinaire  on  arrive  plus  ou 
moins  facilement  à  reconnaître  la  présence  du  liquide. 

La  pleurésie  étant  reconnue,  il  importe  d'être  fixé  sur  la  proportion  du 
liquide;  on  aura  égard  alors  à  l'étendue  de  la  matité,  à  la  nature  des 
signes  stéthoscopiques,  egophonie,  souflle,  au  degré  de  la  dyspnée,  au 
déplacement  plus  ou  moins  marqué  des  viscères,  aux  données  fournies 
par  la  mensuration  simple  et  par  la  crytométrie.  Nous  avons  vu  que 
l'étendue  de  la  matité  est  loin  d'avoir  une  valeur  absolue  pour  indiquer 
l'abondance  de  l'épanchement,  une  petite  quantité  de  liquide  disposée 
sous  forme  de  lame  entre  les  feuillets  pleuraux  pouvant  simuler  un 
épanchement  volumineux,  alors  que  le  liquide  accumulé  en  grande 
quantité  à  la  base  du  poumon  qu'il  a  refoulée  donnera  une  matité  res- 
treinte. 

Le  diagnostic  des  pleurésies  partielles  interlobaires  et  médiastines  est  le 
plus  souvent  impossible  ;  quant  à  la  pleurésie  diaphragmatique  elle  sera 
soupçonnée  bien  moins  à  l'aide  des  signes  physiques  dont  la  signification 
est  assez  vague,  que  d'après  les  caractères  de  la  douleur  et  la  gravité  des 
troubles  généraux  et  fonctionnels. 

La  pleurésie  et  la  pneumonie  ont  en  commun  de  nombreux  traits  de 
ressemblance,  et  la  confusion,  presque  nécessaire  avant  l'emploi  de  la 
percussion  et  de  l'auscultation,  alors  que  le  médecin  n'avait  d'autre 
guide  que  l'étude  des  troubles  fonctionnels  et  de  l'état  général,  est 
aujourd'hui  encore  quelquefois  difficile  à  éviter.  Sans  doute,  en  comparant 
l'un  à  l'autre  des  cas  bien  nets  de  pleurésie  et  de  pneumonie,  on  ne 
trouvera  pas  l'hésitation  possible,  et  il  suffira  d'observer,  d'une  part 
'egophonie  et  l'absence  de  frémissement  vocal,  de  l'autre  les  râles  crépi- 
tants et  les  crachats  rouillés  pour  prononcer  à  coup  sûr.  Mais  si  les  signes 
importants  font  défaut  de  part  et  d'autre,  on  peut  se  trouver  en  présence 
d'une  affection  caractérisée  seulement  par  de  la  matité  et  du  souffle,  signes 
communs  à  l'épanchement  et  à  l'hépatisation.  En  pareil  cas  l'on  devra 
analyser  avec  soin  les  différents  signes  généraux  et  locaux;  les  symptômes 
communs  aux  deux  maladies  n'ont  pas  des  caractères  identiques,  ils  sont 
séparés  par  des  dissemblances  marquées,  ou  tout  au  moins  par  des 
nuances.  La  matité,  absolue,  sans  élasticité  dans  la  pleurésie,  est  bien 
moins  complète  au  niveau  d'une  hépatisalion.  Les  qualités  du  souille  sont 
différentes  dans  les  deux  cas  :  voilé  doux  et  lointain  dans  la  pleurésie,  il 
est  rude,  tubaire,  sous  l'oreille  dans  la  pneumonie  ;  on  le  rencontre  bien  plus 
fréquemment  dans  celle-ci  que  dans  la  première,  ou  l'on  ne  trouve  souvent 
que  du  silence  respiratoire,  de  sorte  que  l'absence  de  souffle  au  niveau 
d'un  foyer  de  matité  est  une  présomption  en  laveur  de  l'épanchement.  La 


PLEURÉSIE.    P.  AIGUË   PRIMITIVE.    DIAGNOSTIC.  189 

toux,  rare  dans  la  pleurésie,  est  fréquente  et  pénible  dans  la  pneumonie  ; 
dans  cette  dernière  le  frisson  initial  est  unique  et  d'une  grande  violence, 
au  début  de  la  pleurésie,  il  n'y  a  d'ordinaire  que  de  petits  frissons  peu 
intenses  et  qui  reviennent  à  plusieurs  reprises  ;  passé  les  premiers  jours, 
la  fièvre  est  légère,  l'état  général  peu  ébranlé,  le  faciès  à  peine  altéré 
chez  lus  pleurétiques,  dans  la  phlegmasie  pulmonaire  la  température 
élevée  au  début  persiste,  le  pouls  reste  fréquent,  les  traits  sont  altérés, 
ils  portent  l'empreinte  d'une  anxiété  quelquefois  assez  vive.  Les  phéno- 
mènes sympathiques,  rares  dans  la  pleurésie,  sont  très-communs  dans  la 
pneumonie.  On  devra  aussi  tenir  compte  de  l'étendue  de  la  lésion 
comparée  à  l'état  général  :  un  souffle  étendu  coïncidant  avec  un  état 
général  peu  sérieux  est  favorable  à  l'hypothèse  d'une  pleurésie,  une  hépa- 
tisation  assez  considérable  n'étant  guère  admissible  sans  un  retentisse- 
ment marqué  sur  l'économie.  Si  avec  ce  souffle  étendu  on  ne  trouve  pas 
des  râles  on  sera  porté  à  croire  à  une  pleurésie,  car  une  hépatisation  pul- 
monaire d'une  certaine  importance  ne  peut  guère  être  au  même  degré 
dans  tous  ses  points . 

Dans  quelques  cas  de  pleurésie  non  enkystée,  le  niveau  du  liquide 
varie  avec  la  position  donnée  au  malade.  Enfin  une  matité  limitée  à  sa 
partie  supérieure  par  une  courbe  parabolique  indique  un  épanchement, 
la  matité  pneumonique  ne  pouvant  rien  offrir  d'analogue.  Il  n'est  pas 
jusqu'à  l'âge  du  malade  qui  ne  vienne  aider  au  diagnostic,  la  pneu- 
monie étant  très-commune  chez  les  vieillards,  et  la  pleurésie,  au  contraire, 
rare. 

Quelqnefois  les  deux  affections  sont  réunies  :  dans  le  cas  le  plus  commun 
il  s'agit  d'une  pneumonie  plus  ou  moins  considérable  qui  atteint  la  surface 
du  poumon,  et  donne  lieu  alors,  tantôt  à  une  pleurésie  sèche,  tantôt,  et 
c'est  le  cas  ordinaire,  à  un  léger  épanchement;  la  pneumonie  reste  alors 
l'affection  principale  et  la  pleuro-pneumonie  est  presque  toujours  une 
pneumonie  avec  pleurésie  accessoire  et  d'une  importance  secondaire.  Ce- 
pendant on  rencontre  des  cas  mixtes  où  pleurésie  et  pneumonie  ont  une 
valeur  sensiblement  égale  ;  si  la  pneumonie  occupe  la  partie  supérieure, 
le  diagnostic  n'offrira  aucune  difficulté,  on  trouvera  à  la  base  les  signes 
de  l'épanchement,  et  au-dessus  ceux  de  l'hépatisation.  Lorsque  la  lésion 
pleurale  sera  au  même  niveau  que  l'induration  pulmonaire,  les  râles  cré- 
pitants seront  masqués  par  l'épanchement,  les  vibrations  thoraciques 
nulles,  le  retentissement  vocal  aura,  il  est  vrai,  le  timbre  broncho-ego- 
phonique,  le  souffle  sera  peut-être  plus  rude  et  plus  intense  que  dans 
une  simple  pleurésie,  mais  en  l'absence  des  crachats  rouillés,  on  n'en 
sera  pas  moins  dans  un  grand  embarras. 

Woillez  signale  une  cause  d'erreur  dont  nous  avons  constaté  récem- 
ment l'existence  :  on  peut  trouver  sous  la  clavicule  une  respiration 
bruyante,  du  souffle  véritable,  de  la  bronchophonie,  et  croire  à  l'existence 
en  ce  point  d'un  noyau  d'hépatisation  ;  souvent  la  percussion  donne  à  ce 
niveau  de  la  submatité.  L'absence  de  râles  crépitants,  même  en  faisant 
tousser  le  malade,  la  rareté  de  la  toux  qui  est  sèche  ou  sans  expecto- 


11)11 


PLEURESIE.  — 


P.  AIGUË  l'IUMITlVE. 


  DIAGNOSTIC. 


ration  caractéristique,  l'absence  d'un  élat  fébrile  en  rapport  avec  une 
hépalisation,  exclucront  la  pneumonie.  Woillez  attribue  ces  phéno- 
mènes au  refoulement  du  poumon  vers  le  sommet  de  la  poitrine,  par 
l'épancbement. 

Quand  l'épancbement  est  compliqué  de  bronebite  on  pourrait  prendre 
les  raies  que  l'on  perçoit  obscurément  à  travers  le  liquide  et  quelquefois 
avec  du  souffle,  pour  une  pneumonie  mal  caractérisée,  mais  on  recon- 
naîtra que  les  râles  existent  des  deux  côtés,  et  d'ailleurs  il  n'y  aura  pas 
de  cracbats  rouilles. 

La  congestion  pulmonaire  simple,  ou  celle  qui  accompagne  le  début 
des  fièvres  éruptives  pourront  prêter  à  la  confusion.  Dans  ces  cas,  en  effet, 
on  trouve  un  point  de  côté,  de  la  toux,  de  l'obscurité  du  son  de  percussion, 
de  la  faiblesse  du  bruit  vésiculaire,  de  l'expiration  prolongée  ou  même 
du  souffle  ;  mais  dans  l'byperémie,  la  sonorité  est  diminuée  sans  être  abolie, 
a  matité  est  moins  étendue,  elle  est  fixe  et  ne  se  déplace  jamais  dans 
les  changements  d'attitude  imposés  au  malade,  ainsi  qu'il  arrive  par- 
fois dans  la  pleurésie;  les  vibrations  tboraciques sont  ici  parfois  légèrement 
atténuées,  d'ordinaire  elles  sont  augmentées,  tandis  qu'elles  sont  nulles 
dans  l'épancbement  pleural.  A  l'oreille,  le  murmure  vésiculaire  est  faible, 
l'expiration  prolongée;  quelquefois  il  existe  du  souffle  inspiratoire  sur- 
tout au  niveau  de  la  racine  des  bronches,  ce  souffle  est  doux  et  grave,  il 
est  plus  précoce  que  celui  de  la  pleurésie.  Il  n'est  pas  rare  de  percevoir 
des  râles  fins  qu'on  peut  prendre  pour  du  frottement.  Il  n'y  a  pas  d'ego- 
phonie,  mais  un  retentissement  léger  de  la  voix.  Ces  signes  peuvent  rester 
stationnaires,  puis  tout  à  coup,  soit  spontanément,  soit  par  le  fait  du 
traitement,  ils  disparaissent  en  quelques  heures.  Dans  la  congestion,  la 
toux  s'accompagne  d'une  expectoration  qui  ressemble  à  une  solution  de 
gomme  ;  elle  est  sèche  et  sans  crachats  dans  la  pleurésie. 

La  bronchite  ne  pourra  guère  être  prise  pour  une  pleurésie,  malgré  la 
fièvre,  la  toux,  et  la  pleurodynie  que  lorsqu'elle  sera  précédée  de  conges- 
tion pulmonaire. 

L'hydrotborax  donne  les  mêmes  signes  physiques  que  l'épanchement 
inflammatoire,  mais  il  est  d'ordinaire  double  et  coïncide  avec  d'autres 
hydropisies  qui  reconnaissent  la  même  origine  que  celle  du  thorax;  l'by- 
dropisie  pleurale  est  mobile  et  son  niveau  varie  quand  le  malade  change 
d'atitude.  D'ailleurs  l'hydrothorax  est  toujours  secondaire,  en  remontant 
dans  les  antécédents  du  malade  on  n'y  retrouve  pas  les  symptômes  du 
début  brusque  de  la  pleurésie,  et  en  l'examinant,  on  rencontre,  soit  une 
affection  du  cœur,  soit  un  mal  de  Brigbt,  soit  une  altération  du  sang 
qui  explique  l'épanchement  pleural. 

Les  tumeurs  de  la  cavité  thoracique  ont  une  marche  ebronique  qui  ne 
permet  guère  d'hésiter  ;  cependant  une  néoplasic  lentement  développée 
peut  se  trahir  tout  d'un  coup  avec  éclat  par  des  symptômes  aigus  qui 
appellent  l'examen  de  la  poitrine,  l'erreur  sera  alors  quelquefois  difficile 
à  éviter.  Mais  la  tumeur  n'a  pas  des  contours  réguliers,  et  la  matité  qui 
lni  correspond  n'est  pas  limitée  supérieurement  par  une  ligne  de  niveau 


PLEURÉSIE*  —  p.  aiguë  primitive.  —  diagnostic.  191 

horizontale  ou  par  une  courbe,  elle  reste  fixe  malgré  les  mouvemenls 
imprimés  au  thorax.  La  sonorité  et  le  murmure  vésiculaire,  qui  manquent 
au  niveau  de  la  tumeur  peuvent  se  retrouver  dans  les  parties  déclives 
à  la  hase  du  poumon.  Aucun  de  ces  signes  n'est  ahsolu,  car  des 
adhérences  peuvent  limiter  le  liquide  aux  parties  supérieures  en  laissant 
libres  les  points  déclives,  mais  les  vibrations  thoraciques  sont  alors 
perdues  au  niveau  du  liquide,  elles  sont  au  contraire  normales  ou 
accrues  dans  les  cas  d'une  tumeur;  celle-ci,  en  refoulant  les  organes 
thoraciques,  en  amène  le  déplacement  ou  la  compression,  et  l'on  trouve 
des  ectopies  du  cœur,  des  signes  de  compression  des  troncs  veineux  ou 
artériels,  des  bronches,  des  différents  cordons  nerveux. 

Ces  tumeurs  peuvent  prendre  naissance  en  dehors  du  la  poitrine  et 
venir,  en  se  développant,  faire  saillie  dans  sa  cavité,  ainsi  que  cela  arrive 
ponr  les  tumeurs  du  foie,  son  hypertrophie  et  surtout  les  kystes  hydati- 
ques.  Le  kyste  peut  alors  être  fortement  refoulé  dans  la  ca#e  thoracique, 
et  remonter  très-haut  jusqu'à  la  quatrième,  la  troisième  côte,  ou  même 
jusqu'à  la  clavicule,  en  repoussant  le  poumon  ;  la  compression  peut 
détruire  graduellement  les  fibres  du  diaphragme  dont  la  perforation 
livre  passage  à  la  tumeur.  On  trouve  alors  à  l'auscultation  et  à  la  percus- 
sion les  signes  physiques  d'un  épanchement  pleural.  Mais  en  pareil  cas, 
les  accidents  ont  d'abord  été  purement  abdominaux,  leur  marche  est  très- 
lente,  l'état  général  a  été  longtemps  indemne.  La  matité  thoracique  a  une 
forme  spéciale  à  limite  supérieure  fortement  convexe  en  haut,  de  telle 
sorte  qu'à  ses  parties  supérieures  et  latérales  on  retrouve  la  résonnance 
pulmonaire.  La  matité  peut  être  complète  au  voisinage  du  rachis,  et 
cesser  sur  les  parties  latérales  du  côté  droit,  ou  bien  au  contraire  occupant 
ce  dernier  point,  disparaître  au  voisinage  de  la  colonne  vertébrale,  près 
de  laquelle  on  retrouvera  la  sonorité  et  le  bruit  respiratoire;  son  niveau 
est  immobile  et  ne  varie  pas  en  inclinant  le  thorax  en  divers  sens  ;  ces 
caraclèresplessimétriques  peuvent,  on  le  conçoit,  appartenir  àunepleurésie 
enkystée,  mais  ce  cas  est  peu  fréquent;  d'ailleurs  dans  les  kystes  hydati- 
ques  la  matité  se  continue  inférieurement  et  sans  ligne  de  démarcation 
appréciable  avec  celle  du  foie,  lequel  est  très-abaissé  .  La  partie  inférieure 
de  la  paroi  thoracique,  au  niveau  des  fausses  côtes  est  refoulée  en  dehors, 
et  la  poitrine  prend  dans  cette  région  une  forme  globuleuse.  Quelquefois 
on  peut,  au-dessous  du  rebord  costal  percevoir  une  fluctuation  obscure. 
Le  frémissement  hydatique  serait  caractéristique,  mais  il  est  bien 
rare;  on  aura  enfin  la  ressource  décisive  d'une  ponction  explora- 
trice, et  l'on  trouvera  au  liquide  tous  les  caractères  de  celui  des  kystes 
hydatiques  :  absence  d'albumine,  coloration  claire,  présence  de  cro- 
chets, etc. 

Dans  les  cas  d'infiltration  tuberculeuse  générale  d'un  poumon,  la 
matité  dure  et  absolue  qui  existe  en  pareil  cas,  et  l'absence  plus  ou  moins 
complète  du  bruit  respiratoire,  peuvent  faire  songer  à  un  épanchement 
pleural.  Cette  erreur,  possible  chez  l'adulte,  se  produit  surtout  chez  les 
enfants;  Barthez  a  rapporté  des  cas  de  ce  genre,  ou  l'erreur  était  abso- 


192 


PLEURÉSIE.  — 


P.  AIGUË  PRIMITIVE. 


—  PItONOSTIC. 


lumcnt  inévitable  :  dans  l'un,  le  diagnostic  ne  fut  fait  qu'à  l'autopsie  ; 
dans  un  autre,  une  ponction  fut  pratiquée,  qui  n'amena  rien. 

Par  une  erreur  inverse,  on  peut  croire  à  une  tuberculisation  avancée 
qui  n'existe  pas,  comme  dans  ces  cas  signalés  par  Barlliez  et  Rilliet,  par 
Béhier;  le  poumon  adhère  alors  en  haut  à  la  paroi  thoracique,  et  il  existe 
dans  ce  point  un  véritable  souffle  caverneux  amphorique,  quelquefois  avec 
gargouillement.  L'évolution  de  la  maladie,  l'état  général  non  en  rapport 
avec  une  tuberculose  avancée,  et  surtout  la  présence  de  l'épanebement 
suffiront  pour  faire  rejeter  l'existence  d'une  caverne. 

La  péricardite  qui  cause  un  point  de  côte,  de  la  dyspnée,  et  amène  une 
collection  séreuse  quelquefois  assez  abondante  à  la  partie  antéro-inférieure 
du  côté  gauche  pourrait  faire  croire  à  un  épanchement  pleural,  mais  on 
observerait  l'absence  de  matité  dans  la  ligne  axillaire  et  en  arrière,  la  con- 
servation des  vibrations  thoraciques,  la  persistance  du  murmure  réspi- 
ratoire,  l'absence  de  souffle;  le  choc  de  la  pointe  du  cœur  sera  d'ailleurs 
impossible  à  percevoir,  et  ses  bruits  éloignés. 

L'impulsion  du  cœur  qui  vient  battre  contre  une  plèvre  revêtue  de 
fausses  membranes,  pourra  simuler  un  bruit  de  frottement  isochrone  aux 
mouvements  du  cœur,  et  dû  à  une  péricardite  ;  mais  on  trouvera  dans 
quelque  point  du  même  côté  un  bruit  de  frottement  de  même  timbre  que 
le  précédent,  et  coïncidant  avec  les  mouvements  respiratoires. 

La  pleurodynie  ou  rhumatisme  des  parois  thoraciques  donne  lieu  à 
un  point  de  côté  violent,  et  le  malade  pour  éviter  les  douleurs  provo- 
quées par  les  contractions  des  muscles  thoraciques ,  retient  instinctive- 
ment son  souffle;  il  en  résulte  un  peu  d'affaiblissement  du  murmure 
pulmonaire.  On  ne  pourrait  la  confondre  qu'avee  la  pleurésie  com- 
mençante, car  la  pleurodynie  ne  donne  lieu  à  aucune  matité.  La  douleur 
du  côté  plus  vive,  plus  étendue  que  dans  la  pleurésie  augmente  plus 
que  celle-ci  sous  l'influence  de  la  pression,  de  la  toux,  des  mouvements 
respiratoires. 

Quant  à  la  névralgie  intercostale  qu'il  est  d'usage  de  faire  figurer  dans 
le  diagnostic  différentiel  de  la  pleurésie,  elle  n'a  avec  celle-ci  qu'un  point 
de  contact  :  la  douleur  de  côté,  mais  celle-ci  allongée  sur  le  trajet  d'un 
ou  plusieurs  nerfs  intercostaux  présente  des  points  douloureux,  surtout 
au  niveau  des  vertèbres  ;  c'est  du  reste  là  tout,  aucun  signe  physique, 
pas  de  phénomènes  généraux. 

Pronostic.  —  La  pleurésie  franche,  développée  chez  un  sujet  sain, 
se  termine  d'ordinaire  par  la  guérison,  son  pronostic  est  donc  en  général 
favorable,  ce  qui  n'empêche  pas  qu'elle  ne  soit  une  maladie  sérieuse,  et 
dont  les  irrégularités  fréquentes  doivent  toujours  inspirer  quelque 
inquiétude. 

Les  éléments  du  pronostic  se  tirent  de  considérations  multiples,  les 
unes  empruntées  directement  à  la  maladie  elle-même,  telles  que  le 
siège  et  l'étendue  de  la  pleurésie,  l'abondance  de  l'épanebement,  l'inten- 
sité de  la  fièvre,  la  dyspnée,  la  marche  delà  maladie, ses  complications, 
etc.;  les  autres ^ayant  trait  au  terrain  sur  lequel  se  développe  la  pieu- 


PLEURÉSIE.  —  p.  aiguë  primitive.  —  pnososnc.  195 

résie,  l'àoe  du  malade,  sa  constitution,  l'existence  ou  l'absence  chez  lui 
de  maladies  diathésiques,  son  état  général.  , 

La  quantité  de  L'épanchement  a  une  certaine  importance  pronostique, 
et,  si  l'on  voit  le  plus  souvent  guérir  des  pleurésies  avec  liquide  abon- 
dant, il  n'en  est  pas  moins  vrai  qu'un  épanchement  volumineux  est  plus 
grave  qu'un  moyen.  C'est  surtout  avec  les  grandes  collections  séreux-; 
qu'on  voit  le  refoulement  du  cœur  être  accompagné  d'accidents  inquié- 
tants ou  graves,  de  syncopes  quelquefois  mortelles,  de  coagulations  car- 
diaques ou  pulmonaires  qui  amènent  des  complications  redoutables,  d'une 
distension  exagérée  du  thorax  qui  produit  l'asphyxie.  D'autre  part, 
quand  le  liquide  est  en  quantité  considérable,  il  entrave  l'hématose,  qui 
ne  se  fait  plus  que  par  un  seul  poumon,  souvent  comprimé  jusqu'à  un 
certain  point;  la  circulation  est  elle-même  gênée,  d'où  déchéance  de 
l'économie  et  dangers  de  tuberculose.  Peter  tire  de  l'existence  de  la 
courbe  de  Damoiseau  des  données  pronostiques  :  pour  lui,  quand  elle 
existe,  l'épanchement  est  fibrineux  et  se  résorbera  promplement  ;  si  au 
contraire  le  liquide  est  limité  par  une  ligne  de  niveau,  l'exsudat  est 
séreux,  et  toutes  choses  égales  d'ailleurs,  la  résorption  sera  plus  longue. 
La  pleurésie  gauche  qui  entraîne  le  déplacement  du  cœur  vers  la  droite 
est  aussi  celle  qui  se  complique  le  plus  souvent  de  péricardile,  et  nous 
avons  vu  que  la  pleurésie  diaphragmatique  se  termine  quelquefois  par 
la  mort. 

Les  complications  aggravent  nécessairement  le  pronostic:  la  péricardile, 
à  moins  qu'elle  ne  soit  rhumatismale  comme  la  pleurésie  qu'elle  accom- 
pagne,  est  un  épisode  sérieux  ;  le  développement  d'un  épanchement  dans  la 
plèvre  restée  saine  est  fâcheux  sans  être  absolument  grave;  certaines 
.-yucopes,  ducs  à  des  concrétions  sanguines  cardiaques  ou  vasculaires, 
peuvent  être  considérées  comme  fatales. 

La  marche  delà  maladie,  la  date  à  laquelle  elle  remonte,  sont  utiles  à 
considérer  :  quand  le  liquide  continue  à  monter  au  delà  de  la  durée 
habituelle  de  la  période  d'accroissement,  c'est-à-dire  après  trois  semaines, 
il  faut  craindre  qu'il  n'atteigne  des  proportions  anormales;  si  l'augmen- 
tation persiste  après  vingt-cinq  à  trente  jours,  on  doit  prévoir  l'issue  fu- 
neste. Lorsque  la  résolution  commence,  si  elle  marche  régulièrement,  le 
|  pronostic  est  favorable. 

La  persistance  prolongée  d'un  épanchement,  même  moyen,  est  une 
I  fâcheuse  condition;  elle  constitue  dans  l'évolution  de  la  maladie  une 
i  irrégularité  de  mauvais  augure,  et  annonce  souvent  le  passage  de  la 
I  phlegmasie  franche  à  un  processus  purement  passif,  l'bydropisic.  Les 
conditions  anatomiques  de  la  plèvre  malade  et  du  poumon  refoulé  par 
I  l'épanchement  aggravent  le  pronostic  :  si  la  cavité  pleurale  est  tapissée 
|  par  une  . fausse  membrane  épaisse,  celle-ci  substituée  à  la  plèvre  est 
i  impuissante  à  résorber  L'épanchement  ;  le  poumon  coiffé  par  des  fausses 
i  membranes,  bridé  par  des  adhérences,  ne  peut  se  dilater,  et  si  le  liquide 
i  disparait,  l'expansion  du  poumon  étant  impossible,  il  en  résulte,  comme 
i  nous  l'avons  vu,  une  exagération  de  la  pression  négative  normale  qui 

NOUV    DICT.  MÉD.  ET  Cil».  XXVIII.  —  15 


194  PLEURESIE.  —  p.  aiguë  primitive.  —  traitement. 

active  et  perpétue  l'exhalation  séreuse.  La  guérison  n'est  pourtant  pas 
impossible,  alors  les  organes  voisins  se  rapprochent,  la  paroi  thoracique 
se  déprime  et  le  vide  est  à  peu  près  comblé. 

La  notion  du  terrain  sur  lequel  la  maladie  s'est  développée  joue  un 
rôle  important  dans  le  pronostic,  et  l'on  devra  tenir  compte  des  conditions 
d'âge,  de  constitution,  d'état  général,  etc.  La  pleurésie  primitive  simple 
chez  un  enfant  âgé  de  plus  de  six  ans  est  d'ordinaire  bénigne,  et,  si  sa 
marche  est  très-aiguë,  la  guérison  est  assurée;  chez  l'enfant,  toutefois,  il 
faudra  tenir  compte  de  la  fréquence  plus  grande  des  complications. 
Quant  aux  pleurésies  primitives  chez  les  très-jeuncs  enfants,  les  observa- 
tions en  sont  trop  rares  pour  qu'il  soit  possible  d'établir  des  règles. 

Dans  la  vieillesse,  où  elle  est  aussi  rare  que  la  pneumonie  est  fréquente, 
la  maladie  tend  à  passer  à  l'état  chronique.  Il  en  est  de  même  chez  les 
malades  qui  ont  un  état  général  mauvais,  dont  la  constitution  est  appau- 
vrie par  la  misère  et  les  excès,  chez  les  sujets  anémiques  ou  en  puissance 
d'une  diathèse,  la  goutte,  la  tuberculose,  le  rhumatisme.  A  ce  propos,  on 
ne  devra  pas  confondre  la  pleurésie  développée  pendant  le  cours  du 
rhumatisme,  laquelle  est,  comme  nous  le  verrons,  une  affection  bénigne, 
avec  celle  qui  survient  chez  un  sujet  rhumatisant  en  dehors  d'une  attaque 
aiguë.  Celle-ci  pâtit  en  quelque  façon  du  milieu  où  elle  a  pris  naissance, 
et  le  rhumaLisant  qui  contracte  une  pleurésie  l'a  volontiers  mauvaise. 

Traitement.  —  On  doit  tenir  compte  de  deux  faits  essentiels  : 
1°  L'acte  morbide  qui  constitue  la  phlegmasie  pleurale.  2°  L'épanchement 
qui  en  est  le  produit.  De  là  deux  indications  importantes  :  enrayer  ou 
modérer  l'inflammation  de  la  membrane  séreuse  ;  faciliter  la  résorption  de 
l'épanchement  à  l'aide  des  moyens  médicaux,  ou  en  provoquer  l'issue  au 
dehors  par  l'intervention  chirurgicale. 

Traitement  médical .  Au  premier  rang  des  agents  antiphlogistiques 
destinés  à  combattre  l'élément  inflammatoire,  se  placent  les  émissions 
sanguines  générales  et  locales,  elles  sont  surtout  indiquées  quand  la 
fièvre  est  très-vive,  l'oppression  intense,  la  douleur  du  côté  très-aiguë. 
Les  saignées  générales  ne  sont  guère  pratiquées  aujourd'hui  dans  la 
pleurésie  ;  les  médecins  en  jugeaient  autrement  dans  la  première  moitié 
de  ce  siècle,  et  la  saignée  générale  tenait  alors  une  grande  place  dans  la 
thérapeutique.  Les  faits  tirés  de  la  pratique  d'Andral,  de  Bouillaud,  de 
Crùveilhier,  de  Chomel,  de  Louis,  témoignent  de  la  haute  valeur  de  cette 
médication.  Entre  les  mains  de  ces  maîtres  éminents,  on  voyait,  grâce 
aux  émissions  sanguines,  des  pleurésies 'tourner  court  rapidement,  sou- 
vent en  cinq  ou  six  jours,  quelquefois  même  avant  la  formation  de 
l'épanchement.  Depuis  de  longues  années,  une  réaction  excessive,  comme 
toujours,  s'est  opérée  contre  la  saignée,  et  l'on  est  passé,  sur  ce  point, 
d'un  engouement  extrême  à  une  indifférence  complète.  Dans  sa  traduction 
de  Walshc,  Fonssagrives  se  plaint  que  les  émissions  sanguines  n'occupent 
plus  dans  le  traitement  de  la  pleurésie  la  place  qui  leur  est  duc  ;  le 
professeur  Peter  insiste  cncrgiqucmcnl  sur  les  conséquences,  d'après  lui 
désastreuses, de  ce  mépris  des  saignées  générales.  Il  attribue  à  l'abandon  de 


PLEURÉSIE.  —  p.  aiguë  primitive.  —  traitement.  195 

cette  pratique  ancienne  la  formation  si  commune  aujourd'hui,  et  naguère 
inconnue,  de  ces  vastes  épanchements  dont  la  résorption  est  impossible, 
et  dont  on  n'arrive  à  débarrasser  les  malades  qu'à  l'aide  de  la  thoracentèse. 
«  Je  le  dis  bien  haut  :  de  nos  jours,  à  Paris,  on  abandonne  trop  volontiers 
le  pleurétiquc  à  lui-même,  on  laisse  trop  platoniqucment  l'épanchement 
s'opàrer,  on  néglige  trop  les  émissions  sanguines.  Si,  pour  les  citadins, 
dont  l'organisme  n'a  pas  la  vigueur  ni  le  sang,  la  richesse  de  ceux  des 
campagnards,  on  ne  peut  pas  toujours  avoir  recours  à  la  saignée  générale, 
au  moins  doit-on  commencer  le  traitement  par  une  application  de  ven- 
touses scarifiées  ou  de  sangsues,  en  nombre  proportionné  à  la  force  du 
malade  et  à  l'intensité  de  la  douleur  comme  de  la  fièvre  (à  l'intensité 
de  la  douleur  surtout),  application  que  l'on  renouvelle  ou  non,  suivant  le 
besoin  (Peter).  » 

L'emploi  des  saignées  générales  n'est  pas  toujours  indiqué  ;  évidem- 
ment, chez  un  malade  vigoureux,  pléthorique,  quand  le  début  est  violent 
et  impétueux,  si  le  point  de  côté  est  très-douloureux,  l'oppression  très- 
vive,  et  qu'on  assiste  à  l'explosion  de  la  maladie,  il  sera  très-sage  de 
pratiquer  une  saignée,  laquelle  donnera  sur-le-champ  une  amélioration 
incontestable.  Mais,  si  la  pleurésie  a  des  allures  moins  bruyantes,  si  elle 
frappe  un  sujet  de  complexion  médiocre  que  l'on  n'est  pas  appelé  à  traiter 
dès  les  premiers  jours,  on  s'abstiendra  des  émissions  sanguines  générales, 
et  l'on  donnera  la  préférence  aux  ventouses  scarifiées  qui  agissent  en 
même  temps  comme  révulsifs.  Indépendamment  de  leur  action  antipblo- 
gistique,  elles  ont  un  effet  évident  sur  le  point  de  côté,  assez  violent 
quelquefois  pour  exiger  une  intervention  spéciale  :  elles  font  cesser  la 
névrite  qui  en  est  la  cause. 

Les  Allemands  et  les  Anglais  emploient  les  mercuriaux  comme  anti- 
phlogistiques  et  altérants;  ils  prescrivent  le  calomel  à  dose  fractionnée 
et  les  frictions  d'onguent  napolitain  jusqu'à  saturation  et  sialorrhée. 
Celte  méthode  populaire  chez  les  Anglais,  dans  la  pleurésie  et  dans  la 
péricardite,  est  à  peu  près  inconnue  chez  nous.  La  digitale,  qui  par  ses 
propriétés  antipyrétiques  modère  les  combustions,  peut  être  donnée  au 
début  en  infusion  ou  macération  comme  antifébrile,  en  attendant  que 
son  action  diurétique  trouve  son  emploi  dans  l'élimination  de  l'épan- 
chement. On  pourrait  donner  l'émétique  comme  contro-stimulant,  mais 
les  vomissements  et  la  diarrhée  qu'il  peut  provoquer  ne  seraient  pas  sans 
inconvénients  chez  les  sujets  débiles.  Pour  enrayer  la  marche  de  la  phleg- 
masic,  on  tirera  encore  un  bon  parti  de  l'application  de  larges  vésica- 
toircs.  Tous  ces  moyens  s'adressent  à  l'inflammation  pleurale,  et  doivent 
être  appliqués  dans  la  période  initiale;  il  faut  les  choisir  avec  discerne- 
ment et  en  proportionner  l'emploi  à  la  gravité  des  symptômes. 

Quand  la  pleurésie  cstsimple,  franchement  inflammatoire,  on  s'en  tient 
à  ces  agents  thérapeutiques.  S'il  existe  un  étal  bilieux  ou  saburral,  on  aura 
recours  à  un  éméto-cathartique;  lorsqu'il  y  a  de  l'adynamie,  on  emploie  les 
toniques.  Quelquefois  la  fièvre  est  nettement  rémittente,  sans  être  liée  à  un 
état  gastrique;  on  se  trouvera  bien  alors  de  l'emploi  du  sulfate  de  quinine. 


106 


PLE1  RÉSIE.  — 


P.  AIGUË  PRIMITIVE. 


  TRAITEMENT. 


Quand  la  réaction  fébrile  est  jicu  marquée,  la  douleur  de  côté  médiocre, 
l'oppression  peu  accusée,  il  conviendra  de  laisser  de  côté  la  médication 
antiphlogistique,  pour  ne  recourir  qu'aux  agents  qui  s'adressent  plus  spé- 
cialement à  l'épanchement,  c'est-à-dire  aux  révulsifs,  ventouses,  vésica- 
toires,  badigeonnages  iodés  ;  aux  dérivatifs  intestinaux,  drastiques  prin- 
cipalement; aux  diurétiques,  digitale,  diète  lactée,  nitrate  de  potasse;  aux 
sudorifiques,  jaborandi.  Avant  d'intervenir  trop  activement,  on  fera  bien 
d'observer  le  marche  du  liquide  :  il  est  des  cas  où  la  résolution,  lies- 
précoce,  commence  du  sixième' au  dixième  jour,  mais  c'est  surtout  du 
quinzième  au  vingtième  qu'elle  débute.  Tant  qu'on  la  voit  se  continuer 
régulièrement,  il  est  inutile  d'agir,  et  l'on  pourra  ne  faire  de  médication 
que  si  le  liquide  cesse  de  diminuer.  Toutefois,  il  ne  faut  pas  oublier 
que,  même  chez  les  sujets  vigoureux  et  robustes,  la  pleurésie  n'a  jamais 
une  allure  aussi  aiguë,  aussi  franchement  inflammatoire,  une  tendance 
aussi  nette  vers  la  résolution  que  la  pneumonie.  On  ne  perdra  pas  de  vue 
qu'il  faut  au  malade  un  certain  degré  de  vigueur  pour  résoudre  sa  pbleg- 
masie,  et,  lorsque  l'on  sera  en  présence  de  sujets  anémiques  ou  faibles, 
on  ne  devra  pas  abandonner  la  résolution  aux  seules  forces  de  l'orga- 
nisme. En  pareil  cas,  une  fois  la  fièvre  tombée,  l'inflammation  languit, 
elle  traîne  en  longueur,  le  liquide  reste  stationnaire,  puis  tous  les  phéno- 
mènes phlegmasiques  disparaissent,  et  à  la  pleurésie  se  substitue  un 
liydrothorax,  une  véritable  hydropisie  de  poitrine  qui  n'a  aucune  tendance 
à  la  résolulion,  ou  bien,  ce  qui  est  autrement  grave,  la  pleurésie  devient, 
purulente  ou  passe  à  l'étal  chronique. 

Woillcz,  surveillant  à  l'aide  des  tracés  cyrlométriques  la  marche  du 
liquide,  a  noté  l'effet  des  diverses  médications  sur  sa  résolution;  il  a 
obtenu  le  tableau  suivant  qui  résume  en  centièmes,  pour  chaque  médi- 
cation, la  proportion  des  effets  favorables  ou  nuls,  et  dans  lequel  on  trouve 
des  résultats  inattendus.  Ces  données  n'expriment,  bien  entendu,  que  l'in- 
fluence de  la  médication  sur  l'épanchement  seul  ;  on  n'y  trouve  pas  noté 
l'effet  des  diurétiques,  dont  l'emploi  continu  amène  des  modifications 
graduelles  non  susceptibles  d'être  saisies  par  les  tracés  de  mensuration. 


EFFETS  POUR  CE:\T. 

MÉDICATIONS 

Favorables. 

Nuls. 

0.07 

0  55 

0.57 

0.43 

0.45 

0.55 

0.55 

0.66 

0.25 

0.75 

0.10 

0.83 

0.10 

0.00 

La  médication  révulsive  et  dérivative,  qui  a  d'excellents  résultats  pen- 
dant la  période  aiguë  de  la  pleurésie,  devient  impuissante  et  inutile, 
sinon  nuisible,  quand  la  fièvre  est  tombée.  Comme  le  fait  si  judicieuse- 


PLEURÉSIE.  — 


P.   AIGUË  PRIMITIVE. 


  TRAITEMENT. 


197 


ment  observer  Peter,  on  ne  peut  avoir  la  prétention  de  faire  absorber  le 
liquide  par  la  plèvre  dans  l'état  où  elle  se  trouve:  la  plèvre  pulmonaire, 
qui  a  suivi  dans  sa  rétraction  le  poumon  plus  ou  moins  ratatiné,  est 
réduite  à  presque  rien,  elle  est  d'ailleurs  recouverte  de  fausses  mem- 
branes; la  séreuse  pariétale  qui  a  gardé  sa  disposition  normale,  est  aussi 
revêtue  de  néomembranes  et  tout  aussi  impropre  à  l'absorption.  La 
révulsion  d'ailleurs  n'est  elficace  qu'en  substituant  une  hyperémie  arti- 
ficielle et  thérapeutique  à  la  congestion  pleurale  qui  est  le  fait  de  l'inflam- 
mation, elle  sera  donc  de  nul  effet,  une  fois  celle-ci  guérie.  Les  sudorifi- 
ques,  les  diurétiques,  les  purgatifs,  ont  le  même  mode  d'action  ;  quand  ils 
sont  efficaces,  c'est  bien  plutôt  par  l'hyperémie  dérivatrice  que  par  une 
spoliation  qu'il  faudrait  supposer  énorme  pour  qu'elle  activât  sérieuse- 
ment l'absorption  à  la  surface  de  la  plèvre.  Passé  donc  la  période  inflam- 
matoire, la  médication  révulsive  ctdérivative  sera  sans  résultats  salutaires, 
elle  augmentera  la  faiblesse  du  malade,  et  cette  débilitation  deviendra 
elle-même  une  condition  fâcheuse  pour  la  résolution  de  l'exsudat. 

Lorsque,  par  le  fait  de  l'insuffisance  du  traitement  ou  des  conditions 
défavorables  dans  lesquelles  se  trouve  le  malade,  on  voit  la  résolution 
de  l'épanchement,  tarder  au  delà  de  28  ou  30  jours,  il  faut  renoncer  à 
l'espoir  d'en  avoir  raison  par  un  traitement  purement  médical,  et  recourir 
à  la  thoracentèse. 

Le  point  de  côté  de  la  pleurésie  commune  et  la  douleur  si  pénible  de  la 
pleurésie  diaphragmatique  exigeront  l'emploi  d'une  médication  pallia- 
tive, piqûres  de  morphine,  frictions  belladonées,  opium  en  pilules,  etc. 

Thoracentèse.  L'indication  de  la  thoracentèse  est  tout  entière  dans  ces 
deux  circonstances  :  abondance  extrême  de  l'épanchement  ;  sa  résistance 
à  l'absorption. 

Quand  le  liquide  est  très-abondant,  surtout  si  la  pleurésie  siège  à  gau- 
che et  déplace  le  cœur,  on  sait  qu'il  peut  amener  des  accidents  graves  : 
la  dyspnée  considérable  qui  entrave  l'hématose  et  la  mort  subite  par 
syncope,  par  asphyxie.  C'est  dans  ces  cas  que  l'on  est  appelé  à  pratiquer 
la  thoracentèse  d'urgence;  analogue  par  les  conditions  où  l'on  opère  à  la 
trachéotomie,  constituant  comme  elle  un  traitement  palliatif,  elle  pare  au 
plus  pressé  et  n'est  pas  toujours  curative.  Si  la  fièvre  persiste,  si  la  phlcg- 
masic  pleurale  n'est  pas  éteinte,  la  séreuse  continuera  à  sécréter  un 
liquide  pathologique  et  elle  reproduira  répanchement.  Il  est  néanmoins 
des  cas  où  il  suffit  de  soustraire  une  minime  quantité  de  liquide  pour 
voir  le  reste  se  résorber  rapidement;  cela  s'explique  par  l'état  des  vais- 
seaux qui,  comprimés  par  le  liquide,  sont  hors  d'état  de  fonctionner,  et 
dans  lesquels  la  diminution  de  pression  rétablit  la  circulation. 

Par  la  thoracentèse  pratiquée  d'urgence,  on  gagne  du  temps,  et,  la 
maladie  se  retrouvant  dans  les  mêmes  conditions  qu'avant  l'épanchement, 
on  a  le  loisir  d'agir  sur  elle  par  le  traitement  médical.  C'est  le  seul  cas 
où  il  n'y  ait  pas  lieu  de  s'arrêter  à  la  persistance  de  l'état  fébrile  et  nous 
verrons  plus  loin  que,  hormis  le  cas  d'urgence,  il  est  tout  au  moins  irra- 
tionnel d'opérer  malgré  la  fièvre. 


L 


198 


PLEURÉSIE. 


—  P.  AIGUË  PRIMITIVE. 


  TRAITEMENT. 


Pour  décider  l'urgence  de  la  tlioraccntèse,  il  est  impossible  de  s'en 
tenir  à  un  seul  indice  :  il  faut  évidemment  tenir  compte  à  la  l'ois  et  des 
troubles  fonctionnels  et  de  la  quantité  de  l'épancbement.  La  dyspnée,  à 
elle  seule,  ne  saurait  rien  décider;  on  voit  souvent  des  collections  énor- 
mes de  liquide  ne'  provoquer  que  peu  de  gêne  respiratoire  et  permettre 
aux  malades  de  travailler  et  de  vaquer  sans  défiance  à  leurs  occupations. 
D'autre  part,  il  y  a  parfois,  au  début  de  la  maladie,  des  dyspnées  suffocantes 
avec  des  lipothymies  alarmantes,  qui  ne  sont  pas  justiciables  de  la 
tlioraccntèse,  mais  des  stimulants  diffusibles  cl  des  toniques.  La  dyspnée 
excessive  n'est  donc  une  indication  qu'autant  que  l'épancbement  sera 
reconnu  abondant.  A  quelle  quantité  de  liquide  aura-t-on  à  redouter  des 
accidents  graves?  D'après  G.  Dieulafoy,  hormis  le  cas  de  Blachez,  où  la 
plèvre  ne  contenait  que  1500  grammes,  jamais  la  mort  n'a  été  provoquée 
par  une  collection  inférieure  à  2000  grammes.  Il  faudra  donc  prononcer 
l'urgence,  lorsque  chez  un  sujet  robuste  et  vigoureusement  organisé  le 
liquide  atteindra  de  1800  à  2000  grammes.  On  arrive  à  évaluer  la  pro- 
portion de  l'épancbement  par  l'élévation  de  son  niveau,  par  la  mensu- 
ration, par  le  déplacement  des  viscères  et  notamment  du  cœur.  Quand 
on  trouve  à  l'auscultation,  un  silence  absolu  sans  égophonie  ni  souffle,  ou 
hien  un  souffle  caverneux  ou  amphorique,  lorsque  la  matité  absolue 
remonte  en  arrière  jusqu'à  l'épine  de  l'omoplate  et  supprime  en  avant 
la  sonorité  skodique  qui  existait  au-dessous  de  la  clavicule,  et,  dans  les 
cas  de  pleurésie  gauche,  quand  le  cœur  est  déplacé,  et  que  sa  pointe 
vient  battre  à  droite  du  slernum,  on  peut  admeltre  que  l'épanchement, 
chez  un  adulte  bien  constitué,  varie  de  1800  à  2000  grammes  (G.  Dieu- 
lafoy). La  thoracentèse  est  alors  urgente,  il  n'y  a  pas  à  s'inquiéter  de  la 
fièvre,  il  faut  agir,  et  promptement,  sous  peine  d'accidents.  Sur  cette 
thoracentèse  d'urgence,  tout  le  monde  est  d'accord.  Les  complications  de 
la  pleurésie,  en  tant  qu'elles  augmentent  la  dyspnée  ou  entravent  la 
circulation  pulmonaire,  sont  une  raison  de  plus  d'opérer. 

La  résistance  de  l'épanchement  à  la  résorption  est  encore  une  source 
d'indications  pour  la  thoracentèse  ;  mais  ici  l'évidence  ne  s'impose  plus 
et  l'opportunité  de  la  ponction  est  discutée.  Lorsque  l'épanchement  est 
d'abondance  moyenne,  pendant  la  période  fébrile,  et  alors  que  la 
pleurile  n'est  pas  encore  guérie,  il  faut  traiter  le  malade  médicalement  : 
tant  que  dure  la  phlegmasie,  une  ponction  n'avancerait  en  rien  la 
guérison,  le  liquide  se  reproduisant  immédiatement.  Mais,  dès  que  la 
défervescenec  s'est  produite,  il  se  peut  faire  que  la  chute  thermométrique, 
d'abord  franche  et  rapide,  s'arrête  tout  à  coup,  et  cesse  de  faire  aucun 
progrès;  la  pleurésie  est  guérie,  elle  liquide  ne  constitue  plus  qu'un 
corps  étranger,  une  épine  menaçante,  reliquat  de  la  maladie,  qu'il  est 
inquiétant  d'abandonner  à  lui-même.  Tout  d'abord,  et  même  avec  un 
épanchement  médiocre,  on  n'est  pas  complètement  exempt  du  souci  de 
mort  subite,  et  l'on  a  vu,  en  pareil  cas,  plus  d'un  exemple  de  terminaison 
funeste.  D'ailleurs,  la  seule  présence  du  liquide  produit  le  déplacement 
des  organes,  qui  finissent  par  contracter;  des  adhérences,  et  gardent  leur 


PLEURÉSIE.           P.  AIGUË  PRIMITIVE.    TRAITEMENT.  199 

situation  anormale.  Le  poumon  comprimé  s'affaisse,  perd  sa  souplesse  et 
prend  une  sorte  de  rigidité  qui  s'oppose  à  l'entrée  de  l'air,  il  respire  mal, 
et  de  ce  trouble  de  la  circulation  et  de  l'hématose  résulte  une  certaine 
déchéance  de  l'économie  qui  constitue  une  chance  de  plus  pour  que  la 
pleurésie  devienne  chronique  ou  purulente.  Il  y  a  donc  intérêt  évident  à 
extraire  prompteincnt  ces  épanchements,  qui  sont  par  eux-mêmes  une 
cause  de  persistance  par  les  troubles  mécaniques  et  nutritifs  qu'ils 
déterminent  dans  le  poumon  refoulé.  La  thoracentèse  peut  abréger  de 
plusieurs  semaines  la  durée  de  la  maladie,  et  hâter  la  convalescence. 

Autrefois,  alors  qu'on  ne  connaissait  que  le  trocart  de  Rcybard,  la 
thoracentèse  d'urgence  était  seule  pratiquée,  et  constituait  un  trauma- 
tisme auquel  on  n'osait  exposer  le  malade  sans  nécessité  absolue. 

De  l'année  1850,  où  Trousseau  lit  entrer  la  ponction  de  la  poitrine  dans 
la  pratique  médicale,  jusqu'en  1870,  où  G.  Dieulafoy  appliqua  pour  la  pre- 
mière fois  l'aspiration  au  traitement  de  la  pleurésie,  la  méthode  de  liey- 
bard  fut  seule  en  usage,  et  l'on  peut  dire  que,  dans  maintes  circonstances 
où  son  emploi  eût  été  salutaire,  le  médecin  reculait  devant  la  crainte  de 
pratiquer  une  opération  véritable.  Depuis  le  jour  où  G.  Dieulafoy,  forçant  le 
liquide  à  traverser  une  aiguille  capillaire,  a  réduit  l'opération  aux  pro- 
portions inoffensives  d'une  simple  piqùre-d'épingle,  on  n'hésite  plus,  dès 
que  la  résorption  se  fait  attendre,  à  pratiquer  l'aspiration.  Comme  le  fait 
remarquer  l'olain,  l'avantage  de  la  méthode  aspiratrice  n'est  pas  d'obtenir 
une  évacuation  des  épanchements  pleuraux  plus  rapide  ou  plus  complète 
qu'on  ne  le  faisait  avec  la  canule  autrefois  en  usage,  et  de  forcer,  par  un 
moyen  puissant,  l'issue  d'un  liquide  qui  ne  sortirait  pas  de  son  propre 
poids;  le  mérite  de  l'aspiration  est  d'évacuer  l'épanchcment  en  produi- 
sant le  moins  de  traumatisme  possible,  et  le  vide  ne  sert  qu'à  obliger  le 
liquide  à  traverser,  dans  un  temps  assez  court,  un  tube  très-fin  dont 
l'introduction  passe  presque  inaperçue.  Le  traumatisme  est  nul,  et  la 
douleur  est  si  peu  de  chose  que  les  malades  la  redoutent  moins  que  celle 
d'un  vésicaloire  ;  l'opération  est  comparable  par  son  innocuité  à  une 
injection  hypodermique  faite  avec  la  seringue  de  Pravaz. 

Nous  n'avons  pas  à  décrire  ici  l'aspiration,  ni  les  nombreux  instru- 
ments qu'on  a  proposés  pour  la  pratiquer  (Voy.  art.  Poithine,  llioi-a- 
centèse).  Les  deux  seuls  en  usage  aujourd'hui  sont  l'aspirateur  de  G.  Dieu- 
lafoy et  celui  de  Potain  qui,  avec  des  mérites  différents,  ont  des  avantages 
à  peu  près  égaux. 

La  thoracentèse  donne  lieu  à  un  petit  nombre  d'accidents  que  nous  allons 
passer  en  revue.  Lorsque  l'évacuation  est  faite  trop  rapidement,  comme 
cela  arrivait  quelquefois  avec  la  canule  de  Rcybard,  le  malade  est  pris 
à  la  fin  de  l'opération  de  quintes  de  toux  opiniâtres  et  extrêmement  fati- 
gantes. C'est  là  un  inconvénient  que  l'on  évite  d'ordinaire  en  se  servant 
de  l'aspirateur,  mais  en  se  gardant  de  procéder  trop  brusquement .  La 
pénétration  trop  soudaine  de  l'air  dans  le  poumon  rapidement  déplissé  est 
la  cause  probable  de  ce  petit  accident  qui  n'a  d'autre  effet  que  de  fatiguer 
le  patient. 


200 


PLEUliKSIK. 


  P.   AIGUË  PRIMITIVE. 


  TRAITEMENT. 


Nous  ne  parlons  ici  que  pour  mémoire  de  la  lésion  de  Tarière  inter- 
costale, que  l'on  produisait  quelquefois  avec  le  gros  trocart;  elle  est 
inconnue  aujourd'hui.  La  seule  hémorrhagie,  toujours  sans  importance, 
que  l'on  observe  par  les  procédés  actuellement  en  usage,  est  due  à  la 
déchirure  des  vaisseaux  qui  parcourent  les  néo  membranes. 

Un  accident  plus  sérieux  est  l'œdème  aigu  et  la  congestion  du  poumon, 
avec  expectoration  albumineuse.  A  la  fin  de  l'opération,  ou  pendant  les 
instants  qui  la  suivent,  le  patient  est  pris  d'une  toux  quinteusc  et  opi- 
niâtre, il  se  produit  de  la  dyspnée,  ou  même  une  sensation  d'étouffement 
qui  va  jusqu'à  l'angoisse.  Le  malade  rejette  alors  par  la  toux,  tantôt  des 
mucosités  spumeuses,  quelquefois  teintées  de  sang,  tantôt  un  liquide 
glaireux,  filant,  semblable  à  du  blanc  d'œuf,  qui,  traité  par  la  cbaleur  ou 
l'acide  nitrique,  donne  un  dépôt  abondant  d'albumine.  La  quantité  de 
cette  expectoration  varie  de  50  à  500  grammes,  elle  peut  s'élever  à  un 
et  même  deux  litres.  La  toux  vient  par  quintes  à  la  suite  de  chacune  des- 
quelles le  liquide  sort  par  gorgées.  La  dyspnée  est  d'ordinaire  en  rapport 
avec  la  quantité  et  l'état  mousseux  du  liquide  battu  par  l'air  dans  les 
tuyaux  bronchiques.  Si  l'on  ausculte  la  poitrine  dès  le  début  de  l'acci- 
dent, on  entend  des  râles  sous-crépitanls  fins  d'œdème  pulmonaire,  sur- 
tout très-abondants  vers  la  base  du  poumon. 

Cet  état  persiste  sans  modifications  pendant  plusieurs  heures;  il  peut 
durer  une  journée  entière,  puis,  si  l'byperémie  est  peu  marquée,  si  le 
liquide  qui  transsude  dans  l'arbre  aérien  n'est  pas  très-abondant,  les 
accidents  de  suffocation  cessent,  la  respiration  devient  plus  facile,  le 
crachement  diminue  graduellement,  puis  disparait,  et  le  malade  revient 
à  l'état  normal.  Dans  quelques  cas  graves,  l'opéré,  d'abord  soulagé  par 
la  ponction,  sent  rapidement  revenir  la  dyspnée,  la  poitrine  s'embarrasse 
l'anxiété  devient  extrême  et  l'arbre  aérien  est  bientôt  envabi  par  vin 
liquide  spumeux;  il  y  a  alors  des  symptômes  d'asphyxie,  de  la  cyanose 
de  la  face,  et  la  mort  peut  survenir  très-rapidement.  Dans  une  thèse  fort 
bien  faite  où  il  a  rapporté  21  observations  de  thoracentèse  suivie  d'expec- 
toration albumineuse,  Terrillon  rapporte  un  cas  mortel  observé  dans  le 
service  de  Gombault,  et  où  vingt  minutes  après  la  thoracentèse:  l'aspbyxie 
commençait.  Les  cas  de  ce  genre  sont  exceptionnels,  et  l'on  ne  connaît 
guère  que  six  faits  où  la  terminaison  ait  été  fatale,  ce  qui  donne, 
néanmoins,  pour  les  cas  d'expectoration  albumineuse,  une  mortalité  assez 
élevée  et  oblige  à  considérer  comme  très-sérieuse  cette  complication  de 
la  thoracentèse. 

Quelle  est  l'explication  de  ces  faits?  On  a  accusé  la  piqûre  du  poumon 
par  le  trocart;  mais  l'absence  habituelle  de  sang  dans  le  produit  de 
l'expectoration,  et  dans  le  liquide  obtenu  par  la  thoracentèse,  l'absence 
des  signes  d'auscultation  qui  ne  manqueraient  pas  d'accuser  un  hydropneu- 
mothorax dans  le  cas  où  le  poumon  aurait  été  lésé,  permettent  de  rejeter 
cette  explication,  llérard  a  établi  que  l'expectoration  albumineuse  estduc 
ù  la  congestion  bn.sque,  à  l'œdème  aigu  du  poumon,  qui  sont  la  consé- 
quence de  la  thoracentèse  pratiquée  d'une  certaine  façon  :  on  a  remarqué 


PLEURÉSIE. 


  P.  AIGUË  PRIÎI1TINK. 


  TI1AITEMENT. 


que  les  accidents  coïncident  souvent  avec  l'évacuation  très-rapide  et  com- 
plète d'un  èpanchement  abondant;  ils  s'expliquent  d'une  façon  très-satis- 
faisante par  l'afflux  presque  foudroyant  du  sang  dans  le  poumon  com- 
prime par  une  collection  volumineuse,  puis  très-brusquement  dilaté.  Sous 
l'influence  de  cette  poussée  subite,  il  se  produit  une  congestion  et  un 
œdème  pulmonaire^  aigus,  et  la  partie  la  plus  lluidc  du  sang,  le  sérum, 
transsude  au  travers  des  parois  vasculaircs  et  vient  pleuvoir  dans  les 
petites  bronebcs  et  dans  les  alvéoles  pulmonaires.  On  a  accusé  l'aspira- 
tion d'abaisser  brusquement  la  tension  pleurale  en  évacuant  le  liquide 
trop  rapidement,  mais  Dieulafoy  fait  remarquer  que  sur  seize  cas  de 
tboracentèse  avec  expectoration  albumineuse,  où  le  manuel  opératoire 
est  indiqué,  douze  fois  l'opération  avait  été  faite  avec  le  trocart  ordi- 
naire, et  sur  les  six  cas  eonnus  d'accidents  mortels  l'aspiration  n'avait 
été  employée  que  trois  fois.  11  convient  d'ajouter  que,  dans  la  plupart  des 
cas  d'œdème  aigu  avec  crachements  albumineux,  il  y  avait  avec  la 
pleurésie  une  complication  plus  ou  moins  grave;  et  dans  les  rares  obser- 
vations où  la  maladie  était  absolument  simple  on  avait  tiré  en  une  fois 
une  trop  grande  quantité  de  liquide  (2,2  litres,  et  même  5  litres),  «  de 
sorte  que  les  accidents  bénins,  graves  ou  mortels,  d'œdème  pulmonaire 
et  d'expectoration  albumineuse,  suite  de  tboracentèse,  ont  toujours  clé 
associes,  soit  à  des  complications  de  la  pleurésie  (maladies  du  cœur, 
bronchite,  tuberculose,  adhérences  nombreuses  ou  anciennes,  pleurésie 
double),  soit  à  l'issue  immédiate  d'une  trop  grande  quantité  de  liquide,  et 
le  plus  souvent  à  ces  deux  causes  réunies  »  (G.  Dieulafoy).  D'où  le  pré- 
cepte de  ne  pas  tirer  en  une  foisplusde  1000  à  1200  grammes  de  liquide, 
surtout  lorsqu'on  a  affaire  à  une  pleurésie  ancienne  ou  compliquée.  Le 
poumon  peut  alors,  après  avoir  été  réduit  à  un  très-petit  volume,  se  dilater 
graduellement  et  s'habituer  peu  à  peu  aux  fondions  qu'il  n'accomplissait 
plus. 

On  a  encore  signalé,  après  la  tboracentèse,  des  accidents  qui  ne  parais- 
sent avoir  avec  elle  que  des  rapports  de  coïncidence.  La  syncope  ou  l'as- 
phyxie, qui  surviennent  en  pareil  cas,  sont  dues  à  des  lésions  préexistantes, 
caillots  cardiaques,  embolies  cérébrales,  thromboses  et  embolies  des 
vaisseaux  pulmonaires,  dégénérescence  graisseuse  du  cœur,  etc.  La  tbo- 
racentèse n'est  aucunement  responsable  de  ces  accidents. 

Enfin  la  tboracentèse  a  été  aussi  accusée  de  transformer  une  pleurésie 
séreuse  en  pleurésie  purulente.  Cet  accident,  si  tant  est  qu'il  soit  réel,  est 
infiniment  plus  rare  qu'on  ne  l'a  dit.  Lorsque  l'on  trouve  à  une  deuxième 
ponction  un  liquide  purulent,  alors  qu'il  était  séreux  à  la  première,  le 
plus  souvent  on  a  affaire  à  une  pleurésie  qui  fût  devenue  purulente  quand 
même.  Le  liquide  extrait  d'abord  était  déjà  purulent  à  un  faible  degré, 
mais  trop  peu  pour  que  cela  fût  appréciable  sans  l'aide  du  microscope, 
et  de  cet  examen  incomplet  on  conclut  à  une  transformation  de  l'épan- 
chement,  alors  qu'il  n'y  a  qu'un  degré  plus  avancé  dans  l'évolution  d'une 
pleurésie  primitivement  purulente.  Dans  ces  dernières  annéeos,  des  statis- 
tiques nombreuses  de  tboracentèse  par  aspiration  ont  établi  l'innocuité 


202 


PLEURÉSIE.    P.  AIGUËS  SECONDAIRES. 


du  procédé,  lorsqu'il  esl  pratiqué  avec  toutes  les  précautions  voulues. 
Parmi  ces  précautions  figure  au  premier  rang,  la  propreté  des  instru- 
ments employés  et  l'emploi  d'un  trocart  ou  d'une  aiguille  incomplètement 
nettoyés  et  qui  auraient  servi  antérieurement  à  vider  quelque  collection 
purulente  pourrait  l'aire  accuser  la  llioracenlèse  de  méfaits  qui,  en 
bonne  justice,  lui  sont  étrangers. 

En  somme,  la  thoraccnlèse  par  aspiration  est  une  excellente  opération 
qui  n'a  pas  les  dangers  qu'on  lui  reproche,  et  lorsqu'elle  est  bien  faite  elle 
soulage  les  malades,  sans  leur  faire  courir  de  risques,  sans  ajouter  au 
mal  une  complication.  Elle  permet  de  multiplier  une  intervention  dont  on 
s'abstenait  par  timidité  et  d'éviter  la  temporisation  qui  laisse  passer  à 
l'état  chronique  ou  à  la  purulence  une  pleurésie  destinée  à  guérir 
promptement  par  une  ponction  opportune. 

Pleurésies  aiguës  secokdaihes.  —  Un  bon  nombre  de  pleurésies  aiguës 
se  sdéveloppent  secondairement  dans  le  cours  d'une  maladie  générale,  ou 
sous  l'influence  d'une  affection  de  voisinage. 

Les  maladies  générales  passibles  de  complications  du  côté  de  la  plèvre 
sont  :  les  fièvres  éruptives,  et  au  premier  rang  la  scarlatine,  la  variole, 
puis  la  rougeole  ;  certaines  fièvres  graves,  la  fièvre  typhoïde,  la  fièvre 
puerpérale,  l'infection  purulente,  le  rhumatisme  articulaire  aigu  ;  des 
affections  dyscrasiques,  comme  la  maladie  de  Bright,  ou  celles  qui,  comme 
les  affections  du  cœur,  troublent  la  circulation  et  provoquent  le  déve- 
loppement d'une  sorte  de  pleurésie  bâtarde,  voisine  de  l'hydrothorax. 

Les  affections  des  viscères  thoraciques,  du  poumon,  du  cœur  ou  de 
la  membrane  qui  l'enveloppe,  sont  fréquemment  le  point  de  départ  d'une 
pleurésie  :  la  pneumonie  superficielle  se  complique  souvent  de  pleurésie 
chez  l'adulte,  et  presque  constamment  chez  l'enfant  ;  c'est  là  la  pleu- 
ropneumonie  ;  la  rupture  d'une  caverne  tuberculeuse,  l'ouverture  d'un 
foyer  gangréneux  dans  la  cavité  séreuse,  entraînent  une  pleurésie  sur- 
aiguë, souvent  avec  pneumothorax;  les  abcès  du  poumon  ont  ce  même 
résultat  par  un  mécanisme  identique. 

Dans  l'enfance,  la  pleurésie  est  rarement  primitive  et  simple,  elle  in- 
tervient dans  le  cours  de  la  pneumonie,  de  la  coqueluche,  du  croup,  de 
la  tuberculose  pulmonaire  ou  méningée,  des  fièvres  éruptives,  etc. 

Chez  les  vieillards,  des  noyaux  superficiels  d'apoplexie  pulmonaire 
donnent  lieu  à  un  frottement  pleural  dù  au  développement  d'une  pleu- 
résie sèche.  La  phthisie  pulmonaire  a  le  môme  effet,  mais  la  lésion  est 
alors  chronique.  Les  phlegmasies  du  péricarde  se  propagent  quelquefois 
par  contiguïté  à  la  plèvre  adjacente. 

Citons  encore  les  affections  traumaliques  ou  spontanées  de  la  paroi 
thoracique  les  fractures  de  côtes ,  les  plaies  de  poitrine,  la  carie  costale, 
leshydatides  et  les  tubercules  de  la  plèvre,  la  granulie  pleurale  et  en  lin  un 
certain  nombre  d'affections  des  organes  voisins  dont  les  désordres  peuvent 
retentir  jusqu'aux  plèvres  :  abcès  des  médiastins,  adénopathie  bronchique 
suppuréei  scrofulcusc  ou  tuberculeuse,  avec  ouverture  du  foyer  dans  la  poi- 
trine ;  perforations  spontanées  ou  traumatiques  de  l'œsophage,  hépatite, 


PLEURESIE.  —  p.  aiguës  secondaires.  205 

abcès,  kystes  hydatiques  du  foie  ou  cancer  de  l'estomac  ayant  perforé  le 
diaphragme  et  la  plèvre,  abcès  périnéphriques,  etc. 

Ces  causes  variées  donnent  lieu  à  des  pleurésies  parfois  séreuses,  le 
plus  souvent  purulentes.  La  lièvre  puerpérale,  la  scarlatine,  la  pyohémie, 
les  abcès  de  voisinage  et  toutes  les  affections  qui  donnent  lieu  au  passage 
dans  la  plèvre  de  liquides  pathologiques  provoquent  des  pleurésies 
suppurées. 

La  symptomatologie  des  pleurésies  aiguës  secondaires  ne  diffère  guère 
de  celle  des  pleurésies  primitives  que  par  le  mode  de  début  lié  à  là  cause 
dont  elles  procèdent.  En  raison  des  conditions  défavorables  où  se  trouvent 
les  malades,  l'affection  se  prolonge  souvent  jusqu'à  devenir  chronique. 
Le  pronostic  est  d'ordinaire  fâcheux,  cependant  il  est  des  pleurésies 
secondaires  qui  ont  une  solution  favorable:  telles  sont  la  pleurésie  rhuma- 
tismale et  certaines  pleurésies  chez  les  tuberculeux . 

Nous  ne  pouvons  donner  ici  un  tableau  d'ensemble  des  pleurésies 
secondaires;  la  seule  forme  qui,  en  raison  de  sa  physionomie  à  part, 
mérite  une  description  spéciale,  est  la  pleurésie  rhumatismale. 

Pleurésie  rhumatismale.  —  Moins  fréquente  que  l'endocardite  et  la 
péricardite  rhumatismale,  elle  constitue  comme  elles  une  détermination 
locale  du  rhumatisme.  Elle  se  produit  d'ordinaire  au  cours  d'un  rhuma- 
tisme articulaire  aigu  ;  d'autres  fois,  mais  rarement,  elle  coïncide  avec 
un  rhumatisme  musculaire.  Ce  qui  la  caractérise  et  lui  donne  une  allure 
distincte,  c'est  la  mobilité  qui  est  le  propre  des  fluxions  rhumatismales. 

Elle  s'annonce  d'ordinaire  par  une  certaine  recrudescence  de  la  fièvre, 
une  douleur  assez  vive  dans  un  des  côtés  de  la  poitrine,  sans  toux  ni  expec- 
toration. D'après  le  professeur  Lasègue,  qui  a  publié  sur  ce  sujet  des  re- 
cherches très-intéressantes,  la  douleur  de  côté  aurait  quelques  traits 
spéciaux  :  au  lieu  d'être,  comme  dans  la  pleurésie  commune,  limitée  en 
un  point,  elle  représenterait  une  zone  douloureuse,  due  à  ce  que  le 
rhumatisme  occupe  le  tissu  aponévrotique  qui  forme  la  charpente  des 
muscles  intercostaux;  de  plus  cette  douleur  ne  cède  pas  promptement, 
comme  dans  la  pleurésie  ordinaire,  elle  persiste  pendant  toute  la  durée 
de  la  fluxion  pleurale,  avec  des  recrudescences  qui  semblent  indiquer 
l'envahissement  d'espaces  intercostaux  jusque-là  respectés.  La  dyspnée  est 
souvent  ici  très-vive,  ce  qui  paraît  dû  à  la  participation  du  diaphragme 
et  surtout  de  son  centre  aponévrotique.  En  raison  de  la  rapidité  de  la 
fluxion  pleurale,  cette  douleur  accompagne  la  pleurésie  bien  plus  souvent 
qu'elle  ne  la  précède.  Mais  c'est  principalement  dans  l'évolution  de 
l'épanchement  que  l'on  trouve  les  traits  caractéristiques  de  la  pleurésie 
rhumatismale  :  tandis  que,  dans  la  forme  commune,  l'épanchement, 
précédé  de  prodromes,  peut  tarder  plusieurs  jours,  ici  son  apparition 
peut  être  absolument  soudaine,  et  une  collection  liquide  même  considé- 
rable peut  en  quelques  heures  envahir  la  plèvre.  Les  signes  physiques  de 
la  pleurésie  rhumatismale  n'ont  rien  de  spécial,  à  cela  près  que,  les  fausses 
membranes  étant  assez  peu  communes,  on  observe  rarement  le  frottement, 
et  que,  la  présence  du  liquide  étant  de  règle,  on  ne  trouvera  qu'exception- 


204 


PLEURESIE.  —  p.  aiguës  secondâmes. 


Mollement  les  caractères  de  la  pleurésie  sèche.  L'épanchcment  est  presque 
toujours  d'abondance  moyenne,  il  peut  être  liuiib'-à  un  seul  coté,  et  après 
être  resté  à  peu  près  stationnaire  pendant  trois  ou  quatre  jours,  dis- 
paraître avec  une  rapidité  égale  à  celle  de  son  début,  sans  que  la  fluxion 
atteigne  la  plèvre  opposée.  Mais  ce  n'est  pas  là  la  règle,  et  il  est  commun 
de  voir  la  résolution  brusque  du  liquide  être  le  signal  d'une  poussée  vers 
la  plèvre  voisine;  celle-ci,  évoluant  absolument  comme  la  première, 
pourra  se  terminer  soudainement  et  sans  retour,  ou  bien  faire  place  à 
la  réapparition  d'un  épanchement  du  côté  opposé.  11  y  a  ainsi  une  sorte 
de  balancement  entre  les  deux  plèvres,  et  ces  alternatives  sont  analogues 
à  celles  que  l'on  observe  pour  les  fluxions  articulaires.  Seux  (de  Mar- 
seille) a  récemment  encore  insisté  sur  ces  caractères  particuliers  de  la  pleu- 
résie rhumatismale  et  en  a  rapporté  plusieurs  observations  intéressantes. 

La  guérison  de  la  pleurésie  rhumatismale  est  le  plus  souvent  très-rapide  ; 
outre  la  disparition  des  signes  d'épanchement,  une  défervescence  très- 
proinpte  en  marque  le  début.  Toutefois  il  n'en  est  pas  toujours  ainsi  :  il 
peut  se  faire  que  le  rhumatisme,  ayant  épuisé  son  action,  n'ait  plus  sur  la 
résorption  du  liquide  l'influence  qu'il  a  eue  sur  sa  genèse,  l'épanchcment 
rentre  alors  dans  les  conditions  de  l'exsudat  pleurétique  ordinaire,  et  la 
résolution  tarde  plus  ou  moins. 

La  pleurésie  rhumatismale  a  parfois  une  marche  silencieuse,  alors  elle 
n'est  signalée  ni  par  la  douleur,  ni  par  la  toux,  ni  par  l'oppression  ;  il 
existe  bien  de  la  fièvre,  mais  on  l'attribue  au  rhumatisme  articulaire,  et, 
comme  il  est  difficile  de  faire  asseoir  les  malades  pour  les  ausculter,  on 
peut  laisser  passer  inaperçue  la  complication  pleurais.  Il  en  est  d'ail- 
leurs ainsi  des  déterminations  cardiaques  du  rhumatisme  :  elles  veulent 
être  cherchées,  et  Chomel  imposait  au  médecin  la  règle  absolue  d"auscul- 
ter,  au  moins  tous  les  deux  jours,  les  rhumatisants. 

Nous  avons  vu  que  la  pleurésie  rhumatismale  peut  exister  en  dehors 
du  rhumatisme  articulaire  et  coïncider  avec  un  simple  rhumatisme  mus- 
culaire; ce  n'est  pas  tout,  elle  peut  encore  se  produire  en  dehors  de  toute 
espèce  de  manifestation  de  cette  nature,  comme  l'endopéricardite  rhu- 
matismale peut  apparaître  d'emblée  sans  arthropathies  ;  mais  ces  deux 
circonstances  sont  également  rares.  En  pareil  cas,  pour  assigner  à  la 
pleurésie  sa  véritable  nature,  il  faudra  tenir  compte  des  antécédents 
personnels  et  héréditaires  du  malade,  des  caractères  de  la  douleur  de 
côté,  de  la  mobilité  de  l'affection,  de  la  violence  de  la  lièvre  et  de  sa 
chute  rapide,  de  l'existence  de  sueurs  profuses. 

La  guérison  complète  et  rapide  est  de  règle,  et  la  suppuration  aussi 
rare  que  dans  les  autres  localisations  du  rhumatisme.  La  pleurésie  rhu- 
matismale est  souvent  compliquée  d'endopéricardife,  et  H.  Roger  a  signalé 
chez  l'enfant  une  relation  étroite  entre  les  deux  affections,  de  sorte  que, 
dans  le  rhumatisme,  quand  l'endocardite  existe,  on  pourrait,  presque  à 
coup  sûr,  prédire  la  pleurésie.  Celle-ci  est  alors  fréquemment  double,  et 
débute  plus  souvent  dans  le  deuxième  septénaire  que  dans  le  premier  ou 
le  troisième. 


PLEURÉSIE.  — 


P.   PURULENTE.    l'.TIOLOGIE. 


205 


Le  pronostic  de  la  pleurésie  rhumatismal  est  sérieux,  non  pas  comme 
pleurésie,  mais  parce  que  l'affection  est  une  manifestation  viscérale  du 
rhumatisme,  de  toutes  la  plus  bénigne,  il  est  vrai,  mais  fâcheuse  néanmoins 
parce  qu'elle  dénote  chez  le  malade  une  tendance  inquiétante  aux  compli- 
cations viscérales,  et  qu'elle  peut  faire  place  au  rhumatisme  cérébral.  Ce- 
pendant considérée  en  soi,  la  pleurésie  rhumatismale  est  moins  sérieuse 
que  la  pleurésie  commune,  qui  peut  ne  guérir  que  lentement,  ou  bien 
passer  à  la  suppuration  et  à  L'état  chronique. 

En  raison  de  ses  allures  rapides,  de  sa  résolution  prompte  et  spontanée, 
elle  ne  réclame  pas  une  thérapeutique  bien  active;  il  n'est  pas  bon. 
d'ailleurs,  d'attaquer  trop  vigoureusement  la  fluxion  rhumatismale,  de 
peur  de  s'exposer  à  des  déplacements  graves. 

La  thoracentèse  n'est  guère  indiquée  dans  la  pleurésie  secondaire  au 
rhumatisme  que  si  l'inflammation  est  double  et  compliquée  de  pericar- 
dite,  si  elle  amène  de  la  dyspnée,  une  anxiété  notable  et  la  menace  d'acci- 
dents sérieux.  On  pourra  encore  y  recourir  lorsque,  le  rhumatisme  ayant 
épuisé  son  action,  l'épanchement  n'a  plus  de  tendance  à  se  résoudre. 

Pleurésie  purulente.  —  Mal  connue  avant  la  vulgarisation  de  la  thora- 
centèse, la  pleurésie  purulente  a.  été  mieux  étudiée  depuis  ;  elle  est  de 
notion  vulgaire  aujourd'hui,  grâce  à  la  facilité  des  ponctions  exploratrices, 
qui  permettent  de  suivre,  pour  ainsi  dire  jour  par  jour,  les  modili- 
cations  du  liquide.  Nous  emprunterons  un  bon  nombre  des  détails  qui 
vont  suivre  aux  travaux  si  complets  et  si  intéressants  que  Moutard-Martin 
a  publiés  sur  ce  sujet.  Lorsque  l'épanchement,  au  lieu  d'être  séreux  ou 
séro-librineux,  est  mélangé  de  pus,  ou  dit  que  la  pleurésie  est  purulente  ; 
histologiquement  la  pleurésie  est  toujours  purulente,  et  Laboulbène  a 
établi  que  l'exsudat  de  la  pleurésie  simple  contient  des  globules  de  pus 
dès  les  premiers  jours  :  il  n'y  aurait  donc  là  qu'une  question  de  degré, 
mais  l'observation  clinique  ne  permet  pas  d'admettre  cette  confusion,  et 
la  simple  vue  suffit  à  distinguer  le  liquide  d'une  pleurésie  purulente 
de  celui  de  la  pleurésie  aiguë  franche.  La  première  peut,  il  est  vrai,  suc- 
céder à  la  phlegmasie  simple  de  la  plèvre;  mais,  dans  la  majorité  des  cas, 
les  deux  affections  procèdent  de  causes  distinctes  et  il  y  a  entre  elles 
des  différences  de  nature  et  d'évolution  qui  les  séparent  nettement  ;  l'épan- 
chement est  d'ailleurs  purulent  d'emblée  sous  l'influence  de  certaines 
causes,  et,  dans  la  pleurésie  qui  complique  la  lièvre  puerpérale  et  la  pyohé- 
mie,  le  premier  liquide  sécrété  est  du  pus  en  nature. 

Etiologie.  —  Parmi  les  causes  de  la  pleurésie  purulente,  les  unes  lo- 
cales, sont  des  lésions  d'origine  traumatique  ou  des  affections  de  voisi- 
nage, ce  sont  les  mieux  connues  ;  fréquemment,  elles  donnent  lieu  à  la 
production  d'un  exsudât  purulent  d'emblée;  les  autres  sont  des  alfections 
générales  dont  le  mode  d'action  n'est  pas  clairement  établi.  Les  premières, 
qu'elles  soient  traumatiques  ou  spontanées,  ont  une  action  évidente  et 
incontestable,  telles  sont  :  les  plaies  de  poitrine,  les  fractures  de  côtes, 
les  caries  costales,  l'érjsipèlc  phlegmoneux  des  parois  thoraciques,  les 
abcès  de  voisinage  ouverts  dans  la  plèvre  (abcès  de  la  paroi  costale,  de 


206 


l'i.n  i;i>ii:. 


—  T.   PUnULENTE.  —  ÉTIOLOG1E. 


l'aisselle,  du  médiastin,  de  la  rate,  du  rein,  du  foie),  les  épanchements 
d'air,  de  sang,  de  liquides  pathologiques,  les  corps  étrangers,  pénétrant 
dans  la  poitrine  par  l'œsophage  ou  la  trachée,  la  pneumonie  suppurée, 
la  rupture  d'un  loyer  d'apoplexie  pulmonaire.  La  gangrène  pulmonaire 
peut  être  le  point  de  départ  d'une  pleurésie  suppurée,  mais  cette  relation 
n'est  pas  constante  ;  Rendu  et  Dehovc  ont  signalé  des  cas  où  la  gangrène 
pulmonaire  était  consécutive  à  la  pleurésie  purulente  dont  elle  était  une 
complication..  La  tuberculose  peut  donner  lieu  à  la  formation  d'un  era- 
pyème  par  des  mécanismes  différents  :  par  la  rupture  d'une  caverne  tu- 
berculeuse, par  le  développement  de  granulations  tuberculeuses  sur  la 
séreuse  elle-même.  En  dehors  de  ces  deux  modes,  la  phthisie  provoque 
tantôt  des  pleurésies  sèches,  tantôt  des  pleurésies  séreuses.  Dans  la 
forme  commune  de  la  tuberculose,  l'épanchement  plcurétique,  quand  il 
existe,  est  le  plus  souvent  séreux,  et  lorsqu'il  est  purulent,  c'est  moins 
par  une  action  locale  de  la  tuberculose  que  par  le  fait  de  l'état  de  cachexie 
du  sujet,  qui  prédispose  aux  phlegmasies  suppuratives.  Nous  avons  vu 
qu'on  avait  incriminé  la  thoracentèse  ;  Trousseau  se  refusait  déjà  à  admettre 
cette  influence  fâcheuse  de  la  ponction,  qui  est  bien  plus  douteuse  encore 
depuis  que  le  traumatisme  est  devenu,  par  les  méthodes  nouvelles,  ab- 
solument insignifiant.  Quant  à  l'introduction  de  l'air  dans  la  plèvre,  son 
influence  nuisible  est  admise  par  la  plupart  des  observateurs,  et  les  rares 
expériences  qui  ont  été  tentées  impunément  pour  en  établir  l'innocuité 
n'ont  pas  entraîné  la  conviction  et  n'ont  pas  trouvé  d'imitateurs. 

Parmi  les  causes  générales,  les  mieux  connues  sont  :  les  fièvres  érup- 
tives,  la  variole,  la  rougeole  et  surtout  la  scarlatine,  qui  est,  à  ce  point 
de  vue,  la  plus  dangereuse  de  toutes  ;  la  coqueluche,  l'état  puerpéral, 
la  pyohémie,  la  morve,  la  méningite  cérébro-spinale,  la  fièvre  urineuse, 
les  grands  traumatismes,  les  amputations;  l'influence  de  la  scrofule 
a  été  signalée,  mais  n'est  pas  clairement  établie;  on  a  rapporté  enfin 
quelques  cas  très-rares  de  pleurésie  suppurée  survenus  dans  la  conva- 
lescence de  la  fièvre  typhoïde. 

Certaines  conditions  favorisent  la  suppuration  des  pleurésies  et  jouent 
le  rôle  de  causes  prédisposantes  :  l'enfance  ou  l'âge  adulte,  le  scy.e  mas- 
culin :  il  y  a,  à  cet  égard,  une  proportion  considérable  en  faveur  de 
l'homme;  puis  viennent  des  conditions  générales  mal  déterminées,  toutes 
les  causes  d'affaiblissement,  toutes  les  influences  qui  portent  atteinte  aux 
fonctions  d'assimilation  et  de  désassimilation  :  insuffisance  alimentaire, 
famine,  affections  typhiques,  etc.  ;  on  voit  encore  suppurer  la  pleurésie 
chez  les  ivrognes,  chez  les  sujets  surmenés  ou  convalescents  d'une 
maladie  grave. 

«  Quelque  soit,  dit  Lancercaux,  le  point  de  départ  de  la  pleurite  sup- 
purative,  la  condition  pathogénique  de  cette  affection  est,  pour  ainsi  dire, 
toujours  la  même,  à  savoir  :  la  présence  clans  les  liquides  organiques,  ou 
encore  dans  les  tissus  du  voisinage  de  la  plèvre,  d'un  principe  seplique 
purulent.  C'est  donc  le  pus  ou  une  substance  renfermant  des  éléments 
semblables,  sinon  de  même  nature,  qui  engendre  la  pleurésie  purulente, 


PLEURÉSIE.  —  P.   PURULENTE.    —  ANATOMIE  PATHOLOGIQUE.  507 

avec  plus  ou  moins  de  facilité  suivant  les  conditions  individuelles,  et  cela 
par  un  mécanisme  peu  différent  de  celui  qui  consisterait  à  déposer  quel- 
ques gouttes  de  pus  sur  une  plèvre  saine.  » 

Dans  certains  cas,  néanmoins,  on  ne  peut  invoquer  aucune  condition 
ni  locale  ni  générale,  et  la  transformation  purulente  s'opère  dans  les  con- 
ditions en  apparence  les  moins  propres  à  la  provoquer. 

Anatomie  pathologique.  —  Lésions  parenchymateuses .  Si  la 
pleurésie  purulente,  succédant  à  une  fièvre  puerpérale  ou  à  la  pyoliémie, 
a  produit  en  quelques  heures,  comme  cela  arrive  en  pareil  cas,  un  épan- 
chement  séro-purulent  considérable,  on  trouve  alors  la  plèvre  intacte, 
sans  rougeur  et  sans  ecchymoses  ;  la  membrane  est  un  peu  plus  terne 
qu'à  l'état  sain,  mais  il  n'y  a  pas  apparence  d'inflammation. 

Quand  la  pleurésie  purulente  a  succédé  à  l'état  aigu,  la  séreuse  est  plus 
rosée  qu'à  l'état  normal,  ou  même  rouge  et  injectée  ;  sa  surface  est  moins 
lisse,  comme  dépolie  ;  si  la  pblegmasie  a  été  prolongée,  la  membrane  est 
infiltrée  de  pus,  inégale,  chagrinée  et  rugueuse;  on  y  trouve  à  un  degré 
de  développement  très-marqué  le  tissu  de  granulation  et  les  néo  mem- 
branes qui  résultent  de  son  organisation  ;  l'endothélium  modifié,  granu- 
leux desquamé,  par  son  mélange  avec  la  fibrine  et  les  globules  de 
pus,  constitue  des  fausses  membranes  molles,  jaunâtres,  et  il  entre  clans 
la  composition  des  flocons  solides  qui  nagent  dans  le  liquide.  La  plèvre 
est  couverte  de  petites  ecchymoses;  à  la  suite  d'une  pleurésie  purulente 
chronique,  elle  est  souvent  épaissie,  indurée,  comme  cartilagineuse. 
Les  néo  membranes  peuvent  s'incruster  de  sels  calcaires  et  produire  des 
sortes  d'ossifications  que  l'on  trouve  sur  la  paroi  costale  (Voyez  Pleurésie 
chronique).  Dans  quelques  cas,  elle  peut  s'infiltrer  de  leucocytes,  se 
détruire  par  places  et  présenter  des  ulcérations,  comme  Vigla  l'a  signalé 
dans  un  cas  de  pleurésie  purulente  consécutive  à  la  morve  aiguë.  Ces 
altérations  peuvent  être  limitées  à  la  grande  cavité  pleurale,  ou  bien  à 
une  partie  seulement  ;  elles  peuvent  affecter  la  plèvre  diaphragmalique, 
ou  celle  qui  revêt  les  scissures  interlobaires. 

Exsudât.  Le  liquide  épanché  est  purulent,  c'est-à-dire  qu'il  contient 
des  leucocytes  en  quantité  suffisante  pour  être  facilement  appréciables  à 
l'œil  nu  ;  au  lieu  d'être  clair  et  limpide  comme  dans  la  pleurésie  franche, 
il  est  louche  avec  tous  les  intermédiaires  entre  l'épanchement  séro-puru- 
lent et  le  pus  phlegmoneux  pur.  Souvent  le  premier  degré  de  la  pleuré- 
sie purulente  est  à  peine  appréciable  par  la  simple  apparence,  et  s'il  s'agit 
d'un  liquide  obtenu  par  la  ponction,  ce  n'est  qu'à  la  fin  de  l'opération 
que  sort  une  sérosité  légèrement  voilée  d'une  faible  teinte  opaline,  et  lais- 
sant déposer  par  le  repos  des  globules  blancs  en  quantité  notable.  L'ex- 
sudat  peut  être  plus  épais,  de  couleur  jaunc-verdàtre,  ou  vert  pistache  ; 
d'autres  fois,  et  lorsqu'il  est  souillé  de  sang,  il  prend  une  teinte  brune 
plus  ou  moins  foncée.  Il  peut  être  homogène,  bien  lié,  de  consistance 
crémeuse,  ou  floconneux  et  chargé  de  grumeaux  ;  le  plus  souvent,  il  n'a 
pas  une  consistance  égale  à  celle  du  pus  phlegmoneux,  excepté  dans  les 
cas  de  pleurésies  partielles,  enkystées,  alors  que  les  parties  séreuses  ont 


208        PLEURESIE.  —  p.  purulente.  —  a.natomie  pathologique. 

été  résorbées.  11  prend  alors  l'aspcet  d'une  masse  jaune,  caséeuse,  de 
consistance  de  mastic.  Au  microscope,  on  y  trouve  des  leucocytes  en 
nombre  considérable,  quelques  globules  colorés,  et  des  cellules  granu- 
leuses et  volumineuses  dues  à  la  transformation  des  globules  de  pus.  11  y 
a,  de  plus,  des  cristaux  d'acides  gras  et  des  paillettes  de  choleslérine. 

Le  liquide,  quelquefois  inodore,  a  d'ordinaire  une  odeur  fade,  souvent 
forte  et  alliacée,  parfois  fétide  ;  ce  qui  peut  s'expliquer  par  la  présence  de 
l'air  dans  la  cavité  purulente,  ou  par  son  voisinage  immédiat,  ou  bien 
par  l'existence  au  milieu  de  l'épancbement  de  lambeaux  pulmonaires 
spbacélés.  La  quantité  du  liquide  varie  de  1  à  4  ou  5  et  même  G  litres. 

Fausses  membranes.  Leur  existence  est  presque  constante  :  tantôt  elles 
sont  appliquées  contre  la  plèvre,  tantôt  elles  nagent  dans  le  liquide  puru- 
lent. Quand  elles  n'occupent  qu'une  partie  de  la  plèvre,  elles  sont  plutôt 
limitées  à  la  paroi  viscérale  ou  au  diaphragme.  Fréquemment  la  fausse 
membrane,  partout  continue  à  elle-même,  forme  une  poche  sans  ouverture 
incluse  dans  la  cavité  normale,  c'est  le  kysle pseudo-pleural.  Dans  la 
pleurésie  purulente  aiguë,  les  fausses  membranes  sont  peu  adhérentes  à 
la  plèvre,  elles  forment  une  couche  mince,  villeuse,  molle  et  blanchâtre  ; 
quand  la  maladie  est  ancienne,  elles  ont  une  épaisseur  assez  grande  et 
qui  peut  atteindre  7  à  8  millimètres  ;  elles  sont  plus  denses,  comme  fi- 
breuses, et  leur  adhérence  est  telle,  qu'elles  ne  peuvent  être  séparées  de 
la  séreuse,  et  qu'on  ne  peut  même  distinguer  la  limite  entre  la  mem- 
brane normale  et  les  produits  patbologiques.  On  y  peut  reconnaître  plu- 
sieurs couches  dont  les  superficielles  sont  tomenteuses  et  peu  résistantes, 
tandis  que  les  profondes,  d'une  organisation  plus  avancée,  ont  une  con- 
sistance plus  grande  et  sont  quelquefois  fibreuses,  d'une  dureté  compa- 
rable à  celle  du  cartilage.  Elles  sont  souvent  fortement  injectées,  et 
offrent  même  dans  leur  épaisseur  des  extravasations  sanguines;  leur  colo- 
ration n'est  pas  uniforme,  leur  surface  est  inégale,  aniïactueuse  ;  quel- 
quefois de  teinte  rosée,  elles  ont  l'aspect  de  bourgeons  charnus. 

D'autres  fausses  membranes,  libres  d'adhérences,  flottent  dans  le  liquide 
purulent;  leur  volume  varie  depuis  celui  de  flocons  ténus  qui  peuvent 
encore  traverser  une  canule  un  peu  grosse,  jusqu'à  des  masses  du  vo- 
lume d'un  gros  œuf.  Ces  concrétions  fibrincuses,  communes  surtout  dans 
les  cas  de  fistules  pulmonaires  ou  thoraciques,  sortes  d'épongés  impré- 
gnées de  liquide  putride,  s'altérant  comme  le  milieu  dans  lequel  elles 
baignent,  sontun  réceptacle  d'une  borrible  fétidité  ;  c'est  là  une  des  causes 
de  l'incurabilité  ordinaire  des  pleurésies  purulentes  par  les  procédés 
habituels. 

Outre  les  fausses  membranes,  on  a  trouvé  dans  le  liquide  des  débris 
de  poclics  hydatiques  et  des  hydatides  plus  ou  moins  altérées,  venues 
soit  du  foie,  soit  do  la  plèvre  elle-même  ;  on  a  vu,  enfin,  le  liquide  contenir 
des  débris  de  plèvre  et  de  poumon  spbacélés.  Avec  les  produits  patholo- 
giques que  nous  venons  d'énumérer,  la  plèvre  malade  peut  contenir  de 
l'air,  lorsqu'il  existe  une  fistule  plcuro-bronchique  ou  une  ouverture  de 
la  paroi  thoracique.  Des  gaz  peuvent-ils  se  développer  spontanément 


PLEURÉSIE.  —  p.  purulente.  —  anatomie  pathologique.  wJ09 

dans  la  cavité  pleurale,  et  peut-on  y  trouver  des  fluides  aériformes  sans 
perforation?  Cette  question  est  encore  à  l'étude  :  des  observateurs  très- 
distingués,  Ilérard,  Jaccoud,  ont  publié  des  faits  qui  semblent  favora- 
bles à  l'affirmative;  dans  quelques  cas  qui  ne  paraissent  pas  discuta- 
bles, à  la  suite  de  fièvres  typhoïdes  ou  puerpérales,  on  a  trouvé  dans  la 
plèvre  des  gaz  contenant  de  l'hydrogène  sulfuré  et  d'une  odeur  fétide. 
Ces  fluides  paraissaient  bien  manifestement  dus,  en  l'absence  de  l'air, 
à  la  décomposition  putride  du  pus.  Les  recherches  les  plus  complètes  et 
les  plus  minutieuses  pour  établir  dans  ces  cas  l'existence  d'une  fistule 
pleuro-pulmonaire  sont  restées  sans  résultats;  cependant,  le  fait  du 
développement  spontané  des  gaz  dans  la  plèvre  est  bien  malaisé  à  prou- 
ver d'une  façon  péremptoire,  et  les  fistules  pleurales  sont  souvent  si  dilli- 
ciles  à  découvrir,  alors  même  que  l'on  est  sûr  de  leur  existence,  qu'il 
planera  longtemps  encore  des  doutes  sur  la  possibilté  du  phénomène. 
Quelquefois,  chez  des  sujets  morts  de  maladies  intercurrentes,  on  a 
trouvé  à  l'autopsie,  dans  la  poitrine,  le  kyste  pseudo-pleural  en  voie  de 
cicatrisation;  le  kyste  se  présente  alors  sous  forme  de  cavité  plus  ou 
moins  grande,  ou  de  tube  à  parois  épaisses,  denses  et  comme  cartilagi- 
neuses ;  cette  poche,  qui  peut  être  adhérente  à  la  plèvre,  contient  un  pro- 
duit purulent,  épaissi  ou  caséiforme,  parfois  de  la  cholestérine  qui 
résulte  de  la  transformation  du  contenu  purulent  du  kyste.  D'après  les 
observations  de  Guéneau  de  Mussy,  dans  quelques  cas  d'épanchements 
anciens,  les  leucocytes  disparaissent,  ils  subissent  une  dégénérescence 
granulo-graisseuse,  et  s'émulsionnent  dans  la  sérosité  qui  les  porte  et 
avec  laquelle  ils  sont  résorbés. 

État  du  poumon  et  des  parties  voisines.  —  La  disposition  du  pou- 
mon, dans  la  pleurésie  purulente  généralisée,  est  très-analogue  à  ce 
qu'elle  est  dans  la  pleurésie  commune  :  refoulé  en  haut,  aplati  et 
collé  au  médiastin,  le  poumon  est  plus  effacé  en  bas  qu'en  haut  ;  quel- 
quefois, par  suite  d'adhérences,  il  est  appliqué  contre  le'  rachis,  ou 
refoulé  en  avant  contre  la  paroi  costale  ou  le  médiastin.  Les  fausses 
membranes  l'enveloppent  rarement  de  toutes  parts,  souvent  elles  passent 
sur  une  de  ses  faces,  et  l'appliquent  à  la  paroi  :  il  est  ainsi  complètement 
en  dehors  du  kyste  pleural.  Une  disposition  bien  importante  au  point  de 
vue  du  traitement,  c'est  la  présence  d'adhérences  anciennes  unissant  le 
poumon  et  la  paroi  thoracique,  et  cloisonnant  ainsi  la  plèvre  en  plusieurs 
loges  qui  ne  communiquent  pas  entre  elles;  dans  ces  cas,  le  pus  n'a  pas 
d'écoulement,  les  lavages  ne  sont  que  partiels  et  la  guérison  est  impos- 
sible. 

Si  le  processus  est  très-aigu  et  répancheinent  rapide,  le  poumon  est 
libre  d'adhérences  et  sa  disposition  est  la  même  que  dans  la  pleurésie 
séro-fibruneuse. 

L'état  du  parenchyme  pulmonaire  varie  avec  la  durée  et  le  degré  de  la 
compression  :  tantôt  souple,  peu  altéré,  crépitant  surtout  en  haut,  il 
est  encore  insufflable  et  surnage  l'eau  ;  d'autres  fois,  il  est  flasque, 
atélectasié,  et  se  précipite  au  fond  du  vase.  Brouardcl  a  signalé  une 

KOUV.  D'CT.  MÉD.  ET  CUIR.  XXVI 1 1  —  14 


210  PIlEURÉSIB.   —  P.  l'UnULIi.MK.    ANATOJIIE  PATHOLOGIQUE. 

altération  du  poumon  qui  résulterait  de  la  propagation  au  tissu  cellu- 
laire de  l'organe  du  processus  inflammatoire!.  Elle  aurait  pour  clTet 
de  condenser  ce  tissu,  d'amener  sa  rétraction  qui  contribuerait,  pour 
une  bonne  part,  à  l'inextensibililé  du  poumon,  d'où  affaissement  de  la 
paroi  thoracique  et  rétrécissement  du  côté  malade.  11  faut  admettre  alors 
que  cette  sorte  de  sclérose  pulmonaire  disparaît  plus  ou  moins  plus  tard, 
autrement  il  serait  impossible  d'expliquer  ce  qu'il  est  commun  d'obser- 
ver à  la  suite  de  ces  rétrécissements,  la  poitrine  rétrécie  se  dilatant  peu 
à  peu  et  revenant  à  des  dimensions  voisines  de  l'état  normal. 

Le  poumon  peut  contenir  des  tubercules  ;  la  fréquence  relative  de  cette 
complication  dans  la  pleurésie  puruLente  n'est  pas  bien  établie;  d'après 
Attimont  elle  serait  rare,  puisque  sur  150  malades  80  guérirent,  et  que 
la  tuberculose  ne  fut  constatée  que  9  fois  dans  les  autres  cas. 

Les  parois  thoraciques  peuvent  être  atteintes  d'altérations  nombreuses  : 
les  parties  molles  peuvent  s'enflammer  par  contiguïté  et  devenir  le  sii  - 
d'abcès;  les  muscles  intercostaux  s'atrophient  et  deviennent  graisseux  à 
la  suite  des  pleurésies  purulentes  prolongées,  et  le  degré  de  ces  altéra- 
tions est  en  rapport  avec  la  durée  et  l'intensité  de  la  maladie.  Les  côtes 
subissent  de,s  modifications  de  structure  très-appréciables,  lorsque  la 
maladie  persiste  longtemps,  .et  surtout  dans  les  formes  chroniques  ;  le 
travail  irritatit  se  propage  à  leur  face  interne,  il  y  développe  une  ostéo- 
périostite  végétante,  d'où  résulte  en  ces  points  la  formation  d'ostéophyles 
costaux.  Parise  et  Lebert  ont  signalé,  surtout  chez  les  jeunes  enfants, 
l'existence  de  ces  productions  qui  prennent  l'aspect  d'une  côte  surajoutée. 
Enfin,  la  paroi  thoracique  du  côté  malade,  après  avoir  présenté  au  début 
une  ampliation  proportionnée  à  la  quantité  de  l'épanchement,  subit, 
lorsqu'il  se  résorbe,  une  rétraction  progressive  due  à  ce  que  le  poumon, 
longtemps  comprimé  et  bridé  par  des  fausses  membranes,  ayant  perdu 
son  extensibilité,  la  paroi  costale,  pour  combler  le  vide,  se  déprime  peu  à 
peu  et  souvent  jusqu'à  l'effacement  de  la  convexité  normale. 

L'exsudat  purulent  exerce  sur  les  tissus  une  action  destructive  qui 
devient  manifeste,  surtout  lorsque  la  pleurésie  purulente  est  chronique  : 
le  liquide  peut  alors  ulcérer  les  parois  de  la  poche  pseudo-membraneuse 
qui  le  contient,  perforer  la  plèvre  et  se  faire  jour  au  dehors,  soit  à  travers 
le  parenchyme  pulmonaire,  soit  en  perforant  la  paroi  thoracique.  Dans 
quelques  cas  l'ouverture  pulmonaire  a  lieu  en  sens  inverse,  des  poumons 
vers  la  plèvre,  comme  il  arrive  par  la  rupture  d'une  caverne  tuberculeuse  ; 
mais  la  perforation  précède  alors  l'épanchement  purulent  dont  elle  pro- 
voque la  formation  en  versant  dans  la  plèvre  le  contenu  de  la  caverne  ; 
cette  dernière  perforation  siège  toujours  au  sommet  du  poumon. 

Dans  le  cas  où  la  perforation  est  due  à  la  tendance  ulcéreuse  du  pu.-, 
et  se  produit  de  dehors  en  dedans  par  rapport  au  poumon,  elle  peutsiégei 
dans  un  point  quelconque  de  la  plèvre  pulmonaire,  très-souvent  entre  les 
lobes  du  poumon,  car  ces  perforations  spontanées  sont  surtout  très-com- 
munes dans  la  pleurésie  interlobaire. 

La  disposition  de  l'orifice  est  va-'able  comme  sa  cause:  la  rupture 


PLEURÉSIE.  — 


P.  PURULKNTK 


SYMPTÔMES. 


211 


d'une  caverne  consiste  en  un  simple  pcrtuis,  en  une  ouverture  qui  fait 
communiquer  la  cavité  pleurale  avec  une  caverne  de  petites  dimensions  : 
l'orifice,  souvent  très-étroit,  est  recouvert  par  des  fausses  membranes,  et 
difficile  à  reconnaître.  Dans  les  cas  d'ouverture  vers  le  poumon,  la  fistule 
est  plus  longue,  quelquefois  large,  souvent  étroite,  tapissée  par  une 
membrane  d'aspect  muqueux  ;  étroite  ou  large,  la  fistule  est  toujours 
très-difficile  à  trouver,  cacliée  qu'elle  est  par  des  fausses  membranes  ;  on 
ne  parvient  souvent  à  la  découvrir  qu'en  insufflant  pour  la  trachée  le  pou- 
mon plongé  dans  un  vase  plein  [d'eau.  Le  trajet  fistuleux  communique 
avec  une  bronche  de  calibre  variable.  La  disposition  des  fausses  mem- 
branes qui  masquent  la  fistule  est  quelquefois  (elle,  qu'elle  joue  le  rôle 
de  soupape  et  permet  l'entrée  de  l'air  dans  la  plèvre  sans  le  laisser 
échapper. 

L'abcès  pleural  peut  s'ouvrir  spontanément  à  l'extérieur  du  thorax  ; 
c'est  là  une  terminaison  moins  fréquente  que  l'autre.  Cette  perforation 
siège  habituellement  en  avant,  dans  les  premiers  espacés  intercostaux 
qui,  au  voisinage  du  sternum,  sont  plus  larges  et  dépourvus  du  muscle 
intercostal  externe  ;  le  plus  souvent,  elle  a  lieu  dans  le  cinquième  espace. 
L'orifice  peut  être  unique,  ou  bien  il  y  en  a  plusieurs,  plus  ou  moins 
distants  et  quelquefois  très-éloignés  les  uns  des  autres  ;  tantôt  le  pus 
ulcère  les  fausses  membranes  et  marche  de  dedans  en  dehors,  quelquefois 
un  abcès  des  parois  thoraciques  s'ouvrant  dans  la  poitrine  prépare  la  fis- 
tule pariétale;  enfin,  dans  des  cas  assez  rares,  la  fistule  est  mixte,  le  pus 
se  fait  jour  à  la  fois  par  la  paroi  thoracique  et  par  les  bronches. 

Dans  le  cas  d'ouverture  intercostale,  lorsqu'on  peut  examiner  les 
parties  avant  la  rupture  des  téguments,  leur  disposition  est  la  suivantes 
au  nivèau  d'un  espace  intercostal  on  trouve  à  la  plèvre  un  pertius  plus 
ou  moins  large,  dépassant  rarement  un  centimètre,  et  qui  fait  communi- 
quer la  cavité  pleurale  avec  une  poche  extérieure  à  la  cage  thoracique. 
étalée  soit  en  longueur  dans  l'espace  intercostal,  soit  en  largeur  et 
recouvrant  une  ou  plusieurs  côtes.  Une  fois  la  collection  vidée,  la  poche 
peut  se  recoller  à  la  façon  d'un  abcès,  mais  la  fistule  persiste  plus  ou 
moins  large,  souvent  irrégulière,  sinueuse,  et  ne  laissant  que  difficile- 
ment échapper  le  pus.  Un  dernier  mode  d'évacuation  du  liquide  est  la  per- 
foration du  diaphragme  de  la  poitrine  vers  l'abdomen  ;  ce  dénouement, 
assez  rare,  est  précédé  d'une  péritonite  circonscrite  qui  crée  des  adhé- 
rences et  prévient  l'épanchement  du  pus  dans  le  péritoine.  On  a  vu  encore, 
mais  bien  plus  rarement,  le  liquide  suivre  une  autre-voie,  et  passer  soit 
dans  le  péricarde,  soit  dans  le  médiastin,  soit  dans  la  plèvre  saine  ;  on 
l'a  vu  fuser  dans  la  gaîne  du  psoas  jusqu'à  la  fosse  iliaque,  ou  en  arrière 
des  piliers  du  diaphragme  jusqu'à  la  région  lombaire. 

Symptômes.  —  Lorsque  la  pleurésie  purulente  complique  la  pyo- 
hémie  ou  la  fièvre  puerpérale,  son  début,  latent  et  insidieux,  n'est 
marqué  par  aucun  trouble  fonctionnel  qui  éveille  l'attention  :  il  n'y  a 
ni  douleur  de  côté,  ni  oppression,  et  on  ne  reconnaît  la  maladie  que 
si  l'on  songe  à  pratiquer  l'exploration  physique  de  la  poitrine. 


212  PLEURÉSIE.  —  p.  purulente.  —  symptômes. 

La  pleurésie  purulente  qui  succède  à  une  pleurésie  franche  se  con- 
lond  à  l'origine  avec  celle-ci,  et  la  purulence  s'établit  sans  changements 
notables  dans  les  symptômes:  on  observe  donc  un  frisson  initial  violent, 
ou  de  petits  frissons  répétés,  une  fièvre  vive,  un  point  de  côté,  delà  toux, 
de  la  dyspnée;  aucun  de  ces  troubles  fonclionncls  ne  présente  rien  de 
spécial  ni  de  caractéristique,  rien  qui  puisse  servir  à  baser  une  présomp- 
tion. Jusque-là,  il  y  a  identité  complète  avec  la  pleurésie  franche,  mais, 
tandis  que  dans  celle-ci  la  défervcscence  a  lieu  au  bout  de  quelques  temps, 
ici  la  fièvre  persiste,  et  l'exsudat  augmente  d'une  manière  continue, 
quel  que  soit  le  traitement.  Il  existe  des  sueurs  profuses  pendant  la  nuit, 
les  frissons  se  reproduisent  irrégulièrement,  la  température  reste  élevée, 
et  d'après  Ziemssen,  quand  elle  atteint  de  59°, 5  à  40°, 2,  elle  aurait  une 
certaine  valeur  pour  dénoter  la  suppuration.  La  peau  est  chaude  et  sèche, 
l'appétit  est  perdu,  la  face  e.4  pâle  et  décolorée,  plus  tard  elle  prend 
une  teinte  terreuse  spéciale,  presque  caractéristique  des  étals  où  se  forme 
le  pus.  Bientôt  les  fonctions  de  nutrition  s'altèrent,  l'amaigrissement 
s'accuse,  il  y  a  des  diarrhées -fétides,  il  survient  de  l'œdème  des  extrémités, 
et  les  malades,  plus  ou  moins  cachectiques,  marchent  vers  la  terminaison 
fatale. 

Ce  sont  là  les  signes  généraux  de  la  pleurésie  purulente  à  marche 
aiguë.  Ils  sont  un  peu  différents  dans  la  forme  chronique  :  celle-ci  peut 
débuter  comme  la  pleurésie  ai^uë,  puis  la  fièvre  tombe  sans  cesser  com- 
plètement, elle  reparait  après  les  repas,  ou  vers  le  soir.  L'épanchement 
s'accroît  très-lentement  et  peut  demeurer  longtemps  stationnaire.  L'ap- 
pétit reste  intact,  les  fonctions  de  nutrition  sont  moins  promptement 
atteintes  que  dans  la  forme  aiguë.  Cette  situation  se  prolonge  pendant 
des  mois  puis,  l'état  général  s'aggrave,  l'appétit  se  perd,  la  pâleur 
devient  extrême,  les  forces  s'anéantissent,  il  survient  les  mêmes  signes 
de  cachexie  que  dans  la  forme  aiguë,  et  quelquefois  un  œdème  considé- 
rable sans  albuminurie. 

Que  la  pleurésie  purulente  soit  aiguë  ou  chronique,  les  signes  physi- 
ques sont  les  mêmes  que  dans  la  pleurésie  commune  :  ce  sont  les  signes 
de  tous  les  épanchements  liquides  de  la  plèvre.  Plusieurs  d'entre  eux 
présentent  toutefois  certaines  particularités  qui  les  distinguent  ;  il  existe 
en  outre  quelques  symptômes  propres  à  la  pleurésie  purulente. 

Comme  dans  la  pleurésie  commune,  il  y  a  de  la  voussure  de  la  paroi 
costale,  mais  les  dilatations  partielles  sont  ici  beaucoup  plus  communes; 
on  voit  souvent  la  poitrine  présenter  à  sa  base  une  saillie  due  au  refou- 
lement des  côtes  et  au  niveau  de  laquelle  la  main  promenée  sur  la  paroi 
thoracique  rencontre  un  brusque  ressaut  ;  au-dessus,  la  paroi  costale 
décrit  un  angle  rentrant  plus  ou  moins  marqué.  Celte  saillie  de  la  base 
de  la  poitrine  est  caractéristique  d'un  épanchemenl  emprisonné  par  des 
adhérences  et  qui,  ne  pouvant  s'étendre  en  hauteur,  refoule  la  paroi  cos- 
tale en  dehors,  le  diaphragme  en  bas,  et  se  creuse  une  loge  dans  le  pou- 
mon qu'il  comprime.  Ces  collections,  lorsqu'on  les  évacue  par  la  thora- 
ceulèse,  donnent  issue  à  une  quantité  de  pus  tout  à  fait  imprévue,  en 


PLEURÉSIE.    PUHULIO.NTG.    SYMTÔMES.  213 

raison  de  l'étendue  restreinte  de  la  malilé.  Les  dilatations  limitées  à  la 
base  du  thorax  peuvent  faire  croire  à  des  tumeurs  du  foie  refoulant  en 
haut  le  diaphragme,  et  rejetant  les  cotes  en  dehors,  ainsi  que  cela  arrive 
pour  les  kystes  hydatiques  volumineux  siégeant  à  la  face  convexe  du  foie. 
Les  espaces  intercostaux  sont  effacés  et  refoulés  par  le  pus,  ce  que  Stokcs 
attribue  à  la  paralysie  des  muscles  qui  les  remplissent. 

Un  signe  de  grande  valeur,  mais  qui  manque  souvent,  c'est  l'œdème 
de  la  paroi  thoracique  du  côté  malade  :  'on  le  trouve,  soit  au-dessous  du 
creux  de  l'aisselle,  soit  plus  en  arrière,  sur  le  prolongement  de  la  ligne 
axillaire  postérieure.  Ce  signe  est  presque  caractéristique  de  la  présence 
du  pus  dans  la  poitrine,  mais  on  ne  l'observe  que  tardivement,  et  alors 
que  le  pus  de  l'épanchement  commence  à  faire  saillie  derrière  les  cou- 
ches musculaires.  Sa  signification  du  reste  n'est  pas  absolue,  on  l'a 
rencontré  quelquefois  dans  la  pleurésie  séreuse,  et  chez  des  sujets  cachec- 
tiques, du  côté  où  avait  lieu  le  décubitus.  A  une  période  avancée  de  la 
maladie,  on  verra  souvent  saillir  sous  la  peau  une  tumeur  fluctuante, 
laquelle  constituerait  également  un  bon  indice,  si  elle  ne  survenait  à 
une  époque  où  le  diagnostic  est  déjà  moins  douteux. 

La  mensuration  et  la  percussion  ne  donnent  aucun  caractère  spécial  de 
quelque  importance.  L'épanchement  purulent  étant  plus  fréquemment  en- 
kysté que  l'exsudat  séreux,  la  ligne  de  niveau  se  déplace  plus  rarement 
encore  que  dans  la  pleurésie  commune  par  les  changements  d'attitude  du 
malade. 

A  l'auscultation,  on  trouve  des  modifications  du  bruit  respiratoire  qui 
est  diminué  ou  aboli,  ou  bien  des  bruits  anormaux,  comme  le  souffle  tu- 
baire.  Les  bruits  cavitaires,  déjà  signalés  dans  la  pleurésie  commune, 
sont  plus  fréquents  lorsque  le  liquide  est  purulent  :  ce  sont  le/souffle 
amphorique  et  le  gargouillement.  Ces  bruits  pseudo-cavitaires  paraissent 
dus  à  un  tassement,  à  un  refoulement  du  poumon  sur  les  gros  tuyaux  aé- 
riens ;  ils  sont  surtout  le  fait  des  épanchements  chroniques,  et  ne  sont 
ainsi  liés  à  la  pleurésie  purulente  qu'indirectement,  et  parce  que  la  suppu- 
ration est  plus  commune  dans  les  cas  chroniques. 

Le  retentissement  de  la  voix  peut  être  le  même  que  dans  l'épanchement 
séreux,  toutefois  l'égophonie  est  plus  rare  et  se  montre  seulementavec  les 
épanchements  séro-purulcnts;  quand  le  liquide  est  purulent  et  épais,  la  voix 
ne  retentit  plus,  ou,  si  on  la  perçoit  encore,  elle  paraît  sourde  et  éloignée. 

Le  signe  de  Baccelli,  la  non-transmission  à  l'oreille  de  la  voix  chu- 
chotéc,  aurait  ici  une  signification  importante,  si  sa  valeur  était  confir- 
mée et  si,  transmises  à  l'oreille  d'abord,  les  vibrations  diminuaient  gra- 
duellement pour  disparaître  enfin;  on  pourrait,  en  quelque  façon,  suivre 
ainsi  la  transformation  purulente  de  l'exsudat;  mais  l'opinion  n'est  pas 
faite  encore  sur  la  portée  de  ce  signe. 

Les  pleurésies  enkystées,  interlobaires  et  médiastines,  qui  sont  plus 
communes  encore  sous  la  forme  purulente  que  sous  la  forme  aiguë  fran- 
che, ne  donnent  lieu  à  aucun  signe  physique  et  ne  se  révèlent  que  par 
quelques  troubles  fonctionnels  :  fièvre,  frisson,  dyspnée. 


214 


PLEURÉSIE.    P.   PURULENTE.    SYMTÔMES. 


Malgré  l'existence  des  symptômes  généraux  et  des  quelques  signes  spé- 
ciaux que  nous  venons  d'indiquer,  le  diagnostic  reste  incertain  jusqu'à  la 
thoraceritèse  exploratrice  ou  l'ouverture  spontanée. 

Que  la  pleurésie  purulente  soit  aiguë  ou  chronique,  le  pus  tend  à  se 
l'aire  jour  au  dehors,  et  il  s'ouvre  une  voie  tantôt  par  les  poumons  et  les 
bronches,  tantôt  à  travers  la  paroi  thoracique.  Dans  le  premier  cas,  qui 
est  le  plus  fréquent,  il  se  produit  une  fistule  pleuro-bronehique,  dont 
l'apparition  précoce  ou  tardive  a  lieu,  d'après  les  observations  de  AYoillez, 
entre  les  deux  limites  extrêmes  de  28  et  80  jours.  D'après  Trousseau,  chez 
les  entants,  la  vomique  peut  se  faire  au  bout  d'un  temps  assez  court, 
du  15°  au  20e  jour;  chez  l'adulte,  les  vomiques  précoces  n'ont  guère  lieu 
que  dans  la  lièvre  puerpérale,  qui  donne  lieu  si  promptement  à  la  forma- 
tion du  pus. 

Rien  n'annonce  habituellement  l'apparition  d'une  vomique  ;  le  malade, 
au  milieu  d'un  accès  de  toux,  rend  brusquement  par  la  bouche  un  liquide 
purulent  en  quantité  variable,  et  qui  peut  aller  jusqu'à  plusieurs  litres. 
Le  contact  du  liquide  avec  l' arrière-gorge,  provoque  des  efforts  de  vomis- 
sement qui  ont  valu  à  l'accident  ce  nom  de  vomique. 

L'abondance  du  liquide  ainsi  rejeté  est  subordonnée  aux  dimensions  de 
la  fistule,  elle  peut  être  telle  qu'elle  amène  un  accès  de  suffocation  ;  le 
malade  peut  tomber  en  syncope,  la  peau  se  couvre  d'une  sueur  froide, 
les  traits  sont  altérés  et  l'asphyxie  subite  amène  une  mort  rapide.  C'est  là 
un  cas  exceptionnel,  d'ordinaire  les  bronches  se  débarrassent  du  liquide 
qui  les  encombre,  et  la  suffocation  disparaît.  L'expectoration  purulente 
se  poursuit  tantôt  sans  interruption,  plus  souvent  par  intervalles.  De  loin 
en  loin,  un  effort  de  toux,  un  changement  d'attitude  ramène  le  crache- 
ment de  pus,  qui  peut  même  n'avoir  lieu  qu'à  plusieurs  jours  de  dis- 
tance. 

A  partir  du  moment  où  le  pus  a  commencé  à  être  rejeté  au  dehors,  les 
symptômes  observés  varient  suivant  qu'il  s'agit  d'une  pleurésie  enkystée 
(tnédiasline,  interlohaire,  diaphragmatique)  ou  d'un  épanchement  de  la 
grande  cavité  pleurale,  et  selon  que  l'air  pénètre  ou  non  dans  le  foyer  en 
partie  vidé.  Lorsque  la  disposition  de  la  fistule  est  telle,  qu'elle  permet 
l'issue  du  liquide  sans  laisser  pénétrer  l'air  dans  la  cavité  pleurale,  ou 
lorsque  le  liquide  est  enkysté  entre  les  lobes  pulmonaires,  le  foyer  se  vide 
peu  à  peu,  il  revient  sur  lui-même,  la  voussure  diminue  ou  disparait.  La 
matité  est  moins  étendue  cl  moins  complète,  la  respiration  reparaît  dans 
des  points  où  elle  n'était  pluo  perçue-,  et  l'on  peut  entendre  à  l'ausculta- 
tion de  gros  râles  voisins  du  gargouillement,  dus  au  conflit  de  l'air  avec 
le  liquide  purulent  qui  s'écoule  par  les  bronches.  Le  crachement  de  pus 
continue,  celui-ci  est  inodore,  ou,  s'il  a  une  odeur  prononcée,  elle  est  due 
à  son  altération  au  contact  de  l'air  dans  les  bronches. 

Lorsqu'elle  accompagne  une  pleurésie  interlobaire,  souvent  la  vomique 
vient  donner  la  clef  de  troubles  jusque-là  vagues  et  obscurs  :  douleur 
profonde,  dyspnée,  symptômes  généraux  de  pleurésie,  dont  aucun  signe 
physique  ne  révélait  le  siège. 


PLEURÉSIE.  —  P.    BDRULEMTB.  SYMPTÔMES.  215 

Quand  la  lîstule  pleuro-bronchique  permet  l'accès  de  L'air  dans  la  ca- 
vité morbide,  la  voussure  ne  diminue  pas,  l'air  venant  remplacer  le 
liquide  évacué  ;  quelquefois  même  elle  augmente  par  une  disposition 
particulière  des  fausses  membranes  qui  font  clapet  et  laissent  entrer 
l'air  à  ebaque  inspiration  sans  le  laisser  sortir  ;  la  dyspnée  peut  devenir 
alors  extrême.  Le  pus,  d'abord  inodore,  se  putréfie  au  voisinage  de  l'air; 
il  prend  quelquefois  une  odeur  insupportable,  alliacée  ou  d'une  horrible 
fétidité. 

L'entrée  de  l'air  dans  la  plèvre  donne  lieu  à  de  nouveaux  signes  de 
percussion  et  d'auscultation  qui  sont  ceux  de  l'hydropneumothorax.  Ce 
sont  la  résonnance  exagérée  et  tympanique  de  la  poitrine  du  côté  malade, 
faisant  place  à  la  malilé  absolue  au  niveau  de  l'épancbement,  l'abaisse- 
ment du  foie  et  l'immobilité  du  diaphragme  du  même  côté  ;  le  souffle 
amphorique,  le  tintement  métallique  qui  est  patbognomonique  de  la 
fistule  pleurale,  le  bruit  de  succussion  bippocratique,  le  bruit  d'airain 
perçu  par  l'oreille  appliquée  sur  le  thorax,  pendant  que,  dans  un  point 
opposé,  on  percute  l'un  contre  l'autre  deux  corps  durs  ou  métalliques  dont 
l'un  est  appliqué  sur  la  paroi  costale.  N'insistons  pas  sur  ces  signes,  ils 
sont  de  notion  vulgaire  et  n'appartiennent  pas  en  propre  à  la  pleurésie 
purulente  |Voy.  plèvue  (hydropneumolliorax),  bornons-nous  à  rappeler 
qu'ils  ne  sont  pas  constants;  le  tintement  métallique  fait  très  souvent 
défaut  et  l'on  ne  trouve  parfois  que  le  bruit  de  Ilot  bippocratique. 

L'évacuation  du  pus  par  la  paroi  costale  peut  se  faire  à  une  époque  plus 
ou  moins  éloignée  du  début;  une  douleur  se  montre  d'abord  dans  un 
point  limité  de  la  poitrine,  quelquefois  dans  plusieurs  points  situés  au 
niveau  d'un  espace  intercostal;  on  trouve  là  une  saillie  rénitente,  peu 
sensible  au  toucher,  cette  saillie  augmente  bientôt,  elle  peut  être  ar- 
rondie, allongée  dans  le  sens  d'un  espace  intercostal,  ou  occuper  deux 
espaces  voisins  en  franchissant  la  côte  intermédiaire;  la  tumeur  est 
indolente,  molle,  (Incluante,  elle  est  réductible  par  la  pression,  et 
augmente  au  contraire  dans  les  efforts  de  toux  ou  d'expiration.  Elle 
persiste  sans  modifications  pendant  un  temps  variable,  puis  la  peau  s'a- 
mincit, devient  violacée,  elle  cède  spontanément  ou  dans  un  effort  de 
toux,  et  l'orifice  livre  passage  à  une  quantité  de  pus  considérable  et  hors 
■de  proportion  avec  le  volume  apparent  du  foyer.  L'orifice  persiste  et 
reste  fistuleux;  il  peut,  suivant  sa  disposition,  ses  dimensions  et  son 
obliquité,  permettre  l'entrée  de  l'air  ou  l'empêcher.  S'il  n'existe  pas  une 
fistule  pleuro-bronchique  en  même  temps  que  l'orifice  thoracique,  le  pus 
reste  inodore  ;  il  devient  au  contraire  fétide,  s'il  est  en  contact  avec  l'air. 
L  expulsion  du  pus  par  la  fistule  est  suivie  de  modifications  des  signes 
physiques  analogues  à  celles  que  détermine  la  fistule  pleuro-bronchique. 
Si  1  air  a  pénétré  dans  la  plèvre,  il  y  a  du  tympanisme  et  du  bruit  de  Ilot. 
Le  niveau  de  la  matitc  a  baissé,  mais  l'épanchement  se  vide  ici  moins  com- 
plètement que  par  la  fistule  bronchique,  et  l'écoulement  plus  ou  moins 
facile  du  pus  est  subordonné  à  la  position  de  la  fistule.  Quelquefois  l'ap- 
parition de  l'orifice  thoracique  est  annoncée  par  plusieurs  tumeurs  sié- 


PLEURÉSIE. 


  r.    PURULENTE.    TEI1JI  !NAISO.\ . 


géant  dans  des  espaces  intercostaux  différents,  l'ouverture  de  l'une  d'elles 
entraîne  l'affaissement  des  autres,  à  moins  que  l'orifice  ne  soit  placé 
très-haut  et  que  le  foyer  ne  se  vide  mal,  une  deuxième  fistule  peut  alors 
s'ouvrir  dans  un  point  plus  déclive. 

La  marche  de  la  fistule  thoracique  est  très-variable  ;  parfois,  elle  se 
ferme  pendant  quelque  temps  pour  se  rouvrir  ensuite,  mais  l'orifice  ne 
ferme  jamais  complètement  qu'à  sa  guérison. 

Dans  certains  cas,  et  lorsque  la  tumeur  siège  dans  le  voisinage  du 
cœur,  elle  est  le  siège  de  hattements  isochrones  à  la  systole  ;  on  donne  à 
ces  cas  le  nom  à'empyème  pulsalile. 

L'existence  d'une  fistule  thoracique  n'empêche  pas  la  formation  d'une 
fistule  pleuro-bronchique,  et  réciproquement  ,  le  pus  peut  se  faire  jour 
au  dehors,  bien  qu'il  ait  commencé  à  s'évacuer  par  les  bronches.  Quant 
à  l'ouverture  dans  le  médiastin,  ou  parle  diaphragme,  elle  est  tout  à  fait 
rare. 

Terminaison.  —  La  pleurésie  purulente  peut  aboutir  à  la  gué- 
rison ou  à  la  mort.  Elle  peut  se  terminer  par  la  guérison  spontanée 
et  sans  évacuation  du  pus  au  dehors  ;  ces  cas  sont  rares,  mais  les  faits 
dans  lesquels,  après  la  mort  due  à  une  autre  cause,  on  a  trouvé  des  kystes 
purulents  en  voie  de  cicatrisation,  ne  laissent  aucun  doute.  Moutard- 
Martin  a  rapporté  une  observation  de  guérison  spontanée  d'une  pleurésie 
purulente  dont  le  diagnolic  avait  été  contrôlé  par  une  ponction  explo- 
ratrice ;  c'est  là  un  fait  exceptionnel.  La  guérison  est  plus  commune  dans 
les  cas  où  l'épanchement  s'est  frayé  une  voie  vers  l'extérieur.  La  solution 
favorable  a  surtout  été  observée  dans  les  cas  de  vomique,  et  principale- 
ment dans  les  pleurésies  interlobaires,  où  les  parois  revenant  aisément  sur 
elles-mêmes  ne  permettent  pas  l'entrée  de  l'air  et  la  putréfaction  du  pus. 
La  guérison  est  possible  également  quand  le  pus  occupe  la  grande  plèvre, 
mais  si  la  fistule  ne  permet  pas  l'accès  de  l'air.  Après  la  vomique,  le 
foyer  diminue  d'étendue,  l'expectoration  devient  moins  abondante,  le 
kyste  revient  sur  lui-même,  les  symptômes  généraux  s'amendent,  la  fièvre 
tombe,  l'appétit  renaît,  et  peu  à  peu  le  malade  recouvre  la  santé  ;  mais 
ce  résultat  est  très  tardif,  et  peut  se  faire  attendre  un  an  et  davantage. 

Les  cas  de  fistules  thoraciques  sont  généralement  moins  heureux,  soit 
que  l'orifice  admette  l'air  et  qu'il  se  développe  des  accidents  de  putridité, 
soit  que  l'ouverture  mal  située  ne  permette  qu'une  évacuation  incom- 
plète. 

La  mort  est  une  terminaison  fréquente  de  la  pleurésie  purulente;  elle 
paraît  inévitable  lorsque,  l'épanchement  n'ayant  pas  de  tendance  à  se 
porter  au  dehors,  le  médecin  n'intervient  pas  pour  lui  ouvrir  une  voie. 

La  terminaison  fatale  est  précoce  ou  tardive  suivant  les  cas  ;  dans  la 
pleurésie  snppurée  aiguë  des  fièvres  graves,  scarlatine,  fièvre  typhoïde, 
fièvre  puerpérale,  la  mort  peut  arriver  au  bout  d'un  mois.  Dans  la  forme 
chronique,  au  bout  de  peu  de  temps  la  fièvre  cesse,  l'appétit  revient,  les 
malades  sont  pâles  et  faibles,  mais  ne  sont  pas  réduits  à  garderie  lit  ;  ils 
n'ont  souvent  qu'un  léger  accès  fébrile  vers  le  soir  ou  à  la  suite  des  repas, 


PLEURÉSIE.    —   P.  PURULENTE.    DIAGNOSTIC. 


217 


et  la  maladie  peut  se  prolonger  ainsi  pendant  des  mois,  une  année  et 
même  deux. 

Que  la  maladie  soit  aiguë  ou  chronique,  au  bout  d'un  temps  variable 
les  accidents  de  fièvre  hectique  surviennent;  il  se  produit  des  frissons  irré- 
guliers, des  sueurs  nocturnes,  le  malade  pâlit  de  plus  en  plus,  il  a  du 
dégoût  pour  les  aliments,  des  diarrhées  fétides,  de  l'œdème  des  extré- 
mités inférieures,  et  il  finit  par  succomber  dans  le  dernier  degré  du  ma- 
:  rasme. 

A  la  suite  des  fistules  pulmonaires  ou  thoraciques,  la  mort  survient 
■  encore,  si  le  pus,  en  rapport  avec  l'air,  subit  l'altération  putride.  Le  ma- 
lade épuisé  par  la  suppuration,  empoisonné  par  la  résorption  des  pro- 
i  duits  sepliques  que  contient  sa  plèvre,  succombe  à  la  fièvre  hectique. 

Diagnostic.  —  La  pleurésie  purulente  n'a  pas  de  signe  pathogno- 
imonique,  aucun  de  ses  symptômes  ne  lui  est  absolument  propre,  et  sa 
I physionomie  est  variable  comme  ses  causes:  aussi  le  diagnostic  en  est-il 
I parfois  très-difficile,  et  de  nature  à  embarrasser  les  plus  expérimentés. 
Tantôt  les  caractères  de  l'épanchement  purulent  sont  manifestes,  tantôt 
ion  ne  peut  affirmer  que  l'existence  du  liquide,  sans  rien  présumer  de 
.•sa  nature;  d'autres  fois  enfin,  l'existence  même  de  la  pleurésie  est 
i  méconnue,  le  début  a  été  insidieux,  et  toute  la  plèvre  est  prise  sans 
i  qu'aucun  indice  soit  venu  donner  l'éveil. 

C'est  vers  le  début  de  la  forme  aiguë  que  l'embarras  sera  le  plus  grand  : 
idans  ces  conditions,  en  effet,  rien  ne  distingue  la  maladie  de  la  pleuré- 
:sie  simple.  Ce  n'est  qu'en  observant  la  marche  des  symptômes,  en 
i notant  que  la  résorption  tarde  au  delà  des  limites  habituelles  ,  que  l'on 
i commencera  à  soupçonner  la  suppuration.  Plus  tard,  il  est  vrai,  la  face 
| pâlira  et  prendra  la  teinte  terreuse  spéciale;  on  verra  paraître  cet  œdème 
ide  la  paroi  costale  qui  permet  d'affirmer,  avec  une  presque  certitude,  la 
I purulence;  mais  ces  signes,  dont  la  valeur  est  grande,  sont  malheureu- 
sement inconstants  et  tardifs. 

A  delaul  des  caractères  significatifs  de  la  suppuration,  il  f.mdra  obser- 
'ver  avec  soin  l'état  général,  et  tenir  grand  compte  des  modifications  qui 
i  décèleront  un  empoisonnement  de  l'organisme.  Parfois  on  notera  une 
i  discordance  singulière  entre  l'état  plus  ou  moins  grave  de  l'économie  et 
i  ie  peu  d  importance  de  l'épanchement  ;  souvent  il  surviendra  des  fris- 
ions répétés,  des  sueurs,  une  fièvre  continue  avec  exacerbations  vespé- 
:  raies  ou  des  accès  fébriles  existant  seulement  le  soir,  de  l'anorexie ,  de 
la  diarrhée,  un  peu  d'œdème  des  jambes. 

L  étiologie  devra  venir  en  aide  au  diagnostic,  la  pleurésie  suppurée 
i  étant  presque  toujours  secondaire,  et  venant  souvent  compliquer  cer- 
l  taines  aflections  bien  connues,  les  circonstances  dans  lesquelles  la  ma- 
ladie est  survenue  constitueront  les  probabilités  les  plus  grandes  en 
I  faveur  de  la  nature  du  liquide:  ainsi,  certaines  maladies  étant  données, 
I  la  pleurésie  qui  vient  les  compliquer  est  presque  à  coup  sûr  purulente  ; 
iil  en  est  ainsi  pour  la  fièvre  puerpérale,  la  scarlatine  grave,  la  pyohémic, 
I  la  morve,  la  fièvre  typhoïde. 


PLEUBÉSIE.  — 


I'.   I'Ulll'LKNTE.    l'IiONOSTIC. 


Le  terrain  sur  lequel  évolue  une  pleurésie  est  également  à  considé- 
rer :  il  en  est  tout  autrement  d'une  pleurésie  développée  chez  un  sujet 
jeune,  vigoureux  et  sain,  ou  de  celle  qui  frappe  un  organisme  usé  par 
l'âge,  la  misère  ou  les  excès.  L'existence  de  certaines  dialhèses  et  sur- 
tout de  la  tuberculose  devra  être  notée,  bien  que  la  pleurésie,  dans  ce 
cas,  ne  soit  pas  nécessairement  purulente. 

La  marebe  de  la  pleurésie  a  son  importance  pour  diagnostiquer  la 
nature  du  liquide,  et,  si  l'on  en  excepte  les  épanebements  de  la  pyoliémie 
et  de  la  fièvre  puerpérale,  la  pleurésie  purulente  a  presque  toujours  une 
allure  chronique.  D'après  Verliac,  toute  collection  chronique  devient 
purulente  chez  l'enfant. 

La  pleurésie  purulente  peut  être  confondue  avec  les  maladies  à  marche 
chronique,  et  notamment  avec  celles  qui ,  à  la  longue ,  amènent  de  la 
(lèvre  hectique  et  du  dépérissement.  La  tuberculisation  étendue  d'un  pou- 
mon, outre  ces  symptômes  généraux,  offre  des  signes  locaux  qui  rendent 
la  méprise  plus  facile.  Entre  les  troubles  généraux  de  la  tuberculose 
fièvre  hectique,  diarrhée,  cachexie,  et  ceux  de  la  pleurésie  suppurée,  il 
n'y  a  que  des  nuances  insuffisantes  à  motiver  un  choix  raisonné;  on 
trouvera  plus  de  ressources  clans  l'examen  physique  :  une  matité  très- 
étendue  d'un  côté,  avec  intégrité  absolue  ou  presque  complète  du  pou- 
mon opposé,  exclura  presque  l'idée  d'une  tuberculose  avec  laquelle  les 
vibrations  vocales  seraient  en  outre  normales  ou  exagérées,  tandis  qu'elles 
sont  faibles  ou  nulles  dans  la  pleurésie. 

La  méprise  est  plus  facile  à  éviter  dans  le  cas  de  tumeurs  du  poumon, 
de  la  plèvre  ou  du  médiastin.  Les  symptômes  communs  sont  la  voussure 
du  thorax,  la  matité,  le  silence  respiratoire,  la  broncho-égophonie,  mais 
les  vibrations  vocales  sont  exagérées  par  le  fait  d'une  tumeur,  et  celle-ci, 
gênant  la  circulation  centrale,  amène  le  développement  du  réseau  veineux 
sous -cutané;  il  y  a  quelquefois  un  œdème  thoracique  distinct  par  son 
étendue  de  l'infiltration  circonscrite  de  la  pleurésie  suppurée.  Enfin, 
quand  le  poumon  ou  le  médiastin  sont  envahis  par  le  cancer,  on  trouve 
des  masses  ganglionnaires  dans  l'aisselle,  ou  dans  le  creux  sus-clavicu- 
laire. 

Les  hypertrophies  du  foie,  et  surtout  les  kystes  de  sa  face  convexe, 
amènent  des  déformations,  de  la  voussure  et  de  la  matité  de  la  base  du 
thorax;  il  y  a,  dans  ce  point,  absence  du  bruit  vésiculaire  et  des  vibra- 
tions vocales;  mais  la  limite  supérieure  de  la  malité  est  convexe  en  haut 
dans  les  tumeurs  du  foie,  concave  dans  le  même  sens  ou  sinueuse  dans 
les  collections  pleurales,  où  elle  remonte  souvent  très-haut,  en  même 
temps  que  l'on  trouve  du  souffle  et  de  la  matité,-  dans  les  tumeurs  du 
foie,  le  bord  cartilagineux  des  côtes  est  souvent  comme,  rebroussé  en 
dehors,  circonstance  qui  fait  défaut  dans  la  pleurésie;  enfin  L'élude  des 
commémora'ifs,  l'existence  dans  le  passé  d'un  ictère,  de  coliques  hépa- 
tiques, le  mode  de  début,  la  marche  de  la  maladie,  achèveront  de  faire 
écarter  la  pleurésie. 

Prono.stic.  —  La  pleurésie  suppurée  est  d'une  façon  générale  une 


PLEURESIE.           P.  PURULENTE.    TH.UTEMENT. 


•219 


maladie  d'une  extrême  gravité,  et,  dans  la  majorité  des  faits,  elle  tue 
ceux  qu'elle  frappe;  mais  en  présence  des  cas  particuliers  il  convient  de 
tenir  compte,  pour  établir  le  pronostic,  de  conditions  multiples.  La  gra- 
vité varie  avec  les  causes  de  la  maladie,  avec  l'étal  général  des  malades, 
avec  leur  âge.  On  peut  espérer  une  terminaison  favorable,  lorsque  la  sup- 
puration survient  à  la  suite  d'une  pleurésie  simple,  ou  par  le  fait  d'un 
traumatisme  chez  un  enfant  jeune  et  vigoureux.  Quand  elle  atteint  un 
organisme  débilité  par  l'âge,  par  une  maladie  antérieure,  ou  par  une 
diatbèsc,  et  surtout  lorsqu'elle  est  secondaire  et  se  montre  dans  le  cours 
de  certaines  maladies,  la  fièvre  puerpérale,  la  pyoliémie,  certaines  scar- 
latines, la  pleurésie  purulente  est  à  peu  près  constamment  mortelle. 

Traitement.  — Dans  la  pleurésie  séro-fibrineuse,  dès  que  la  phlegma- 
sie  est  éteinte,  il  est  commun  de  voir  la  séreuse  cesser  de  produire  du 
liquide;  l'épanchement  se  résorbe  alors  spontanément  ou  avec  l'aide  du 
traitement  médical;  s'il  tarde  à  disparaître,  une  simple  ponction  le  sup- 
prime, et  le  plus  souvent  sans  retour.  Il  n'en  est  pas  ainsi  de  la  pleuré- 
sie suppurée  :  ici  le  kyste  pseudo-pleural  qui  s'est  substitué  à  la  plèvre 
est  prêt  à  verser  incessamment  sa  sécrétion  pathologique,  et  n'a  que  peu 
de  tendance  à  la  résorber.  Moutard-Martin  a  cependant  rapporté  un  cas 
de  pleurésie  purulente  guérie  spontanément  sans  fistule  et  sans  thoracen- 
tèse;  mais  c'est  là  une  rareté,  et  la  guérison  ne  peut  guère  être  obtenue 
sans  que  le  pus  ait  été  évacué  au  dehors,  soit  spontanément  par  la  forma- 
tion d'une  fistule,  soit  artificiellement  par  l'un  des  procédés  que  nous 
allons  indiquer.  Le  traitement  est  donc  avant  tout  chiruvcjical,  il  com- 
prend l'emploi  des  moyens  suivants  :  tlioracentèse  simple  ou  accompagnée 
de  lavages  et  d'injections  modificatrices;  évacuation  continue  avec  lavages 
quotidiens  et  répétés,  par  l'emploi  des  canules  à  demeure,  du  drainage  et 
du  siphon  de  Potain  ;  opération  de  l'empyème. 

Dans  le  cas  où  le  malade  atteint  de  pleurésie  purulente  est  tubercu- 
leux, il  faut  s'abstenir  de  toute  opération.  La  guérison,  déjà  douteuse  dans 
les  cas  simples,  devient  tout  à  fait  improbable  quand  la  pleurésie  suppu- 
rée complique  la  tuberculose.  Néanmoins  Roger  conseille,  chez  les 
enfants,  une  conduite  opposée,  en  faisant  observer  que  le  diagnostic  posi- 
tif de  la  tuberculose  est  souvent,  chez  l'enfant,  tout  à  fait  impossible,  et 
que,  dans  le  doute,  il  ne  faut  pas  laisser  échapper  une  chance  de  guéri- 
son, si  faible  qu'elle  soit. 

L'ouverture  spontanée  de  l'abcès  pleural  par  la  paroi  thoracique  ou 
par  les  bronches  s'accompagne,  le  plus  ordinairement,  de  la  pénétration 
par  la  fistule  externe  ou  interne  de  l'air,  dont  le  contact  détermine  l'alté- 
ration putride  de  l'épanchement  ;  il  y  aura  avantage  à  prévenir  la  sortie 
du  pus,  cette  issue  au  dehors  étant  d'ailleurs  plus  ou  moins  tardive,  et  à 
faire  la  ponction  aussitôt  que  l'on  soupçonnera  la  suppuration.  La  tliora- 
centèse sera  pratiquée  avec  le  trocart  ordinaire  ou  mieux  à  l'aide  d'un 
aspirateur,  dans  le  point  le  plus  déclive  de  la  poitrine,  de  façon  à  éviter 
la  stagnation  du  pus. 

La  ponction  a  quelquefois  amené  la  guérison  par  simple  évacuation  du 


220 


PLEURÉSIE.  — 


P.  PURULENTE.  —  TRAITEMENT. 


liquide,  et  des  exemples  de  cure  radicale,  même  à  la  suite  d'une  seule 
thoracenthèse,  ont  été  rapportés  par  Moutard-Martin ,  Hérard,  Bourdon, 
Noèl  Guéneau  de  Mussy  et  d'autres.  C'est  surtout  dans  les  cas  aigus  et 
récents  que  l'on  arrive,  par  des  ponctions  successives,  à  tarir  la  sécrétion. 
A  mesure  que  le  kyste  revient  sur  lui-même,  le  trocart  aspirateur  ne  ren- 
contre plus  que  des  quantités  de  liquide  de  plus  en  plus  faibles.  Boucliut 
et  G.  Dieulafoy  ont  relaté  des  exemples  où  l'épuisement  graduel  de  l'é- 
panchement  aboutissait  ainsi  à  la  guérison.  Ces  succès  ont  été  surtout 
observés  chez  des  enfants. 

Souvent,  à  la  suite  de  plusieurs  thoracentèses,  il  s'établit  un  trajet  fis- 
tuleux  par  l'un  des  trous  d'entrée  du  trocart,  le  pus  s'écoule  alors  peu  à 
peu  et  l'on  a  vu  cette  évacuation  graduelle  du  pus  amener  la  guérison  ; 
cet  accident  ne  se  produit  que  dans  les  ponctions  pratiquées  avec  le  tro- 
cart ordinaire,  on  ne  l'observe  pas  quand  on  emploie  l'aspirateur. 

Mais,  comme  le  fait  remarquer  Peter,  la  guérison  ne  peut  pas  toujours 
être  atteinte  par  la  simple  soustraction  du  liquide,  il  faut  s'opposer  à  sa 
reproduction  et  modifier  les  parois  du  kyste  suppurant,  en  attendant  que 
l'on  détermine  sa  cicatrisation  par  l'accolement  des  plèvres  viscérale  et 
pariétale.  Dans  les  cas  chroniques,  cette  dernière  condition  est  bien  diffi- 
cile à  obtenir  :  le  poumon  emprisonné  par  les  fausses  membranes  qui  le 
brident  ne  peut,  si  elles  sont  épaisses  et  anciennes,  se  dilater  pour  s'ap- 
pliquer à  la  paroi  costale,  et  celle-ci  n'est  pas  toujours  assez  dépressible 
pour  aller  à  la  rencontre  du  poumon  ;  elle  ne  cède  guère  d'une  façon 
efficace  que  chez  les  jeunes  sujets. 

La  thoracentèse  simple  est  donc  bien  souvent  insuffisante  ;  pour  abou- 
tir à  un  résultat,  elle  doit  être  réitérée  pendant  un  temps  quelquefois 
très-long,  et  celte  sécrétion,  qui  se  répète  aussitôt  la  plèvre  vidée  et  s'ac- 
compagne de  fièvre,  épuise  le  malade.  Il  importe  donc  de  laver  le  kyste 
suppurant  et  d'en  modifier  la  surface  par  des  injections  d'eau  alcoolisée, 
phéniquée,  ou  d'une  solution  de  teinture  d'iode  iodurée.  Il  n'est  pas  rare 
alors  de  voir  la  pleurésie  guérir  après  un  petit  nombre  d'injections 
iodées.  Mais  souvent  l'air  a  pénétré  dans  le  kyste  par  une  fistule  pleuro- 
bronchique,  le  pus  s'altère,  et  il  devient  nécessaire  de  répéter  la  thora- 
centèse à  des  intervalles  très-rapprochés  pour  éviter  la  stagnation  du 
liquide  putride  ;  on  doit  revenir  aux  lavages  plusieurs  fois  par  jour,  et, 
l'effet  de  la  thoracentèse  devenant  insuffisant ,  il  faut  établir  un  des 
appareils  qui  permettent  l'écoulement  continu.  Mais,  l'emploi  de  ces  pro- 
cédés obligeant  à  un  traumatisme  qui  est  loin  d'être  inoffensif  comme 
celui  de  l'aspiration,  il  est  évident  qu'on  n'y  doit  recourir  que  lorsque 
l'état  du  malade  est  assez  grave  pour  motiver  les  risques  que  l'on  va  lui 
faire  courir. 

Canules  à  demeure.  —  Elles  consistent  en  tubes  de  métal  ou  de 
caoutchouc.  Woillez  a  fait  construire  un  trocart  courbé  sur  le  plat,  qu'il 
introduit  entre  deux  côtes  et  dont  la  canule  plonge  par  son  extrémité  à 
la  partie  inférieure  de  la  plèvre  ;  une  baudruche  empêche  la  pénétration 
de  l'air  et  sert  à  faire  des  lavages.  G.  Dieulafoy  a  imaginé  un  trocart  de 


PLEURÉSIE.  —  p.  l'unuLEiNTE.  —  tiuitement.  '221 

!  très-petit  diamètre,  dont  la  canule,  une  fois  en  place,  est  presque  paral- 
I  lèle  à  la  paroi  interne  de  la  poitrine,  et  ne  peut  léser  le  poumon.  Cette 
i  canule  porte  à  son  extrémité  externe  un  petit  disque  de  métal  ou  bou- 
•  clier,  que  l'on  fixe  à  l'aide  de  rubans  de  fil  passés  dans  les  fentes  qu'il 
I  porte,  et  collés  à  plat  sur  la  peau  au  moyen  du  collodion.  Aussitôt  le 
itrocart  retiré,  on  visse  sur  la  canule  un  ajutage  à  robinet  qui  s'adapte 

à  l'aspirateur,  on  extrait  alors  le  liquide  et  l'on  pratique  des  lavages  et 
■  des  injections  médicamenteuses;  puis,  l'ajutage  étant  enlevé,  on  ferme 
I  le  tube  avec  un  bouchon  à  vis  ou  obturateur.  On  peut  ainsi  répéter  l'aspi- 
i  ration  et  les  lavages  aussi  souvent  qu'il  est  nécessaire 

Moutard-Martin  donne  la  préférence  aux  canules  en  caoutchouc,  aux- 
i  quelles  il  trouve  l'avantage  de  ne  pas  blesser  le  poumon,  d'être  bien  tolé- 
i  rées  par  les  tissus  qu'elles  traversent,  sans  causer  aux  malades  de  dou- 
I  leurs  dans  les  mouvements.  Pour  les  appliquer,  on  emploie  un  trocart 
i  de  moyen  calibre,  dans  la  canule  duquel  le  tube  que  l'on  a  choisi  doit 

passer  facilement.  Avant  d'introduire  le  trocart,  on  glisse  à  la  base  de  la 

canule  un  petit  disque  de  caoutchouc  percé  à  l'emporte-pièce  d'un  ori- 
i  fice  central.  Le  trocart  étant  retiré,  on  glisse  le  tube  de  caoutchouc  dans 

la  canule,  puis  on  enlève  celle-ci,  en  maintenant  le  tube  dans  la  plèvre  et  la 
|  plaque  de  caoutchouc  contre  la  paroi  thoracique.  Le  tube  étant  alors  retenu 
i  en  place  par  le  disque  de  caoutchouc  qui  le  serre  légèrement,  celui-ci  est 

fixé  à  la  peau  par  une  petite  lame  de  baudruche  fixée  avec  le  collodion. 
Les  canules  métalliques  et  celles  de  caoutchouc  finissent  souvent  par 

laisser  pénétrer  l'air,  soit  par  la  canule  elle-même,  soit  sur  ses  côtés  par 

élargissement  de  l'orifice  d'entrée.  Aran  a  signalé  un  accident  difficile  à 
(expliquer  et  paraissant  déterminé  par  l'emploi  des  canules  métalliques, 
i  c'est  le  développement  de  péritonites  surtout  lorsque  la  canule  est  à 
| gauche. 

Drainage.  —  C'est  l'application  aux  abcès  de  la  plèvre  de  la  précieuse 
méthode  vulgarisée  par  Chassaignac.  A  l'aide  d'un  long  trocart  courbe,  on 
pénètre  à  la  partie  la  plus  déclive  du  thorax  dans  un  espace  intercostal, 
i  et  l'on  fait  ressortir  la  pointe  de  l'instrument  à  une  certaine  distance,  soit 
i  dans  le  même  espace,  soit  entre  deux  côtes  voisines.  Puis,  le  poinçon  étant 
retiré  et  la  canule  laissée  en  place,  on  y  introduit  un  drain,  c'est-à-dire 
i  ce  tube  de  caoutchouc,  si  employé  en  chirurgie  ,  qui  est  fenêtre  dans 
l  toute  sa  longueur  ;  le  drain  étant  ressorti  par  l'extrémité  de  la  canule,  on 
i  retire  celle-ci,  en  maintenant  en  place  le  tube  en  caoutchouc  ,  dont  on 
i  réunit  les  deux  chefs  par  un  fil.  Le  pus  s'écoule  alors  peu  à  peu  et  cesse 
de  s'accumuler  dans  la  poitrine.  Le  tube  à  drainage  permet  d'effectuer 
des  lavages,  mais  non  sans  difficultés,  le  liquide  sortant  souvent  par  les 
côtes  du  tube  extérieur  au  thorax  ;  il  a  en  outre  l'inconvénient  de  laisser 
I  pénétrer  l'air  dans  la  plèvre,  et,  s'il  permet  l'évacuation  constante  et 
I  facile  du  foyer,  il  finit  souvent  par  être  obstrué,  en  raison  du  petit  diamè- 
I  tre  de  ses  orifices,  par  les  particules  solides  qui  flottent  dans  l'épanclie- 
iiment.  Le  manuel  opératoire  n'est  d'ailleurs  pas  toujours  des  plus  aises, 
-et  il  est  quelquefois  difficile  de  faire  ressortir  la  pointe  du  trocart. 


222 


PLEMÉSIE. 


  P.   PURULENTE.    TRAITEMENT . 


Siphon  de  Potain.  —  Cet  appareil,  des  plus  ingénieux,  a  réalisé  un 
grànd  progrès  dans  le  traitement  de  la  pleurésie  purulente.  Pour  le 
construire  et  l'appliquer,  il  faut  introduire  dans  la  partie  déclive  de 
la  plèvre  un  tube  en  caoutchouc  de  trente  centimètres,  dont  les  deux 
tiers  environ  doivent  pénétrer  dans  la  poitrine,  Le  mode  d'introduction 
est  le  même  que  pour  les  canules  à  demeure  en  caoutchouc,  et  comme 
pour  celles-ci  l'extrémité  du  tube  est  engagée  et  légèrement  serrée  dans 
l'orifice  central,  un  peu  étroit  pour  elle,  d'une  petite  plaque  de  caout- 
chouc fixée  à  la  peau  à  l'aide  de  la  baudruche  et  du  collodion.  Une  fois 
cette  canule  introduite,  le  pus  s'échappe  et  empêche  l'air  de  pénétrer 
dans  la  poitrine.  On  emploie  alors  un  tube  de  caoutchouc  bifurqué  en  Y, 
et  dont  la  branche  impaire  se  termine  par  un  petit  cylindre  de  verre  un 
peu  effilé  et  destiné  à  être  introduit  à  frottement  dans  l'extrémité  libre 
de  la  canule  thoracique.  Chacune  des  deux  branches  paires  se  relie  pareil- 
lement, par  l'intermédiaire  d'un  petit  tube  de  verre,  à  des  tuyaux  de 
caouLchouc  longs  d'un  mètre  environ.  L'un  de  ces  tubes  plonge  dans  un 
vase  rempli  du  liquide  destiné  aux  lavages  et  placé  à  une  certaine  hau- 
teur au-dessus  du  lit  ;  l'autre  descend  dans  un  vase  destiné  à  recevoir  les 
liquides  qui  sortent  de  la  poitrine.  Tout  le  système  du  tube  en  Y  et  de 
ses  deux  longs  ajutages  ayant  été  préalablement  rempli  d'eau  et  fermé 
à  ses  trois  extrémités  à  l'aide  de  serres-fines,  on  introduit  dans  la  canule 
thoracique  le  tube  de  verre  qui  termine  la  branche  impaire.  Puis,  la 
pince  qui  ferme  celle-ci  étant  enlevée,  l'appareil  est  prêt  à  fonctionner. 
Il  suffit  d'ouvrir  le  tube  inférieur,  en  étant  la  serre  fine,  pour  que  le  pus, 
sollicité  par  le  poids  de  la  colonne  d'eau,  s'écoule  rapidement.  Quand 
l'écoulement  a  cessé,  on  ferme  le  tube  inférieur,  on  ouvre  le  supérieur, 
et  le  liquide  destiné  aux  lavages  se  précipite  dans  la  plèvre  avec  une 
vitesse  qui  varie  suivant  qu'on  élève  plus  ou  moins  le  réservoir  supé- 
rieur. Pour  les  lavages,  on  emploie  de  l'eau  tiède,  purgée  d'air  par  l'ébul- 
lition.  Lorsque  la  plèvre  est  remplie  de  liquide,  on  ferme  le  tube  supé- 
rieur et  l'on  ouvre  le  tube  d'écoulement  ;  après  avoir  répété  plusieurs 
fois  cette  manœuvre,  et  lorsque  l'eau  qui  a  lavé  la  plèvre  en  sort  trans- 
parente et  limpide,  on  remplace,  dans  le  réservoir  supérieur,  l'eau  par 
un  liquide  modificateur  ou  antiputride:  eau  alcoolisée,  eau  phéniquée  ou 
teinture  d'iode  très-diluée;  celle-ci  a  malheureusement  l'inconvénient  d'al- 
térer très-vite  les  appareils  de  caoutchouc,  ce  qui  peut  amener  la  rupture 
et  le  morcellement  du  tube  à  demeure  dans  le  thorax. 

Quel  que  soit  l'appareil  employé,  il  arrive  un  moment  où  il  devient 
inutile  :  lorsque  la  cavité  purulente  est  cicatrisée,  lorsque  les  parois  de 
la  poche  se  sont  accolées,  il  convient  d'enlever  l'instrument  qui  a  servi 
aux  lavages  et  a  donné  issue  au  pus.  On  reconnaîtra  que  la  guérison  est 
complète  lorsque  l'orifice  de  la  canule  ou  du  drain  ne  laissera  plus  sortir 
que  quelques  gouttes  de  pus,  ou  lorsque  l'eau  des  lavages  ne  pénétrera 
plus  qu'en  minime  quantité  dans  la  poitrine  et  ressortira  claire  et  sans 
être  troublée  par  le  pus.  Si  l'appareil  est  retiré  trop  tùl,  alors  qu'il  existe 
encore  une  cavité,  il  peut  se  faire  que  l'orifice  cutané  se  ferme  provisoi- 


PLEURÉSIE.    P.   PURULENTE.    TRAITEMENT.  223 

i  rumen!  el  que,  le  pus  s'accumulant  peu  à  peu  clans  la  petite  poche  qui 
I  persiste,  de  nouveaux  accidents  se  reproduisent.  Quelles  que  soient  les 
i  précautions  prises,  il  reste  souvent  une  petite  fistule  qui  donne  à 
j  peine  quelques  gouttes  de  pus,  mais  dont  on  ne  peut  débarrasser  les 
i  malades. 

Moutard-Martin  établissant,  avec  l'incontestable  autorité  qu'on  lui  con- 
naît sur  ces  matières,  la  valeur  comparative  des  différents  modes  de  trai- 

;  tement  que  nous  venons  d'indiquer,  donne  la  préférence  au  siphon  de 

iPotain,  qui  vide,  la  plèvre  à  fond,  et  permet  de  la  laver  aussi  complète- 
ment que  possible,  tout  en  s'opposant  à  l'entrée  de  l'air.  Il  place  ensuite 

,à  peu  près  au  même  rang  le  drain  de  Chassaignac,  qui  évacue  complète- 
ment la  plèvre,  mais  ouvre  à  l'air  un  libre  accès  et  rend  les  lavages  diffi- 

i  ciles,  et  les  canules  métalliques  ou  élastiques,  qui  facilitent  les  injections, 
mais  ne  vident  pas  toujours  très-bien  la  plèvre  et  finissent  par  laisser 
pénétrer  l'air. 

Nous  avons  vu,  à  propos  de  l'anatomie  pathologique ,  qu'il  est  des 
variétés  de  pleurésie  purulente  qui  sont  rebelles  à  tous  les  traitements  : 
ce  sont  les  pleurésies  suppurées  multiloculaires,  dans  lesquelles  la  tho- 
racentèse  ouvre  une  ou  plusieurs  loges,  sans  que  la  communication  soit 
facile  entre  les  divers  compartiments,  de  sorte  que  les  lavages  n'ont  qu'un 
i  effet  incomplet  et  ne  sauraient  empêcher  l'altération  putride  du  pus  dans 
les  cavités  soustraites  à  son  action. 

L'emploi  de  la  thoracentèse  et  des  appareils  à  écoulement  continu 
est  d'ordinaire  suivi  d'une  amélioration  persistante  ou  passagère  :  l'état 
général  s'amende  rapidement,  les  sueurs  nocturnes  disparaissent,  l'appé- 
tit renaît,  la  diarrhée  cesse,  la  fièvre  tombe,  le  pus,  s'il  etiit  fétide,  sort 
inodore,  il  diminue  d'abondance  et  devient  plus  fluide.  Si  la  modifica- 
tion favorable  se  maintient,  la  guérison  survient,  et  après  un  délai  quel- 
quefois très-long  la  suppuration  se  tarit,  le  kyste  pleural  est  revenu  sur 
lui-même  et  la  plaie  extérieure  se  ferme  ou  laisse  une  fistule  qui  fournit 
à  peine  quelques  gouttes  de  pus. 

Mais,  trop  souvent,  cette  amélioration  est  éphémère,  et  tous  les  traite- 
ments que  nous  avons  passés  en  revue  sont  rendus  inutiles  par  la  com- 
position du  liquide  qui,  nous  le  savons,  n'est  pas  homogène  et  constitué 
exclusivement  par  du  pus,  mais  tient  en  suspension  des  flocons  fibrineux. 
des  lambeaux  de  pseudo-membranes,  des  hydatides,  parfois  même  des 
paquets  gangréneux  dus  au  sphacèle  des  couches  superficielles  du  pou- 
mon. Ces  débris  infiltrés  de  pus  pouvant,  nous  l'avons  vu,  se  putréfier 
et  amener  des  accidents  d'infection  putride,  il  importe  de  leur  ouvrir  une 
issue  qu'ils  ne  peuvent  se  frayer  à  travers  des  tubes  plus  ou  moins  étroits. 
Lors  donc  que,  malgré  l'emploi  des  canules  à  demeure,  du  drainage,  du 
siphon  de  Polain.  on  verra  se  reproduire  des  symptômes  fâcheux  de  putri- 
dité.  lorsque  le  pus,  redevenu  fétide,  sortira  chargé  de  grumeaux,  de 
détritus  plus  ou  moins  volumineux,  ou  bien  lorsque,  par  un  inconvénient 
commun  à  ces  divers  appareils,  ils  seront  obstrués  par  les  produits  plas- 
tiques qui  nagent  dans  le  pus,  el,  refusant  tout  service,  exposeront  le 


I 


224 


PLEURÉSIE.           P.   POHULEM  l  .    1  HAITKME.NT. 


malade  aux  graves  accidenls  de  la  résorption  putride,  il  faudra  songer 
alors  à  pratiquer  l'cmpyème. 

Empyèine.  —  L'opération  de  l'empyèmc  consiste  à  faire  entre  deux 
côtes,  à  la  partie  inférieure  de  la  poitrine,  une  large  ouverture  qui  per- 
mette au  contenu  de  la  plèvre  de  s'échapper  facilement,  et  aux  injec- 
tions modificatrices  ou  antiputrides  d'être  aisément  faites  et  répétées 
à  volonté.  Moutard-Martin,  qui  a  tiré  de  ce  mode  de  traitement  des  résul- 
tats remarquables,  conseille  de  pratiquer  l'opération  comme  il  suit  :  on 
choisit  l'espace  intercostal  sur  lequel  portera  l'incision,  c'est  générale- 
ment le  huitième,  mais  il  n'y  a  là  rien  d'absolu,  et  on  ne  peut  être  fixé  que 
par  l'examen  du  malade,  d'après  la  forme  de  la  poitrine  et  la  direction 
plus  ou  moins  oblique  des  côtes.  On  trace  à  l'encre,  suivant  le  bord  supé- 
rieur de  la  côte,  une  ligne  longue  d'environ  six  centimètres  et  dépassant 
en  arrière  la  ligne  axillaire  postérieure,  puis  on  attire  la  peau  un  peu 
en  haut,  et  on  l'incise  à  trois  ou  quatre  millimètres  au-dessous  du  trait 
marqué.  Ce  relèvement  de  la  peau  a  pour  but  de  rendre  l'incision  cuta- 
née un  peu  déclive  par  rapport  à  la  plaie  des  parties  profondes,  de  façon 
que  les  liquides  venant  de  la  plèvre  n'aient  pas  de  tendance  à  s'infil- 
trer dans  le  tissu  cellulaire  sous-cutané.  On  sectionne  ensuite  les  parties 
molles  jusqu'à  la  côte,  puis,  faisant  glisser  le  bistouri  à  plat  sur  son  bord 
supérieur,  on  incise  les  parties  profondes  jusqu'à  la  plèvre,  après  avoir 
introduit  dans  la  plaie  l'index  gauche  qui  doit  guider  l'instrument,  le 
débridement  de  la  plèvre  ne  devant  être  opéré  qu'après  qu'on  a  bien 
reconnu  avec  le  doigt  dans  quel  sens  on  peut  le  diriger  sans  courir  de 
risques  de  léser  un  organe  profond.  On  devra  prendre  soin  de  donner 
plus  d'étendue  à  la  plaie  extérieure  qu'à  l'incision  profonde,  de  telle  sorte 
que,  la  section  allant  en  s'évasant  du  fond  à  la  surface,  l'air  ne  puisse  s'in- 
filtrer dans  les  tissus  par  le  fait  des  mouvements  respiratoires.  Une  fois 
la  plèvre  incisée,  le  pus  s'écoule;  on  fait  alors  des  lavages  à  grande  eau, 
pour  enlever  ce  qui  peut  rester  de  pus.  La  plaie  doit  être  maintenue 
béante,  à  l'aide  d'une  lame  mince  de  caoutchouc  découpée  en  lanières  et 
introduite  dans  la  plaie,  pendant  que  l'extrémité  libre  est  collée  à  la  peau 
avec  de  la  baudruche.  Toute  tentative  pour  s'opposer  à  l'entrée  de  l'air 
est  vaine  et  va  à  l'encontre  du  but  que  l'on  se  propose,  de  laver  aisément 
la  plèvre  et  de  laisser  une  grande  facilité  à  l'issue  du  pus. 

Pour  faire  les  lavages,  Moutard-Martin  fait  coucher  le  malade  sur  le 
côté  sain,  et  après  avoir  mis  en  place  la  canule  thoracique  du  siphon  de 
Potain,  appareil  auquel  il  donne  à  juste  titre  la  préférence,  il  remplit  la 
plèvre  d'eau  légèrement  iodée,  qu'il  évacue  ensuite  par  la  branche  infé- 
rieure du  siphon.  Ce  système  a  l'avantage  de  mettre  toute  la  surface 
malade  en  contact  avec  le  liquide  modificateur,  et  de  ne  pas  agir  avec, 
violence,  ce  qui  romprait  les  adhérences. 

A  l'aide  de  cette  opération  combinée  avec  l'emploi  du  siphon  de  Potain, 
Moutard-Martin  a  obtenu  douze  guérisons  sur  dix-sept  cas.  Des  cinq 
malades  qui  succombèrent,  l'un  avait  des  cavernes,  un  autre  était  suspect 
de  tuberculose,  un  troisième  avait  une  pleurésie  à  plusieurs  loges,  dont 


PLEURÉSIE.  —  TRAITEMENT.  225 

les  lavages  ne  pouvaient  modifier  qu'un  petit  nombre,  le  pus  s'altérant 
dans  les  autres  et  amenant  l'infection  putride.  Il  convient  d'ajouter  que 
la  proportion  des  guérisons  n'est  pas  toujours  aussi  considérable,  et  que, 
depuis  la  publication  de  l'excellent  travail  du  médecin  de  l'Ilôtel-Dicu, 
on  a  rapporté  un  certain  nombre  de  cas  de  mort. 

L'opération  de  l'empyème  est  souvent  préférable  à  tous  les  autres  pro- 
cédés, non-seulement  à  cause  de  l'issue  continuelle  du  pus,  de  la  faci- 
lité des  injections  et  des  lavages,  mais  surtout  parce  que  seule  elle  permet 
la  sortie  de  tous  les  produits  solides  contenus  dans  la  cavité  pleurale, 
quels  qu'en  soient  le  volume  et  la  nature. 

La  guérison  de  la  pleurésie  purulente  est  souvent  très-longue  à  se  pro- 
duire à  la  suite  de  l'empyème  ;  après  l'opération,  il  survient  d'ordinaire 
une  amélioration  marquée',  puis  la  suppuration  reprend  de  l'odeur,  des 
signes  d'infection  putride  surviennent  ;  mais  sous  l'influence  de  lavages 
plus  multipliés,  d'une  alimentation  plus  réparatrice,  les  accidents  tom- 
bent: peu  à  peu  la  cavité  pleurale  diminue  de  capacité,  ce  que  l'on  recon- 
naît à  la  quantité  de  liquide  de  moins  en  moins  grande  qu'elle  admet 
lors  des  lavages  ;  puis  au  bout  d'un  temps  assez  long,  variant  de  quel- 
ques semaines  à  plusieurs  mois,  la  cavité  se  comble  complètement,  les 
injections  ne  pénètrent  plus  et,  dans  l'intervalle  des  pansements,  il 
s'écoule  seulement  quelques  gouttes  d'un  liquide  à  peine  louche.  Quel- 
quefois la  guérison  du  kyste  pleural  est  semée  d'épisodes  inquiétants,  et 
d'alternatives  où  l'on  voit  reparaître  les  symptômes  de  pulridité.  Comme  à 
la  suite  des  autres  opérations,  on  voit  ici  des  fistules  persister  après  la  gué- 
rison, et  résister  à  tous  les  efforts  du  médecin.  Enfin,  dans  un  certain  nom- 
bre de  cas,  la  suppuration  est  intarissable,  le  kyste  n'a  aucune  tendance 
â  la  cicatrisation  et  les  malades  meurent  épuisés  par  la  fièvre  hectique. 

Malgré  ses  avantages,  l'empyème  impose  aux  malades  une  opération 
grave  à  laquelle  il  ne  faudra  jamais  recourir  que  lorsque  des  accidents 
sérieux  mettront  la  vie  en  danger  :  il  sera  donc  sage  de  n'en  venir  à  celle 
extrémité  qu'après  avoir  essayé  des  procédés  exigeant  un  traumatisme 
moindre  :  la  thoracentèse  avec  injections,  le  trocart  de  Dieulafoy,  le 
.siphon  de  Polain  (Voy.  art.  Poitrine,  thoracenlèse). 

Le.  traitement  médical  n'a,  dans  la  guérison  de  la  pleurésie  suppuréc, 
■  qu'une,  influence  secondaire  qu'il  sera  bon,  néanmoins,  de  ne  pas  négli- 
|  ger.  Les  malades  chez  lesquels  on  est  amené  à  pratiquer  l'ouverture  de 
1  la  plèvre  sont  souvent  dans  un  état  de  cachexie  et  de  dépérissement 
;  assez  marqués;  on  devra  faire  appel  à  tous  les  agents  thérapeutiques  de 
i  nature  à  relever  les  forces  et  à  favoriser  l'effort  qui  s'opère  vers  la  guéri- 
:son  :  alimentation  réparatrice  et  de  facile  digestion,  viande  crue,  vin  pur 
i  et  alcool  en  petite  quantité,  quinquina,  arséniate  de  soude,  etc.  Duboué 
i  (de  Pau)  a  conseillé  l'usage  du  tannin  à  haute  dose,  dont  il  aurait  éprouvé 
Iles  bon?  résultats  pour  tarir  la  suppuration.  La  diarrhée,  si  elle  se  pro- 
i  duit,  devra  être  combattue  par  les  agenls  spéciaux  qu'elle  indique;  mais 
souvent  cette  diarrhée  est  liée  à  l'odeur  fétide  du  pus  :  elle  est  un  symp- 
1  tome  de  putriditéet  elle  disparaît  quand  le  pus  cesse  de  s'altérer. 

NOLV.  DICT.  HÉD.  ET  CUIR.  XXYII1    lj 


22G       PLEURÉSIE.  —  p.  hémobrhagiqub.  —  causes,  pathogénie 

On  l'era  bien,  comme  le  recommande  Moutard-Martin,  de  multiplier- 
lés  lavages,  dont  l'insuflisance  est  souvent  la  seule  cause  des  échecs,  et  de 
placer  les  malades  de  façon  que  l'ouverture  pleurale  soit  à  la  partie  la 
plus  déclive,  ce  qui  rendra  l'écoulement  facile. 

Pleurésie  hémorrhagiqjje.  —  L'épanchement  de  la  pleurésie  simple  est 
chargé,  nous  l'avons  vu,  d'un  grand  nombre  de  leucocytes,  il  contient 
aussi  une  quantité  considérable  de  globules  rouges,  et  ces  derniers  ne 
font  pas  plus  la  pleurésie  hémorrhagique  que  les  premiers  ne  consti- 
tuent la  pleurésie  purulente.  Dans  la  pleurésie  franche,  le  liquide  peut 
renfermer  de  G00  à  3  ou  4,000  globules  rouges  sans  que  sa  coloration 
en  soit  troublée  ;  le  liquide  est  alors  hislologiquemenl  héi^orrhq^ique, 
comme  l'appelle  G.  Dieulafoy,  et  pour  lui  celte  richesse  de  l'épanche- 
ment en  globules  rouges  constituerait  une  phase  spéciale  de  la  pleurésie 
qui  doit  devenir  purulente,  phase  analogue  à  la  période  d'engouement, 
de  congestion,  de  la  pneumonie  et  des  autres  phlegmasies. 

Pour  qu'un  épanchernent  mérite  la  qualification  d' hémorrhagique  il 
faut  qu'il  renferme  des  hématies  en  telle  proportion  que  la  coloration 
rosée  ou  rouge  du  liquide  en  trahisse  la  présence. 

Causes,  pathogénîc.  —  Sous  l'influence  des  idées  de  Trousseau  et 
de  Barth,  on  est  accoutumé  à  considérer  la  pleurésie  hémorrhagique 
comme  étant  presque  toujours  d'origine  cancéreuse  ;  il  est  certain  que 
Y  hémothorax  est  fréquemment  lié  au  cancer  du  poumon  et  de  la  plèvre, 
mais  il  y  a  une  grande  exagération  à  regarder  les  deux  termes  comme 
synonymes.  D'une  part,  en  effet,  un  bon  nombre  de  pleurésies  hémor- 
rhagiques  ne  relèvent  pas  du  cancer,  et  d'ailleurs  l'épanchement  dù  au 
cancer  est  loin  d'être  toujours  hémorrhagique. 

La  pleurésie  hémorrhagique  peut  être  simple  et  indépendante  d'une 
affection  organique,  l'hémorrhagie  est  alors  purement  la  conséquence  de 
la  phlcgrnasie  ;  elle  peut  être  liée  à  la  tuberculose  miliaire  pleuro-pulmo- 
naire,  au  cancer  du  poumon  ou  de  la  plèvre  ;  on  l'observe  encore,  mais 
plus  rarement  clans  les  fièvres  graves,  dans  la  rougeole,  le  purpura,  le 
scorbut,  et  enfin  dans  certaines  affections  dyscrasiques  dues  à  des  lésions 
rénales,  hépatiques,  ou  même  spléniques.  L'épanchement  hématique  est 
fréquent  lorsque  la  phlegmasie  est  la  conséquence  d'un  traumatisme; 
enfin  le  liquide  devient  sanglant  à  la  suite  d'une  aspiration  trop  éner- 
gique. 

Quand  l'hémolhorax  est  simple  il  est  tantôt  lié  à  la  pleurésie  séro-lîbri- 
neuse  commune,  et  tantôt  résulte  de  la  présence  des  néomembranes. 
Dans  le  premier  cas,  l'hémorrhagie  est  due  à  la  violence  du  processus 
phlegmasiquô  :  les  petits  vaisseaux  de  la  plèvre  subissent  une  dilatation 
anormale,  la  poussée  fluxionnaire  peut  être  assez  forte  pour  les  rompre, 
il  en  résulta  une  hémorrhagie  plus  ou  moins  abondante;  celle-ci  a  lieu 
soit  par  rupture  des  vaisseaux  de  la  plèvre,  soit  par  diapédése  ;  elle  est 
contemporaine  de  l'exsudation  fibrineuse  cl  due  à  l'intensité  de  la  phleg- 
masie qui  l'a  produite. 

L'autre  forme  d'héiuothorax  inflammatoire  simple  est  analogue  pour  le 


PLEURESIE.    P.   HÉM0KHIIAG1QUE.    DIAGNOSTIC.   PKOMOSTIC.  227 

mécanisme  à  la  pachyméningite,  à  la  péricardite  et  à  la  péritonite  hé- 
morrbagique, à  î'hématocèle  de  la  vaginale;  c'est  un  véritable  héma- 
tome pleural  ou  pleurésie  néo-membraneuse.  La  pseudo-membrane  fibri- 
neuse  est  envabie  à  une  période  plus  ou  moins  avancée  de  la  maladie 
par  le  tissu  embryonn;iire,  qui  forme  bientôt  des  néomembranes  orga- 
nisées et  parcourues  par  des  vaisseaux  nouveaux  à  parois  minces  et 
fragiles.  La  persistance  de  l'inflammation  ou  de  nouvelles  poussées 
phiegmasiques  peuvent  congestionner  ces  vaisseaux  et  en  provoquer  la 
rupture  :  il  se  produit  alors  dans  le  kyste  néo-membraneux  une  hé- 
morrhagie  exactement  semblable  par  son  mécanisme  à  l'bématome  de 
la  dure-mère.  L'épanchement  sanguin  offre  de  nombreuses  variétés  de 
couleur  et  de  quantité  :  ordinairement  il  est  rougeàtre,  quelquefois  san- 
glant, contenant  ou  non  des  caillots  ;  il  peut  être  assez  abondant,  et  l'on 
;i  pu  extraire  par  la  [jonction  jusqu'à  4  litres  de  liquide  séro-fibrineux 
inflammatoire,  ou  purement  séro-sanguin. 

L'bémotborax  peut  accompagner  la  pleurésie  tuberculeuse.  D'après  les 
recherches  de  R.  Moutard-Martin,  c'est  seulement  dans  la  tuberculose 
miliairc  pulmonaire  ou  pleuro-pulmonaire  que  l'on  rencontre  un  épan- 
chement  hémorrhagique.  Les  granulations  tuberculeuses  siègent  soit  dans 
la  plèvre  elle-même,  soit  dans  le  parenchyme  du  poumon  au  voisinage 
de  la  surface,  soit  enfin,  et  c'est  là  leur  disposition  la  plus  fréquente, 
dans  l'épaisseur  des  fausses  membranes  organisées  dues  à  l'inflammation 
pleurale;  c'est  la  rupture  de  leurs  vaisseaux  qui  fait  suinter  le  sang  dans 
la  cavité  pleurale.  L'épanchement.  de  teinte  plus  ou  moins  foncée,  est 
ici  peu  abondant,  il  dépasse  rarement  un  litre. 

Dans  riu'niolhorax  cancéreux  le  sang  peut  être  versé  par  les  vaisseaux 
de  produits  inllammatoires  développés  sur  la  plèvre  au  voisinage  du 
néoplasme,  mais  il  peut  venir  aussi  .-oit  des  vaisseaux  de  la  tumeur  elle- 
même,  soit  de  ceux  (pie  le  produit  nouveau  rencontre  dans  sa  marche,  et 
dont  il  détermine  l'ulcération.  Le  premier  cas  seulement  constitue  la 
pleurésie  hémorrhagique  cancéreuse.  Le  siège  primitif  du  cancer  est  ra- 
rement dans  la  plèvre,  quelquefois  il  est  dans  le  poumon,  mais  il  est 
bien  plus  commun  que  ce  dernier  organe  ne  soit  pris  que  secondaire- 
ment, souvent  le  point  de  départ  du  mal  est  dans  les  ganglions  du 
médiaslin.  R.  Moutard-Martin  signale  la  disposition  multiloculaire  des 
fausses  membranes  qui  accompagnent  la  pleurésie  cancéreuse. 

La  présence  du  sang  dans  le  liquide  pleurétique  extrait  par  la  thora- 
cenlèse  peut  être  encore  due  à  une  aspiration  trop  rapide  et  trop  complète; 
il  arrive  alors  que  les  vaisseaux  des  fausses  membranes  se  rompent  soit 
par  une  expansion  trop  brusque  du  poumon  déchirant  les  néomein- 
brancs  qui  le  brident,  soit  par  un  afflux  trop  précipité  du  sang  dans  les 
vaisseaux  longtemps  comprimés,  lors  de  la  disparition  subite  de  l'épan- 
chement. 

I>ïagnostic.Pi>onostic. — La  pleurésie  hémorrbagique,  quelle  qu'en 
soit  l'origine,  n'a  pas  de  symptômes  spéciaux;  une  fois  1  epanchcmenl  con- 
staté, à  l'aide  des  signes  physiques  ordinaires,  on  n'a  aucun  moyen  d'en 


228      TLEURKSIE.  —  p.  hkmoiuuiagique.  —  diagnostic,  pronostic. 

reconnaître  la  nature.  Tout  au  plus  pourrait-on  soupçonner  que  le  liquide 
est  hémalique,  s'il  existait  des  signes  de  tuberculose  miliaire,  pleuro-pul- 
monaire,  ou  des  symptômes  de  tumeur  cancéreuse  tlioracique,  et  qu'en 
même  temps  on  trouvât  à  l'auscultation  le  signe  de  Baccelli  indiquant 
que  le  liquide  n'est  pas  purement  séreux.  Dans  le  cas  de  cancer  pleuro- 
pulmonaire,  on  n'aurait  encore  qu'une  présomption  sur  l'existence  d'un 
épanchement  hémorrhagique,  car  les  recherches  de  IL  Moutard-Martin 
établissent  que  dans  le  cancer  tlioracique  l'épanchemcnt,  qui  n'existe 
que  trois  l'ois  sur  huit,  n'est  hémorrhagique  qu'une  foi. s  sur  Irois. 

Presque  tou  jours  il  en  faudra  venir  à  la  thoracenlèse  pour  être  éclairé  sur 
la  nature  du  liquide.  Lorsque  la  ponction  ne  sera  pas  simplement  explo- 
ratrice, mais  imposée  par  l'abondance  de  l'épanchemcnt,  on  sera  presque 
en  droit  d'exclure  l'hypothèse  d'une  tuberculose,  le  liquide  étant  dans  ce 
cas  rarement  assez  copieux  pour  exiger  la  thoracentèse.  L'examen  hislolo- 
gique  de  l'épanchemcnt  pourra,  dans  quelques  cas,  fixer  le  diagnostic  en 
établissant  la  présence  d'éléments  qui  permettront  d'affirmer  l'origine 
cancéreuse  du  liquide. 

L'épanchement  hémorrhagique  étant  donné,  le  diagnostic  se  réduira  à 
en  connaître  la  cause  :  on  devra  songer  d'abord  au  cancer  dont  il  faudra 
chercher  la  trace  dans  les  antécédents  héréditaires  et  personnels  du  ma- 
lade. On  reviendra  sur  l'examen  de  la  poitrine,  qui  apprendra,  il  est  vi  li, 
peu  de  choses,  lorsque  le  néoplasme  existera  à  l'état  d'infiltration,  mais, 
s'il  est  sous  forme  de  masses,  où  s'il  s'agit  d'une  tumeur  du  médiasthr, 
on  pourra  constater  des  signes  de  compression  intra-thoracique  dus  à 
la  présence  d'une  tumeur,  et  une  adénopathie  bronchique  qui  se  répétera 
pour  les  ganglions  sus-claviculaires.  Un  œdème  de  la  paroi  tlioracique 
plus  étendu  que  celui  de  la  pleurésie  purulente,  dù  à  la  gêne  de  la  cir- 
culation veineuse  et  limité  à  la  partie  sus-diaphragmatique  du  corps;  la 
dyspnée  et  le  cornage  par  compression  des  bronches  ou  de  la  trachée;  la 
toux  coqueluchoïde  ou  une  névralgie  intercostale  fixe  et  opiniâtre  par 
compression  des  cordons  nerveux,  auront  encore  une  grande  signification 
au  point  de  vue  du  cancer;  enfin  la  phlegmalia  et  les  signes  de  la  ca- 
chexie cancéreuse  ne  laisseront  aucun  doute.  Ajoutons  que,  en  pareil  cas, 
la  thoracentèse,  après  avoir  évacué  un  épanchement  souvent  très-abondant, 
n'apporte  aucun  soulagement,  ne  modifie  en  rien  les  symptômes,  et  que 
la  plèvre  se  remplit  rapidement. 

La  pleurésie  hémorrhagique  simple,  bien  moins  rare  que  l'hémothorax 
tuberculeux,  est  la  seule  que  Ton  ait  intérêt  à  distinguer  proniptenient  de 
la  pleurésie  cancéreuse.  Le  diagnostic  est  aisé,  d'ordinaire  la  pleurésie 
hémorrhagique  simple  a  débuté  par  une  pleurésie  franche,  sans  antécé- 
dents d'aucun  genre;  la  ponction  modifie  rapidement  les  signes  locaux  et 
le  liquide  ne  se  reproduit  pas. 

On  reconnaîtra  la  pleurésie  tuberculeuse  à  la  minime  quantité  du  li- 
quide et  aux  signes  insidieux  de  la  tuberculose  miliaire  pleuro-pulmo- 
nairc. 

Le  pronostic  de  la  pleurésie  hémorrhagique  est  subordonné  à  la  lésion 


PLEURÉSIE.    P.   CHRONIQUE.    ÉTIOLOGIE.   ANATOMIE  PATHOLOGIQUE.  229 

qui  lui  a  donné  naissance  ;  absolument  grave  dans  les  pleurésies  cancé- 
reuse et  tuberculeuse,  il  est  en  général  favorable  dans  la  pleurésie  hémor- 
ragique simple  pour  laquelle  la  première  ponction  est  d'ordinaire  cura- 
trice: Nous  avons  vu  quelle  valeur  G.  Dieulafoy  accorde  à  la  pleurésie 
hislologiquement  hémorrhagique,  qui  serait  toujours  destinée  à  devenir 
purulente;  il  n'en  est  pas  de  même  de  la  pleurésie  franchement  hémorrba- 
gique  qui,  alors  même  qu'elle  ne  guérit  pas  dès  la  première  ponction  et  en 
exige  plusieurs,  persiste  à  l'état  hémorrhagique  et  ne  passe  pas  à  la  suppu- 
ration. Cependant  nous  avons  observé  à  l'Hôpital  Temporaire  un  cas  de 
pleurésie  hémorrbagique  simple,  dans  lequel  l'épancbcment  assez  abon- 
dant et  composé  de  sang  presque  pur  résista  à  plusieurs  thoracentèses 
après  chacune  desquelles  il  se  reproduisit  en  se  modifiant  graduellement, 
jusqu'à  devenir  franchement  purulent.  G.  Dieulafoy  a  cité  deux  faits  ana- 
logues, mais  ce  sont  là  des  exceptions,  et  d'ordinaire  la  pleurésie  hémor- 
rhagique simple  se  termine  rapidement  par  la  guérison. 

Pleurésie  chronique.  —  Lorsque  la  durée  de  la  pleurésie  dépasse  six 
semaines  ou  deux  mois  sans  tendance  à  la  guérison,  ou  lorsque,  dès 
le  début,  sa  marche  est  lente  et  silencieuse,  la  maladie  est  chronique. 

Elle  peut  succéder  à  la  forme  aiguë  franche,  ou  être  d'emblée  chro- 
nique; elle  peut  être  primitive  ou  simple,  ou  bien  secondaire  et  dialhé- 
sique. 

Étiolog-ic.  —  Les  causes  de  la  pleurésie  chronique  simple  sont  celles 
de  la  pleurésie  franche  auxquelles  se  joint  l'influence  de  l'état  général;  il 
faut  un  certain  degré  de  vigueur  pour  résoudre  une  phlegmasie  :  chez  les 
sujets  de  constitution  originairement  débile,  ou  qui  momentanément  sont 
alfaiblis,  chez  les  anémiques,  les  alcooliques,  l'inflammation  séreuse, 
n'ayant. pas  la  môme  acuité  que  chez  les  individus  sains,  passera  facile- 
ment à  l'état  chronique;  un  traitement  irrationnel  ou  trop  peu  énergique 
aura  le  même  effet. 

Quant  à  la  pleurésie  secondaire,  souvent  chronique  dès  son  début,  elle 
est  d'ordinaire  liée  à  quelque  diathèse,  à  la  scrofule  et  surtout  à  la  tuber- 
culose; «  une  maladie  chronique  d'emblée  »,  dit  Peter,  «  est  une  maladie 
constitutionnelle  ».  La  pleurésie  chronique  est  donc,  le  plus  souvent,  une 
maladie  en  quelque  sorte  dialhésique  chez  des  individus  entachés  de 
dispositions  morbides  innées  ou  acquises. 

La  maladie  peut  tenir  aussi  à  une  lésion  locale,  soit  des  parois  thora- 
ciques  (carie  cosîale,  tumeurs  du  sein),  soit  du  poumon  (cancer,  tuber- 
culose, etc.). 

Anatomie  pathologique.  —  Les  détails  dans  lesquels  nous  sommes 
entré  à  propos  des  lésions  de  la  pleurésie  purulente  nous  permettront 
de  passer  rapidement  sur  les  caractères  nécroscopiques  de  la  pleurésie 
chronique. 

Ces  lésions  sont  très-analogues  à  celles  de  la  pleurésie  aiguë,  mais  avec 
un  développement  bien  plus  marqué.  Les  néomembranes  dues  à  la  proli- 
fération des  éléments  conjonctifs  de  la  plèvre  sont  épaisses,  denses,  ré- 
alités et  fortement  organisées  ;  elles  prennent  un  aspect  fibreux,  et 


250 


PLEURÉSIK.  — 


P.  CHRONIQUE.   


ANATOMIE  PATHOLOGIQUE. 


peuvent,  même  s'infiltrer  de  sels  calcaires  et  former  des  plaques  ossi- 
ibrmes.  Le  travail  inflammatoire  peut  se  propager  de  la  plèvre  costale  au 
périoste  sous-jacent,  il  en  résulte  la  formation  à  la  face  interne  de  la 
côte,  entre  le  périoste  et  l'os,  d'une  concrétion  osseuse,  sorte  de  côte 
surajoutée,  concentrique  à  la  première,  et  qui  donne  à  la  section  de  l'os 
une  figure  triangulaire  (Parise).  En  se  réunissant  d'une  face  à  l'autre,  les 
néomembranes  peuvent  former  des  adhérences  plus  ou  moins  étendues, 
ou  des  brides  allant  du  poumon  à  la  paroi  costale. 

Les  fausses  membr  anes,  adhérentes  à  la  paroi  ou  libres  dans  le  liquide, 
sont  assez  semblables  à  celles  de  la  pleurésie  aiguë,  mais  plus  épaisses, 
disposées  souvent  sous  forme  de  couches  stratifiées  d'âges  différents  ;  elles 
sont  devenues  très-résistantes,  fibroïdes  ou  même  cartilagineuses.  Elles 
peuvent  revêtir  toute  la  plèvre  en  formant  une  sorte  de  sac  ou  de  cavité 
close  incluse  dans  la  séreuse  :  c'est  le  kyste  pseudo-pleural  bien  décrit 
par  Oulmont.  Ce  kyste,  souvent  très-épais,  isole  complètement  l'épan- 
chement,  ce  qui  implique  l'inanité  des  moyens  employés  pour  activer  la 
résorption,  celle-ci  étant  diminuée,  sinon  complètement  supprimée  par 
l'épais  revêtement  pseudo-membraneux  qui  couvre  la  plèvre. 

Dans  la  pleurésie  tuberculeuse,  les  adhérences  du  poumon  aux  plèvres 
sont  communes.  Elles  sont  denses,  serrées,  résistantes,  et  sont  d'autant 
plus  dures  et  solides  que  le  point  du  poumon  auquel  elles  répondent  est 
plus  altéré;  au  sommet,  on  ne  peut  extraire  le  lobe  supérieur  que  par 
lambeaux.  Les  fausses  membranes  dans  les  quatre  cinquièmes  des  autopsies 
sont  infiltrées  de  tubercules  rarement  à  l'état  de  granulations  miliaires, 
mais  sous  forme  de  plaques  caséiformes. 

Le  liquide  épanché  peut  être  limpide  et  citrin,  plus  souvent  il  est  troublé 
par  la  présence  de  flocons  fibrineux  et  de  globules  de  pus.  Il  peut  être 
épais,  jaune  verdàtre,  entièrement  purulent  ou  bien  d'une  couleur  plus 
ou  moins  foncée  due  à  la  présence  du  sang.  Quelquefois  les  parties  les 
plus  fluides  de  l'épanchement  peuvent  être  résorbées,  l'exsudat  prend 
alors  un  aspect  caséeux.  Les  flocons  pseudo-membraneux  et  les  leucocytes 
flottant  dans  l'épanchement  peuvent,  quoique  rarement,  subir  la  méta- 
morphose granulo-graisseuse  et  former  avec  le  liquide  une  sorte  d'émul- 
sion  reprise  par  les  lymphatiques  (N.  Guéneau  de  Mussy).  Quelquefois 
le  kyste,  revenu  sur  lui-même,  constitue  une  sorte  de  long  tube  cartila- 
gineux à  contenu  caséiforme  et  concret. 

Le  poumon,  refoulé  et  condensé,  est  réduit  à  un  petit  volume  :  il  peut 
avoir  à  peine  un  à  deux  centimètres  d'épaisseur.  Son  tissu  dense,  rou- 
geâtre,  carnifié,  ne  crépite  plus  et  rappelle  l'état  fœtal;  il  peut  être  sain, 
mais  très-souvent  il  est  criblé  de  tubercules  plus  ou  moins  avancés.  Coiffé 
par  des  fausses  membranes  épaisses,  il  est  comprimé  contre  le  médiastin 
ou  le  rachis,  et  repoussé  vers  la  partie  supérieure  de  la  poitrine.  Débar- 
rassé des  fausses  membranes  qui  le  brident,  il  ne  reprend  plus  par  l'in- 
sufflation son  volume  initial. 

Comme  nous  le  verrons  plus  loin,  lorsque  le  liquide  s'est  résorbé  en 
partie,  la  paroi  thoracique  subit  des  déformations  caractéristiques. 


PLEURÉSIE.  — 


P.  CHRONIQUE. 


  SYMPTÔMES. 


251 


La  pleurésie  chronique  est  très-souvent  partielle,  et  limitée  aux  parties 
déclives;  elle  peut  être  sèclie  même  dans  la  forme  simple,  mais  bien 
plus  fréquemment  chez  les  tuberculeux;  alors  aussi  elle  est  partielle, 
mais  localisée  au  voisinage  du  sommet. 

Symptômes.  —  La  pleurésie  chronique  peut  commencer  par  l'état 
aigu  dont  elle  est  un  mode  de  terminaison,  ou  bien  être  primitivement 
chronique;  ces  deux  formes  ne  diffèrent  qu'au  début,  une  fois  l'épan- 
chement formé,  elles  se  confondent  dans  une  symptomatologie  commune. 

Lorsque  la  pleurésie  aiguë  aboutit  à  l'état  chronique,  la  transition  est 
quelquefois  marquée  par  la  disparition  complète  de  la  fièvre  et  de  la  dou- 
leur avec  persistance  des  signes  physiques;  mais  souvent  elle  est  difficile 
à  saisir,  et  l'on  ne  peut  s'aider,  pour  juger  le  début  de  l'état  chronique, 
de  la  durée  de  la  maladie,  une  pleurésie  aiguë  pouvant  devenir  chro- 
nique après  quinze  ou  vingt  jours;  dans  tous  les  cas,  une  durée  de  six  se- 
maines ou  deux  mois  implique  la  chronicité. 

Dans  la  forme  chronique  d'emblée,  le  début  est  très-insidieux,  et  ce 
n'est  qu'au  bout  d'un  temps  souvent  fort  long  qu'elle  se  caractérise.  Il 
n'existe  pas  de  douleur  de  côté,  mais  une  simple,  sensation  de  gêne;  la 
fièvre  est  nulle  ou  ne  paraît  que  vers  le  soir;  la  toux  est  rare  et  sèche; 
la  dyspnée  à  peine  marquée  au  repos  ne  s'accuse  que  dans  les  mouvements 
violents,  elle  ne  devient  notable  que  lorsque  l'épanchement  se  développe. 
Cet  état  de  simple  malaise,  qui  contraste  avec  la  gravité  de  l'affection, 
peut  se  prolonger  durant  des  semaines  et  même  au  delà.  Les  signes  phy- 
siques établissent  alors  la  présence  d'un  épanchement  peu  abondant  de  la 
plèvre. 

Quel  que  soit  le  mode  de  début,  à  un  moment  donné  les  symptômes 
sont  les  mêmes;  ils  sont  surtout  en  rapport  avec  l'existence  d'un  épan- 
chement considérable. 

Les  signes  physiques  sont  ceux  de  la  pleurésie  aiguë  :  néanmoins  le 
souffle  lubaire  et  les  bruits  pseudo-cavitaires,  souffle  caverneux  ou  ampho- 
rique,  gargouillement,  sont  plus  fréquents  dans  la  forme  chronique 
qui  détermine  la  condensation  graduelle  du  poumon  et  le  refoulement 
de  son  tissu  sur  les  gros  tuyaux  bronchiques.  L'égophonie  est  ici  beau- 
coup plus  rare  que  dans  la  pleurésie  commune;  exceptionnelle  au  début, 
elle  est  absolument  inconnue  dans  la  période  de  retour.  L'épanchement, 
souvent  si  considérable  dans  la  pleurésie  chronique,  entraîne  le  dé- 
placement des  viscères,  du  foie,  du  cœur,  de  la  rate  et  même  de  l'esto- 
mac. 11  y  a  alors  dilatation  de  la  poitrine  d'un  côté,  et  écartement  des 
espaces  intercostaux. 

Lorsque  la  pleurésie  est  sèche,  elle  est  caractérisée  par  des  frottements 
râpeux  le  plus  souvent  limités  au  sommet. 

La  marche  de  la  maladie  est  lente,  souvent  semée  d'exacerbations  avec 
accroissement  du  liquide;  celles-ci  indiquent  un  état  plus  aigu,  et  parfois 
à  la  suite  de  ces  poussées  inflammatoires  survient  une  amélioration. 

La  d  urée  de  la  pleurésie  chronique  est  illimitée  :  elle  peut  n'être  que 
de  trois  ou  quatre  mois,  ou  se  prolonger  pendant  six  mois,  un  an  et  plus. 


232  PLEURÉSIE!.  —  p.  chronique  secokdajrb. 

C'est  surtout  dans  les  cas  d'épanchcmcnt  séreux  que  la  maladie  dure  très- 
longtemps. 

La  pleurésie  chronique  aboutit  à  la  guérison,  ou  se  termine  par  la  mort. 

Lorsque  la  maladie  doit  guérir,  l'état  général  s'améliore  longtemps 
avant  que  les  signes  physiques  en  disent  rien.  Bientôt  la  matité  diminue 
d'étendue  et  d'intensité,  l'expansion  pulmonaire  revient  un  peu,  mais  le 
poumon  ne  reprend  jamais  son  volume  primitif;  le  thorax  dilaté  se  réduit 
peu  à  peu,  la  paroi  suivant  le  retrait  du  liquide.  Celle  modification  n'est 
pas  toujours  sensible  à  la  simple  vue,  et  l'on  fera  bien  de  pratiquer  La 
mensuration;  l'emploi  du  ruban  métrique  fera  suivre  avec  précision  la 
marche  du  liquide  et  permettra  d'éviter  une  ponction  inutile,  à  une  pé- 
riode où,  le  liquide  étant  résorbé,  des  fausses  membranes  épaisses  don- 
neraient encore  de  la  matité  et  laisseraient  croire  à  la  persistance  de 
l'épancbement. 

La  guérison  complète  se  fait  attendre  très-longtemps  :  elle  n'est  obtenue 
qu'au  prix  d'un  rétrécissement  du  côté  malade;  il  peut  y  avoir  ainsi  une 
différence  de  quatre  ou  cinq  centimètres  d'un  côté  à  l'autre.  L'épaule  du 
côté  atteint  est  abaissée,  le  mamelon  est  situé  plus  bas  et  le  côté  ma- 
lade plus  court  que  le  côté  sain.  Le  rachis  finit  par  décrire  une  courbure 
dont  la  concavité  est  tournée  vers  la  lésion,  et  les  malades  semblent  s'in- 
cliner de  ce  côté,  ce  qui  donne  à  leur  allure  quelque  chose  de  la  claudi- 
cation. A  un  degré  moindre,  le  rétrécissement  est  partiel  et  borné  à  la 
partie  inférieure  du  thorax. 

La  terminaison  favorable  peut  succéder  à  l'établissement  d'une  fistule 
pleuro-bronchique  ou  pleuro-cutanéc,  ce  qui  est  commun  dans  la  pleu- 
résie chronique  à  épanchement  purulent. 

Longtemps  même  après  la  disparition  de  l'épancbement.  la  respiration 
reste  incomplète;  le  côté  malade  conserve  toujours  une  élasticité  moindre, 
de  la  matité  et  de  la  faiblesse  du  murmure  respiratoire.  Les  malades  ne 
retrouvent  jamais  leur  état  primitif;  ne  respirant  presque  qu'avec  un 
seul  poumon,  ils  conservent  une  tendance  à  la  dyspnée  et  s'essoufllent au 
moindre  mouvement. 

Quand  l'issue  est  fatale,  elle  arrive  lentement;  elle  est  annoncée  par 
un  dépérissement  graduel,  la  fièvre  hectique,  la  pâleur,  l'œdème  qui,  des 
parois  costales,  gagne  le  reste  du  corps  ;  il  y  a  des  sueurs,  de  la  perle  de 
l'appélit  et  des  forces,  une  diarrhée  fétide  et  l'état  cachectique.  Souvent 
une  double  perforation  pulmonaire  et  thoracique,  en  entraînant  l'altéra- 
tion putride  du  contenu  de  la  plèvre,  donne  le  signal  de  ces  fâcheux  acci- 
dents, qui  n'arrivent  guère  que  dans  la  forme  purulente.  La  mort  peut 
être  due  encore,  dans  les  cas  surtout  où  répanchement  est  séreux  et 
très-abondant,  à  une  suffocation  brusque,  à  une  syncope,  tous  accidents 
que  nous  avons  indiqués  dans  la  pleurésie  aiguë. 

Pleurésie  cmoïHQftE  secondaire.  —  Nous  avons  vu  qu'elle  peut  tenir 
à  des  lésions  locales  des  parois  thoraciques  ou  du  poumon,  mais  dans  la 
grande  majorité  des  cas  elle  dépend  de  la  tuberculose;  les  symptômes  de 
celle  variété  sont  les  mêmes  que  ceux  de  la  pleurésie  chronique  simple, 


PLEURÉSIE.  —  P,  CHRONIQUE  SECONDAIRE. 


233 


mais  ils  empruntent  souvent  une  physionomie  spéciale  au  développement 
simultané  île  la  phthisie,  à  l'étude  de  laquelle  ils  se rattachent  {Voy.  Phthisie 
pulmonaire,  t.  XXVII,  p.  215).  Nous  nous  bornerons  à  passer  ici  en  revue 
les  différentes  formes  de  pleurésie  qui  sont  liées  à  la  tuberculose;  ce 
sont  :  1°  la  pleurésie  sèche,  qui  siège  d'ordinaire  au  sommet;  elle  est 
due  à  de  petites  pblegmasies  partielles  déterminées  par  l'apparition  de 
granulations  sur  la  membrane  séreuse.  Ces  poussées  s'accompagnent  de 
la  formation  de  fausses  membranes  et  d'adhérences;  elles  donnent  lieu 
à  des  douleurs  thoraciques  spontanées  ou  provoquées.  Toutefois,  lorsque 
les  fausses  membranes  qu'elle  développe  sont  très-épaisses,  la  pleurésie 
sèche  peut  donner  un  peu  d'obscurité  du  son  de  percussion,  mais  on  la 
reconnaît  surtout  par  les  craquements  secs  et  les  frottements  que  per- 
çoit l'oreille.  L'existence  d'une  pleurésie  sèche  du  sommet  est  très- 
significative  :  elle  indique  d'une  façon  presque  certaine  la  présence  de 
tubercules  pulmonaires. 

2°  Tuberculose  pleurale.  Le  développement  de  granulations  tubercu- 
leuses sur  les  plèvres  peut  être  aigu  ou  chronique.  Dans  le  premier  cas, 
la  détermination  pleurale  estime  des  manifestations  de  la  phthisie  aiguë; 
elle  est  souvent  accompagnée  de  tuberculose  séreuse  généralisée.  Elle  peut 
être  sèche,  mais,  le  plus  souvent,  elle  provoque  la  formation  d'un  épanche- 
ment,  et,  comme  la  poussée  granulique,  atteint  les  deux  plèvres,  l'épan- 
chement  est  double.  En  même  temps  on  observe  des  manifestations  abdo- 
minales. Le  diagnostic  de  cette  forme  de  pleurésie  est  facile  :  dissémination 
des  lésions,  fièvre  rémittente  avec  oscillations  très-marquées  de  la  courbe 
thermique,  étal  typhoïde,  etc.  {Voy.  PnTiusiE  aiguë,  t.  XXVlf,  p.  521.) 

Lorsque  la  tuberculose  pleurale  est  chronique,  les  granulations  ont  leur 
évolution  ordinaire,  elles  se  développent  sur  les  plèvres  et  plus  souvent  en- 
core sur  les  néomembrancs,  où  on  les  trouve  sous  forme  de  plaques,  de 
masses  caséeuses.  L'épanchemcnt  est  tantôt  séreux,  tantôt  il  est  séro-puru- 
lent;  la  nature  purulente  du  liquide  est  d'ailleurs  loin  d'être  aussi  inti- 
mement liée  qu'on  l'avait  cru  à  la  tuberculose,  et  il  est  fréquent  de  trouver 
à  l'autopsie  un  épanebement  purement  séreux  chez  des  sujets  morts  avec 
une  pleurésie,  à  une  période  avancée  de  la  phthisie,  tandis  que  dans  cer- 
tains cas  de  pleurésie  purulente  on  ne  trouve  pas  traces  de  tubercules. 
Souvent  l'épanchement  est  double  et  prend  alors  une  valeur  diagnostique 
sur  laquelle  Louis  a  beaucoup  insisté  :  sur  cent  cinquante  plcuréliques, 
il  n'avait  vu  d'épanchements  doubles,  en  dehors  du  rhumatisme,  que 
i  dans  la  gangrène  ou  dans  la  tuberculose.  L'apparition  d'un  épancher 
i  ment  double  chez  un  sujet  sain  en  apparence  est  donc  une  présomption 
i  de  tuberculose. 

5°  Pleurésies  accidentelles.  Il  est  enfin  une  dernière  variété  de  pleu- 
résies liées  à  la  pbymatose,  ce  sont  celles  qui  se  produisent  accidentelle- 
ment chez  un  tuberculeux  ou  chez  un  sujet  que  ses  antécédents  héréditaires 
exposent  à  le  devenir.  Il  est  probable  qu'il  faut  singulièrement  restreindre 
le  nombre  de  ces  pleurésies,  qui  seraient  purement  fortuites  et  n'auraient 
pas  pour  origine  une  lésion  antérieure  de  la  plèvre.  Nous  croyons,  avec 


234  PLEURÉSIE..—  p.  OHnomQDB  secondaire. —  traitement. —  bibliographie. 

Hérard  cl  Cotoih  que  dans  la  majorité  des  cas  les  pleurésies  qui  se  mon- 
trent chez  les  tuberculeux  sont  ducs  au  développement  des  granulations 
dans  la  plèvre.  Dans  les  cas  où  une  pleurésie  développée  chez  un  sujet  sain 
en  apparence  a  été  suivie  à  plus  ou  moins  longue  échéance  de  l'apparition 
des  symptômes  de  la  phthisie  pulmonaire,  on  a  souvent  accusé  l'affection 
pleurale  d'avoir  provoqué  l'éclosion  des  tubercules  dans  le  poumon  ;  c'était 
l'opinion  de  Trousseau  et  celle  de  Grisolle.  11  est  probable  que  la  lésion 
suit  une  marche  inverse;  il  y  a  d'abord  des  granulations  limitées  à  la 
plèvre  qui  déterminent  une  pleurésie  qui  peut  guérir  et  reparaître  à  plu- 
sieurs reprises;  tant  que  les  tubercules  sont  limités  à  la  séreuse,  la  santé 
peut  se  maintenir,  et  ce  n'est  que  lorsque  les  lésions  spécifiques  enva- 
hissent le  poumon  que  l'on  reconnaît  la  tuberculose.  La  marche  des 
pleurésies  accidentelles  chez  les  tuberculeux  est  chronique  ou  subaiguë, 
J'épanchement  est  quelquefois  purulent  ou  séro-purulent,  bien  souvent 
aussi  il  est  séreux. 

Aran  avait  supposé  que  la  pleurésie  droite  était  plus  spécialement  en 
rapport  avec  le  développement  de  la  phthisie,  et  qu'un  épanchement  à 
droite  était  un  fâcheux  indice  et  une  menace  pour  l'avenir.  L'expérience 
hasée  sur  un  grand  nombre  d'observations  n'a  pas  confirmé  ces  idées,  qui 
étaient  sans  doute  l'effet  d'une  généralisation  trop  prompte,  et  l'on  voit 
indifféremment  des  pleurésies  droites  ou  gauches  arriver  à  la  guérison, 
ou  être  suivies  de  symptômes  de  tuberculose. 

Traitement.  —  Lorsque  la  maladie  n'est  pas  trop  ancienne,  et  que 
le  processus  inflammatoire  n'est  pas  complètement  éteint,  on  pourra  tirer 
quelques  avantages  de  l'emploi  des  révulsifs  cutanés,  vésicatoires,  tein- 
ture d'iode,  et  des  émissions  sanguines  locales  sous  forme  de  ventouses 
scarifiées,  si  l'état  des  forces  le  permet.  Quand  l'épanchement,  par  son 
abondance,  sera  un  danger  pour  le  malade,  si  le  cœur  est  déplacé,  s'il  y 
a  imminence  de  suffocation,  de  syncope  ou  d'accidents  graves,  on  pourra 
être  amené  à  pratiquer  la  thoracentèse  d'urgence. 

Si  enfin,  la  maladie  n'étant  pas  trop  ancienne,  on  peut  espérer  que  les 
fausses  membranes  qui  brident  le  poumon  pourront  encore  céder  et  lui 
permettre  de  reprendre  sa  place,  on  devra  tenter  l'aspiration  suivie 
d'injections  iodées.  Mais,  quand  la  pleurésie  date  de  loin,  on  doit  re- 
noncer à  l'espoir  de  voir  les  deux  feuillets  de  la  plèvre  se  rapprocher  et 
venir  au  contact.  En  présence  d'une  pleurésie  tuberculeuse,  il  conviendra 
d'èlre  réservé  dans  l'emploi  de  la  thoracentèse,  et  de  ne  la  pratiquer  que 
pour  parera  des  accidents  sérieux:  en  dehors  de  cette  indication,  il  con- 
viendra de  s'abstenir  d'une  intervention  qui  n'aurait  aucune  espèce  de 
chances  curatives  et  amènerait  à  peine  un  soulagement  éphémère. 

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Dunois  (Paul),  Etude  clinique  sur  quelques  cas  de  pleurésie  diaphragmatique,  thèse  de 
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Fkantzel,  Krankheilen  der  Pleura  (Ziemssen's  Handbuch  der  specicllen.  Pathologie  und  Thé- 
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258 


PLEURODYNIE.  —  symptômes. 


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Vortrâge,  n*  43. 

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Potain,  Pleurésie  et  thoraccnlèse.  Comiiiunication  au  Congrès  de  l'Associât,  franc,  scientilique 
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de  Paris,  4878,  n°  171. 

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Fehnet,  Déplacement  réel  et  déplacement  appar.  du  cœur  dans  les  épancbemenls  pleur.  (Bull. 

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Piaïnaud  (Maurice),  De  la  pleurésie  multiloculaire  [Bullet.  de  l'Acad.  de  méd.,  1879). 
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Hehuel  (G.),  Étude  sur  la  pleurésie  diaphragmatique,  th.  de  Paris,  1879. 

Ch.  Fekket  et  Elg.  d'IIeilly. 

PUEURODYNIE.  —  La  pleurodynie  (rcXeopou  ô86vv),  douleur  de 
côté)  est  le  rhumatisme  musculaire  des  parois  thoraciques  ;  c'est  une  des 
espèces  les  plus  fréquentes.  Rare  dans  l'enfance,  elle  est  plus  commune 
chez  l'adulte  et  le  vieillard  ;  on  l'observe  aussi  plus  souvent  chez  les  gens 
adonnés  aux  affections  manuelles  et  obligés  à  des  efforts  violents. 

On  a  rarement  l'occasion  de  pratiquer  l'examen  nécroscopique  des 
muscles  atteints,  et  lorsqu'une  maladie  intercurrente  entraîne  la  mort, 
on  n'observe  guère  que  des  résultats  négatifs.  U  n'existe  aucune  modifi- 
cation dans  la  couleur,  le  volume  ou  la  consistance  des  muscles,  et  si 
quelquefois  on  a  trouvé  de  la  suppuration,  c'est  qu'on  a  pris  pour  le 
rhumatisme  musculaire  un  phlegmon  sous-aponévrolique  ou  un  abcès 
métastatique.  Si  l'affection  est  chronique  et  ancienne,  il  peut  cependant 
y  avoir  décoloration  et  atrophie  du  tissu  musculaire,  mais  c'est  là  une 
lésion  consécutive.  Parfois  on  trouve  des  altérations  plus  profondes,  et  la 
plèvre  est  intéressée.  La  phlegmasie  rhumatismale  portant  sur  les  mus- 
cles pectoraux  et  grands  dentilés  peut,  surtout  quand  elle  est  violente, 
s'étendre  aux  muscles  intercostaux,  à  leur  aponévrose  profonde  et  à  la 
plèvre  pariétale;  on  trouve  alors  à  l'autopsie  un  exsudai  librineux 
limité  à  la  plèvre  costale  et  qui  est  le  veslige  d'une  pleurésie  sèche.  L'in- 
llammalion  rhumatismale  peut  mémo  aller  plus  loin,  et  donner  lieu  à 
l'exsudation  d'un  épauchement  liquide  en  faible  quantité. 

Symptômes.  —  C'est  une  affection  le  plus  souvent  purement  locale, 
sans  réaction  fébrile,  ou  provoquant  à  peine  un  peu  de  malaise  général. 
Plus  rarement  le  début  est  marqué  par  du  frisson,  de  la  lièvre,  delà  cour- 
bature, de  l'insomnie,  mais  le  mouvement  fébrile  tombe  rapidement. 
Une  fois  déclarée,  et  quel  que  soit  son  mode  de  début,  la  pleurodynie  se 


PLEURODYNIE.  —  symptômes.  23» 
traduit  par  deux  symptômes  essentiels  :  la  douleur  et  la  gène  des  mou- 

T™°S;ckan^  vive,  plus  forte  que  celle  de  la  pleurésie, 
s'exaspérant  par  la  toux  et  les  grandes  inspirations,  qu.  restent  lmutecs 
et  h  complètes.  An  lieu  d'être  vive,  la  douleur  peut  être  sourde  et  obtuse: 
d  les  cas  intenses  la  pression  lexaspère  d  une  laçon  bien  marquée. 
Quelquefois  limitée  à  un  point  restreint,  et  surtout  au  voisinage  du  ma- 
melon, d'antres  fois  elle  est  diffuse,  répartie  sur  une  large  surlace  et  non 
bornée  à  un  foyer  circonscrit.  Elle  peut  atteindre  les  deux  co  es  de  la 
poitrine,  mais  elle  est  plus  commune  à  gauche,  son  s.ege  varie  d  ailleurs 
avec  les  muscles  atteints.  Elle  occupe  souvent  le  grand  pectoral  seul, 
dans  une  erande  partie  de  son  étendue,  soit  seulement  au  niveau  de  ses 
inser1ionsncostales;  ou  la  voit  aussi  affecter  les  digitat.ons  du  muscle 
*rand  dentelé.  Moins  fréquemment  elle  répond  aux  insertions  acromiales 
du  deltoïde,  aux  fibres  du  trapèze  et  du  grand  dorsal.  Elle  peut,  en  ré- 
sumé, occuper  tous  les  muscles  superficiels  ou  profonds  de  la  paroi  tho- 
racique.  Dans  les  cas  légers  la  pression  est  indifférente,  ou  même  elle 
calme  la  souffrance;  mais,  quand  l'affection  est  intense,  s,  on  saisit  a 
pleines  mains  les  masses  charnues,  la  douleur  devient  tres-vive.  11 
.n'existe  pas  de  points  douloureux,  et  le  doigt  promené  dans  1  espace 
i  intercostal  ne  provoque  nulle  part  d'exacerbations. 

Les  mouvements,  aussi  bien  ceux  qu'exige  la  respiration  e   les  se- 
,  coures  de  In  toux,  de  IVlernument,  que  ceux  qu.  consistent  a  llech.rou 
à  étendre  le  tronc,  sont  difficiles  et  pénibles.  Pour  restreindre  la  con- 
traction musculaire,  les  malades  osent  à  peine  respirer,  et  s  ils  viennent 
à  s'oublier  et  à  faire  une  inspiration  profonde,  ils  s  arrêtent  brusque- 
ment et  poussent  un  gémissement;  l'excursion  de  la  paro.  costale  est 
■  diminuée  du  côté  atteint,  et  le  bruit  vésiculaire  y  est  moins  prononce. 
IDans  les  cas  très-violents,  il  peut  exister  une  véritable  dyspnée,  et  s.  la 
iphlcgmasie  s'est  propagée  à  la  plèvre,  il  y  a  de  la  toux  et  même  des 
lignes  d'auscultation  :  tantôt  du  frottement,  si  la  pleurésie  est  sèche, 
.comme  c'est  le  cas  le  plus  ordinaire,  tantôt  du  souille  et  de  1  egophonie, 
i  s'il  y  a  épanchement  séreux. 

L'aspect  extérieur  des  parties  n'est  nullement  modifié,  il  n  y  a  ni  chan- 
gement de  coloration  de  la  peau,  ni  tuméfaction  appréciable. 

A  part  la  fièvre  qui  signale  quelquefois  le  début,  il  n  ex.ste  pas  de 
<  symptômes  généraux.  Comme  dans  toutes  les  manifestations  du  rhuma- 
ttisme,  les  malades  ont  souvent  une  grande  tendance  aux  transpirations 

;  abondantes.  ,  . 

La  durée  du  rhumatisme  thoracique.  est  variable,  il  peut  être  éphémère 
,ou  persister  durant  de  longs  mois;  il  peut,  tout  en  restant  localise  au 
(thorax,  abandonner  son  siège  initial  pour  envahir  d'autres  points,  ou 
Ibicn,  obéissant  aux  tendances  propres  au  rhumatisme,  il  quitte  les 
.muscles  atteints  pour  aller  frapper  d'autres  parties  du  système  muscu- 
llairc  plus  ou  moins  éloignées  ;  on  a  même  vu,  quoique  le  lait  soit  rare, 
«cette  forme  de  rhumatisme  aboutir  à  des  poussées  articulaires  qui  consti- 


240 


l'LEUUODYiNlE.  — 


DIAGNOSTIC.  —  TIU1ÏKMEKT. 


tuaient  en  quelque  façon  la  signature  de  la  dialhèsc  rhumatismale: 
Comme  toutes  les  manifestations  du  même  ordre,  le  mal  est  voué  aux 
récidives  provoquées  tantôt  par  les  fatigues  professionnelles,  tantôt  par 
l'action  du  froid  humide. 

En  dehors  de  la  pleurésie  circonscrite,  déjà  peu  commune,  il  est  rare 
de  rencontrer  des  complications  dans  la  pleurodynie;  on  observe  quel- 
quefois concurremment  une  bronchite  calarrhale  qu'on  a  considérée 
alors  comme  un  rhumatisme  des  muscles  bronchiques.  Quant  à  l'endocar- 
dite, à  la  péricardite,  à  la  pneumonie,  elles  sont  absolument  rares  et  excep- 
tionnelles. 

Diagnostic.  —  La  pleurodynie  est  difficile  à  méconnaître;  alors 
même  qu'elle  est  très-intense,  elle  n'a  guère  de  commun  avec  les  phleg- 
masies  des  viscères  thoraciques  que  les  quelques  phénomènes  fébriles 
du  début,  la  douleur  de  côté  et  parfois  une  dyspnée  légère;  il  n'existe  ni 
loux,  ni  crachats,  ni  signes  positifs  d'auscultation;  à  peine,  quand  la 
douleur  est  très-vive,  le  bruit  vésiculaire  est-il  un  peu  affaibli,  maison  ne 
perçoit  ni  râles,  ni  souffle,  ni  égophonie,  et  les  bruits  de  percussion  sont 
normaux. 

Dans  la  péricardite  la  douleur  de  côté  peut  faire  songer  à  la  pleurodynie, 
mais  la  reaction  fébrile  intense,  la  dyspnée,  les  signes  de  percussion  et 
d'auscultation,  ne  permettront  pas  d'hésiter. 

La  douleur  de  la  névralgie  intercostale  est  plus  aiguë,  elle  s'accom- 
pagne d'élancements  et  correspond  au  trajet  d'un  nerf  intercostal  ;  elle 
est  localisée,  tandis  que  celle  de  la  pleurodynie  est  étendue  en  nappe  ; 
les  contractions  des  muscles  de  la  région  restent  sans  influence  sur  elle 
et  ne  l'exaspèrent  pas,  et  de  plus  la  pression  provoque  des  exacerbations 
douloureuses  dans  un  certain  nombre  de  points  assez  bien  déterminés, 
dont  le  plus  constant  siège  à  l'extrémité  postérieure  de  l'espace  inter- 
costal atteint,  au  niveau  de  la  gouttière  vertébrale.  Jamais  dans  la  pleu- 
rodynie on  ne  constate  une  douleur  siégeant  uniquement  dans  deux 
points  situés  à  une  grande  distance  l'un  de  l'autre,  comme  cela  arrive 
dans  la  névralgie  intercostale;  celle-ci  est  d'ailleurs  une  maladie  fré- 
quente, tandis  que  le  rhumatisme  des  parois  llioraciques  est  une  affec- 
tion rare,  et  bien  souvent,  d'après  Vallcix,  on  a  dû  prendre  une  né- 
vralgie intercostale  pour  une  pleurodynie. 

Le  pronostic  de  la  pleurodynie  est  favorable,  elle  ne  devient  fâcheuse 
que  par  sa  persistance,  ou  bien  lorsque,  très-violente,  l'inflammation 
musculaire  se  propage  à  la  plèvre.  Dans  i  es  cas,  d'ailleurs  assez  rares,  la 
pleurésie  est  toujours  très-limitée  et  le  plus  souvent  sèche. 

Traitement.  —  Dans  les  cas  légers  on  pourra  se  côntenter  de 
l'application  locale  de  quelques  agents  narcotiques,  ou  de  l'emploi 
de  révulsifs  légers  :  castaplasmes  laudanisés,  frictions  avec  le  baume 
tranquille,  hadigeonnages  avec  un  mélange  à  parties  égales  de 
teinture  d'iode  cl  de  laudanum,  application  d'un  sinapisme,  frictions 
sèches  ou  avec  un  Uniment  irritant.  On  se  trouvera  bien  encore 
de  l'emploi  de  sachets  de  sable  chaud,  de   l'usage  de  compresses 


PLÈVRE.    PATHOLOGIE. 


241 


imbibées  de  chloroforme,  qui  agissent  bien  moins  comme  calmant  qu'à 
titre  de  révulsif. 

La  position  du  corps  est  ici  très-favorable  à  l'apaisement  des  douleurs, 
et  l'attitude  qui  met  dans  le  relâchement  les  muscles  affectés  amène 
toujours  un  grand  soulagement. 

Si  la  douleur  est  très-violente,  on  devra  recourir  aux  émissions  san- 
guines locales,  aux  sangsues  et  surtout  aux  ventouses  scarifiées.  Les 
vésicatoires  morphinés  donnent  aussi  de  bons  résultats;  on  pourra  re- 
courir encore,  pour  amener  une  sédation,  aux  bains  tièdes,  aux  bains 
russes,  et  surtout  aux  bains  de  vapeur,  dont  l'effet  est  de  provoquer 
une  forte  diaphorèse. 

Si  l'affection  tend  à  devenir  chronique,  on  fera  bien  de  prescrire  l'usage 
des  douches  chaudes  avec  des  eaux  sulfureuses  ou  salines  ;  dans  ce  but 
on  devra  envoyer  les  malades  à  Lucbon,  à  Baréges,  à  Aix  en  Savoie,  ou 
bien  au  Mont-Dore,  à  Néris,  à  Bourbonne.  On  pourra  recourir  enfin  à 
l'emploi  de  l'électricité  sous  forme  de  courants  constants. 

Pour  prévenir  les  récidives,  on  devra,  après  la  guérison  prémunir  les 
rhumatisants  contre  l'action  du  froid  et  de  l'humidité,  et  leur  imposer 
l'usage  de  la  flanelle.  Ils  devront  éviter  les  efforts  musculaires  violents 
et  répétés,  et  renoncer,  s'il  est  possible,  aux  professions  qui  les  exigent. 

Cuohel  et  Requin.  Leçons  de  clinique  médicale,  Paris,  1854. 

Gaudet.  Recherches  sur  le  rhumatisme  des  parois  thoraciques  (Gazette  méd..  12  avril  1854). 
Febbus.  Art.  Rhumatisme,  Dict.  de  méd.,  p.  578,  2"  édition. 

Valleix.  De  lo  névralgie  dorsale  ou  intercostale,  Paris,  1840.  —  Traité  des  névralgies  ou  affections 
douloureuses  des  ncrls,  Paris,  1841.  — Guide  du  médecin  praticien,  f>°  édition,  revue  par 
Lorain,  avec  le  concours  de  Fernet,  1. 1,  p.  542.  1807.  —  Etude  sur  le  rhumatisme  musculaire 
[Bulletin  de  tltéràp.,  1848). 

Dcpuï.  Tnilé  du  rhumatisme,  Paris,  lHlii. 

Peieii  Des  points  de  côté,  Clinique  île  la  Pitié  et  Leçons  de  clinique  médicale,  Paris,  187Ô. 

Eug.  d'Heilly. 

PLEUROSTHOTONOS.  Voy.  Tétanos. 
PLÈVRE  Anatomie.  Voy.  art.  Poitrine. 

Pathologie.  —  Il  convient  de  distinguer  dans  les  maladies  des 
plèvres  deux  groupes  bien  distincts  :  les  unes  sont  primitives,  affectant 
la  membrane  séreuse  exclusivement,  ou  du  moins  ne  développant  dans  les 
parties  adjacentes  que  des  altérations  subordonnées  à  celles  de  la  plèvre 
elle-même;  les  autres  sont  secondaires  et  résultent,  soit  de  la  propaga- 
tion de  maladies  des  organes  contigus  à  la  plèvre,  soit  même  de  maladies 
d'organes  éloignés  ou  de  maladies  générales. 

Parmi  les  maladies  primitives,  il  n'y  a  de  très-commune  et  de  vraiment 
importante  que  la  pleurésie  ;  la  plupart  des  autres  :sont  des  raretés  patho- 
logiques :  la  gangrène,  si  tant  est  même  qu'elle  puisse  affecter  la  plèvre 
sans  intéresser  d'abord  au  moins  les  couches  superficielles  du  poumon, 
les  tubercules,  le  cancer,  les  hydatides  et  d'autres  productions  morbides, 
se  montrent  quelquefois  dans  la  plèvre  à  l'exclusion  de  toute  autre  déter- 
mination dans  d'autres  organes,  mais  il  est  bien  plus  fréquent  que  cet; 

NOUV.  DICT.  MÉD.  ET  CUIR.  XX  VI II  —  10 


242 


PLÈVRE,    PATHOLOGIE.    GANGRÈNE. 


affections  de  la  plèvre  résultent  de  l'extension  de  maladies  analogues 
occupant  le  poumon,  le  médiastin  ou  d'autres  organes  voisins,  ou  bien 
qu'elles  ne  soient,  comme  pour  le  tubercule  ou  le  cancer,  qu'une  des 
déterminations  locales  d'une  maladie  générale  qui  intéresse  en  même 
temps  les  autres  membranes  séreuses  ou  d'autres  parties  de  l'économie. 
Quoi  qu'il  en  soit,  nous  dirons  quelques  mots  de  chacune  de  ces  maladies 
pour  indiquer  ce  qu'elles  présentent  de  particulier  quand  elles  occupent 
les  plèvres. 

Les  maladies  secondaires  des  plèvres  sont  bien  plus  fréquentes  que  les 
maladies  primitives,  bien  entendu,  si  l'on  excepte  la  pleurésie.  En  effet, 
outre  les  affections  que  nous  venons  d'énumérer  (cancer,  tubercules,  etc.), 
elles  comprennent  encore  tous  les  épanchements  non  inflammatoires 
qu'on  peut  observer  dans  les  plèvres,  notamment  les  épanchements  séreux 
qui  constituent  l'hydrothorax  et  les  épanchements  gazeux  qu'on  réunit 
sous  la  dénomination  de  pneumothorax.  Bien  que  ces  deux  lésions  soient 
habituellement  décrites  dans  les  livres  de  pathologie  interne  comme  des 
maladies  distinctes,  ce  ne  sont  pas,  à  vrai  dire,  des  maladies  de  la  plèvre, 
ce  sont  des  accidents  qui  viennent  compliquer  les  maladies  d'organes 
divers,  et  la  plèvre  n'est  que  le  réceptable  de  ces  épanchements,  sans 
entrer  par  elle-même  pour  la  moindre  part  dans  leur  formation.  Cepen- 
dant, sous  ces  réserves,  nous  devrons  étudier  l'hydrothorax  et  le  pneumo- 
thorax dans  cet  article,  parce  que  ces  accidents  ou  épiphénomènes,  une 
fois  développés,  entraînent  des  troubles  et  des  conséquences  qui,  au  point 
de  vue  pratique,  les  rapprochent  surtout  des  maladies  des  plèvres. 

Nous  observerons,  dans  l'exposé  rapide  qui  va  suivre,  l'ordre  que  nous 
venons  d'indiquer;  nous  dirons  d'abord  et  à  part  quelques  mots  de- 
lésions  congénitales  ou  vices  de  conformation  des  plèvres. 

A.  Vices  de  conformation.  —  Les  lésions  congénitales  de  la  plèvre  sont 
très-rares.  On  a  vu  quelquefois  ce  sac  séreux  manquer  dans  quelques- 
unes  des  parties  qu'il  occupe  à  l'état  normal  :  ainsi  Laboulbène  dit  avoir 
vu,  sur  un  poumon  droit,  les  incisures  des  lobes  très-peu  marquées  et  la 
plèvre  ne  s'y  prolongeant  que  de  2  centimètres:  il  n'existait  point  de 
pleurésie  ayant  réuni  les  feuillets  opposés.  Plus  souvent,  on  rencontre  des 
dépressions  de  la  plèvre  en  certains  points  de  la  paroi  thoracique  ou  du 
diaphragme;  l'étude  de  ce  vice  de  conformation  rentre  plutôt  dans  celle 
des  hernies  du  poumon.  Enfin  la  plèvre  manque,  bien  entendu,  au  niveau 
des  orifices  anormaux  qui,  dans  quelques  cas  exceptionnels,  font  com- 
muniquer le  thorax  avec  l'abdomen  à  travers  le  diaphragme,  et  permet- 
tent aux  viscères  abdominaux  de  faire  hernie  dans  la  poitrine. 

B.  Maladies  primitives.  —  1°  Inflammation.  Voy.  Pleurésie. 

2°  Gangrène.  —  Laenncc  a  consacré  un  article  spécial  à  la  gangrène 
de  la  plèvre  qu'il  donne  d'ailleurs  comme  une  altération  très-rare;  il  la 
considère  comme  rarement  primitive,  et  déclare  qu'il  n'a  vu  aucun  cas 
dans  lequel  elle  parût  être  un  effet  d'une  inflammation  aiguë;  le  plus 
souvent  elle  serait  la  suite  de  la  rupture  dans  la  plèvre  d'un  abcès  gan- 
gréneux  du  poumon;  ou  bien  encore  elle  surviendrait  dans  les  pleurésies 


PLÈVRE.  —  GAKGRÈMË.  243 

purulentes  chroniques  sous  la  forme  d'une  escliare  limitée  de  la  plèvre 
qui,  en  se  détachant,  permettrait  au  pus  de  se  frayer  une  voie  au  dehors, 
et  ce  serait  là  un  des  moyens  que  la  nature  emploie  pour  amener  l'éva- 
cuation du  liquide  épanché. 

Jusque  dans  ces  derniers  temps,  la  question  de  la  gangrène  de  la  plèvre 
a  été  presque  complètement  négligée.  En  1875,  à  l'occasion  d'une  inté- 
ressante observation  communiquée  par  E.  Besnier,  Bucquoy  a  lu,  à  la 
Société  médicale  des  hôpitaux,  un  important  mémoire  dans  lequel  il  a 
comblé  cette  lacune.  D'après  l'analyse  d'un  certain  nombre  d'observations 
éparses  çà  et  là  et  de  trois  observations  personnelles,  Bucquoy  est  amené 
à  conclure  que,  dans  l'état  actuel  de  la  science,  aucun  fait  positif  ne 
permet  encore  d'affirmer  l'existence  de  la  pleurésie  gangréneuse  aiguë 
primitive,  c'est-à-dire  indépendante  de  toute  lésion  gangréneuse  du  pou- 
mon. Cette  proposition  parait  exacte,  au  moins  pour  la  très-grande  géné- 
ralité des  cas.  Cependant  tout  récemment  (25  juillet  1879)  Bendu  a  pré- 
senté à  la  Société  médicale  des  hôpitaux  une  observation  qu'il  considère 
comme  démonstrative  de  la  gangrène  primitive  de  la  plèvre  :  dans  ce  cas, 
l'autopsie  a  montré  qu'il  existait  à  la  base  de  la  plèvre  .gauche,  au  voisi- 
nage du  diaphragme,  une  cavité  remplie  d'un  liquide  horriblement 
fétide,  d'odeur  et  d'aspect  gangréneux  ;  cette  cavité  était  tapissée  par  des 
fausses  membranes  épaisses,  en  un  point  elle  était  noirâtre  et  ulcérée  sur 
une  certaine  étendue;  à  ce  niveau,  le  poumon  était  perforé,  mais  autour 
de  la  perforation  on  ne  trouvait  aucun  indice  de  gangrène  pulmonaire. 
A  l'occasion  de  ce  fait,  Debovea  communiqué  un  cas  analogue,  avec  cette 
différence  qu'il  n'y  avait  pas  de  perforation  pulmonaire  :  dans  l'intérieur 
de  la  plèvre  qui  contenait  un  liquide  horriblement  fétide,  d'une  couleur 
jus  de  tabac,  on  trouva  sept  masses  d'une  fétidité  horrible,  ressemblant 
à  des  matières  fécales,  et  dans  lesquelles  l'examen  microscopique  fit 
reconnaître  des  cristaux  d'acides  gras  enchevêtrés  dans  tous  les  sens. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  faits  au  moins  exceptionnels,  on  peut  admettre 
.  avec  Bucquoy  que,  dans  l'immense  majorité  des  cas,  la  gangrène  de  la 
plèvre  n'est  pas  primitive.  En  effet,  dans  toutes  les  observations  coni- 
iplètes  et  suivies  d'autopsies  que  Bucquoy  a  rassemblées  et  où  l'on  a 
l  trouvé  des  altérations  gangreneuses  de  la  plèvre,  on  a  rencontré  en  même 
t  temps,  soit  des  foyers  de  gangrène  pulmonaire  circonscrite  contigus  à  la 
j  plèvre  ou  même  ouverts  dans  sa  cavité,  soit  un  sphacèle  étendu  des 
i  couches  superficielles  du  poumon  intéressant  en  même  temps  la  mem- 
Ibrane  pleurale.  C'est  à  cette  dernière  forme  qu'appartiennent  les  cas 
i  décrits  depuis  longtemps  déjà  par  Corbin  dans  son  mémoire  sur  la  gan- 
:grène  superficielle  du  poumon;  du  même  ordre  aussi  sont  sans  doute  une 
■  observation  présentée  par  Ilayem  à  la  Société  analomique  (1874),  celle 
déjà  citée  de  E.  Besnier,  celles  de  Bucquoy  et  d'autres  encore;  c'est,  sui- 
vant toute  vraisemblance,  une  maladie  du  même  genre  qu'a  présentée  le 
professeur  D.,  et  dont  Millard  a  communiqué  à  la  Société  des  hôpitaux 
la  si  intéressante  relation. 

Pour  bien  marquer  la  distinction  qui  existe  entre  les  cas  où  la  gau- 


244 


PLÈVRE.  —  GANGIIOE. 


grènc  pulmonaire  occupe  les  parties  centrales  du  parenchyme  pulmonaire 
donnant  lieu  à  tous  les  signes  ordinaires  de  cette  maladie,  et  ceux  où  elle 
intéresse  seulement  les  couches  superficielles  du  poumon  et  en  même 
temps  la  plèvre,  cas  dans  lesquels  les  signes  de  la  gangrène  sont  très- 
souvent  masqués,  Bucquoy  a  proposé  de  reconnaître  deux  formes  à  la 
gangrène  pulmonaire  aiguë  :  la  forme  pneumonique  et  la  forme  pleuré- 
tique,  la  première  répondant  à  la  gangrène  profonde,  la  seconde  à  la  gan- 
grène superficielle. 

Cette  dernière  forme,  la  seule  que  nous  ayons  ici  en  vue,  est  la  gan- 
grène corticale,  la  gangrène pleuro-pulmonaire,  qui  comprend  l'immense 
majorité  des  cas,  sinon  tous  les  cas  attribués  à  la  gangrène  de  la  plèvre. 

Ses  caractères  cliniques  diffèrent  souvent  de  ceux  qu'on  rencontre  dans 
la  gangrène  des  parties  profondes  du  poumon  :  d'abord  la  fétidité  de  l'ha- 
leine et  des  crachats,  qui  a  une  si  grande  valeur  diagnostique  dans  les 
maladies  gangreneuses  du  poumon,  fait  souvent  défaut  dans  la  forme  qui 
nous  occupe,  parce  que  le  foyer  gangreneux  est  ordinairement  sans  com- 
munication avec  les  bronches,  et  même  sans  rapports  avec  elles  ;  en  outre, 
les  signes  de  l'affection  pulmonaire  sont  habituellement  masqués  par 
ceux  de  la  pleurésie  concomitante.  Cetle  pleurésie  est  purulente  et  pré- 
sente les  symptômes  propres  à  cette  forme,  qui  ont  déjà  été  étudiés  ail- 
leurs ;  souvent  il  s'y  ajoute  un  pneumothorax  par  rupture  du  foyer  gan- 
greneux du  poumon  dans  la  plèvre  et  dans  les  bronches;  mais  on  ne 
reconnaît  que  ce  pyo-pneumothorax  dépend  d'une  gangrène  pleuro-pul- 
monaire que  lorsque,  ayant  pratiqué  la  thoracentèse  ou  l'empyème,  on 
est  frappé  de  l'odeur  gangreneuse  du  liquide  évacué,  ou  mieux  encore 
lorsqu'il  y  a  évacuation  au  dehors  de  lambeaux  sphacélés  du  poumon, 
comme  cela  a  eu  lieu  chez  le  professeur  D.,  ou  lorsque  survient  la  fétidité 
de  l'haleine  et  des  crachats. 

Ce  n'est  pas  cependant  que  certains  signes  ne  permettent,  en  dehors 
même  de  ces  circonstances,  d'arriver  au  diagnostic  :  au  premier  rang  de 
ces  signes  se  place,  dès  le  commencement,  une  douleur  de  côté  intense 
et  prolongée,  d'une  violence  et  d'une  persistance  inusitées  dans  la  pleu- 
résie ordinaire  (Stokcs,  Barth,  Bucquoy)  ;  outre  cette  douleur,  on  note  un 
frisson  intense  et  prolongé  au  début  delà  maladie,  suivi  d'une  fièvre  ordi- 
nairement plus  développée  que  dans  la  pleurésie  simple,  de  la  dyspnée, 
une  toux  pénible,  presque  incessante,  sans  expectoration  ou  quelquefois 
accompagnée  d'hémoptysics.  Bientôt  apparaissent  les  signes  physiques 
d'un  épanchement  purulent  dans  la  plèvre.  Enfin  de  bonne  heure,  et  ce 
signe  a  une  grande  importance,  l'étal  général  est  mauvais;  on  observe 
une  profonde  dépression  des  forces  et  une  inappétence  invincible. 

La  réunion  des  caractères  précédents  permet  de  soupçonner  l'existence 
de  la  gangrène  pleuro-pulmonaire,  mais  encore  ce  diagnostic  ne  peut  être 
affirmé  que  si  1  on  voit  apparaître  la  fétidité  particulière  de  l'haleine  ejt 
des  crachats,  indiquant  la  communication  du  foyer  gangreneux  ave.:  les 
bronches,  ou  si  une  ponction  de  la  plèvre  amène  au  dehors  un  liquide 
d'odeur  franchement  gangreneuse. 


PLÈVRE. 


  TUUERCULOSi:. 


Les  caractères  anatomiques  de  la  gangrène  de  la  plèvre  ont  été  parfai- 
tement tracés  par  Laennec.  À  la  surface  de  la  membrane  séreuse,  on 
t  trouve  des  taches  verdàtres  ou  noirâtres,  de  forme  arrondie  ou  plus  ou 
i  moins  irrégulière.  Les  parties  atteintes  sont  ramollies  et  tombent  facile- 
imcnt  en  détritus;  elles  exhalent  l'odeur  infecte  et  toute  spéciale  de  la 
L  gangrène.  L'étendue  de  ces  lésions  est  très-variable  :  tantôt  elles  sont  cir- 
conscrites comme  le  foyer  do  gangrène  pulmonaire  auquel  elles  corres- 
I  pondent,  tantôt  elles  peuvent  occuper  toute  la  surface  d'un  lobe  pulmo- 
inaire  ou  même  davantage;  quelquefois  la  plèvre  est  décollée  dans  une 
.  grande  étendue  et  séparée  du  tissu  du  poumon  par  une  nappe  de  détritus 
jgangréné  (pneumonie  disséquante  gangréneuse).  Au-dessous  de  la  plèvre 
;  ainsi  altérée,  on  trouve  le  tiss,u  sous-séreux  œdématié  et  infiltré  d'une 
:  sanie  infecte,  puis  le  parenchyme  pulmonaire  gangrené  lui-même  à  une 
]  plus  ou  moins  grande  profondeur  ;  quand  la  plèvre  pariétale  est  aussi 
;  atteinte,  on  trouve  au-dessous  d'elle  les  espaces  intercostaux  infiltrés  de 
produits  putrides  et  noirâtres,  les  côtes  dénudées  et  altérées.  Dans  la  cavité 
de  la  plèvre  elle-même  est  un  épancheménl  purulent  et  sanieux,  de  cou- 
leur grisâtre  ou  verdâtre,  d'odeur  gangréneuse,  dans  lequel  nagent  des 
masses  pseudo-membraneuses  noirâtres  et  infectes,  et  souvent  aussi  des 
i  débris  de  parenchyme  pulmonaire  mortifié. 

Les  causes  de  la  gangrène  de  la  plèvre  sont  les  mêmes  que  celles  de  la 
:  gangrène  du  poumon,  dont  la  première  est  une  dépendance.  Quant  à  ces 
gangrènes  pleuro-pulmonaires  aiguës  dont  nous  venons  de  parler,  elles 
sont  produites  surtout  par  deux  causes,  qui  sont  l'exposition  du  corps  à  un 
froid  prolongé  et  intense  et  une  violente  contusion  du  thorax;  la  pre- 
mière dê  ces  causes  s'est  montrée  d'une  façon  très-évidente  dans  plusieurs 
des  observations  rapportées  par  Bucquoy,  la  seconde  parait  très-probable 
dans  un  fait  cité  par  Jackson  et  dans  l'observation  déjà  mentionnée  de 
Hayem. 

La  gangrène  pleuro-pulmonaire  a  souvent  une  marche  suraiguë  qui  la 
rend  promptement  mortelle,  et  toute  intervention  thérapeutique  reste 
impuissante.  Mais  quelquefois  les  accidents  ont  une  évolution  plus  lente, 
et  alors  se  présente  une  indication  formelle  :  il  faut  pratiquer  l'opération 
de  l'empyènic,  qui  permettra  de  faire  de  grands  lavages  et  d'entraîner  au 
dehors  les  parties  sphacélées  de  la  plèvre  et  du  poumon.  Cette  conduite  a 
déjà,  dans  mainte  circonstance,  donné  de  remarquables  résultats  :  la  gué- 
rison  du  professeur  D.  peut  être  citée  comme  un  des  exemples  les  plus 
convaincants  des  avantages  qu'elle  offre. 

Nous  n'insisterons  pas  davantage  sur  ce  sujet  :  la  gangrène  de  la  plèvre 
étant,  comme  nous  venons  de  le  voir,  presque  toujours,  sinon  toujours, 
subordonnée  à  la  gangrène  pulmonaire,  nous  devons  renvoyer  pour  de 
plus  amples  détails  à  l'article  où  il  sera  traité  de  cette  maladie  [Voy.  Pou- 
mon (gangrène  du)]  ;  notre  objet  a  été  seulement  de  faire  voir  quelle  était 
la  part  de  la  plèvre  et  de  ses  altérations  dans  les  gangrènes  superficielles 
ou  corticales  du  parenchyme  pulmonaire. 

3°  Tuberculose.  —  Les  maladies  des  plèvres  sont  des  plus  communes 


246 


PLfciYIU5>    IL'IinilCLLOSE. 


dans  la  tuberculose.  Ces  altérations  sont  de  deux  sortes  :  les  unes,  ayant 
le  caractère  plus  ou  moins  franchement  inflammatoire,  se  montrent  à 
titre  de  complications  ou  d'épiphénomènes  dans  la  phthisie  pulmonaire; 
les  autres  sont  des  manifestations  directes  de  la  tuberculose,  indépen- 
dantes de  lésions  des  poumons. 

Parmi  les  premières,  nous  trouvons  les  pleurésies  sèches  du  sommet  et 
les  pleurésies  accidentelles  développées  chez  les  tuberculeux. 

Les  pleurésies  sèches  du  sommet  sont  à  peu  près  constantes  dans  la 
tuberculose  du  poumon,  à  ce  point  que  leur  existence  bien  constatée  con- 
stitue une  présomption  puissante  de  phthisie  pulmonaire,  alors  même 
que  celle-ci  ne  se  traduit  pas  encore  par  des  signes  évidents  :  quand,  en 
effet,  une  pleurésie  se  montre  ainsi  partielle,  limitée  à  une  petite  étendue 
de  la  membrane  séreuse,  on  sait  qu'elle  est  presque  toujours  symptoma- 
tique  d'une  altération  des  parties  sous-jacentes  du  poumon,  et  quand 
cette  pleurésie  partielle  a  son  siège  à  la  partie  supérieure  du  thorax,  lieu 
d'élection  du  développement  des  tubercules,  elle  acquiert  une  valeur  dia- 
gnostique considérable  et  permet  d'admettre  l'existence  très-probable 
d'une  tuberculisalion  pulmonaire. 

Les  pleurésies  accidentelles  sont  aussi  très-communes  chez  les  individus 
tuberculeux  ou  disposés  à  le  devenir  :  survenant  dans  ces  conditions  sous 
l'influence  des  causes  les  plus  légères,  et  même  quelquefois  sans  cause 
bien  appréciable,  elles  se  distinguent  des  pleurésies  franches  par  plusieurs 
caractères  :  leur  début  est  souvent  insidieux,  le  point  de  côté  peu  intense 
ou  nul,  la  fièvre  inappréciable;  la  dyspnée  seule  appelle  l'attention  sur 
l'appareil  respiratoire  et  la  recherche  des  signes  physiques  fait  alors 
reconnaître  l'existence  d'un  épanchement;  cet  épanchement  est  souvent 
presque  séreux  ou  à  peine  fibrineux,  quelquefois  séro-purulent,  il  ac- 
quiert dans  mainte  circonstance  une  abondance  considérable  ;  la  marche 
de  la  maladie  est  lente  et  la  résolution  très-difficile  à  obtenir.  Ces  plcuié- 
sies  subaiguës  ou  chroniques,  que  l'on  a  encore  appelées  latentes  en  rai- 
son du  peu  de  développement  des  phénomènes  réaclionnels,  se  rattachent 
très-fréquemment  à  la  tuberculose  :  tantôt  on  trouve,  chez  les  malades 
qui  les  présentent,  des  signes  déjà  évidents  de  phthisie  pulmonaire,  tantôt 
elles  sont  suivies,  à  échéance  plus  ou  moins  éloignée,  de  l'apparition  de 
maladies  manifestement  tuberculeuses,  et  il  est  vraisemblable  que  dans 
la  plupart  des  cas  elles  sont  elles-mêmes  une  première  manifestation  de 
la  maladie  tuberculeuse  dont  l'évolution  ne  se  continuera  quelquefois  que 
beaucoup  plus  tard. 

Il  n'y  a  pas  lieu  d'insister  ici  davantage  sur  ces  pleurésies  dont  il  a  déjà 
été  question  à  l'article  Phthisie  et  à  l'article  Plettuésie;  arrivons  mainte- 
nant à  la  tuberculose  pleurale  proprement  dite.  Celle-ci  se  montre  dans 
plusieurs  conditions  bien  distinctes  :  tantôt  elle  accompagne  la  phthisie 
pulmonaire  dont  elle  constitue  une  lésion  accessoire,  tantôt  elle  se 
montre  comme  détermination  locale  d'une  tuberculose  qui  affecte  primi- 
tivement les  membranes  séreuses  et,  dans  ce  cas,  elle  évolue  sous  la 
forme  aiguë  ou  sous  la  forme  chronique. 


PLÈVRE.           TUBE11CUL0SE.  247 

La  première  des  formes  de  tuberculisation  pleurale  que  nous  venons 
d'indiquer  accompagne  la  phthisie  pulmonaire  et  paraît  lui  être  étroite- 
ment subordonnée,  ainsi  queVillemain  et  Lépinc  l'ont  parfaitement  étaidi  : 
dans  les  parties  de  la  plèvre  correspondantes  à  des  lésions  tuberculeuses 
du  poumon,  on  trouve  d'abord  des  granulations  tuberculeuses  sur  le 
feuillet  viscéral,  mais  en  outre  on  observe  sur  le  feuillet  pariétal  des  gra- 
nulations grises  répondant  exactement  aux  lésions  du  feuillet  opposé; 
enlin,  on  en  rencontre  encore  qui  sont  disséminées  en  d'autres  points, 
notamment  au  pourtour  du  foliole  fibreux  du  diaphragme,  véritable  lieu 
d'élection  pour  ces  productions  secondaires  (Lépine).  Cette  disposi  tion  des 
lésions  tuberculeuses  de  la  plèvre  est  un  des  exemples  les  plus  frappants 
de  ce  qu'on  a  appelé  l'infection  de  voisinage  et  un  des  arguments  les  plus 
puissants  en  faveur  de  la  propriété  infectieuse  des  produits  tuberculeux 
qui,  d'un  foyer  initial,  se  propageraient  ainsi  de  proche  en  proche.  Nous 
n'insisterons  pas  davantage  sur  cette  question  qui  a  déjà  été  complète- 
ment exposée  ailleurs  (Foi/,  art.  Phthisie,  t.  XXVII,  p.  271). 

La  tuberculose  aiguë  de  la  plèvre  est  une  des  manifestations  les  plus 
communes  de  la  phthisie  aiguë;  parmi  les  différentes  formes  que  peut 
revêtir  cette  dernière  maladie,  et  qui  ont  été  si  bien  décrites  et  reliées 
entre  elles  par  Empis,  une  des  plus  fréquentes  est  celle  qui  affecte  les 
membranes  séreuses,  notamment  les  plèvres  et  le  péritoine  :  tantôt  ces 
deux  membranes  sont  prises  isolément,  tantôt,  et  plus  souvent  peut-être, 
elles  sont  affectées  simultanément,  et  quelquefois  les  méninges  avec  elles  : 
de  là  un  complexus  morbide  très-spécial  et  très-caractéristique,  dans 
lequel,  aux  phénomènes  généraux  communs  à  toutes  les  formes  de 
phthisie  aiguë,  se  joignent  les  caractères  propres  d'une  péritonite  et  ceux 
d'une  pleurésie  ordinairement  double,  quelquefois  aussi  ceux  d'une  mé- 
ningite. L'étude  de  cette  forme  importante  a  été  aussi  faite  avec  détails 
dans  l'article  Phthisie  (Voy.  Phthisie  aiguë  pleurale,  t.  XXVII,  p.  555), 
nous  ne  pouvons  qu'y  renvoyer  le  lecteur,  et  il  ne  nous  reste  à  étudier 
que  la  forme  chronique  de  la  maladie. 

La  tuberculisation  chronique  des  plèvres,  phthisie  pleurale  de  quelques 
auteurs,  a  été  indiquée  par  Laenncc  dans  ses  traits  les  plus  généraux; 
elle  semble,  depuis,  avoir  été  presque  négligée  par  la  plupart  des  patho- 
logistes;  mais  elle  a  été  parfaitement  décrite  par  Barthez  et  Rilliet  qui, 
dans  leur  excellent  traité  des  maladies  des  enfants,  lui  ont  consacré  un 
important  article  auquel  nous  emprunterons  la  plupart  des  détails  qui 
vont  suivre. 

Beaucoup  plus  commune  chez  les  enfants  que  chez  les  adultes,  la 
pblbisic  pleurale  se  montre  avec  ses  caractères  les  plus  accusés  chez  les 
enfants  de  trois  à  dix  ans. 

Les  tubercules  peuvent  se  développer  sur  la  face  interne  de  la  plèvre 
(t.  intra-séreux)  ou  sur  sa  face  externe  (t.  extra-séreux).  Les  tubercules 
intra-sereux,  qu'on  observe  presque  toujours  dans  celte  forme  chronique 
de  la  tuberculose  à  l'état  de  granulation  jaune,  sont  ordinairement  accom- 
pagnes de  dépôts  pseudo-membraneux  inflammatoires  qui  les  entourent 


248  PLÈVRE.  —  tuiu.jicui.ose. 

et  les  réunissent  entre  eux.  Souvent  on  voit  à  la  surface  de  la  plèvre  une 
fausse  membrane  stratifiée  ayant  jusqu'à  2  ou  3  millimètres  d'épaisseur; 
chaque  couche  contient  un  plus  ou  moins  grand  nombre  de  granula- 
tions, et  celles-ci  forment,  en  outre,  une  couche  adhérente  à  la  plèvre.  La 
membrane  séreuse  elle-même,  au-dessous  de  ces  granulations,  est  ordi- 
nairement peu  altérée  ou  ne  présente  que  les  caractères  d'une  inflamma- 
tion peu  intense. 

On  s'est  demandé  si  l'inflammation  était  secondaire  au  développemen 
du  tubercule,  ou  si,  au  contraire,  celui-ci  se  produisait  consécutivement 
dans  les  fausses  membranes  :  on  doit  admettre,  avec  Barthez  et  Rilliet, 
que  le  plus  souvent  les  tubercules  précèdent  les  fausses  membranes  et 
paraissent  provoquer  leur  développement  par  l'inflammation  qu'ils  déter- 
minent; en  effet,  on  trouve  souvent  des  granulations  tuberculeuses  sans 
produits  inflammatoires,  et,  d'autre  part,  nous  venons  de  voir  que;  sous 
les  fausses  membranes,  dans  les  parties  immédiatement  adjacentes  à  la 
plèvre,  et  par  conséquent  les  plus  récemment  formées,  on  trouve  une 
couche  de  granulations  adhérente  à  la  plèvre  et  non  englobée  de  fausses 
membranes.  D'autres  fois,  les  tubercules  semblent  se  développer,  non  pas 
dans  des  fausses  membranes,  mais  dans  des  néo-membranes  vascularisées 
résultant  d'une  pleurésie  antérieure. 

Souvent  la  plèvre  est  occupée  par  de  larges  plaques  tuberculeuses  qui 
tapissent  une  grande  partie  de  son  étendue;  ces  plaques  occupent  ordi- 
nairement la  partie  postérieure,  quelquefois  elles  enveloppent  tout  le  pou- 
mon et  lui  forment  une  espèce  de  coque.  ;  leur  épaisseur  varie  de  1  à  4 
millimètres,  quelquefois  jusqu'à  7  millimètres. 

Ces  tubercules  ou  les  plaques  qu'ils  forment  subissent  rapidement, 
comme  tous  les  produits  tuberculeux,  la  dégénération  graisseuse,  et  le 
plus  souvent  on  les  observe  à  l'état  caséeux,  mais  ayant  conservé  presque 
toujours  une  consistance  ferme  :  Barthez  et  Rilliet,  comme  Laennec, 
déclarent  qu'ils  ne  les  ont  jamais  vus  ramollis  ni  ayant  formé  des  cavernes 
dans  l'intérieur  de  la  plèvre,  ni  accompagnés  de  perforation  de  la  mem- 
brane séreuse. 

Quant  aux  tubercules  extra-pleuraux  (il  n'est  question  ici  que  de  ceux 
qui  se  développent  sous  la  plèvre  costale,  ceux  qui  sont  sous  la  plèvre 
viscérale  étant  en  réalité  des  tubercules  pulmonaires),  ils  sont  tantôt 
isolés,  tantôt  agglomérés,  pouvant  former  aussi  des  plaques  ordinaire- 
ment moins  étendues  que  celles  qui  se  développent  à  la  face  interne  do  la 
plèvre.  Ces  produits  suivent  une  évolution  analogue  à  celle  des  tubercules 
pulmonaires  :  après  avoir  subi  la  dégénération  casécuse,  ils  se  ramollis- 
sent et  sont  quelquefois  évacués  par  les  bronches  à  travers  les  deux  feuil- 
lets de  la  plèvre  et  le  poumon  perforés.  Barthez  et  Rilliet  ont  vu  les 
cavernes  résultant  de  la  fonte  de  tubercules  sous-pleuraux  communiquer 
)vec  des  cavernes  pulmonaires  par  de  larges  perforations  de  la  plèvre; 
celle-ci  est  dans  ces  cas  le  siégé  d'adhérences  qui  empêchent  les  détritus 
caséeux  de  tomber  dans  sa  cavité.  Les  mêmes  auteurs  ont  vu  les  ganglions 
bronchiques  devenus  tuberculeux  s'unir  aux  masses  pulmonaires  qui. 


PLÈVRE.           TUBERCOLOsf . 


249 


de  l'autre  côté,  confinaient  aux  tuberculeux  pleuraux  ou  extra-pleu- 
raux. 

La  phthisie  pleurale  a  ordinairement  un  début  insidieux  et  obscur;  elle 
ne  peut  guère  être  reconnue  avant  que  les  tubercules  agglomérés  ne  for- 
ment des  plaques  étendues,  et  encore  les  symptômes  auxquels  elle  donne 
lieu  sont-ils  souvent  masqués  ou  modifiés  par  ceux  d'une  tuberculose  pul- 
monaire concomitante.  La  maladie  est  caractérisée  surtout  par  des  signes 
physiques  qui  permettent  de  déterminer  le  siège  particulier  des  lésions 
dans  la  plèvre;  voici  ceux  que  Rilliet  et  Barthez  ont  spécialement  relevés 
dans  les  cas  où  la  maladie  était  simple,  dégagée  de  lésions  du  poumon. 
La  percussion  fait  constater  une  diminution  du  son  sans  matilé  absolue; 
à  l'auscultation,  on  perçoit  une  faiblesse  du  bruit  respiratoire,  pas  de 
souffle  bronchique,  quelquefois  du  retentissement  de  la  voix  sans  égo- 
phonie;  ces  symptômes  sont  toujours  plus  prononcés  en  arrière  qu'en 
avant  et  ne  se  modifient  pas  dans  les  changements  de  position  du  malade. 
Les  vibrations  thoraciques  sont  affaiblies  ou  complètement  supprimées. 
L'inspection  de  la  poitrine  et  la  mensuration  dénotent  une  dépression 
du  côté  malade,  quelquefois  précédée  d'une  augmentation.  A  ces  signes 
physiques  s'ajoutent  quelques  troubles  fonctionnels,  une  dyspnée  ordi- 
nairement peu  intense,  peu  de  douleurs  dans  la  paroi  thoracique,  une 
toux  sans  expectoration  ;  dans  un  cas,  Barthez  et  Rilliet  ont  observé  une 
vomique  due  à  l'ouverture  dans  les  bronches  d'une  caverne  extra-pleurale. 
Les  symptômes  généraux  sont  ceux  des  maladies  tuberculeuses  :  amai- 
grissement, fièvre  rémittente  moins  développée  que  dans  la  phthisie 
pulmonaire,  sueurs  nocturnes. 

La  marche  de  la  maladie  est  habituellement  lente  et  progressive,  à 
moins  qu'elle  ne  soit  accélérée  par  le  développement  d'autres  maladies 
tuberculeuses  ou  par  quelque  complication  aiguë;  comme  la  plupart  des 
tuberculeux,  les  malades  atteints  de  phthisie  pleurale  finissent  par  suc- 
comber dans  la  fièvre  hectique  et  le  marasme. 

Le  diagnostic  de  la  tuberculose  pleurale  présente  souvent  les  plus 
grandes  difficultés,  et  l'on  est  particulièrement  exposé  à  la  confondre  avec 
la  pleurésie  chronique  et  avec  la  pleurésie  purulente,  surtout  si  celles-ci 
se  sont  développées  chez  un  sujet  tuberculeux.  On  trouve,  par  exemple, 
dans  l'excellente  thèse  de  Verliac,  plusieurs  observations  prises  dans  le 
service  de  Barthez  où  l'on  voit  que  les  examens  les  plus  minutieux  n'ont 
pas  permis  de  distinguer  ces  maladies  diverses,  et  que,  dans  maintes  cir- 
constances, les  phénomènes  observés  ne  pouvaient  guère  faire  éviter  les 
erreurs  qui  ont  été  commises.  Les  signes  physiques  peuvent,  en  effet,  être 
les  mêmes  dans  ces  différents  cas,  ils  permettent  bien  d'établir  l'existence 
d'un  épanchement  ou  de  produits  accumulés  dans  la  plèvre,  mais  souvent 
ils  sont  impuissants  à  en  indiquer  la  nature;  quant  aux  phénomènes 
généraux,  amaigrissement,  fièvre  hectique  avec  sueurs  nocturnes  abon- 
dantes dans  le  cas  de  tuberculose,  plutôt  pâleur  et  bouffissure  de  la  face, 
frissons  irréguliers,  inappétence  invincible  dans  le  cas  de  pleurésie  puru- 
lente, tout  en  ayant  une  réelle  valeur  diagnostique,  ils  sont  pourtant 


250  PLÈVRE.  —  carcikose. 

d'ordinaire  insuffisants  pour  donner  une  certitude,  et  nombreux  sont  les 
cas  où  la  thoracentèse  seule  peut  lever  tous  les  doutes  et  permettre 
d'écarter  le  soupçon  d'un  épanchement  liquide. 

4°  Caiicinose.  —  Le  cancer  de  la  plèvre  n'est  pas  très-rare,  mais  il  ré- 
sulte ordinairement  de  l'extension  d'un  cancer  du  poumon,  du  médiastin 
ou  même  des  organes  abdominaux,  ou  bien  il  se  rattache  à  une  carcinose 
généralisée  qui,  après  avoir  occupé  un  organe,  l'estomac  ou  l'intestin,  par 
exemple,  envahit  ensuite  plusieurs  viscères  ou  les  membranes  séreuses. 
Dans  ces  conditions,  la  plèvre  n'est  affectée  que  secondairement  et  souvent 
même  accessoirement. 

Existe-t-il  un  cancer  primitif  de  la  plèvre?  La  plupart  des  auteurs  ré- 
pondent par  la  négative:  et  cependant  quelques  observations  récentes 
semblent  établir  la  réalité  de  cette  affection.  Ainsi  Lépinea  communiqué, 
en  1869,  à  la  Société  anatomique  un  cas  très-curieux  de  carcinome  pri- 
mitif de  la  plèvre  chez  un  enfant  de  dix  ans  :  la  cavité  pleurale  droite 
avait  presque  complètement  disparu  ;  elle  était  occupée  par  une  masse 
■d'un  tissu  dur,  blanc,  squirrheux,  étalée  en  plaques,  adhérant  intimement 
à  la  paroi  thoracique.  Cette  masse,  qui  avait  plusieurs  millimètres  d'épais- 
seur, fusionnait  ensemble  les  deux  feuillets  pleuraux,  excepté  en  quelques 
points  où  les  deux  feuillets  étaient  séparés  par  une  lame  mince  d'un  tissu 
aréolaire,  et  à  la  base  en  arrière  où  il  existait  une  loge  du  volume  de  deux 
œufs  de  poule  environ,  pleine  d'un  liquide  sanguinolent.  Le  poumon  était 
réduit  à  un  volume  qui  ne  dépassait  guère  celui  du  poing  d'un  adulte; 
en  divers  endroits,  des  noyaux,  intimement  unis  aux  plaques  squirrheuses 
de  la  plèvre,  pénétraient  dans  le  tissu  pulmonaire;  ils  étaient  mal  cir- 
conscrits et  semblaient  se  propager  le  long  des  cloisons  interlobaires  et 
interlobulaires  de  l'organe.  Dans  la  cavité  pleurale  gauche  existaient  quel- 
ques noyaux  isolés  de  volume  variable,  n'atteignant  pas  en  général  celui 
d'une  noix  :  la  cavité  elle-même  était  remplie  d'une  sérosité  abondante 
fortement  colorée  en  rouge.  Un  épanchement  semblable  existait  dans  le 
péricarde,  qui  à  droite  était  perforé  par  le  tissu  morbide;  celui-ci  formait 
à  la  surface  du  feuillet  pariétal  de  larges  plaques  végétantes  multiples 
embrassant  les  vaisseaux  de  la  base  du  cœur  et  ayant  même  perforé  la  veine 
cave  supérieure  près  de  son  embouchure  dans  l'oreillette.  Les  ganglions 
bronchiques,  surtoutdu  côté  droit,  étaient  dégénérés.  A  la  face  inférieure  du 
diaphragme  on  remarquait  aussi  quelques  végétations  ayant  perforé  le 
muscle.  «  L'examen  microscopique,  ajoute  Lépine,  a  démontré  dans  le 
tissu  morbide  la  structure  du  carcinome  (alvéoles  très-nets,  renfermant 
des  cellules  de  formes  variables).  11  s'agit  bien,  dans  ce  cas,  d'un  carci- 
nome primitif  de  la  plèvre  ;  l'autopsie  faite  minutieusement  permet  d'af- 
firmer qu'il  n'existait  nulle  part  ailleurs  de  cancer.  »  Quant  aux  accidents 
présentés  pendant  la  vie  et  dans  le  détail  desquels  nous  ne  pouvons  en- 
trer, ils  ont  surtout  consisté  en  une  oppression  progressive  avec  toux  ; 
perte  de  l'appétit  sans  fièvre  ;  l'examen  physique  de  la  poitrine  indiquai!  Je 
la  maLité  à  la  percussion,  à  l'auscultation  abolition  du  murmure  vésiculairc 
de  la  respiration  rude,  légèrement  souffrante  et  à  timbre  un  peu  creux; 


PLÈVRE.  —  carcikose.  251 

voussure  el  mobilité  moindre  du  côté  malade.  L'évolution  de  la  maladie 
l'ut  rapide,  la  mort  arriva  trois  ou  quatre  mois  après  le  début  des  accidents. 

Cette  remarquable  observation  montre  le  cancer  de  la  plèvre  isolé,  in- 
dépendant de  toute  manifestation  cancéreuse  dans  un  autre  organe  qu'on 
puisse  considérer  comme  le  point  de  départ  de  l'affection  pleurale. 

Les  Bulletins  de  la  Société  analomique  contiennent  encore  une  observa- 
tion de  Darolles  (1874),  présentée  comme  un  exemple  de  cancer  primitif 
de  la  plèvre  propagé  au  poumon  et  accompagné  de  généralisation;  cette 
observation  est  un  bel  exemple  de  carcinome  pleural,  analogue,  au  point 
de  vue  anatomique,  à  celui  de  Lépine  ;  mais  l'existence  de  plusieurs 
lésions  cancéreuses  dans  d'autres  parties  du  corps  et  notamment  dans 
tout  un  lobe  du  poumon  ne  semble  pas  permettre  d'affirmer  que  le  car- 
cinome pleural  ait  été  primitif. 

D'autres  observations  reproduisent  bien  les  caractères  du  cancer  de  la 
plèvre,  mais  on  trouve  en  même  temps  du  cancer  dans  d'autres  organes, 
ou  bien  on  ne  mentionne  pas  que  ces  organes  étaient  sains  ;  il  en  est  ainsi 
des  observations  rassemblées  par  Àrnault  de  la  Ménardière  dans  sa 
thèse  sur  les  manifestations  cancéreuses  de  la  plèvre  et  empruntées  à 
Àndral,  à  Vidal,  à  Lebert.  Arnault  de  la  Ménardière  rapporte  lui-même 
un  cas  très-intéressant,  observé  dans  le  service  de  Desnos,  où  il  s'agit 
d'un  fibro-sarcome  de  la  plèvre  ;  mais  dans  ce  fait  encore  on  trouve 
deux  tumeurs  de  même  nature  développées,  l'une  à  l'épaule,  l'autre  à  la 
cuisse,  et  ces  deux  tumeurs  étaient  certainement  bien  antérieures  dans 
leur  développement  à  l'affection  pleurale. 

Ainsi,  tout  en  admettant  l'existence  du  cancer  primitif  de  la  plèvre, 
on  doit  le  tenir  pour  très-exceptionnel  ;  il  est  fréquent,  au  contraire,  que 
le  carcinome  pleural  résulte  de  l'extension  de  proche  en  proche,  ou  de 
la  propagation  à  distance  d'un  cancer  du  poumon,  du  médiastin,  du  sein, 
quelquefois  et  plus  rarement  d'un  cancer  des  organes  abdominaux.  Dans 
ces  cas,  le  carcinome  secondaire  reproduit  les  caractères  anatomiques  de 
la  lésion  primitive  :  on  y  observe  l'cncéphaloïde,  le  squirrhe,  le  cancer 
colloïde,  le  mélanique,  ou  encore  le  fibro-sarcome  comme  dans  le  cas  de 
Desnos  mentionné  tout  à  l'heure. 

Lorsque  le  cancer  pleural  résulte  de  l'envahissement  de  la  plèvre 
par  un  cancer  des  organes  voisins,  la  lésion  est  souvent  très-étendue, 
formant  des  masses  dans  lesquelles  il  est  difficile  de  faire  la  part  de  ce 
qui  appartient  à  la  membrane  séreuse.  Plus  souvent,  le  cancer  secondaire 
paraît  plus  ou  moins  indépendant  de  la  tumeur  primitive,  et  se  présente 
sous  la  forme  de  noyaux  disséminés  à  la  surface  de  l'un  ou  de  l'autre  des 
deux  feuillets  pleuraux.  Voici,  par  exemple,  la  disposition  qu'on  observe 
le  plus  communément,  dans  les  cas  de  carcinome  pleural  consécutif  au 
cancer  du  sein  :  un  ou  deux  ilôts  cancéreux  viennent  faire  saillie  sur  la 
plèvre  costale,  au  niveau  de  la  région  mammaire,  cl  un  certain  nombre 
d'îlots  cancéreux  se  trouvent  disséminés  à  la  surface  de  la  plèvre  pulmo- 
naire, et  cela  sans  adhérences  entre  les  feuillets  des  plèvres.  Il  paraît 
démontré  aujourd'hui  que  cette  propagation  à  dislance  se  ferait  par  l'in- 


252  PLÈVRE.  —  caucino.se. 

termédiaire  du  système  lymphatique  :  en  effet,  les  vaisseaux  lymphati- 
ques sont  eux-mêmes  envahis  par  la  dégénérescence,  et  on  les  voit,  parti- 
culièrement à  la  surface  de  la  plèvre  pulmonaire  ,  sous  l'aspect  de 
cordons  blanchâtres  disposés  en  réseaux;  on  sait,  d'autre  part,  que  les 
cavités  séreuses  sont  elles-mêmes  considérées  aujourd'hui  comme  des 
cavités  lymphatiques  qui  peuvent,  exactement  comme  les  vaisseaux,  ser- 
vir de  voies  de  généralisation  du  cancer  (Virchow,  Charcol,  Lépine, 
Debove,  Cornil  et  Ranvier,  Troisier).  En  somme,  il  s'agirait  là  d'une  pro- 
pagation du  cancer  par  une  infection  de  voisinage  analogue  à  celle  que 
nous  avons  indiquée  plus  haut  pour  la  propagation  de  la  tuberculose. 

Les  caractères  anatomiques  de  l'affection  cancéreuse  de  la  plèvre  dif- 
fèrent suivant  les  diverses  conditions  de  développement  que  nous  venons 
d'indiquer  et  suivant  l'espèce  de  cancer  dont  il  s'agit  :  dans  le  squirrhe, 
ce  sont  ou  bien  des  plaques  étalées,  dures,  d'aspect  lardacé,  ou  bien  des 
noyaux  disséminés,  déchiquetés  sur  leurs  bords  ou  arrondis,  sous  forme 
de  petites  granulations  ou  de  masses  lenticulaires  plus  volumineuses, 
aplaties,  ressemblant  à  des  gouttes  de  cire  enchâssées  dans  la  membrane 
séreuse  ;  dans  l'encéphaloïde,  ce  sont  tantôt  des  sortes  de  champignons 
plus  ou  moins  gros,  formant  des  masses  bombées,  souvent  déprimées 
et  comme  ombiliquées  à  leur  centre,  tantôt  une  matière  pulpeuse 
informe  formée  par  l'agglomération  d'un  grand  nombre  de  végétations 
cancéreuses  et  remplissant  la  totalité  ou  la  plus  grande  partie  de  la  cavité 
pleurale  ;  dans  le  cancer  colloïde,  c'est  une  matière  grisâtre  et  gélatini- 
forme  infiltrant  la  plèvre  ou  sa  cavité  dans  une  plus  ou  moins  grande 
étendue;  dan.s  le  fibro-sarcôme  enfin,  c'est  un  tissu  d'apparence  fibreuse, 
blanc,  résistant,  ne  se  laissant  pas  déchirer  et  criant  sous  le  scalpel. 

Ces  productions  cancéreuses  sont  en  général  très-vasculaires,  surtout 
dans  l'encéphaloïde  où  les  tumeurs  sont  rougeàtres  et  même  violacées  ; 
les  vaisseaux  de  nouvelle  formation  qui  les  parcourent  sont  très-fragiles, 
ce  qui  explique  la  fréquence  des  hémorrhagies  interstitielles  et  des  épan- 
chements  sanguins.  La  cavité  pleurale,  quand  elle  n'est  pas  remplie  par 
les  masses  cancéreuses,  contient  un  liquide  louche,  très-souvent  sangui- 
nolent. Les  ganglions  bronchiques  participent  à  la  dégénérescence,  et 
quelquefois  celle-ci  s'étend  jusqu'aux  ganglions  cervicaux,  dont  l'altération 
a  une  grande  valeur  au  point  de  vue  du  diagnostic. 

Les  symptômes  du  carcinome  pleural  sont  très-souvent  obscurs.  La 
maladie  passe  inaperçue  et  n'est  reconnue  qu'à  l'autopsie,  quand  elle 
consiste  seulement  en  quelques  noyaux  cancéreux  disséminés  à  la  surface 
de  la  plèvre  et  qu'il  n'y  a  pas  d'épanchement  notable  de  l.i  plèvre  ;  mais 
elle  peut  quelquefois  être  reconnue,  lorsque  des  troubles  respiratoires  et 
des  signes  d'une  affection  de  la  plèvre  surviennent  chez  un  individu 
antérieurement  atteint  d'une  affection  cancéreuse,  notamment  d'un 
cancer  du  sein,  ou  soupçonné  d'un  cancer  du  poumon.  Les  troubles 
fonctionnels  qui  feront  surtout  soupçonner  l'envahissement  de  la  plèvre 
sont  des  douleurs  de  côté  fixes  et  persistantes  occupant  quelquefois  plu- 
sieurs espaces  intercostaux,  douleurs  qui  résultent  de  la  compression  des 


PLÈVRE;  —  cafici.nose.  255 

nerfs  intercostaux  ;  une  toux  plus  ou  moins  fréquente,  sèche  ou  sans 
expectoration  caractéristique  (sauf  le  cas  de  cancer  du  poumon),  et  une 
dyspnée  souvent  progressive.  Les  signes  physiques  pourront  alors  démon- 
trer l'existence  de  lésions  pleurales  :  matité  dans  une  étendue  plus  ou 
moins   considérable,  diminution  ou  abolition  du  bruit  pulmonaire, 
souffle  à  timbre  creux  ou  tubo-caverneux,  frottements  persistants  en 
quelques  points  déterminés,  diminution  des  vibrations  thoraciques, 
voussures,  immobilité  d'un  côté  de  la  poitrine,  etc.,  souvent  signes  con- 
comitants d'un  épanchement  liquide   plus  ou  moins   abondant.  Une 
analyse  attentive  de  ces  divers  signes  permettra  quelquefois  de  recon- 
naître qu'il  ne  s'agit  pas  d'une  pleurésie  ordinaire;  mais  ce  sont  surtout 
l'existence  d'une  cachexie  confirmée  et  la  connaissance  des  antécédents, 
de  l'existence  antérieure  d'un  cancer  dans  un  autre  organe,  qui  indique- 
ront la  voie  au  diagnostic.  Si  à  ces  caractères  se  joint  la  présence  bien 
onstatée  de  ganglions  malades  dans  la  région  sus-claviculaire  ;  si  une 
onction  de  la  poitrine  vient  établir  que  l'épanchement  pleural  est 
émorrhagique,  on  arrivera  alors  à  de  grandes  probabilités.  Ce  dernier 
hénomène,  épanchement  sanguin,  sans  avoir  la  valeur  absolue  qu'on 
lui  a  quelquefois  attribuée,  n'en  a  pas  moins  une  grande  signification  et 
devra  au  moins  donner  l'éveil  sur  la  possibilité  d'un  cancer  de  la 
plèvre. 

Pourra-t-on  reconnaître  un  cancer  primitif  de  la  plèvre?  Dans  le  cas 
rapporté  par  Darollcs  et  mentionné  plus  haut,  le  diagnostic  a  été  établi 
n  s'appuyant  notamment  sur  l'existence  d'une  toux  sèche  et  quinteuse, 
e  névralgies  intercostales  persistantes  et  rebelles  à  tout  traitement,  sur 
a  constatation  de  tumeurs  ganglionnaires  qui  soulevaient  la  région  sus- 
laviculaire,  sur  des  signes  physiques  qui  dénotaient  une  affection  pleuro- 
ulmonaire,  enfin  sur  les  caractères  manifestes  de  la  cachexie  cancéreuse, 
lais  il  ne  faut  pas  moins  que  tous  ces  caractères  réunis  pour  conduire 

un  diagnostic  qui  devra,  dans  ces  circonstances,  être  toujours  très- 
éservé. 

L'évolution  du  cancer  de  la  plèvre  paraît  assez  lente;  difficile  à  indi- 
uer  pour  les  cancers  secondaires  dont  le  début  est  très-insidieux,  elle 
araît  s'être  accomplie  en  quelques  mois  dans  les  cas  considérés  comme 
es  exemples  de  carcinome  primitif. 
Le  traitement  n'est  malheureusement  que  palliatif;  la  thoracentèse 
eut  être  rendue  nécessaire  par  l'existence  d'un  épanchement  abondant, 
ais  celui-ci  se  reproduit  le  plus  souvent  et  l'on  est  obligé  de  répéter 
'opération  pour  prolonger  les  jours  du  malade. 
Nous  ne  ferons  que  signaler  ici  la  carcinose  miliaire  aiguë  (Hermann 
emme,  Metlcnheimer,  Beylard,  Charcol  et  Vulpian,  Ilérard  et  Cornil. 
aporte),  qui  est,  pour  l'affection  cancéreuse,  l'analogue  de  la  tubercu- 
ose  granuleuse  aiguë  pour  l'affection  tuberculeuse.  Rarement  primitive, 
le  plus  souvent  secondaire,  survenant  chez  un  individu  déjà  atteint  de 
cancer,  cette  forme  aiguë  de  la  carcinose  est  caractérisée  anatomiquement 
par  la  présence  de  granulations  grisâtres  ou  rougcàtrcs  présentant  le 


'254  l'LKVKK.  —  ri  mi.uhs. 

plus  souvent  lus  attributs  du  cancer  encéphaloïdc;  ces  granulations,  dis- 
séminées dans  un  grand  nombre  de  viscères  et  dans  les  membranes 
séreuses,  envaliisscnt  quelquefois  presque  exclusivement  les  plèvres  et  le 
péritoine  (carcinosc  miliaire  aiguë  séreuse)  sous  la  l'orme  d'une  sorte 
d'éruption  miliaire  plus  ou  moins  abondante,  accompagnée  d'unépanche- 
ment  séreux  ou  sanguinolent;  le  microscope  seul  permet  de  distinguer 
les  granulations  cancéreuses  des  granulations  tuberculeuses.  L'évolution 
clinique  de  cette  affection  est,  comme  les  lésions  anatomiques,  analogue 
à  celle  de  la  tuberculose  aiguë  ;  les  symptômes  sont  les  mêmes,  fièvre, 
prostration,  étal  typhoïde.  ;  dyspnée,  signes  d'épanchement  dans  les  deux 
plèvres,  quelquefois  bémoptysies  liées  au  développement  de  granulations 
cancéreuses  dans  les  poumons,  etc.  Les  malades  s'affaiblissent  rapidement 
et  la  mort  arrive  dans  l'état  adynamique  le  plus  prononcé.  Le  diagnostic 
ne  peut  guère  être  établi  que  sur  l'existence  antérieure  d'un  cancer  dans 
quelque  autre  organe  de  l'économie. 

5°  Tumeup.s  diverses,  HYDATiDES.  —  La  plèvre  peut  être  le  siège  de  tu- 
meurs variées  que  nous  ne  ferons  que  mentionner,  d'abord  parce  que  ce 
sont  des  raretés  pathologiques,  en  second  lieu  parce  qu'elles  ne  sont  pas 
spéciales  à  la  plèvre  et  qu'on  peut  les  rencontrer  aussi  bien  dans  les  autres 
cavités  séreuses,  enfin  parce  qu'elles  n'ont  guère  de  caractères  cliniques 
qui  permettent  d'en  .reconnaître  l'existence  pendant  la  vie  et  qu'on  les 
découvre  seulement  à  l'autopsie  sans  que  le  plus  souvent  on  ait  soupçonné 
leur  présence.  Ainsi  on  a  observé  des  sarcomes,  des  fibro-sareômes  dont 
nous  avons  déjà  signalé  un  exemple  dans  l'article  précédent,  des  épi- 
théliômes,  des  lymphômes  ;  dans  bon  nombre  de  cas  ces  tumeurs  ne  sont 
pas  bornées  à  la  plèvre,  on  en  trouve  en  même  temps  dans  d'autres  or- 
ganes, et  cette  dernière  circonstance  pourrait  peut-être  quelquefois  per- 
mettre un  diagnostic,  si  l'on  reconnaissait,  en  même  temps  que  d'autres 
tumeurs  dont  la  nature  aurait  été  déterminée,  la  présence  dans  la  plèvre 
d'une  tumeur  souvent  accompagnée  d'un  épanchement. 

D'autres  tumeurs  de  la  plèvre  se  rattachent  plus  ou  moins  directement 
à  la  pleurésie  chronique:  tels  sont  les  fibromes  qu'on  rencontre,  soit  sous 
forme  de  noyaux  lenticulaires  aplatis  ou  de  petites  masses  ramifiées,  soit 
en  plaques  plus  ou  moins  étendues,  les  jjroducl 'ions  carlilaginiformes  ou 
ossiformes  qui  ne  sont  pas  très-rares;  ces  dernières  forment  quelquefois 
des  plaques  étalées  et  assez  étendues  au  milieu  de  néomembranes  qui 
couvrent  la  plèvre.  Laboulbène  en  a  cité  un  bel  exemple,  les  Bulletins  de 
la  Société  analomique  en  contiennent  plusieurs  observations,  et  j'en  ai 
observé  moi-même  un  cas  remarquable  chez  un  malade  atteint  de  pleu- 
résie chronique  :  la  plèvre  pariétale  était  couverte  de  néomembranes 
épaisses  et  celles-ci  contenaient,  dans  toute  la  hauteur  de  la  gouttière 
costo-vertébrale,  une  plaque  ossiforme  dont  les  dimensions,  l'épaisseur  et 
la  forme,  représentaient  à  peu  près  un  sternum. 

On  a  rencontré  encore  des  angiomes,  des  lipomes  situés  sur  la  plèvre 
costale  ou  au-dessous  d'elle  (Rokilansky),  enfin  des  kystes  séreux  et 
même  un  kyste  dermoïde  (Buchner,  cité  par  Laboulbène).  Parmi  ces  tu- 


PLÈVRE.  —  HïDATiitEs.  255 

meurs,  nous  distinguerons  seulement  les  kystes  hydatiques  dont  nous  di- 
rons quelques  mots. 

Les  hydalides  de  la  plèvre  ont  été  étudiées  récemment  encore  par 
Hearn  dans  sa  thèse  sur  les  kystes  hydatiques  du  poumon  et  de  la  plèvre, 
mémoire  consciencieux  et  remarquable  qui,  sur  ce  point  particulier,  a 
ajouté  aux  recherches  antérieures  de  Yigla  et  même  aux  importants  tra- 
vaux de  Davaine.  Elles  sont  assurément  rares,  et  plusieurs  auteurs  pen- 
sent que  l'on  a  plusieurs  fois  considéré  comme  des  hydatides  pleurales 
des  kystes  du  poumon  ou  des  hydatides  tombées  du  poumon  dans  la  cavité 
pleurale  (Davaine,  Trousseau);  cependant  Hearn  a  pu  en  rassembler  15 
exemples  dont  plusieurs  très-probants,  sur  75  cas  de  kystes  intra-thora- 
ciques  dans  lesquels  le  siège  de  la  maladie  est  assez  exactement  indi- 
qué. Elles  sont  situées  tantôt  dans  la  plèvre  elle-même,  tantôt  dans  le 
tissu  sous-séreux,  entre  la  plèvre  pariétale  et  la  paroi  thoracique. 

Les  hydatides  développées  primitivement  dans  la  cavité  pleurale  pré- 
sentent ce  caractère  anatomique  particulier  qu'elles  sont  dépourvues  de 
poche  adventice  (Davaine).  Dans  la  plupart  des  observations  suivies  d'au- 
topsie, on  voit  que  la  tumeur  est  constituée  par  une  poche  volumineuse 
remplissant  souvent  la  plus  grande  partie  ou  même  la  totalité  de  la  cavité 
de  la  plèvre;  les  parois  de  cette  poche  sont  formées  par  une  membrane 
transparente  ou  légèrement  opaline  et  blanchâtre,  composée  de  plusieurs 
feuillets  minces  superposés  :  sa  face  externe  est  quelquefois  adhérente  à 
la  plèvre  pariétale  ou  à  la  plèvre  viscérale,  mais  il  n'est  ordinairement  pas 
diflicile  de  l'en  détacher;  sa  face  interne  est  hérissée  de  petites  granula- 
tions sessiles  ou  pédiculées,  qui  sont  des  échinocoques,  ou  de  vésicules 
qui  ne  sont  autre  chose  que  des  hydatides  filles  appendues  à  la  poche 
principale.  Dans  l'intérieur  du  kyste,  on  trouve  un  liquide  limpide, 
hyalin,  quand  la  maladie  est  récente  et  que  les  parasites  qui  la  consti- 
tuent sont  encore  vivants,  plus  tard  louche  et  trouble,  se  translormant  à 
la  longue  en  une  masse  consistante  ressemblant  à  du  mastic  ou  à  du  fro- 
mage, en  même  temps  que  les  parois  deviennent  plus  épaisses  et  prennent 
une  apparence  fibreuse.  Tous  ces  caractères  n'ont  rien  de  spécial  aux 
hydatides  pleurales,  on  les  retrouve  dans  les  tumeurs  hydatiques  de  tous 
les  autres  organes,  mais  ici  la  poche  parasitaire  n'est  pas  entourée  par 
une  membrane  adventice,  ainsi  que  nous  l'avons  dit  tout  à  l'heure  ;  on 
trouve  seulement  autour  d'elle  quelques  traces  de  pleurésie,  souvent 
d'ailleurs  peu  accusées  et  consistant  en  adhérences  qui  réunissent  les 
parois  du  kyste  aux  feuillets  de  la  plèvre,  en  une  petite  quantité  d'exsu- 
dat  gélatineux  ou  en  quelques  fausses  membranes.  Quand  les  kystes  hyda- 
tiques de  la  plèvre  sont  très-volumineux,  ils  produisent  sur  les  organes 
voisins  des  effets  de  compression  tout  à  fait  analogues  à  ceux  que  déter- 
minent les  grands  épanchements  pleurétiques  :  le  poumon  est  refoulé, 
les  côtes  sont  écartées  en  dehors,  le  diaphragme  est  abaissé,  enfin  le 
cœur  et  les  organes  contenus  dans  le  médiastin  peuvent  être  eux-mêmes 
comprimés  et  déplacés  en  divers  sens. 

Le  début  des  kystes  de  la  plèvre  est  souvent  obscur,  ce  qui  s'explique 


256  PLÈVBEj  —  urawmi 

par  l'absence  de  troubles  fonctionnels  appréciables,  tant  que  la  tumeur 
n'exerce  pas  encore  de  compression  sensible  sur  les  organes  voisins,  et 
par  la  tolérance  de  la  plèvre  elle-même  qui  est  à  peine  irritée  par  le 
développement  des  bydatides  dans  son  intérieur.  Quoi  qu'il  en  soit,  les 
symptômes  auxquels  tôt  ou  tard  ces  kystes  donnent  naissance  sont  la 
douleur,  la  dyspnée  et  la  toux.  La  douleur  occupe  précisément  les  points 
où  siège  le  kyste  et  de  là  elle  présente  des  irradiations  diverses;  une  fois 
développée,  elle  persiste  avec  ténacité  pendant  toute  la  durée  de  la  mala- 
die :  cette  persistance  de  la  douleur  est  même  un  caractère  important 
dont  il  faut  tenir  grand  compte  dans  le  diagnostic,  et  qui  distingue  les 
kystes  inlra-llioraciques  des  épanebements  pleurétiques  enkystés,  dans 
lesquels  la  douleur  est  un  phénomène  initial  et  de  courte  durée  (Vigla). 
La  dyspnée  paraît  [subordonnée,  d'une  part,  à  la  douleur  qui  entrave 
instinctivement  les  excursions  tboraciques,  d'autre  part,  à  la  compres- 
sion mécanique  du  poumon  et  à  la  diminution  du  champ  respiratoire  qui 
en  résulte,  aussi  cette  dyspnée  augmenle-t-elle  progressivement  avec  le 
volume  de  la  tumeur.  La  toux  est  quelquefois  signalée,  toutefois  plus 
rarement  que  dans  les  kystes  hydatiques  du  poumon  ;  en  outre,  contrai- 
rement à  ce  qui  a  lieu  dans  ces  derniers,  la  toux  reste  sèche  dans  les 
kystes  de  la  plèvre  et  surtout  il  ne  survient  pas  d'hémoptysies  (Hearn). 
Quant  aux  symptômes  généraux,  ils  sont  habituellement  peu  prononcés  : 
la  maladie  a,  en  somme,  peu  de  retentissement  sur  l'ensemble  de  l'éco- 
nomie, et  les  seuls  troubles  fonctionnels  qu'elle  entraîne  sont  dus  au 
siège  de  la  tumeur  et  aux  effets  qu'elle  exerce  sur  les  organes  du  voi- 
sinage. 

Les  signes  physiques  ont  naturellement  une  grande  valeur  pour  le  dia- 
gnostic d'une  tumeur  liquide  intra-pleurale,  et,  malgré  les  analogies 
nombreuses  qu'ils  ont  avec  ceux  des  épanchements  pleurétiques  enkystés, 
et  surtout  avec  ceux  des  hydatides  du  poumon,  ils  offrent  cependant 
quelques  particularités  qui  les  distinguent  et  peuvent  quelquefois  permet- 
tre de  reconnaître  la  nature  de  la  maladie. 

Quand  le  kyste  hydatique  a  acquis  un  certain  volume  et  qu'il  s'accuse 
déjà  par  des  douleurs  et  une  dyspnée  plus  ou  moins  intense,  il  donne 
lieu  quelquefois  à  une  dilatation  du  tborax  et  à  une  voussure  dont  le 
siège  correspond  précisément  à  celui  de  la  tumeur.  Si  cette  voussure 
n'est  pas  constante,  c'est  qu'en  réalité  le  poumon  cède  plus  facilement 
à  la  compression  que  la  paroi  thoracique  ;  mais,  quand  elle  existe,  la 
voussure  devient  un  signe  diagnostique  de  la  plus  grande  valeur  en  rai- 
son de  son  siège  et  de  sa  forme  :  en  effet,  d'une  part  elle  n'occupe  pas 
forcément  la  base  de  la  poitrine,  comme  dans  les  épanchemenls  pleuré- 
tiques ;  d'autre  part,  elle  peut  encore  se  distinguer  par  sa  forme  globu- 
leuse, ainsi  que  Trousseau  l'a  bien  fait  ressortir:  lorsque  la  dilatation 
thoracique,  au  lieu  d'être  uniforme  comme  cela  est  ordinaire  dans  la 
pleurésie,  est,  au  contraire,  parfaitement  circonscrite  et  globuleuse,  cette 
l'orme  particulière  est  plutôt  l'indice  d'un  kyste  que  d'un  épanchemenl, 
et  Trousseau  rapporte  plusieurs  exemples  dans  lesquels  ce  signe  a  pu 


PLÈVRE.  —  uïdatides.  t2:.7 

déterminer  le  diagnostic.  En  même  temps  que  la  voussure,  on  constate 
ordinairement  une  immobilité  du  lliorax,  ou  au  moins  une  diminution  des 
excursions  respiratoires  du  côté  correspondant  à  la  tumeur. 

Les  vibrations  thoraciques  sont  diminuées  ou  même  totalement  abolies 
au  niveau  du  kyste.  La  percussion  donne  une  matité  souvent  complète, 
absolue  dans  toute  l'étendue  de  la  tumeur.  La  palpation  et  la  percussion 
semblent  donc  fournir  des  résultats  identiques  à  ceux  qu'on  rencontre 
dans  les  épanclicnienls  pleurétiques  enkystés;  cependant,  ici  encore,  l'éten- 
due et  le  siège  dans  lesquels  on  percevra  ces  signes  pourront  éclairer 
le  diagnostic  :  si  l'on  arrive  à  limiter  par  ces  moyens  une  tumeur  enkystée 
nettement  globuleuse,  n'ayant  pas  le  siège  ni  la  forme,  si  bien  détermi- 
nées d'ordinaire,  des  épancbements  pleurétiques,  on  pourra  soupçonner 
l'existence  d'une  maladie  autre  que  la  pleurésie  et  penser  à  un  kyste. 
Quant  à  l'auscultation,  les  signes  qu'elle  fournit,  tels  que  absence  de 
bruit  respiratoire,  souille  voilé,  quelquefois  souille  pseudo-cavitaire,  ils 
ressemblent  tellement  à  ceux  que  l'on  trouve  dans  la  pleurésie,  que,  saut 
encore  leur  siège  et  leur  forme  dans  quelques  cas  particuliers,  ils  n'ajou- 
tent que  peu  de  renseignements  à  ceux  que  donnent  les  autres  moyens 
d'exploration. 

On  voit,  d'après  ce  qui  précède,  de  quelles  difficultés,  souvent  insur- 
montables, est  entouré  le  diagnostic  des  kystes  bydatiques  des  plèvres, 
difficultés  encore  accrues  lorsque  ces  kystes  sont  accompagnés  d'un  épan- 
ebement  pleurélique  concomitant,  ce  qui  est  loin  d  être  rare.  Aussi  ne 
reconnail-on  luibituellemcnt  la  maladie  que  lorsque  se  produit  spontané- 
ment l'ouverture  du  kyste  dans  les  bronches  :  ou  voit  alors  survenir, 
comme  par  une  sorte  de  vomi  que,  une  expectoration  abondante;  le  ma- 
lade rend,  dans  des  quintes  de  toux,  un  Ilot  de  liquide  transparent  et  clair 
ou  déjà  altéré,  d'un  goût  salé  très-prononcé,  dans  lequel  le  microscope 
permet  de  constater  la  présence  d'éehinocoqucs  ou  au  moins  de  crochets. 
Cette  expectoration  hydatique  constitue  un  signe  vraiment  pathognomo- 
nique  de  l'existence  d'un  kyste  intra-thoracique  ;  il  reste  à  déterminer 
quel  est  le  véritable  siège  du  kyste,  si  c'est  la  plèvre,  le  poumon  ou  même 
le  foie;  mais  nous  n'insisterons  pas  davantage  sur  ce  diagnostic,  qui 
trouvera  mieux  sa  place  à  l'occasion  des  hydatides  du  poumon. 

La  marche  des  kystes  hydaliqucs  de  la  plèvre  est  le  plus  habituelle- 
ment lente,  leur  durée  se  compte  au  moins  par  plusieurs  mois. 

La  maladie  est  certainement  très-grave  et  comporte  un  pronostic  très- 
sérieux;  cependant  les  kystes  de  la  plèvre  peuvent  être  tenus  pour  beau- 
coup moins  graves  que  les  kystes  pulmonaires,  parce  que  leur  situation 
les  dispose  plus  favorablement  à  l'action  thérapeutique  (llearn).  La  gué- 
rison  spontanée  ne  parait  pas  d'ailleurs  impossible  :  on  a  vu  des  kystes 
intra-lhoraciques  guérir  après  l'évacuation  spontanée  de  leur  contenu 
par  les  bronches  et  même  par  la  paroi  thoracique.  Mais  il  ne  faudrait  pas 
trop  compler  sur  cette  terminaison  favorable  :  outre  que  l'évacuation  des 
kystes  par  les  bronches  a  plusieurs  fois  amené  l'asphyxie  et  une  morl 
rapide,  résultant  de  l'obstruction  brusque  de  ces  conduits  par  des  débris 

NOCV.  DICT.  M  Kl,   kt  cmr..  XXY11!.    |7 


2S8  PLÈVIIE.  —  MALADIES  SIXONDAIIIKS. 

d'toydaftides,  on  a  vu  plus  souvent  encore  survenir,  dans  ces  conditions, 
un  pneumothorax,  et  cette  complication  est  elle-même  une  des  plus  dan- 
gereuses, car  elle  peut  entraîner  aussi  une  mort  rapide  par  asphyxie 
ou  bien  amener  une  suppuration  de  la  plèvre,  et  par  conséquent  tous 
les  dangers  de  la  pleurésie  purulente.  Les  kystes  de  la  plèvre  ont  quel- 
quefois aussi  causé  la  mort  par  une  asphyxie  progressive,  lorsque  la  ma- 
ladie abandonnée  à  elle-même  a  acquis  un  développement  considérable 
et  capable  de  supprimer  complètement  les  fonctions  d'un  des  poumons. 

Heureusement  la  thérapeutique  n'est  pas  désarmée  en  face  des  accidents 
si  graves  et  des  complications  qu'entraînent  les  kystes  des  plèvres  :  si  l'on 
reconnaît  la  maladie  avant  l'ouverture  du  kyste  dans  les  bronches,  la 
ponction  capillaire  et  l'aspiration  pourront  être  pratiquées  avec  chances 
de  succès;  liird,  cité  par  llearn,  aurait  ainsi  obtenu  plusieurs  guérisons 
par  ce  simple  traitement  dans  des  cas  de  kystes  intrathoraciques,  et  il 
paraît  que  cette  pratique  est  fréquemment  employée  par  les  médecins 
d'Australie.  Si  le  kyste  s'est  déjà  ouvert  dans  les  bronches,  on  peut 
attendre  la  guérison  spontanée,  tant  qu'il  ne  survient  pas  d'accidents; 
mais  s'il  arrive  des  complications,  et  surtout  une  suppuration  de  la  plèvre, 
il  faut  recourir  à  l'empyème,  et  les  observations  de  Vigla,  de  Southey.  de 
Moutard-Martin  sont  là  pour  témoigner  qu'il  ne  faut  pas  désespérer, 
même  dans  ces  conditions  si  défavorables,  et  que  l'ouverture  de  la  poi- 
trine et  les  lavages  de  la  plèvre  constituent  certainement  alors  la  meil- 
leure ressource  dont  on  puisse  disposer. 

Maladies  secondaires.  —  Nous  avons  déjà  vu  combien  souvent 
les  maladies  des  plèvres  sont  subordonnées  à  des  maladies  primitivement 
développées  surtout  dans  les  poumons,  ou  encore  dans  les  médiastins,  dans 
les  parois  thoraciques,  même  dans  le  foie,  en  un  mot  dans  les  différents 
organes  adjacents  à  la  plèvre.  A  propos  de  la  pleurésie,  de  la  tuberculose, 
du  cancer,  etc.,  nous  avons  insisté  sur  ce  fait  important  que,  la  pleurésie 
franche  aiguë  mise  à  part,  la  plupart  de  ces  maladies  sont  rarement  pri- 
mitives et  qu'elles  sont,  au  contraire,  habituellement  dépendantes  d'af- 
feetions  antérieures  des  poumons  ou  des  organes  voisins. 

D'autre  part,  nous  avons  observé  aussi  que,  dans  un  grand  nombre  de 
circonstances,  les  altérations  des  plèvres  ne  sont  qu'une  des  détermina- 
tions locales  d'une  maladie  générale,  comme  la  tuberculose  ou  le  cancer  : 
il  s'agit  alors  de  manifestations  diathésiques  qui  envahissent  à  la  fois 
plusieurs  organes  et  dans  lesquelles  la  plèvre  peut  être  intéressée  au 
même  titre  que  les  autres  membranes  séreuses  ou  les  autres  viscères. 

Ces  deux  groupes,  altérations  des  plèvres  par  extension  des  maladies 
des  organes  voisins,  altérations  par  lésions  multiples  résultant  d'une 
affection  diatliésiquc,  comprennent  la  plus  grande  partie  des  maladies 
secondaires  des  plèvres. 

Nous  n'insisterons  pas  davantage  sur  ces  différentes  maladies  :  pour  les 
pleurésies  secondaires,  comme  pour  la  tuberculose,  le  cancer,  les  dégé- 
nérescences secondaires  des  plèvres,  nous  renverrons  à  ce  que  nous  avons 
déjà  dit  dans  les  pages  précédentes.  Mais  il  est  un  point  que  nous  désirons 


PLÈVRE.    MALADIES  SECONDAIRES.  259 

mettre  ici  en  relief,  c'est  la  relation  fréquente  qui  existe  entre  certaines 
maladies  des  plèvres  et  les  mêmes  maladies  du  péritoine. 

La  tuberculose  cl  la  carcinose  du  péritoine  coïncident  fréquemment  avec 
des  maladies  semblables  des  plèvres,  et  cette  coïncidence  a  une  grande 
valeur  au  point  de  vue  diagnostique.  En  effet  l'existence  simultanée 
d'une  pleurésie  simple  ou  double  et  d'une  péritonite  imposera  d'une 
façon  presque  absolue  l'idée  d'une  tuberculose  des  membranes  séreuses; 
si  l'on  sait,  d'après  les  recberches  cliniques  d'Empis,  que,  dans  la  tuber- 
culose aiguë  des  séreuses,  il  est  à  peu  près  de  règle  que  les  plèvres  et  le 
péritoine  soient  affectés  en  même  temps,  cela  n'est  pas  moins  vrai  pour 
la  tuberculose  chronique  :  Godélier,  cité  par  Yillemin,  a  posé  en  loi  que, 
«  quand  il  y  a  tuberculisation  du  péritoine,  il  y  a  toujours  aussi  tuborculi- 
sation  de  l'une  ou  des  deux  plèvres.  »  On  conçoit  toute  l'importance  cli- 
nique de  cette  loi  :  dans  les  cas  où  une  péritonite  tuberculeuse  ne  se 
traduit  que  par  des  symptômes  douteux,  ou  bien  encore  dans  les  cas  où 
le  diagnostic  est  hésitant  entre  une  péritonite  et  une  autre  affection  de 
l'abdomen,  comme  une  cirrhose  du  foie  par  exemple,  on  devra  rechercher 
immédiatement  s'il  existe  en  même  temps  quelques  signes  de  pleuTésie 
chronique,  et  les  résultats  positifs  ou  négatifs  de  cette  recherche  décide- 
ront presque  toujours  à  admettre  ou  à  rejeter  la  tuberculose.  Yillemin 
déclare  que  bien  des  fois  il  a  eu  l'occasion  de  vérifier  l'exactitude  de  cette 
loi  et  qu'il  n'a  jusqu'ici  rencontré  aucun  exemple  qui  s'en  écarte.  Mon 
observation  personnelle  me  permet  d'ajouter  que  souvent  aussi  j'ai  pu 
constater  la  valeur  diagnostique  de  ce  caractère  de  coïncidence. 

Comment  comprendre  cette  relation  si  habituelle  entre  certaines  affec- 
tions des  membranes  séreuses  thoraciques  et  abdominales?  Assurément 
on  peut  admettre  que  les  plèvres  et  le  péritoine  deviennent  malades  au 
même  titre  et  indépendamment  l'une  de  l'autre,  par  le  fait  de  la 
diathèse  tuberculeuse  ou  cancéreuse  ;  il  est  probable  qu'il  en  est  sou- 
vent ainsi,  notamment  dans  les  cas  nombreux  où  l'apparition  des  acci- 
dents semble  se  faire  en  même  temps  dans  plusieurs  membranes  séreuses. 
Mais  on  peut  encore,  dans  certains  cas,  invoquer  un  autre  mécanisme,  à 
savoir  la  propagation  de  proche  en  proche  ou  à  distance  d'une  altération 
développée  primitivement  dans  un  foyer  unique.  Nous  avons  déjà  indi- 
qué, à  propos  de  la  tuberculose  et  du  cancer  des  plèvres,  que  ces 
affections,  le  plus  souvent  secondaires,  étaient  considérées  aujourd'hui 
comme  résultant  habituellement  d'une  infection  de  voisinage  dont  le 
système  lymphatique  serait  la  voie  de  transmission  la  plus  fréquente  ; 
les  travaux  de  Virchow,  Yillemin,  Charcot,  Lépine,  Debovc,  Troisier,  que 
nous  avons  mentionnés,  semblent  mettre  ce  mode  pathogénique  au-dessus 
de  toute  contestation.  Suivant  toute  probabilité,  c'est  d'une  façon  ana- 
logue que  se  propageraient  les  lésions  des  plèvres  au  péritoine  ou 
inversement  :  pour  le  cancer  par  exemple,  Charcot  et  Debove  ont  pu 
suivre  la  propagation  du  cancer  du  sein  à  la  plèvre  par  les  vaisseaux 
lymphatiques  eux-mêmes  dégénérés,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  vu  ; 
mais  ce  n'est  pas  tout,  les  mêmes  auteurs  ont  constaté  que  la  dé^éné- 


260 


PLÈVRE. 


  LTA.NCIIKMIÎNTS  DANS  LA   CAVITÉ   PLEUKAI.I  „ 


resccncc  s'étend  souvent  au  diaphragme,  et  que  par  son  intermédiaire, 
elle  peut  envahir  le  péritoine  :  ainsi,  en  même  temps  que  la  plèvre  était 
affectée,  ils  ont  trouvé  des  productions  cancéreuses  à  la  face  supérieure 
et  à  la  l'ace  inférieure  du  diaphragme,  figurant  dans  ce  dernier  siège  des 
masses  blanchâtres  étoilées,  anastomosées  entre  elles,  et  l'examen  histo- 
logique  a  montré  qu'il  s'agissait  là  de  lymphangite  cancéreuse  (on  sait 
d'ailleurs,  par  les  recherches  des  anatomistes,  que  le  diaphragme  est 
très-riche  en  vaisseaux  lymphathiques,  surtout  au  niveau  du  centre 
phrénique).  Dans  un  certain  nombre  de  cas,  l'altération  se  propageait 
plus  loin  encore,  et  les  organes  enveloppés  par  le  péritoine  étaient  parse- 
més à  leur  surface  de  nodules  cancéreux.  Cette  propagation  d'une  affec- 
tion de  la  plèvre  au  péritoine  ou  inversement,  bien  établie  pour  le 
cancer,  paraît  au  moins  probable  de  même  pour  la  tuberculose,  ainsi 
qu'il  résulte  des  recherches  de  Lépine,  peut-être  môme  pour  certaines 
inflammations  purulentes  des  séreuses,  comme  le  feraient  supposer  les 
faits  rapportés  par  Vautrain  et  par  Caillette,  et  déjà  analysés  ailleurs 
(Voy.  art.  Péritonite  ,  t.  XXVI,  p.  716),  faits  qui  semblent  établir  la 
possibilité  d'une  propagation  des  inflammations  de  la  plèvre  au  péritoine 
ou  réciproquement. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  l'interprétation,  le  fait  de  la  coïncidence  des 
affections  de  la  plèvre  et  du  péritoine  n'en  subsiste  pas  moins  parfai- 
tement établi  en  clinique,  et  la  fréquence  de  cette  coïncidence  dans  la 
tuberculose  et  dans  le  cancer  lui  donne  une  valeur  diagnostique  qui  jus 
tifie  les  développements  que  nous  lui  avons  consacrés. 

Pour  terminer  l'étude  des  maladies  secondaires  des  plèvres,  il  nous 
reste  à  parler  des  épanchements  dont  elles  peuvent  être  le  siège.  Comme 
nous  l'avons  dit  au  début  de  cet  article,  ce  sont  plutôt  là  des  accidents, 
des  épiphénomènes  que  des  maladies  proprement  dites  des  plèvres  ; 
mais  au  point  de  vue  pratique,  il  y  a  tout  -intérêt  à  les  eu  rapprocher  à 
cause  des  symptômes  qu'ils  déterminent  et  des  conséquences  qu'ils  peu- 
vent entraîner. 

Épanchements  dans  la  cavité  pleurale. —  Ces  épanchements  présentent 
de  très-nombreuses  variétés,  relatives  d'une  part  à  la  nature  des  fluides  qui 
les  constituent,  d'autre  part  aux  conditions  pathologiques  qui  président  à 
leur  développement. 

Nous  ne  ferons  que  mentionner  un  certain  nombre  d'épanchemenls. 
peu  communs  d'ailleurs,  qui  résultent  de  l'irruption  brusque  dans  la  plèvre, 
de  matières  diverses  provenant  des  parties  voisines  :  ici,  c'est  du  sang 
provenant  de  la  rupture  d'un  anévrysrnc  de  l'aorte  ou  d'une  hémorrhagie 
pulmonaire  abondante;  là,  c'est  du  pus  provenant  de  l'ouverture  dans  la  ca- 
vité pleurale  d'un  abcès  formé  danslepoumon,  dans  le  foie,  oumemedans  les 
reins,  dans  le  mcdiaslin,  dans  les  parois  thoraciques;  dans'quelquescâs,  1 1 
sont  des  matières  gangréneuscs  provenant  d'un  loyer  gangréneux  super- 
licicl  du  poumon;  dans  d'autres  circonstances,  c'est  du  liquide  hydatique 
provenant  d'un  kyste  du  poumon  ou  du  foie;  ailleurs  encore,  ce  sont  des 
matières  alimentaires  qui  ont  passé  par  une  perforation  de  l'œsophage. 


PLÈVRE.  —  iiYDnoTHOiux.  261 

surtout  dans  le  cas  de  cancer  de  cet  organe.  Tous  ces  faits  ressortissant  à 
l'histoire  des  diverses  maladies  que  nous  venons  d'énumérer,  et  ne  sont 
autre  chose  que  des  complications  de  ces  maladies;  nous  ne  devons  pas 
nous  y  arrêter.  Notons  seulement  que,  dans  ces  diverses  circonstances, 
l'irruption  brusque  de  matières  étrangères  dans  la  plèvre  s'annonce  en  gé- 
néral par  un  violent  point  de  côté  accompagné  d'une  dyspnée  très-intense 
et  d'accidents  de  suffocation  capables  d'entraîner  la  mort  à  bref  délai  ;  que, 
dans  les  cas  moins  défavorables  et  moins  promplement  funestes,  il  se  dé- 
veloppe une  pleurésie  suraiguë  à  épanchement  presque  toujours  purulent; 
enfin  que  les  signes  physiques  permettent  de  reconnaître  l'accumulation  dans 
la  plèvre  d'un  épanchement  liquide  et  quelquefois  gazeux  en  même  temps. 
Ces' différents  phénomènes  ne  peuvent  d'ailleurs  indiquer  autre  chose  que 
l'existence  d'une  perforation  de  la  plèvre  et  d'un  épanchement  dans  sa 
cavité;  quant  au  diagnostic  de  la  nature  du  liquide  épanché  et  de  la  cause 
des  accidents,  il  ne  peut  être  éclairé  que  par  les  commémoratifs  et  par 
la  connaissance  antérieure  de  la  maladie  primitive. 

En  dehors  de  ces  épanchements  accidentels,  qui  ne  sont  en  réalité  que 
des  complications  des  diverses  maladies  que  nous  avons  énumérées,  la 
plèvre  peut  encore  être  le  siège  de  différents  épanchements  dont  l'élude 
ne  doit  pas  davantage  nous  arrêter  :  ainsi  on  peut  y  rencontrer  des  épan- 
chements sanguins  résultant  d'un  traumatisme,  d'une  contusion  du  thorax 
ou  d'une  plaie  pénétrante  de  la  poitrine  (Voy.  art.  Poitrine,  lésions  trau- 
maliques  de  la),  ou  consécutifs  à  certaines  pleurésies;  ces  derniers,  qui 
appartiennent  à  notre  sujet,  ont  déjà  été  étudiés  (Voy.  Pleurésie  hémorriia- 
gique).  On  y  observe  assez  souvent  des  épanchements  purulents,  non  plus 
venus  des  parties  voisines  comme  tout  à  l'heure,  mais  directement  formés 
dans  la  cavité  pleurale  ;  ces  épanchements  ont  également  été  étudiés  en 
détail  dans  l'article  consacré  à  la  Pleurésie  purulente.  Les  plus  communs 
de  tous  sont  les  épanchements  séro-fibrineux  qui  se  forment  dans  la  pleu- 
résie aiguë  ;  ils  ont  été  aussi  l'objet  d'une  étude  spéciale  (  Voy.  Pleurésie 
aiguë).  Enfin  on  y  trouve  encore  des  épanchements  séreux  que  l'on  décrit 
sous  le  nom  d'hydrothorax,  cl  des  épanchements  gazeux  de  composition 
diverse  qu'on  réunit  sous  la  dénomination  de  pneumothorax.  Ces  deux 
dernières  variétés  n'ayant  pas  été  étudiées  encore,  nous  devons  les  exposer 
avec  quelques  détails. 

Hydrotiiorax.  —  L'hydrothorax  est  l'hydropisie  de  la  plèvre,  en  d'autres 
termes  l'épanchcment  dans  la  cavité  pleurale  d'un  liquide  analogue  au 
sérum  du  sang. 

Le  liquide  de  l'hydrothorax  se  distingue  du  liquide  de  la  pleurésie  par 
l'absence  de  fibrine;  un  autre  caractère  sépare  encore  ces  deux  maladies, 
1  c'est  l'absence  de  lésions  anatomiques  dans  la  membrane  séreuse  elle- 
même  lorsqu'il  s'agit  d'une  hydropisie  pleurale,  l'existence  constanle  de 
i  ces  lésions  dans  la  pleurésie.  En  réalité,  comme  nous  l'avons  déjà  dit,  la 
|  plèvre  n'est  pas,  à  proprement  parler,  malade  dans  l'hydrothorax,  elle 
i  n  est  que  le  réceptacle  d'un  épanchement  à  la  formation  duquel  elle  est 
complètement  étrangère  ;  et  la  seule  lésion  que  l'on  puisse  constater  dans 


26'2  PLÈVRE.  —  îiYDiioTiioiiAx.  —  causes. 

celle  maladie  consiste  dans  l'accumulation  d'une  quantité  plus  ou  moins 
grande  de  sérosité  dans  la  plèvre. 

Il  n'y  a  pas  d'hydrolliorax  idiopalhique  ;  l'hydropisie  pleurale  est  toujours 
secondaire,  dépendante  d'une  maladie  qui  a  son  siège,  non  pas  dans  la 
plèvre,  mais  dans  l'appareil  circulatoire  ou  dans  le  sang.  Les  exemples 
qu'on  a  cités  de  prétendu  hydrothorax  idiopalhique  peuvent  être  tenus  pour 
des  faits  incomplètement  observés;  il  s'agissait  sans  doute,  ou  de  pleu- 
résies avec  peu  ou  pas  de  fausses  membranes  et  un  épanchement  séreux 
considérable,  ou  de  tuberculoses  pleurales  dont  les  granulations  peu  nom- 
breuses ont  pu  échapper  à  l'observation,  ou  enfin  d  hydrothorax  vrais  dont 
la  cause,  maladie  du  cœur  ou  maladie  de  Bright,  aura  été  méconnue. 

Causes.  —  Les  causes  de  l'hydrothorax,  comme  celles  des  autres  hv- 
dropisies  (Voy.  ce  mot),  sont  des  causes  mécaniques  et  des  causes  dyscra- 
siques.  En  tête  des  premières  se  placent  les  conditions  qui  apportent  un 
obstacle  à  la  circulation  veineuse  dans  le  poumon  ou  dans  les  parois 
thoraciques  :  les  plus  fréquentes  sont  les  lésions  mitrales  (rétrécissement 
ou  insuffisance),  dont  un  des  premiers  effets  est  de  gêner  le  cours  du  sang 
dans  les  poumons  et  dans  leur  enveloppe  séreuse  et  par  suite  d'amener 
d'abord  la  congestion  et  l'œdème  du  poumon,  puis  l'épanchement  séreux 
dans  les  plèvres  ;  plus  tard,  les  troubles  apportés  à  la  circulation  générale 
pourront  entraîner  le  développement  d'une  anasarque,  mais,  dans  les 
hydropisies  résultant  d'une  maladie  mitrale,  l'œdème  du  poumon  et 
l'hydrothorax  précéderont  toujours  les  autres  œdèmes.  D'autres  maladies 
du  cœur  peuvent  aussi  produire  l'hydrothorax,  notamment  toutes  celles 
qui  sont  accompagnées  d'asyslolie,  et  aussi  la  parésie  cardiaque  qui  arrive 
dans  la  période  avancée  des  maladies  graves  ;  mais,  dans  ces  conditions, 
l'hydrothorax  apparaîtra  en  même  temps  que  des  hydropysies  en  d'autres 
parties  du  corps  et  fera  elle-même  partie  d'une  anasarque  généralisée. 
Comme  causes  plus  rares  d'hydrothorax  d'origine  mécanique,  on  peut 
citer  les  compressions  des  veines  pulmonaires  par  des  tumeurs  des  m.é- 
diastins  qui,  comme  les  lésions  mitrales,  produisent  en  même  temps 
l'œdème  du  poumon  et  l'hydropisie  pleurale,  et  même  les  compressions 
de  la  veine  cave  supérieure  qui  amènent  l'hydrothorax  concurremment 
avec  l'œdème  des  parois  thoraciques,  de  la  tète  et  des  membres  supérieurs. 
Les  causes  discrasiques,  qui  sont  la  maladie  de  Bright  et  les  cachexies, 
n'ont  rien  de  spécial  à  l'hydrothorax;  elles  déterminent  une  anasarque. 
dans  laquelle  l'épanchement  de  la  plèvre  n'apparaît  même  qu'à  une  pé- 
riode assez  avancée  et  n'acquiert  pas  en  général  un  bien  grand  dévelop- 
pement. 

L'hydrothorax  est  presque  toujours  double,  caractère  clinique  impor- 
tant qui  est  un  des  éléments  du  diagnostic  avec  la  pleurésie  simple,  oà 
l'épanchement  est  au  contraire  unilatéral.  Souvent  la  quantité  du  liquide 
est  plus  considérable  d'un  côté  que  de  l'autre,  ce  qui  peut  tenir  à  diverses 
influences  mécaniques,  notamment  au  décubitus;  mais  cela  n'empêche  que 
les  deux  plèvres  sont  affectées  à  la  fois,  ce  qu'on  s'explique  d'ailleurs 
facilement  par  la  nature  des  causes  qui  produisent  l'hydrothorax,  causes 


PLÈVRE. 


  HYDKOTHOIIAX. 


  LÉSIONS  ANATOMIQUES. 


qui  agissent  également  sur  les  deux  côtés  de  la  poitrine;  on  ne  comprend 
même  la  possibilité  d'un  hydrothorax  unilatéral  que  dans  le  cas,  certai- 
nement exceptionnel,  où  il  y  aurait  une  compression  des  veines  pulmo- 
naires d'un  seul  côté  par  une  tumeur  du  médiastin,  comme  un  anévi  isnu 
de  l'aorte  ou  une  adénopalliie  trachéo-bronchique. 

La  membrane  séreuse  elle-même  étant  saine  ou  ne  présentant  d'autre 
altération  qu'une  infiltration  légère  par  de  la  sérosilé  qui  lui  donne  une 
apparence  comme  macérée,  les  lésions  anatomiques  de  l'hydrothorax  se 
réduisent  au  liquide  épanché  dans  la  cavité  de  la  plèvre. 

La  quantité  de  ce  liquide  est  très-variable  :  quelquefois  très-peu  consi- 
dérable, 100  à  200  grammes  à  peine,  elle  peut  atteindre  un  et  même 
plusieurs  litres;  les  épanchements  énormes  appartiennent  plutôt  aux  cas 
où  l'hydropisie  dépend  d'un  obstacle  circulatoire  qu'à  ceux  où  elle  se 
rattache  à  une  altération  de  sang. 

Le  liquide  est  limpide,  de  couleur  légèrement  jaunâtre  et  citriae.  Sa 
composition,  qui  d'ailleurs  est  à  peu  près  la  même  que  dans  les  autres 
hydropisies,  est  analogue  à  celle  du  sérum  sanguin;  elle  en  diffère  cepen- 
dant en  ce  que  la  sérosité  hydropique  contient  beaucoup  plus  d'eau  et 
moins  d'autres  éléments  constituants  que  le  plasma  du  sang.  Elle  est 
coagulable  par  la  chaleur  et  par  l'acide  nitrique,  en  raison  de  la  quantité 
notable  d'albumine  qu'elle  contient.  Voici,  d'après  les  recherches  si 
précises  de  Méhu,  qui  a  analysé  comparativement  un  grand  nombre  de 
liquides  provenant  d'hydrothorax  et  de  liquides  provenant  de  pleurésies, 
obtenus  dans  tous  les  cas  par  la  thoracentèse;  voici,  dis-je,  les  principaux 
caractères  du  liquide  de  l'hydrothorax  :  la  densité  du  liquide  varie  de 
1010  à  1016.  La  quantité  de  résidu  sec,  obtenu  par  évaporation,  est  com- 
prise entre  17  gr.  56  et  47  gr.  76  par  kilogramme  de  liquide;  ce  chiffre 
total  se  décompose  ainsi  : 

Mntièrcs  orgnniques   8«'.91    à  59»r,08 

Matières  inhn'rules   8»r,5G    à  9*r,18 

Fibrine  •   0«r,156  à  0sr,409 

On  voit  donc  que,  si  lu  fibrine  se  montre  plus  par  ticulièrement  dans  la 
pleurésie  aiguë,  elle  existe  aussi  dans  les  cas  où  l'épanchement  est  le 
résultat  d'une  gêne  de  la  circulation,  mais  alors  elle  est  en  petite  pro- 
portion. Nous  observerons  d'ailleurs  que  la  présence  de  la  fibrine  dans  le 
liquide  bydropique  semble  distinguer  l'hydrothorax  des  autres  hydro- 
pisies, où  au  contraire  ce  constituant  fait  défaut  d'une  manière  absolue, 
si  l'on  s'en  rapporte  aux  analyses  de  différents  auteurs.  (Voy.  art.  Hyi»bo- 
risic.  t.  XVIII,  p.  35.)  Répétons  enfin  que  la  quantité  de  fibrine  est 
minime  dans  l'hydrothorax  comparativement  à  ce  qu'elle  est  dans  la  pleu- 
résie ;  on  peut  donc,  sauf  une  légère  restriction,  maintenir  la  proposition 
classique  que  nous  avons  formulée  après  tous  les  auteurs,  à  savoir  que  le 
liquide  de  l'hydrothorax  se  distingue  du  liquide  de  la  pleurésie  par  l'ab- 
sence (il  vaudrait  mieux  dire  la  proportion  moindre)  de  fibrine.  On  pour- 
rait, du  reste,  en  dire  autant  pour  les  autres  éléments  organiques  :  le 
liquide  de  l'hydrothorax  a,  en  effet,  les  mêmes  éléments  que  celui  de  la 


PLÈVREj 


  UVOHOTltOHAX. 


  SYMPTOMES. 


pleurésie  aiguë,  mais  la  proportion  des  éléments  organiques  est  considé- 
rablement réduite  ;  Méhu  déclare  que  jamais,  dans  les  nombreux  cas  de 
pleurésie  qu'il  a  examinés,  il  n'a  constaté  un  poids  de  matières  organi- 
ques aussi  faible  que  celui  que  contient  le  plus  riche  des  liquides  épan- 
chés dans  les  cas  d'hydrothorax.  On  comprend,  d'après  ce  qui  précède, 
toute  l'importance  que  peut  acquérir  l'analyse  chimique  du  liquide 
extrait  par  la  thoracenlèse,  dans  certains  cas  où  le  diagnostic  est  hésitnnt 
sur  la  nature  de  la  maladie  qui  a  produit  l'épanchement.  Nous  reprodui- 
rons encore  ici,  sans  autre  commenlaire,  quelques  propositions  que  Méhu 
a  déduites  de  ses  recherches  et  dont  nous-mêmes  avons  eu  plusieurs  fois 
l'occasion  de  vérifier  l'exactitude  :  —  Toutes  les  fois  que  le  poids  du 
résidu  sec  n'atteint  pas  50  grammes  par  kilogramme,  il  s'agit  d'un  hydro- 
thorax; toutes  les  fois  qu'il  dépasse  50  grammes  et  que  le  liquide  se  coa- 
gule après  l'opération,  il  s'agit  d'une  pleurésie  aiguë.  —  Tout  liquide 
pleural,  pour  lequel  le  densimèlre  indique  une  densité  inférieure  à  1015, 
à  la  température  de  15°,  est  un  hydrothorax  ;  tout  liquide  pleural,  dont 
la  densité  est  supérieure  à  1018  et  qui  se  coagule  après  la  ponction, 
appartient  à  une  pleurésie  aiguë  franche;  tout  liquide  pleural,  dont  la 
densité  est  supérieure  à  1018  et  qui  ne  donne  pas  de  fibrine,  indique  une 
lésion  de  la  plèvre  due  à  la  présence  d'un  produit  hétérologue  (tuber- 
cule, cancer).  Inutile  d'insister  sur  l'importance  de  ces  propositions,  dont 
on  comprend  toute  la  valeur  au  point  de  vue  du  diagnostic. 

Symptômes.  —  Les  symptômes  de  l'hydrolhorax  sont  souvent  très- 
peu  marqués  :  quand  l'épanchement  séreux  est  peu  considérable,  ou 
lorsqu'il  survient  dans  le  cours  d'une  maladie  de  cœur  déjà  avancée  ou 
dans  la  période  ultime  d'une  maladie  cachectique,  il  peut  facilement 
passer  inaperçu,  si  l'on  ne  prend  soin  d'en  rechercher  l'existence  par  un 
examen  attentif  de  la  poitrine,  La  dyspnée  est,  en  réalité,  le  seul  trouble 
fonctionnel  auquel  donne  lieu  l'hydrothorax  ;  il  n'y  a,  en  effet,  dans 
cette  maladie,  ni  fièvre,  ni  point  de  côté,  en  un  mot  aucun  dss  phéno- 
mènes locaux  et  réactionnels  auxquels  donne  lieu  la  pleurésie.  L'hydro- 
pisie  pleurale  semblerait,  en  somme,  un  accident  indifférent,  si,  par  la 
place  qu'elle  occupe  dans  la  cavité  thoracique,  elle  n'empêchait  d'autant 
la  dilatation  du  poumon  et  n'apportait  ainsi  obstacle  à  l'hématose,  d'où 
la  gêne  de  la  respiration.  La  dyspnée  acquiert  une  intensité  qui  est  en 
rapport  avec  l'abondance  du  double  épancbemenl  et  arrive  nsse/.  souvent 
jusqu'à  Porlhopnée;  notons  d'ailleurs  que  la  plupart  des  maladies  sous  la 
dépendance  desquelles  se  développe  l'hydrothorax  produisent,  elles  aussi, 
la  dyspnée,  et  qu'il  est  par  suite  difficile  de  faire  la  part  de  ce  qui  appar- 
tient à  la  maladie  primitive  et  à  l'accident  secondaire  ;  on  ne  peut  guère, 
dans  ces  conditions,  rattacher  à  l'bydropisie  pulmonaire  et  pleurale  que 
l'aggravation  des  troubles  respiratoires  qu'on  voit  survenir  dans  le  cours 
des  maladies  antécédentes.  La  dyspnée  est  accompagnée  d'une  fréquence 
et  d'une  brièveté  marquées  de  la  respiration;  dans  les  degrés  extrêmes, 
on  voit  survenir  de  la  cyanose,  des  sueurs  froides  et  tous  les  caractères  de 
l'asphyxie. 


PLÈVRE. 


  1IYDR0T1I0IUX.    SYMPTÔMES. 


265 


Si  les  symptômes  de  l'hydrothorax  sont  souvent  insuffisants  pour  con- 
duire au  diagnostic,  il  n'en  est  pas  de  même  des  signes  physiques,  dont 
on  devra  toujours  rechercher  et  dont  on  pourra  le  plus  souvent  constater 
l'existence,  dans  les  circonstances  que  l'on  sait  l'avorahles  au  développe- 
ment de  l'épanchcment  séreux.  Ce  n'est  pas  que  ces  signes  soient  bien 
spéciaux  à  l'hydrothorax,  car  ce  sont  ceux  qui  appartiennent  à  peu  près 
à  tous  les  épanchements  liquides  de  la  plèvre  ;  mais  on  trouve  néanmoins, 
dans  quelques-uns  de  ces  signes  et  dans  l'absence  de  quelques  autres, 
des  caractères  qui  suffisent  au  diagnostic. 

L'inspection  de  la  poitrine  permet  de  reconnaître  une  diminution  de 
l'étendue  des  excursions  thoraciques  dans  les  mouvements  respiratoires, 
et  en  outre  une  dilatation  générale  des  parois  du  thorax,  quand  l'épan- 
chement  est  très-considérable.  Ces  signes  sont  cependant  beaucoup  moins 
accusés  ici  que  dans  la  pleurésie,  parce  que  l'épanchcment  de  i'hydro- 
pisie  pleurale  ne  donne  guère  lieu  qu'à  l'affaissement  du  poumon  et  n'a 
pas  une  tension  suffisante  pour  refouler  énergiquement  les  parois  cos- 
tales. On  n'observe  pas  non  plus,  dans  l'hydrothorax,  les  déformations 
et  les  voussures  partielles  qu'on  rencontre  dans  la  pleurésie,  parce  que 
le  liquide  séreux  est  libre,  et  non  enkysté,  dans  la  cavité  de  la  plèvre. 
Notons  enfin  que  les  caractères  fournis  par  l'inspection  sont,  dans  le  cas 
d'épanchement  séreux,  beaucoup  plus  difficiles  à  apprécier  que  dans  le 
cas  d'épanchement  pleurétique,  parce  qu'ils  existent  des  deux  côtés  de  la 
poitrine  et  qu'on  n'a  pas,  comme  dans  la  pleurésie,  un  côté  sain  et  un 
côté  malade  qu'on  puisse  juger  par  comparaison. 

Comme  l'inspection,  et  pour  les  mêmes  raisons,  la  mensuration  ne 
donne  pas,  dans  l'hydrothorax,  de  résultats  bien  décisifs;  c'est  surtout 
à  la  palpation,  à  la  percussion  et  à  l'auscultation  qu'il  faut  demander  les 
renseignements  de  la  plus  grande  valeur. 

Par  la  palpation,  on  constate  la  diminution  et  même  l'abolition  des 
vibrations  vocales  dans  les  parties  correspondantes  à  l'épanchement,  et 
l'on  peut  assez  facilement  limiter  par  ce  moyen  le  niveau  auquel  s'élève 
le  liquide.  Cependant  la  palpation  a  aussi,  dans  l'hydrothorax,  moins  de 
valeur  que  dans  la  pleurésie,  parce  que,  outre  qu'on  manque  de  terme 
de  comparaison  puisque  l'épanchcment  est  double,  les  parois  thoraciques 
sont  souvent  infiltrées  d'un  œdème  dû  à  la  même  cause  que  l'hydropisie 
pleurale  et  que  cet  œdème  peut  supprimer  les  vibrations  thoraciques,  au 
moins  dans  une  certaine  étendue  de  la  base  de  la  poilrine. 

La  percussion  donne  de  la  matité  dans  les  parties  occupées  par  le 
liquide.  Il  arrive  souvent  que  celte  matité  est  peu  accusée  ;  il  faut,  pour 
l'obtenir,  ne  pratiquer  qu'une  percussion  légère,  et  encore  n'obtient-on 
quelquefois  que  de  la  submatité  à  tonalité  peu  aiguë;  c'est  ce  qui  a  lieu 
quand  l'épanchement  est  peu  abondant  et  étalé  en  nappe.  On  s'explique, 
d'ailleurs,  le  caractère  incomplet  de  la  matité  par  la  faible  tension  du 
liquide  épanché  et  par  l'intégrité  relative  du  poumon  sous-jacenl,  qui 
est  seulement  affaissé  et  non  comprimé  ;  dans  ces  conditions,  une  per- 
cussion un  peu  forte  permet  en  partie  d'arriver  à  la  résonnance  pulmo- 


2(36 


PLÈVRE. 


—  UÏD&OÏHOBÀX. 


  SYMI'TOMKS. 


naire.  Quand  répanchcmenl  est  épais  et  considérable,  la  rnalité  devient 
absolue.  — '  C'est  aussi  la  percussion  qui  fait, reconnaître,  mieux  que  tout 
autre  procédé,  la  mobilité  de  l'épancbemeiit,  caractère  clinique  impor- 
tant qui  est  plus  marqué  dans  l'hydrothorax  que  dans  tout  autre  épan- 
chcmeiil  pleural  et  particulièrement  que  dans  la  pleurésie  :  toutes  les  fois 
que  l'bydropisie  n'occupe  qu'une  partie  de  la  cavité  de  la  plèvre,  et  c'est 
là  le  cas  le  plus  ordinaire,  le  liquide  s'accumule  dans  les  parties  déclives 
et  se  déplace  suivant  les  différentes  positions  qu'on  imprime  au  malade; 
ainsi,  dans  le  décubitus  dorsal,  répanchement  s'accumule  en  arrière;  si 
le  malade  reste  assis  ou  debout,  il  s'étale  en  nappe  à  la  base  du  thorax 
et  sur  le  diaphragme  ;  si  le  malade  se  penche  en  avant,  le  liquide  se 
porte  dans  les  parties  antérieures.  11  est  facile  de  suivre,  par  la  percus- 
sion, ces  divers  déplacements  du  liquide  et  de  constater  que  les  parties 
déclives  fournissent  toujours  de  la  matité  jusqu'à  un  certain  niveau, 
que  les  parties  supérieures ,  au  contraire,  donnent  de  la  sonorité,  quel- 
quefois même  une  sonorité  exagérée;  nous  observerons  cependant  qu'on 
ne  trouve  pas,  dans  l'hydrothorax  à  épanchement  moyen,  le  tympanisme 
sous-claviculaire  aussi  accusé  qu'il  l'est  dans  la  pleurésie. 

Par  l'auscultation,  on  constate  la  diminution  ou  l'abolition  complète 
du  bruit  pulmonaire,  suivant  que  la  quantité  du  liquide  épanché  est 
peu  considérable  ou  très-abondante;  on  perçoit  souvent  aussi,  vers  les 
parties  moyennes  de  la  poitrine  plutôt  qu'à  la  base,  un  souffle  doux, 
voilé,  moins  intense  encore  que  dans  la  pleurésie,  ce  qui  s'explique  par 
la  compression  du  poumon,  moindre  dans  l'hydrothorax  que  dans  cette 
dernière  maladie.  Si  l'on  ausculte  le  malade  pendant  qu'il  parle  à  haute 
voix,  on  entend  de  l'égophonie,  limitée  en  général  aux  parties  voisines 
du  niveau  supérieur  de  l'épanchement  ;  si  on  ausculte  pendant  que  le 
malade  parle  en  chuchotant,  on  constate  la  transmission  de  la  voix  chu- 
chotée  (Baccelli),  phénomène  corrélatif  au  souffle  doux  et  qu'où  perçoit 
dans  les  mêmes  points.  En  même  temps  que  ces  signes  directement  liés 
à  l'hydropisie  pleurale,  on  entend  souvent  des  râles  sous-crépitants  dis- 
séminés, dus  à  l'œdème  pulmonaire  qui  accompagne  habituellement 
l'épanchement  séreux  de  la  plèvre.  Jamais  on  n'observe  dans  l'hydro- 
thorax de  frottement  pleural,  autre  caractère  à  ajouter  à  tant  d'aulne 
pour  distinguer  cette  maladie  de  la  pleurésie. 

Le  diagnostic  de  l'hydrothorax  est  en  général  facile,  à  l'aide  des 
signes  que  nous  venons  d'indiquer,  toutes  les  fois  au  moins  que  l'épan- 
chement offre  une  certaine  abondance.  La  maladie  passe  assez  souvent 
inaperçue,  quand  la  quantité  du  liquide  épanché  est  faible  et  que  les 
symptômes  sont  masqués  par  ceux  des  maladies  graves  dont  l'hydrotho- 
rax dépend  le  plus  souvent.  On  trouve  d'ailleurs  assez  souvent,  dans  les 
autopsies,  une  certaine  quantité  de  sérosité  dans  les  deux  plèvres,  dont 
aucun  signe  n'avait  révélé  l'existence  pendant  la  vie,  et  qu'on  peut  con- 
sidérer comme  un  accident  ultime,  développé  durant  l'agonie. 

La  pleurésie  est  la  seule  maladie  qu'on  pourrait  confondre  avec  l'hy- 
drothorax ;  mais,  outre  les  particularités  que  nous  avons  relevées  dans  les 


PLÈVRE.  ■ —  HYDROTIIOBAX.  —  TRAITEMENT. 


267 


SMûlèa  communs  à  ces  deux  maladies  et  sur  lesquelles  nous  ne  revien- 
drons pas,  nous  rappellerons  que  l'hydropisic  pleurale  est  habituellement 
double,  qu'on  n'y  observe  ni  symptômes  fébriles,  ni  douleur  de  côté,  ni 
frottements  ;  ces  caractères,  joints  à  l'existence  des  causes  d'une  bydro- 
pisie,  suffisent  ordinairement  pour  faire  reconnaître  la  nature  de  la  ma- 
ladie et  écarter  l'hypothèse  d'une  pleurésie. 

Si  le  diagnostic  de  l'existence  de  l'hydrothorax  ne  présente  pas  en  gé- 
néral de  grandes  difficultés,  il  n'en  est  pas  de  même  de  la  détermination 
de  la  quantité  du  liquide  épanché.  Au  début  de  la  maladie,  le  liquide 
s'étale  en  nappe  autour  du  poumon,  et  son  niveau  s'élève  plus  ou  moins 
haut  suivant  son  abondance. 

Plus  lard,  suivant  les  observations  de  Hirlz  et  de  Woillez,  au  bout  de 
dix  ou  douze  jours,  le  liquide  gagne  les  parties  inférieures  de  la  poitrine^ 
entre  la  base  du  poumon  et  le  diaphragme:  il  semble  alors,  d'après  les 
signes  physiques,  que  la  quantité  du  liquide  a  diminué,  puisque  son  ni- 
veau s'est  abaissé  ;  il  n'en  est  rien  cependant,  l'épauchcmcnt  s'est  seule- 
ment déplacé  par  le  fait  de  la  position  assise  que  garde  le  malade  ;  il 
peut  même  avoir  augmenté,  mais  il  est  très-difficile  de  déterminer  quelle 
est  la  quantité  du  liquide  ainsi  accumulé  à  la  base  de  la  poitrine.  Dans 
ces  conditions,  on  remarquera  surtout  que,  si  le  bruit  respiratoire  est 
revenu  plus  pur  et  mieux  perceptible  dans  les  parties  moyennes  ou  supé- 
rieures de  la  poitrine,  en  revanche  la  respiration  est  devenue  complète- 
ment silencieuse  dans  les  parties  inférieures  et  la  matité  absolue,  même 
par  une  percussion  forte  ;  ces  caractères  bien  constatés,  auxquels  s'ajou- 
tera la  persistance  ou  même  l'aggravation  de  la  dyspnée,  permettront  de 
ne  pas  se  faire  illusion  sur  la  valeur  des  changements  survenus  dans  les 
signes  physiques. 

La  marche  de  l'hydrothorax  est  entièrement  subordonnée  à  celle  de 
l'affection  qui  en  a  déterminé  le  développement.  Souvent  associée  à 
d'autres  hydropisies  dépendantes  des  mêmes  causes,  l'hydropisie  pleurale 
évolue  concurremment  avec  elles,  subissant  des  variations  étroitement 
liées  aux  changements  qui  surviennent  dans  la  maladie  primitive.  Son 
pronostic  est  d'ailleurs  toujours  sérieux  ;  car  elle  vient  embarrasser  en- 
core les  fonctions  pulmonaires  et  entraver  la  respiration  déjà  troublée  par 
la  maladie  du  cœur  ou  la  maladie  de  Bright,  qui  tiennent  tous  les  acci- 
dents sous  leur  dépendance. 

Le  traitement  de  l'hydrothorax,  comme  celui  des  autres  hydropisies, 
reste  soumis  à  celui  des  maladies  dans  le  cours  et  sous  l'influence  des- 
quelles il  se  développe  :  la  digitale,  les  purgatifs  drastiques  et  les  diuré- 
tiques en  seront,  suivant  les  circonstances,  les  principaux  agents,  si  d'ail- 
leurs l'emploi  de  l'un  ou  de  l'autre  de  ces  moyens  n'est  contre-indiqué 
par  les  conditions  de  la  maladie  principale  ou  par  un  état  de  cachexie 
avancée.  Dans  les  cas  où  l'épanchement  est  très-abondant  et  produit  des 
accidents  asphyxiques,  il  ne  faut  pas  hésiter  à  recourir  à  la  thoracentèse  : 
la  ponction  de  la  poitrine  n'est  le  plus  souvent  qu'un  moyen  palliatif,  et 
le  liquide  ne  tarde  pas  à  se  reproduire  si,  comme  c'est  le  cas  le  plus  or- 


208  PLÈVRE.   —  l'.NEUMOTHOIIAX. 

dinaire,  la  cause  de  l'épancliemcnt  persiste;  mais,  grâce  aux  trocarls  ca- 
pillaires et  aux  appareils  aspirateurs,  l'opération  est  si  facilement  acceptée 
et  si  inoffeusive,  qu'on  peut  avec  avantage  y  revenir  toutes  les  fois  que 
les  menaces  d'asphyxie  le  commandent,  et  si  l'on  n'arrive  pas  à  la  guéri- 
son,  on  réussit  du  moins  à  combattre  une  complication  redoutable  et  à 
prolonger  les  jours  du  malaJc. 

Pneumothorax.  —  On  désigne  sous  ce  nom  l'épancbement  d'air  ou  de 
gaz  dans  la  cavité  pleurale. 

Le  pneumothorax  est  rarement  pur,  c'est-à-dire  constitué  uniquement 
par  la  présence  de  gaz  dans  la  plèvre  :  s'il  est  vrai  que,  dans  certaines 
circonstances  que  nous  indiquerons  plus  loin,  il  y  ait  d'abord  un  simple 
épanehcinent  gazeux,  très-souvent  il  se  produit  au  bout  d'un  certain 
temps  une  sécrétion  liquide  de  sérosité  ou  de. pus  qui  résulte  de  l'action 
irritante  des  gaz  épanchés;  d'autre  part,  il  est  très-fréquent  que  la  même 
cause  amène  simultanément  l'extravasation  dans  la  plèvre  de  gaz  et  de 
matières  liquides  ;  enfin  la  cavité  pleurale  contient  souvent  déjà  des  li- 
quides au  moment  où  se  produit  l'épancbement  du  gaz'.  Dans  toutes  ces 
circonstances,  soit  d'emblée,  soit  après  un  temps  plus  ou  moins  long,  la 
plèvre  contient  à  la  fois  des  liquides  et  des  fluides  aériformes  et  on  dit 
alors  qu'il  y  a  InjdropneumoUiorax  ou  pyopneumolhorax. 

Presque  toujours  le  pneumothorax  est  unilatéral;  dans  quelques  cas 
tout  à  fait  exceptionnels,  on  l'a  vu  se  développer  à  la  fois  dans  les  deux 
plèvres  (Laenncc,  Bricheteau,  Duguet). 

On  a  décrit  trois  espèces  distinctes  d'épanchements  gazeux  intrapleu- 
raux  :  1°  pneumothorax  essentiel,  résultant  de  la  formation  spontanée 
de  gaz  dans  la  cavité  pleurale  ;  2°  pneumothorax  par  décomposition  pu- 
tride de  liquides  épanchés  dans  la  plèvre;  3°  pneumothorax  par  perfora- 
tion, dû  à  l'irruption  dans  la  plèvre,  par  une  ouverture  accidentelle,  de 
l'air  atmosphérique  ou  de  gaz  contenus  dans  les  cavités  voisines  de  la  ca- 
vité pleurale.  Cette  division,  établie  par  Laennec  et  admise  après  lui  pen- 
dant longtemps,  ne  résiste  pas  à  l'examen  des  faits,  comme  nous  allons 
le  voir. 

Y  a-t-il  un  pneumothorax  essentiel?  Aucun  fait  probant  n'en  établit 
l'existence,  ainsi  que  cela  résulte  de  la  critique  à  laquelle  Béhier,  Jac- 
coud  et  Proust  ont  soumis  les  exemples  qu'on  avait  cités  de  ce  prétendu 
pneumothorax  spontané.  Les  observations  publiées  sous  ce  titre  (Proust 
en  a  réuni  et  contrôlé  vingt-cinq),  sont  susceptibles  d'explications  diver- 
ses: ce  sont  des  pleurésies  dans  lesquelles  on  s'en  est  laissé  imposer  par 
l'existence  d'une  sonorité  tympanique  à  la  partie  antéro-supérieure  de  la 
poilrine,  ou  par  l'existence  du  souffle  amphorique  qu'on  rencontre  dans 
certaines  circonstances  ;  ce  sont  des  pneumonies  dans  lesquelles  la  per- 
cussion donnait  un  son  tympanique;  ce  sont  même  des  pneumothorax  par 
perforation  résultant,  soit  d'un  effort,  soit  de  la  rupture  dans  la  plèvre 
d'un  foyer  tuberculeux  ou  d'un  kyste  hydatique  du  poumon,  etc.  Chez 
des  tuberculeux  par  exemple,  on  a  admis  la  production  spontanée  de  gaz 
dans  la  plèvre,  quand  on  ne  trouvait  pas  le  point  où  s'était  faite  la  perfo- 


PLÈVRE.  —  pneumotiioiux.  269 

ration  dont  toutes  les  autres  circonstances  semblaient  indiquer  l'existence  ; 
mais  ne  sait-on  pas,  comme  nous  le  verrons  tout  à  l'heure,  que  certaines 
perforations  pulmonaires  sont  très-difficiles  à  trouver,  et  en  outre  que  ces 
perforations  peuvent  se  cicatriser  ou  être  complètement  oblitérées  par 
des  fausses  membranes,  ce  qui  est  loin  d'être  rare?  Ainsi  tous  les  faits 
observés  conduisent  à  rejeter  l'existence  du  pneumothorax  essentiel;  on 
peut  même  ajouter  que  les  données  de  la  physiologie  pathologique  ne 
permettent  pas  de  croire  qu'il  soit  possible,  car  rien  n'autorise  à  admettre, 
ni  une  sécrétion  gazeuse  dans  une  membrane  séreuse,  ni  une  exhalation 
des  gaz  du  sang  à  travers  les  capillaires  pleuraux. 

On  a  décrit  comme  une  seconde  espèce  de  pneumothorax  des  épanche- 
menls  gazeux  résultant  de  la  décomposition  putride  de  liquides  pleuraux. 
La  réalité  de  ce  pneumothorax  spontané  secondaire  serait  certaine  d'après 
Jaccoud,  qui  propose  de  l'appeler  pneumothorax  pleurclif/ue  pour  indi- 
quer son  origine.  Comme  exemples  de  celle  espèce  particulière,  Jaccoud 
cite  des  observations  empruntées  à  Wunderlich,  Hughes  Bennett,  Rosen- 
thal,  Biermer,  Swaync  Liltle,  Townsend,  etc.  Cependant  quelques-uns  de 
ces  faits  n'ont  pas  paru  absolument  probants  à  Béhier,  qui  pense  que 
dans  plusieurs  d'entre  eux  il  a  pu  exister  une  perforation  pulmonaire 
(obs.  de  Wunderlich,  de  Bennett  et  de  Swaync  Little),  comme  semble- 
rait l'indiquer  la  fétidité  de  l'haleine  qu'on  a  observée  chez  les  malades. 
Deux  observations  communiquées  par  Hérard  à  la  Société  médicale  des 
hôpitaux  (1850  et  1851)  sont  relatives  à  des  pleurésies  purulentes  dans 
le  cours  desquelles  se  serait  développé  un  pneumothorax,  sans  que  l'au- 
topsie faite  avec  le  plus  grand  soin  permît  de  constater  une  perforation 
du  poumon.  Cependant  ces  fails  ont  aussi  soulevé  des  doutes  de  la  part 
de  plusieurs  membres  de  la  Société  des  hôpitaux,  qui  ne  les  ont  pas 
trouvés  absolument  convaincants. 

Ajoutons  d'ailleurs  que  la  production  de  gaz  par  décomposition  d'un 
liquide  renfermé  dans  une  cavité  close  parait  difficile  à  comprendre, 
puisque,  suivant  la  remarque  de  Béhier,  le  contact  de  l'air  est  générale- 
ment considéré  comme  une  condition  indispensable  pour  que  le  liquide 
pleural  subisse  une  altération  capable  de  permettre  la  formation  d'un 
gaz  (les  recherches  récentes  sur  la  fermentation  putride  semblent  toutes 
confirmer  la  nécessité  absolus  de  cette  condition). 

Quoi  qu'il  en  soit,  si  le  pneumothorax  peut  se  former  ainsi  spontané- 
ment dans  la  plèvre  affectée  de  pleurésie  purulente,  on  est  au  moins  en 
droit  d'affirmer  qu'il  est  exceptionnel. 

Quant  au  pneumothorax  par  perforation,  par  irruption  dans  la  plèvre 
de  gaz  provenant  de  différentes  sources,  celui-là  est  indubitable  et  les 
occasions  de  l'observer  sont  fréquentes. 

Eti  résumé,  le  pneumothorax  essentiel  n'existe  pas,  le  pneumothorax 
par  altération  putride  de  liquides  pleurétiques  est  douteux  ou  au  moins 
exceptionnel  ;  le  pneumothorax  par  perforation  subsiste  seul  ou  presque 
seul  ;  c'est  lui  que  nous  aurons  exclusivement  en  vue  dans  le  cours  de 
cet  article. 


270  PLÈVHE.  —  i'nei:mothoua.x.  —  oauses. 

Causes.  —  On  a  déjà  vu  par  ce  qui  précède,  que  le  pneumothorax  est 
toujours  secondaire,  consécutif  à  un  état  pathologique  antérieur.  Dans  tous 
les  cas,  sauf  peut-être  exceptionnellement  dans  la  pleurésie  purulente, 
il  résulte  d'une  perforation  qui  met  la  plèvre  en  communication  avec 
l'air  extérieur  ou  avec  une  des  cavités  renfermant  des  gaz  qui  sont  situées 
dans  son  voisinage. 

Les  causes  qui  produisent  cet  accident  forment  deux  groupes,  aussi 
distincts  par  les  caractères  el  les  suites  de  la  maladie  que  par  les  condi- 
tions qui  en  ont  amené  le  développement  :  ce  sont  des  causes  tiaumati- 
ques  et  des  causes  pathologiques. 

Parmi  les  causes  traumatiques,  nous  mentionnerons  les  plaies  péné- 
trantes de  poitrine,  les  fractures  de  côtes  compliquées  de.  plaies  du  pou- 
mon :  dans  le  premier  cas,  l'air  atmosphérique  pénètre  directement 
dans  la  plèvre  par  la  plaie  de  la  paroi  thoracique  ou  par  une  plaie  du 
poumon;  dans  le  second,  c'est  la  déchirure  du  poumon  par  un  des  frag- 
ments de  la  côte  fracturée  qui  permet  l'épanchement  gazeux.  Nous 
n'avons  pas  à  insister  sur  cet  ordre  de  causes,  dont  l'élude  appartient  aux 
maladies  chirurgicales  de  la  poitrine. 

On  pourrait  rattacher  encore  aux  causes  traumatiques  certains  cas. 
peu  communs  d'ailleurs,  où  le  pneumothorax  résulte  d'une  rupture 
pulmonaire,  par  suite  d'un  effort  violent  ou  d'une  quinte  de  toux  ;  dans 
ces  conditions,  la  tension  excessive  de  l'air  dans  le  poumon  peut  amener 
la  déchirure  de  quelques  vésicules.  C'est  par  un  mécanisme  analogue 
que  se  développerait  le  pneumothorax  par  rupture  de  quelques  vésicules 
emphysémateuses,  fait  assurément  très-rare,  dont  on  cite  seulement 
quelques  exemples  empruntés  à  divers  auteurs. 

Ces  derniers  faits  servent,  en  quelque  sorte,  de  transition  entre  les 
causes  traumatiques  et  les  causes  pathologiques.  Celles-ci,  heaucoup 
plus  communes  que  les  précédentes,  nous  intéressent  particulière- 
ment. 

Le  relevé  suivant,  emprunté  à  Saussier,  montre  la  fréquence  relative 


des  principales  causes  du  pneumothorax  : 

Pneumothorax  avec  phthisie  pulmonaire   s  | 

—  pleurésie   29 

—  gangrène  pulmonaire   7 

—  emphysème  pulmonaire   5 

—  hydatides  du  poumon   \ 

—  apoplexie  pulmonaire   5 

—  cancer  ulcéré  du  poumon   1 

—  hémothorax   1 

—  ahcès  pneumonique   1 

—  fistule  hépato-pneumo-pleurale.  .  .  1 


En  tête  des  maladies  dont  le  pneumothorax  est  une  complication  fré- 
quente se  place  la  phthisie  pulmonaire.  11  résulte,  en  effet,  des  statis- 
tiques entreprises  à  ce  sujet  par  Saussier,  par  Béhier,  par  AValshe  et 
d'autres  encore,  que  celte  seule  cause  comprendrait  environ  les  neuf 


PLÈVRE.    PNEUMOTHORAX.    CAUSES.  271 

dixièmes  des  cas  ;  il  est,  en  outre,  remarquable  que,  dans  ces  conditions, 
le  pneumothorax  siège  plus  souvent  à  gauche  qu'à  droite. 

La  perforation  pulmonaire  et  l'épanchcmcnt  gazeux  inlrapleural  qui 
en  est  la  conséquence  peuvent  survenir  à  toutes  les  périodes  de  la 
maladie.  Louis  a  cité  un  cas  dans  lequel  la  plèvre  fut  perforée  par  un  petit 
tubercule  placé  immédiatement  au-dessous  d'elle  ;  les  premiers  symp- 
tômes de  la  phthisie  dataient  de  quinze  jours  environ.  Mais  ce  fait  est 
exceptionnel  :  le  plus  souvent  le  pneumothorax  arrive  dans  la  période 
de  ramollissement  ou  dans  la  période  d'excavation. 

Au  moment  où  survient  le  ramollissement  des  foyers  tuberculeux,  il 
n'est  pas  rare  qu'une  masse  ramollie,  située  à  la  surface  du  poumon, 
s'ouvre  à  la  fois  dans  les  bronches  et  dans  la  plèvre  et  permette  l'irrup- 
tion de  l'air  dans  la  cavité  pleurale  ;  ce  fait  est  surtout  assez  fréquent 
quand  l'évolution  de  la  maladie  est  rapide,  notamment  dans  la  forme 
décrite  sous  le  nom  de  phthisie  galopante.  Plus  tard,  le  pneumothorax 
est  produit  par  l'amincissement  et  la  rupture  d'une  caverne  placée 
superficiellement. 

Le  siège  de  la  perforation  pulmonaire  réside  le  plus  ordinairement  dans 
le  lobe  supérieur  du  poumon;  mais,  bien  que  les  lésions  tuberculeuses 
commencent  presque  toujours  par  le  sommet  de  ce  lobe  et  y  soient  ulté- 
rieurement plus  avancées  qu'ailleurs,  ce  n'est  pas  dans  cette  partie  que 
se  fait  habituellement  la  perforation,  mais  plutôt  vers  la  base  du  lobe 
supérieur,  au  niveau  de  la  troisième  ou  de  la  quatrième  côte,  ce  qui 
tient  sans  doute  à  ce  que  la  plèvre  du  sommet  devient  Irès-facilement, 
dès  le  début  de  la  tuberculose,  le  siège  d'adhérences  qui  unissent  le 
poumon  à  la  paroi  thoracique  et  s'opposent  à  la  perforation,  tandis  que 
ces  adhérences  sont  moins  communes  dans  les  parties  situées  plus  infé- 
rieurement. 

C'est  aussi  dans  la  tuberculose  qu'on  a  observé  le  pneumothorax  double, 
affection  exceptionnelle  dont  on  ne  connaît  guère  que  trois  exemples 
bien  observés,  dus  à  Laennec,  à  Bricheteau  et  à  Duguet. 

Les  autres  causes  pathologiques  du  pneumothorax  par  perforation  de 
dehors  en  dedans  sont  assez  rares,  comparativement  à  la  phthisie  pulmo- 
naire, puisque  celle-ci,  comme  nous  l'avons  vu,  produit  environ  les  neuf 
dixièmes  des  cas,  tandis  que  toutes  les  autres  maladies  réunies  n'en  pro- 
duisent à  peine  qu'un  dixième. 

On  a  cité  quelques  exemples  de  pneumothorax  produits  par  la  gangrène 
pulmonaire  :  l'épanchcment  gazeux  résultait  de  l'ouverture,  dans  les 
bronches  et  la  plèvre  à  la  fois,  d'un  foyer  gangréneux  ramolli  (Cruvcilhier, 
Monneret,  Marais).  Plus  rarement  encore,  c'est  un  abcès  du  poumon 
consécutif  à  une  pneumonie  (Dalmas,  Gunsbcrg)  ou  un  kyste  hydatique 
(Fouquier,  Mercier,  cités  par  Ilcarn)  qui  ont  amené  la  même  complication, 
ou  encore  la  rupture  dans  la  plèvre  d'une  bronche  dilatée  (Mohr,  Taylor, 
cités  par  Jaccoud). 

Outre  les  lésions  du  poumon  que  nous  venons  de  mentionner,  nous 
devons  signaler  certaines  maladies  d'autres  organes  voisins  de  la  plèvre, 


272  l'LKVItE.  —  PHBUMOTHOBAX.  —  CAUSES. 

qui  peuvent  amener  aussi  la  perforation  de  cette  membrane  et  l'irruption 
de  gaz  dans  la  cavité  pleurale.  On  a  vu  des  abcès  des  parois  de  la 
poitrine  s'ouvrir  à  la  fois  dans  la  plèvre  et  à  travers  les  téguments,  formant 
ainsi  une  listule  pleuro-cutanéc  qui  laissait  pénétrer  l'air  dans  la  plèvre  ; 
on  a  vu  des  abcès  des  .ganglions  bronebiques  s'ouvrir  à  la  fois  dans  la 
plèvre  et  dans  les  bronebcs,  on  a  vu  des  cancers  de  l'œsopbage  déterminer 
des  perforations  de  ce  conduit  et  le  faire  communiquer  avec  la  cavité 
pleurale  (Boerhaave),  on  a  même  vu,  dans  quelques  cas  malbeureux,  cette 
perforation  produite  par  la  sonde  œsophagienne,  comme  Moutard-Martin 
en  a  encore  récemment  cité  un  exemple.  D'autres  fois,  ce  sont  des  abcès, 
des  kystes  suppures  du  foie  (Gros,  Williams)  ou  des  reins  qui  traversent 
le  diaphragme  cl  la  plèvre  pour  venir  s'ouvrir  dans  les  bronches  ;  si 
alors  la  plèvre  n'est  pas  fermée  par  des  adhérences,  elle  est  envahie  par 
l'air  qui  vient  des  bronches  en  même  temps  que  par  le  pus  qui  vient  de 
l'abcès  (Bébier) .  Enfin  le  cancer  et  l'ulcère  simple  de  l'estomac  peuvent  ame- 
ner aussi  la  perforation  du  diaphragme  et  l'épanchement  dans  la  plèvre  des 
fluides  contenus  dans  la  cavité  stomacale.  Le  pneumothorax  peut  même 
être  consécutif  à  une  perforation  de  l'intestin  :  outre  deux  observations 
empruntées  à  Boucbaud  et  à  Eisenlohr,  Gossy  en  a  rapporté  tout  récem- 
ment deux  exemples  dans  lesquels  une  perforation  du  cœcum  avait  amené 
une  péritonite  partielle  et  un  foyer  purulent  abdominal;  celui-ci  avait 
traversé  le  diaphragme  et  permis  au  pus  et  aux  gaz  venus  de  l'intestin  de 
pénétrer  dans  le  thorax  ;  mais  chose  remarquable,  dans  ces  deux  cas,  les 
gaz  n'avaient  pas  pénétré  dans  la  plèvre,  mais  s'étaient  épanchés  entre 
elle  et  la  paroi  thoracique  en  décollant  la  plèvre  pariétale  dans  une  grande 
étendue;  il  s'agissait  donc  là  d'une  sorte  de  pneumothorax  sous-pleural. 

Toutes  les  causes  qui  précèdent,  à  l'exception  de  la  phthisie  pulmo- 
naire, sont  exceptionnelles  ;  mais  il  est  une  autre  cause  de  pneumothorax 
qui  est  assez  fréquente  et  dans  laquelle  c'est  une  maladie  de  la  plèvre  qui 
est  la  cause  de  l'épanchement  gazeux  :  nous  voulons  parler  de  la  pleurésie 
purulente  ouverte  dans  les  bronches  ou  à  travers  les  parois  thoraciques. 
Ici  la  perforation  pleurale  n'a  plus  lieu  de  dehors  en  dedans,  comme  poul- 
ies causes  déjà  indiquées,  mais  de  dedans  en  dehors.  L'ouverture  des 
collections  purulentes  de  la  plèvre  par  une  fistule  pulmonaire  ou  par  une 
fistule  pleuro-cutanée  est  loin  d'être  rare  et,  dans  l'une  comme  dans 
l'autre  de  ces  circonstances,  les  conditions  favorables  à  la  production  du 
pneumothorax  sont  réalisées,  puisqu'il  y  a  communication  entre  la  plèvre 
et  l'air  extérieur.  11  s'en  faut  cependant  que  la  pénétration  de  l'air  dans 
la  cavité  pleurale  ait  alors  toujours  lieu  :  dans  des  cas  heureusement  très- 
fréquents,  le  trajet  fistuleux  qui  s'étend  de  la  plèvre  aux  bronches  ou  à 
Iravers  les  téguments  est  sinueux  et  disposé  de  telie  sorte  qu'il  forme 
comme  une  valvule  qui  permet  la  sortie  du  pus  cl  non  la  pénétration  de 
l'air  ;  la  même  disposition  se  présente  plus  souvcnl  encore  au  niveau  des 
fausses  membranes  épaisses  que  le  pus  doit  traverser  ;  ces  fausses 
membranes  forment  clapet,  suivant  l'expression  de  Ghomel,  et  empê- 
chent l'abord  de  l'air  dans  la  cavité  pleurale.  D'un  autre  côté,  l'air 


PLÈVRE.    PNEUMOTHORAX.    LÉSIONS  AiNATOMIQUES.  275 

ne  peut  pas  non  plus  s'introduire  dans  la  plèvre  tant  que  la  tension  de 
l'épanchement  liquide  est  supérieure  à  celle  de  l'air  atmosphérique;  aussi 
n'est-ce  qu'un  certain  temps  après  l'ouverture  du  foyer  purulent  et  après 
l'évacuation  d'une  certaine  quantité  de  liquide  que  la  pénétration  de  l'air 
peut  avoir  lieu.  Mais  les  conditions  favorables  que  nous  venons  d'indi- 
quer n'existent  pas  toujours  ou  peuvent  cesser  d'être  au  bout  d'un  certain 
temps,  aussi  voit-on  assez  souvent  encore  le  pneumothorax  survenir 
comme  complication  de  la  pleurésie  purulente,  après  ouverture  du  foyer 
par  les  bronches  ou  par  les  parois  du  thorax.  Cette  complication  ne  se 
montre  pas  seulement  dans  les  inflammations  purulentes  qui  occupent 
toute  la  cavité  pleurale;  on  l'observe  aussi  dans  les  pleurésies  purulentes 
circonscrites,  notamment  dans  les  pleurésies  diaphragmatiques  ou  inter- 
lobaires,  ainsi  que  N.  Guéneau  de  Mussy  en  a  récemment  publié  plusieurs 
exemples  intéressants.  Dans  des  cas  tout  à  fait  exceptionnels,  il  existe  à 
la  fois  une  ouverture  dans  les  bronches  et  une  ouverture  par  les  tégu- 
ments et  la  plèvre  est  en  communication  avec  l'air  extérieur  par  ces  deux 
voies  en  même  temps  (Gairdner).  Les  fistules  qui  meLtent  la  plèvre  en 
communication  avec  l'air  extérieur  dans  le  cas  de  pleurésie  purulente 
peuvent  occuper  un  siège  quelconque,  contrairement  à  ce  qui  a  lieu  dans 
la  phlhisie  pulmonaire.  Elles  offrent  d'ailleurs  des  dispositions  variables 
qui  ont  déjà  été  indiquées  ailleurs  et  sur  lesquelles  nous  n'avons  pas  à 
revenir  (Voy.  art.  Pleukésie  purulente,  p.  210).  Le  pneumothorax  qui  en 
résulte  est  tantôt  généralisé  ou  du  moins  libre  dans  la  cavité  pleurale, 
tantôt  circonscrit  lorsque  des  adhérences  antérieures  avaient  enkysté  le 
foyer  purulent  et  limité  l'espace  où  l'épanchement  gazeux  peut  se  pro- 
duire. 

(In  voit,  en  somme,  que  les  causes  du  pneumothorax,  malgré  leur  appa- 
rente variété,  se  réduisent  à  deux  principales:  en  première  ligne  la  tuber- 
culose pulmonaire,  en  seconde  ligne  la  pleurésie  purulente;  le  mode  de 
production  de  l'épanchement  gazeux  dans  ces  deux  conditions  est  égale- 
ment simple  et  facile  à  comprendre.  En  dehors  de  ces  deux  causes  et  des 
causes  traumatiques  dont  l'élude  ne  nous  appartient  pas,  toutes  les  autre 
sont  des  raretés  et  même  des  exceptions,  et  plusieurs  de  celles  qu'on  a 
invoquées  attendent  encore  d'être  démontrées. 

Lésions  analomiques .  — Dans  quelques  cas  simples,  le  pneumothorax 
est  uniquement  constitué  par  l'épanchement  d'air  dans  la  cavité  pleurale, 
et  les  lésions  anatomiques  se  réduisent  à  cet  épanchement;  c'est  ce  qui 
arrive  surtout  dans  les  pneumothorax  vraiment  accidentels,  qui  se  pro- 
duisent à  la  suite  d'un  effort,  de  la  rupture  de  quelques  vésicules  emphy- 
sémateuses ou  d'un  traumatisme  peu  grave.  Bans  ces  circonstances  où  la 
plèvre  et  les  organes  adjacents  sont  sains,  la  rupture  ou  la  déchirure  du 
poumon  se  cicatrise  vite,  l'air  atmosphérique  épanché  est  facilement  ré- 
sorbé et  la  guérison  a  lieu  dans  l'espace  de  quelques  jours.  Lorsque  l'épan- 
chement gazeux  est  abondant,  la  résorption  est  quelquefois  lente  à  se 
faire,  et  on  a  vu  le  pneumothorax  persister  pendant  des  semaines  et  des 
mois  ;  cependant  si  la  plèvre  est  saine,  il  ne  résulte  de  la  présence  de  l'air 

KOUV.  DICT.  MLD.  El  CUIII.  XXVIII.  —  18 


27  i  PLÈVRE.    PNEl'lIOTHOItAX.  —  LÉSIONS  ANATOMIQUES. 

dans  son  intérieur  aucune  conséi|iience  grave;  l'air  atmosphérique  u'ol 
pas  irritant  pour  la  plèvre,  et  quand  il  est  seul  épanché  et  qu'il  n'est  pas 
accompagné  de  la  pénél  ration  de  sang  et  surtout  de  produits  morbides  dans 
la  cavité  pleurale,  il  peut  ne  déterminer  aucune  irritation.  Les  exemples 
de  guérison  rapide  de  pneumothorax,  dans  les  conditions  que  nous  venons 
d'indiquer,  démontrent  l'exactitude  de  ce  fait,  que  confirment  encore  cer- 
taines expériences  sur  les  animaux  :  Dcmarquay  et  Leconte,  ont  en  effet, 
pratiqué  sur  des  chiens  des  injections  d'air  dans  la  plèvre  et  les  ont  ré- 
pétées même  un  grand  nombre  de  fois  chez  le  même  animal  sans  qu'il  en 
résultat  aucun  accident. 

Mais,  comme  on  pourrait  déjà  le  prévoir  par  la  nature  des  causes  qui 
produisent  le  pneumothorax,  cette  affection  se  présente  bien  rarement  dans 
les  conditions  de  simplicité  qui  précèdent  :  le  plus  souvent,  en  même  temps 
que  l'air,  d'autres  produits  et  presque  toujours  des  produits  morhides 
tombent  dans  la  plèvre  el  déterminent  des  lésions  secondaires;  on  a  alors 
les  lésions  de  l'hydropneumothorax  ou  du  pyopneumothorax.  D'autres 
fois,  la  plèvre  est  déjà  le  siège  de  lésions  graves  quand  l'air  fait  irrup- 
tion dans  sa  cavité,  ainsi  que  cela  a  lieu  dans  le  pneumothorax  consé- 
cutif à  la  pleurésie  purulente.  Il  en  résulte  que,  dans  la  grande  majorité 
des  cas,  les  lésions  anatomiques  consistent  à  la  fois  dans  la  présence 
d'air  ou  de  gaz  dans  la  plèvre  et  d'un  épanchement  liquide  de  compo- 
sition variable  ;  on  trouve  en  outre  les  diverses  lésions  qui  ont  été  la 
cause  du  pneumothorax.  Nous  avons  à  examiner  rapidement  ces  différentes 
altérations. 

Dans  le  pneumotborax  par  perforation,  le  seul  que  nous  ayons  en  vue, 
le  fluide  épanché  est,  au  moins  dans  le  principe,  de  l'air  plus  ou  moins 
pur.  Quand  ce  gaz  séjourne  et  surtout  s'il  devient  enkysté  par  oblitéra- 
tion de  la  fistule  qui  lui  a  livré  passage,  il  subit  des  modifications  dues 
aux  phénomènes  d'absorption  ou  d'exhalation  qui  se  passent  dans  la 
plèvre.  Ainsi  que  l'ont  établi  les  analyses  de  Demarquay  et  Leconte,  qui 
concordent  à  peu  près  avec  les  recherches  antérieures  de  Davy,  l'oxygène 
diminue  graduellement,  si  bien  qu'il  peut  finir  par  disparaître  presque 
complètement;  il  est  remplacé  par  une  quantité  approximativement  équi- 
valente d'acide  carbonique  ;  l'azote  subit  également  une  augmentation 
plus  ou  moins  sensible.  Il  s'est  produit  ainsi  un  nouveau  mélange  qui  est 
plus  absorbable  que  le  précédent,  et  ainsi  peut  avoir  lieu  successivement 
et  graduellement  la  résorption  complète.  L'absorption  se  fait  aussi  sur 
les  gaz  qui  se  renouvellent  dans  la  plèvre  en  cas  de  persistance  de  la  fis- 
tule, mais  naturellement  la  résorption  complète  n'est  pas  possible,  tant 
que  les  gaz  continuent  à  arriver  dans  la  cavité  pleurale. 

La  composition  des  gaz  épanchés  n'est  plus  la  même,  quand  la  plèvre 
contient  en  même  temps  des  liquides  altérés  ou  des  détritus  organiques; 
il  s'y  ajoute  alors  d'autres  gaz,  comme  l'hydrogène  sulfuré  ou  le  sulfhy- 
dratc  d'ammoniaque,  qui  donnent  à  l'épanchement  gazeux  une  horrible 
fétidité.  En  outre,  tandis  que  l'air  plus  ou  moins  modifié  était  sans 
influence  nocive  sur  la  plèvre  et  sur  l'économie,  ces  produits  d'altération 


l'LKVRE. 


  P.NEUMOTHOn.W.    LÉSIONS  AN  ATOMIQUES. 


275 


putride  sont  délétères  au  plus  haut  degré  et  capables  d'engendrer  des 
accidents  de  septicémie. 

La  quantité  du  gaz  épanché  est  très-variable,  suivant  que  la  perfora- 
tion qui  lui  livre  passage  est  persistante  ou  passagère,  plus  ou  moins 
large  et  plus  ou  moins  perméable,  suivant  que  la  cavité  pleurale  con- 
tient une  quantité  de  liquide  plus  ou  moins  abondante,  suivant  que  la 
plèvre  est  libre  ou  cloisonnée  par  des  adhérences,  etc.  Dans  quelques 
circonstances,  la  disposition  de  la  fistule  pulmonaire  est  telle  que  l'air 
pénètre  sans  difficulté  dans  la  plèvre  et  qu'au  contraire  il  est  empêché 
d'en  sortir  par  une  sorte  de  valvule  qui  ferme  l'orifice  pendant  l'expira- 
tion ;  c'est  alors  que  la  quantité  de  l'épanchcment  gazeux  peut  être  le 
plus  considérable,  refoulant  les  parois  thoraciques,  le  diaphragme  et  le 
médiastin.  Il  est  fréquent  que  la  poitrine  renferme  d'un  demi-litre  à  un 
litre  de  gaz,  mais  cette  quantité  peut  varier  dans  des  proportions  très- 
étendues. 

Le  liquide  épanché  dans  la  plèvre  en  même  temps  que  les  gaz  pré- 
sente une  composition  variable:  quelquefois  il  est  séreux  (hydropneumo- 
thorax), très-souvent  il  est  purulent  (pyopneumolhorax).  La  présence 
d'une  certaine  quantité  de  liquide  simplement  séreux,  coïncidant  avec  un 
épanchement  gazeux  de  la  plèvre,  est  une  nouvelle  preuve  que  l'air  atmos- 
phérique n'a  sur  la  plèvre  qu'une  action  bien  faiblement  irritante  ;  cepen- 
dant les  exemples  d'hydropneumothorax  avec  épanchement  purement 
séreux  sont,  en  réalité,  assez  rares:  Saussier  n'en  a  cité  qu'un  exemple 
sur  109  observations;  on  pourrait  en  signaler  quelques  autres  (Marais, 
Vieuille,  Peyrot),  et  récemment  encore  Desplats  en  a  publié  un  cas  inté- 
ressant dans  le  Journal  des  Sciences  médicales  de  Lille  (juin  1879).  Pres- 
que toujours  l'épanchement  liquide  qui  accompagne  le  pneumothorax 
est  sanieux  ou  purulent,  c'est  un  pyopneumothorax.  Très-souvent  il  pré- 
sente une  horrible  fétidité,  due  sans  doute  à  ce  que  son  contact  avec  l'air 
lui  fait  subir  la  décomposition  putride.  Dans  ce  liquide  purulent  ou 
trouve  fréquemment  des  masses  pseudo-membraneuses,  quelquefois  des 
détritus  gangréneux  du  poumon.  Les  parois  de  la  plèvre  elle-même  sont 
tapissées  de  fausses  membranes  infiltrées  de  pus.  Nous  n'avons  pas  à 
insister  sur  toutes  ces  lésions  qui  ne  diffèrent  pas  de  celles  qu'on  observe 
dans  la  pleurésie  purulente. 

L'épanchement  liquide  et  gazeux  qui  constitue  le  pyopneumothorax 
occupe  le  plus  souvent  toute  la  cavité  pleurale  ;  quelquefois  il  est  en- 
kysté, ainsi  que  cela  a  lieu  surtout  à  la  suite  des  pleurésies  purulentes 
inlerlobaircs  ou  diaphragmatiques  (Cayol,  Moutard-Martin,  N.  Guéneau  de 
Mussy).  Suivant  l'abondance  de  l'épanchement,  on  observe  des  déplace- 
ments plus,  ou  moins  marqués  des  organes  voisins  ;  le  poumon  surtout 
est  ordinairement  aplati,  refoulé,  déformé,  quelquefois  réduit  à  une 
sorte  de  moignon  appliqué  contre  la  colonne  vertébrale  et  à  peine  incon- 
naissable sous  la  couche  épaisse  de  fausses  membranes  qui  l'enveloppe, 
d'autres  fois  ayant  conservé  un  certain  volume  et  souvent  relié  par  pla-oes 
à  la  paroi  thoracique  par  des  brides  membraneuses. 


270  PLÈVRE.  —  pneumothorax.  —  symptômes  et  marche. 

La  fistule  qui  a  donné  lieu  au  pneumothorax  n'est  pas  toujours  facile 
à  trouver  au  milieu  de  toutes  ces  lésions.  Assez  souvent  elle  est  petite, 
tortueuse,  comme  perdue  au  milieu  des  inégalités  de  la  surface  des 
fausses  membranes  ;  pour  la  trouver,  on  peut  être  obligé  d'insuffler  le 
poumon  sous  l'eau,  et  on  voit  alors  quelques  bulles  d'air  qui  viennent 
sourdre  à  sa  surface.  Les  dispositions  et  le  siège  de  ces  fistules  varient 
d'ailleurs  suivant  les  maladies  auxquelles  elles  se  rattachent;  nous  en 
avons  déjà  dit  quelques  mots  à  propos  des  causes,  et  nous  renverrons 
pour  de  plus  amples  détails  à  l'étude  des  diverses  maladies  qui  peuvent 
amener  la  perforation  de  la  plèvre,  et  l'épanchement  d'air  dans  sa  ca- 
vité. Quelquefois  ces  fistules  s'oblitèrent  au  bout  d'un  temps  plus  ou 
moins  long,  soit  par  cicatrisation  de  leurs  parois,  soit  par  un  dépôt  de 
fausses  membranes  qui  obture  leur  lumière,  et  la  plèvre  est  alors  trans- 
formée en  une  sorte  de  kyste  renfermant  des  liquides  et  des  gaz;  cette 
oblitération  n'est  souvent  que  momentanée  et  la  fistule  peut  s'ouvrir  et 
se  fermer  par  intervalles,  mais  il  n'est  pas  rare  que  l'occlusion  soit  défi- 
nitive :  alors  les  gaz  épanchés  peuvent  être  résorbés  en  totalité  ou  en 
partie,  et  le  kyste  pleural,  cessant  de  communiquer  avec  l'extérieur,  se 
comporte  comme  les  épanchements  de  la  pleurésie  chronique  :  une  par- 
tie du  liquide  peut  être  résorbée,  le  reste  persiste  indéfiniment  en  subis- 
sant diverses  transformations. 

Symptômes  et  marche.  —  Le  mode  de  début  du  pneumothorax 
et  l'évolution  des  accidents  qu'il  entraîne  diffèrent  d'une  façon  très-sen- 
sible suivant  la  nature  des  causes  qui  en  ont  provoqué  le  développement; 
il  est  donc  nécessaire  de  distinguer  plusieurs  cas  particuliers,  dont  les 
principaux,  par  ordre  de  fréquence,  ont  trait:  1°  aux  pneumothorax  qui 
dépendent  d'une  maladie  pulmonaire,  comme  de  la  tuberculose,  des  abcès 
ou  de  la  gangrène  du  poumon  ;  2°  à  ceux  qui  sont  consécutifs  à  la  pleu- 
résie purulente  ;  5°  enfin  à  ceux  qui  résultent  d'une  simple  déchirure 
du  poumon,  sans  lésion  morbide  antérieure  de  cet  organe  ni  de  la  plèvre. 
Malgré  leur  rareté  relative,  nous  commencerons  par  ces  derniers,  afin  de 
procéder  des  cas  les  plus  simples  aux  cas  les  plus  compliqués. 

Le  pneumothorax  qui  survient,  soit  à  la  suite  d'un  effort  violent  ou 
d'une  quinte  de  toux,  soit  par  la  rupture  de  quelques  vésicules  emphysé- 
mateuses, comme  celui  qui  est  le  fait  d'un  traumatisme,  débute  par  une 
douleur  de  côté  très-vive  et  par  une  dyspnée  subite.  L'intensité  de  cette 
dyspnée  est  toute  entière  subordonnée  à  l'abondance  de  l'épanchement: 
après  avoir  été  toujours  assez  intense  au  moment  de  la  production  du 
pneumothorax,  elle  peut  se  calmer  après  quelques  heures  ou  au  plus 
quelques  jours,  si  la  quantité  de  gaz  est  peu  considérable  ou  si  ce  gaz 
est  déjà  en  partie  résorbé.  Il  n'y  a  ni  fièvre  ni  aucun  autre  trouble  géné- 
ral, et  surtout  on  ne  constate  aucun  symptôme  de  pleurésie!  Les  signes 
physiques  dénotent  l'existence  d'un  épanchement  gazeux  dans  la  plèvre  et 
c'est  dans  ces  cas  seulement  que  le  pneumothorax  se  présente  à  l'état  de 
pureté:  on  trouve  une  sonorité  tympanique  à  la  percussion,  du  souffle 
amphorique  à  l'auscultation,  phénomènes  sur  lesquels  nous  insisterons 


PLÈVRE. 


  PNEUMOTHORAX. 


—  SYMPTÔMES  ET  MARCHE. 


277 


tout  à  l'heure  ;  assez  souvent  il  s'y  joint  plus  tard  des  signes  qui  indi- 
quent une  certaine  quantité  d'épnncbement  séreux.  Ordinairement  la 
déchirure  du  poumon  se  ferme  peu  de  temps  après  sa  production,  et  alors 
l'air  et  le  liquide  épanché  peuvent  être  résorbés,  au  bout  de  quelques 
jours  ou  de  quelques  semaines  ;  plus  rarement  l'épanchcment  persiste 
pendant  des  mois  et  même  pendant  des  années.  J'ai  observé  dans  les 
hôpitaux  un  malade  qui  portait  ainsi  depuis  deux  ou  trois  ans  un  hydro- 
pneumothorax  enkysté  sans  en  éprouver  d'ailleurs  de  bien  grands  trou- 
bles :  il  venait  de  temps  en  temps  à  l'hôpital  pour  se  reposer,  mais  était 
capable  de  se  livrer  au  travail  pendant  de  longs  intervalles.  Ce  premier 
groupe  de  pneumothorax  comprend  les  cas  les  plus  favorables,  puisque 
la  guérison  n'est  pas  rare  et  même  que  souvent  elle  n'est  pas  longue  à 
venir.  Celte  innocuité  relative  tient  à  ce  que,  au  moment  où  l'épanche- 
mcnl s'est  produit,  le  poumon  et  la  plèvre  étaient  sains  et  que  les  lésions 
se  réduisent  à  l'épanchcment  dans  la  cavité  pleurale  d'une  certaine 
quantité  d'air  atmosphérique,  dont  l'action  est,  comme  nous  le  savons, 
bien  faiblement  irritante. 

Dans  le  pneumothorax  consécutif  à  la  pleurésie  purulente,  on  observe 
d'abord  les  symptômes  propres  à  cette  maladie,  puis  ceux  d'une  vomique 
plus  ou  moins  persistante  ;  ce  n'est  qu'après  une  certaine  durée  de  l'ex- 
pectoration purulente  que  surviennent,  et  cela  bien  entendu  dans  quel- 
ques cas  seulement,  les  symptômes  du  pneumothorax.  Cette  complication  ne 
s'annonce  en  général  par  aucun  trouble  important  qui  indique  le  moment 
précis  où  l'air  est  entré  dans  le  foyer  purulent:  pas  de  point  de  côté  vio- 
lent ni  de  dyspnée  subite,  dans  quelques  cas  seulement  une  augmenta- 
tion de  l'oppression.  C'est  le  plus  souvent  par  les  signes  physiques  qu'on 
est  conduit  à  reconnaître  que  l'air  a  pénétré  dans  la  plèvre  :  on  trouve, 
en  effet,  de  la  sonorité  dans  les  parties  supérieures  de  la  poitrine  qui 
auparavant  présentaient  une  matité  absolue,  on  entend  du  souffle  ampho- 
rique,  on  perçoit  le  bruit  de  succussion  hippocratique,  etc.  Quelquefois 
aussi  la  fétidité  de  l'haleine  et  des  crachats  peut  mettre  sur  la  voie  du 
diagnostic  :  alors  que,  pendant  un  certain  temps,  le  malade  n'avait 
expectoré  que  du  pus  fluide  sans  odeur  bien  marquée,  on  s'aperçoit  à  un 
moment  que  les  crachats  deviennent  fétides  et  acquièrent  bientôt  une 
odeur  repoussante  ;  c'est  que  l'air  qui  a  pénétré  dans  le  foyer  purulent 
permet  maintenant  la  putréfaction  des  liquides  épanchés.  Presque  tou- 
jours la  production  du  pneumothorax  dans  ces  conditions  aggrave  beau- 
coup la  situation,  déjà  si  sérieuse  :  l'appétit  achève  de  se  perdre,  il  sur- 
vient souvent  de  la  diarrhée,  des  frissons  répétés  suivis  de  sueurs  froides, 
en  un  mot  des  accidents  de  septicémie,  et  la  mort  ne  tarde  pas  à  arriver. 
Cependant  il  n'en  est  heureusement  pas  toujours  ainsi  :  dans  quelques 
circonstances  favorables,  le  foyer  purulent  peut  continuer  à  se  vider  par 
les  bronches,  sans  phénomènes  de  putridité  malgré  la  présence  de  l'air,  et 
la  guérison  spontanée  est  possible,  aussi  bien  que  dans  le  cas  de  pleurésie 
purulente  simple  ouverte  dans  les  bronches  sans  complication  de  pneumo- 
thorax. Enfin  l'abcès  pleural  s'ouvre  quelquefois,  non  plus  dans  les  bron- 


278 


PLfcVRE. 


  P.NEUMOTIIORAX. 


  SYMPTÔMES  ET  MARCHE. 


■•lies,  mais  à  travers  la  paroi  Ihuraciquc,  et  dans  ce  cas  encore  l'air  peut 
pénétrer  dans  la  cavité  de  la  plèvre,  le  pyopneuinotliorax  est  constitué, 
avec  toutes  les  cliances  d'altération  putride  de  l'épanclieinent  que  nous 
indiquions  tout  à  l'heure.  Quand  ces  accidents  de  putridité  apparaissent, 
une  issue  fatale  est  presque  inévitable,  si  une  large  ouverture  du  thorax 
pratiquée  artificiellement  ne  vient  permettre  de  déterger  la  cavité  et 
d' empêcher  la  décomposition  des  produits  qu'elle  contient. 

La  troisième  espèce  de  pneumothorax  que  nous  avons  à  étudier  est 
celle  dans  laquelle  l'épanchemcnt  d'air  résulte  d'une  perforation  du  pou- 
mon, consécutive  elle-même  à  une  maladie  de  cet  organe.  C'est  de  beau- 
coup l'espèce  la  plus  commune,  puisqu'elle  comprend  le  pneumothorax, 
qui  survient  dans  la  phthisie  pulmonaire,  ou  plus  rarement  à  la  suite  de 
la  gangrène  ou  des  abcès  du  poumon  ;  c'est  elle  qui  a  servi  de  modèle  à 
la  description  de  tous  les  auteurs. 

Le  début  est  brusque,  marqué  par  deux  phénomènes,  le  point  de  côté 
et  la  dyspnée,  dont  la  soudaineté  d'apparition  et  la  violence  sont  presque 
caractéristiques,  lorsqu'on  les  voit  apparaître  brusquement  chez  des  indi- 
vidus atteints  de  l'une  des  maladies  que  nous  venons  d'indiquer.  Tout  à 
coup,  pendant  une  quinte  de  toux  ou  sans  cause  déterminante,  le  malade 
est  pris  d'une  douleur  atroce,  angoissante,  parfois  accompagnée  d'une 
sensation  de  déchirure  dans  la  poitrine.  En  même  temps  il  éprouve  une 
dyspnée  terrible  avec  menace  de  suffocation  ;  celte  dyspnée  s'explique 
par  l'irruption  brusque  de  l'air  dans  la  plèvre,  qui  d'emblée  supprime 
une  partie  de  la  surface  respiratoire  (insuffisance  pulmonaire  aiguë,  Win- 
trich),  et  aussi  par  le  point  de  côté,  qui  fait  que  le  malade  immobilise 
instinctivement  son  thorax.  L'oppression  arrive  à  son  comble,  quand  la 
perforation  est  disposée  de  telle  sorte  que  l'air  entre  librement  dans  la 
plèvre  et  ne  peut  en  sortir  ;  l'épanchement  remplit  alors  tout  un  côté  de 
la  poitrine,  tout  le  poumon  correspondant  cesse  de  fonctionner  et  la  mort 
peut  arriver  très-rapidement  avec  les  phénomènes  de  l'asphyxie  aiguë. 
Plus  souvent  les  accidents  du  début  s'atténuent  au  bout  d'un  certain 
temps,  le  point  de  côté  surtout,  mais  la  dyspnée  persiste,  plus  ou  moins 
intense  suivant  l'abondance  de  l'épanchement.  Dans  les  premiers  temps, 
il  n'y  a  pas  de  fièvre,  du  moins  imputable  à  l'épanchement  d'air;  plus 
tard,  quelquefois  même  rapidement,  les  phénomènes  fébriles  apparais- 
sent, liés  à  la  pleurésie  qui  s'ajoute  au  pneumothorax  et  qui  est  presque 
constante  dans  l'espèce  que  nous  étudions. 

Les  signes  physiques  du  pneumothorax  et  de  riiydropncumolhorax 
sont  très  particuliers  à  cette  maladie  et  en  rendent  le  diagnostic  le  plus 
souvent  facile. 

L'inspection  l'ait  constater  L'immobilisation  d'un  côté  de  la  poitrine  et 
la  dilatation  permanente  de  ce  côté.  On  voit,  en  effet,  que  la  moitié  du 
thorax  correspondante  à  l'épanchement  gazeux  ne  présente  pas,  dans  l'ins- 
piration et  dans  l'expiration,  les  alternatives  de  soulèvement  et  de  retrait 
qu'on  observe  du  côté  sain  ;  cette  immobilité  est  également  évidente  au 
niveau  de  l'hypocliondre  qui  reste  soulevé  et  saillant,  et  ne  s'affaisse  pas 


PLÈVRE. 


  PNEUMOTHORAX.   


SYMPTÔMES  ET  MARCHE. 


279 


comme  du  côte  opposé  pendant  l'expiration,  parce  que  le  diaphragme  est 
abaissé  et  maintenu  dans  cette  position  par  La  pression  de  l'épanchement 
gazeux  et  de  l'épanchement  liquide;  notons,  en  passant,  que  cet  abaisse- 
ment permanent  du  diaphragme  peut  encore  être  reconnu  par  le  refoule- 
ment du  foie  ou  de  la  rate,  suivant  que  le  pneumothorax  siège  à  droite 
ou  à  gauche.  Quant  à  la  dilatation  du  côté  malade,  elle  est  plus  apparente 
que  réelle,  et,  en  fait,  il  n'y  a  pas,  dans  le  pneumothorax,  de  voussure 
générale  ou  partielle  analogue  à  celle  qu'on  rencontre  dans  la  pleurésie. 
On  a  prétendu  que  les  gaz  pouvaient  s'accumuler  en  quantité  considéra- 
bles dans  la  plèvre,  lorsque  la  disposition  de  la  fistule  permettait  l'entrée 
de  l'air  et  empêchait  sa  sortie,  et  que  ces  gaz  pouvaient  alors  acquérir 
une  tension  capable  de  refouler  les  parois  thoraciques  et  même  de  dépla- 
cer les  organes  du  médiastin  ;  mais  il  y  a  là  une  erreur  contre  laquelle 
de  Castclnau  et  Béhier  se  sont  élevés  avec  raison.  Il  est,  en  effet,  impos- 
sible qu'une  nouvelle  quantité  d'air  entre  encore  dans  la  cavité  pleurale, 
lorsque  les  gaz  qui  y  sont  contenus  ont  acquis,  pendant  l'agrandisse- 
ment du  thorax  dans  l'inspiration,  une  tension  égale  à  la  pression  atmos- 
phérique ;  on  ne  voit  pas  quelle  force  les  y  ferait  pénétrer.  Ce  n'est  donc 
pas  une  distension  réelle  qui  existe  du  côté  malade,  c'est  simplement 
une  absence  de  retrait  :  la  poitrine  ne  revient  pas  sur  elle-même  lors  de 
l'expiration,  puisque  l'air  qui  la  remplit  ne  peut  être  chassé,  elle  reste 
dans  la  position  qu'elle  prend  lors  d'une  inspiration  profonde  et  faite  avec 
effort;  aussi  paraît-elle  être  dilatée  pendant  l'expiration  par  rapport  au 
côté  sain,  mais  celte  différence  disparaît  à  peu  près  complètement  au 
moment  d'une  forte  inspiration  (Béhier).  Le  plus  souvent,  d'ailleurs,  l'air 
peut  entrer  et  sortir  sans  difficultés,  ou  bien  il  est  emprisonné  dans  la 
plèvre  après  oblitération  de  la  fistule;  dans  ces  cas,  l'ampliation  du  côté 
malade  est  nulle  ou  peu  marquée,  quelquefois  même  on  trouve  un  rétré- 
cissement dû  à  des  adhérences  antérieures^ 

La  percussion  donne  un  son  tympanique  dans  toutes  les  parties  occu- 
pées par  l'épanchement  gazeux,  et  le  doigt  qui  percute  éprouve  une  sen- 
sation d'élasticité  remarquable  ;  s'il  y  a  en  même  temps  des  liquides 
accumulés  dans  la  plèvre,  ils  occupent  naturellement  les  parties  déclives 
et  alors  on  trouve,  en  haut  de  la  poitrine,  une  sonorité  exagérée,  en  bas, 
une  matilé  absolue.  La  tonalité  du  son  tympanique  varie  suivant  la  ten- 
sion du  gaz  contenu  dans  la  poitrine  et  la  tension  corrélative  des  parois 
thoraciques  :  si  cette  tension  est  faible,  la  tonalité  sera  grave;  si,  au  cou- 
traire,  elle  est  forte,  la  tonalité  sera  aiguë  et  le  caractère  tympanique 
pourra  être  alors  beaucoup  moins  facile  à  percevoir  ;  il  peut  même  arri- 
ver que  la  tonalité  soit  assez  aiguë  pour  qu'on  puisse  croire  à  l'existence 
de  la  matilé  :  en  y  faisant  attention,  on  reconnaîtra  qu'il  n'y  a  pas  de 
matité  véritable,  mais  un  son  clair  et  aigu  très-différent  du  son  tympa- 
nique qu'on  trouve  habituellement.  Quelquefois  le  son  fourni  par  la  per- 
cussion présente  un  timbre  métallique  remarquable;  mais,  en  général, 
pour  bien  percevoir  ce  caractère,  il  faut  combiner  la  percussion  et  l'au- 
scultation :  si  l'on  applique  l'oreille  sur  la  poitrine,  au  niveau  des  par- 


280 


PLÈVRE.  — 


PNEUMOTHORAX. 


  SYMPTÔMES  ET  MARCHE. 


lies  correspondantes  au  pneumothorax,  et  qu'en  même  temps  on  percute 
ou  qu'on  lasse  percuter  un  point  quelconque  du  thorax,  soit  avec  les 
doigts,  soit  avec  un  doigt  frappant  sur  une  pièce  de  monnaie,  soit  avec 
une  pièce  de  monnaie  frappant  sur  une  autre  pièce  appliquée  sur  la  poi- 
trine, on  entend  un  bruit  métallique  éclatant  et  prolongé  auquel  Trous- 
seau a  donné  le  nom  de  bruit  d'airain,  et  qui  a  une  très-grande  valeur 
diagnostique. 

Les  vibrations  thoraciques  sont  abolies  dans  toute  l'étendue  de  l'hydro- 
pneumothorax,  aussi  bien  dans  la  partie  correspondante  à  1'épanchement 
gazeux  que  dans  celle  qui  correspond  à  la  collection  liquide. 

L'auscultation  fournit  une  grande  variété  de  signes,  qui  sont  aussi 
importants  que  caractéristiques.  On  constate  d'abord  la  suppression  abso- 
lue du  bruit  respiratoire  normal  ;  ce  bruit  est  remplacé  par  du  souffle 
amphorique,  souffle  produit,  soit  par  le  passage  de  l'air  dans  la  cavité 
pleurale  à  travers  l'orifice  étroit  de  la  fistule  et  qui  ressemble  en  effet  à 
celui  qu'on  détermine  en  soufflant  dans  l'ouverture  d'une  cruche  à  large 
ventre  et  à  col  très-rétréci,  soit  par  le  retentissement  du  bruit  bronchi- 
que à  travers  une  cavité  pleine  de  gaz,  dans  le  cas  où  l'orifice  fistuleux 
est  oblitéré.  L'intensité  de  ce  souffle  est  très-variable  ;  quelquefois  il  est 
très-fort,  d'autres  fois  il  est  si  faible  ou  paraît  si  éloigné  qu'il  faut  une 
grande  attention  pour  le  découvrir  ou  qu'on  le  perçoit  seulement  dans 
les  grandes  inspirations  ;  en  tout  cas,  il  offre  un  timbre  métallique  tout 
particulier.  Le  même  caractère  amphorique  se  retrouve  dans  l'ausculta- 
tion de  la  voix  et  de  la  toux,  qui  sont  souvent  suivies  d'un  écho  métalli- 
que plus  ou  moins  retentissant.  L'oreille  appliquée  sur  la  poitrine  per- 
çoit encore,  par  intervalles,  le  tintement  métallique,  petit  bruit  sec, 
sonore,  analogue  à  celui  que  produirait  une  perle  tombant  dans  une 
coupe  de  cristal  ;  ce  pbénomène  est  très-inconstant,  il  paraît  et  disparaît 
de  temps  en  temps  ;  quelquefois  il  est  provoqué  par  des  secousses  de  toux 
ou  par  les  mouvements  du  malade,  ou  au  contraire  il  est  supprimé  par 
ces  circonstances.  Tous  ces  phénomènes,  auxquels  on  peut  joindre  le 
bruit  d'airain  de  Trousseau  dont  nous  avons  déjà  parlé,  constituent  un 
ensemble  de  signes  d'auscultation  dont  on  ne  saurait  contester  la  grande 
valeur  diagnostique.  L'interprétation  physiologique  de  ces  divers  signes  a 
donné  lieu  à  de  nombreuses  discussions,  notamment  pour  le  tintement 
métallique  ;  cependant  nous  n'avons  pas  à  entrer  dans  le  détail  des  diver- 
ses théories  qui  ont  été  présentées  et  soutenues,  parce  que  celles-ci  ont 
déjà  été  exposées  avec  une  grande  netteté  dans  l'article  Auscultation  de 
ce  dictionnaire  (Voy.  t.  IV,  p.  125,  155,  et  144).  Qu'il  nous  suffise  de 
faire  observer  que  la  production  des  divers  bruits  morbides  que  nous  ve- 
nons d'indiquer  ne  semble  pas  exiger  la  communication  de  la  cavité  anor- 
male avec  les  bronches,  mais  que,  suivant  l'opinion  de  Skoda,  de  Mon- 
ncret  et  de  Béhicr,  ces  bruits  peuvent  aussi  bien  se  produire  dans  les  cas 
où  la  fistule  broncho-pleurale  est  fermée  que  dans  ceux  où  la  communi- 
cation persiste  entre  les  bronches  et  la  plèvre  :  dans  cette  interprétation, 
qui  concorde  avec  un  grand  nombre  de  faits  et  d'expériences,  tous  les 


PLÈVRE-  —  PNEUMOTHORAX.  —  SYMPTÔMES  ET  MARCHE.  '28 1 

bruits  qui  arrivent  à  l'oreille  dans  l'auscultation  de  la  poitrine,  acquer- 
raient, en  traversant  la  cavité  pleine  d'air  du  pneumothorax-,  le  caractère 
amphorique  et  le  timbre  métallique,  que  ces  bruits  se  passent  d'ailleurs 
dans  la  cavité  anormale  ou  en  dehors  d'elle  dans  les  bronches,  que  la 
perforation  pulmonaire  existe  encore  ou  bien  qu'elle  soit  fermée.  «  Ainsi 
donc,  dit  Beliier,  dans  le  pneumotorax,  la  communication  pleuro-bron- 
chique  n'est  nécessaire  que  pour  créer  l'établissement  de  la  collection  ga- 
zeuse qui  joue,  dans  la  production  des  phénomènes,  le  rôle  d'une  caisse 
de  renforcement  ;  le  maintien  de  cette  communication  est  inutile  pour  la 
production  du  tintement  métallique  et  des  diverses  nuances  de  bruits  mé- 
talliques. Ces  derniers  ne  sont  autres  que  des  bruits  extérieurs  à  la  col- 
lection gazeuse  qui,  en  la  traversant  pour  arriver  à  l'oreille  de  l'observa- 
teur, prennent  le  timbre  particulier  qui  leur  imprime  un  caractère 
spécial  et  une  valeur  diagnostique  particulière.  » 

Enfin  un  dernier  signe,  encore  aussi  caractéristique  que  les  précé- 
dents, est  fourni  par  la  succussion  hippocratique  :  lorsque  la  plèvre  con- 
tient en  même  temps  des  liquides  et  des  gaz,  les  mouvements  imprimés 
au  malade  déterminent  un  clapotement  du  liquide,  qui  est  perceptible  à 
l'oreille  et  quelquefois  même  à  la  main,  et  que  le  malade  ressent  souvent 
de  lui-même  dans  les  mouvements  qu'il  exécute.  Le  bruit  de  Ilot  est,  dans 
certaines  circonstances,  assez  fort  pour  qu'on  l'entende  à  distance,  d'au- 
tres fois  il  est  nécessaire  d'appliquer  l'oreille  sur  la  poitrine.  En  outre, 
pendant  la  succussion,  la  main  appliquée  sur  le  côté  malade  ressent  quel- 
quefois le  choc  du  liquide  qui  vient  frapper  contre  la  paroi  thoracique. 
Le  bruit  de  succussion  hippocratique,  qu'on  peut  retrouver  dans  d'autres 
circonstances,  par  exemple  lorsque  l'estomac  distendu  contient  des  gaz  et 
des  liquides,  présente  pour  le  diagnostic  une  très-grande  valeur  :  quand 
on  l'a  bien  constaté  et  qu'on  a  bien  déterminé  qu'il  a  son  siège  dans  la 
cavité  pleurale,  il  suffit  à  lui  seul  pour  établir  avec  certitude  l'existence 
de  l'hydro-pneumothorax. 

Aux  symptômes  et  aux  signes  précédents  s'ajoutent  fréquemment  des 
phénomènes  graves  qui  se  rattachent  à  la  purulence  ou  à  la  putridité 
de  l'épanchement  liquide.  Dans  certains  cas  de  pneumothorax  tuber- 
culeux, l'épanchement  peut,  à  la  vérité,  rester  simplement  séreux,  ainsi 
que  nous  en  avons  déjà  cite  quelques  exemples,  et  alors  les  phénomènes 
généraux  sont  nuls  ou  presque  nuls,  la  dyspnée  et  les  menaces  d'asphyxie 
constituent  tout  le  danger  de  la  maladie;  mais  bien  plus  souvent,  on 
pourrait  dire  presque  toujours,  l'épanchement  est  purulent  et  il  en  est 
constamment  ainsi  dans  les  cas  d'abcès  ou  de  foyers  gangréneux  du 
poumon  ouverts  dans  la  plèvre  :  alors  apparaissent,  quelquefois  de  très- 
bonne  heure,  les  accidents  les  plus  graves  de  la  pleurésie  purulente;  ou 
bien,  par  suite  de  l'altération  putride  que  subit  le  pus,  ou  voit  survenir 
.des  symptômes  de  putridité  et  de  septicémie,  en  tout  semblables  à  ceux 
que  nous  avons  mentionnés  à  propos  de  la  pleurésie  purulente  compli- 
quée de  pneumothorax. 

On  voit,  d'après  cela,  toute  la  gravité  du  pronostic  dans  les  cas  où  le 


'■282  PLEVRE1.           PNEl  MOTlIOnAX.  —  diagnostic. 

pneumothorax  est  la  conséquence  de  l'ouverture  dans  la  plèvre  d'un  foyer 
tuberculeux  ou  gangreneux  ou  d'un  abcès  pneumonique.  Outre  que  cet 
accident  peut  entraîner  la  mort  à  bref  délai,  par  le  seul  l'ait  de  l'abon- 
dance de  l'épanchement  et  de  l'asphyxie  qui  en  résulte,  les  suites  les  plus 
redoutables  sont  à  craindre,  si  le  malade  échappe  à  ce  premier  danger; 
on  aura,  en  effet,  à  compter  avec  le  développement  d'une  pleurésie 
purulente  généralisée  et  le  développement  plus  terrible  encore  de  ha 
décomposition  putride  du  liquide  épanché,  avec  toutes  ses  conséquences. 
Le  pronostic  sera  moins  absolument  grave,  si  le  pneumothorax  est  limité 
et  enkysté,  parce  que  quelquefois  le  foyer  peut  être  évacué  par  les 
bronches  et  la  guérison  arriver.  Enfin,  dans  des  cas  malheureuse- 
ment exceptionnels,  et  lorsque  le  pneumothorax  survient  au  début  de 
la  tuberculose,  il  peut  arriver  qu'on  ait  simplement  affaire  à  un  hy- 
dropneumothorax, que  le  gaz  soit  résorbé  après  fermeture  de  la  fistule, 
et  que  le  liquide  épanché  disparaisse  à  son  tour  après  un  temps  plus  ou 
moins  long. 

Diagnostic.  —  Les  différentes  espèces  de  pneumothorax  que  nous  avon/» 
successivement  étudiées  présentent  un  mode  de  début  et  une  évolution 
qui  bien  souvent  ne  permettent  pas  de  se  méprendre  sur  leur  natufe;  en 
outre,  on  trouve  dans  cette  maladie  des  signes  physiques  fournis  par  la 
percussion,  par  l'auscultation,  par  la  succussion,  etc.,  qui,  même  pris 
isolément,  ont  déjà  une  grande  valeur,  et  qui  par  leur  réunion  consti- 
tuent un  ensemble  plus  capable  de  suffire  au  diagnostic  dans  la  plupart 
des  autres  maladies.  Très-souvent  donc  le  diagnostic  ne  présente  pas 
de  difficultés.  Mais  quelquefois  la  maladie  n'est  caractérisée  que  par 
quelques-uns  de  ses  signes  habituels,  et  alors  on  peut  la  confondre  avec 
d'autres  maladies  ;  plus  souvent  encore  on  croit  à  l'existence  d'un 
pneumothorax  qui  n'existe  pas,  parce  qu'on  a  attaché  trop  d'importance 
à  certains  signes,  au  souffle  amphorique  par  exemple. 

Le  pneumothorax  généralisé  et  accompagné,  comme  c'est  le  cas  le  plus 
ordinaire,  d'un  épanchement  liquide  plus  ou  moins  abondant  ne  peut 
guère  être  méconnu  ni  confondu  avec  aucune  aulre  maladie;  on  y 
trouve,  en  effet,  à  la  fois  tous  les  signes  physiques,  notamment,  le  souffle 
amphorique,  le  bruit  d'airain  et  le  bruit  de  succussion  qui  permettent 
d'affirmer  le  diagnostic.  Mais  l'embarras  est  bien  plus  grand  pour  les 
pneumothorax  circonscrits  et  enkystés:  quand  ceux-ci  sont  consécutifs  à 
une  pleurésie  purulente  inlerlobaire  ou  diaphragmatique,  on  voit  d'abord 
se  produire  les  symptômes  d'une  vomique  qui  n'avait  pas  son  origine 
dans  un  épanchement  occupant  la  grande  cavité  pleurale,  puis  on  constate 
l'apparition  de  bruits  amphoriques  et  quelquefois  même  le  tintement 
métallique;  dans  ces  conditions,  il  est  naturel  de  penser  à  un  pneumo- 
thorax, etsi,  dans  la  suite,  on  voit  l'état  général  s'améliorer  et  les  signes 
cavitaires  s'atténuer  et  disparaître,  on  est  autorisé  à  persister  dans  ce 
diagnostic  et  à  écarter  le  soupçon  d'une  caverne  tuberculeuse  (Moutard- 
Martin,  Noël  Guéneau  de  Mussy). 

Certaines  pleurésies  accompagnées  de  souffle  amphorique  et  la  phthisie 


PLÈVRE. 


  PNEUMOTHORAX.    TRAITEMENT. 


285 


pulmonaire  avec  cavernes  volumineuses  sont  les  deux  maladies  qu'on  est 
le  plus  exposé  à  confondre  avec  le  pneumothorax. 

C'est  surtout  l'existence  du  souffle  amphorique  qui  peut  faire  croire  à 
un  pneumothorax  dans  certains  cas  de  pleurésie,  notamment  de  pleurésie 
purulente;  mais  dans  ces  cas  où  l'épanchement  est  déjà  abondant,  on 
trouvera  de  la  matité  au  lieu  du  tympanismc  à  la  percussion,  on  ne 
rencontrera  ni  bruit  d'airain  ni  bruit  de  succussion,  on  aura  d'ail- 
leurs les  signes  antérieurs  d'une  pleurésie  purulente  ;  s'il  s'agissait, 
au  contraire,  d'un  pneumothorax  consécutif  à  une  pleurésie  puru- 
lente, on  aurait,  avant  l'épanchement  gazeux,  observé  les  symptômes 
d'une  vomique. 

Les  grandes  cavernes  pulmonaires  superficiellement  placées  peuvent 
donner  lieu  à  plusieurs  des  signes  du  pneumothorax,  notamment  aux 
bruits  ampboriques  et  même  au  tintement  métallique  ;  mais  on  remar- 
quera que  le  bruit  de  succussion  y  est  absolument  exceptionnel,  que  la 
percussion  donne  à  leur  niveau  le  bruit  de  pot  fêlé  en  même  temps  que 
le  tympanisme,  que  les  vibrations  thoraciques  sont  exagérées,  qu'il  y  a 
du  rétrécissement  du  thorax,  etc.  On  aura  surtout  égard  à  l'évolution 
toute  différente  des  phénomènes  dans  les  deux  maladies  :  au  lieu  du 
début  brusque  et  de  l'apparition  presque  soudaine  des  symptômes  qu'on 
trouve  dans  le  pneumothorax,  on  a  dans  la  tuberculose  des  accidents 
successifs  dont  on  peut  suivre  les  progrès.  Malgré  tout,  dans  les  cas  où 
un  pneumothorax  circonscrit  vient  compliquer  une  phthisie  pulmonaire 
déjà  avancée,  il  est  certain  que  le  diagnostic  peut  présenter  de  très- 
grandes  difficultés  et  qu'il  reposera  uniquement  sur  les  signes  physiques 
que  nous  venons  d'indiquer. 

Quant  au  diagnostic  de  la  cause  du  pneumothorax  et  de  la  maladie  à 
laquelle  il  se  rattache,  nous  n'avons  pas  à  y  insister  de  nouveau,  après 
avoir  étudié  séparément  les  principales  espèces  qu'il  nous  a  paru  utile  de 
reconnaître  parmi  les  épanchements  gazeux  intra-pleuraux. 

Traitement.  —  Quand  le  début  du  pneumothorax  est  brusque  et  mar- 
qué par  cette  atroce  douleur  et  cette  terrible  dyspnée  qu'on  observe  dans 
les  circonstances  que  nous  avons  signalées,  il  laut  chercher,  sans  retard, 
à  remédier  à  ces  accidents.  Pour  calmer  le  point  de  côté,  les  injections 
sous-cutanées  de  morphine  loco  dolenti  sont  le  moyen  le  plus  rapide  et 
le  plus  efficace;  on  pourra  les  répéter  plusieurs  fois,  à  intervalles  conve- 
nables, jusqu'à  ce  qu'elles  aient  réussi  à  modérer  ce  symptôme  pénible, 
dangereux  même  par  la  nouvelle  entrave  qu'il  apporte  à  la  respiration. 
Contre  la  dyspnée  qui  tient  à  la  brusque  diminution  du  champ  respi- 
ratoire, les  inhalations  d'oxygène  sont  assurément  un  remède  très-ration- 
nel, et  elles  peuvent,  en  effet,  compenser  en  quelque  sorte,  dans  une 
certaine  mesure,  l'insuffisance  pulmonaire;  on  pourra  y  revenir  dans  le 
cours  de  la  maladie  pour  calmer  l'oppression.  On  a  conseillé  aussi  les 
émissions  sanguines,  dans  le  but  de  combattre  la  fluxion  qui  se  produit 
sur  le  poumon  sain;  mais  ce  moyen,  applicable  au  cas  du  pneumothorax 
traumatique  ou  aux  cas  qui  s'en  rapprochent,  sera  souvent  contre-indiqué 


'2  Si 


l'LÈVMï.    BIBLIOGRAPHIE. 


par  les  maladies  antécédentes  cl  par  l'état  de  faiblesse  que  ces  maladies 
auront  amené. 

Ultérieurement,  les  indications  thérapeutiques  varient  suivant  l'espèce 
de  pneumothorax  et  les  accidents  que  chacune  d'elles  peut  entraîner. 

Si  le  pneumothorax  est  pur,  sans  complication  d'épanchement  liquide, 
on  doit  se  borner  à  l'expectation,  puisqu'on  sait  que  l'air  atmosphérique 
n'a  pas  ou  guères  d'influence  nocive  sur  la  plèvre,  et  que  le  gaz  pourra 
être  résorbé  dès  que  la  perforation  qui  en  a  déterminé  l'épanchement 
sera  fermée.  S'il  y  a  hydro-pneumothorax,  on  peut  employer  quelques 
révulsifs  pour  combattre  la  pleurésie  subaiguë  dont  l'épanchement  séreux 
est  l'indice;  et,  dans  le  cas  où  la  quantité  du  liquide  serait  assez  consi- 
dérable pour  constituer  un  danger,  il  ne  faudrait,  pas  hésiter  à  recourir 
à  la  thoracentèse  et  à  la  répéter  suivant  les  circonstances. 

Parmi  les  cas  de  pyopneumothorax,  il  faut  distinguer  ceux  où  l'on  est 
en  présence  d'une  pleurésie  purulente  ouverte  dans  les  bronches  ou  par 
la  paroi  thoracique,  et  ceux  où  l'on  a  affaire  à  la  rupture  d'un  foyer  pul- 
monaire dans  la  plèvre. 

Dans  le  cas  de  pleurésie  purulente,  il  ue  faut  pas  trop  se  hâter  de  pra- 
tiquer la  thoracentèse  ou  l'empyème,  puisqu'on  sait  que  ces  cas  peuvent 
quelquefois  guérir  sans  opération,  par  évacuation  successive  du  contenu 
de  l'abcès  pleural.  Mais,  si  la  formation  du  pus  persiste  indéfiniment  et 
surtout  si  l'on  voit  survenir  des  accidents  de  putridité,  il  faut  alors  recou- 
rir à  l'empyème  et  faire  de  grands  lavages  désinfectants  de  la  plèvre. 
L'opération  serait  pourtant  conlre-indiquée,  si  le  malade  est  tuberculeux, 
car  elle  n'aurait  alors  aucune  chance  de  succès. 

Enfin,  si  le  pyopneumothorax  résulte  de  la  rupture  dans  la  plèvre 
d'un  foyer  pulmonaire,  les  indications  sont  subordonnées  à  la  nature  de 
la  maladie  initiale  :  si  c'est  une  phlhisie  pulmonaire  et  si  c'est  un  foyer 
tuberculeux  ramolli  ou  une  caverne  qui  se  sont  ouverts  dans  la  cavité 
pleurale,  on  devra  s'abstenir.  Mais  s'il  s'agit  d'un  foyer  gangréneux  du 
poumon  ou  d'un  abcès  qui  ont  fait  irruption  dans  la  plèvre,  on  pourra 
trouver  dans  l'empyème  quelques  chances  de  guérison,  ainsi  que  nous 
l'avons  dit  plus  haut  à  propos  de  la  gangrène  de  la  plèvre. 

Dans  les  circonstances  malheureusement  trop  nombreuses  où  une 
intervention  curative  paraît  impossible,  la  thoracentèse  peut  quel- 
quefois rendre  de  grands  services  à  titre  de  moyen  palliatif,  pour  remé- 
dier aux  accidents  produits  par  l'abondance  de  l'épanchement.  Yoy.  art. 
Poitiïlne  :  thoracentèse. 

Laennec,  Traité  de  l'auscultation  médiate,  5e  éd.,  Paris,  1851,  t.  II,  p.  282-550. 
f'.HOMEL,  Art.  Plèvres  (Maladies  des),  in  Dicl.  de  méd.  en  30  vol.,  t.  XXV,  p.  56. 
Monneret  et  Fleurv,  Compcmlium  de  médecine  pratique,  passim. 
Bulletins  de  la  Société  anatomique  de  Paris,  passim. 

Cornil  et  Raxvier,  Manuel  d'histologie  pathologique,  Paris,  1SG9-IS7G,  p.  755  et  suiv. 
Labouldème,  Nouveaux  éléments  d'analoniic  pathologique,  etc.  Paris,  1879,  p.  528  et  suiv. 

On  consultera  en  outre  les  Traités  de  pathologie  interne,  notamment  ceux  de  Grisolle. 
Hardi  et  Béiiier,  Jaccoud,  etc. 

Gangrène- 

Laexnec,  loc.  cil,  p.  507. 

Haïem  et  Graux,  Gangrène  de  la  plèvre,  etc.  [Bull,  delà  Soc.  anatomique,  1874,  p  513,. 


PLOMB. 


285 


Bulletins  de  la  Société  médicale  des  hôpitaux,  1875  (Mémoires  de  Besnieret  deMiïIard). 
Bucûuot,  La  pleurésie  dans  la  gangrène  pulmonaire  (Mém.  de  la  Soc.  méd.  des  hôpitaux, 
1875,  p.  33). 

llydatides. 

Viola,  Des  hydatides  intra-thoraciques  [Archives  gén.  de  méd.,  1855). 
Davaixe,  Traité  des  entozoaires  et  des  maladies  vermineuscs,  Paris,  1860,  2'  édit.  1877. 
Hearx,  Des  kystes  hydatiques  du  poumon  et  du  foie,  thèse  inaug.,  Paris,  1875  (Indications 
bibliographiques). 

Tuberculose  cl  Cancer 

Laexxec,  loc.  cit.,  t.  II,  p.  523. 

Rilliet  et  Barthez,  Traité  théor.  et  pratique  des  maladies  des  enfants,  2e  éd.,  1861,  t.  III,  p.  757. 
Verliac,  Remarques  sur  le  diagnostic  des  épanchements  pleurétiques  etc.,  chez  les  enfants, 

thèse  inaug.,  Paris,  1865. 
Empis,  De  la  grandie,  Paris  1865. 

Vircmow,  Pathologie  des  tumeurs,  traduc.  de  P.  Aronssohn,  Paris  1867,  1.  1,  p.  48  et  suiv. 
Villemix,  Études  sur  la  tuberculose,  Paris,  1868. 

Lépixe,  De  la  propagation  du  cancer  et  du  tubercule  à  la  surface  de  la  séreuse  pleurale,  etc. 

[Comptes  rendus  de  la  Soc.  de  biologie,  août  1869).  —  Carcinome  primitif  de  la  plèvre  chez 

un  enfant  [Bull,  de  la  Soc.  anal.,  1869,  p.  331).  —  Sur  l'infection  de  voisinage  dans  la 

tuberculose  [Archives  de  physiologie,  1870). 
Debove,  Note  sur  les  lymphangites  cancéreuses  [Bull,  delà  Soc.  anal.,  1875,  p.  861). 
Troisier,  Recherches  sur  les  lymphangites  pulmonaires,  thèse  inaug.,  Paris,  1874. 
Arxault  de  la  Méxardière,  Étude  clinique  sur  les  manifestations  cancéreuses  de  la  plèvre, 

thèse  inaug.,  Paris  1874. 

Hydrothorax. 

Laesnec,  loc.  cit.,  l.  II,  p.  599. 

Hardy  et  Béuier,  Traité  de  pathologie  interne,  Paris,  1855  t.  III,  p.  595. 

Méiiu,  Études  sur  les  liquides  épanchés  dans  la  plèvre  [Arcli.  gcn.  de  médecine,  1872,  t.  I. 

p.  641,  et  t.  II,  p.  56).  —  Nouvelles  recherches  sur  les  liquides,  etc.  (Ibid.,  1875,  t.  I, 

p.  176). 

Pneumothorax. 

Iiard,  Dissertation  sur  le  pneumothorax  ou  les  congestions  gazeuses  qui  se  forment  dans  la  poi- 
trine, thèse  inaug.,  Paris,  1803. 
Lat.xnec,  loc.  cit.,  t.  H,  p.  411. 

Saussier,  Recherches  sur  le  pneumothorax,  thèse  inaug.,  Paris,  1841. 

Moxneret  et  Fledry,  Compend.  de  méd.  prat.,  Art.  Pneumothorax,  1846,  t.  VII,  p.  128. 

Béhier,  Conférences  de  Clinique  médicale  (1861-1862),  Paris,  1864,  p  391. 

Proust,"  Du  pneumothorax  essentiel  ou  pneumoth.  sans  perforation,  thèse  inaug.,  Paris  1862. 

Jaccoud,  Gazelle  hebdomad.,  1861.  — Traité  de  pathologie  interne,  Paris,  1871,  t.  II,  p.  157. 

Dejiarqday  et  Leconte,  Surlesgazde  l'hydropneumothorax de  l'homme  [Gaz.  méd.,  1864,  p.  114). 

Demarqday,  Essai  de  pneumatologie  médicale,  Paris,  1866,  p.  343. 

Boisseau,  Du  pneumothorax  sans  perforation  [Arch.  gén.  de  méd.,  1868). 

Moutard-Martin,  De  la  pleurésie  purulente.,  Paris,  1872. 

Spadaro,  Du  pneumothorax  consécutif  à  la  thoracentèse,  thèse  inaug.,  Paris,  1875. 
Viei  ille,  De  la  possibilité  du  pneumothorax  sans  suppuration  de  la  plèvre,  thèse  inaug.,  Paris, 
1876. 

Duguet,  Nute  sur  un  cas  de  pneumothorax  double  [France  médicale,  1878,  n*  49). 
Méchaix,  Du  pneumothorax  double,  thèse  inaug.,  Paris,  1878. 

Guéxeau  de  Mussy  (Noël),  Des  pleurésies  purutentes  diaphragmatiques  et  interlobaires,  et  des 
pneumothorax  circonscrits  (Arch.  gén.  de  méd.,  1879,  2e  vol.,  p.  5  et  141). 

Cossy,  Sur  le  pneumothorax  engendré  par  des  gaz  provenant  du  tube  digestif  (Arch,  gfn.  de 
méd.,  novembre  1879,  p.  520). 

Charles  Fernet. 

PLOMB.  —  Ail.  Blet,  angl.  lead,  ital.  piombo,  esp.  plomo.  Symbole 
Pb.  —  Equivalent  103,3.  Un  corps  dont  l'importance  est  de  premier 
ordre  en  hygiène,  en  thérapeutique,  en  toxicologie,  en  pharmacologie, 
etc.,  ne  saurait  demeurer   indifférent  ou  peu  connu.  Heureusement 


286        PLO.MIÎ.    CHIMIE.    ÉTAT  NATUIIEI-.    EXTRACTION   DU  PLOMU. 

d'ailleurs,  la  monographie  du  plomb  est  l'une  des  plus  simples  et  des 
moins  chargées  d'hypothèses.  Et  nous  allons  la  résumer  rapidement. 

Historique  —  La  facilité  avec  laquelle  s'opère  la  réduction  des 
principaux  minerais  (galène  ou  carbonate)  explique  a  priori  pourquoi  la 
découverte  du  plomb  se  perd  dans  la  nuit  des  temps.  Elle  a  vraisembla- 
blement apparu  en  Europe,  en  même  temps  que  les  peuplades  aryennes, 
auxquelles  est  due  la  connaissance  des  métaux  (âge  de  bronze,  etc.). 
Les  anciens  connaissaient  en  effet,  non-seulement  le  plomb  métallique 
dont  ils  se  servaient  principalement  pour  la  fabrication  des  conduite 
d'eau,  mais  aussi  le  minium  qu'ils  employaient  comme  matière  colo- 
rante. Dès  le  temps  des  Romains,  on  n'ignorait  pas  que  le  plomb  ren- 
ferme souvent  de  l'argent. 

Les  mines  principales  étaient  situées  dans  l'Espagne,  et  dans  les 
Gaules.  Elles  fournissaient,  dès  cette  époque  de  la  litharge,  et  même 
de  la  céruse,  ce  qui  est  l'indice  d'une  industrie  déjà  fort  avancée  à  cet 
égard. 

État  naturel.  — Rarement  on  rencontre  le  plomb  à  Vélat  natif '  (Ma- 
jerus).  — 11  est  alors  en  lamelles  appartenant  au  système  cubique;  on  l'a 
aussi  observé  sous  forme  de  paillettes  dans  un  échantillon  de  fer  météori- 
que (Gray). 

C'est  presque  toujours  à  l'état  de  sulfure  {galène),  seul  ou  mélangé 
aux  sulfures  des  autres  métaux  (argent  et  cuivre  principalement),  que 
l'on  trouve  le  plomb  dans  la  nature. 

Le  carbonate  est  moins  fréquent. 

Quant  aux  molijbdale,  lungstate,  cliromate,  il  sont  relativement  rares, 
et  il  en  est  de  même  des  sulfate,  phosphate,  lellurure  et  séléniure  de 
plomb  naturels. 

Les  seuls  véritables  minerais  de  plomb  sont  donc  la  galène  et  le  car- 
bonate. Ils  sont  assez  souvent  mélangés,  et  le  carbonate  paraît,  dans 
ce  cas,  provenir  de  l'action,  sur  la  galène,  des  agents  atmosphériques. 
La  galène  se  présente  en  amas  ou  en  filons  de  puissance  parfois  très- 
considérable.  On  l'a  trouvée  à  presque  tous  les  étages  géologiques,  depuis 
les  roches  plutoniennes  jusqu'aux  terrains  tertiaires.  Quand  elle  contient 
une  proportion  d'argent  notable,  elle  devient  plus  friable  :  caractère 
précieux  au  point  de  vue  métallurgique. 

Extraction  du  plomb.  —  La  métallurgie  du  plomb  est  depuis 
longtemps  tombée  dans  le  domaine  de  l'industrie.  Dans  les  laboratoires, 
on  se  contente  de  procéder,  quand  il  y  a  lieu,  à  la  purification  de  ce  métal. 

1°  L'opération  préliminaire  consiste  à  essayer  le  minerai.  Le  procède' 
varie  suivant  qu'il  s'agit  d'une  galène  ou  d'un  minerai  oxydé. 

Sans  entrer  dans  le  détail,  nous  dirons  que  ces  essais  sont  destinés 
à  fournir  seulement  des  indications  approximatives. 

Tels  qu'on  les  exécute  dans  les  usines,  et  même  dans  les  laboratoires, 
c'est-à-dire  par  voie  sèche,  ces  essais  sont  toujours  entachés  d'erreur  par 
défaut.  Le  titrage  est  donc  toujours  faible,  ce  qui  est  d'ailleurs  surabon- 
damment démontré  par  le  rendement  industriel,  invariablement  supérieur 


PLOMB.    EXTIUCTION   DU   PLOJ111.  287 

à  la  quantité  indiquée  par  l'essai  préliminaire.  La  volatilisation  relati- 
vement facile  du  plomb  et  même  de  quelques-uns  de  ses  composés  binai- 
res rend  compte  très-naturellement  de  ce  déficit  qui  varie  de  5,5  à  4  du 
cent  (Rivot),  la  moyenne  étant  comprise  entre  5  et  10  pour  100. 

La  richesse  des  galènes  varie  beaucoup  suivant  la  nature  et  l'abondance 
de  la  gangue. 

Le  sulfure  de  plomb  pur,  contenant  80,0  100  de  plomb,  on  trouve 
des  galènes  qui  fournissent  50,  40,  50  pour  100  de  plomb  ou  davantage. 

A  partir  de  50  pour  100,  une  galène  est  dite  riche  ;  les  plus  riches 
atteignent  à  peine  85  pour  100. 

Au  point  de  vue  théorique,  la  métallurgie  du  plomb  relève  d'un  petit 
nombre  de  principes  et  peut  être  représentée  par  des  équations  très-sim- 
ples. Nous  supposerons  toujours  la  galène  pure,  nous  verrons  que  les 
matières  étrangères  ou  les  impuretés  sont  à  cet  égard  sans  importance 
notable. 

Le  sulfure  de  plomb  est  fusible  au  rouge.  En  vase  clos,  il  y  a  perte  de 
soufre  qui  se  sublime  et  production  d'un  sous-sulfure  plus  fusible.  Mais 
quand  l'opération  se  fait  en  présence  de  l'air,  il  est  possible,  en  ménageant 
l'accès  de  l'oxygène,  de  brûler  le  soufre  sans  oxyder  le  plomb. 

Pb_S  +J3^=  Pb  -f-  SO2 

Galène.      Oxygène.    Plomb  Aciile 

métallique,  sulfureux. 

Pour  que  la  réaction  s'opère  bien  nettement,  on  ajoute  ordinairement  un 
peu  de  charbon,  c'est  alors  la  méthode  dite  du  bas  foyer. 

Mais  ii  arrive  plus  ordinairement  qu'on  ne  cherche  pas  à  régler  de  près 
l'oxydation,  et  la  réaction  précédente  se  complique  un  peu. 

En  grillant  la  galène  on  obtient  alors,  suivant  la  température  et  les 
proportions  relatives  de  minerai  et  d'oxygène,  de  l'oxyde  de  plomb,  de 
l'acide  sulfureux  et  même  du  sulfate  de  plomb. 

1°  Pj^S  -+-  05  =  Pb  O  -f-  SO5 

Galène.      Oxygène.     Oxyde  Acide 
de  plomb,  sulfureux. 

2°  PbS  +  0»  =  Pb  S0l 

Galène.     Oxygène.  Sulfate 
de  plomb. 

Mais  en  élevant  la  température  après  avoir  amené  par  un  grillage 
bien  exécuté  (ce  que  l'habitude  apprend  à  connaître),  la  composition  de 
la  masse  à  des  proportions  convenables  des  différents  corps  ci-dessus,  l'é- 
quation définitive  devient, 

(Pb  S)  -+-  2  Pb  0  -f-  Pb  SCP  =  5  Pb  +  5  (S0S) 
c'est-à-dire,  en  somme,  que  la  galène,  l'oxyde  et  le  sulfate  de  plomb 
réagissant  à  haute  température,  et  à  l'abri  du  contact  de  l'air,  6e  résol- 
vent en  acide  sulfureux,  qui  se  dégage,  et  en  plomb  métallique. 

Tel  est  le  principe  de  la  méthode  dite  par  réaction. 

D'autres  méthodes,  dites  par  réduction  au  charbon,  ou  encore  par  pré- 
cipitation au  moyen  d'un  autre  métal  tel  que  le  fer  ou  le  zinc,  sont  aussi 


288  PLOMB.  —  luiri.NAGR  du  plomb. 

employées.  Nous  ne  les  décrirons  pas  en  détail,  non  plus  que  la  méthode 
mixte.  Ces  diverses  méthodes  ne  sont  en  définitive  que  des  modifications 
des  deux  premières  et  le  principe  est  toujours  le  même. 

Il  importe  cependant  de  faire  remarquer  que  dans  la  méthode  parpre- 
cipitation  on  peut  supprimer  le  grillage,  ce  qui  est  important  toutes  les 
l'ois  que  le  combustible  est  rare. 

On,  est  même  arrivé  à  remplacer,  dans  ce  procédé,  le  fer  métallique  par 
ses  minerais,  par  des  malles  ferrugineuses,  ou  encore  des  scories,  qui 
sont  réduites  dans  le  four  lui-même  où  elles  effectuent  ensuite  la  préci- 
pitation du  plomb. 

Toutes  ces  méthodes,  basées  comme  on  vient  de  le  dire  sur  des  opéra- 
tions effectuées  à  haute  température,  s'accompagnent  de  pertes  [considé- 
rables de  plomb  volatilisé,  inconvénient  doublement  fâcheux  au  point  de 
vue  du  rendement  d'abord,  mais  surtout  au  point  de  vue  hygiénique. 

La  méthode  du  bas  foyer  est  aujourd'hui  presque  abandonnée,  principa- 
lement à  cause  des  graves  et  nombreuses  maladies  dont  elle  a  été  le 
point  de  départ  parmi  les  ouvriers  employés  à  ces  travaux  insalubres.  En 
outre  la  perte  en  métal  peut  s'élever  à  15  pour  100  et  même  davantage. 
On  s'est  donc  préoccupé  dans  tous  les  procédés  et  appareils  destinés  à  la 
métallurgie  du  plomb,  de  la  condensation  des  fumées,  qui  entraînent  le 
plomb  à  l'état  de  vapeurs,  ou  en  tout  cas,  de  division  extrême. 

Cette  condensation  offre  de  grandes  difficultés.  On  a  essayé  dans  ce  but 
premièrement  des  chambres,  dites  de  condensation,  à  cubage  énorme, 
puis  du  barboltage  des  fumées  dans  de  l'eau  présentée  à  l'état  liquide 
ou  même  pulvérisée.  Mais  la  substance  qu'il  s'agit  d'arrêter,  étant  inso- 
luble et  non  susceptible  d'être  mouillée,  l'eau,  dans  ce  cas,  est  inef- 
ficace. 

Le  proeédé  adopté  dans  les  usines  les  plus  importantes  consiste  à  faire 
passer  les  fumées  plombeuses  dans  des  canaux  à  parois  rugueuses  dont  la 
longueur  est  parfois  très-considérable.  Au  Bleiberg,  en  Belgique,  cette 
longueur  atteint  un  kilomètre.  En  Angleterre,  on  a  même  été  jusqu'à 
3  et  même  4  kilomètres,  comme  à  Allendale.  Et  malgré  tout,  les  pertes 
sont  encore  très-notables. 

2°  raffinage  du  plomb.  —  Le  plomb,  tel  qu'on  l'obtient  par  l'une  des 
méthodes  précédentes,  est  loin  d'être  pur. 

Il  contient  une  certaine  quantité  de  matières  étrangères  (soufre,  arse- 
nic, antimoine,  zinc,  cuivre,  fer,  argent,  etc.). 

Il  doit  donc  être  raffiné  avant  d'être  livré  au  commerce.  Cette  purifica- 
tion doit  être  considérée  à  deux  points  de  vue  bien  distincts,  qui  conduisent 
à  deux  méthodes  radicalement  différentes. 

S'il  s'agit  de  se  débarrasser  du  soufre,  de  l'arsenic,  de  l'antimoine,  du 
zinc,  on  procède  par  oxydation  incomplète  dans  des  fours  à  réverbères. 

Les  impuretés  sont  oxydées  tout  d'abord,  le  plomb  restant  en  dernier 
lieu  à  l'état  presque  pur  désigné  couramment  sous  le  nom  de  plomb 
(Vœuvre. 

Si  c'e^t  seulement  du  cuivre  et  même  du  fer  qu'il  faut  éliminer,  la 


PLOMU.  —  TRAITEMENT  DES  PLOJUls  ARGENTIFÈRES.  289 

simple  fusion  suffît  pour  purifier  le  mêlai  par  Uqualion,  en  ayant  soin 
d'enlever  les  crasses  qui  se  forment. 

5°  Traitement  des  plosius  argentifères.  — Mais  quand  le  plomb  contient 
Je  l'argent,  et  c'est  le  cas  le  plus  général,  la  matière  étrangère,  loin  d'être 
considérée  comme  une  impureté,  devient  le  but  principal  de  l'opération  el 
la  séparation  du  plomb  d'avec  l'argent,  successivement  perfectionnée, 
permet  actuellement  l'exploitation  avantageuse  de  galènes  relativement 
très-pauvres  en  argent. 

1°  Coupellation.  —  Anciennement  on  opérait  uniquement  par  coupel- 
lation.  Celte  opération,  connue  des  alchimistes,  si  ce  n'est  inventée  par 
eux,  est  basée  sur  l'inoxydabililé  de  l'argent  fondu,  tandis  que  tous 
les  métaux  ordinaires  (non  nobles  comme  on  disait  alors),  le  plomb 
en  particulier,  s'oxydent  facilement  à  celte  température  en  fournissant  la 
litharge  PbO  qui  présente  en  outre  la  propriété  de  dissoudre  en  quantité, 
notable  les  oxydes  des  autres  métaux. 

L'opération  s'effectue  au  moyen  d'une  coupelle  poreuse  dans  laquelle 
on  chauffe  le  plomb  argentifère,  en  le  soumettant  à  l'action  d'un  cou- 
rant d'air  réglé  suivant  la  quantité  de  plomb  qu'il  s'agit  d'oxyder. 

La  coupellation  en  grand,  celle  qui  se  pratique  dans  l'industrie,  a  lieu 
dans  de  vastes  coupelles  en  cendre  d'os  et  autres  matières  poreuses, 
comprimées  sur  la  sole  d'un  fourneau,  et  façonnées  de  manière  à  offrir 
une  cavité  peu  profonde  dans  laquelle  on  chauffe  à  la  fois  plusieurs  mil- 
liers de  kilogrammes  d'alliage  argentifère.  Un  couvercle  manœuvré  au 
moyen  d'un  contre-poids  vient  fermer  le  fourneau  et  l'air  arrive  en 
grand  excès  à  la  surface  du  bain  métallique,  au  moyen  de  tuyères. 

On  chauffe,  le  plomb  s'oxyde  el  la  litharge  fondue  se  rassemble  dans 
l'espace  compris  entre  la  coupelle  et  le  ménisque  formé  par  la  masse 
métallique.  On  fait  écouler  cette  litharge  fondue  au  fur  cl  à  mesure  de 
sa  production,  en  échancrant  la  coupelle  de  manière  à  livrer  passage 
à  l'oxyde  fondu.  Les  premiers  produits  de  l'oxydation  sont  gris  ou  même 
noirâtres,  ce  sont  des  litbarges  impures  (abzurjs  et  abslrichts).  La  li- 
tharge  normale  doit  être  brune,  jaune  ou  rougeâtre. 

On  voit  donc  que  la  coupellation  donne  lieu  en  même  temps  et  acces- 
soirement à  la  fabrication  de  la  litharge. 

Lorsque  l'opération  tire  à  sa  fin,  le  bain  d'alliage  offre  de  place  en 
place  des  points  brillants  dont  le  nombre  augmente  sans  cesse,  la  pro- 
duction de  la  litharge  devient  de  plus  en  plus  difficile,  puis  la  masse 
devient  terne  et  se  voile  bientôt  d'une  couche  irisée  due  à  une  très-mince 
pellicule  d'oxyde  de  plomb  (phénomène  connu  des  physiciens  sous  le 
nom  de  coloration  des  lames  minces).  Presque  aussitôt  celle  pellicule  se 
déchire  et  le  bain  d'argent  apparaît  instantanément  dans  tout  son  éclat. 
C'est  ce  qu'on  appelle  Véclair;  l'opération  est  terminée. 

Pas  complètement  toutefois,  car  si  les  dernières  portions  de  litharge 
sont  absorbées  par  la  coupelle  poreuse,  il  csl  bon  de  dire  que  l'argent 
dissout  à  cette  température  une  quantité  notable  d'oxygène,  en  sorlc  que 
si  l'on  ne  prend  pas  de  précautions  au  moment  du  refroidissement,  cet 

KOOV.  DICT.  MÉD.  ET  Cllll».  |X XVI II    Ifl 


290  PLOMB.    TKAITEMK.NT  DES  l'I.OMHS  AIK.IC.M  11  i.l;KS. 

oxygène  dissous  se  projette  brusquement,  au  dehors,  entraînant  avec  lui 
une  portion  du  métal  précieux  (S.  Lucas).  C'est  là  ce  qu'on  désigne  sous 
le  nom  de  rochage,.  On  termine  généralement  par  des  allusions  d'eau 
bouillante. 

Quoi  qu'il  en  soit,  on  trouve  sur  la  sole  du  lburneau  la  totalité  de  l'ar- 
gent en  un  gâteau  brillant  à  la  l'ace  supérieure,  mat  cl  même  un  peu  terne 
sur  la  lace  qui  reposait  sur  la  coupelle. 

Cet  argent  d'une  première  coupcllation  n'est  pas  toujours  parfaitement 
pur,  et  relient  même  parfois  jusqu'à  un  vingtième  de  matières  étrangères 
dont  il  faut  le  débarrasser  par  une  nouvelle  opération. 

Par  ce  même  terme  de  coupellalion,  on  désigne  également  un  mode 
d'essai  par  la  voie  sèche  des  alliages  des  métaux  précieux.  Le  principe- 
est  toujours  le  même,  mais  naturellement  l'opération  et  l'appareil  unie - 


Fig.  23.  —  Founieau  de  coupelle. 
A.  Chambre  mobile  à  minces  parois,  appelée  mon/le.  15.  Poiie  du  fourneau;  S,  support;  (Haligoti. 
Leçons  (le  chimie,  t.  III.) 

diffèrent  sensiblement  des  fourneaux  industriels.  Il  est  bien  évident  que 
dans  ce  cas  on  ajoute  du  plomb  pur,  c'est-à-dire  exempt  d'argent,  par 
exemple,  du  plomb  pauvre,  en  quantité  suffisante  pour  que  la  litharge 
puisse  dissoudre  et  entraîner  la  totalité  des  oxydes  des  métaux  étrangers. 

La  coupelle  absorbe  la  totalité  de  la  litharge,  on  l'introduit  avec  le 
plomb  dans  le  moufle  du  fourneau  de  coupelle,  et  l'on  chauffe. 

Les  figures  ci-dessus  donnent  une  idée  suffisante  des  diverses  parties 
de  l'appareil  employé. 

On  ajoute  ensuite  la  matière  à  essayer. 

L'opération  se  conduit  sensiblement  comme  la  coupcllation  décrite 
plus  haut.  On  doit  surtout  se  tenir  en  garde  contre  le  rochage,  tout  essai 
roebé  devant  être  rejeté. 

Dans  ces  temps  derniers,  deux  méthodes  de  dés;<rgcnlalion  des  plus 


PLOMB.    T1UITKMK.NT  DES  PLOMBS  ARGENTIFÈRES.  39 

remarquables  à  tous  égards,  ont  été  introduites  dans  l'industrie.  La  pre- 
mière est  connue  sous  le  nom  de  PaUinsonage  à  cause  de  son  inven- 
teur. 

La  seconde,  plus  avantageuse  encore,  est  basée  sur  l'emploi  du  zinc. 

Disons  eu  quelques  mots  le  principe  de  ces  deux  procédés  : 

i°  PaUinsonage.  —  Un  plomb  argentifère  étant  fondu,  si  on  laisse 
la  température  s'abaisser  lentement,  le  plomb  cristallise  le  premier.  la 
totalité  de  l'argent  restant  dans  l'alliage  liquide. 

Tel  est  le  point  de  départ.  Le  procédé  s'effectue  au  moyen  de  grandes 
ebaudières,  disposées  en  batterie,  ou  encore  conjuguées,  suivant  le 
mode  d'exploitation.  Ces  ebaudières  sont  capables  de  contenir  de  10  à  15 
tonnes  de  plomb. 

Lorsque  dans  la  masse  préalablement  fondue,  la  cristallisation  va  com- 
mencer, des  ouvriers  armés  d'écumoircs  à  manches  longs  et  flexibles, 
enlèvent,  en  les  égoutlant,  les  cristaux  qui  se  forment,  et  les  rejettent 
dans  une  chaudière  voisine  qui  se  remplit  dès  lors  de  plomb  relativement 
pauvre,  lequel,  fondu  aussitôt,  est  soumis  à  une  opération  semblable, 
en  sorte  qu'il  arrive  bientôt  à  se  dépouiller  complètement  d'argent. 

Les  produits  de  teneur  semblable  étant  continuellement  réunis,  on  voit 
que  l'opération  répartit  en  quelque  sorte  l'alliage  primitif  en  deux  cou- 
rants inversas.  Le  plomb  d'un  côté,  l'alliage  argentifère  de  plus  en  plus 
riche  de  l'autre.  Cet  enrichissement  ne  doit  pas  être  poussé  trop  loin, 
attendu  que  quand  la  teneur  en  argent  atteint  2,25  pour  100,  l'alliage 
fond  sensiblement  à  la  même  température  que  le  plomb  pur.  Dans  la 
pratique  on  ne  dépasse  guère  1  ou  1,5  pour  100. 

Ce  plomb  riche  est  ensuite  envoyé  à  la  coupellalion  qui  peut  être 
avantageusement  et  facilement  effectuée.  Le  plomb  pauvre  est  livré  direc- 
tement au  commerce. 

Pour  donner  une  idée  de  la  valeur  de  ce  procédé,  nous  dirons  qu'il  a 
permis  de  traiter  avec  fruit  des  plombs  argentifères  contenant  seulement 
2  à  5  cent-millièmes  d'argent. 

Les  modifications,  connues  l'une  sous  le  nom  de  PaUinsonage  méca- 
nique, l'autre  sous  celui  de  PaUinsonage  à  la  vapeur,  permettent 
d'appauvrir  le  plomb  davantage  encore,  c'est-à-dire  d'arriver  à  un  et 
deux  cent-millièmes  seulement  d'argent  laissé  dans  le  plomb. 

2°  Désargentalion  par  le  zinc.  —  Quels  que  soient  les  avantages 
offerts  par  le  PaUinsonage,  ils  sont  dépassés  encore  par  la  nouvelle  mé- 
thode au  moyen  du  zinc.  Le  principe  en  est  du  à  Karsten,  mais  elle  a  été 
successivement  perfectionnée  par  ParUes  et  surtout  par  Cordurié,  auquel 
est  dû  le  procédé  actuellement  usité  dans  la  majeure  partie  des  usines  de 
France,  d'Angleterre,  d'Allemagne  et  même  d'Espagne  et  d'Italie. 

En  substance,  le  procédé  consiste  à  ajouter  au  plomb  argentifère  une 
quantité  de  zinc  calculée  de  manière  à  produire  un  alliage  de  zinc  et  d'ar- 
gent se  séparant  par  fusion  à  l'état  d'écume,  entraînant  fort  peu  de 
plomb. 

Ces  écumes  argentifères  sont  distillées  pour  séparer  le  zinc,  et  il  reste 


292         PLOMB.  —  propriétés  BHÏWQUBSi  —  propriétés  CHIMIQUES. 

du  plomb  argentifère,  contenant  la  total i Lé  de  l'argent  qu'on  retrouve 
par  coupellation. 

Quant  au  plomb  désargenté,  il  suffit  d'y  l'aire  passer  un  courant  de 
vapeur  d'eau  surcbaulïée  pour  oxyder  le  zinc  et  les  impuretés,  on  laisse 
refroidir,  on  écume  cl  on  coule  le  plomb  d'œuvre. 

Ce  procédé  présente  en  définitive  une  économie  de  près  de  moitié  sur 
le  Pattinsonage  le  plus  parfait. 

Importance  industrielle  du  plomb.  —  Le  plomb  vient  au  troisième  rang, 
après  le  fer  et  le  cuivre,  comme  importance  métallurgique. 

C'est  l'Angleterre  et  l'Espagne  qui  tiennent  la  tète  au  point  de  vue  de 
la  production.  En  Franco  où  l'on  n'exploite  plus  les  mines  indigènes, ou 
traite  presque  exclusivement  les  minerais  importés  de  l'étranger. 

Propriétés  physiques  —  Le  plomb  est  un  métal  d'un  gris  bleuâtre, 
assez  mou  pour  se  laisser  entamer  par  l'ongle  et  marquer  une  trace  grise 
sur  le  papier. 

Sa  lourdeur  est  proverbiale.  Sa  densité,  d'après  les  déterminations  des 
différents  observateurs,  est  comprise  entre  11,57  et  11,445. 

A  l'état  cristallisé  elle  est  un  peu  plus  faible.  11  fond  vers-)-  550°  et 
se  réduit  en  vapeurs  à  une  température  relativement  basse  (voisine  du 
rouge).  Sa  ductilité  et  sa  malléabilité  sont  médiocres,  et  dans  l'échelle 
de  la  ténacité,  c'est  lui  qui  occupe  le  dernier  rang. 

Le  plomb  que  l'on  trouve  dans  le  commerce  renferme  généralement 
des  traces  d'autres  métaux,  tels  que  l'argent,  le  cuivre  et  le  fer.  De  là 
les  légères  variations  que  présentent  ses  propriétés  physiques. 

L'arsenic  et  l'antimoine  le  rendent  plus  dur. 

Pour  l'avoir  tout  à  fait  pur,  il  laut  l'engager  dans  une  combinaison 
saline,  telle  que  d'azotate,  qui  fournit  l'oxyde  pur.  Il  ne  reste  plus  alors 
qu'à  réduire  cet  oxyde  parle  charbon. 

Propriétés  chimiques  — L'air  et  l'oxygène  attaquent  le  plomb  dès 
la  température  ordinaire,  mais  l'oxyde  produit  forme  à  la  surface  du  métal 
une  couche  protectrice  qui  empêche  l'oxydation  ultérieure.  A  chaud, 
l'oxydation  est  beaucoup  plus  énergique,  et,  si  l'on  a  soin  d'enlever 
l'oxyde  au  fur  et  à  mesure  de  sa  production,  on  peut  rapidement  tran- 
sformer une  grande  masse  de  plomb  en  lilharge.  (Voy.  p.  289.) 

L'eau  distillée,  froide  et  purgée  d'air,  est  sans  action  sur  le  plomb. 
A  l'ébullition,  cependant,  il  y  a  un  faible  dégagement  d'hydrogène. 

L'acide  nitrique  attaque  énergiquement  ce  métal  et  le  transforme  en 
azotate,  quelle  que  soit  la  concentration. 

L'acide  chlorhydrique  étendu  ne  l'entame  pas,  mais  à  la  densité  de 
1,12  l'atlaquc  commence,  même  à  froid,  et  s'active  d'autant  plus  que  la 
température  s'élève  davantage. 

L'acide  sulfurique  attaque  fort  peu  le  plomb  à  lroid,  mais  à  chaud  l'ac- 
tion commence  d'autant  plus  vite,  que  l'acide  est  plus  concentré  et  que 
le  métal  est  plus  pur.  On  sait  que  celte  limite  a  une  importance  indus- 
trielle assez  grande,  puisque  dans  les  fabriques  on  concentre  l'acide  sul- 
furique dans  des  bacs  en  plomb,  jusqu'à  55  degrés  lîaumé  environ. 


PLOMB.  —  PROPRIÉTÉS  CHIMIQUES. 


295 


Quand  le  plomb  contient  un  peud'étainou  d'antimoine,  on  peut  chauf- 
fer jusqu'à  140°  environ  de  l'acide  à  54°  Baumé,  sans  que  l'attaque  se 
produise,  tandis  que  si  le  métal  est  chimiquement  pur,  dès  80°  et 
même  50°,  il  y  a  formation  de  bulles  d'hydrogène  sulfuré,  mélangé  d'hy- 
drogène libre. 

Quand  il  y  a  mélange  de  différents  agents,  l'attaque  du  plomb  se  fait 
en  général  plus  facilement,  et  cette  question  offre  un  intérêt  tout  spé- 
cial, puisque  les  conduites  d'eau  sont  presque  toutes  formées  par  ce 
métal,  qui  se  trouve  dès  lors  soumis  à  l'action  combinée  de  l'air,  de 
l'eau  et  des  diverses  substances  tenues  en  dissolution  par  cette  dernière. 

Déjà  les  eaux  pluviales  (ou  ce  qui  est  la  même  chose,  l'eau  distillée 
agitée  avec  de  l'air),  dissolvent  des  quantités  notables  de  plomb.  11  est 
plus  exact  de  dire  cependant  qu'il  y  a  attaque  et  non  dissolution  de 
plomb,  puisque,  dans  ce  cas,  une  simple  filtra  lion  arrête  le  composé 
plombiquc,  qui  n'est  autre  qu'un  hydro-carbonale  à  texture  cristalline; 
c'est  pourquoi  le  métal  blanchit  en  même  temps  qu'une  partie  du  pro- 
duit oxydé  entre  en  suspension. 

Quand  les  eaux  contiennent  îles  matériaux  organiques  azotés,  il  y  a 
formation  de  nitrate  ou  de  nitrites,  qui  se  dissolvent. 

Les  composés  susceptibles  de  fournir  les  produits  nitreux  seraient  donc 
seuls  dangereux  (Medlock).  Toutefois,  les  nitrates  seraient  sans  action 
(Kersting). 

Le  sel  ordinaire,  ou  chlorure  de  sodium,  en  solution  étendue,  attaque 
également  le  plomb  en  fournissant  un  mélange  d'hydrate,  de  carbonate  et 
de  chlorure  de  plomb. 

D'après  PattinsonMuir,  les  nitrates  favorisent  la  dissolution  du  plomb, 
mais  les  sulfates  et  même  les  carbonates,  présentent  une  action  inverse 
qui  contrebalance  la  première  s'ils  se  trouvent  en  quantité  suffisante. 
C'est  ainsi  que  Bclgiaud  et  Le  Blanc  ont  fait  voir  que  les  eaux  de  la 
Seine  contiennent  assez  de  sulfates  et  de  carbonates  pour  qu'on  puisse 
les  distribuer  dans  des  conduits  en  plomb,  qui  ne  tardent  pas,  du  reste, 
à  se  recouvrir  intérieurement  d'une  sorte  d'enduit  blanchâtre,  qui  dimi- 
nue sensiblement  le  contact  de  l'eau  avec  le  métal. 

Toutefois,  des  expériences  plus  récentes,  ducs  à  Pappenheim,  semblent 
indiquer  que  ces  résultats  n'ont  rien  d'absolu  et  varient  notamment  avec 
la  pureté  du  métal  et  l'état  des  surfaces. 

Aussi  se  préoccupe-t-on  beaucoup  de  la  recherche  d'un  enduit  protec- 
teur, pour  doubler  les  tuyaux  de  plomb. 

On  a  proposé,  dans  ce  but,  le  sulfure  de  plomb,  l'étamage,  le  caout- 
chouc, la  gutta- percha ,  la  paraffine,  qui  paraîtrait  la  moins  défec- 
tueuse, etc.,  etc. 

Le  plomb  est  facilement  déplacé  de  ses  solutions,  par  les  métaux  plus 
oxydables  que  lui.  Suivant  la  rapidité  de  la  réaction,  le  métal  se  préci- 
pite alors  soit  sous  forme  de  poudre  amorphe,  soit  encore  à  l'état  cristal- 
lisé. L'expérience  classique  de  Yarbre  de  Saturne  n'est  pas  autre  chose. 

On  la  réalise  de  la  manière  suivante  : 


294 


PLOMB:    USAGES.    ALLIAGES. 


Dans  une  solution  parfaitement  limpide  et  légèrement  acidulée  d'acé- 
tate de  plomb,  on  immerge  un  petit  barreau  de  zinc  portant,  vers  son 
extrémité,  plusieurs  fils  de  laiton  qui  vont  divergeant  dans  la  liqueur. 
Ou  bouebe  soigneusement,  pour  se  mettre  à  l'abri  de  l'air,  et  bientôt  on 
voit,  un  dépôt  gris  pulvérulent  se;  former  sur  le  barreau  de  zinc  qui  devient 
ainsi  le  tronc  de  l'arbre.  Ensuite,  mais  bien  plus  lentement,  l'on 
voit  se  former,  sur  les  fils  de  laiton,  des  aiguilles  d'abord  fort  minces, 
mais  qui  grossissent,  se  multiplient  et  finissent  par  devenir  de  ma- 
gnifiques lamelles  de  plomb  cristallisé.  Ceci  représente  les  brandies 
et,  de  la  sorte,  on  obtient  avec  facilité  le  métal  en  cristaux  parfaite- 
ment nets. 

Un  courant  électrique  arrive  au  même  résultat. 

Usages.  —  On  emploie  presque  toujours  le  plomb  sous  forme  de 
tuyaux,  que  l'on  obtient  sans  soudure  en  faisant  passer  le  métal,  demi- 
fondu  et  fortement  comprimé,  à  travers  une  sorte  de  filière. 

La  mollesse  du  plomb  est  précieuse  pour  suivre  sans  difficulté  des 
sinuosités  quelconques  (eau,  gaz,  etc.).  Les  plaques  de  plomb  sont  aussi 
d'un  usage  très  répandu.  Il  en  est  de  même  du  plomb  grenaille  ou  grains 
de  plomb,  qui  servent  pour  la  ebasse  d'abord,  mais  aussi ,  malheureu- 
sement,  pour  le  nettoyage  des  bouteilles.  Et  la  chose  est  d'autant  plus 
regrettable  que,  dans  le  cas  où  le  vase  est  de  teinte  foncée,  il  reste  trop 
souvent  des  grains  de  plomb  au  fond  des  bouteilles ,  dans  lesquelles  on 
met  ensuite  du  vin ,  de  la  bière,  etc.  ,  qui  deviennent  dès  lors  et  tout 
naturellement  des  boissons  dangereuses. 

Il  serait  bien  préférable  de  substituer,  pour  cet  usage,  le  fer  au  plomb, 
ainsi  que  cela  avait  été  proposé  notamment  par  Fordos. 

Le  plomb  sert  encore  pour  l'évaporation  de  l'acide  sulfurique,  ainsi 
qu'on  l'a  vu  plus  haut,  et  l'on  utilise  sa  plasticité  pour  obtenir,  par  com- 
pression, des  jointures  et  des  fermetures  parfaitement  hermétiques,  etc. 

L'emploi  du  plomb  en  thérapeutique  est  très-répandu  ;  on  trouvera 
plus  loin  l'indication  des  principales  formes  pharmaceutiques. 

Alliages.  —  Le  plomb  entre  dans  beaucoup  d'alliages  et  plusieurs 
d'entre  eux  sont  importants. 

Quelques-uns  peuvent  s'effectuer  en  proportions  définies  et  donnent 
naissance  à  de  véritables  combinaisons  ;  mais  ordinairement  ces  alliages 
se  forment  en  proportions  quelconques. 

Le  plomb  présente,  en  effet,  une  aptitude  toute  spéciale  à  dissoudre  les 
autres  métaux.  Il  est,  à  cet  égard,  comparable  au  mercure,  et  cette  pro- 
priété, connue  de  toute  antiquité,  est,  selon  toute  vraisemblance,  la  rai- 
son pour  laquelle  le  plomb  avait  été,  par  les  alchimistes,  dédié  à  Saturne, 
ee  dieu  que  la  fable  nous  présente  comme  condamné  à  dévorer  ses 
enfants. 

Les  propriétés  de  ces  alliages  sont  variables  ;  en  général  le  plomb  leur 
communique  beaucoup  de  fusibilité. 

Leur  densité  s'écarte  parfois  de  la  densité  théorique  (Riche). 

Au  premier  rang  nous  trouvons  les  alliages  de  plomb  et  d'antimoine. 


PLOMB.    COMUINAISOKS  DU  TLOMI!  AVEC  LES   PIUNCIPAUX  ÉLÉMENTS.  295 

Les  caractères  d'imprimerie  sont  formés  de  80  p.  .100  de  plomb  , 
18  p.  100  d'entimoine  et  environ  2  p.  100  d  ctain. 

Nous  avons  parlé,  à  propos  de  la  métallurgie,  des  alliages  de  plomb  et 
d'argent,  plomb  et  cuivre,  plomb  et  fer,  plomb  et  zinc. 

Le  plomb  s'unit  en  toutes  proportions  au  bismuth  et  la  fusibilité  du 
mélange  est  toujours  plus  grande  que  ne  l'indiquerait  la  théorie  (Rud- 
berg,  Riche). 

Il  y  a  en  même  temps  contraction  notable. 

Il  en  faut  dire  autant  pour  les  alliages  du  plomb  avec  l'étain  parmi 
lesquels  nous  citerons  les  suivants  : 

Plomb.  Étain. 

Soudure  des  plombiers   66  53 

—       ferblantiers   50  50 

Alliages  pour  vaisselle  ou  robinets   8  92 

Ce  dernier  alliage  représente,  à  fort  peu  près,  la  limite  qu'il  ne  faut 
jamais  dépasser,  pour  que  les  ustensiles  ne  soient  pas  sensiblement  atta- 
qués par  le  vinaigre. 

Combinaisons  du  plomb  avec  les  principaux  éléments.  — 

Nous  venons  de  voir  que  certains  alliages  s'effectuent  en  proportions 
définies  et  doivent  être  considérés  comme  de  véritables  combinaisons 
chimiques. 

Mais  le  plomb  se  combine  aussi  aux  métalloïdes,  pour  donner  nais- 
sance à  des  combinaisons  parfaitement  définies  et  très -importantes. 

Enfin  ces  combinaisons  binaires,  et  principalement  les  oxydes  se  combi- 
nent à  d'autres  corps,  pour  former  des  composés  ternaires  (sels  de  plomb 
principalement),  ou  même  quaternaires  (sels  doubles,  combinaisons 
organo-métalliqucs,  etc.). 

Commençons  par  les  composés  binaires. 

1°  Oxydes  de  plomb.  —  L'oxygène  forme  avec  le  plomb  différentes  com- 
binaisons : 

Le  sous-oxyde  PlrO.  —  Peu  important; 

Le  proloxyde  Pb  0.  —  Massicot  et  litharge  ; 

Le  peroxyde  Pb  O2.  —  Oxyde  puce  ou  acide  plombique  ; 

Enfin  le  sesqui-oxyde  (?),  Pb2  O3.  — Peu  connu  encore; 

El  le  minium,  Pb30\  —  2  PbO,  PbO5. 
qui  peuvent  servir  de  transition  aux  combinaisons  salines. 

Proloxyde  de  plomb.  PbO.  —  Bien  qu'on  l'ait  rencontré  à  l'état  natu- 
rel au  Mexique  et  aux  environs  de  Bade,  il  provient  en  général  de  l'oxy- 
dation directe  du  plomb.  Quand  l'oxyde  a  été  fondu,  c'est  la  lilharye, 
sinon  c'est  le  massicot.  Leur  composition  est  la  même  et  répond  à  la 
formule  PbO. 

La  litharge  provient  ordinairement  de  la  coupcllation  du  plomb  argen- 
tifère. Sa  couleur  est  variable.  Elle  présente,  comme  l'argent,  la  pro- 
priété de  dissoudre  à  chaud  une  certaine  quantité  d'oxygène ,  qu'elle 
abandonne  ensuite  en  se  solidifiant.  On  s'en  sert  pour  la  fabrication  de 
l'emplâtre  simple.  Le  massicot  s'obtient  par  oxydation  directe  à  basse 
température,  broyage  et  lévigation  subséquente. 


'296      PLOMli.    COMHINAISOAS   DU  PI.OJIU  AVEC  LES  l'Ul.NC I PAU X  H.LSIENTS. 

Il  sert  à  la  Imbrication  de  la  céruse  et  du  minium. 

L'oxyde  de  plomb  est  à  peine  solublc  dans  l'eau,  à  laquelle  il  commu- 
nique cependant  la  réaction  alcaline.  U  est  très-facilement  réduit  par  Le 
ebarbon. 

C'est  une  base  puissante,  formant  des  sels  parfaitement  neutres,  et  pré- 
sentant même  une  tendance  marquée  à  donner  naissance  à  des  sels 
basiques. 

L'oxyde  PbO  se  dissout  aussi  dans  les  liqueurs  alcalines  (potasse, 
soude,  chaux),  où  l'on  admet  qu'il  se  trouve  à  l'étal  de  plomb  lies.  L'un 
d'entre  eux,  le  plombilc  de  chaux,  est  quelquefois  employé  pour  la  tein- 
ture des  cheveux. 

Le  protoxyde  de  plomb  peut  enfin  se  présenter  à  l'état  d'hydrate 
PbO.  110. 

Ce  corps  prend  naissance  dans  l'oxydation  directe  du  plomb  en  pré- 
sence de  l'eau.  Il  se  produit  en  même  temps  de  l'eau  oxygénée  (Schœn- 
bien) .  C'est  une  poudre  blanche  à  texture  cristalline. 

Mais  on  se  le  procure  d'ordinaire  en  précipitant  un  sel  de  plomb  par  un 
alcali.  L'ammoniaque  est  employée  de  préférence,  attendu  que  la  potasse 
ou  la  soude  en  excès  redissolvent  le  précipité  d'hydrate  plombique. 

Peroxyde  de  plomb  Pb  O2,  ou  Oxyde  puce,  Acide  plombique,  se 
rencontre  parfois  dans  la  nature,  sous  la  forme  de  prismes  à  six  pans.  Il 
a  été  découvert  par  Scheele. 

On  peut  l'obtenir  directement  dans  plusieurs  réactions,  et  notamment 
dans  l'électrolyse  des  solutions  de  plomb  traversées  par  un  courant 
faible.  Mais  on  le  prépare  ordinairement  au  moyen  du  minium  chauffé 
avec  de  l'acide  nitrique  étendu.  Tout  le  protoxyde  de  plomb  passe  à 
l'état  de  nitrate  et  le  bioxyde  PbO2  reste  sous  forme  d'une  poudre  brune, 
dont  la  couleur  lui  a  valu  le  nom  A' oxyde  puce. 

Ce  corps  peut  former  un  hydrate  Pb02I10,  L'acide  plombique  se  com- 
bine assez  facilement  aux  alcalis,  mais  on  l'utilise  dans  les  laboratoires 
pour  des  oxydations  ménagées. 

La  réaction  peut  cependant  être  très-énergique,  comme  dans  l'expé- 
rience classique  où  le  mélange  d'oxyde  puce  et  de  fleur  de  soufre  s'en- 
flamme par  simple  trituration. 

Il  y  a  aussi  incandescence,  quand  on  soumet  l'oxyde  puce  à  l'influence 
d'un  courant  de  gaz  sulfureux,  et  la  matière  blanchit  par  suite  de  la 
formation  du  sulfate  de  plomb. 

PbOs  +  S02  =  PbSO\ 

Réaction  intéressante  au  point  de  vue  théorique. 

Sesquioxyde  Pb203?  —  Poudre  d'un  jaune  rougeâtre  offrant  peu  d'im- 
portance. Peut-être  n'est-ce  autre  chose  que  la  combinaison  PbOPbO5. 

Minium.  —  C'est  une  combinaison  de  protoxyde  de  plomb  PbO  avec 
le  peroxyde  ou  bioxyde  PbO2  avec  excès  de  protoxyde.  Le  minium  type 
présente  en  effet  la  composition  2(PbO).PbO!,  c'est-à-dire  un  plomhale 
basique  de  plomb.  Parfois  aussi  la  proportion  de,  protoxyde  est  un  peu 
plus  forte. 


PLOMC    COMBINAISONS  DU  Pl. OMB  AVEC  LES  PMNCIPAUX  ÉLÉMENTS.  297 

On  prépare  le  minium  en  quantités  considérables,  pour  les  besoins  do 
l'industrie  en  calcinant  d'abord  le  plomb  à  l'air  pour  obtenir  du  massicot, 
ce  massicot  est  ensuite  soumis  à  une  chaleur  moindre  qui  le  transforme 
en  minium. 

Dans  beaucoup  de  fabriques  on  se  sert  de  fourneaux  à  deux  étages. 

L'étage  inférieur,  qui  reçoit  l'action  directe  du  feu,  sert  à  faire  le  mas- 
sicot, et  ce  massicot,  porté  dans  l'étage  supérieur,  passe  à  l'état  de  minium. 
La  transformation  est  surtout  rapide  aux  environs  du  rouge  sombre.  Sou- 
vent on  soumet  le  minium  plusieurs  fois  de  suite  à  l'action  de  la  chaleur. 
Il  prend  ainsi  un  éclat  de  plus  en  plus  vif. 

De  là,  les  dénominations  de  minium  deux  feux,  minium  trois 
feux,  etc. 

Le  minium  se  présente  sous  la  forme  d'une  poudre  d'un  rouge  éclatant 
<jui  se  fonce  et  même  vire  au  violet  sous  l'influence  de  la  chaleur. 

On  l'a  rencontré  dans  la  nature  à  l'état  cristallin  et  on  l'a  trouvé 
aussi  quelquefois  en  cristaux  dans  les  fours  à  minium. 

On  l'emploie  comme  matière  colorante  pour  la  peinture  et  la  cire  à 
cacheter. 

On  s'en  sert  aussi  pour  la  fabrication  du  cristal,  du  strass,  et  du 
flinl-glass.  Dans  ce  cas,  il  est  nécessaire  que  le  produit  soit  complétcmen 
pur.  si  l'on  veut  obtenir  une  limpidité  parfaite  unie  à  une  forte  réfrin- 
gence. 

Le  minium  du  commerce  est  souvent  mélangé  à  des  matières  de  cou- 
leur voisine,  comme  le  peroxyde  de  fer  ou  la  brique  pilée. 

On  reconnaît  facilement  la  fraude,  soit  en  calcinant  le  produit,  qui 
doit  jaunir  si  le  composé  ne  contient  que  du  plomb. 

Soit  encore  en  faisant  bouillir  avec  de  l'eau  sucrée  aiguisée  d'acide 
azotique,  dans  laquelle  le  minium  est  entièrement  soluble,  tandis  que 
l'oxyde  de  fer  ou  la  brique  demeurent  comme  résidu  (Fordos  et  Gélis). 

2°  Sulfures  de  tlomc.  —  A  côté  des  oxydes  de  plomb,  nous  citerons 
seulement  pour  mémoire  le  sous-sulfure  Pb2S. 

Le  sulfure  de  plomb  PbS  ou  galène  (Voy.  Métallurgie,  p.  280)  qui  cris- 
tallise dans  le  système  cubique.  Sous  le  nom  d'alquifoux  on  l'emploie 
pour  le  vernissage  des  poteries  communes,  dont  l'usage  n'est  pas  sans 
danger.  Enfin  le  séléniure  PbSe,  le  tellurure  PbTe  et  les  sulfures 
doubles,  etc. 

3°  Chlorures.  —  Le  chlore  donne  avec  le  plomb  un  composé  impor- 
tant :  le  chlorure  de  plomb  PbCl  qui  s'obtient  généralement  par  la  préci- 
pitation d'un  sel  soluble  de  plomb  par  un  chlorure  alcalin. 

11  est  peu  soluble  dans  l'eau  froide,  plus  soluble  dans  l'eau  bouillante. 

On  peut  le  faire  cristalliser  par  refroidissement.  Fondu  au  rouge,  il 
porte  le  nom  de  plomb  corné.  Si  l'on  ajoute  au  chlorure  en  fusion  une 
certaine  quantité  d'oxyde  de  plomb,  on  obtient  les  matières  colorantes 
jaunes  connues  sous  le  nom  de  Jaune  minéral,  de  Casse!,  de  Turner, 
de  Vérone,  etc.  Ce  sont  des  oxychlorures  de  plomb. 

—  Le  brome  fournit  des  composés  tout  semblables. 


l'UlMH.  — 


SELS  nu  IM.OMII. 


4°  Ioiiure  de  n.oMi!  PbL  —  C'est  un  corps  généralement  pulvérulent  et 
d'un  beau  jaune  citron  qu'on  obtient  par  doubla  décomposition. 

Mais  on  peut  l'avoir  à  l'état  cristallin  en  le  faisant  dissoudre  dans  l'eau 
bouillante. 

Par  le  refroidissement,  la  liqueur  se  remplit  de  lamelles  hexagonales, 
qui  présentent  l'aspect  et  l'éclat  de  L'or  métaltique.  Il  est  facile  dé  les 
recueilli  ensuite  sur  des  filtres. 

On  connaît  encore  des  iodures  doubles,  des  cliloroiodures  et  des  oxyio- 
diires  de  plomb  parmi  lesquels  on  peut  citer  le  singulier  iodure  de  plomb 
bleu  (décrit  par  Donol,  Filhol  et  d'autres  observateurs),  lequel  n'est,  en 
définitive,  qu'un  oxyiodure  dont  la  formule  et  la  composition  seraient 
voisines  de  celles  du  chlorure  de  chaux. 

Sels  de  plomb  —  Azotate  AzO°Pb.  —  Cristallise  en  octaèdres  régu- 
liers anhydres;  Calciné,  il  fournit  d'abord  de  l'acide  hypoazolique,  puis 
de  l'oxyde  de  plomb.  Il  forme  aussi  des  sels  doubles  parmi  lesquels  on 
peut  signaler  le  formioazotatc  de  plomb  qui  contient  trois  équivalents 
décide  formique  pour  un  d'acide  azotique.  L'azotate  de  plomb,  ordinaire 
ou  azotate  neutre,  offre  également,  à  un  degré  très-marqué,  une  tendance 
à  donner  des  sels  basiques. 

On  connaît,  parmi  ces  derniers,  des  azotates  bibasique  et  tribasique  d« 
plomb  Az052Pb0  et  AzOâPbO  que  l'on  a  envisagés  comme  correspondant 
aux  acides  azotiques  à  trois  et  deux  molécules  d'eau.  L'acide  à  trois  molé- 
cules d'eau  AzOs5I10  correspondrait  à  l'acide  phosphorique  ordinaire 
Pb03.5II0  tribasique,  on  lui  a  donné  le  nom  d'acide  orthoazotique.  11  n'a 
pas  été  isolé  encore. 

Dans  cet  ordre  d'idées,  l'acide  Az0521I0  devient  l'acide  parazolique  et 
correspond  à  l'acide  Ph052II0  ou  pyrophosphorique.  L'acide  ordinaire, 
monobasique,  prendrait  alors  le  nom  d'acide  métazotique  Az05H0. 

Il  existe  aussi  des  azotates  basiques  (à  quatre,  cinq  et  même  six  molé- 
cules d'oxyde  de  plomb  (Az0\6Pb0). 

Carbonate.  —  Il  est  isomorphe  avec  le  carbonate  de  chaux  (arra- 
gonile). 

Le  carbonate  de  plomb  offre  un  intérêt  tout  spécial  parce  qu'il  faut 
y  rattacher  la  matière  colorante  blanche  si  fréquemment  employée  par 
les  peintres  en  bâtiment  sous  le  nom  de  céruse  ou  blanc  de  plomb.  Ce 
n'est  autre  chose,  en  effet,  qn'un  carbonate  de  plomb  plus  ou  moins 
mélangé  d'hydrate  plombique,  suivant  le  procédé  de  fabrication  dont  on 
a  fait  usage. 

La  céruse  présente  au  plus  haut  degré  la  propriété  de  couvrir  les  sur 
faces  sur  lesquelles  on  l'élend,  et  c'est  pour  cela  qu'en  dépit  des  inconvé- 
nients si  prononcés  qui  s'attachent  à  son  emploi,  on  continue  toujours  à 
s'en  servir  bien  que  les  émanations  sulfurées  la  noircissent  assez  rapide- 
ment :  ce  qui  n'arrive  pas  notamment  avec  le  blanc  de  zinc. 

Le  carbonate  de  plomb  PbO.CO1  est  insoluble  dans  l'eau  pure,  mais 
l'eau  ebargéé  d'acide  carbonique  en  dissout  des  proportions  notables. 

11  est  entièrement  soluble  dans  l'acide  nitrique  étendu. 


VUmW.  —  SEI.S  DE  IT.0M1).  299 

Chauffé  aux  environs  de  550°,  le  carbonate  de  plomb  perd  son  acide 
carbonique  et  se  décompose  en  donnant  comme  résidu  du  massicot. 

La  céruse,  quand  elle  est  pure,  partage  les  propriétés  ci-dessus,  mais 
elle  est  le  plus  ordinairement  mélangée  à  d'autres  substances  et  principa- 
lement au  sulfate  de  baryte  ou  blanc  fixe,  lequel,  bien  entendu,  masque 
ou  complique  les  réactions. 

Fabrication  industrielle  de  la  céruse.  —  Plusieurs  méthodes  sont 
employées  et  les  produits  varient  un  peu  suivant  le  procédé  auquel  on 
donne  la  préférence. 

Le  procédé  le  plus  ancien,  connu  sous  le  nom  de  procédé  hollandais, 
est  encore  celui  qui  donne  la  meilleure  céruse;  c'est-à-dire  celle  qui  couvre  le 
mieux,  si  ce  n'est  la  plus  blanche.  Mais  il  est  tellement  insalubre  qu'une 
foule  de  modifications  ont  surgi,  dont  le  but  principal  est  d'éviter  les 
dangers  que  présente,  pour  la  santé  des  ouvriers,  la  fabrication  hollandaise, 
tout  en  se  rapprochant,  autant  que  possible,  du  produit  qu'elle  fournit. 
Donnons  d'abord  une  idée  de  ce  procédé  ancien. 

Procédé  hollandais.  —  En  substance,  il  consiste  à  disposer  au  sein  de 
tas  de  fumier  en  fermentation,  des  séries  de  pots  en  terre  contenant  du  vi- 
naigre et  des  lames  de  plomb. 

Le  fumier  (qui  ne  doit  pas  dégager  d'hydrogène  sulfuré  en  quantité 
notable,  sans  quoi  la  céruse  serait  noircie)  fournit  la  chaleur  et  l'acide 
carbonique  nécessaires  à  la  réaction. 

On  ménage,  d'autre  part,  des  espaces  vides  destinés  à  assurer  l'accès  de 
l'air  en  quantité  convenable. 

En  Angleterre,  on  donne  la  préférence  au  tan  sur  le  fumier,  attendu 
qu'il  n'y  apasàse  préoccuper  de  l'acide  sulfhydrique,  et  que,  si  d'un  côté, 
la  chaleur  dégagée  est  plus  faible,  de  l'autre,  il  est  plus  facile  de  diriger 
l'opération. 

Au  bout  de  six  semaines  environ  on  défait  ces  tas  et  on  relire  des  pots  les 
lames  de  plomb  couvertes  d'un  enduit  de  céruse  qu'il  faut  détacher  du 
plomb  métallique.  Anciennement  on  battait  les  plaques  à  la  main  ou  au 
marteau  et  c'était  l'une  des  manipulations  les  plus  insalubres,  ainsi  qu'il 
est  facile  de  le  prévoir.  Aujourd'hui,  la  séparation  se  l'ait  mécaniquement 
dans  une  pièce  hermétiquement  close. 

On  obtient  de  la  sorte  un  mélange  d'écaillés  et  de  poudre  de  céruse, 
on  broie  ensuite  à  la  meule  en  arrosant  d'eau,  on  sèche  le  produit,  et  on 
le  livre  au  commerce. 

La  théorie  de  l'opération  est  des  plus  simples.  Sous  l'influence  de  la 
chaleur,  l'acide  acétique  se  réduit  en  vapeur  et  vient  attaquer  le  plomb 
que  l'accès  de  l'air  humide  oxyde  d'autre  part.  Il  y  a  formation  d'acétate 
basique  de  plomb  lequel  est  précipité  lentement  par  l'acide  carbonique 
provenant  du  fumier. 

Le  produit  est  cristallin,. 

L'oxyde  de  plomb  n'est  pas  tout  entier  engagé  dans  la  combinaisou  avec 
l'acide  carbonique  :  une  partie  échappe  à  la  réaction  en  sorte  que  le  pro- 
duit définitif  n'est  pas  le  carbonate  PbO.  C02mais  bien  un  hydrocarbo- 


500  PLOMIi.  —  SELS  DE  l'LOill.. 

natc  mélangé  de  carbonate  de  plomb,  o  (l'bO.  CO').  PbO.  110.  sensi- 
blement. 

Le  procédé  hollandais  a  été  modifié  par  les  fabricants  des  environs  de 
Vieillie  (Autriche)  où  l'on  obtient  de  très-beaux  produits  :  1"  en  employant 
le  plomb  pur  deBIcibcrg;  '2°  en  substituant  la  chaleur  artificielle  d'éluves 
très-vastes  à  celle  du  fumier;  5°  en  se  servant  d'un  mélange  de  vinaigre 
et  de  marc  de  raisin  qui  fournit  à  la  fois  l'acide  acétique  et  l'acide  carbo- 
nique. 

Les  céruses  de  Vienne  et  de  la  Garinthie,  préparées  par  ce  procédé, 
sont  remarquables  par  leur  blancheur. 

Pro'cédé  de  Clichy.  — .La  modification  la  plus  importante  qu'on  ait 
apportée  au  procédé  hollandais  est,  sans  contredit,  la  méthode  inventée 
par  Tbénard,  en  1801,  et  qui  porte  le  nom  de  procédé  de  Clichy. 

On  commence  par  préparer,  au  moyen  d'acide  acétique  et  de  litharge,  une 
solution  d'acétate  tribasique  de  plomb,  à  travers  laquelle  on  dirige  un 
courant  d'acide  carbonique  provenant,  soit  de  la  combustion  du  charbon, 
soit  encore  de  la  calcinalion  du  carbonate  de  chaux  dans  un  véritable  four 
à  chaux  (Dumas). 

On  obtient  un  précipité  dont  la  composition  est  seulement2  (PbO.  COa) 
-f-'PbOHO. 

La  liqueur  surnageante  n'est  autre  chose  que  de  l'acétate  neutre  qu'on 
sature  à  nouveau  par  la  litharge  et  l'opération  peut  se  continuer  indéfini- 
ment par  addition  de  litharge  et  production  d'acide  carbonique  sans  perte 
d'acide  acétique,  du  moins  en  théorie. 

Le  dépôt  de  céruse  (qui  n'a  nul  besoin  d'être  broyé)  est  lavé,  séché, 
embarillé  mécaniquement  dans  des  appareils  entièrement  fermés,  ce  qui 
évite  les  accidents  d'intoxication  saturnine. 

Cette  céruse,  dite  par  le  procédé  de  Clichy,  est  très-blanche  et  se  mé- 
lange parfaitement  à  l'huile;  mais  en  raison  même  de  son  extrême  ténuité 
et  de  la  structure  du  précipité,  elle  couvre  moins  bien  que  la  céruse  laite 
par  le  procédé  hollandais,  laquelle  contient  d'ailleurs  plus  de  carbonate 
de  plomb  pour  une  même  quantité  d'hydrate  plombique. 

En  modifiant  le  procédé  au  point  de  vue  des  appareils  et  aussi  de  la 
production  d'acide  carbonique  qu'on  emploie  à  l'état  pur,  Ozouf  est 
parvenu  à  préparer  industriellement  une  céruse  dont  les  propriétés  cou- 
vrantes sont  tout  à  fait  comparables  à  celles  des  céruses  de  Hollande. 

Elle  en  a  d'ailleurs  sensiblement  la  composition  puisqu'elle  répond  à  la 
formule  5  (PbO.  CO2).  PbO.  110. 

Sulfate.  —  S2Pb208  —  Le  sulfate  de  plomb  existe  à  l'état  naturel, 
c'est  Vanglésile.  Mais  dans  le  commerce,  c'est  un  corps  pulvérulent  pré- 
paré en  attaquant  le  plomb  par  l'acide  snlfurique  concentré  et  bouillant,  ou 
encore  par  double  décomposition.  Il  est  a  peu  près  insoluble  dans  l'eau, 
soluble  dans  les  acides  surtout  concentrés  et  bouillants. 

Il  se  dissout  aussi  dans  les  sels  ammoniacaux  (surtout  le  tarlrate)  dans 
l'acétate  d'alumine,  dans  l'acétate  de  chaux,  dans  l'hyposullUe  de 
soude,  etc. 


PLOMIt.  —  SELS  DE  PLOMB. 


501 


On  a  décrit  également  un  sulfate  acide  et  un  sulfate  basique  de  plomb. 

Chromâtes  de  plomb.  —  Kn  dehors  du  ehromate  neutre,  on  conrinaît 
des  chromâtes  basiques  de  plomb  designés  sous  le  nom  de  jaunes  de 
chrome. 

On  les  prépare  pardouble  décomposition,  et  leur  nuance  varie  avec  la'oon- 
centration,  la  température  et  l'alcalinité  de  la  liqueur. 

On  connaît  aussi  plusieurs  phosphates,  borates  et  silicates  de  plomb, 
curieux  au  point  de  vue  théorique,  mais  nous  nous  contenterons  de  rap- 
peler simplement  ici  le  nom  de  ces  composés,  qui  n'offrent  pour  le  médecin 
qu'une  importance  très-limitée. 

Les  acides  organiques  fournissent  à  leur  tour  des  sels  plombiques  et 
plusieurs  d'entre  eux  sont  importants  à  tous  égards. 

C'est  ainsi  qu'il  arrive  souvent  dans  les  laboratoires,  quand  on  veut 
isoler  à  l'état  de  pureté  un  acide  organique  soluble,  de  l'engager  d'abord 
dans  un  sel  de  plomb  (ils  sont  pour  la  plupart  insolubles)  dont  la  purifi- 
cation devient  facile.  Et  pour  régénérer  l'acide  à  l'état  libre,  il  suffit  de 
mettre  en  suspension  dans  l'eau  le  précipité  plombique  lavé  avec  soin  et 
d'éliminer  le  plomb  au  moyen  de  l'hydrogène  sulfuré.  C'est  là  une  mé- 
thode générale  en  quelque  sorte. 

Mais,  en  outre,  on  connaît  quelques  sels  de  plomb,  à  acides  organiques, 
d'un  emploi  très-répandu,  soit  dans  l'industrie,  soit  dans  la  thérapeu- 
tique. 

Acétates  de  plomb.  —  H  y  a  plusieurs  acétates  de  plomb  :  L'acétate 
neutre  CMPPbO1,  5IIO,  ou  acétate  de  plomb  cristallisé; 

Et  une  série  nombreuse  d'acétates  basiques  que  nous  ne  ferons  que 
nommer  (Voyez Extrait  de  Saturne,  t.  XII,  p.  225),  pour  ce  qui  est  re- 
latif à  l'acétate  basique  de  plomb  employé  en  pharmacie. 

La  série  des  acétates  basiques  du  plomb  comprend  : 
l'acétate  bibasique  de  plomb 

—  tribasique  — 

—  sexbasique  — 
contenant,  deux,  trois,  six  molécules  de  plomb. 

Quant  à  l'acétate  neutre  de  plomb,  c'est  un  beau  sel  aiguillé,  de  saveur 
sucrée  (ce  qui  lui  a  valu  le  nom  de  sucre  de  Saturne  sous  lequel  il  était 
désigné  par  les  alchimistes),  connu  depuis  fort  longtemps,  qui  se  préparc 
actuellement  en  grand  au  moyen  de  la  litharge  et  de  l'acide  pyroligneux. 

Parfois  aussi  on  le  prépare  en  mettant  en  présence  le  sulfate  de  plomb 
et  une  solution  d'acétate  de  chaux.  La  double  décomposition  se  l'ait  même 
à  froid. 

L'acétate  de  plomb  est  soluble  dans  une  partie  et  demie  d'eau  froide.  Il 
rougit  un  peu  le  tournesol.  Il  fond  à  75"  dans  son  eau  de  cristallisation, 
qu'il  perd  d'ailleurs  assez  facilement,  par  effloresccnce,  dès  la  température 
ordinaire. 

Quand  on  le  chauffe,  il  perd  son  eau  de  cristallisation,  puis  de  l'acide 
acétique  et  passe  à  l'état  de  sel  tribasique,  avant  de  se  décomposer  défini- 
tivement, vers  300°,  en  acétone  et  acide  carbonique. 


Ô02  PLOMB.   —  CAIUC'ràlKS  DES  COMPOSÉS  l'LOMIlIQUBS. 

On  l'utilise  en  médecine  comme  astringent  el  résolutif. 

Les  sels  des  autres  acides  organiques  sont,  connue  nous  l'avons  d'il, 
insolubles  pour  la  plupart. 

Il  en  est  ainsi  pour  le  malate,  succinate,  l'oxalalc,  tarlratc,  citrate,  etc.  ; 
ces  corps  offrent  pou  d'intérêt  pour  le  médecin. 

Les  stéarate,  margaratc,  oléatc  de  plomb,  constituent  l'emplâtre  pro- 
prement dit,  ou  emplâtre  simple  {Voy.  arl.  Empi.athe,  t.  .VII,  p.  1 40.) 

Co.MiiiNAisoNs  oitG.vNO-.MÉTAUiQUKs.  —  Avec  les  alliages,  les  sels  haloïdes 
du  plomb  et  autres  combinaisons  binaires,  ainsi  que  les  sels  proprement 
dits,  nous  n'avons  pas  encore  épuisé  complètement  la  liste  des  combi- 
naisons de  ce  métal. 

On  est,  en  effet,  parvenu  à  fixer  sur  le  plomb  un  certain  nombre  de  rési- 
dus alcooliques,  éthyliques  métbyliqiics,  etc.,  de  manière  ù  obtenir  des 
composés  d'ordre  spécial,  qu'on  ne  peut  séparer  des  autres  corps  organo- 
métalliques,  tels  que  les  combinaisons  analogues  du  mercure,  le  zinc 
étbyle,  les  différents  stannélbyles,  etc.,  lesquels,  en  passant  par  les  sti- 
bines, pbospbincs,  etc.,  conduisent  aux  ammoniaques  composées. 

C'est  donc  un  groupe  de  corps  très-important  pour  la  théorie,  que 
celui  auquel  appartient  le  plombétbyle  PbC4ll5,  le  plombo  diélbyle  Pb 
(CH15)2  (qui  correspond  au  bichlorure  de  plomb  PbCl2  dont  l'existence  est 
admise  par  beaucoup  de  chimistes). 

De  même,  les  composés  mélhylés  du  plomb  PIjC3!^  et  Pb  (C2Iï3)2.  Nous 
ne  nous  y  arrêterons  pas  plus  longtemps. 

Ces  combinaisons  qu'on  peut  facilement  réduire  en  vapeur,  servent  sur- 
tout à  fixer  la  valeur  de  la  molécule  pondérale,  ou  de  l'équivalent  du 
plomb. 

Reste  à  dire,  en  deux  mots,  la  place  occupée  par  le  plomb  dans  la  série 
métallique. 

Bien  que,  par  son  importance  et  ses  propriétés  tranchées,  le  plomb 
constitue  un  type  à  part,  on  a  vu  déjà  qu'il  présente  des  analogies  nom- 
breuses avec  l'argent  d'abord  (les  propriétés  physiques  des  deux  sulfures 
sont  presque  identiques,  ils  sont  presque  toujours  mélangés  à  l'état  natu- 
rel) ;  avec  le  bismuth  ensuite  :  on  sait  que  les  caractères  chimiques  de 
ces  deux  métaux  sont  assez  voisins  pour  rendre  leur  séparation  difficile. 

On  doit  enfin  et  surtout  le  rapprocher  du  groupe  chimique  si  homogène 
qui  comprend  le  calcium,  le  strontium  et  le  baryum.  Le  sulfate  de  plomb, 
en  effet,  présente  un  ensemble  de  propriétés  très-voisines  de  celles  du 
sulfate  de  chaux. 

Les  carbonates  de  chaux  et  de  plomb  sont  isophormes,  dans  plusieurs 
minéraux  du  groupe  apatite  le  calcium  est  remplacé  par  le  plomb,  etc. 

Dans  une  classification  méthodique,  le  plomb  devrait  donc  figurer  non 
loin  des  métaux  alcalino-terreux. 

Caractères  des  composés  plomï»iqucs.  —  On  les  reconnaît 
tout  d'abord  à  leur  poids  considérable.  Cet  indice,  qui  n'est  pas  absolu, 
est  cependant  très-précieux  pour  mettre  sur  la  voie. 

Les  combinaisons  insolubles  sont  le  plus  souvent  examinées  par  voie 


PLOMB.  —  CVIUCTÈRES  DES  COMPOSÉS  PLOMBIQUKS.  505 

sèche;  ou  transformées  en  sels  solublcs  qu'on  peut  analyser  aussi  par 
voie  humide. 

Il  y  a  donc  deux  ordres  de  caractères.  Parlons  d'abord  de  ceux  que 
fournit  la  voie  sèche,  qui  s'applique  à  tous  les  dérivés  du  plomb  sans 
exception. 

Chauffés  au  chalumeau  sur  le  charbon,  avec  du  carbonate  de  soude  ou 
du  cyanure,  tous  les  composés  plombiques  sont  réduits  et  fournissent  un 
"lobule  de  plomb  métallique  rcconnaissable  à  sa  mollesse,  et  offrant  la 
propriété  de  s'aplatir  sous  le  marteau. 

Ce  caractère  spécifique  s'obtient  en  employant  la  flamme  de  réduction 
ou  flamme  intérieure. 

Avec  la  flamme  extérieure  ou  d'oxydation,  on  voit  se  produire  une  au- 
réole jaune  ou  rougeâtre  d'oxyde  de  plomb. 

On  peut  encore  obtenir  des  enduits  présentant  des  propriétés  assez 
tranchées  pour  devenir  caractéristiques. 

Avec  le  borax  ou  le  sel  de  phosphore,  la  perle  est  incolore  ou  simple- 
ment jaunâtre,  si  la  proportion  de  plomb  est  très-forte. 

On  peut  enfin  doser  le  plomb  par  voie  sèche,  dans  les  combinaisons  in- 
solubles. Nous  renvoyons,  à  cet  égard,  à  ce  que  nous  avons  dit  à  propos 
de  la  galène  et  de  la  métallurgie  (voy.  p.  286  et  287.) 

Voie  humide.  — Les  sels  solubles  de  plomb  ont  une  saveur  douceâtre, 
puis  astringente.  Ils  sont  Irès-vénéneux. 

Généralement  fixes  et  incolores  quand  l'acide  n'est  pas  lui-même  coloré, 
ceux  qui  sont  neutres  chimiquement,  rougissent  la  teinture  de  tournesol. 

Cette  propriété  disparaît  naturellement  dans  les  sels  basiques. 

En  solution,  les  sels  de  plomb  présentent  les  réactions  suivantes  : 

1°  Le  fer,  le  zinc,  le  cadmium,  le  déplacent  à  l'état  métallique. 

2°  V hydrogène  sulfuré  donne  un  précipité  noir  ou  brun  noir,  inso- 
luble à  froid  dans  les  acides,  dans  les  sulfures  alcalins,  les  alcalis  et  le 
cyanure  de  potassium. 

En  liqueur  chlorhydriquc  concentrée,  la  couleur  du  précipité  est  d'abord 
d'un  rouge  brun  (chlorosulfure),  qui  ne  devient  tout  à  l'ait  noir  que  si 
l'on  a  soin  de  diluer  largement. 

Ce  sulfure  se  dissout  à  chaud  dans  l'acide  azotique,  mais  le  résultat  varie 
avec  la  concentration  de  l'acide.  S'il  est  étendu,  le  soufre  se  dépose  et  le 
plomb  se  dissout  à  l'état  d'azotate. 

Si  l'acide  est  fumant,  les  deux  éléments  de  sulfure  s'oxydent  simultané- 
ment et  tout  passe  à  l'état  de  sulfate  de  plomb  insoluble. 

Pour  une  concentration  moyenne,  on  obtient  à  la  l'ois  du  soufre,  de  l'azo- 
tate et  du  sulfate. 

5"  Les  sulfures  alcalins  donnent  le  même  précipité  de  sulfure  noir 
PbS,  insoluble  dans  un  excès. 

4°  La  potasse  et  la  soude  précipitent  en  blanc  les  sels  basiques.  Ce 
précipité  d'hydrate  de  plomb  est  soluble  dans  un  excès  du  réactif.  Et  la 
solution  additionnée  de  chlore  donne  un  précipité  de  peroxyde  de  plomb 
PbO\ 


504  PLOMB.   —  MÔI'.UIATIO.N  DU  PliOMB  d'aVIX  LES  ALTIIKS  MÉTAl'.V. 

5°  L'ammoniaque  précipite  aussi  les  sels  de  plomb,  mais  le  précipité 
n'est  pas  soluble  dans  un  excès.  La  réaction  se  complique  parfois  de  la 
formation  de  sels  basiques  ou  doubles,  qui  se  précipitent  avec  l'hydrate. 

G0  Les  carbonates  alcalins  donnent  un  précipité  de  carbonate  basi- 
que (Voy.  Cëvuse)  très-peu  soluble  dans  un  excès  du  précipitant. 

7°  L'acide  cklorhydrique  et  les  chlorures  solubles  précipitent  les 
sels  de  plomb  en  blanc.  Ce  précipité  soluble  dans  l'eau,  surtout  à  chaud, 
ne  change  pas  de  couleur  en  présence  de  l'ammoniaque,  bien  qu'il  passe 
à  l'état  d'oxychlorurePbCloPbO  4-  HO,  lequel  est  moins  soluble  dans  l'eau 
que  le  chlorure. 

8°  Avec  l'acide  bromhydrîque  et  les  bromures,  précipité  blanc. 

9°  L'acide  iodhydvique  et  les  iodures  solubles  donnent  un  précipité 
d'un  beau  jaune,  légèrement  soluble  dans  l'eau  bouillante,  soluble  dans 
un  excès  d'iodurc  de  potassium. 

10"  Avec  Y  acide  sulfurique  et  les  sulfates,  on  a  un  précipité  blanc  de 
sulfate  de  plomb,  qui  se  forme  lentement  dans  les  solutions  étendues. 
Sa  séparation  est  facilitée  par  l'addition  d'un  peu  d'acide  sulfurique,  ou 
mieux  encore  par  celle  de  l'alcool. 

Ce  précipité  est  soluble  dans  les  acides  concentrés  et  bouillants,  solu- 
ble aussi  dans  la  lessive  de  potasse  et  dans  les  sels  ammoniacaux,  acé- 
tate, tartrate,  etc.). 

11°  Le  chromale  de  potasse  fournit  un  précipité  jaune  de  chromate 
de  plomb,  facilement  soluble  dans  la  potasse,  difficilement  dans  l'acide 
nitrique  faible. 

12°  Le  cyanure  jaune  et  Y  acide  oxalique  donnent  un  précipité  blanc, 
de  môme  que  l'acide  tartrique. 

La  noix  de  galle  un  précipite  jaune  paille,  etc. 
Sont  caractéristiques  pour  les  sels  de  plomb  : 

1°  La  production  au  chalumeau,  sur  le  charbon,  du  globule  métalli- 
que s'aplatissant  sous  le  marteau  ; 

2°  La  réaction  de  l'acide  cblorhydrique  qui  classe  le  plomb  à  côté  de 
l'argent  et  du  mercure.  Mais  la  distinction  s'effectue  facilement  au 
moyen  de  l'ammoniaque,  qui  dissout  le  chlorure  d'argent  et  noircit  le 
protochlorure  de  mercure  ; 

5°  Celle  du  sulfure  PbS  ; 

4°  Enfin,  celles  de  l'acide  sulfurique,  des  chromâtes  et  des  iodures. 

Séparation  du  plomb  d'avec  les  autres  métaux  —  Nous 
venons  de  voir  comment,  dans  un  essai  qualitatif,  on  distingue  le  plomb 
de  l'argent  et  du  mercure,  précipita bles  comme  lui  à  l'état  de  chlo- 
rures. 

Pour  effectuer  la  séparation  du  plomb  et  de  l'argent,  on  étend  la 
liqueur,  additionnée  d'acétate  de  soude,  d'une  quantité  d'eau  suffisante 
pour  que  le  chlorure  de  plomb  reste  en  solution,  puis  on  précipite  l'ar- 
gent par  une  quantité  ménagée  d'acide  cblorhydrique.  On  filtre,  et  dans 
la  liqueur  l'hydrogène  sulfuré  précipite  le  plomb. 

On  peut  aussi,  en  solution  nitrique,  éliminer  l'argent  à  l'étal  de  rya- 


PLOMB.  —  DOSAGE. 


505 


mire,  et  précipiter  par  l'acide  sulfhydriquc  le  plomb  resté  dans  la 
liqueur  filtrée. 

Ou  encore,  en  liqueur  neutre,  réduire  à  chaud  l'argent  par  un  for- 
miate  qui  laisse  le  plomb  en  solution. 

Le  mercure,  grâce  à  sa  volatilité,  est  facile  à  séparer  du  plomb  qui 
est  à  peu  près  fixe. 

On  peut  également  traiter  par  le  carbonate  et  le  cyanure  de  potassium 
à  une  douce  chaleur;  par  liltration,  on  sépare  le  carbonate  de  plomb. 
Le  mercure  reste  en  solution  dans  la  liqueur. 

Le  cuivre  se  sépare  du  plomb  en  profitant  de  la  solubilité  du  sulfate 
de  cuivre  et  de  l'insolubilité  du  sulfate  de  plomb.  Cette  séparation  est 
très  nette. 

La  suivante  est  plus  délicate,  bien  que  le  principe  soit  le  même. 

Plomb  et  bismiUh.  —  Pour  séparer  le  plomb  du  bismuth,  on  peut 
opérer  de  la  manière  suivante  : 

L'alliage  est  attaqué  par  de  l'acide  azotique  étendu  de  deux  fois  son 
volume  d'eau  ;  on  ajoute  ensuite  un  léger  excès  d'acide  sulfurique  et  on 
évapore  lentement  à  la  capsule.  Quand  la  matière  est  asséchée,  on  cal- 
cine légèrement  de  façon  à  chasser  presque  tout  l'acide  sulfurique. 

On  laisse  refroidir,  puis  on  broie  la  substance  avec  de  l'acide  sulfuri- 
que faible  (1  dixième  environ  pour  9  dixièmes  d'eau).  On  réitère  ce  trai- 
tement 5  ou  6  fois. 

Dans  ces  conditions,  le  bismuth  seul  est  dissous;  le  sulfate  de  plomb 
reste  sur  le  filtre,  on  le  recueille  et  on  le  pèse  (Voy.  p.  506). 

La  séparation  du  plomb  d'avec  le  fer,  le  zinc,  le  manganèse,  le  cobalt 
et  le  nickel,  n'offre  aucune  difficulté,  puisque  ces  métaux,  en  solution 
acide,  ne  sont  pas  précipités  par  l'hydrogène  sulfuré. 

Celle  du  chrome,  un  peu  moins  nette  peut-être,  s'effectue  pourtant 
assez  facilement,  soit  par  l'hydrogène  sulfuré,  soit  par  le  chlorure,  soit 
encore  en  faisant  digérer  avec  de  l'acide  sulfurique  étendu. 

La  séparation  d'avec  les  métaux  terreux  ou  alcalins  se  fuit  très  aisé- 
ment au  moyen  de  l'hydrogène  sulfuré  principalement. 

Quant  à  Vanlimoine,  Varsenic  et  Yétain,  on  les  sépare  du  plomb  en 
les  transformant  en  sulfures  qu'on  fait  dissoudre  par  digestion  en  pré- 
sence de  sulfhydratc  d'ammoniaque  jaune.  Le  sulfure  de  plomb  reste 
comme  résidu. 

Dosage.  —  Le  plomb  peut  être  dosé  sous  différents  états  :  oxyde, 
sulfure,  chlorure,  sulfate,  chromate.  Suivant  les  circonstances,  on  don- 
nera la  préférence  à  l'une  ou  l'autre  des  méthodes  : 

1°  On  dose  le  plomb  à  L'état  d'oxyde  en  précipitant  d'abord  le  plomb 
par  les  carbonates  ou  les  oxalates,  séchant  le  précipité  soigneusement 
lavé,  et  calcinant  au  creuset  de  porcelaine.  Le  résidu  est  de  l'oxyde 
qu'on  pèse.  L'azotate  le  fournit  directement. 

Il  y  a  toujours  une  perte  légère  dont  on  tient  compte. 

2°  Sulfure.  —  Étant  donné  le  précipité  de  sulfure  de  plomb,  on  le 
lave  avec  une  dissolution  d'acide  sulfbydrique,  on  le  sèche  à  basse  tem- 

HOCT.  DICT.  MED.  ET  CUIR.  XXVIII  —  20 


306  PLOMH.    KMPI.OI   ET  FORMES  PHAItMACKl  TIQUES. 

pérature.  On  l'introduit  ensuite  avec  les  cendres  du  fdtre,  et  un  excès  de 
soufre  dans  un  creuset  de  porcelaine,  puis  on  calcine  jusqu'à  poids  con- 
stant : 

3°  Chlorure.  —  La  liqueur  plombique,  additionnée  d'un  léger  excès 
d'acide  chlorhydrique,  est  évaporée  à  siccité  au  bain-marie.  Le  résidu 
épuisé  par  l'alcool  éthéré  est  desséché,  puis  calcine  avec  ménagement 
pour  éviter  de  volatiliser  le  chlorure  de  plomb. 

4°  Sulfate.  —  On  dose  assez  facilement  le  plomb  à  l'état  de  sulfate, 
en  ajoutant  à  la  liqueur  contenant  le  plomb  un  léger  excès  d'acide  sul- 
furique,  puis  un  volume  double  d'alcool.  On  abandonne  au  repos  et  on 
filtre  après  quelques  heures,  on  lave  à  l'alcool  faible  et  on  calcine  le 
sulfate  de  plomb. 

Quant  au  filtre,  on  le  traite  à  part  en  ajoutant  de  l'acide  nitrique  au 
résidu  de  la  calcination,  puis  un  peu  d'acide  sulfurique  en  calcinant  de 
nouveau. 

5°  Chronicité.  —  Pour  doser  le  plomb  à  l'état  de  chromate,  on  opère 
en  liqueur  légèrement  acidulée  par  la  présence  de  l'acide  acétique,  et  on 
précipite  parle  bichromate  de  potasse.  On  recueille  le  précipité  sur  un. 
filtre  taré,  et  il  suffit  ensuite  de  sécher  à  l'étuve  Gay-Lussac  et  de  peser 
quand  le  poids  est  devenu  invariable  ; 

6°  Différents  procédés  de  dosage  du  plomb  par  la  méthode  volumétri- 
que  ont  été  également  proposés. 

Ils  sont  basés  sur  la  réaction  du  protochlorure  de  fer  en  quantité  connue 
sur  le  chromate  de  plomb,  l'excès  de  sel  ferreux  étant  dosé  par  le  per- 
manganate. 

Ou  encore  sur  la  redissolution  du  carbonate  de  plomb  lavé  dans  une 
quantité  donnée  d'acide  nitrique  titré  qu'en  dose  ensuite  alcalimétri- 
quement. 

Emploi  et  formes  pharmaceutiques.  —  Les  préparations  à  base  de  plomb 
sont  très  rarement  usitées  à  l'intérieur,  et  les  propriétés  toxiques  du 
métal  en  fournissent  une  explication  plus  que  suffisante. 

On  administre  à  l'intérieur  l'acétate  neutre  de  plomb  directement  en 
solution  ou  sous  forme  de  pilules. 

L'ingestion  du  plomb  à  l'état  métallique  est  aujourd'hui  abandonnée, 
on  peut  dire  par  tous  les  praticiens.  (Voy.  Effets  toxiques). 

En  revanche,  la  médication  externe  compte  un  très  grand  nombre  de 
formules  où  les  composés  plomhiques  figurent  seuls  ou  associés  à  d'autres 
substances. 

Disons,  toutefois,  que  cette  variété  considérable  de  préparations  satur- 
nées  tend  graduellement  vers  une  simplification  rationnelle.  (Voy.  plus 
loin  thérapeutique) . 

Voy.  pour  les  emplâtres  à  base  de  plomb,  tome  XII,  p.  746  et  suiv.; 
pour  les  papiers  chimiques,  tome  XXV,  p.  767  et  suivantes. 

Le  plomb  figure  dans  la  forme  de  certaines  préparations  tels  que  fards, 
cosméliques,  tome  IX,  p.  440. 

L.  Prunier. 


PLOMB.  —  EFFETS  TOXIQUES.   EMPOISONNEMENT  AIGU.   ÉTIOLOGIi:.  507 

Effets  toxiques.  — Le  plomb  est,  sans  contredit,  le  métal  avec 
lequel  l'homme  civilisé  se  trouve  le  plus  en  contact,  par  cette  raison 
que,  outre  les  divers  usages  qui  lui  sont  communs  avec  les  autres  mé- 
taux, il  entre  dans  la  composition  de  la  plupart  des  revêtements  des 
objets  environnants  ;  d'ailleurs,  sa  faible  résistance  aux  agents  physiques 
et  chimiques  favorise  son  absorption,  et  contribue  par  là  à  lui  assurer 
une  influence  prépondérante  sur  la  santé  publique. 

Ses  effets  sur  l'organisme,  bien  différents  suivant  qu'ils  résultent  de 
l'absorption  en  bloc  et  rapide  d'une  forte  dose  (empoisonnement  aigu), 
ou  de  l'imprégnation  lente  par  de  faibles  doses  réitérées  (intoxication 
chronique),  doivent  être  étudiés  séparément. 

La  forme  aiguë,  assez  rare,  bien  qu'utile  à  connaître  au  point  de  vue 
toxicologique,  est  loin  de  présenter  le  même  intérêt  que  la  forme  chroni- 
que, extrêmement  fréquente,  par  laquelle  seulement  se  manifeste  toute 
l'originalité  d'action  du  poison. 

Empoisonnement  aigu.  —  Etiologie.  —  L'empoisonnement  aigu,  ou 
empoisonnement  proprement  dit  par  le  plomb,  consiste  en  accidents 
graves  succédant  rapidement  à  l'absorption,  presque  toujours  par  inges- 
tion en  une,  deux  ou  trois  fois  au  plus,  d'une  haute  dose  de  métal  ou  d'un 
de  ses  sels,  soit  en  nature,  soit  à  l'état  de  mélange.  Tous  les  composés 
saturnins,  y  compris,  contrairement  à  l'opinion  de  Dupasquier,  les  sels 
insolubles  et  le  métal  lui-même  (obs.  de  Ruva),  peuvent  produire,  par 
ingestion,  un  empoisonnement  aigu,  dont  les  symptômes  sont  d'une  pré- 
cocité et  d'une  intensité  directement  proportionnelles  à  la  solubilité  ou  à 
la  facilité  de  décomposition  de  ces  substances  par  les  sucs  digestifs.  Les 
sels  solubles  se  transformeraient  dans  l'estomac  en  chlorures  (Rabuteau) 
et  en  albuminates  peu  solubles  ;  le  plus  dangereux  de  tous  est  le  chlorure, 
dissous  dans  le  chlorure  de  sodium  (Miahle),  probablement  parce  que, 
sous  cette  forme,  le  plomb  n'a  plus  à  subir  de  transformation. 

La  dose  minimum  nécessaire  à  la  production  d'accidents  sérieux  est 
difficile  à  préciser  ;  souvent,  en  effet,  l'ingestion  de  quantités  relative- 
ment considérables  de  poison  a  été  suivie  de  symptômes  moins  graves 
qu'on  n'était  en  droit  de  le  redouter;  et  d'autres  fois  des  doses  même  assez 
faibles  ont  eu  des  conséquences  funestes.  Un  jeune  homme  éprouva  des 
accidents  graves  pour  avoir  pris,  en  trois  jours,  15  centigr.  seule- 
ment d'acétate  de  plomb,  et  un  adulte  mourut  après  avoir  bu  à  peine  un 
demi-verre  de  vin  d'une  bouteille  contenant  des  grains  de  plomb  avec 
lesquels  elle  avait  été  rincée.  Celte  discordance  apparente  résulte  de  ce 
qu'on  connaît  seulement  la  dose  de  poison  ingérée,  et  non  celle  qui  est 
absorbée;  or,  l'absorption  doit  être  entravée  par  la  précipitation  du  sel 
dans  l'estomac,  par  son  astringence  agissant  sur  la  muqueuse  stomacale  ; 
cette  astriclion,  plus  marquée  pour  certains  sels,  sous-acétate  par  exem- 
ple, se  fait  peut-être  moins  sentir  dans  le  cas  d'une  dose  modérée.  Enfin, 
la  proportion  de  métal  dans  chaque  combinaison  saline  (près  de  deux  fois 
plus  forte  dans  les  unes  que  dans  d'autres),  le  degré  de  concentration 
de  la  dissolution  ou  du  mélange,  ne  doivent  pas  être  non  plus  sans  exer- 


Ô08  PLOMB.    EMPOISONNEMENT  AIGU.    SYMPTÔMES. 

ccr  une  certaine  influence.  D'après  les  expériences  d'Oriila,  de  Gasparl  el 
de  R.  Mo'rcau,  l'ac'étate,  injecté  dans  les  veines,  tue  un  chien  rapidement, 
en  24  heures  au  plus,  à  la  dose  de  30  centigr.,  et  dans  la  huitaine  à  la 
seule  dose  de  20  et  môme  10  centigr.  Les  divers  composés  saturnins  ont 
tous  la  même  action,  sauf  le  chromatc  et  l'arséniale,  qui  empruntent  à 
leurs  acides  une  partie  de  leurs  propriétés  spéciales  ;  au  premier,  par 
exemple,  paraît  liée  la  prédominance  d'accidents  nerveux. 

Les  circonstances  de  l'empoisonnement  aigu  par  le  plomb  sont  varia- 
bles. Très-rarement  ce  poison  a  été  administré  dans  un  but  criminel 
(acétate  mélangé  aux  aliments  et  aux  boissons):  affaire  Ponchon,  1842,  cl 
les  deux  cas  en  Angleterre,  Central  Criminal  Court,  1844,  et  Chclus  Ford, 
Summer  Assises,  1847,  rapportés  par  Taylor.  Quelquefois  c'est  dans  une 
intention  de  suicide  que  le  sel  de  plomb  (ordinairement  une  verrée  ou 
deux  d'extrait  de  saturne)  est  ingéré,  presque  toujours  par  des  femmes. 
Mais  lu  plus  souvent,  l'ingestion  est  le  résultat  d'une  erreur,  d'une 
imprudence  ou  d'un  accident.  Tantôt  c'est  un  ivrogne  vidant  précipi- 
tamment et  à  la  dérobée  une  fiole  d'eau  de  Goulard  ;  tantôt  un  verre 
d'eau  végéto-minéralc  est  pris,  par  une  ressemblance  trompeuse,  pour  du 
sirop  d'orgeat,  ou  bien  du  carbonate  de  plomb  pour  de  la  magnésie  ; 
ailleurs,  c'est  un  enfant,  qui,  par  ignorance,  avale  soit  de  l'extrait  de 
Goulard,  soit  même  une  boulette  de  mastic  à  la  céruse  ;  plus  fréquem- 
ment enfin,  de  l'extrait  de  saturne  est  pris  au  lieu  d'une  potion,  d'un 
purgatif  ou  d'un  vomitif,  par  erreur  de  flacon,  commise  par  le  malade 
et  même  par  le  pharmacien. 

D'ordinaire  l'empoisonnement  a  lieu  par  l'intermédiaire  des  aliments  ou 
des  boissons  (acétate  et  carbonate,  dans  le  vin,  le  cidre,  le  vinaigre, 
oxyde  et  carbonate  dans  l'eau),  soit  que  ces  substances  alimentaires  aient 
été  en  contact  avec  du  plomb  dans  leurs  récipients,  soit  qu'il  y  ait  eu 
falsilication  ou  sophistification  ;  il  peut  aussi  être  produit  par  l'ingestion 
de  pains  à  cacheter,  ou  de  couleurs,  comme  sur  les  jouets  d'enfants.  Dans 
certains  cas,  assez  rares  il  est  vrai,  Y  empoisonnement  professionnel  aigu 
a  été  observé. 

Enfin,  les  sels  de  plomb,  principalement  l'acétate,  ont  aussi  donné 
lieu  à  des  accidents  aigus  par  Vemploi  thérapeutique  rationnel  ou  em- 
pirique :  acétate  dans  du  lait  contre  la  diarrhée,  ou  en  pilules  dans  la 
phthisie  (Fouquier,  Léridon),  et  grains  de  plomb  administrés  par  un 
charlatan  contre  la  dyspepsie  (Ruva). 

Expérimentalement,  l'empoisonnement  aigu  a  pu  être,  on  l'a  vu,  dé- 
terminé par  l'injection  intra-veineuse  d'acétate  de  plomb.  Pour  ce^  qui 
est  des  accidents  aigus  résultant  de  l'introduction  des  composés  plombi- 
ques  dans  les  voies  respiratoires,  il  est  difficile  de  faire  la  part  du  satur- 
nisme et  de  l'asphyxie  par  obstacle  mécanique  (Moreau). 

Symptômes.  —  Au  moment  de  l'ingestion,  il  y  a  perception  immédiate 
d'une  saveur  douceâtre,  sucrée,  puis  styptique  et  parfois  comme  métalli- 
que; souvent,  bientôt  après  se  manifeste  dans  la  bouche  une  sensation 
de  brûlure,  plus  ou  moins  prononcée  dans  l'arrière-gorgc,  et  se  prolon- 


PLOMB.  — 


EMPOISONNEMENT  AIGU.   TRAITEMENT . 


309 


géant  le  long  de  l'œsophage  jusqu'à  l'estomac,  où  est  ordinairement  son 
maximum  ;  d'autres  fois,  il  y  a  seulement  de  la  pesanteur  au  creux  épi- 
gastrique.  La  langue,  parfois  légèrement  gonflée,  est,  en  général,  blan- 
châtre et  couverte  de  petits  points  blancs  saillants. 

Presque  en  même  temps  apparaissent  des  nausées  et  des  vomissements, 
d'abord  de  liquide  souvent  incolore  et  limpide,  quelquefois  présentant 
l'aspect  de  l'eau  blanche,  et  pouvant  contenir  du  plomb  ;  plus  tard,  les 
matières  vomies  deviennent  muqueuses  et  sont  parsemées  de  taches  ou 
de  points  blancs  dus  à  des  sels  de  plomb.  Seul,  le  chromate  donne  lieu 
à  des  vomissements  colorés  en  jaune.  Puis,  coliques  gastro-inteslinales 
très-aiguës,  avec  rétraction  et  dureté  ou  quelquefois  ballonnement  de 
l'abdomen,  s'accompagnant  tantôt  de  constipation,  tantôt  de  selles  diar- 
rhéiques  colorées  en  noir  par  du  sulfure  de  plomb.  On  a  vu,  avec  le 
météorisme,  de  la  rétention  d'urine  par  propagation  de  l'inflammation 
intestinale.  Engourdissement  des  membres  abdominaux,  abattement  gé- 
néral ;  pâleur  du  visage,  lèvres  livides. 

Le  liséré  gingival  bleuâtre  peut  se  faire  longtemps  attendre,  et  même 
manquer  complètement  ;  mais  dans  certains  cas,  il  apparaît  dès  les 
premiers  moments  ;  les  dents  sont  noircies  ;  fétidité  de  l'haleine.  La 
respiration  devient  stertoreuse  ;  il  se  produit  de  l'asphyxie  et  un  hoquet 
pénible  ;  des  vertiges,  des  syncopes,  du  trismus  et  des  convulsions  épi- 
leptiformes  précèdent  un  état  comateux  (véritable  encéphalopalhie),  qui 
se  termine  par  la  mort  après  deux  ou  trois  jours.  Les  facultés  intellec- 
tuelles restent  quelquefois  intactes  jusqu'au  dernier  moment. 

Dans  le  cas  de  guérison,  après  des  symptômes  d'excitation  et  de  dé- 
pression moins  intenses,  il  se  déclare  de  la  fièvre.  Des  taches  noirâtres 
de  sulfure  de  plomb  se  développent  sur  la  peau  par  suite  de  l'élimination 
du  poison  ;  la  douleur  épigastrique  diminue  graduellement,  et  l'amélio- 
ration s'effectue  avec  lenteur.  Il  reste  longtemps  de  l'hébétude,  des 
troubles  digestifs,  de  la  faiblesse,  de  l'anémie  et  même  un  état  cachec- 
tique. 

Anatomie  pathologique.  —  Les  lésions  anatomiques  ne  sont  ni  cons- 
tantes, ni  caractéristiques.  Tout  se  borne  le  plus  souvent  à  une  inflamma- 
tion légère  et  superlicielle  de  la  muqueuse  de  l'estomac,  qu'on  a  parfois 
trouvée  épaissie,  grisâtre,  ramollie  et  même  érodée.  Taylor,  contraire- 
ment à  l'opinion  qu'on  lui  a  prêtée,  pense  que  l'action  corrosive  appartient 
au  sel  neutre  et  non  au  poison  combiné  avec  un  acide.  Les  traînées  de 
points  blancs,  adbérents  à  la  muqueuse  stomacale,  données  par  Orfila, 
comme  propres  à  l'empoisonnement  par  l'acétate  de  plomb,  ne  sont  pas 
constantes  ou  sont  difficiles  à  reconnaître. 

Dans  deux  cas  où  il  s'était  produit  des  symptômes  cérébraux  graves, 
G.  Bergeron  et  Tardicu  ont  constaté  les  lésions  de  l'encéphalopathie 
saturnine  :  coloration  blanc-mat  du  cerveau,  consistance  dure,  aplatisse- 
ment et  effacement  des  circonvolutions. 

7 railemenl.  —  S'il  n'y  a  pas  de  vomissements,  on  les  provoquera,  ou 
s'ils  sont  pénibles,  on  les  facilitera  par  des  boissons  ;  dans  le  cas  de 


510  PLOMB.    INTOXICATION  CHRONIQUE. 

parésie  de  l'estomac,  on  pourrait  recourir  à  l'usage  de  la  pompe  stoma- 
cale. 

Les  antidotes  chimiques  capables  de  neutraliser  le  poison  plombiquc 
en  le  rendant  insoluble  sont,  d'une  part,  le  soufre  en  électuaire,  la 
limonade  sulfurique,  l'acide  sulfliydrique,  les  sulfures  solublcs,  et  d'autre 
pari  les  sulfates  alcalins,  en  particulier  le  sulfate.de  magnésie,  qui  peu- 
vent continuer  leur  action  jusque  dans  le  torrent  circulatoire.  On  a  encore 
recommandé  les  protosulfure  (Miahle)  et  persulfure  de  fer  hydratés  (Bou- 
chardat),  l'eau  alburnincuse  prise  en  très-grande  quantité,  pour  former 
un  alburninatc  qui  est  insoluble,  mais  qui  se  redissout  dans  un  excès 
d'albumine.  La  noix  de  galle  a  bien  réussi  entre  les  mains  de  Chansarel. 

Plus  tard,  des  purgatifs  débarrasseront  les  intestins  du  plomb  qu'ils 
pourraient  encore  contenir,  et  l'on  facilitera  l'élimination  du  poison  par 
l'iodure  et  le  bromure  de  potassium. 

Intoxication  cnitoNiQUE.  —  Nous  étudierons  d'abord  les  symptômes 
et  les  lésions  du  saturnisme  avec  leur  pathogénie  et  leur  étiologie  spé- 
ciales, puis  successivement  l'étiologie  générale,  la  prophylaxie  et  le  trai- 
tement de  cetle  intoxication. 

I.  Symptômes  et  lésions;  patliogénie  et  étiologie  spéciales. 

A.  Troubles  digestifs.  —  1°  Stomatite.  —  Les  saturnins  présentent 
du  côté  de  la  bouche  de  véritables  lésions  anatomiques,  presque  cons- 
tantes, et  en  tout  cas  caractéristiques,  dont  la  facile  constatation  sur  le 
vivant  fournit  un  des  éléments  diagnostiques  les  plus  importants  ;  nous 
voulons  spécialement  parler  des  colorations  plombiques  de  la  muqueuse 
buccale  :  liséré  gingival  (Burton)  et  plaques  de  la  face  interne  des  lèvres 
et  des  joues. 

Un  liséré  ardoisé,  noirâtre  quand  il  est  intense,  large  de  2  à  5  mil- 
limètres, siège  à  la  sertissure  des  gencives,  particulièrement  des  incisives 
et  des  canines  inférieures.  Il  consiste  en  une  imprégnation  de  la  muqueuse 
par  du  sulfure  de  plomb  formé  en  présence  de  l'hydrogène  sulfuré  pro- 
venant, soit  de  la  décomposition  des  parcelles  alimentaires  retenues  entre 
les  dents  (Tanquerel),  soit  des  sulfures  alcalins  de  la  salive  (Schebach), 
soit  enfin  du  sang  (Gubler).  L'apport  du  plomb  se  fait,  tantôt  directe- 
ment par  dépôt  des  particules  métalliques  à  leur  passage  dans  la  bou- 
che (tatouage)  :  contact  immédiat  ou  intermédiaire  de  l'atmosphère,  des 
instruments  et  des  doigts  souillés  (L.  direct,  primitif)  ;  tantôt  indirecte- 
ment par  les  voies  circulatoires  et  par  élimination  à  travers  les  glandes 
buccales  et  les  gencives.  La  preuve  de  l'existence  de  ce  liséré  secondaire, 
indirect,  a  été  établie  en  1869  par  Frank-Smith  :  chez  un  saturnin  para- 
lytique, sans  la  moindre  trace  de  liséré,  il  se  développa,  après  une  ou 
deux  semaines  de  traitement  ioduré,  un  liséré  bleu  bien  marqué,  qui 
persista  six  semaines  environ.  Semblable  observation  a  été  faite  ultérieu- 
rement par  Hilton  Faggc.  Dans  le  cas  de  Schoënbrod  (1875),  le  liséré 
n'apparut  que  quatre  semaines  après  que  le  malade  eut  cessé  de  faire 
usage  d'un  vinaigre  plombifère  qui  lui  avait  occasionné  des  coliques. 

Les  gencives,  quelquefois  boursoufflées  et  saignantes,  s'amincissent 


PLOMB.    INTOXICATION  CIIUONIQUE.    TROUBLES  DIGESTIFS.  511 

d'ordinaire  et  se  résorbent  à  leur  ourlet  (gingivite),  laissant  les  dents 
•déchaussées,  de  teinte  brun-clair,  encroûtées  de  tartre  et  souvent  cariées. 

Sur  50  cas  de  saturnisme  professionnel,  nous  avons  vu  le  liséré  man- 
quer à  fois  sans  qu'il  parût  avoir  jamais  existé  (Edelmann  vient  de  pu- 
blier un  cas  semblable),  et  une  fois  chez  un  ancien  ouvrier  qui  avait  pu 
■en  être  porteur  antérieurement  ;  il  est  vrai  qu'alors  les  sujets  n'avaient 
pas  un  métier  à  poussières. 

Parfois,  avec  le  liséré,  et  même  en  son  absence,  on  trouve  sur  la  mu- 
queuse des  lèvres  et  des  joues,  des  plaques  ardoisées  (Gubler),  sous  forme 
d'un  fin  pointillé,  presque  toujours  par  tatouage  au  niveau  d'ulcérations 
correspondant  aux  saillies  des  dents. 

Ces  diverses  colorations  buccales  sont  pathognomoniques  du  satur- 
nisme. Si,  en  effet,  des  lisérés  plus  ou  moins  analogues  peuvent  se  mon- 
trer en  dehors  de  cette  intoxication,  ceux  dus  à  l'imprégnation  profes- 
sionnelle par  le  cuivre,  ou  thérapeutique  par  le  nitrate  d'argent  (Du- 
guet)  et  par  le  fer,  et  même,  selon  Gubler  à  l'emploi  prolongé  du  charbon 
porphyrisé,  comme  dentifrice,  ou  à  une  simple  exhalation  scorbutique, 
il  sera  toujours  possible  d'en  distinguer  le  liséré  saturnin  par  des  réac- 
tions chimiques  faciles  à  déterminer.  L'eau  oxygénée,  mise  en  contact 
avec  le  liséré  ou  les  plaques,  donne  naissance  à  une  traînée  blanchâtre 
de  sulfate  de  plomb  (D'Àrcet,  Tanquerel  et  Grébant)  ;  la  solution  d'hydro- 
gène sulfuré  restaure  la  coloration  noire,  plus  intense  môme  que  primi- 
tivement. Dans  un  autre  procédé  d'analyse,  on  recueille  le  dépôt  recou- 
vrant le  collet  des  dents,  et  on  le  traite  par  l'acide  nitrique  et  de  l'eau 
distillée,  pour  transformer  le  sel  de  plomb  en  azotate  soluble  ;  le  liquide, 
repris  par  une  solution  d'iodure  de  potassium  au  ^5,  donne  la  coloration 
jaune  caractéristique  de  l'iodure  de  plomb  (Pauvert).- 

Comme  troubles  fonctionnels  accompagnant  les  colorations  buccales, 
et  légitimant  la  dénomination  de  stomatite  :  outre  la  gingivite,  l'haleine 
•est  fétide,  saburrale  ;  la  réaction  de  la  salive  se  montre  extrêmement 
acide  ;  il  y  a  un  léger  ptyalisme,  et  le  malade  éprouve  une  saveur  per- 
sistante, sucrée  et  styptique  à  la  fois. 

2°  Dyspepsie.  —  Les  sujets  soumis  à  l'action  lente  et  prolongée  du 
plomb  présentent  bientôt  les  symptômes  d'un  léger  embarras  gastrique 
permanent  :  bouche  pâteuse  et  arrière,  «  empoisonnée  »,  suivant  l'expres- 
sion même  des  malades,  langue  jamais  nette,  appétit  émoussé  ou  capri- 
cieux, parfois  état  nauséeux  avec  vomissements  pituileux  le  matiu. 

A  un  degré  un  peu  plus  avancé,  la  langue  devient  blanche  et  sèche, 
l'inappétence  plus  complète  ;  il  y  a  même  du  dégoût  pour  les  aliments 
et  quelquefois  des  vomissements;  pesanteur  et  sensibilité  à  la  pression 
au  creux  de  l'estomac.  L'intestin  est  aussi  intéressé  dans  une  certaine 
mesure  :  constipation,  dureté  et  sensibilité  morbide  de  l'abdomen  spon- 
tanément et  à  la  pression,  avec  douleurs  lombaires,  et,  par  moments, 
quelques  légers  élancements  passagers;  fréquemment  alors  on  observe 
«n  même  temps  de  la  céphalalgie. 

Tout  peut  se  borner  à  ces  sortes  de  poussées  subaiguës  dans  le  cours 


512 


PLOMB.    INTOXICATION   CHRONIQUE.  TROUBLES  DIGESTIFS. 


de  la  dys|)cpsie  chronique;  mais  d'ordinaire  celles-ci  se  répètent  plusieurs 
l'ois  avant  l'explosion  d'accidents  plus  graves,  et  leur  série  est  close  par 
un  dernier  accès  bien  caractérisé,  prémonitoire  de  la  colique. 

On  ne  peut  nier  que  ces  troubles  gastro-inlcstinaux,  préexistant  à  la 
colique,  reconnaissent  dans  certains  cas  une  origine  indirecte,  et  qu'ils 
résultent  alors  d'une  élimination  du  poison  par  la  muqueuse  digestiVe, 
surtout  par  celle  de  l'estomac,  spécialement  chez  les  alcooliques  où 
celle-ci  sécrète  d'une  manière  exagérée;  d'autre  part  néanmoins,  ils 
peuvent  légitimement  être  considérés  comme  manifestations  d'entrée, 
lorsque  le  métal  est  évidemment  introduit  avec  les  ingesta,  ou  quand  des 
ouvriers  travaillent  dans  une  atmosphère  chargée  de  poussières  toxiques, 
dont  le  transport  jusque  dans  l'estomac  s'effectue  par  l'intermédiaire  des 
aliments  et  de  la  salive  sans  cesse  déglutie.  Quoi  qu'il  en  soit,  l'action 
du  poison  plombique  se  traduit  là  comme  ailleurs  par  de  la  parésie  dou- 
loureuse. 

La  dyspepsie  observée  dans  l'intervalle  des  attaques  de  colique  par- 
ticipe des  caractères  de  la  dyspepsie  préparatoire  et  de  celle  essen- 
tiellement chronique  des  saturnins  cachectiques  que  nous  décrirons 
plus  loin. 

3°  Colique.  —  Sur  45  ouvriers  saturnins  réclamant  les  soins  de  la 
médecine,  56  étaient  ou  avaient  déjà  été  atteints  de  colique;  parmi  les 
10  autres  (plus  d'un  cinquième  des  sujets)  qui  n'en  avaient  jamais 
éprouvé,  5  souffraient  alors  d'embarras  gastro-intestinal  simple. 

La  colique,  qui  ne  se  développe  généralement  chez  les  peintres  qu'après 
un  certain  nombre  d'années,  peut  se  montrer  dans  les  premiers  mois  et 
même  les  premières  semaines  du  travail  chez  les  ouvriers  en  céruse  et 
minium. 

Bien  que  susceptible  d'éclater  soudain,  elle  est  ordinairement  annon- 
cée par  les  prodromes  dyspeptiques  déjà  connus ,  auxquels  se  joignent 
du  malaise ,  une  expression  de  souffrance  ,  de  l'endolorissement  et  de 
l'engourdissement  des  extrémités,  et  des  urines  uratiques  ou  albumi- 
neuses.  Alors  se  déclarent  des  douleurs  abdominales,  faibles  d'abord, 
plus  tard  intolérables,  siégeant,  au  niveau  de  l'ombilic,  à  l'épigastre, 
aux  flancs  ou  à  l'hypogastre ,  et  s'irradiant  jusque  vers  les  lombes ,  la 
vessie,  les  parties  génitales  et  les  cuisses.  Ces  douleurs  continues, 
obtuses  et  gravatives,  affectent,  par  intervalles,  la  forme  d'accès  paroxys- 
tiques avec  élancements  atroces  ,  causant  l'insomnie  ;  el'.es  sont  calmées 
par  une  pression  lentement  progressive  et  méthodique  sur  une  large 
surface  (Fernel),  et  elles  s'exaspèrent,  au  contraire,  sous  l'influence  d'une 
pression  brusque  et  par  soubresauts  avec  l'extrémité  des  doigts.  L'abdo- 
men est  rarement  météorisé;  on  le  trouve,  en  général ,  inégalement  dur 
et  rétracté  par  suite  d'une  contracture  des  muscles  abdominaux,  compri- 
mant et  immobilisant  les  intestins  dont  les  douleurs  sont  ainsi  modérées; 
ces  mêmes  muscles,  surtout  les  droits,  sont  quelquefois  atteints  d'hyper- 
algésie  au  pincement  ou  au  grattage  (Briquet) ,  manœuvres  qui  peut- 
être  aussi  déterminent  des  contractions  désordonnées,  réveillant  les  dou- 


PLOMB.    INTOXICATION  CHRONIQUE.    TROUBLES  DIGESTIFS. 


313 


leurs  intestinales.  A  un  haut  degré  d'intensité,  il  y  a  rétraction  de 
l'ombilic  et  de  l'anus. 

Dans  environ  un  septième  de  nos  cas,  les  coliques  du  début  ont  été 
suivies  d'une  débâcle  diarrbéique  ;  puis  la  constipation  s'établissait 
désormais  opiniâtre,  comme  elle  l'est  d'emblée  chez  la  plupart  des 
malades.  Cette  diarrhée  initiale,  commune  dans  l'intoxication  aiguë  par 
ingestion,  s'observe  plus  particulièrement  sur  les  ouvriers  en  céruse  et 
minium,  exposés  à  absorber  rapidement  une  grande  quantité  de  poison. 
La  constipation  s'accompagne  d'un  certain  développement  de  gaz  intesti- 
naux; l'inappétence  est  absolue,  la  soit'  plus  ou  moins  vive;  vomisse- 
ments fréquents  de  matières  glaireuses  ou  bilieuses,  éructations  et  par- 
fois hoquet.  Chez  quelques  sujets ,  un  état  ictérique  ou  seulement 
subictérique  coïncide  avec  une  sensibilité  à  la  pression  et  une  rétraction 
temporaire  du  l'oie  (Potain),  soit  par  anémie  ou  défaut  d'apport  sanguin, 
soit  plutôt  par  contraction  de  la  tunique  musculaire  des  vaisseaux  (isché- 
mie). Les  troubles  urinaires  seront  étudiés  en  leur  lieu. 

On  remarque  de  plus  quelques  signes  de  faible  réaction  sur  les  autres 
organes  ;  céphalalgie  fronto-temporale,  avec  éblouissemenls,  tintements 
d'oreilles,  subdélirium  nocturne  et  prostration  générale;  courbature, 
douleurs  et  crampes  dans  les  membres,  constriction  thoracique,  etc. 
L'apyréxie  est  si  fréquente,  que  Grisolle  la  donnait  comme  la  règle; 
dans  certains  cas,  le  pouls  se  ralentit  jusqu'à  40  pulsations  par  minute, 
et  la  température  s'abaisse  au-dessous  de  la  normale;  mais,  par  contre, 
on  observe  quelquefois,  comme  l'avait  noté  Blachc,  pendant  les  premiers 
jours,  une  fièvre  pouvant  se  traduire  par  une  accélération  du  pouls, 
124  pulsations,  et  par  une  élévation  de  la  température  rectale  à  59°,4 
(Lorain).  Le  pouls  est  en  outre  dur  et  vibrant;  nous  examinerons  les 
caractères  de  son  tracé  à  propos  des  troubles  circulatoires. 

La  durée  de  l'attaque  de  colique  varie  de  quelques  jours  à  plusieurs 
semaines.  La  guérison  se' fait  par  le  retour  des  selles  et  de  l'appétit;  les 
récidives  sont  extrêmement  fréquentes,  quelquefois  nombreuses. 

Sans  parler  des  divers  symptômes  d'intoxication  chronique  (troubles 
sensitifs  et  moteurs) ,  qui  coexistent  presque  toujours,  même  avec  la 
première  atteinte  de  colique,  à  laquelle  ils  préexistent  souvent,  les  véri- 
tables complications,  telles  que  l'encéphalopathie  et  la  paralysie  confir- 
mée, ne  surviennent  guère  que  dans  le  cours  des  premières  récidives. 

La  dyspepsie  cachectique,  consécutive  à  de  nombreuses  atteintes  de 
colique  ou  d'autres  manifestations  toxiques  graves ,  revêt  différentes 
lormes  liées  d'ordinaire  à  un  catarrhe  gastrique  ;  l'anorexie  en  est  le 
principal  symptôme. 

Des  nécropsies  empruntées  à  diverses  sources  et  analysées  parTanquerel, 
et  de  celle  de  Kussmaul  et  Maier,  il  ressort  que  le  plomb,  agissant  dès  le 
début  sur  le  tube  digestif,  y  produit  d'abord  des  lésions  hypertrophiques 
des  éléments  glandulaires  et  musculaires,  mais,  qu'à  la  longue,  son 
aclion  mène  à  l'atrophie.  Les  lésions  atrophiques  sont  les  suivantes  :  du 
côté  de  la  muqueuse  de  l'estomac  et  de  l'intestin  jusqu'à  la  partie  infé- 


.-,14  PLOMB.           INTOWCVMUN  CIIHOMQUE. 

rieure  du  colon,  atrophie  du  stroina  et  des  éléments  glandulaires  frappés 
de  dégénérescence  graisseuse  ;  la  tunique  celluleuse,  surtout  celle  de 
l'intestin,  offre  un  épaississement  scléreux  rétrécissant  le  calibre  des 
vaisseaux  ;  dégénération  graisseuse  de  la  tunique  musculaire,  spéciale- 
ment au  niveau  du  pylore  et  dans  l'intestin  grêle.  Enfin,  les  ganglions 
sympathiques ,  dont  la  lésion  avait  déjà  été  signalée  par  Tanquerel  et 
Segond,  sont  indurés,  ischémiés,  et  présentent  une  diminution  de  leurs 
cellules  nerveuses  (Kussmaul  etMaier). 

La  théorie  pathogénique  qui  s'accorde  le  mieux  avec  les  faits  connus 
jusqu'aujourd'hui,  est  celle  dans  laquelle  on  considère  la  colique  satur- 
nine comme  résultant  d'une  sorte  de  crampe  douloureuse  avec  parésie  et 
névralgie  intestinales.  Le  plomb  se  fixe  sur  les  éléments  de  l'intestin  dans 
lesquels  il  s'accumule  en  réserve,  sous  forme  d'une  poussière  noirâtre  de 
sulfure  (GubJcr  et  Quévenne),  soit  directement  par  ingestion,  soit  indi- 
rectement par  élimination. 

Les  causes  déterminantes  de  la  colique  sont  diverses  :  ingestion 
d'une  suffisante  quantité  de  plomb  en  un  temps  donné  ;  tendance  active 
à  l'élimination  digestive  du  poison  introduit  par  les  diverses  voies,  et 
suppression  de  son  élimination  rénale  ou  cutanée;  solubilisation,  mise 
«n  circulation  et  élimination  digestive  d'une  réserve  métallique  emma- 
gasinée, soit  à  la  surface  du  canal  alimentaire,  soit  dans  le  foie,  soit  enfin 
en  certains  points  de  l'organisme,  par  exemple,  dans  les  extrémités 
atteintes  d'intoxication  locale  par  absorption  cutanée  (Frank-Smith). 

La  solubilisation  du  plomb  est  facilitée  par  les  acides  (vins  acidulés, 
•vinaigre)  et  par  l'iodure  de  potassium.  Les  excès  alcooliques  favorisent  le 
développement  de  la  colique,  non  que  l'alcool  entrave,  par  son  passage  à 
travers  le  rein,  l'élimination  régulière  du  métal,  mais  plutôt  parce  que, 
activant  les  échanges  organiques  élémentaires,  il  déplace  le  métal  fixé 
dans  les  tissus  et  le  réintroduit  dans  le  sang  (Rosenthal). 

4°  Ictère.  —  L'ictère  hépatique,  plus  rare  que  ne  le  pensait  Tanque- 
rel, n'est  pas  nécessairement  sous  la  dépendance  de  la  colique,  car  il 
peut  se  rencontrer  chez  des  sujets  qui  n'ont  jamais  eu  de  colique,  et  on 
l'a  vu  disparaître  dans  le  paroxysme  des  douleurs.  Il  semble  devoir  être 
rattaché  à  la  sensibilité  morbide  et  à  la  rétraction  du  foie,  qui,  si  elles 
accompagnent  quelquefois  la  colique,  peuvent  aussi  exister  en  dehors 
d'elle,  d'une  façon  plus  ou  moins  permanente,  notamment  à  la  période 
cachectique  ;  le  canal  cholédoque  présente  alors  les  lésions  du  catarrhe 
chronique  (Kussmaul  et  Maier).  Dans  un  cas  d'embarras  gastro-intestinal, 
nous  avons  constaté  une  légère  hypertrophie  avec  sensibilité  morbide  du 
foie.  La  cirrhose  hépatique  a  d'ailleurs  été  observée  une  fois  par  Coute- 
not.  Les  recherches  chimiques  d'Heubel  ont  prouvé  que  le  foie  esL  un  des 
organes  dans  lesquels  le  plomb  s'accumule  le  plus.  Enfin  ,  ce  métal  s'éli- 
mine par  la  sécrétion  biliaire  qui  en  contient  des  proportions  faibles 
(Ilermann),  mais  cependant  appréciables.  On  ne  devra  point  confondre 
«et  ictère  vrai  avec  la  teinte  icléroïde  hématique  de  l'anémie  saturnine. 

Deux  autres  glandes  annexes  de  l'appareil  digestif,  le  pancréas  surtout 


PLOMB.    INTOXICATION   CHRONIQUE.  TROUBLES  CIRCULATOIRES.  515 

et  la  rate,  ne  paraissent  pas  avoir  suffisamment  fixé  l'attention  des 
observateurs.  Pourtant,  Mayençon  et  Bergeret  ont  trouvé  la  rate  impré- 
gnée d'une  forte  proportion  de  plomb  ingéré  ;  et  dans  un  certain  nombre 
de  nécropsies,  en  particulier  dans  celle  due  à  Négrié  et  rapportée  par 
Tafforin,  cet  organe  était  hypertrophié  et  ramolli.  Aussi  n'est-il  pas  éton- 
nant que  plusieurs  fois  nous  ayons  rencontré  de  la  sensibilité  morbide  à 
la  région  splénique. 

B.  Troubles  circulatoires.  —  Quelle  que  soit  sa  voie  d'absorption,  le 
plomb  pénètre  vite  dans  le  sang,  et  consécutivement  agit  sur  les  parois 
du  système  circulatoire,  d'où  une  anémie  spéciale  et  des  troubles  cardio- 
vasculaires. 

Le  sang  des  saturnins  renferme  en  permanence,  mais  en  très-petite 
quantité  en  debors  des  épiphénomènes  aigus,  ce  métal,  à  l'état  libre,  ou 
à  l'état  d'albuminatcs  (Buekheim,  Clams,  Lewald)  ;  il  existe  en  moins 
grande  abondance  dans  les  vaisseaux  (Lacnnec!,  et  présente  une  légère 
augmentation  de  la  fibrine  (Pope)  ;  ses  globules  rouges  sont  moins  nom- 
breux (Àndral  et  Gavarret,  Malassez),  deux  fois  moins  qu'à  l'état  sain,  et 
ils  ont  subi  une  augmentation  de  volume  ne  compensant  pas  leur  dimi- 
nution de  nombre  ;  ils  sont  devenus  moins  ducLiles  et  ebimiquement  plus 
fixes  (Bécbamp).  L'bypoglobulie,  se  produisant  rapidement,  s'effaçanl 
avec  lenteur,  et  susceptible  de  s'aggraver  après  l'écartcmcnt  de  la  cause, 
semble  par  conséquent  être  un  symptôme  d'empoisonnement  chronique; 
elle  se  montre  en  raison  directe  avec  l'âge  du  sujet,  l'intensité  et  la  durée 
de  l'intoxication  et  la  riebesse  du  milieu  professionnel  en  poussières 
plombiques.  Il  est  probable  qu'elle  résulte  d'une  diminution  dans  la 
production  des  globules  par  altération  de  leurs  organes  formateurs 
(Malassez) . 

Le  plomb  détermine,  d'après  Kussmaul,  de  la  rigidité  spasmodique  des 
fibres  musculaires  du  cœur,  qui  est  un  peu  plus  gros  que  normalement 
(Beau  et  Duroziez)  ;  contrairement  à  cette  hypertrophie,  Leudet  a,  dans 
deux  cas,  trouvé  une  véritable  atrophie  cardiaque.  V endocardite,  la 
dégénérescence  graisseuse  du  myocarde,  et  des  lésions  valvidaires  alhé- 
romateuscs  ont  été  signalées  par  Duroziez.  Les  artériolcs  de  la  plupart 
des  organes  ont  leur  calibre  diminué  et  leur  tunique  celluleuse  épaissie 
(Kussmaul  et  Maicr),  ce  qui  rend  leur  paroi  plus  rigide  (Malassez). 

La  résultante  complexe  de  ces  divers  états  pathologiques  constitue 
l'anémie  saturnine,  dont  la  notion  clinique  remonte  à  Stoll  et  à  de  Haën. 

Outre  le  ton  grisâtre,  dépendant  d'un  dépôt  de  sulfure  de  plomb  à  la 
surface  de  la  peau,  les  téguments,  spécialement  à  la  face,  prennent  urie 
teinte  jaune-pâle  fixe,  non  modifiable  par  les  émotions,  en  rapport  non- 
seulement  avec  l'appauvrissement  du  sang,  mais  encore  avec  la  rigidité  et 
le  rétrécissement  des  arlérioles  cutanées.  Dans  quelques  cas,  la  coloration 
jaune  devient  plus  marquée  et  s'étend  aux  conjonctives  oculaires;  très- 
probablemerut  produite  par  un  des  dérivés  de  riiématoïdinesous  l'influence 
«hromogène  des  sels  biliaires  (J.  Simon),  elle  doit  être  considérée  comme 
symptomalique  d'une  profonde  altération  du  sang.  Celte  teinte  ictéroïdt 


31G  PLOMIi.   —   INTOXICATION    CHRONIQUi:.   TMOUlil.ES  CIIICUI.ATOIRES. 

htfmatique  est  plus  fauve,  moins  franche  que  dans  l'ictère  hépatique, 
dont  elle  diffère  d'ailleurs  par  les  caractères  de  l'urine. 

En  dehors  de  la  période  aiguë  de  certains  cas  exceptionnels  de  colique, 
le  pouls,  petit,  mou,  facilement  dépressihle,  parfois  irrégulier,  tomhe  à 
50  et  40  pulsations  par  minute.  Ce  ralentissement  reconnaît  des  causes 
diverses.  D'une  manière  générale,  l'affaiblissement  de  vitalité  des  élé- 
ments anatomiques  n'est  plus  compatible  avec  une  circulation  active  ; 
d'autre  part,  la  rigidité  des  vaisseaux  apporte  un  retard  au  cours  du  sang, 
car  la  rigidité  des  canaux  diminue  le  débit  d'un  courant  intermittent 
(Marey).  La  macrocythémic  elle-même  rend  le  sang  moins  fluide,  par  la 
difficulté  que  les  globules  plus  volumineux  et  moins  malléables  éprouvent 
à  circuler  dans  les  capillaires  (Malassez).  Il  n'est  pas  jusqu'à  la  présence  du 
plomb  dans  le  sang  qui  ne  contribue  pour  sa  part  à  ce  ralentissement  du 
pouls,  puisque  Potain  et  Malassez  ont  constaté  que  du  sérum  contenant 
1  millième  d'acétate  de  plomb  passe  plus  lentement  dans  un  tube  capil- 
laire que  du  sérum  pur.  Nous  citerons  enfin  l'ictère  dont  l'action  modé- 
ratrice du  pouls  esl  si  énergique. 

Le  tracé  sphygmique  des  saturnins  chroniques  est  pathognomonique 
(Marey,  Bondet,  Lorain).  11  offre  un  plateau  ondulé  par  des  ressauts,  qui 
donnent  à  la  pulsation  un  caractère  tricrote  et  même  polycrole,  dû,  selon 


Fig.  24.  —  Tracé  sphjgmiquo.  Colique  au  deuxième  jour  (OIjs.  XXIX  de  notre  thèse). 

Marey,  à  une  anomalie  dans  la  contraction  ventticulaire  cardiaque.  La 
ligne  de  descente  est  tremblée  par  une  suite  de  brèves  ondulations 
isochrones,  résultant  d'une  légère  trémulation  musculaire  ordinairement 
invisible.  Il  apparaît  constamment  dans  la  période  aiguë  de  la  colique  un 
tracé  analogue,  ayant  une  ligne  ascensionnelle  courte  et  inclinée,  avec 
plateau  à  rebondissements,  mais  dont  la  ligne  de  descente  est  rectiligne. 
Teissier  fils,  de  Lyon,  attribue  ces  caractères  du  pouls  à  un  état  spasmo- 
dique  musculaire  des  artères. 

Hitzig  a  remarqué  sur  les  veines  superficielles  du  dos  des  mains  et  des 
avant-bras,  surtout  aux  points  d'abouchement,  des  zones  de  contraction 
leur  donnant  une  apparence  moniliforme;  cette  contracture  annulaire 
des  fibres  transversales  était  temporaire  et  s'exagérait  par  les  efforts.  Les 
veines  n'étaient  d'ailleurs  ni  variqueuses,  ni  indurées.  Nous  reviendrons 
sur  le  rôle  important  que  cet  auteur  fait  jouer  au  système  circulatoire, 
surtout  veineux,  dans  la  pathogénie  de  la  paralysie. 

Les  troubles  cardiaques  manquent  parfois  au  début  ;  mais  on  observe 
assez  souvent,  en  particulier  dans  la  période  de  cachexie,  des  pal  pi  talions 
et  un  impulsion  exagérée.  Nous  avons  vu  un  peintre  gaucher,  atteint  de 
troubles  sensitifs  de  la  moitié  gauche  du  corps,  surtout  au  membre  supé- 
rieur, ressentira  plusieurs  reprises  une  violente  douleur  canliahjHpw 


PLOMB.    —   INTOXICATION  CHRONIQUE.   TROUBLES  RESPIRATOIRES.  517 

s'irradiant  dans  le  bras  et  le  cou  de  ce  côté.  L'auscultation  révèle  en  outre 
des  bruits  de  souffle  cardiaques  el  vasculaires  de  cause  anémique  el 
même  organique  (Duroziez).  Avec  le  stéthoscope  déprimant  légèrement 
les  gros  vaisseaux  du  cou  et  du  pli  du  coude,  nous  avons  perçu  des  bruits 
de  souffle,  quelquefois  doubles,  même  en  l'absence  du  souffle  cardiaque; 
il  s'en  est  parfois  produit  dans  les  vaisseaux  du  pli  du  coude,  sans  qu'il 
y  en  eût  à  ceux  du  cou.  Bien  plus,  chez  un  peintre  droitier,  paralysé  de 
la  sensibilité  aux  membres  supérieurs,  surtout  à  droite,  présentant  un 
souffle  exclusivement  au  pli  du  coude,  ce  bruit  se  montra  plus  intense  à 
droite,  où  il  était  en  tout  comparable  au  bruit  d'un  générateur  à  vapeur. 
On  a  trouvé,  en  dehors  de  l'insuffisance  aortique,  un  double  souffle 
crural  artériel,  encore  inexpliqué.  Le  frémissement  des  veines  jugulaires 
se  rencontre  rarement.  Le  saturnisme  produit  encore  des  péricardites 
(Andral),  le  plus  souvent  chroniques,  affectant  quelquefois  une  forme 
aiguë. 

Il  est  regrettable  qu'on  ne  connaisse  rieu  de  l'état  du  système  lympha- 
tique (vaisseaux  et  ganglions);  ses  altérations  que  rend  probables  la  fré- 
quence de  l'érysipèlc  et  de  la  lymphangite,  seraient  pourtant  très-intéres- 
santes à  connaître  au  point  de  vue  pathogénique. 

C.  Ti^oubles  respiratoires .  —  Les  expériences  de  Rosenthal  sur  les 
animaux  ont  prouvé  que  les  particules  de  blanc  de  plomb  pénètrent  par 
inhalation  jusque  dans  les  petites  bronches.  Chez  des  chevaux  employés 
dans  les  fabriques  de  céruse  et  morts  saturnins,  on  a  constaté,  entre  autres 
désordres  graves  de  l'appareil  respiratoire,  une  atrophie  du  nerf  récurrent 
et  une  dégénérescence  graisseuse  des  muscles  dilatateurs  de  la  glotte 
(Gùnther,  Gurlt  et  Ilertwig).  Vaphonie  s'observe  d'ailleurs  quelquefois 
chez  l'homme  (Pariset,  Tanquerel). 

Les  troubles  respiratoires  se  montrent  sous  deux  formes  bien  différentes. 
L'asthme  aigu,  de  cause  externe,  est  cliniquement  caractérisé  par  une 
dyspnée  paroxystique  et  des  quintes  de  toux  pénibles,  avec  rares  crachats 
muqueux,  grisâtres,  et  un  abondant  écoulement  de  mucus  nasal,  cons- 
tamment plombifère  ;  l'auscultation  fait  percevoir  de  simples  râles 
vibrants  de  bronchite.  Cette  forme  dure  de  quelques  heures  à  huit  et  douze 
jours  ;  la  réaction  fébrile  est  faible  ou  nulle.  Lewy  a  trouvé  les  plus  petits 
rameaux  bronchiques  remplis  et  partiellement  obstrués  de  parcelles 
saturnines.  La  muqueuse  bronchique,  recouverte  d'un  exsudât  grisâtre, 
visqueux,  plombifère,  est  rouge,  gonflée,  ecchymosée  et  même  parsemée 
de  plaques  blanches  et  grises,  au  niveau  desquelles  le  tissu  pulmonaire 
est  cirrhosé.  Sur  les  animaux,  la  muqueuse  des  grosses  bronches  a  pré- 
senté des  ulcérations  arrondies,  isolées,  de  la  dimension  d'une  tète 
d'épingle. 

Vasthme  chronique,  déjà  mentionné  par  Sauvages,  succède  à  de  nom- 
breuses attaques  de  la  forme  aiguë,  ou  apparaît  chez  des  ouvriers  cachec- 
tiques ou  des  convalescents  d'affections  thoraciques  graves,  qui  ont  repris 
trop  tôt  le  travail;  nous  l'avons  rencontré  affectant  des  ouvriers  exposés  à 
l'inspiration  dépoussières  ou  de  vapeurs  plombiques.  Là,  plus  qu'ailleurs, 


318        PLOMB.    INTOXICATION  I  IIISONIQUE.  TROUBLES  GÉNITO-UIII.NAIRES. 

il  est  nécessaire  de  tenir  compte  de  la  prédisposition  individuelle.  La 
toux  est  sèche,  par  accès  paroxystiques  prolongés;  expectoration  peu 
abondante  de  mucosités  toujours  plombières  ;  oppression  extrême;  les 
hydropisies  surviennent;  les  râles  vibrants  du  début  sont  remplacés  par 
il*  fines  bulles  humides,  éclatant  à  la  base  des  poumons  œdématiés.  Cet 
asthme  conduit  à  l'emphysème;  à  la  pneumoconiose  saturnine,  avec 
complication  de  pneumonie  caséeuse  chronique. 

L'antagonisme  entre  le  saturnisme  et  la  phlhisie  tuberculeuse,  admis 
par  Tanquerel,  Beau  et  Pidoux,  était  journellement  démenti  par  les  faits, 
lorsque  Hirt  démontra  par  sa  statistique  que  la  tuberculose  est  près  de 
deux  fois  plus  fréquente  chez  les  ouvriers  qui  manient  le  plomb  que  chez 
ceux  qui  travaillent  le  fer  ou  le  cuivre. 

D.  Troubles  génilo-urinaires.  — 1°  Troubles  urinaires . — Les  reins 
sont  le  pr  incipal  émonctoire  du  plomb,  dont  l'analyse  chimique  décèle  la 
présence  dans  les  urines  (Orlila).  L'élimination  de  ce  métal,  variable  et 
intermittente,  est  favorisée  et  rendue  continue  par  l'administration  de 
l'iodure  (Guillot  et  Melsens,  Parkes)  et  peut-être  du  bromure  de  potassium 
(Rabuteau,  Bucquoy,  Banzolini,  Gueneau  de  Mussy  et  Gubler),  qui  le 
transforment  en  sel  double  soluble.  Chez  les  albuminuriques,  le  plomb 
s'éliminerait  à  l'état  d'albuminate  (Lewald). 

Pendant  la  période  d'anémie  initiale,  l'urine  est  souvent  peu  acide,  et 
dans  certains  cas,  neutre  ou  alcaline  (A.  Robin).  A  un  degré  un  peu  plus 
avancé,  elle  prend  une  couleur  rappelant  celle  du  vieux  vin  du  Rhin;  et 
plus  tard,  quand  la  cachexie  est  confirmée,  elle  ressemble  à  l'urine  icté- 
rique,  mais  n'a  pas  de  reflet  verdàtre  :  l'acide  nitrique  lui  donne  une  colo- 
ration acajou,  sans  produire  la  réaction  spectrale  de  la  matière  colorante 
biliaire;  elle  tache  le  linge  en  rose-saumon.  Sa  quantité  diminue;  l'acide 
urique  paraît  souvent  un  peu  augmenté,  probablement  par  concentration. 
En  général,  cette  urine  coexiste  avec  l'ictère  hématique  ;  on  suppose 
qu'elle  doit  alors  sa  teinte  à  un  dérivé  de  l'hématoïdine  en  excès  dans  le 
sang,  par  suite  tout  à  la  fois  d'une  déglobulisation  rapide  et  d'une  insuffi- 
sance hépatique  [urine  hémaphéique  de  Gubler).  Dans  les  cas  rares  d'ic- 
tère vrai,  l'urine  donne  les  réactions  caractéristiques  des  acides  et  de  la 
matière  colorante  de  la  bile. 

Que  la  cachexie  toxique  arrive  à  un  haut  degré,  ou  que  des  épiphéno- 
mènes  variables  (coliques,  accidents  cérébro-spinaux)  viennent  à  se  dé- 
clarer, X albumine  du  sérum,  en  excès  dans  le  sang  par  rapport  aux  glo- 
bules détruits,  tend  à  s'éliminer  par  les  urines;  et  d'autre  part,  les 
principes  de  désassimilation,  ne  subissant  plus  une  combustion  suffisante 
pour  évoluer  en  urée,  s'éliminent  à  l'état  d'acide  urique.  C'est  ainsi  que 
de  l'albumine  et  des  dépôts  uratiques,  colorés  par  l'acide  rosacique,  et 
ayant  l'aspect  de  la  brique  pilée  ou  du  minium,  apparaissent  dans  l'urine, 
temporairement  pendant  un  épiphénomène  aigu,  définitivement  quand  la 
cachexie  poursuit  sa  marche  progressive.  Un  de  nos  malades,  en  proie  à 
des  coliques  depuis  huit  jours,  et  émettant  une  urine  uratique  et  mu- 
queuse, avait  les  reins  très  douloureux  à  la  pression.  Chez  un  aulrc.  au 


PLOMB.    INTOXICATION   CHRONIQUE.  TROUM.ES  GÉNITO-URINAIRES.  51'.» 

septième  jour  d'une  récidive  de  coliques,  nous  avons  trouvé  un  peu  de 
sucre  dans  les  urines,  légèrement  muqueuses,  mais  non  albumineuses; 
la  douleur  au  foie,  ressentie  par  ce  dernier,  pouvait  faire  penser  à  une 
glycosurie  de  cause  hépatique. 

Enfin,  les  urines  des  saturnins  arrivés  à  la  période  terminale  de  cachexie 
anémique  sont  pâles,  de  faible  densité,  parfois  alcalines;  elles  se  colorent 
très-peu  sous  l'influence  de  l'acide  nitrique;  l'albuminurie  se  produit, 
dans  quelques  cas,  avec  des  œdèmes,  et  trahit  alors  une  profonde  allé- 
ration  rénale. 

Le  plomb  se  trouve  en  assez  forte  proportion  dans  le  rein.  Les  lésions 
atrophiques  de  cet  organe,  que  Rayer  et  d'autres  avaient  signalées  chez 
les  saturnins,  ont  été  rattachées  par  Ollivier  à  l'élimination  urinaire  pro- 
longée du  métal;  mais  on  est  aujourd'hui  conduit  à  admettre  que  ces  lé- 
sions, quand  elles  existent,  sont  seulement  consécutives  à  l'albuminurie 
d'origine  humorale  et  cachectique.  Les  descriptions  de  Garrod,  Lance- 
reaux,  Grainger-Stewart,  Dickinson  et  Robert,  ont  été  complétées  par  les 
constatations  microscopiques  de  Charcot,  Gombault  et  Kelsch.  Le  rein 
est  petit,  dur  à  la  coupe;  sa  substance  corticale,  réduile  à  une  couche 
mince,  présente  quelquefois  à  sa  surface  des  granulations  jaunâtres  ou 
rosées,  plus  ou  moins  dures.  La  seule  portion  à  peu  près  intacte  est  celle 
qui  correspond  à  tous  les  tubes  collecteurs.  La  substance  corticale  est 
très-altérée;  entre  les  tubes  contournés  et  dans  leur  épitbélium  se  mon- 
trent des  cellules  embryonnaires,  qui  plus  tard  s'organisent  par  place  en 
tissu  fibreux.  Modifications  analogues  des  glomérules,  qui,  le  plus  sou- 
vent, subissent  la  transformation  colloïde.  Cette  néphrite  interstitielle 
atrophique  s'accompagne  d'une  albuminurie,  avec  lésions  oculaires,  or- 
dinairement non  compliquée  d'oedème,  mais  susceptible  d'exposer  à  l'en- 
céphalopalhie  urémique  (Danjoy). 

Dans  la  colique,  l'émission  des  urines  peut  se  faire  avec  difficulté  et 
même  avec  douleur  (strangurie). 

2°  Troubles  génitaux.  —  Le  plomb  fait  sentir  son  action  jusque  sur  la 
vie  de  l'espèce.  D'après  Pallas,  la  céruse  a  souvent  servi,  en  Russie,  à 
rendre  les  filles  stériles.  Le  saturnisme  chronique,  môme  du  côté  du  père, 
prédispose  aux  avortemenls  (C.  Paul).  Le  passage  du  métal  de  la  mère 
dans  les  organes  du  fœtus  a  été  démontré  chimiquement.  La  grande  mor- 
talité des  enfants  d'ouvriers  saturnins,  par  maladies  nerveuses,  notée 
d'abord  en  Angleterre  au  sujet  des  potiers  du  Straffordshire,  a  été  con- 
firmée par  la  statistique  de  Roque,  qui  a  montré  de  plus  que  les  survivants 
étaient  fréquemments  atteints  d'idiotie,  d'imbécillité  et  d'épilepsie  (sa- 
turnisme héréditaire) . 

Il  eût  été  étrange  qu'agissant  sur  le  produit  de  la  conception,  par  le 
père  et  la  mère,  le  plomb  restât  sans  influence  sur  les  fonctions  génitales, 
comme  l'ont  avancé  les  auteurs  (fui  se  sont  occupés  de  la  question.  Nous 
avons  en  effet  signalé,  dans  notre  thèse  (1873),  chez  deux  peintres  de 
trente -deux  et  trente -quatre  ans  et  un  cérusier  de  vingt-huit  ans,  de 
Vanaphrodisie,  allant,  pour  le  premier,  jusqu'à  Vimpuissanee;  et  der- 


520     PLOMB.  INTOXICATION  CHRONIQUE.  TROUBLES  NERVEUX  ET  LOCOMOTEURS. 

nièrement,  l'anapbrodisie  a  été  observée  sur  la  femme  elle-même  (Ducamp). 
Ainsi  se  trouve  justifié  l'emploi  des  ceintures  antiaphrodisiaqiies  en  plomb 
chez  les  anciens.  Lieutaud  prescrivait  l'acétate  de  plomb  à  l'intérieur 
contre  la  nymphomanie. 

E.  Troubles  nerveux el  locomoteurs.  —  1°  Encéphalopathie.  —  L'en- 
céphalopathie  est  beaucoup  plus  rare  (un  quart  des  cas)  et  plus  tardive 
que  la  colique;  elle  n'apparaît  guère  qu'après  dix  et  même  vingt  ans  de 
travail  à  la  peinture,  et  dans  la  première  année,  parfois  dès  le  quatrième 
mois  chez  les  ouvriers  en  céruse  et  minium.  Elle  se  développe  d'ordinaire 
à  l'occasion  d'une  violente  récidive  de  colique,  le  plus  souvent  à  titre  de 
complication  initiale  ou  terminale;  quelquefois  néanmoins  les  coliques  et 
l'encéphalopatliie  débutent  simultanément,  el  ont  une  importance  à  peu 
près  égale,  de  sorte  qu'elles  doivent  cire  considérées  comme  simplement 
concomitantes  ;  plus  rarement  enfin,  les  accidents  cérébraux  prédominent, 
et  les  coliques  semblent  en  être  une  complication;  mais  celles-ci  ne  font 
presque  jamais  complètement  défaut. 

Dans  la  moitié  des  cas,  l'encéphalopatliie  est  annoncée  par  des  pro- 
dromes, un  jour  ou  quelques  heures  à  l'avance.  Ce  sont  des  symptômes 
cérébraux:  céphalalgie,  vertiges,  assoupissement  pendant  le  jour,  insom- 
nie ou  tout  au  moins  agitation  la  nuit  ;  hébétude  du  regard,  éblouisse- 
ments,  diplopie,  strabisme,  modifications  pupillaires,  amblyopie,  altéra- 
tions du  goût,  parfois  dysphagie  ou  sensation  de  constriction  au  pharynx  ; 
engourdissement,  fourmillements  et  prostration.  On  observe,  en  outre, 
de  l'agitation,  de  la  crainte,  de  la  tristesse,  de  l'inquiétude  ou,  au  con- 
traire, une  indifférence  absolue.  Du  côté  de  l'état  général,  il  y  a  accélé- 
ration du  pouls,  et  l'urine,  on  l'a  vu,  devient  fréquemment  albumineuse 
et  uratique.  Quand  les  coliques  préexistent,  presque  toujours  avec  des 
troubles  cérébraux  concomitants  plus  ou  moins  marqués,  le  pronostic 
de  complication  encéphalopathique,  beaucoup  plus  difficile,  ne  pourra 
se  baser  que  sur  la  multiplicité  et  l'intensité  croissantes  de  ces  symptômes 
nerveux  centraux,  l'insomnie  absolue,  l'accélération  du  pouls  et  les  alté- 
rations possibles  des  urines.  Chez  les  autres  malades,  le  saturnisme  cé- 
rébral éclate  d'emblée  par  une  attaque  épileptiforme  ou  un  état  comateux 
apoplectique  avec  ou  sans  paralysie. 

L'encéphalopatliie  revêt  des  formes  délirante,  convulsive,  comateuse  et 
paralytique. 

Forme  délirante.  —  Le  délire,  qui  survient  dans  un  quart  des  cas.  ésl 
irrégulier  et  variable,  partiel  ou  général,  quelquefois  tranquille,  avec 
une  simple  divagation  dans  les  idées,  pouvant  se  traduire  par  des  paroles 
et  des  actes  étranges,  et  se  compliquer  d'hallucinations  de  la  vue  et  de 
l'ouïe  ;  le  plus  souvent,  il  est  d'emblée  ou  devient  agité  et  furieux,  avec 
incohérence  des  idées.  Le  malade  se  croit  malheureux,  rarement  heu- 
reux (variété  raisonnante  de  Grisolle)  ;  mais  toujours  il  y  a  désaccord 
entre  la  nature  du  délire  et  la  physionomie  qui  reste  impassible  (Tanque- 
rel).  Chez  les  trois  quarts  des  sujets,  le  délire  est  paroxystique  ou  tout  à 
fait  intermittent.  Il  y  a  parfois  abolition  complète  de  la  sensibilité:  le 


PLOMB.           INTOXICATION  CHItONIQUE.  TliOUBLES  XEftVEUX  ET  LOCOMOTEUUS.  521 

pouls  est  constamment  petit.  Quelques  malades  meurent  sidérés  par 
l'aggravation  du  mal;  d'autres  se  tuent  dans  un  accès  de  fureur.  Quand 
le  retour  à  la  santé  doit  avoir  lieu,  d'ordinaire,  après  un  ou  deux  jours 
de  durée,  le  calme  survient;  le  patient  s'endort  et  se  réveille  guéri,  sans 
se  rappeler  ce  qui  s'est  passé  pendant  l'accès.  En  général,  la  forme  déli- 
rante est  suivie  de  convulsions  ou  de  coma. 

Forme  convulsive.  —  Cette  forme,  la  plus  fréquente  de  toutes,  est 
quelquefois  représentée  seulement  par  des  convulsions  sans  perte  de 
connaissance,  mais  avec  un  certain  degré  de  stupeur.  Celles-ci  sont 
générales,  débutant  alors  ordinairement  par  un  tremblement  généralisé 
(Compendium),  ou  partielles,  siégeant  à  la  face,  dans  un  ou  plusieurs 
membres  ou  dans  un  groupe  de  muscles.  Le  plus  souvent  cloniques,  elles 
peuvent  être  toniques  et  donner  lieu  à  un  état  semi-tétanique  avec 
opisthotonos  (Nivet). 

A  un  degré  de  plus,  l'encéphalopathie  épileptiforme  consiste,  excep- 
tionnellement, en  un  simple  vertige,  avec  perte  de  connaissance  et  de 
sensibilité,  ou  presque  toujours  en  une  attaque  convulsive  complète, 
comme  dans  l'accès  épileptique  véritable,  dont  elle  diffère  pourtant.  En 
effet,  il  n'y  a  point  d'aura  précurseur  (Grisolle,  Tanquerel),  mais  quel- 
quefois une  sensation  de  tournoiement  et  rarement  un  cri  initial;  en 
outre,  le  vertige  simple  se  prolonge  beaucoup  plus  (quelques  heures)  que 
dans  l'épilcpsie,  et  la  stupeur  consécutive  est  plus  marquée.  Enfin,  Tan- 
querel donne  l'intensité  de  la  raideur  tétanique,  comme  un  caractère 
important  de  l'accès  convulsif  épileptiforme.  Jaccoud  a  observé  dans 
cette  forme  des  symptômes  médullaires  :  mouvements  automatiques,  con- 
tractures,, parésie  sensitive  et  motrice  des  membres  inférieurs  et,  moins 
fréquemment,  mouvements  involontaires  de  déglutition  et  rétention 
d'urine;  c'est  a(in  de  tenir  compte  de  ces  phénomènes  afférents  à  la 
moelle  que  ce  clinicien  a  proposé  pour  l'encéphalopathie  la  dénomina- 
tion de  saturnisme  cérébro-spinal.  L'attaque  de  convulsion  épileptiforme 
se  termine  par  de  la  sterteur,  qui  se  dissipe  peu  à  peu,  ou  parfois  par  un 
état  apoplectique  souvent  fatal  (Stoll).  La  mort  survient,  soit  à  la  fin 
d'un  premier  accès,  soit  après  plusieurs  accès  s'étant  succédé  coup  sur 
coup,  séparés  dans  certains  cas  par  du  délire  furieux,  et  devenant  bien- 
tôt subintrants.  Les  accès  calaleptiformes  (Tanquerel)  sont  très  rares. 

Lewis  a  observé  des  accès  hystériques  chez  de  jeunes  ouvrières.  Selon 
Auguste  Voisin,  Yépilepsie  vraie  serait  une  des  conséquences  éloignées  du 
saturnisme. 

Les  animaux  :  chiens,  chats,  oiseaux,  qui  hantent  les  ateliers,  meu- 
rent presque  tous  de  convulsions. 

Forme  comateuse.  —  Le  coma  n'existe  guère  à  l'état  isolé  ;  d'ordi- 
naire, il  s'établit  après  un  accès  convulsif  ou  de  délire,  avec  lequel  on 
le  voit  aussi  alterner. 

Forme  paralytique,  —  Dans  la  moitié  des  cas,  la  série  dos  accidents 
cérébraux  débute  soudain  par  une  paralysie  absolue,  sensitive  et  motrice, 
rarement  des  deux  membres  supérieurs  ou  inférieurs,  le  plus  souvent. 

KOUV.  MCT.  MLD.  £T  CHIR.  XXVIII.    21 


522  PLOMB.  —  intoxication  chronique.  tuoubi.es  nerveux  et  locomoteurs. 

hémiplégique,  parfois  limitée  à  une  moitié  de  la  face  et  au  membre- 
supérieur  correspondant.  Cette  même  paralysie  peut  n'apparaître  que 
dans  le  cours  ou  au  stade  terminal  de  l'encéplialopalbie;  elle  s'associe 
également  bien  au  coma,  au  délire  et  aux  accès  épileptiformes.  Bien 
qu'elle  soit  accompagnée  de  troubles  de  la  parole  et  d'altération  des  sens, 
indices  de  l'atteinte  portée  à  l'encéphale,  elle  offre  néanmoins,  chez  les 
ouvriers  saturnins,  cette  particularité  intéressante  de  siéger  généralement 
sur  la  moitié  à  laquelle  appartient  le  membre  supérieur  le  plus  en  rap- 
port avec  le  poison  plombique;  ce  qui  semble  indiquer,  parfois  du  moins, 
une  certaine  relation  d'origine  avec  la  paralysie  locale  par  absorption  cuta- 
née, qui  dans  ce  cas  lui  préexiste  probablement  toujours.  En  dehors  de 
toute  explication,  ces  faits  constituent  une  véritable  forme  paralytique  de 
l'eaacéphalopathie  qui  méritait  d'être  classée  à  part.  Cette  paralysie, 
d'ailleurs  curable,  marchant  même  assez  vite  vers  l'amélioration,  ne 
devra  pas  être  confondue  avec  celle  qui  s'établit  lentement  dans  la  con- 
valescence et  se  montre  progressivement  croissante, 

Vamblyopie  et  Mamaurose  ont  été  observées  dans  les  divers  stades  des 
accidents  cérébraux,  auxquels  elles  peuvent  même  survivre  quelque  temps. 

Les  récidives  de  l'encéplialopalbie  sont  fréquentes. 

Enfin,  comme  modalités  rares  du  saturnisme  cérébral,  nous  devons 
encore  mentionner  la  paralysie  générale  (Delasiauve,  Devouges,  Bour- 
desol,  Marcé,  Falret  et  Bucquoy),  et  une  forme  hydrophobique  (Mon- 
tault). 

Lecerveau  des  saturnins  contient  incontestablement  du  plomb  (Devergie. 
Tanquerel,  Empis  et  Robinet,  Guillot  et  Melsens,  Vulpian  et  Personne)  ; 
il  est  peu  probable  que  le  dépôt  métallique  se  localise  dans  les  tuniques 
artérielles  (Rosenslein)  à  l'exclusion  de  la  substance  cérébrale,  comme 
on  a  cru  l'avoir  démontré  par  l'analyse  du  cerveau  d'un  malade  mort 
d'encéphalopathie  dans  le  service  de  Moutard-Martin  ;  il  ne  suffisait  pas, 
dans  ce  cas,  de  constater  l'absence  du  plomb  dans  l'encéphale  dépouillé 
de  ses  enveloppes  et  étanche  de  sang  ;  il  eut,  de  plus,  fallu  démontrer 
directement  la  présence  du  métal  dans  les  méninges. 

Chez  les  sujets  ayant  succombé  à  l'encéphalopatbie,  le  cerveau  offre 
un  aspect  caractéristique.  Il  est  ischémié,  d'où  pâleur  de  la  substance 
grise,  et  quelquefois  œdémateux;  souvent  jaunâtre,  icléroi'Je,  il  est 
ferme,  résistant,  donnant,  sous  le  doigt  qui  l'écrase,  la  sensation  molle 
et  collante  de  la  pâte  de  guimauve  (Martin-Solon)  ;  ses  circonvolutions, 
aplaties  et  serrées  les  unes  contre  les  autres,  le  font  paraître  hypertro- 
phié (Tanquerel  et  Grisolle).  Nous  ne  rejeterons  pas  absolument  les 
constatations  analomicjues  de  Thomas,  de  Canuet  et  d'Amiral,  rela- 
tives à  un  ramollissement  des  centres  nerveux,  car  une  nécropsie  de 
Négrié  a  montré  un  peu  de  ramollissement,  des  congestions  et  des  noyaux 
apoplcctilbrmcs  dans  l'encéphale  d'un  sujet  mort  d'encéphalopathie 
mixte  (Tafforin). 

Les  méthodes  hislologiques  actuelles  ont  été  jusqu'ici  impuissantes  à 
révéler  aucune  lésion  appréciable. 


l'LOMB.  —  LNTom.vnuJi  chronique,  troubles  nerveux  et  locomoteurs.  ô2ô 

que  les  accidents  cérébraux  saturnins  aient  pu,  dans  des  cas  excep- 
tionnels, reconnailre  une  origine  uréiniqne,  ce  qui  ne  parait  pas  rigou 
rcusenient  établi,  on  ne  doit  point  considérer  l'urémie  comme  leur  cause 
générale.  La  théorie  palhogénique  la  plus  communément  acceptée  est 
celle  île  l'anémie  cérébrale  résultant  du  spasme  musculaire  des  petits  vais- 
seaux (Rosenstein),  ou  de  la  compression  par  l'œdème  interstitiel  (lleubel). 
Nous  rapprochant  plutôt  de  l'opinion  de  llermann,  nous  croyons  à  une 
action  primitive  du  plomb  sur  le  système  nerveux  central,  qui  se  mani- 
festerait lorsque  ce  métal  s'y  sciait  accumulé  en  quantité  suffisante. 

2°  Douleurs  rhumatoïdes. —  Goulle.  —  Ostéo-arlhriles.  —  Les  dou- 
leurs rhumatoïdes  mobiles,  si  fréquentes  chez  les  saturnins,  siègent 
principalement  dans  les  muscles  (myalgie),  les  articulations  et  les  tissus 
libreux  et  tendineux  qui  les  avoisinent  (arlbralgie),  et  par  exception 
dans  la  substance  même  des  os.  Variables  dans  leur  nature,  elles  affectent 
toutes  les  formes  et  tous  les  degrés,  depuis  les  simples  sensations  de  las- 
situde, de  courbature  et  de  raideur  pénible,  jusqu'aux  véritables  dou- 
leurs contusives,  constrictives,  lancinantes  et  dilacérantcs.  Elles  sont 
tantôt  spontanées,  fréquemment  avec  exacerbations  nocturnes,  tantôt,  et 
plus  rarement,  accrues  ou  provoquées  par  les  mouvements  et  la  pression 
brusque  (endolorisscment),  bien  qu'il  survienne  d'ordinaire  de  sensibles 
rémissions  sous  l'influence  d'une  compression  méthodique  ;  la  chaleur 
les  calme  quelquefois,  les  exaspère  souvent.  Enfin  nous  avons  vu,  dans 
le  cours  de  la  cachexie,  des  cas  rares,  le  hasard  néanmoins  vient  encore 
de  nous  en  fournir  deux,  avec  rougeur  et  gonflement  limités  à  de  grandes 
articulations  et  même  diffus,  à  évolution  rapide,  mais  toujours  sans  appa- 
reil fébrile.  Ce  sont  probablement  des  faits  semblables  que  les  anciens 
auteurs,  Sauvages  en  particulier,  entendaient  désigner  sous  le  nom  de 
rh  umalisme  métallique. 

Ces  duulcurs  se  font  sentir  à  peu  près  également  dans  les  membres 
supérieurs  et  inférieurs,  avec  une  légère  prédominance  pour  les  derniers. 
Les  muscles  le  plus  souvent  atteints  sont  ceux  du  côté  de  la  flexion  :  aux 
membres  supérieurs,  les  muscles  des  bras,  surtout  le  biceps,  et  aux  infé- 
rieurs, ceux  des  jambes,  spécialement  des  mollets.  Leur  siège  de  prédi- 
lection dans  les  parties  les  plus  rapprochées  du  point  d'absorption  cuta- 
née du  plomb,  chez  les  ouvriers,  doit  souvent  les  faire  classer  parmi  les 
accidents  directs. 

Les  douleurs  rhumatoïdes  peuvent  coïncider  en  une  même  région  avec 
l'analgésie  proprement  dite  (analgésie  douloureuse)  ;  mais  nous  avons 
prouvé  qu'elles  cessent  de  se  produire  dès  qu'il  y  a  anodynie  (a  priv.,  et 
Sôûvï),  soulfrauce),  c'est-à-dire  si,  à  la  suite  d'une  brûlure,  par  exemple, 
il  ne  se  développe  pas  ultérieuremnt  de  douleurs  liées  au  processus  in- 
flammatoire. Un  membre  analgésie  n'est  donc  susceptible  de  douleurs 
spontanées  qu'autant  qu'il  a  conservé  son  odynie  intacte.  Comme  l'odyuie 
parait  avoir  pour  conducteurs  les  fileis  nerveux  du  grand  sympathique, 
il  en  résulte  (pic  ces  derniers  sont  très  vraisemblablement  le  siège  unato- 
mique  des  douleurs  rhumatoïdes. 


324    PLOMB.  —  INTOXICATION  CHIIOK1QUE.  TBOIBLKS  NEllVEUX  KT  LOCOMOTEURS. 

De  ces  douleurs,  nous  rapprocherons  les  névralgies,  parfois  intercos- 
tales (Rosenlhal),  qui  semblent,  liées  à  la  dyserasie  anémique. 

Quant  à  la  goutle  saturnine,  mentionnée  dès  1752  en  Angleterre  par 
Musgrave,  au  sujet  de  la  colique  du  Dcvonshire,  et  nettement  indiquée 
par  11.  Parry  (1808),  sa  notion  lut  introduite  en  France  en  1854,  avec 
la  traduction  de  l'ouvrage  de  Gan  od,  où  se  trouvait  formulée  la  tendance 
des  ouvriers  saturnins  anglais  à  contracter  cette  affection.  En  France  la 
goutte,  rare  d'ailleurs  dans  la  classe  ouvrière,  s'est  retrouvée,  mais  peu 
fréquente,  chez  les  saturnins.  La  plupart  des  observateurs  n'accordent  à 
l'intoxication  qu'une  influence  adjuvante  dans  la  production  de  cette 
maladie.  Il  existe  pourtant  des  cas  dans  lesquels,  en  l'absence  de  prédis- 
position héréditaire  et  avec  un  genre  de  vie  opposé  à  celui  des  goutteux, 
on  ne  découvre  d'autre  cause  appréciable  que  le  saturnisme  (Cbarcot, 
Ollivier,  Bailley,  bucquoy,  Lancereaux,  Brouardel,  Pinel  et  Ilalmagrand). 
On  a  remarqué  que  la  goutte  provient  en  général  de  l'intoxication  lente 
et  à  petite  dose  ;  les  attaques  alternent  d'ordinaire  avec  les  coliques;  son 
évolution  serait  plus  rapide  que  celle  de  la  goutte  vraie.  Notons  enfin  la 
coexistence  fréquente  des  altérations  rénales,  dites  rein  goutteux  de  Todd, 
rein  contracté,  néphrite  interstitielle,  déjà  étudiées  plus  haut. 

Le  lissu  osseux,  dans  lequel  le  plomb  s'accumule  en  la  plus  grande 
proportion,  2  à  3  p.  100  (Ileubel  et  Lévvy),  est  sujet,  dans  la  période 
de  cachexie  ultime,  chez  2  saturnins  p.  100,  à  des  affections  diverses  : 
caries,  nécroses,  périoslites  alvéolaires  avec  carie  dentaire,  siégeant 
à  la  mâchoire  supérieure  dans  plus  de  la  moitié  des  cas  (Léwy,  Binon, 
et  ostéo-arlhriles  (Yerneuil  et  Sabatier)  ;  leur  pronostic  est  ordinaire- 
ment favorable. 

5"  Crampes  et  contractures.  —  Tremblement. — He'michorèe. — Alaxie. 
—  Les  crampes  douloureuses,  communes  dans  le  saturnisme,  sont  plus 
précoces  chez  les  ouvriers  en  céruse  et  minium  que  chez  les  peintres; 
elles  se  manifestent  surtout  lors  d'une  attaque  de  colique,  ou  dans  la 
première  période  de  la  paralysie  motrice.  Rarement  généralisées,  elles 
siègent  à  peu  près  aussi  fréquemment  aux  membres  inférieurs  qu'aux 
supérieurs.  Les  crampes  des  membres  inférieurs,  plus  souvent  liées  à  la 
colique,  seraient  de  cause  générale,  tandis  que  celles  des  membres  supé- 
rieurs, compagnes  habituelles  de  la  paralysie,  affectent  de  préférence  les 
parties  les  plus  rapprochées  des  points  de  contact  du  plomb  et  auraient 
plutôt  une  origine  locale  par  absorption  cutanée.  Elles  sont  spontanées 
ou  provoquées  par  de  fausses  positions,  par  l'extension  forcée  dans  le 
décubitus  au  lit,  pour  les  membres  inférieurs,  et  dans  quelques  cas  rares, 
par  le  moindre  attouchement.  Si  d'ordinaire  les  crampes  sont  espacées, 
elles  deviennent  par  exception  presque  continuelles  et  fatiguent  ainsi 
le  patient.  La  douleur  qu'elles  déterminent  est  parfois  très-violente. 

Un  de  nos  malades,  peintre  droitier,  atteint  de  paralysie  prédominant 
à  droite,  était  sujet  à  des  spasmes  musculai7*es  du  globe  oculaire  de  ce 
côté. 

Nous  avons  rencontré,  chez  un  plombier,  de  la  contracture  inlcrmit- 


PLOMB.           INTOXICATION"  CHRONIQUE.  TROUBLES  NERVEUX  ET  LOCOMOTEURS.  325 

tente  des  extrémités  inférieures,  tout  à  fait  semblable  à  la  tétanie.  Presque 
chaque  jour,  il  se  produisait,  durant  5  à  10  minutes,  une  contracture 
douloureuse  dans  l'extension  du  pied,  dont  le  gros  orteil,  fléchi  sous  la 
plante,  y  était  recouvert  par  les  autres  orteils  ;  elle  débutait  aux  extré- 
trémités,  et  était  accompagnée  d'engourdissement  et  d'une  coloration 
violacée  des  téguments.  La  ligature  du  membre  est  restée  impuissante  à 
la  provoquer.  Comme  transition  entre  les  crampes  et  cette  lëtanie  satur- 
nine, un  peintre  paralytique  présentait  de  la  contracture  intermittente 
partielle  des  extrémités  supérieures  dans  la  flexion,  tantôt  à  droite,  tan- 
tôt à  gauche,  avec  cette  particularité  qu'elle  atteignait  seulement  les  trois 
derniers  doigts  droits  et  les  deux  premiers  doigts  gauches  ;  la  contracture 
cessait  par  l'extension  forcée. 

Rappelons  que  pendant  les  coliques,  les  muscles  abdominaux  sont 
contracturés  (Spring)  ;  cette  contracture  douloureuse  constituerait  même, 
pour  Briquet  et  Giacomini,  un  facteur  important  de  la  colique. 

Tremblement.  —  Loin  d'avoir  dans  le  saturnisme  la  même  impor- 
tance que  dans  l'hydrargyrisme,  le  tremblement  existe  néanmoins  sou- 
vent dans  le  cours  dè  cette  intoxication,  sans  en  général,  il  est  vrai,  ac- 
quérir une  grande  intensité.  Signalé  par  Arétée,  Paul  d'Egine,  Le  Pois, 
Percival,  Tanquerel  et  Spring,  il  a  été  étudié  à  part,  dans  ces  dernières 
années,  par  Hoilis,  Lafont  et  Charles  Fernet. 

Presque  tous  les  saturnins  offrent  une  légère  Irémulation  musculaire 
régulière,  révélée  seulement  par  le  tracé  sphygmique.  Sur  les  muscles 
superficiels,  on  constate  quelquefois  des  contractions  fibrillaires  invo- 
lontaires. 

Le  tremblement  proprement  dit,  à  oscillations  visibles  des  memhres, 
augmentant,  à  l'inverse  de  celui  des  alcooliques  (Lafont),  par  la  fatigue 
et  vers  la  fin  de  la  journée,  apparaît  ordinairement  après  un  travail  de 
quelques  mois  (ouvriers  en  céruse  et  minium  et  compositeurs  typo- 
graphes), ou  de  plusieurs  années  (peintres).  Il  est  souvent  associé  à  un 
certain  degré  de  parésie  motrice,  parfois  si  peu  intense  que  celle-ci  n'est 
pas  accusée  spontanément  par  le  malade.  Quelques  sujets  pourtant,  les 
compositeurs  par  exemple,  peuvent  présenter  du  tremblement  avec  inté- 
grité de  la  puissance  motrice;  mais  d'autre  part,  nous  avons  exception- 
nellement observé  la  parésie  motrice  sans  tremblement,  de  sorte  que  ces 
deux  troubles  fonctionnels  semblent  concomitants  et  même  corrélatifs  en 
tant  qu'émanant  d'une  même  cause  ;  mais  ils  ne  dépendent  pas  directement 
l'un  de  l'autre.  Tant  que  le  tremblement  ne  s'est  pas  encore  montré,  il 
n'y  a  guère  de  crampes  ni  de  fourmillements;  mais  avant  lui,  se  mani- 
feste fréquemment  une  légère  parésie  sensitive.  Presque  toujours  il  est 
en  rapport  de  siège  et  d'intensité  avec  la  paralysie,  et  d'une  manière 
générale  avec  les  autres  accidents  locaux;  c'est  dire  qu'il  siège  le  plus 
souvent  aux  membres  supérieurs,  exclusivement  ou  surtout  à  la  main 
le  plus  en  contact  avec  le  plomb,  la  droite  chez  les  droitiers,  la  gauche 
chez  les  gauchers.  Cette  origine  périphérique  est  de  plus  démontrée  rigou- 
reusement par  ce  fait  que  nous  avons  observé  sur  un  compositeur  d'im- 


r»26  PLOMB.  —  intoxication  ciihomqim:.  tmmWB  NF.nVF.UX  ET  LOr.OMOTEUnS. 

primoric,  un  tremblement  marqué  des  mains,  en  l'absence  de  liséré  gin- 
gival. Nous  avons  d'ailleurs  retrouvé  semblable  localisation  de  ce  symptôme 
au  point  de  contact  du  mercure  chez  un  doreur  sur  métaux.  Le  tremble- 
ment saturnin  peut  aussi,  comme  la  paralysie,  résulter  indirectement  d'un 
empoisonnement  général  par  absorption  digestivc  et  respiratoire.  Il  doit 
en  être  ainsi  pour  le  tremblement  passager  des  membres,  surtout  des 
supérieurs,  que  Grisolle  a  noté  immédiatement  après  l'accès  de  vertige 
épileptiformc.  À  un  léger  degré,  le,  tremblement  disparaît  parfois  assez 
vite  sous  l'influence  du  repos  et  du  traitement;  mais  chez  les  anciens 
ouvriers  qui  ont  subi  une  forte  atteinte,  il  peut  persister  avec  la  paralysie 
plusieurs  années  après  la  cessation  du  travail. 

Le  tremblementrcste  le  plus  souvent  partiel.  Cbez  les  mineurs  de  mine- 
rai plornbifère,  outre  les  membres  supérieurs,  il  affecte  l'orhiculaire  de* 
lèvres  et  les  zygomaliques  ;  il  suit  alors  d'ordinaire  les  grandes  attaque- 
de  colique.  Plus  rarement  enfin,  ces  ouvriers  sont  pris  d'un  tremblement 
généralisé,  analogue  à  la  paralysie  agitante  :  trémulation  des  lèvres,  cla- 
quement des  mâchoires,  braillement  de  la  tète,  etc..  Cette  dernière  forme 
ne  résulterait  jamais  que  d'une  intoxication  profonde  (Wilson,  mines  de 
Lead-IIills;  Brockmann,  mines  de  l'OberHarz). 

On  est  en  droit  do  supposer  que  le  tremblement  et  la  paralysie  motrice 
reconnaissent  une  môme  cause  anatomo-pathologique. 

A  côté  du  tremblement,  se  placent  :  a  les  soubresauts  involonlairc- 
de  Vhëmichorée,  étudiée  par  Lewis  (1872)  et  Raymond  (-1876);  b  une 
forme  peu  fréquente  d'incoordination  des  mouvements  volontaires,  se 
produisant  avec  ou  sans  le  secours  de  la  vue  ;  le  malade  éprouve  de  la  peine 
à  porter  une  cuiller  à  la  bouche,  spécialement  en  tenant  les  yeux  fermés, 
ou  bien  une  gêne  et  presque  une  impossibilité  de  la  marche  et  de  la  sta- 
tion verticale,  par  lilubation  plutôt  que  par  parésie.  Celte  alaxie,  dont 
nous  avions  incidemment  rapporté  des  cas  légers  aux  membres  supérieurs, 
dans  notre  thèse  (1873),  peut  se  présenter  à  un  degré  intense,  qui  a  été 
décrit  par  Raymond  (1874),  siégeant  dans  les  memlu-cs,  surtout  les  infé- 
rieurs, et  donnant  lieu  à  un  ensemble  analogue  aux  manifestations  locales 
de  l'ataxic  locomotrice  ;  mais  elle  se  montre  bénigne  et  passagère.  Ella 
nous  paraît  due  à  une  désharmonie  des  antagonistes  et  à  une  désassocia- 
tion  musculaire,  sous  la  dépendance  de  la  paralysie  motrice;  car  les  ma- 
lades continuent  à  se  rendre  compte  de  la  position  occupée  par  leur? 
membres. 

4°  Paralysie  motrice.  —  Tumeur  dorsale  de  la  main.  —  La  paralysie 
motrice  saturnine,  que  Nicandre  avait  mentionnée  dès  le  premier  siècle 
de  notre  ère,  a  été  décrite  assez  complètement  par  Van  Swieten,  et  bien 
observée  par  Tanquercl  ;  enfin  les  recherches  originales  de  Duchenne 
(de  Boulogne),  à  l'aide  de  l'éleclrisation  localisée,  sont  venues  l'éclairer 
d'un  nouveau  jour. 

La  plupart  des  ouvriers  saturnins  qui  réclament  les  soins  de  la  méde- 
cine sont  atteints  de  paralysie  motrice,  ne  serait-ce  qu'à  un  léger  degré; 
les  rares  sujets  que  nous  en  avons  trouvés  exempts  n'étaient  entrés  à  l'Im- 


PLOAILS-           INTOXICATION  CHRONIQUE.  TROIBLES  NERVEUX  ET  LOCOMOTEURS.  527 

pilai  que  pour  de  faibles  manifestations  toxiques  :  dyspepsie  gastro- 
intestinale  ou  légères  coliques  seulement;  ils  présentaient,  comme 
symptômes  locaux,  de  la  parésie  seusilive,  des  douleurs  et  des  crampes. 
Dans  environ  la  moitié  des  cas,  il  est  vrai,  celte  parésie  motrice,  rare- 
ment accusée  spontanément  par  le  malade  qui  l'ignore  ou  n'y  attache 
que  peu  d'importance,  n'est  pas  l'affection  qui  a  déterminé  l'cnfréc  à 
l'hôpital.  Presque  toujours  elle  siège  aux  mains  et  aux  avant-bras,  sur- 
tout et  même  d'une  manière  exclusive  au  membre  le  plus  en  contact  avec 
le  plomb  ;  il  s'agit  là  d'une  forme  essentiellement  chronique  d'emblée. 
Les  ouvriers  non  malades,  encore  au  travail,  et  qui  ne  sont  qu'au  pre- 
mier stade  de  l'intoxication,  conservent  d'ordinaire  leur  puissance  muscu- 
laire intacte  ;  ils  ne  sont  guère  affectés  que  de  parésie  sensitive,  de  dou- 
leurs, de  crampes  et  tout  au  plus  d'un  léger  tremblement. 

Dans  un  quart  des  cas,  la  paralysie,  subaigue,  du  moins  au  début, 
atteint  en  quelques  jours  son  summum,  bien  qu'elle  doive  prendre  une 
allure  chronique  dans  les  périodes  d'état  et  de  déclin  ;  ce  sont  encore 
les  membres  supérieurs  qu'elle  frappe  ordinairement.  Elle  est  en  général 
annoncée  par  des  prodromes  locaux  signilicatifs,  de  courte  durée  :  lassi- 
tudes, sensations  de  fourmillements,  de  pesanteur  et  d'engourdissement, 
crampes  et  tremblement  ;  enfin  l'apparition  des  symptômes  paralytiques 
peut  s'accompagner  de  douleurs  représentées  souvent  par  des  élancements 
allant  de  l'épaule  au  pli  du  coude,  parfois  sur  le  trajet  du  radial,  avec 
cndolorissemcnt  par  les  mouvements  ou  la  pression,  comme  dans  la  né- 
vrite. 11  est  probable  que  la  forme  chronique  lui  préexiste  presque  tou- 
jours plus  ou  moins  marquée.  Cette  paralysie  affecte  d'abord  les  extré- 
mités qu'elle  touche  plus  fortement,  et  dans  lesquelles  elle  persiste  en 
dernier  lieu  ;  constamment  sur  les  ouvriers  saturnins,  elle  prédomine  ou 
siège  uniquement  au  membre  supérieur  le  plus  en  rapport  avec  le  métal. 
Chez  un  capsulcur  de  flacons,  la  paralysie  était  strictement  limitée  à  la 
moitié  interne  de  la  paume  et  aux  deux  derniers  doigts  de  la  main  droite, 
avec  lesquels  il  lissait  la  calotte  de  plomb  ;  il  n'y  avait  d'ailleurs  jamais 
eu  aucun  symptôme  d'intoxication  générale  :  ni  colique,  ni  constipation, 
ni  trace  de  liséré  gingival.  D'ordinaire  cependant,  pour  les  cas  intenses, 
la  paralysie  subaiguë  n'est  survenue  qu'après  plusieurs  attaques  de 
colique,  compliquées  parfois  d'encéphalopatliie.  Elle  apparaît  beaucoup 
plus  tôt  chez  les  eérusiers  que  chez  les  peintres. 

Sur  un  quart  des  sujets,  la  paralysie  frappe  tout-à-coup  une  assez 
grande  étendue  du  corps,  dans  le  cours  de  vives  coliques  avec  accidents 
cérébro-spinaux  (paralysie  subite):  nous  en  avons  déjà  parlé  à  propos 
de  l'encéphalopalhie,  dont  elle  constitue  la  forme  paralytique.  Assez 
diffuse  au  début,  elle  se  limite  ensuite,  ou  prédomine  dans  certaines  par- 
ties, soit  aux  membres  supérieurs  ou  inférieurs,  soit  dans  une.  moitié  du 
corps,  soit  enfin  à  un  membre  supérieur  en  même  temps  qu'à  la  moitié 
correspondante  de  la  face,  simulant  une  paraplégie  (Jaccoud),  une  hémi- 
plégie ou  une  monoplégie  brachiale  et  faciale.  Mais  lors  même  qu'il  pa- 
raît y  avoir  une  véritable  hémiplégie  avec  altération  de  la  parole  et  des 


PLOMB.  —  INTOXICATION  CHRONIQUE.  TROUBLES  NERVEUX  ET  LOCOMOTEURS. 

sens,  il  est  toujours  possible  de  constater  :  d'une  part,  qu'elle  prédomine 
au  membre  supérieur,  plus  particulièrement  vers  sou  extrémité,  et, 
d'autre  part  que  la  moitié  du  corps  censée  intacte,  est  en  réalité  plus 
ou  moins  intéressée  elle-même,  de  sorte  que  ce  serait  plutôt  une  forme 
pseudo-hémiplégique  ;  cette  dernière  peut  exceptionnellement  se  déve- 
lopper en  dehors  de  tout  autre  épiphénomène  aigu.  L'hémiplégie  satur- 
nine, signalée  par  Stoll,  Andral  et  Tanquerel,  a  été  étudiée  à  nouveau 
dans  notre  thèse  en  1875,  et  l'année  suivante  par  Vulpian  et  Raymond. 

La  paralysie  atteint  enfin  quelquefois  les  muscles  de  l'œil,  du  larynx 
(aphonie),  et  du  tronc,  voire  même  la  diaphragme. 

La  paralysie  saturnine  est  caractérisée  par  une  perte  ou  une  diminu- 
tion des  coulractilités  volontaire  et  électro-musculaire ,  inégalement 
répartie  dans  les  régions  affectés,  intéressant  plus  particulièrement  cer- 
tains muscles,  surtout  les  extenseurs  (Stockusen),  respectant  certain- 
autres,  et  pouvant  même  se  limiter  à  quelques  faisceaux  musculaires. 

La  prédominance  dans  les  extenseurs  entraîne  une  attitude  caractéris- 
tique des  membres  en  flexion,  par  défaut  d'antagonisme;  aux  membres 
supérieurs, il  en  résulte  une  déformation  de  la  main  en  griffe  et  la  chute 
du  poignet.  Les  muscles  du  membre  supérieur  sont  d'ordinaire  suecessi- 
ment  affectés  dans  l'ordre  suivant  :  extenseur  commun  des  doigts,  exten- 
seurs propres  de  l'index  et  du  petit  doigt,  long  extenseur  du  pouce, 
deuxième  et  premier  radiaux,  cubital  postérieur,  long  abducteur  et  court 
extenseur  du  pouce.  Chez  la  plupart  des  peintres,  l'annulaire  et  spéciale- 
ment le  médius  sont  paralysés  les  premiers,  peut-être  parce  qu'ils  n'ont 
point  d'extenseurs  propres  pouvant  suppléer  à  la  paralysie  précoce  de 
l'extenseur  commun  ;  mais  nous  avons  tu,  surtout  dans  d'autres  profes- 
sions, différents  doigts  être  primitivement  frappés,  c'étaient  alors  ceux 
qui  se  trouvaient  le  plus  en  contact  avec  le  poison.  Le  long  supinateur  et 
l'anconé  sont  généralement  intacts  ;  mais,  pour  le  supinateur  en  parti- 
culier, cette  intégrité, donnée  par  Duchenne  (de  Boulogne),  comme  signe 
diagnostique  dilférentiel  d'avec  la  paralysie  a  frigore,  n'est  pas  cons- 
tante, témoin  les  cas  d'Elgnowski,  de  Piedra  et  de  Proust  ;  dans  Pavant- 
dernier,  et  probablement  aussi  dans  le  dernier,  il  s'agissait  d'une  paralysie 
directe,  localisée  aux  membres  supérieurs.  Puis  viennent  les  muscles  de 
la  région  antibrachiale  antérieure,  de  la  paume  de  la  main,  surtout  de 
l'éminence  thénar,  les  interosseux  palmaires  ;  le  deltoïde  a  parfois  été 
atteint  primitivement  sans  que  les  muscles  du  bras  le  fussent  ;  au  bras, 
le  triceps  est  en  général  plus  intéressé  que  le  biceps. 

Bien  qu'elle  puisse  rester  intacte  (Jaccoud,  Morilz  Meyer),  la  contrac- 
libilité  électro-musculaire  se  montre  d'ordinaire  rapidement  affaiblie  ou 
abolie,  tantôt  avant,  tantôt  et  plutôt  après  la  contractilité  volontaire.  Le 
caractère  quasi-expérimental  de  l'exploration  de  celle  contractilité 
électrique  rend  l'inégale  distribution  de  celle-ci  plus  évidente  encore 
que  celle  de  la  contractilité  volontaire.  La  recherche  de  l'état  de  la  con- 
tractilité électrique  ne  peut  remplacer  celle  de  la  contractilité  volontaire, 
surtout  au  début;  mais  à  une  certaine  époque  elle  devient  très  utile  au 


PLOMB.          INTOXICATION  CHRONIQUE.  TROUBLES  NERVEUX  ET  LOCOMOTEURS.  529 

pronostic,  parce  que  l'abolition  de  celte  contractilité  dénonce  une  tendance 
àl'atrophie.  Les  résultats  varient  avec  les  courants  induits  eteoutinus  aux 
différentes  périodes.  Au  début,  les  courants  induits  cessent  les  premiers 
de  faire  contracter  les  muscles  ;  la  contractilité  par  les  courants  continus 
peut  alors  persister  seule,  puis  elle  disparaît  elle-même.  A  une  période 
plus  avancée,  dans  les  formes  graves,  les  muscles  se  contractent  à  nou- 
veau sous  l'influence  de  courants  continus,  plus  faibles  même  que  nor- 
malement (Legros  et  Onimus).  Enfin,  les  courants  électriques  continus  et 
induits  passent  très-facilement  des  extenseurs  aux  iléchissseurs  qu'ils  font 
contracter,  ce  qui  ne  se  produit  jamais  à  l'état  normal  (Vulpian  et 
Raymond). 

Quand  la  paralysie  est  intense  ou  de  longue  durée,  il  survient,  dans 
les  parties  intéressées,  divers  troubles  circulatoires,  sécrétoires  et  nutri- 
tifs :  pâleur,  refroidissement,  sécheresse  et  amincissement  de  la  peau  ; 
souvent  sudorèse  abondante  (Tanquerel),  quelquefois  tumeur  dorsale  de 
la  main,  dont  il  sera  question  plus  loin,  et  enfin  de  l'atrophie. 

La  forme  parétique  chronique  des  membres  supérieurs,  à  début  insi- 
dieux, évolue  avec  lenteur  durant  des  années,  et  reste  généralement 
limitée  aux  extrémités,  n'entravant  guère  le  travail.  La  forme  à  période 
d'augment  subaiguë  s'établit  progressivement  en  quelques  jours,  puis 
reste  stationnaire  de  un  à  plusieurs  mois,  pour  ensuite  décroître  peu  à 
peu.  Il  n'en  est  pas  de  même  pour  la  paralysie  subite,  qui  se  montre 
d'emblée  à  son  maximum,  et  va  bientôt  s'améliorant,  quelquefois  assez 
rapidement  en  quelques  mois. 

Les  récidives  sont  fréquentes,  si  le  malade  s'expose  de  nouveau  à  l'ac- 
tion du  poison. 

Rappelons  la  terminaison  possible  par  la  paralysie  générale,  chez  les 
sujets  qui  ont  éprouvé  des  attaques  répétées  d'encéphalopathie. 

Les  lésions  anatomiques  de  la  paralysie  saturnine  sont  encore  assez 
peu  connues. 

Les  muscles  paralysés  présentent  trois  sortes  d'altérations  (Gombault), 
qui  peuvent  se  rencontrer  associées  :  1°  léger  amincissement;  2°  dimi- 
nution considérable  de  volume,  teinte  jaune-brun  et  même  décoloration, 
comme  dans  le  stade  ultime  de  l'atrophie  ;  3°  ailleurs,  aspect  de  jambon 
fumé,  augmentation  considérable  de  volume,  dureté,  rigidité,  déjà  notée 
par  Kussmaul  et  Maier,  et  sécheresse  ;  développement  et  épaississement 
des  gaines  des  faisceaux  primitifs.  Sous  le  microscope,  on  trouve  dans 
les  muscles  décolorés  et  diminués  de  volume,  sauf  la  dégénérescence 
cireuse,  toutes  les  formes  d'atrophie  chronique.  La  dégénérescence  gra- 
nulo-graisseuse  proprement  dite  est  rare  (Ollivier  et  Lancereaux).  Il  y  a 
le  plus  souvent  simple  diminution  de  la  substance  contractile,  parfois 
avec  fissure  et  même  excavation  au  centre  ou  à  la  périphérie  du  faisceau 
primitif,  plus  rarement,  développement  de  vésicules  adipeuses  entre  les 
faisceaux  primitifs,  d'où  coloration  jaune  et  pâleur.  Dans  les  muscles 
durs  et  épaissis,  la  fibre  musculaire  est  augmentée  de  volume;  le  tissu 
conjonclif  interfasciculairc  a  proliféré  ;  les  noyaux  du  sarcolemme  multi- 


Ô50  TLOMB.           INTOXICATION  CHRONIQUE.  TIIOUM.ES  NEIIVRUX  ET  LOCOMOTEURS. 

plies  s'accumulent  en  certains  points,  au  niveau  desquels  ils  refoulent  la 
substance  conlractile,  qui  est  ainsi  fragmentée,  et  ils  donnent  à  la  fihru 
un  aspect  moniliforme. 

La  présence  du  plomb  dans  les  muscles  a  été  démontrée  par  Dcvergic. 
Contrairement  à  Gusscrow,  qui  croyait  à  une  accumulation  prépondérante 
de  ce  métal  dans  le  système  musculaire,  Heubel  pense  que  c'est  ce  même 
système  qui  en  contient  le  moins. 

D'accord  sur  les  lésions  des  muscles,  les  observateurs  sont  d'avis  dilfé- 
rents  pour  les  lésions  nerveuses. 

Les  nerfs  périphériques  desservant  les  muscles  paralysés  sont  presque 
constamment  altérés,  quelquefois  à  l'exclusion  de  la  moelle  et  de  ses 
racines  (OUivier,  Gombault  et  Westpbal),  toujours  d'ailleurs  beaucoup 
plus  que  les  racines  et  à  plus  forte  raison,  que  la  moelle  (Lancereaux), 
mais  relativement  moins  que  les  muscles  correspondants  (OUivier).  Leur 
altération,  de  plus  en  plus  marquée  vers  la  périphérie,  se  limite  aux  filets 
innervant  les  muscles  atteints;  elle  consiste  d'ordinaire  en  une  atrophie 
évidente  du  tronc  nerveux,  avec  pâleur,  amincissement,  dégénérescence 
granuleuse,  plus  tard  graisseuse,  et  même  aplatissement  de  ces  tubes. 
Parfois  le  nerf  paraît  sain  à  l'œil  nu;  le  microscope  y  révèle  une  proli- 
fération exagérée  des  noyaux  du  tissu  conjonctif  qui  entoure  les  tubes 
nerveux,  surtout  au  voisinage  des  vaisseaux,  dont  les  parois  sont  épais- 
sies ;  la  myéline,  pour  ainsi  dire  étouffée,  est  diminuée  de  volume, 
presque  disparue,  revêtant  à  peine  le  cylindre  d'axe,  qui  le  plus  somcnl 
persiste. 

Quand  la  moelle  est  intéressée,  il  s'agit  soit  d'une  coloration  grisâtre 
sans  altération  microscopique,  soit  d'un  léger  degré  d'atrophie  et  de  ra- 
mollissement au  niveau  des  renflements  cervical  et  lomhaire,  plus  spéciale- 
ment à  leur  partie  antéro-externe.  Les  racines  racliidienncs  eoircspon- 
dantes,  surtout  les  antérieures,  sont  elles-mêmes  un  peu  atrophiées, 
avec  ou  sans  altération  granulo -graisseuse  de  quelques-uns  de  leurs 
tubes. 

Dans  un  seul  cas,  on  a  rencontré  les  nerfs  musculaires  sains,  et  les 
racines  antérieures  offrant  tout  au  plus  une  hyperplasie  du  tissu  con- 
jonctif séparant  leurs  tubes  nerveux;  la  région  externe  des  cornes  anté- 
rieures de  la  moelle  cervicale  avait  un  certain  nombre  de  cellules  atro- 
phiées, ratatinées,  dépourvues  de  noyaux  et  de  prolongements,  pigmentées, 
parfois  creusées  de  vacuoles  (Vulpian). 

Le  plomb  se  trouve  dans  la  moelle,  mais  en  moindre  proportion  que 
dans  le  cerveau  (Heubel)  ;  il  n'a  pas  encore  été  décèle  dans  les  nerfs. 

La  pathogenie  de  la  paralysie  est  encore  très  obscure,  et  nous  ne 
devons  point  nous  dissiniuler.rinsuffisance  des  éléments,  jusqu'ici  à  notre 
disposition,  susceptibles  de  l'éclairer.  On  s'accorde  généralement  aujour- 
d'hui à  considérer  celte  paralysie  comme  périphérique;  c'est  en  effet  ce 
que  semblent  prouver  ses  symptômes  :  siège  initial  ex-lusif  ou  au  moiiu 
de  prédominance  aux  extrémités,  abolition  des  mouvements  réflexes  : 
perle  rapide  de"  la  contractilité  électrique,  amyotropbie,  et  ses  lésion- 


PLOMB.           INTOXICATION  CHRONIQUE.  TROUIILES  NERVEUX  ET  LOCOMOTEURS.  5ÔJ 

(sauf  le  cas  de  Vulpian  el  Raymond)  exclusivement  périphériques  ou  de 
moins  en  moins  marquées  vers  le  centre. 

Gusserow  admettait  une  action  directe  du  plomb  sur  les  muscles,  qu'on 
a  . peut-être  tort  de  rejeter  complélcment,  au  moins  pour  la  forme  paréti- 
que  chronique;  elle  expliquerait  la  perle  rapide  de  la  contraclilité  gal- 
vanique, qui,  dans  le  cas  de  lésion  exclusive  des  nerfs,  ne  devrait  périr 
que  lentement  ;  et  d'autre  part,  elle  s'accorderait  avec  la  nécropsie  faite 
par  Ollivier,  dans  laquelle  les  lésions  musculaires  étaient  relativement 
plus  considérables  que  celles  des  nerfs  correspondants.  D'après  une 
ingénieuse  hypothèse  de  Ilitzig,  le  plomb  agirait  sur  les  muscles  par  l'in- 
termédiaire du  sang  et  des  vaisseaux,  et  l'inégalité  de  distribution  de  la 
paralysie,  notamment  sa  prédominance  dans  les  extenseurs,  résulterait 
de  ce  que,  pendant  la  contraction  des  fléchisseurs,  il  se  formerait  un 
diverticule  vasculaire,  surtout  veineux,  du  côté  de  l'extension;  l'imperméa- 
bilité des  artérioles  cutanées  et  la  contraclilité  annulaire  des  veines 
favoriseraient  la  stagnation  dans  le  réseau  sanguin  musculaire. 

L'invasion  et  la  marche  de  la  forme  à  début  subaigu,  analogues  à 
celles  de  la  névrite,  l'existence  de  divers  symptômes  prodromiques  el 
concomitants,  en  particulier  de  l'anestliésie,  et  les  constatations  nécropsi- 
ques  plaident  en  faveur  d'une  altération  primitive  des  nerfs  périphéri- 
ques, des  rameaux  inlra-musculaires  (Ileubel),  et  d'abord  même,  selon 
nous,  de  leurs  plaques  motrices  terminales,  plutôt  que  de  leur  tronc  lui- 
même  (Weslphal  et  Charcot)  ;  car  les  lésions  musculaires  ne  correspon- 
dent pas  à  des  groupes  de  muscles  sous  la  dépendance  d'un  même  nerf, 
et  elles  sont  de  plus  en  plus  prononcées  vers  la  périphérie. 

Celle  paralysie  périphérique  doit  évidemment,  dans  uu  certain  nombre 
de  cas,  être  l'elfe»,  d'un  apport  indirect  du  plomb  par  le  sang  dans  les 
voies  circulatoires,  puisqu'on  l'a  observée  chez  des  sujets  avant  absorbé 
le  métal  uniquement  par  le  tube  digestif. 

Quant  à  la  paralysie  saturnine  professionnelle,  nous  croyons  avoir 
prouvé  par  la  clinique,  qu'elle  est  1res  fréquemment  le  résultat  direct 
de  l'absorption  culanée  ;  elle  atteint  en  effet  le  plus  souvent  les  membres 
supérieurs  dans  leurs  derniers  articles,  siégeant  exclusivement  ou  d'une 
façon  prédominante,  du  côté  droit  chez  les  droitiers,  du  côté  gauche  chez 
les  gauchers.  La  preuve  que  cette  prédilection  n'est  pas  due  à  un  apport 
métallique  plus  considérable,  résultant  d'un  afflux  sanguin  dans  les  par- 
ties qui  travaillent  le  plus  (Delaunay),  c'est  que  chez  les  ouvriers  droitiers, 
mais  exposant  plus  souvent  leur  main  gauche  à  la  contamination  du 
plomb,  par  le  lait  de  leur  genre  de  travail  (gauchers  professionnels), 
celle  dernière  main  a  élé  le  siège  de  prédilection  de  la  paralysie,  lors 
même  qu'elle  exécutait  un  moindre  travail  musculaire  que  la  droite.  Chez 
quelques  sujets  qui  n'avaient  jamais  éprouvé  aucun  accident  d'inloxica- 
tion  générale,  et  qui  ne  présentaient  même  pas  de  liséré  gingival,  il  nous 
a  été  possible  d'étudier  dans  toute  sa  pureté  la  paralysie  d'origine 
directe.  Le  métal  est  alors  emmagasiné  dans  le  membre  paralysé  ;  remis 
en  circulation  par  un  traitement  ioduré,  il  peut  donner  •lieu  à  un  liséré 


352  PLOMB.           l.NTOXICATIO.S  CHRONIQUE.  TROUBLES  NERVEUX  ET  LOCOMOTEURS. 

secondaire,  comme  dans  les  cas  de  Frank-Smith  et  de  Faggc,  dont  nous 
avons  déjà  parlé. 

La  paralysie  saturnine  locale  et  directe,  entrevue  par  Pariset  (1820), 
avait  été  signalée  en  Angleterre  par  Frank-Smith,  en  i  809.  Nos  premières 
observations  sur  ce  sujet  furent  recueillies,  la  même  année,  quelques  mois 
après  la  publication  du  mémoire  de  Frank-Smith,  dont  nous  ignorions 
l'existence  jusqu'en  1875,  époque  à  laquelle  nous  l'avons  fait  connaître  en 
France.  Depuis  lors,  outre  nos  nouvelles  observations  (in  thèse  d'agrég. 
de  Renaut  et  de  doctorat  de  Drouet),  il  a  été  publié  des  cas  confirmatil's 
par  Malherbe,  Vulpian,  Picdra,  Proust  et  Edelmann.  Le  Dr  Drouet  a  bien 
voulu  se  charger  d'éclairer  la  question  par  l'expérimentation  sur  les  ani- 
maux, dans  le  laboratoire  et  sous  les  yeux  du  professeur  Vulpian.  Des 
frictions  avec  une  pommade  à  l'acétate  de  plomb  ont,  en  peu  de  temps, 
suffi  à  déterminer  chez  des  lapins,  la  paralysie  de  tel  ou  tel  membre  à 
volonté,  surtout  des  extenseurs,  caractérisée  par  l'affaiblissement  des  con- 
tractilités  volontaire  et  électrique,  la  déformation,  la  boiterie  et  l'atro- 
phie. A  la  nécropsie,  les  muscles  étaient  pâles,  mais  encore  sans  altéra- 
tion microscopique  (Déjerine). 

Les  symptômes  de  la  paralysie  progressive  à  début  subaigu  et  de  la 
l'orme  subite  ainsi  que  les  lésions  anatomiques  du  système  nerveux,  ten- 
dent à  faire  admettre  qu'il  se  produit,  à  une  certaine  période,  une 
névrite  ascendante,  analogue  à  celle  qui  résulte  de  quelques  lésions  du 
bout  périphérique  des  nerfs.  Quelle  est  la  pathogénie  exacte  delà  para- 
lysie pseudo-hémiplégique  paraissant  intéresser  plus  particulièrement  une 
moitié  latérale  des  centres  nerveux?  Y  a-t-il  là  un  phénomène  d'irradiation 
nerveuse  réflexe?  Nous  l'ignorons,  mais  nous  pouvons  affirmer  la  saisis- 
sante relation  du  siège  unilatéral  et  de  la  prédominance  périphérique  de 
cette  paralysie  avec  les  points  d'absorption  cutanée  du  poison. 

La  paralysie  peut  elle  être  exceptionnellement  de  cause  médullaire? 
Un  examen  nécropsique  du  à  Vulpian  et  Raymond,  permet  de  le  croire; 
de  plus,  Vulpian  a  réussi  à  produire  artificiellement  une  myélite  chez  un 
chien  en  l'empoisonnant  par  le  plomb. 

L'irrégularité  de  distribution  de  la  paralysie  saturnine  constitue  le 
principal  élément  du  diagnostic  différentiel  d'avec  les  paralysies  a  frigore 
et  par  compression  et  la  paralysie  générale  spinale  subaiguë  ;  si,  en  effet, 
l'affaiblissement  de  la  contractilité  électrique,  quand  il  existe,  permet 
d'en  séparer  la  paralysie  radiale  a  frigore,  dans  laquelle  celle  contrac- 
tilité est  conservée,  il  n'en  est  plus  de  même  pour  les  paralysies  par 
compression  ;  et  d'ailleurs  la  contractilité  électrique  peut  rester  intacte 
dans  la  paralysie  saturnine.  On  ne  peut  cependant  se  baser  sur  l'atteinte 
portée  au  long  supinateur  pour  nier  la  nature  saturnine  de  l'affection, 
puisque  ce  muscle  n'est  pas  toujours  respecté,  notamment  dans  les 
cas  de  paralysie  directe,  où  précisément  l'absence  de  liséré  peut  venir 
accroître  encore  la  difficulté  du  diagnostic.  La  coloration  localisée  de 
sulfure  de  plomb  par  un  bain  sulfureux  pourrait  seule  alors  tirer  d'em- 
barras. 


PLOMB.           IMOX1CATION  CHRONIQUE.  TROUBLES  .NERVEUX  ET  LOCOMOTEURS.  5f>5 

Tumeur  dorsale  de  la  main.  —  On  voit  fréquemment,,  chez  les 
saturnins  affectés  de  paralysie  des  extenseurs,  une  tuméfaction  siégeant 
sur  le  dos  de  La  main,  au  niveau  du  métacarpe.  Remarquée  dès  1602  par 
Plater,  et  depuis  lors  étudiée  par  de  Haën  et  les  auteurs  classiques,  la 
tumeur  dorsale  de  la  main  a  été  l'objet  de  travaux  récents  de  la  part  de 
Gubler,  Hérard,  Nicaise,  Bouchard,  Daviot  et  Huc-Mazelcl.  Il  peut  y  avoir 
au  début  un  œdème  plus  ou  moins  marqué  et  une  douleur  quelquefois 
vive  ;  mais  bientôt  la  tumeur  est  constituée  par  une  ou  plusieurs  nodo- 
sités indolentes,  ordinairement  sans  rougeur,  ayant  une  consistance  car- 
tilagineuse, une  forme  allongée,  et  participant  aux  déplacements  qu'on 
imprime  aux  tendons  ;  ces  nodosités  donnent  sous  le  doigt  explo- 
rateur la  sensation  de  l'épaississemcnl  des  tendons  extenseurs  ou  de 
leur  synoviale,  et  peuvent  être  compliquées  de  ténosite  crépitante  à 
l'avant-bras.  Elles  sont  rarement  plus  grosses  qu'un  œuf  de  pigeon,  et 
elles  varient  plusieurs  fois  de  volume  dans  une  même  journée.  Anato- 
miquement,  la  tumeur  dorsale  est  caractérisée  à  un  degré  avancé,  par 
un  état  fongueux  des  tendons  et  de  leur  gaine  synoviale,  qui  est  d'ordi- 
naire injectée  (Nicaise,  Charcot).  Elle  se  développe  peu  après  le  début 
de  la  paralysie,  et  disparait  en  général  avec  elle,  sans  laisser  de  trace. 

Attribuée  par  Tanquerel  à  la  saillie  des  extrémilés  osseuses,  ou  ratta- 
chée à  la  goutte  (Mérat),  elle  fut,  avec  raison,  rapportée  à  l'appareil  ten- 
dino-synovial  par  Plater,  de  Haën,  Desbois,  Pariset.  On  a  cru  devoir  la 
rapprocher  des  artrhopalhies  et  des  ténosites  que  le  repos  amène  chez  les 
fracturés  (Gosselin).  Son  siège  spécial  ne  peut  s'expliquer,  comme  le 
veut  Gubler,  par  le  frottement  des  tendons  extenseurs  contre  les  saillies 
osseuses,  résultant  de  la  chute  du  poignet,  cardans  un  cas  de  Landrieux, 
la  tumeur  existait  sans  paralysie  des  extenseurs.  On  doit  plutôt,  avec 
Charcot,  la  considérer  comme  une  lésion  trophique  consécutive  aux  alté- 
rations du  système  nerveux.  Les  observations  de  Gubler,  Charcot  et 
Vulpian  ont  du  reste  montré  que  la  tumeur  dorsale  se  rencontre  aussi 
en  dehors  du  saturnisme,  dans  les  paralysies  d'oriyine  cérébrale,  l'atro- 
phie musculaire,  etc. 

5°  Paralysie  sensitive. —  Dans  le  saturnisme  professionnel  la  paralysie 
de  sensibilité  est  un  des  accidents  les  plus  précoces,  qu'on  peut  observer 
longtemps  avant  la  paralysie  motrice,  surtout  chez  les  ouvriers  bien 
portants,  qui  ne  se  doutent  pas  en  être  atteints.  Toujours  elle  coexiste 
avec  la  paralysie  motrice,  qu'elle  dépasse  en  intensité  et  en  étendue; 
c'est  seulement  sur  les  ouvriers  ayant  depuis  longtemps  cessé  de  tra- 
vailler, ou  qui  ont  suivi  un  long  traitement,  qu'il  est  possible  de  trouver 
de  la  parésie  motrice  survivant  aux  troubles  sensitifs,  dont  le  siège  super- 
ficiel explique  la  plus  rapide  disparition,  Il  est  présumable  qu'il  n'en  est 
pas  de  même  dans  l'intoxication  ab  ingestis,  mais  les  observations  à  ce 
sujet  laissent  encore  à  désirer.  Nous  avons  vu,  d'une  manière  plus  évi- 
dente encore  que  pour  la  paralysie  motrice,  la  paralysie  sensitive  exister 
exclusivement  ou  prédominer  au  point  de  contact  du  métal  :  chez  les 
cérusiers,  soit  au  pli  du  coude  gauche  sur  lequel  glisse  le  saumon  de 


r>")4  PLOMB.           INTOXICATrON  CIIIIO.MQUK.  THOl ■BI.F.S  MEItVEl'X  ET  LOCOMOTEUR.*. 

plomb  pondant  PenfovjrjtteûîôntJ  soit  à  l'extrémité  du  incmijre  supérieur 
droit  jusqu'au  milieu  de  l'avant-bras,  niveau  d'aiflcurcment  du  bain  de 
lait  de  céruse  pendant  les  manipulations \  ou  liieu  à  la  main  gauche 
soutenant  la  cuiller  pleine  de  céruse  ;  à  l'épaule  droite  sur  laquelle 
un  gazier  portait  fréquemment  des  tuyaux  de  plomb  enroulés  circulai- 
rcmcnl  ;  aux  deux  derniers  doigts  et  à  la  partie  correspondante  de  la 
paume  de  la  main,  servant  à  capsuler  les  llacous;  au  médius  droit 
accolé  au  pinceau  d'un  peintre.  L'influence  des  vêlements,  comme  obs- 
tacle à  la  pénétration  des  particules  métalliques  a  été  mise  en  évident  e 
chez  une  poudreuse  de  porcelaine,  dont  les  poignets  et  les  avant-bras 
furent  protégés  par  des  manchettes  de  laine,  ainsi  que  dans  quatre  autres 
observations,  où  les  surfaces  laissées  à  nu  par  le  devant  de  la  chemise 
entr'ouverlc  et  au-dessous  des  pans  ou  des  manches  retroussées  plus  ou 
moins  haut ,  ont  été  frappées  de  paralysie  sensilive. 

Des  faits  analogues  avaient  déjà  été  signalés  dubitativement  par 
Ladreit  et  d'une  manière  affirmative  par  Frank-Smith;  après  nous,  ils 
ont  été  confirmés  par  les  observateurs  cités  à  l'occasion  de  la  paralysie 
motrice,  cl  dernièrement  par  Proust.  Dans  ses  expériences  sur  les  ani- 
maux, Drouet  a  trouvé  un  affaiblissement  de  la  sensibilité  électrique 
aux  membres  intoxiqués  localement  par  des  frictions, saturnines. 

Si  la  paralysie  de  sensibilité  est  un  des  accidents  directs  qui  se  loca- 
lisent le  mieux,  c'est  aussi  un  de  ceux  qui  se  diffusent  le  plus  vite, 
s'irradiant,  pour  s'atténuer  il  est  vrai,  dans  toute  la  moitié  correspon- 
dante du  corps.  11  s'ensuit  alors  une  apparence  d'hémianeslhésîe,  que 
nous  avons  décrite  le  premier  dès  1870,  mais  il  n'y  a  pas,  à  propre- 
ment parler,  hérnianesthésic  comparable  à  celle  des  hystériques,  car, 
d'une  part,  on  observe  toujours  dans  l'autre  moitié  du  corps  un  certain 
degré  de  paralysie  sensitive,  parfois  assez  considérable;  et  d'autre  part, 
elle  prédomine  constamment  au  point  d'absorption  cutanée,  qui  est  le 
plus  souvent  à  la  périphérie,  tandis  que  dans  l'hémianesthésie,  elle  est 
de  plus  en  plus  prononcée  vers  le  centre,  plus,  par  exemple,  à  la  face 
qu'aux  membres.  Dans  quelques  cas,  nous  avons  rencontré  un  croise- 
ment de  la  paralysie  à  la  face  par  rapport  au  reste  du  corps.  On  trou- 
vera, à  propos  des  altérations  des  sens,  les  curieuses  relations  de  siège 
que  chacune  de  celles-ci  présente  alors  avec  la  paralysie  sensitive  de  la 
face  et  du  reste  du  corps.  Cette  fausse  hérnianesthésic  accompagne  tou- 
jours la  pseudo-hémiplégie,  mais  elle  peut  exister  en  dehors  d'elle. 

L'apparence  paraplégique  de  l'anesthésie  est  plus  rare  ;  elle  peut  se 
combiner  avec  la  forme  précédente, 

Dans  les  quelques  cas  où  la  paralysie  sensitive  paraît  généralisée,  on 
la  retrouve  toujours  plus  marquée  dans  ses  sièges  de  prédilection  ordi- 
naires. 

La  prédominance  à  la  face  dorsale  des  mains  et  des  avant-bras  est 
fréquente,  mais  non  absolue  ;  nous  avons  vu  tantôt  précisément  le  con- 
traire, tantôt  sur  le  même  sujet,  la  main  et  l'avant-bras  plus  atteints, 
l'une  sur  son  dos  et  l'autre  à  sa  face  palmaire.  11  n'existe  aucune  relation 


PLOMB.           INTOXICATION  C1IR0MQUE.  TROUBLES  NERVEUX  ET  LOCOMOTEURS.  555 

outre  l'anestliésio  dorsale  et  la  paralysie  des  extenseurs,  puisque  dans 
les  cas  d'anesthésie  prédominant  à  la  l'ace  palmaire,  les  extenseurs 
étaient  beaucoup  plus  atteints  que  leurs  antagonistes, 

La  paralysie  de  sensibilité  est  d'abord  superficielle  ou  légumentaire,  et 
plus  tard  profonde,  siégeant  dans  les  parties  sous-jacentes,  muscles, 
articulations,  etc. 

La  peau  et  les  muqueuses  sont  frappées  dans  leurs  diverses  espèces  de 
sensibilité. 

Il  y  a  rarement  perte  absolue  de  la  sensibilité  tactile  (aneslliésie  pro- 
prement dite),  ou  du  moins  celle-ci  reste  confinée  dans  un  siège  très- 
limité.  En  revanche,  la  diminution  de  cette  sensibilité,  que  nous  avons 
désignée  sous  le  nom  d'hypesthésie,  se  trouve  toujours  plus  ou  moins 
marquée,  quand  la  sensibilité  à  la  douleur  est  affaiblie;  de  sorte  que, 
dans  le  saturnisme,  l'anesthésie  n'existe  pas  telle  que  Llcau  la  concevait, 
c'est-à-dire  comme  perte  de  la  sensibilité  douloureuse,  avec  conservation 
intégrale  du  tact;  c'est  ce  que  l'emploi  de  l'aesthésiomètre  nous  permet 
d'affirmer.  Quand  l'hypesthésie  est  légère  et  également  répartie  dans 
chaque  moitié  du  corps,  auquel  cas  il  manque  par  conséquent  un  terme 
de  comparaison,  elle  ne  peut  être  révélée  que  par  l'exploration  aesthésio- 
métrique.  L'aesthésiomètre  nous  a  servi  à  démontrer  avec  une  précision 
pour  ainsi  dire  mathématique,  le  siège  de  prédilection  de  l'hypesthésie 
d'origine  locale.  Sans  son  aide,  enfin,  nous  n'aurions  pu  discerner 
l'hyperesthésie  (nous  voulons  dire  l'exaltation  du  tact  seulement)  d'un 
côté  du  corps  d'avec  l'hypesthésie  du  côté  opposé;  nous  avons  de  plus 
ainsi  trouvé  dès  1870,  (Arch.  de  pkysiol.,  et  thèse,  1873)  que  souvent 
il  y  a  hyperesthésic,  soit  dans  les  parties  homologues  de  la  moitié  latérale 
du  corps  opposée  aux  parties  hypesthésiées,  soit  sur  la  face  d'un  membre 
opposée  à  sa  face  hvpeslhésiée,  soit  enfin  à  la  face  et  aux  membres  infé- 
rieurs, dans  le  cas  d'hypesthésie  des  membres  supérieurs,  comme  s'il  y 
avait  une  sorte  d'hypéreslhe'sie  compensatrice,  par  un  mécanisme  ana- 
logue au  curieux  phénomène  du  transfert,  que  les  expériences  mélallo- 
théra piques  ont,  depuis  lors,  l'ait  découvrir  chez  les  hystériques. 

L'analgésie,  perte  complète  de  la  sensibilité  à  la  douleur,  est  beaucoup 
plus  fréquente  et  plus  étendue  que  l'anesthésie.  L'hypalgésie  serait  aussi 
plus  facile  à  constater  que  l'hypesthésie,  si  l'on  ne  s'aidait  de  l'aesthésio- 
mètre. La  paralysie  de  la  sensibilité  à  la  brûlure  est  plus  tardive,  moins 
intense  et  d'un  siège  plus  limité  que  celle  de  la  sensibilité  à  la  piqûre  et 
au  pincement.  A  un  premier  degré  d'analgésie  à  la  brûlure,  cette  dernière 
n'est  plus  perçue  que  comme  chaleur,  pour  ne  plus  déterminer  ensuite 
qu'une  sensation  de  contact;  elle  peut  même  ne  plus  être  sentie  du  tout. 
La  sensibilité  électrique  est  abolie  ou  diminuée. 

Parmi  les  saturnins  analgésiques,  un  grand  nombre  éprouvent  des  dou- 
leurs superficielles  et  profondes,  précisément  dans  les  parties  analgésiées 
{analgésie  douloureuse)  ;  nous  pouvions  impunément  déterminer  sur 
eux  des  brûlures  à  divers  degrés;  mais  quelques  heures  plus  tard,  lors  de 
l'établissement  du  travail  inflammatoire,  il  se  développait  sur  place  des 


336  PLOMB.           INTOXICATION  CHRONIQUE.  TltOUUUiS  NBBV8UX  W  I.OCOMOTEDIIS. 

douleurs  persistantes,  absolument  comme  s'il  n'y  avait  pas  eu  analgésie; 
et  pourtant  celle-ci  persistait  encore,  ainsi  que  nous  nous  en  sommes  as- 
suré.Des  éruptions  cutanées,  la  plaie  d'un  vésicatoirc,  étaient  douloureuses 
sur  une  partie  analgésiée.  Cliez  d'autres  sujets  plus  rares,  profondément 
intoxiqués,  les  douleurs  de  la  brûlure  ne  se  sont  jamais  montrées  consécu- 
tivement, malgré  le  développement  du  processus  inflammatoire  aboutis- 
sant à  la  formation  de  fortes  esebarres;  or,  il  est  remarquable  que  ces 
malades  ne  ressentaient  aucune  douleur  spontanée  dans  les  parties  anal- 
gesiées.  En  somme,  la  brûlure,  non  perçue  en  tant  que  traumatisme,  peut 
être  ou  ne  pas  être  sentie  consécutivement  en  tant  que  processus  patho- 
logique.Ces  faits  nouveaux  et  inattendus,  susceptibles  d'éclairer  la  nature 
même  de  la  sensibilité  à  la  douleur,  ont  été  retrouvés  par  nous  analogues 
dans  d'autres  maladies,  spécialement  dans  la  tétanie.  Aussi  avons-nous 
cru  pouvoir  dédoubler  cliniquement  l'analgésie  en  analgésie  proprement 
dite  (a  piïv.,  et  àXycç,  douleur),  ou  perte  de  la  sensibilité  à  la  douleur 
physiologique,  immédiate,  provoquée,  et  en  anodrjnie  (a  priv.,  et 
o2ôvy),  souffrance),  ou  perte  de  la  sensibilité  à  la  douleur  pathologique, 
consécutive,  spontanée;  la  première  appartiendrait  à  la  peau  consi- 
dérée comme  organe  du  sens  du  toucher,  tandis  que  la  seconde  serait 
une  propriété  de  tissu.  Le  paradoxe  de  l'analgésie  douloureuse  s'ex- 
plique par  ce  fait  qu'alors  il  y  a  analgésie  sans  anodynic.  La  raison 
physiologico-pathologique  de  ces  constatations  cliniques  sera  recherchée 
plus  loin. 

Presque  toujours,  à  côté  de  l'analgésie  se  rencontrent  une  diminution 
ou  même  assez  souvent  une  perte  de  la  sensibilité  au  chatouillement 
(hypopallesthésie  et  apalleslhésie),  et  une  diminution  notable  delà  sensi- 
bilité thermique  (hypothermesthésie),  allant  rarement  jusqu'à  une  insen- 
sibilité absolue  (athermeslbésie).  La  faculté  de  rapporter  la  sensation 
d'une  impression  au  point  où  l'excitation  a  eu  lieu  (sensibilité  à  la  région) 
est  parfois  affaiblie. 

Dans  certains  cas,  il  y  a  erreur  de  sensation,  de  sorte  qu'un  simple 
contact  donne  lieu  à  une  sensation  douloureuse  ou  à  des  fourmillements 
et  des  picotements;  un  léger  frôlement  n'est  plus  perçu  comme  cha- 
touillement, mais  comme  simple  attouchement;  une  piqûre  est  sentie 
seulement  comme  contact,  un  pincement  comme  pression,  une  brûlure 
comme  chaleur  ou  contact. 

La  perception  des  impressions  peut  éprouver  un  retard  d'une  demi- 
minute  à  près  de  cinq  minutes,  au  lieu  du  retard  physiologique  d'un 
quinzième  à  une  demi-seconde  (Brouardel). 

La  sensibilité  musculaire  des  contractions  volontaire  et  électrique  est 
abolie  ou  diminuée  proportionnellement  à  l'altération  delà  conli aetililé 
volontaire  et  de  la  contractilité  .électrique.  La  paralysie  de  la  sensibilité 
articulaire,  qui,  en  s'ajoulant  à  celle  des  sensibilités  musculaire  et 
cutanée,  enlève  la  notion  de  la  position  occupée  par  les  différents  articles 
des  membres,  ne  s'observe  que  rarement,  et  dans  les  doigts  seulement. 
On  a  vu  que  l'alaxie  est  due  à  une  incoordination  des  mouvements  volon- 


PLOMB.    INTOXICATION   CHRONIQUE.   TROUBLES  NERVEUX   ET  LOCOMOTEURS.  7)57 

taip.es  par  désharrnonie  des  antagonistes  et  dcsassocialion  musculaire  dé- 
pendant de  la  paralysie  motrice. 

La  paralysie  sensitive  est-elle  sous  la  dépendance  d'une  anémie  de  la 
peau  par  contracture  des  artérioles  du  derme  (Gubler,  Rosënsteih, 
Hitïig)?  H  est  possible  que  cette  sorte  d'anémie  active  soit  intervenue 
jusqu'à  un  certain  point,  comme  cause,  dans  les  cas  où  l'on  aurait  fait 
cesser  temporairement  l'anesthésie  par  la  rubéfaction  de  la  peau  (Gubler)  ; 
mais  il  est  loin  d'en  être  toujours  ainsi.  Nous  la  croyons  généralement 
due,  comme  la  paralysie  motrice,  à  une  altération  des  nerfs  périphériques, 
d'abord  et  plus  particulièrement  à  leurs  extrémités  terminales  :  corpus- 
cules du  tact  et  réseau  nerveux  épidermique  de  Langerbans,  avec  ses 
corpuscules  étoilés.  L'heureuse  influence  de  la  sudation  (A.  Robin)  résul- 
leraitde  l'élimination  du  métal  fixé  sur  cet  appareil  nerveux  superficiel.  Les 
nécropsics  analysées  au  sujet  de  la  paralysie  motrice  montrent  d'ailleurs 
qu'à  une  certaine  période,  les  nerfs  eux-mêmes  sont  gravement  altérés. 

L'analgésie  douloureuse,  avec  conservation  de  l'odynie,  semble  d'abord 
pouvoir  s'expliquer  par  la  seule  altération  des  extrémités  nerveuses  ter- 
minales périphériques,  qui  ne  peuvent  plus  Iransmettre  l'impression  dou- 
loureuse de  la  superficie  de  la  peau,  tandis  que  les  filets  nerveux  sous- 
jacents  non  encore  paralysés  participeraient  au  processus  pathologique 
consécutif,  ou  en  subiraient  les  effets  indirects  par  compression,  et 
transmettraient  ainsi  la  douleur  tardive,  ce  qui  n'aurait  plus  lieu  dès 
qu'ils  seraient  atteints  eux-mêmes.  L'examen  attentif  de  cet  ordre  de  faits 
dans  le  saturnisme  et  dans  d'autres  maladies  nous  porte  à  croire  que 
l'algésie  a  pour  conducteurs  les  filets  nerveux  du  système  cérébro-spinal, 
et  l'odynie  les  filets  du  grand  sympathique;  ainsi  s'expliqueraient  la 
lente  apparition  des  manifestations  odyniques,  leur  longue  durée,  leur 
coïncidence  avec  les  douleurs  spontanées  des  tissus,  et  enfin  la  paralysie 
tardive  de  l'odynie  à  une  période  avancée  de  l'intoxication,  longtemps 
après  la  disparition  de  l'algésie. 

Ce  que  nous  avons  dit  sur  l'origine  de  la  paralysie  motrice  s'applique 
mieux  encore  à  la  paralysie  sensitive;  de  sorte  que,  sans  nier  qu'il  existe 
une  anesthésie  de  cause  indirecte  par  élimination  cutanée,  on  peut  af- 
firmer que,  dans  l'intoxication  professionnelle,  la  paralysie  sensitive  est 
en  général  localisée  aux  points  d'absorption  tégumentaire. 

6°  Troubles  des  se?is.  —  Vue.  Les  saturnins  présentent  souvent  divers 
troubles  de  la  vision,  qui  sont,  du  côté  du  système  névro-musculaire  : 
la  parésie  de  la  paupière  supérieure,  le  nystagmus,  le  strabisme,  la  di- 
plopie  et  la  polyopie,  le  rétrécissement  et  plus  tard  la  dilatation  pupil- 
laire,  et  des  troubles  dans  l'accommodation  (Stclwag)  ;  du  côté  de  la  sen- 
sibilité spéciale,  les  éblouissements,  l'amblyopie  et  même  l'amaurose, 
avec  dyschromatopsie  (Rose  et  Hufner).  Nous  avons  observé  une  fois  le 
tarissement  de  la  sécrétion  lacrymale.  Les  conjonctives  participent 
d'ailleurs  à  la  teinte  subictérique,  et,  ainsi  que  la  cornée,  à  l'insensibilité 
des  téguments.  Les  éblouissements  accompagnent  d'ordinaire  la  céphalal- 
gie. Le  nystagmus  et  le  rétrécissement  delà  pupille  peuvent  se  manifester 

KOUT.  DICT.  MÉD.  ET  CIIIB.  XXVIII  —  22 


T>38    PLOMB.  —  intox.  ciinoN.  rappohts  nu  satwinisme  avec  le  traumatisme. 

avant  l'amblyopie.  Il  semble  que  la  dilatation  pupillnirc  parétique  dépend 
d'une  amaurose  à  un  degré  plus  avancé. 

L'amblyopie  et  l'arnaurosc  sont  le  plus  souvent  liées  à  la  paralysie 
de  sensibilité  cutanée;  elles  sont  alors  ordinairement  dues  à  une  névrite 
optique  spéciale  (Hirscbler)  :  injection  et  opacité  des  papilles,  dont  les 
bords  sont  obscurcis  par  un  voile  rougcàlre  (Schneller).  A  l'inflammation 
peut  succéder  l'atrophie  (Ilutcliinson),  qui  dans  certains  cas  serait  essen- 
tielle et  primitive  (Ilorncr).  Cette  amblyopic  s'établit  lentement,  affec- 
tant, tantôt  les  deux  yeux,  tantôt  plus  particulièrement  ou  même  exclusi- 
vement l'œil  correspondant  à  la  moitié  du  corps  dans  laquelle  la  paralysie 
sensilive  prédomine  ou  siège  uniquement  (hémianestbésie).  D'ailleurs, 
d'une  manière  générale,  nous  avons  constaté  la  prédominance  des  divers 
troubles  visuels  dans  la  moitié  du  corps  à  laquelle  apparlenaient  les 
parties  atteintes  de  saturnisme  direct.  Dans  le  cas  d'hémianesthésie 
croisée  à  la  face  et  au  reste  du  corps,  nous  avons  toujours  vu  l'anesthésie 
faciale  entraîner  une  altération  de  la  vue  du  même  côté,  tandis  que  la 
surdité  siégeait  du  côté  de  l'anesthésie  des  membres.  Weiss  avait  déjà 
signalé  l'amblyopie  unilatérale  dans  l'hémiplégie  saturnine.  Nous  rela- 
terons dans  la  thérapeutique  un  cas  de  névrite  optique  locale  et  directe, 
par  absorption  oculaire  médicamenteuse.  A  la  période  hypérémique,  la 
guérison  s'effectue  graduellement  en  un  ou  deux  mois,  ou  même  brusque- 
ment en  quatre  ou  six  jours;  le  pronostic  devient  beaucoup  plus  grave, 
quand  il  y  a  atrophie  prononcée  de  la  papille. 

Dans  l'amaurose  qui  précède,  accompagne  ou  plutôt  suit  l'encéphalopa- 
thie,  il  y  a  ordinairement  œdème  de  la  papille,  dépendant  d'un  étrangle- 
ment du  nerf  optique  par  accumulation  de  liquide  dans  l'espace  inter- 
vaginal par  suite  d'une  augmentation  de  pression  intra-cranienne  (Meyer). 
L'atrophie  totale  des  nerfs  optiques  peut  en  être  la  conséquence  ;  d'autres 
fois,  la  vue  est  presque  rétablie  après  plusieurs  semaines. 

Rarement  enfin,  s'observerait  la  cécité  moins  grave,  parrétinite  albumi- 
nurique  (Danjoy,  Després)  ;  plus  exceptionnelle  encore  est  l'amaurose  urémi- 
que,  passagère,  bénigne,  sans  signe  ophthalmoscopique  notable  (Duplay). 

Ouïe.  —  Les  troubles  de  l'ouïe  se  rencontrent  en  général  associés  aux 
altérations  de  la  vue  :  les  bourdonnements  et  le  tintement  d'oreille,  avec 
les  éblouissements,  accompagnent  la  céphalalgie;  et  la  surdité  s'allie  à 
l'amaurose.  Les  altérations  de  l'ouïe  siègent  aussi  uniquement  ou  prédo- 
minent du  côté  le  plus  anesthésié;  mais,  nous  l'avons  dit,  quand  il  y  a 
croisement  de  l'hémianesthésic,  la  surdité  siège  du  même  côté  que 
l'anesthésie  des  membres.  La  surdité,  complète  ou  incomplète,  est  tantôt 
passagère,  tantôt,  mais  plus  rarement,  permanente. 

Goût  el  odorat.  —  Outre  la  sensation  sucrée  ou  amère  qu'éprouvent 
souvent  les  malades,  on  observe  un  affaiblissement  et  une  perte  du  goût 
et  de  l'odorat,  sous  la  dépendance  de  l'hémiancsthésie. 

F.  Rapports  du  saturnisme  avec  le  traumatisme.  —  Les  plaies  des 
saturnins  se  compliquent  facilement  de  lymphangite  el  d'drysipcle.  qui 
en  compromettent  ou  tout  au  moins  en  retardent  la  guérison. 


PLOMB.  —  INTOXICATION  CHRONIQUE.  ÉTIOEOGIE  GÉNÉRALE J 


539 


Le  traumatisme  peut  réveiller  et  même  provoquer  pour  la  première 
fois  des  manifestations  toxiques  (coliques,  encéphalopathie,  albuminurie) 
chez  des  sujets  en  puissance  de  plomb  (Verneuil  ctSabalier). 

II.  Éliologie  générale.  —  Le  plomb  pénètre  par  les  diverses  voies 
cutanée  et  muqueuse,  digestive  et  respiratoire.  L'absorption  par  la  peau, 
même  intacte,  en  quelque  [joint  que  ce  soit,  a  été  sulïisainment  établie, 
à  propos  de  la  paralysie,  pour  que  nous  n'y  revenions  pas  ici  ;  les  acci- 
dents locaux  résultant  de  ce  mode  d'absorption  ont  été  étudiés  chacun 
en  leur  lieu. 

Les  causes  de  l'intoxication  saturnine  chronique  peuvent  être  groupées 
en  deux  classes,  suivant  qu'elles  sont  accidentelles  ou  professionnelles. 

A  Causes  accidentelles.  —  Dans  le  premier  cas,  l'absorption  a  lieu 
soit  par  le  tube  digestif,  soit  par  la  surface  tégumentaire,  soit  enfin  par 
les  voies  respiratoires. 

1°  Par  le  lube  digestif.  —  Le  métal  est  dégluti  avec  les  boissons  et  les 
aliments,  avec  les  médicaments  internes  ou  la  salive  souillée  par  divers 
objets  portés  à  la  bouche. 

a)  Boissons.  —  L'eau  se  charge  de  plomb  au  contact  des  terrasses, 
des  toitures,  des  gouttières,  des  réservoirs,  des  tuyaux,  des  robinets,  des 
pompes  et  des  appareils  distillatoires  (navires  et  pharmacies)  en  plomb, 
en  étain  pauvre,  en  fer  ou  cuivre  étamé,  en  zinc  plombifèrc  soudé  avec  l'al- 
liage d'étain  et  plomb,  ou  en  tôle  galvanisée  avec  du  zinc  plombifère  (char- 
niers des  vaisseaux)  ;  elle  en  dissout  d'autant  plus  qu'elle  est  plus  pure  (eau 
distillée)  et  plus  aérée,  comme  l'eau  de  pluie  (Bobierre),  et  qu'elle  ren- 
ferme des  matières  organiques  (Medlock)  et  certains  sels  :  azotates,  azo- 
tites  et  chlorures  (eau  de  mer).  Riche  en  acide  carbonique,  et  surtout  en 
carbonate,  sulfate  et  phosphate  de  chaux,  telle  que  la  plupart  des  eaux 
potables  (Fraukland),  l'eau,  en  rapport  avec  le  plomb,  donne  lieu  à  des 
dépôts  insolubles,  nuisibles  quand  elle  est  trouble  (eau  de  Scltz)  mais  sus- 
ceptibles d'être  séparés  par  repos,  décantation  naturelle  ou  fillration.  Le 
plomb  se  dissout  mieux  en  présence  d'un  autre  métal  qui. complète  les- 
éléments  d'une  pile  galvanique  :  ce  qui  rend  si  dangereux  les  récipients 
faits  de  divers  métaux  plombifères,  de  zinc  par  exemple. 

Dans  le  vin,  le  poison  peut  provenir  des  vases  en  plomb  dans  lesquels 
on  les  cuisait  à  la  méthode  antique,  des  pièces  de  plomb  des  pressoirs, 
des  plats  de  plomb  dans  les  tonneaux  contre  la  fermentation  acide,  et 
actuellement  des  grains  de  plomb  restés  dans  les  bouteilles,  ou  du  séjour 
des  égoutturcs  sur  les  comptoircs  en  étain  pauvre  (Leroux)  ;  on  l'a  parfois, 
à  une  certaine  époque,  frelaté  avec  la  litharge  (colique  végétale  du 
Poitou-Citois). 

Le  cidre  contenu  dans  des  brocs  de  plomb,  adouci  avec  la  litharge,  ou 
clarifié  avec  l'acétate  et  le  sous-acétate  de  plomb,  a  donné  lieu  aux  co- 
liques végétales  du  Devonshirc  (Iluxham)  et  de  Normandie  (Le  Pecq  de  la 
Clôture).  Leudet  a  insisté  sur  la  nocuité  des  égouttures  de  comptoirs  en 
étain  pauvre. 

A  propos  des  coliques  dites  végétales,  il  est  indispensable  d'ajouter 


540 


PLOMB. 


  INTOXICATION   UlitOMQUK.   ÉTIOLOC1E  G1.NLHA1.L. 


i|iio ,  si  l;i  majorité  d'entre  elles  sont  saturnines,  il  parait  réellement  un 
exister  d'antres,  épidémiqucs,  ressemblant  beaucoup  à  la  colique  de 
plomb  (constipation,  encéphalopathie,  paralysie  des  extenseurs),  mais 
reconnaissant  une  cause  toute  différente.  Bouckacrl,  qui  les  a  longuement 
observées  en  Belgique,  dès  1853,  les  attribue  à  une  constitution  morbide 
particulière  (Arcb.  méd.  milit.  belges,  t.  XXX)  ;  celte  affection,  très-proba- 
blement la  même  que  la  colique  nerveuse  endémique  des  pays  chauds,  a 
été  rencontrée  aussi  dans  le  Midi  de  la  France  par  Castan,  en  1872  (Mont- 
pellier méd.,  1875). 

Les  autres  boissons  contenant  du  plomb  sont  :  la  bière  clarifiée  par 
l'acétate  et  le  sous-acétate  de  plomb,  falsifiée  avec  lalilbarge  (llounnann), 
ou  pompée  avec  des  tuyaux  en  plomb  (Gosselet);  —  le  vinaigre  et  Veau 
de  Sellz  en  rapport  avec  des  robinets  d'étain  pauvre;  Veau  de  fleurs  d'o- 
ranger en  contact  avec  des  serpentins  en  plomb,  l'élamage  pauvre  des 
eslagnous  et  les  plaques  de  plomb  mises  au  fond  des  vases;  —  le  rhum 
distillé  dans  des  appareils  plombifères,  ou  contenu  dans  des  vases  vernis; 
—  les  eaux-de-vie  et  les  sirops  de  miel  et  de  raisin,  clarifiés  par  l'acé- 
tate de  plomb  (Cadel-Gassicourt,  Boudct)  ;  —  le  thé  fait  avec  les  déchets 
restés  au  fond  de  boîtes  doublées  en  plomb  (Potain),  —  et  le  lait  aspiré 
avec  des  biberons  à  bouts  en  plomb  (Flemming),  en  caoutchouc  vulcanisé 
plombifère  (15,5  p.  100  de  carbonate  de  plomb,  Eulenberg),  ou  donne 
par  une  nourrice,  sur  les  mamelons  de  laquelle  ont  été  appliquées  des 
préparations  plombiques  contre  des  gerçures  (solution  d'acétate  de  plomb 
de  Mme.  Delacour,  cas  de  Bouchut). 

b)  Aliments. —  Le  pain  peut  être  toxique  parce  que  la  farine  a  été,  soit 
frauduleusement  additionnée  de  céruse  (Gmelin),  soit  accidentellement 
mélangée  avec  de  l'acétate  de  plomb  (BancUs)  ou  avec  des  parcelles  déta- 
chées du  plomb  servant  à  boucher  les  éveillures  des  meules,  comme 
dans  les  épidémies  de  Saint-Georges-sur-Eure  (Maunoury  et  Salmon),  de 
Fresnay-le-Gilbcrt,  de  Laval,  et  dans  celle  observée  par  Brillât-Savarin,  soit 
enfin  parce  qu'il  a  été  cuit  avec  des  bois  peints  ou  vernis;  la  croûte  est  alors 
presque  exclusivement  toxique  :  épidémies  de  Montrouge  (Combalusier>. 
de  Marly,  et  récemment  de  Paris,  VIIe  et  XVIIe  arrondissements  (Ducampi. 

Lebewre  a  été  falsifié  avec  la  litharge  et  la  céruse  (Gaubius),  colore 
avec  le  chromate  de  plomb  (Poggiale),  ou  enfin  salé  avec  un  mélange 
accidentel  de  sel  et  d'acétate  de  plomb  (G.  Bergeron  et  Lhôte). 

Mentionnons  encore  le  sucre  fabriqué  par  le  procédé  de  Scoffern,  ou 
coulé  dans  des  formes  peintes  intérieurement  à  la  céruse  ;  —  les  gâ- 
teaux colorés  avec  le  chromate  de  plomb  (Galippc)  ;  —  les  pastillages  co- 
lorés aux  sels  de  plomb  :  massicot,  minium,  carbonate  et  chromate,  et  les 
bonbons,  soit  colorés  de  la  même  façon,  soit  enveloppés  de  papiers  peints 
à  la  céruse  et  au  chromate  (Tanqucre!)  ;  —  le  chocolat,  les  fruits  et  les 
conserves,  entourés  de  papier  d'étain  plombifère,  ou  contenus  dans  des 
boiles-cn  fer-blanc  (Armand  Gautier),  —  et  les  jambons  de  Cincinnati 
enveloppés  de  toile  teinte  au  chromate  (Bouchardat). 

D'une  manière  générale,  les  aliments  et  les  boissons  peuvent  s'impré- 


PI.OMB.    INTOXICATION   CHRONIQUE.  CAUSES  PROFESSIONNELLES.  341 

"lier  de  plomb  au  contact  de  leurs  divers  récipients  :  vases  en  plomb, 
saloir  des  ebarcutiers  par  exemple,  en  éta in  pauvre  (plats  et  gobelets), 
ustensiles  mal  élamés,  réparés  avec  un  mastic  à  la  céruse  (Mabier),  pote- 
ries de  terre  vernissées  communes,  rôtissoires  à  gaz  émaillées,  cuillers 
d'étain  à  50,  40,  et  même  50  p.  400  de  plomb,  que  nous  avons  parfois 
vues  entre  les  mains  des  ouvriers. 

c)  Médicaments  internes.  —  On  connaît  l'intoxication  chronique 
causée  par  l'administration  interne  de  médicaments  plombiques  :  carbo- 
nate dans  la  phthisie,  acétate  contre  la  pneumonie  caséeuse,  les 
meurs  et  les  hémoptysies  des  phthisiques,  les  névralgies,  les  maladies 
de  cœur,  les  fièvres  intermittentes,  les  gonorrbées  et  les  pollutions, 
sous-nitrate  de  bismuth  impur  contenant  de  la  céruse  (Millard),  ca- 
chou de  Bologne  plombifère  (Gibert),  contre  la  diarrhée,  et  eau  de  gou- 
dron macérée  dans  des  cruchons  vernissés  à  l'oxyde  de  plomb  (Caries). 

d)  Objets  p.ortés  à  la  bouche.  —  Dans  certains  cas  enfin,  le  poison 
a  pour  véhicule  la  salive  souillée  par  divers  objets  portés  à  la  bouche  : 
pains  à  cacheter  colorés  avec  des  sels  plombiques  (Lombard),  grains  de 
plomb  d'encrier  mâchés  par  passe-temps  (Trousseau),  jouets  tels  que 
couleurs  à  l'aquarelle  à  base  de  plomb,  trompettes  peintes  avec  la  cé- 
ruse, le  minium  et  le  chromate  fixés  par  un  simple  encollage,  et  non 
vernies  (Chevallier),  poupées  d'Allemagne  à  la  céruse,  et  cartes  de  visites 
glacées1. 

2°  Par  la  surface  légumentaire  :  peau  et  muqueuse  voisines  des  ori- 
fices externes,  le  plomb  pénètre,  par  l'intermédiaire  des  médicaments 
externes  :  bandelettes  de  sparadrap  diachylon,  emplâtres  et  cataplasmes 
plombiques  (Boerhaavc,  Hoeberl.  Widekind),  eau  de  Goulard  contre  les 
brûlures,  frictions  d'onguent  de  litharge  contre  la  gale  (Conring),  céruse 
saupoudrée  sur  des  excoriations,  collyres  (voir  notre  observation  à  la 
thérapeutique)  et  injections  vaginales  et  uréthrales  à  l'acétate  de  plomb, 
—  sous  forme  de  topiques  pour  la  toilette  :  fards,  poudre  de  riz  impure 
(Kriiner,  Fievée),  litharge  contre  les  rougeurs  du  visage  (Zellcr),  eau  de 
Cologne  préparée  avec  essence  de  thym  et  acétate  de  plomb,  cosmétiques 
h  la  litharge  (Brambilla)  et  teintures,  —  par  le  maniement  du  linge  de 
cérusiers  (Depuis)  —  et  par  l'usage  du  tabac  à  priser  contenu  dans  des 
boîtes  de  plomb  ou  des  sacs  doublés  de  ce  métal  (Otto). 

5°  C'est  enfin  à  l'absorption  par  les  voies  respiratoires  qu'il  faut 
rapporter  les  cas  d'intoxication  dus  à  la  combustion  de  cire  à  cacheter 
et  de  bougies  colorées  au  minium  et  de  vieilles  boiseries  peintes,  dans 
les  foyers  (Marmisse  de  Bordeaux),  et  à  l'habitation  d'appartements 
fraîchement  peints. 

B.  Causes  professionnelles.  —  Les  professions  qui  exposent  au 
saturnisme  sont  si  nombreuses,  si  complexes  et  hétérogènes,  que  nous 
avons  cru  plus  profitable  de  les  classer  par  ordre  alphabétique. 

Tableau  des  professions  qui  exposent  au  saturnisme. 

Acétate  de  P.  (Fabricants  d'). 

Acteurs  ;  fard  à  la  céruse  (Fiévée) . 


fttâ  PLOMB.  —  INTOXICATION  C1II10NIQUE.  CAUSES  PROFESSIONNELLES. 

Affincnrs  de  métaux  précieux,  par  coupellation  :  \"  du  P.  d'oeuvre 
argentifère  et  aurifère,  2°  des  balayures  d'or  et  d'argent  provenant  d'ale- 
liers  d'orfèvrerie  et  de  bijouterie,  traitées  par  le  P. 

Ajusteurs;  mâchoires  en  P.  pour  assujettir  les  pièces  délicates.  Voy. 
Mon  leurs. 

Bâches  (Fabric.  de),  rendues  inaltérables  par  le  sulfate  de  P.  (Trous- 
seau). 

Balles  de  P.  {Fabric.  de)  (Proust). 

Bijoutiers,  voy.  Affineurs,  Émailleurs,  Lapidaires. 

Brossiers;  apprêtage  des  soies  de  porc  avec  litharge  et  chaux  (Tardieu). 

Broyeurs  de  couleurs  plombiques. 

Câbles  en  fils  de  fer 'galvanisés  (Fabric.  de),  avec  zinc  plombifère 
(Rouxeau). 

Cahiers  de  papier  à  cigarettes  (Ouvrièies  fabriquant  les  enveloppes 
de).  (Gallard),  voy.  Papiers  peints. 
Camées  (Polisseurs  de),  voy.  Lapidaires. 

Capsuleurs  de  flacons,  lissant  les  capsules  en  alliage  d'étain  et  P.  sut 
le  col  des  flacons  (Manouvriez). 

Caractères  d'imprimerie  (Ouvriers  maniant  l 'alliage  des)  :  P '.  67 , 
antimoine  25,  étain  5,  cuivre  5. 

Cardeurs  de  crins  colorés  en  noir  par  le  sulfure  de  P.  (Hitzig). 

Carreliers,  vernisscurs  de  carreaux  à  paver  avec  sulfure  de  P.  et  sable 
broyé,  à  parties  égales. 

Carrossiers,  caissiers  ajustant  les  joints  des  panneaux  avec  la  céruse 
(Wiltshire). 

cartes  à  jouer  d'Allemagne, 
cartes  de  visite  glacées  à  la  céruse. 
Ceinturonniers ,  voy.  Cuirs  vernis. 

Cérusiers;  céruse,  blanc  de  céruse,  blanc  de  P.,  carbonate  de  P.  hydraté. 
Chaudronniers;  soudure  de  cuivre  (P.  et  zinc). 
Chauffeurs,  voy.  Marins. 

Chemins  de  fer  (Employés  de)  et  douaniers,  plombant  les  wagons  de 
marchandises  et  portant  à  la  bouche  les  flans  de  P.  (Mannkopff). 
Chromate  de  P.  (Fabric.  de),  jaune  de  chrome. 
Coiffeurs,  voy.  Parfumeurs. 

Coloristes,  portant  à  la  bouche  les  pinceaux  chargés  de  couleurs  plom- 
biques (Charles  Bernard). 

Compositeurs  d'imprimerie,  voy.  Caractères,  Encre  d'imprimerie. 

Conserve  (Fabric.  déboîtes  de),  pour  la  marine  (Quesnel). 

Conlre-oxijdation  du  fer  (Ouvrières  travaillant  à  la)  (Ladreit  de 
la  Charrière),  voy.  Emailleurs. 

Coton  (Tissews  de)  apprêté  à  la  céruse  (Aube). 

Couturières,  voy.  Soie. 

Crinicrs,  voy.  Brossiers,  Cardeurs. 

Cristalleries  (Ouvriers  des);  silicate  double  de  potasse  et  de  P.;  sur- 
tout tailleurs  el  polisseurs. 


Cartiers 


PLOMB.    INTOXICATION   CHltONIQUE.   CAUSES  PROFESSIONNELLES.  547) 

Cuillers  (Fondeurs  de)  d'élain  à  50  p.  100  de  P. 

Cuirs  vernis  (Fabric.  de)  à  la  lilhargc  et  à  la  céruse. 

Dentellières  ;  blanchiment  à  la  céruse,  et  pose  des  fleurs  d'applica- 
tions de  Bruxelles  (Blanchet). 

Dessinateurs  en  broderies  sur  étoffes  noires,  par  décalquage  avec 
poncif  de  céruse  et  résine  (Thibault). 

Dëvideuses,  voy.  Laine. 

Diamaiitcurs  de  /leurs  artificielles  avec  poudre  de  cristal  plombifère. 
Doreurs  sur  bois  et  sur  laque;  vernis  préalable  de  céruse,  litharge  et 
térébenthine. 
Douaniers,  voy.  Chemins  de  fer. 

Ébénistes  fabriquant  les  vieux  meubles  ;  ponecurs  et  polisseurs.  En- 
duits plombiques  à  45  p.  100  de  P.,  pour  donner  la  teinte  de  vieux  bois 
(Du  Mesnil). 

Émailleurs  d'objets  divers  :  poteries,  faïences,  porcelaine,  verre  mous- 
seline (Ilillairet),  étiquettes  sur  flacons  et  bocaux  de  chimie  (Beaugrand), 
feuilles  de  tôle,  poêles,  crochets  de  fils  télégraphiques,  bijoux,  avec  la 
poudre  d'émaux  plombifères,  de  cristal  par  exemple. 

Encre  d  imprimerie  (Fabric.  d')  dans  laquelle  entrede  la  litharge. 

Étameurs  de  cuivre  et  de  fer,  avec  étain  allié  à  1/5  ou  1/4  de  P. 

Étiquettes  (ouvriers  vitrifiant  les),  voy.  Emailleurs. 

Faïenciers,  voy.  Émailleurs. 

Ferblantiers,  voy.  Étameurs,  Plombiers. 

Fleuristes;  fleurs  artificielles  blanches  (céruse),  jaunes  (chromate), 
rouges  (oxyde)  ;  voy.  Diamantcurs. 

Fondeurs  de  P.;  —  d'élain  plombifère,  de  8  à  20  p.  100  et  plus, 
voy.  Cuillers;  —  de  caractères  d'imprimerie ,  voy.  ce  mot;  —  de  cui- 
vre, de  bronze  et  de  laiton  plombifères. 

Gantiers. 

Glaces  (Fabric.  de) ,  surtout  polisseurs  ;  cristal  plombiquc. 

Glaciers  maniant  des  vases  en  étain  plombifère  [Edelmaim]. 

Imprimeurs  sur  étoffes;  chromate,  nitrate  et  surtout  acétate  de  P., 
comme  mordants  et  couleurs.  —  Typographes,  voy.  Caractères,  Encre 
d'imprimerie  ;  employés  maniant  les  bandes  de  journal  timbrées  au 
minium  :  colleurs  de  bandes  et  vérificateurs  des  adresses  [Layet]. 

Journalistes  maniant  les  épreuves  sur  papier  humecté  d'eau  plom- 
bifère, imprimées  à  l'encre  lythargyrée  et  souillées  par  les  caractères 
[Marmisse]. 

Laine  orange  (Dëvideuses  de)  apprêtée  au  chromate  de  P.. 

Lapidaires  ;  particules  se  détachant  d'une  roue  en  P.,  garnie  d'émeri 
[Requin],  d'un  cylindre  en  P.,  humecté  d'un  mélange  de  tripoli  et  d'eau 
ou  de  vinaigre  pour  le  polissage  des  camées  [Proust]  ;  tirets  en  P.  entre 
lesquels  sont  montés  les  objets  à  travailler. 

Limes  (Tailleurs  de);  enclumes  de  P.  sur  laquelle  est  maintenue  la 
lime  pendant  la  taille  [Frank-Smith]. 

Litharge  et  massicot  (Fabric.  de),  protoxydes  de  P.  anhydres. 


r> 'li  PLOMB.   —   INTOXICATION  CHRONIQUE.  CAUSES  PROFESSIONNELLES. 

Marins,  surtout  des  bateaux  à  vapeur,  spécialement  mécaniciens  et 
chauffeurs.  Peinture  au  minium  et  à  la  céruse  ;  eau  contaminée  par  le 
P.  entrant  dans  les  diverses  pièces  des  appareils  distillatoires  et  par  réta- 
mage des  syphons  en  fer  des  charniers;  aliments  cuits  dans  les  boites  à 
conserves  [Lefèvrc].  Yoy.  Colique  sèche  :  p.  340. 

Marleleurs  de  P.  [Malherbe]. 

Mécaniciens,  voy.  Marins. 

Mèches  à  briquets  {Passementiers  en)  ;  coton  imprégné  de  chromate 
de  P.;  surtout  les  dévideurs  préparant  l'àme  des  mèches  [Lancereaux, 
Chenet]. 

Menuisiers,  marchands  de  vieilles  boiseries  peintes  [Marmisse] . 

Mineurs  de  P.,  mineurs  proprement  dits,  trieurs,  bocardeurs,  gril- 
leurs  de  galène  ou  sulfure  de  P.  et  de  carbonate  de  P.;  —  de  minerais 
métalliques,  d'or,  d'argent  (anémie  des  mineurs  de  Schomnitz,  en  Hon- 
grie), de  cuivre,  d'étain  et  de  zinc,  plombifères. 

Minium  et  Mine-orange  (Fabric.  de)  ;  oxyde  de  P.  intermédiaire. 

Monteurs  de  machines  à  vapeur  ;  soudure  de  cuivre  jaune  dans 
laquelle  entre  du  zinc  et  du  P;  mastic  à  la  céruse  et  au  minium  pour 
les  ajutages  de  tuyaux. 

Mouleurs  de  P.,  —  en  cuivre  plombifère,  —  en  fonte,  maniant  et 
nettoyant  les  modèles  d'ornements  en  alliage  d'étain  et  dé  P.  ou  en  P., 
pour  produire  leur  empreinte  en  creux  dans  les  moules  [Manouvriez]. 

Oxijchlorures  de  P.  (Fabric.  d'),  jaune  minéral,  de  Turner,  de  Cassel. 

Pains  à  cacheter  (Fabric.  de)  colorés  par  des  sels  de  P.  [Veruois]. 

Papiers  peints  (Ouvriers  en)  à  fond  blanc  (céruse),  rouge  (minium) 
et  jaune  (chromate,  oxyde,  oxychlorure,  iodure.) 

Parfumeurs;  préparation  et  application  (coiffeurs)  de  fards  et  de 
poudre  de  riz  à  la  céruse,  de  cosmétiques  et  teintures  plombiques,  d'eau 
de  Cologne  avec  essence  de  thym  et  acétate  de  P. 

Passementiers;  voy.  Mèches  à  briquet. 

Peintres  en  bâtiment;  en  équipages,  de  décors,  lettres  et  attributs,  sur 
porcelaine  et  sur  métaux. 

Plomb  de  chasse  (Fabric.  de)  arsenical. 
Plombiers;  P.  ;  soudure  de  P.  2  et  étain  1. 
Plombeurs,  voy.  Chemins  de  fer,  Potiers  de  terre. 
Ponceurs,  voy.  Ebénistes. 

Polisseurs  de  caractères  d'imprimerie,  de  cristaux,  de  glaces,  yoy. 
ces  mots;  —  de  camées,  voy. Lapidaires;  —  de  vieux  meubles,  voy.  Ebé- 
nistes. 

Porcelainiers .  Poudreuses  de  porcelaine  à  camaïeux  gris,  avec  poudre, 
à  la  céruse,  voy.  Emailleurs. 

Potée  d'étain  (Fabric.  de),  alliage  d'étain  et  P. 

Potiers  d'étain  plombifère;  -  je  terre  vernissée  :  plombeurs  saupou- 
drant les  poteries  humides  avec  du  minium  ou  de  l'alquifoux,  sulfure 
de  P.  ;  vernisseurs  avec  mélange  d'alquifoux,  de  bouse  de  vache  et  d'eau. 

Poudreuses,  voy.  Porcelainiers. 


PLOMB.    INTOXICATION.  COLIQUE  SÈCIII-:. 


545 


Soldais  de  P.  (Fabric.  de). 

Soie  (Ouvriers  en)  chargée  avec  lithargc  ou  acétate  de  P.  (17  p.  100); 
couturières  portant  à  la  bouche  les  fils  de  cette  soie  [Chevallier]. 

Tailleurs  maniant  l'alpaga  anglais  apprêté  au  sulfure  de  P.  [Réveil |. 
—  de  cristaux,  de  limes,  voy.  ces  mots. 

Teinturiers  employant  l'acétate  de  P. 

Tisserands  ;  poussières  dues  au  frottement  des  fuseaux  des  métiers  à 
la  Jacquart,  voy.  Coton. 

Toile-Cuir  (Ouvriers  en)  américaine,  pour  couvrir  les  voitures  d'en- 
fants. 

Tuiliers,  vernisseurs  de  tuiles,  voy.  Carreliers. 

Tuyaux  à  gaz  (Poseurs  de).  Maniement  des  tuyaux;  soudure  des 
plombiers  ,  mastic  à  la  cérusc;  ramollissement  et  décrassage  des  vieux 
tuyaux  encroûtés  de  mastic  par  le  chauffage  sur  des  fourneaux.  [Ma- 
nouvriez]. 

Valises  (Ouvriers  en)  se  servant  d'un  tissu  lustré  noir  «  ovcrland- 
cloth  »  plombifère  [Johnson]. 

l'émis  (Fabric.  de)  à  la  lîtharge. 

Vernisseurs  sur  métaux;  vernis  plombique  ;  —  de  cuirs,  de  pote- 
ries ,  voy.  ces  mots. 

Verriers,  voy.  Émailleurs. 

Vitriers  ;  mastic  contenant  de  la  céruse. 

Zingueurs;  zinc  plombifère,  soudure  plombique. 

Colique  sèche.  —  La  colique  sèche,  colique  végétale,  nerveuse,  du 
l'oitou,  du  Devonshire,  des  pays  chauds,  de  Cayenne,  du  Gabon,  du 
Surinam,  etc.,  offre,  on  le  sait,  au  point  de  vue  symptomatique,  l'ana- 
logie la  plus  étroite  avec  le  saturnisme.  Comme  dans  celui-ci,  il  y  a 
constipation,  vomissements,  coliques  exacerbantes,  crampes,  subictère  ; 
dans  les  cas  graves,  on  note  le  délire,  les  convulsions,  l'amaurosc,  le  coma 
et  autres  phénomènes  encéphalopathiques,  parfois  suivis  de  mort;  la 
parajysie  des  extenseurs  du  poignet,  avec  les  caractères  propres  à  la  pa- 
ralysie saturnine,  a  été  maintes  fois  observée. 

La  colique  sèche  des  pays  chauds  s'observe,  ou  plutôt  s'observait  sur- 
tout chez  b.s  marins  à  bord  des  navires,  presque  exclusivement  des 
bateaux  à  vapeur  (Fonssagrives,  Le  Roy  de  Méricourt).  On  connaît  les 
controverses  fameuses  dont  la  véritable  nature  de  celte  maladie  a  été 
l'objet.  Un  grand  nombre  de  médecins  de  marine,  Guépratte  et  Segond 
notamment,  la  considéraient  comme  une  maladie  survenant  sous  l'in- 
fluence de  conditions  climatériques  spéciales,  et  surtout  des  brusques 
variations  de  température.  Le  professeur  Fonssagrives,  dans  ses  premières 
publications,  l'envisageait  comme  une  sorte  de  maladie  miasmatique;  il 
rapprocha  cette  affection  des  névralgies  larvées  si  fréquentes  dans  les 
contrées  paludéennes  et  se  mit  franchement  à  la  tète  des  partisans  de  la 
uon-idenlilé  de  la  colique  sèche  et  de  la  colique  de  plomb. 

Les  travaux  si  remarquables  d'Amédée  Lefèvre  tranchèrent  la  question 
d'une  façon  décisive.  Dans  son  ouvrage  (Recherches  sur  les  causes  de  la 


7>Î6  PLOMB.  —  INTOXICATION.  PIIOI'IIYLAXIK. 

colique  sèche,  Paris,  1859),  d'où  date  une  véritable  révolution  dans 
l'hygiène  des  bateaux  à  vapeur,  Lefèvre  montre  que,  cliniquement,  la 
colique  sèche  des  marins  est  identique  à  la  colique  saturnine.  Au  point 
<le  vue  de  l'éliologie,  il  entreprit  une  enquête  qui  établit  que  le  plomb, 
sous  différentes  formes,  existe  à  profusion  à  bord  des  navire-  à  vapeur. 
11  résulte  de  celte  enquête,  qu'avant  les  améliorations  qu'elle  provo- 
qua, «un  vaisseau  de  90  canons  contenait  15,226  kilogr.  de  plomb, 
sous  forme  de  tuyaux,  de  récipients,  de  lames  servant  au  revêtement 
de  certaines  soutes,  des  écoulilles,  de  la  galle,  etc....  qu'à  ce  plomb 
architectural,  il  faut  joindre  le  plomb  de  préservation  ou  d'ornement 
qui,  sous  forme  de  peinture  au  minium  ou  à  la  céruse,  recouvre  les 
bois  et  le  fer  de  la  machine;  le  plomb  qui  sert  aux  joints  et  qui,  pour 
un  moteur  de  600  chevaux,  consomme  860  kilog.  de  ce  métal  sous 
forme  de  minium,  de  litharge,  de  céruse;  le  plomb  qui  esl  contenu  dans 
les  vases  et  ustensiles  d'étain,  dans  les  étamages  à  l'élain  impur,  etc.  » 
(Fonssagrivcs,  ïlyg.  nav.,  p.  22). 

Les  travaux  d'Amédée  Lefèvre  sont,  ainsi  que  le  fait  remarquer  Le  Roy 
de  Méricourt,  un  bel  exemple  de  ce  que  peuvent  la  persévérance  et  la 
perspicacité  scientifiques  mises  au  service  de  l'hygiène  prophylactique.  Ils 
ont  entraîné  la  conviction  de  tous  les  médecins  compétents,  celle  de 
J.  Rochard,  de  Le  Roy  de  Méricourt,  de  Fonssagrives  lui-même  qui  dans 
ses  nouvelles  publications,  se  montre  partisan  convaincu  de  l'identité 
du  saturnisme  et  de  la  colique  sèche.  Sous  l'impulsion  des  travaux  de 
Lefèvre,  l'administration  de  la  marine  a  procédé  à  des  réformes  profondes, 
tendant  à  réduire  au  minimum  la  quantité  de  plomb  employée  à  bord 
des  navires  de  l'État;  et  depuis  l'application  de  ces  mesures,  le  nombre 
des  cas  de  colique  signalés  dans  les  rapports  des  médecins  de  marine, 
s'est  singulièrement  restreint;  ces  chiffres  apportent  aussi  une  nouvelle 
preuve,  s'il  en  était  besoin,  de  la  vérité  de  l'opinion  défendue  par  Lefèvre, 
et  de  la  grandeur  du  service  que  ce  savant  a  rendu  à  l'hygiène  navale. 
Existe-t-il  cependant,  dans  les  pays  chauds,  à  Cayenne,  au  Sénégal,  des 
coliques  sèches  relevant  d'influences  uniquement  atmosphériques  ou 
telluriques,  sans  l'intervention  du  saturnisme?  C'est  là  une  question 
encore  litigieuse  (Rufz  de  Lavison,  Le  Roy  de  Méricourt).  Mais  il  est  cer- 
tain que  dans  l'immense  majorité  des  cas  décrits  sous  ce  nom,  il  s'agit 
simplement  d'une  intoxication  plombique. 

C.  Circonstances  et  conditions  prédisposantes.  —  La  saison  chaude 
(Tanqucrel),  l'alcoolisme,  l'abus  du  sel  marin  comme  condiment  et, 
pour  les  ouvriers,  la  malpropreté,  favorisent  le  développement  du  satur- 
nisme. 

111.  Prophylaxie.  —  Le  plomb,  vu  sa  grande  diffusion  autour  de  nous, 
sa  subtilité  insidieuse  et  sa  difficile  élimination,  est  un  poison  si  redou- 
table, qu'il  faut  s'appliquer  à  en  restreindre  l'emploi  le  plus  possible. 
Chaque  fois  qu'on  réussira  à  le  bannir  d'un  produit,  non-seulement  ou 
préservera  ainsi  les  consommateurs  et  les  fabricants  de  ce  produit,  mais 
encore,  en  fermant  par  là  un  des  débouchés  commerciaux  du  métal,  on 


PLOMB.           INTOXICATION.  pnonm.Ax 1 1: .  347 

diminuera  le  nembrc  des  ouvriers  exposés  au  saturnisme  pendant  son 
extraction,  son  traitement  métallurgique  et  la  préparation  de  ses  sels. 

11  suffit  de  connaître  les  falsifications  et  les  altérations  des  aliments  et 
des  topiques  de  parfumerie  (t.  IX,  p.  440),  par  addition  volontaire  de 
préparations  saturnines,  et  l'abus  des  médicaments  à  base  de  plomb 
(t.  XII,  p.  746  et  suiv.),  pour  les  éviter  ou  les  prohiber. 

Le  plomb  ne  doit  absolument  pas  entrer  dans  la  confection  des  usten- 
siles servant  de  récipients  aux  aliments  et  aux  boissons.  L'étain  fin,  ren- 
fermant seulement  1  à  2  p.  100  de  métaux  étrangers,  est  seul  convenable 
pour  le  papier  métallique  d'enveloppe,  et  pour  l'étamage,  qui  est  aussi 
facile  à  effectuer  que  celui  à  l'étain  plombifère,  légalement  probibé  par 
une  circulaire  ministérielle  de  1861  (Girardin,  Rivière  et  Clouet).  La 
vaisselle  d'étain  à  5  p.  100  de  plomb,  proportion  nécessaire  pour  qu'elle 
soit  d'une  solidité  suffisante,  esta  peine  attaquable  par  les  liquides  salés 
et  par  le  vinaigre  (Roussin)  ;  mais  .les  vases  en  porcelaine  et  en  cristal, 
épais  et  solides,  adoptés  par  l'administration  de  la  guerre,  pour  les  hôpi- 
taux de  Paris,  lui  sont  encore  préférables. Dans  les  appareils  distillatoires 
des  navires  et  des  pharmacies,  la  cucurbite  peut  être  en  cuivre  bien 
étamé,  mais  les  autres  pièces  seront  :  le  chapiteau  tout  en  étain  fin,  et  le 
serpentin  en  plomb  doublé  de  ce  même  étain.  Les  meilleurs  tuyaux  de 
conduite  pour  l'eau  potable  sont  ceux  en  fonte,  intérieurement  revêtus 
d'un  enduit  vitreux  ;  le  zinc  le  plus  pur  possible,  en  feuilles  ou  recouvrant 
la  tôle  galvanisée, devrait  servira  la  confection  des  petits  réservoirs  d'eau 
de  pluie.  On  ne  saurait  trop  blâmer  les  pompes  en  fer,  dont  les  tuyaux 
d'alimentation  généralement  en  plomb,  sont  attaqués  avec  d'autant  plus 
d'énergie,  que  l'accouplement  des  deux  métaux  donne  naissance  à  un 
courant  galvanique  ;  il  serait  facile  aux  constructeurs  de  les  remplacer 
par  des  tuyaux  en  fonte  analogues  aux  conduites  d'eau,  mais  revêtu  d'un 
enduit  vitreux  extérieurement  aussi  bien  qu'intérieurement.  Constantin 
(de  Brest)  a  proposé,  pour  les  poteries  communes,  des  vernis  vitreux  non 
ploinbiféres  :  l'un  incolore  à  base  de  soude  et  de  chaux,  l'autre  brun  et 
très-brillant  à  base  de  soude  et  de  peroxyde  de  manganèse.  (YVurlz, 
Rec.  des  Irav.  de  coin,  consult.  dln/g.  publ.,  t.  Y,  p.  42 7) .  Delloye- 
Masson  (de  Bruxelles)  emploie  un  émail  non  plombifère,  dont  malheu- 
reusement la  composition  reste  secrète  (de  Freycinet).  Des  émaux  ana- 
logues devraient  remplacer  les  émaux  plombifèrcs,  surtout  pour  les 
ustensiles  culinaires,  spécialement  les  rôtissoires  à  gaz  ;  dans  leurs  autres 
applications  industrielles,  l'intérêt  hygiénique  des  ouvriers  les  rendrait 
précieux  aussi.  La  gravure  sur  verre  au  moyen  de  l'électricité,  imaginée 
par  Planté,  pourrait  être  substituée  aux  procédés  actuels  de  fabrication 
du  verre  mousseline. 

La  couche  des  tailleurs  de  limes,  la  roue  à  l'émeri  et  les  tirets  des 
lapidaires  et  des  polisseurs  de  camées  seront  aisément  laits  d'un  métal 
autre  que  le  plomb,  en  cuivre  ou  mieux  en  étain  par  exemple.  Il  est  à 
désirer  que  les  nouveaux  caractères  d'imprimerie  inusables  en  verre 
opaque  répondent  à  l'attente  de  leur  inventeur. 


548 


PLOMB.  —  INTOXICATION.  PROPHYLAXIE. 


L'heureux  emploi  én  peinture  de  l'oxyde  de  zinc  (Courtois)  et  du  sul- 
fate de  baryte  au  lieu  de  céruse,  réalise  déjà  un  immense  progrès;  on 
pourrait  y  ajouter  l'oxyde  blanc  d'antimoine  ;  Lcclaire  est  arrivé  à  rem- 
placer dans  les  huiles  siccatives  la  litharge  par  le  manganèse.  En  tein- 
ture, les  couleurs  dérivées  du  goudron  de  houille,  moins  nocives  que  celles 
de  plomb,  tendent  à  se  généraliser  de  plus  en  plus.  Signalons  encore  les 
couleurs  jaunes  à  base  de  cauline,  principe  retiré  de  certaines  malvacées 
et  crucifères,  applicables  à  la  teinture  des  papiers  et  étoffes  (Collineau  et 
Savigny),  et  les  laques  rouges,  oranges  et  jaunes,  inoffensives  (combinai- 
sons d'éosine  et  de  fluorcscine  avec  le  zinc)  récemment  découvertes  par 
Turpin,  et  appliquées  à  la  décoration  des  jouets  en  caoutchouc,  en  place 
du  minium,  de  la  mine  orange  et  du  ebromate  de  plomb.  En  tous  cas, 
les  simples  encollages  sont  insuffisants  à  fixer  sur  les  jouets  les  cou- 
leurs de  plomb  ;  celles-ci  devront  toujours  être  couvertes  d'un  bon 
vernis  à  l'alcool,  ou  mieux  d'un  vernis  gras  (Chevallier).  Dans  l'apprêt 
du  coton,  le  sulfate  de  baryte  a  été  suhstitué  à  la  céruse  ;  pour  celui  de 
l'alpaga  anglais,  le  sulfure  de  cuivre  présente  les  mêmes  avantages  que  le 
sulfure  de  plomb;  enfin  la  combustion  du  coton  des  mèches  à  briquet 
serait  à  peu  près  aussi  bien  régularisée  par  le  nitrate  de  potasse  que  par 
le  ebromate  de  plomb. 

Dans  les  opérations  industrielles  où  se  manipulent  le  plomb  et  ses 
préparations,  la  prophylaxie  la  plus  efficace  consistera  à  substituer,  le 
plus  possible,  les  machines  à  la  main-d'œuvre. 

On  amoindrira  la  dissémination  des  particules  saturnines  par  les  me- 
sures suivantes  :  emploi  d'appareils  clos,  broyeurs  à  couvercles,  tamis 
clos,  appareils  de  Corduant  pour  la  fabrication  de  la  céruse,-  supprimant 
le  broyage  et  le  blutage  ;  large  intervention  d'un  liquide  approprié,  hu- 
înectation  de  la  matière  première  par  l'eau,  l'huile  (broyage  de  la  céruse), 
l'eau  seconde  (avant  le  grattage  des  peintures,  Chevreul);  pluie  intermit- 
tente d'eau  pulvérisée  pour  abattre  la  poussière,  au  moyen  de  pommes 
d'arrosoir  à  trous  périphériques,  comme  ceux  que  nous  avons  fait  in- 
staller avec  avantage  à  la  voûte  des  caves  à  brai  d'Anzin  ;  arrosage  du 
sol;  maintien  d'une  température  peu  élevée,  (peinture),  et  établis- 
sement d'une  bonne  ventilation  des  ateliers,  qui  doivent  être  spacieux  ; 
aérat;on  naturelle,  cheminées  à  hottes  pour  l'enlèvement  des  vapeurs, 
bonne  position  de  l'ouvrier,  qui  ne  restera  jamais  sous  le  courant 
d'air  chargé  de  particules  toxiques  après  être  passé  sur  les  matières  en 
œuvre. 

Les  divers  engins  prolecteurs,  appliqués  devant  les  orifices  de  la  face 
et,  en  raison  de  l'absorption  cutanée,  sur  les  parties  exposées  au  contact 
du  poison,  peuvent  être  utiles,  chacun  dans  certains  cas  spéciaux  :  vête- 
ments imperméables,  voiles,  masques,  respirateurs,  tampons  d'ouate 
dans  les  oreilles,  contre  les  poussières  et  les  vapeurs,  et  gants  pour 
les  peintres.  L'importance  de  l'absorption  par  la  peau  légitime  les  plus 
grands  soins  de  propreté  :  lavages  fréquents  et  minutieux  de  la  face,  du 
[a  bouche  et  des  mains,  avec  une  brosse  pour  les  ongles,  bains  sulfu- 


PLOMB.  — 


INTOXICATION.  TRAITEMENT- 


5*11 


reux  et  savonneux,  changement  de  vêtement  après  le  travail  ;  des  ves- 
tiaires-lavoirs avec  baignoires  seront  par  conséquent  installés  dans  les 
fabriques  même. 

11  importe  que  les  ouvriers  ne  travaillent  jamais  à  jeun,  et  qu'ils  pren- 
nent leurs  repas  hors  de  l'atelier  ;  les  aliments  gras,  tels  que  le  lait, 
le  lard  (De  Haën,  Chrislison),  le  sel  comme  condiment  (Melsens),  doi- 
vent entrer  pour  une  large  part  dans  leur  régime  habituel;  ils  use- 
ront de  laxatifs  de  temps  à  autre.  On  s'efforcera  de  leur  faire  com- 
prendre combien  les  excès  alcooliques  leur  sont  préjudiciables.  L'usage 
du  tabac  à  fumer  et  à  chiquer  passe  pour  leur  être  avantageux  (Ilenckel, 
Hoffmann) . 

Les  femmes  entrant  dans  la  seconde  moitié  de  la  grossesse  doivent  être 
exclues  du  travail,  jusque  six  semaines  après  l'accouchement  (Ilirt  el 
Gôttisheim). 

En  tous  cas,  l'alternance  des  ouvriers  dans  les  postes  dangereux  sera 
rigoureusement  praticpiée,  et  on  leur  interdira  le  travail  dès  l'apparition 
des  premiers  symptômes  de  saturation. 

IV.  Traitement.  —  Le  traitement  de  l'intoxication  saturnine  com- 
prend un  certain  nombre  d'indications,  dont  l'une  s'adresse  à  l'intoxi- 
cation chronique  elle-même,  à  la  dyscrasie  el  à  la  cachexie  qu'elle  en- 
gendre; outre  cette  indication  générale,  il  en  est  d'autres  plus  spéciales, 
visant  les  accidents  saturnins  en  particulier,  les  épiphénomènes  aigus  ou 
chroniques  :  colique,  constipation ,  encéphalopathie,  paralysie  satur- 
nine, etc. 

A.  Traitement  de  l'intoxication  saturnine  chronique  en  général.  — 
L'indication  primordiale  a  pour  but  d'éliminer  le  poison  ou  bien  encore, 
l'élimination  étant  jugée  impossible  ou  trop  lente,  de  rendre,  à  l'aide 
de  l'administration  de  certains  médicaments ,  le  plomb  insoluble,  par- 
tant inoffensif.  De  là  deux  méthodes  principales,  d'une  valeur  bien  dif- 
férente, la  méthode  par  élimination  et  celle  par  immobilisation  ou, si  l'on 
peut  ainsi  parler,  par  insolubilisation. 

Méthode  par  élimination.  —  C'est  la  plus  rationnelle,  celle  d'ailleurs 
qui  s'attaque  le  mieux  à  l'intoxication  ;  elle  consiste  à  favoriser  l'élimi- 
nation du  plomb  par  les  divers  émonctoires  naturels.  Elle  vient  en  aide  à 
l'organisme  qui  tend  à  se  débarrasser  spontanément  des  poisons  qu'il  ren- 
ferme. Le  saturnisme  peut,  en  effet,  guérir  par  les  seules  ressources 
de  la  nature;  Tanquerel  des  Planches  en  rapporte  un  certain  nombre 
d'exemples. 

En  tète  des  moyens  de  cet  ordre  se  place  la  méthode  évacuante ,  soit 
seule,  soit  associée  (surtout  pendant  les  crises  de  colique)  à  l'emploi 
des  sédatifs,  des  opiacés  et  de  quelques  boissons  sudorifiques  ;  c'est 
ce.  traitement  complexe  qui  forme  la  base  du  fameux  traitement  de  la 
Charité,  importé  en  France  par  des  religieux  italiens,  en  1602.  H  se 
compose  de  formules  très-compliquées ,  un  peu  vieillies  aujourd'hui , 
mais  d'une  grande  efficacité,  et  que  quelques  médecins  suivent  encore  à 
la  lettre. 


350 


l'LOMU.  — 


I NTOX ICATION .   TUAlTi; M E \ T . 


Voici,  dans  sa  l'orme  actuelle,  la  composition  du  traitement  dit  de  la 
Charité,  d'après  Grisolle  : 

Premier  jour.  —  Eau  de  casse  avec  les  grains  (décoction  de  04  gr.  de  tamarin 
dans  1000  gr.  d'eau,  ajoutez  :  émitique  0«,15).  Pour  boisson,  tisane  sudorifique  ximple 
(décoction  de  gaïac).  Le  matin,  un  lavement  purgatif  (infusion  de  séné,  8  jjr,  pour  500  gr. 
d'eau;  sulfate  de  soude,  70  gi\;  élecluairc  diaphcciiix,  32  gr.;  jalap  pulvérisé,  1  gr.  5  déci- 
grammes).  Lfi  soir,  lavement  anodin  [huile  de  noix,  125  gr.;  vin  rouge,  314  gr.)  ;  bol  calmant 
(thériaque  1  gr.,  opium,  0',05). 

Deuxième  jour.  —  Eau  cuite  (eau,  500  gr.;  émétiquc,  5S,25)  ;  tisane  sudorifique  simple  ; 
lavement  purgatif,  pour  le  matin.  Le  soir,  lavement  anodin,  thériaque  et  opium,  ut  suprà. 

Troisième  jour.  —  Tisane  sudorifique  laxatirc,  2  verres  (infusion  de  séné  cl  décoction 
de  gaïac.  parties  égales,  1000  gr.);  tisane  sudorifique  simple;  lavement  purgatif  ;  lavement 
anodin;  bol  calmant,  ut  supra. 

Quatrième  jour.  —  Potion  purgative  des  peintres,  le  matin  (séné  8  gr.,  infusé  dans  250  gr. 
d'eau;  électuaire  diaphœnix  et  sirop  de  nerprun,  52  gr.,  de  chaque  ;  jalap  en  poudre,  1  gr. 
3  décigr.)  ;  tisane  sudorifique  simple.  Le  soir,  bol  de  thériaque  cl  opium. 

Cinquième  jour.  —  Tisane  sudorifique  laxativc,  2  verres  :  tisane  sudorifique  simple; 
lavement  purgatif;  le  soir,  lavement  anodin  ;  thériaque  el  opium. 

Sixième  jour.  —  Potion  purgative,  le  matin;  tisane  sudorifique  simple;  lavement  pur- 
gatif ;  lavement  anodin;  bol  calmant. 

'  Septième  jour.  —  Tisane  sudorifique  laxalive;  tisane  sudorifique  simple;  lavement  pur- 
qalif ;  lavement  anodin;  bol  calmant. 

Pendant  le  traitement  de  la  Charité,  les  malades  sont  à  la  diète;  en  général,  on  commence  à 
donner  du  bouillon  le  4e  ou  le  6e  jour;  on  augmente  ensuite  graduellement. 

Nous  avons  tenu  à  reproduire  cette  formule,  ne  fût-ce  qu'à  cause  de  son 
importance  historique.  On  voit  que  ce  traitement  satisfait  à  deux  indications 
principales  :  il  agit  comme  purgatif  et  diaphorétique,  dans  le  but  de  provo- 
quer l'élimination  du  toxique  ;  d'autre  part,  grâce  aux  préparations  opia- 
cées qui  entrent  dans  sa  composition,  il  calme  les  douleurs  si  vives  des  co- 
liques de  plomb. 

Les  purgatifs  salins  (sulfates  de  soude  et  de  magnésie,  eau  de  Sedlitz) 
peuvent  également  être  employés  ;  mais  la  plupart  des  médecins  recom- 
mandent de  préférence  les  drastiques.  Pendant  la  colique,  l'eau-de-vie 
allemande  à  la  dose  de  50  à  40  gr.,  associée  à  une  même  quantité  de 
sirop  de  nerprun,  est  d'une  administration  utile  (Jaccoud)  ;  Tanquerel  et 
Grisolle  préconisent,  dans  les  cas  de  constipation  opiniâtre.  Mutile  de 
croton  à  la  dose  de  2  à  5  gouttes,  en  une  ou  deux  pilules  ou  dans  une 
cuillerée  de  tisane.  Si  l'huile  agit  comme  vomitif,  ou  si  elle  ne  produit 
aucun  résultat  quelques  heures  après  son  ingestion,  on  donnera  une 
nouvelle  pilule  d'une  goutte.  L'usage  de  ce  purgatif  sera  continué  pendant 
deux  ou  trois  jours  de  suite,  même  si  les  coliques  ont  entièrement  cessé  ;  il 
suffit  alors  le  plus  souvent  de  donner  une  demi-goutte  le  matin,  avec  un 
lavement  purgatif  administré  le  soir  comme  adjuvant.  Mais,  pour  peu 
que  le  soulagement  se  fasse  attendre,  mieux  vaut  «  suivie  à  la  lettre  le 
traitement  si  efficace  de  la  Charité  »  (Grisolle).  Il  ne  faut  pas  craindre, 
d'après  le  môme  auteur,  d'insister  sur  les  purgatifs,  surtout  sur  les  dras- 
tiques ;  et  Grisolle  signale, avec  raison,  la  singulière  tolérance  que  les 
saturnins  présentent  à  cet  égard.  «  Ce  n'est  pas  —  fait-il  remarquer  — 
un  des  points  les  moins  curieux  de  la  colique  de  plomb,  que  de  voir  les 
malades  qui  succombent  après  avoir  pris  des  doses,  souvent  considérables, 


PLOMB.    INTOXICATION.  TRAITEMENT. 


551 


de  drasticraeSj  ne  présentant  néanmoins  pas  môme  de  la  rougeur  dans  le 
tube  gastro-intestinal.  » 

On  a  vu  la  part  considérable  que  prennent  les  sudorifiques,  dans  le 
traitement  de  la  Cliarilé.  Les  bains  de  vapeur  el  d'étuve,  l'administration 
du  jaborandi  ou  de  son  alcaloïde,  la  pilocarpine  favorisent  l'élimination 
des  molécules  de  métal.  Les  expériences  d'après  lesquelles  A.  Robin  a  cru 
pouvoir  nier  l'élimination  sudorale  du  plomb,  trop  peu  nombreuses  pour 
être  concluantes,  sont  du  reste  formellement  contredites  par  ce  fait  d'ob- 
servation que  des  plaques  cutanées  de  sulfure  de  plomb  se  sont  montrées 
sur  des  sujets  qui  avaient  absorbé  le  poison  parle  tube  digestif  seulement. 

C'est  surtout  comme  diurétique  que  doit  agir  l'eau  administrée  en  abon- 
dance intus  et  extra  (Marlin-Solon,  Monncrct,  Reislaml). 

La  médication  par  Viodure  de  potassium  contre  le  saturnisme  chro- 
nique a  été  introduite  dans  la  pratique  par  N.  Guillot  et  Melsens  en 
France,  par  Parkas  et  Williamson  en  Angleterre.  Elle  répond  à  une  indi- 
cation éminemment  rationnelle  :  selon  ces  auteurs,  ce  médicament  aurait 
pour  résultat  de  solubiliser  le  plomb,  qui,  sous  leur  influence,  est  remis 
en  circulation  et  s'élimine  d'une  façon  continue  et  en  plus  grande  abon- 
dance par  les  urines.  11  y  a  lieu  de  croire  que  ce  résultat  est  dû  à  une 
véritable  action  chimique  par  formation  d'un  sel  double  dinlysable  (Guillot 
et  Melsens),  plutôt  <|u'à  une  simple  surexcitation  de  la  désassimilation 
(Guider  et  Œttinger).  La  médication  iodurée  est  tellement  efficace  qu'elle 
nécessite  de  grandes  précautions  ;  si,  en  effet,  par  suite  de  l'administra- 
tion d'une  dose  massive  d'iodure,  le  plomb  en  réserve  est  remis  en  cir- 
culation en  trop  grande  quantité  à  la  fois,  il  peut  en  résulter  de  graves 
accidents  :  coliques,  et  surtout  cncéphalopathie  ;  d'où  la  nécessité  de  tou- 
jours commencer  par  de  faibles  doses. 

La  dose  de  50  centigr.  à  1  et  rarement  2  gram.  nous  a  toujours 
semblé  bien  suffisante.  L'altération  profonde  du  filtre  rénal  est  une  contre- 
indication  formelle  de  l'iodure.  Melsens  croit  de  plus  que  pour  éviter 
les  iodites  et  les  iodates,  qui  sont  toxiques,  il  est  indispensable  de  calci- 
ner l'iodure  avec  de  la  limaille  de  fer  et  de  le  faire  dissoudre  dans  l'eau, 
en  le  maintenant  au  contact  du  fer;  celte  solution  ferrée,  préparée 
d'avance  en  suffisante  quantité,  serait  filtrée  au  fur  el  à  mesure  du  be- 
soin. Ajoutons  enfin  que  ce  chimiste  conseille  d'administrer  l'iodure 
pur  comme  condiment  avec  les  aliments. 

L'association  du  bromure  à  l'iodure  de  potassium  a  élé  préconisée  par 
Gubler,  surtout,  comme  nous  le  verrons  plus  loin,  quand  il  y  a  menace 
d'accidents  encéphalopathiques. 

Semmola  a  imaginé  d'appliquer  sur  les  centres  nerveux  ganglion- 
naires un  courant  électrique  continu,  qui,  activant  les  échanges  nutri- 
tifs et  par  suite  la  désassimilation,  déterminerait  l'élimination  du  plomb 
par  la  voie  des  excrétions  naturelles,  surtout  par  les  reins. 

Pour  nettoyer  la  peau,  nous  nous  sommes  bien  trouvé  des  lotions  d'hy- 
pochlorite  de  soude,  donnant  naissance  à  un  chlorure  de  plomb  soluble 
dans  l'eau  (Méhu). 


352  I'LUMB.  —  i.m'oxicatio.n.  tiiahkhent. 

Méthode  par  insolubilisalion.  —  Rendre  le  plomb  insoluble,  par  con- 
séquent inactif  et  inollcnsif,  tel  est  le  but  que  se  propose  la  mélbode  chi- 
mique de  traitement  par  insolubilisalion  ou  par  neutralisation.  Cette  mé- 
thode compte,  parmi  ses  moyens  d'action,  quelques-uns  de  ceux  dont  i| 
a  déjà  été  l'ait  mention  au  paragraphe  delà  prophylaxie  ;  et  en  effet  le  prin- 
cipe est  le  même  :  neutraliser  le  plomb  à  mesure  qu'il  entre  dans  l'organisme, 
ou  neutraliser  celui  qui  est  entré  cl  qui  s'est  fixé  dans  l'économie. 

De  temps  immémorial  le  soufre  a  été  employé  comme  un  antidote  du 
plomb,  sous  forme  de  fleurs  de  soufre  ou  d'eaux  sulfureuses.  Royer 
l'administrait  sous  forme  de  limonade  hydro-sulfurique,  espérant  fournir 
du  sulfure  de  plomb,  sans  action  sur  l'organisme;  le  médecin  de  la  Charilé 
n'a  pas  lardé  à  en  reconnaître  l'inutilité  el  à  l'abandonner  complètement. 

L'acide  sulfurique  a  été  administré,  sous  forme  de  limonade  sulfuri- 
que,  par  Gendrin,  dans  le  but  de  former  un  sulfate  de  plomb  inoffensif. 
En  supposant  même  que  les  réactions  se  passent  dans  l'économie  comme 
elles  se  font  in  vitro,  cette  médication  ne  justifie  pas  les  éloges  que  lui 
décerne  Gendrin;  Nalalis  Guillot  et  Melsens  ont  montré,  en  effet,  què 
le  sulfate  de  plomb,  loin  d'être  un  composé  inerte,  est  «  un  poison  lent, 
mais  sûr.  »  Du  reste,  il  est  plus  que  douteux  que  l'acide  sulfurique 
ingéré  par  la  bouche,  soit  absorbé  sous  forme  d'acide  sulfurique,  et  puisse- 
aller,  dans  l'intimité  des  tissus,  se  combiner  avec  les  bases  plombiques. 

Les  bains  sulfureux  transforment  en  sulfure  de  plomb  les  molécules 
plombiques  fixées  à  la  surface  de  la  peau,  ou  éliminées  par  les  couches 
superficielles  de  l'épiderme.  Le  malade  d'ailleurs  se  trouvera  toujours 
bien  de  leur  action  stimulante  générale.  Rrémond  présente  les  douche-  de 
vapeur  d'eau  sulfhydrique  comme  beaucoup  plus  efficaces. 

D'une  façon  générale,  la  méthode  par  neutralisation,  appliquée  à  la 
peau  aussi  bien  qu'au  tube  digestif,  peut  rendre  des  services,  surtout  au 
début,  pourvu  qu'on  lui  associe,  d'une  part,  les  lotions  et  frictions  sa- 
vonneuses et  alcalines,  et  d'autre  part,  les  purgatifs,  afin  d'entraîner 
mécaniquement  le  sulfure  qui,  autrement,  pourrait  se  redissoudre  dans 
les  liquides  sudoraux  ou  digestifs.  Mais  la  méthode  par  insolubilisa- 
tion  proprement  dite,  par  laquelle  on  cherche  à  insolubiliser  le  plomb 
dans  la  trame  même  des  tissus,  est  inutile  et  même  dangereuse  (Guillot 
et  Melsens)  ;  car,  pour  être  insoluble,  le  sulfure  et  le  sulfate  de  plomb 
n'en  sont  pas  moins  toxiques.  Son  seul  résultat  est  de  fixer  le  poison,  et 
par  suite  de  provoquer  le  développement  de  certains  accidents  chroni- 
ques, comme  la  paralysie  ;  c'est  en  effet  ce  qu'on  a  observé. 

Nous  ne  ferons  que  mentionner  le  traitement  par  Valun  (à  la  dose  de 
8  à  iO  gr.),  que  Montanceix  a  voulu  opposer  au  traitement  de  la  Charité 
(sous  le  nom  de  traitement  de  Saint- Antoine),  et  qui  n'appartient  plus 
qu'à  l'histoire  des  erreurs  en  thérapeutique. 

Tels  sont  les  principaux  moyens  dont  nous  disposons  pour  activer  le 
mouvement  de  désassimilation  du  plomb  (îxé  dans  les  tissus,  ou  pour  en 
neutraliser,  dans  la  mesure  du  possible,  l'action  délétère.  Mais  cette  action, 


PLOMB    INTOXICATION  CHItONIQUE.    TRAITEMENT. 


7,:,7, 


est  complexe;  elle  aboutit  rapidement  à  la  dénutrition  du  sujet,  à  une 
véritable  cachexie,  s'accusant  par  la  pâleur  des  téguments,  l'amaigrisse- 
ment, l'anorexie,  l'albuminurie,  la  céphalalgie,  les  vertiges,  etc.  De  là  des 
indications  qui,  quoique  ne  ressortissant  pas  à  la  cause  même  du  mal, 
n'en  sont  pas  moins  importantes.  Les  toniques,  les  préparations  martiales, 
les  amers  répareront  les  globules  rouges  usés  et  détruits,  rendront  à  la 
libre  musculaire  son  ressort  et  combattront  l'anorexie  et  la  dyspesie.  Les 
pratiques  bydrothérapiques  peuvent  aussi  être  employées  avec  fruit  tant 
pour  stimuler  le  système  nerveux,  que  pour  activer  la  circulation  languis- 
sante des  téguments.  Gubler  préconisait  l'usage  interne  de  l'opium,  non- 
seulement  comme  propre  à  endormir  les  douleurs  de  la  colique,  mais 
comme  stimulant  général  et  médicament  vaso-dilatateur. 

B.  Traitement  des  principaux  accidents  saturnins.  —  Colique.  —  Au 
début,  l'électuaire  de  miel  et  Heurs  de  soufre  à  parties  égales,  puis  les 
purgatifs,  en  particulier  les  drastiques  (eau-de-vic  allemande  de  20  à 
40  gram.  ;  sené,  15  à  20  gram.  ;  huile  de  croton,  5  gouttes  dans  l'huile 
de  ricin  15  gram.;  lavements  purgatifs  au  sené  et  au  sulfate  de  soude), 
associés  aux  opiacés  ou  à  la  belladone  (Malherbe),  et  les  boissons  sudori- 
fiques  constituent  la  base  du  traitement  de  la  colique.  Les  cataplasmes 
laudanisés  sur  le  ventre,  serviront  à  calmer  les  douleurs  extrêmement 
violentes. 

Les  révulsifs,  au  dire  de  Grisolle,  sont  parfois  utiles,  surtout  la  rubé- 
faction vive  de  la  peau  du  ventre,  obtenue  à  l'aide  d'un  sinapisme  ou 
bien  avec  du  chloroforme. 

Briquet  recommande  la  faradisation  de  la  peau  du  ventre  et  des  mus- 
cles droits  de  l'abdomen  (à  l'aide  de  pinceau  électrique)  ;  au  bout  de  deux 
à  quatre  minutes  d'application,  la  colique  cesse  généralement  pour  un 
temps  variable  ;  mais  cette  pratique  est  excessivement  douloureuse 
«  plus  vive  que  celle  du  fer  rouge  »  (Grisolle).  «  L'électrisation  cutanée 
—  observe  judicieusement  le  même  auteur —  guérit  ici  par  révulsion; 
en  effet,  elle  réussit  de  la  même  manière  que  dans  les  autres  névralgies. 
Ce  qui  prouve  d'ailleurs  que  tel  est  son  mode  d'action,  c'est  qu'on  a  pu 
guérir  des  coliques  saturnines  en  portant  le  courant  sur  des  parties 
éloignées,  mais  très-sensibles,  comme  les  doigts,  les  orteils,  le  nez.  Cette 
méthode  a  l'inconvénient  d'être  excessivement  douloureuse,  au  point 
que  des  malades  torturés  par  la  colique  saturnine,  refusent  cependant  de 
s'y  soumettre.  » 

Lorsque  ces  douleurs  sont  trop  violentes ,  il  est  bon  de  recourir  à 
l'opium,  avant  d'employer  la  méthode  évacuante  (Stoll).  Dans  ce  cas,  il 
faut  l'administrer  larga  manu,  à  la  dose  de  10,  15,  jusqu'à  40  centigr. 
dans  les  24  heures.  Parfois,  la  constipation  cède  par  le  fait  seul  de  la 
suppression  de  la  douleur. 

Les  injections  hypodermiques  de  chlorhydrate  de  morphine,  à  la  dose 
d'un  centigr.,  répétées  plusieurs  fois  par  jour,  constituent  un  moyen 
éminemment  commode  et  efficace,  et  dont  l'emploi  tend  de  plus  en  plus 
à  se  substituer  à  l'administration  de  l'opium  par  la  bouche.  Les  anesthé- 

NOCV.  DICT.  SIÉD.  El   CUIB.  XXYIII  —  25 


554  l'LO.MU.           KMPLOI  TIIKIIAPKUTIQIE. 

siques  proprement  dits,  le  chloroforme  donné  en  lavement  ou  en  potion 
de  50  à  60  gouttes,  jusqu'à  10  ou  12  gram.  dans  les  vingt  quatre  heures 
(Aran),  ou  le  cldoral  à  la  dose  de  2  à  4  gram.,  paraissent  d'une  efficacité 
moindre  que  l'emploi  des  opiacés  et  surtout  de  la  morphine  en  injec- 
tions sous-cutanées. 

Encéphalopalhie.  —  La  saignée  générale  a  été,  avec  raison,  abandon- 
née dans  le  traitement  des  accidents  cérébraux  du  saturnisme;  mais  lès 
saignées  locales,  surtout  au  moyen  de  ventouses  scarifiées  appliquées  à 
la  nuque,  peuvent  être  utiles.  Grisolle  se  loue,  contre  le  coma,  de  l'ap- 
plication d'un  large  vésicatoire  sur  toute  la  surface  du  cuir  chevelu  préa- 
lablement rasé.  Dans  les  formes  convulsives  et  délirantes,  il  s'est  bien 
trouvé  des  affusions  froides.  Dans  ces  mêmes  cas,  et  spécialement  dans 
la  forme  maniaque,  le  laudanum  administré  à  la  dose  de  15  à  20  gouttes, 
dans  un  quart  de  lavement,  réussit  parfois  à  calmer  l'agitation  et  à  pro- 
curer un  sommeil  tranquille.  Le  bromure  de  potassium  a  été  employé  avec 
succès,  par  Gubler,  contre  l'encéphalopathie  convulsive  ou  délirante, 
à  doses  élevées  (6  à  10  gram.)  L'emploi  de  ce  médicament  est  rationnel, 
vu  son  action  dépressive  sur  la  réflectivité  des  centres  nerveux.  Rayer 
et  Tanquerel  recommandaient  l'expectation  pure  et  simple;  mais  cette 
pratique  n'a  guère  trouvé  d'imitateurs. 

Paralysies.  —  Nous  traitons  la  paralysie  d'origine  directe,  ainsi  d'ail- 
leurs que  les  autres  accidents  saturnins  locaux  :  à  l'extérieur,  par  des 
bains  sulfureux,  suivis  de  bains  alcalins  ou  savonneux  et,  plus  tard,  par 
des  frictions  locales  avec  la  pommade  à  l'iodure;  et  à  l'intérieur,  par  le 
traitement  ioduré,  sans  préjudice  des  autres  moyens,  spécialement  l'élec- 
tricité, employés  contre  la  paralysie  de  cause  générale. 

Gueneau  de  Mussy  regarde  le  phosphure  de  zinc,  de  1  à  5  et  4 
centigr.,  comme  très-actif  contre  la  paralysie  et  le  tremblement.  La 
strychnine,  de  1  à  5  milligr.  au  plus,  a  la  propriété  d'augmenter 
le  pouvoir  excito-moteur  du  centre  spinal,  et  d'agir  plus  particulière- 
ment sur  les  extenseurs  du  tronc  et  des  membres  (Martin-Magron  et 
Cayrade).  Les  courants  électriques  induits  sont  ceux  qui,  mettant  le 
moins  enjeu  la  sensibilité  musculaire,  constituent  le  mode  de  traitement 
le  plus  rapide;  ils  doivent  être  appliqués  localement  de  façon  à  détermi- 
ner des  sensations  douloureuses,  et  par  séances  éloignées. 

L'application  d'un  électro-aimant  a  guéri  presque  complètement  un 
saturnin  hémiplégique  et  hémianesthésique  (Debove). 

L'iodure  de  potassium  inlus  el  extra  nous  a  bien  réussi  dans  les  ar- 
Ihralgies  tenaces  et  localisées,  tandis  que  le  tremblement  passe  pour 
mieux  se  modifier  sous  l'influence  du  bromure. 

Emploi  thérapeutique.  —  L'emploi  thérapeutique  du  plomb, 
longtemps  très  répandu,  jusque  dans  le  siècle  dernier,  est,  de  nos  jours} 
considérablement  restreint  et  presque  exclusivement  limité  aux  appli- 
cations externes. 

I.  Usage  interne.  —  A  l'intérieur,  on  a  administré  rarement  le  car- 
bonate et  l'iodure,  el  d'ordinair.e  les  acétates,  surtout  le  neutre  (se 


PLOMB.           EMPLOI  THÉIUPKUTIQUE.  35;*) 

de  saturne),  à  la  dose  de  5  à  80  centigr.,  et  même  jusqu'à  4  gram.  par 
jour! 

Il  peut  paraître  étonnant  qu'on  ait  songé  à  utiliser  la  prétendue  vertu 
Sédative  du  plomb  contre  les  névralgies,  l'hystérie,  l'épilepsie  (Ruysch), 
la  mélancolie  (Morgagni),  la  toux  convulsive  (Tachenius)  et  les  névroses 
cardiaques  (Levrat-Pcrotton),  puisque  la  plupart  de  ces  affections  sont 
susceptibles  de  se  développer  sous  l'influence  de  ce  métal  ;  mais  celui-ci 
n'a-t-il  pas  été  prescrit  pour  calmer  la  colique  saturnine  elle-même? 
Dans  la  nymphomanie  (Lieutaud),  la  spermatorrhée  et  les  accidents  can- 
tharidiens,  le  plomb  a  dû  agir  comme  anaphrodisiaque . 

L'action  de  ce  métal  sur  le  système  circulatoire  explique  ses  effets 
contre  les  bémorrhagies  du  poumon  (Léridon,  Sirus-Pirondi)  et  de  l'uté- 
rus (Reynolds,  Shaw  et  Baker),  la  dysenterie,  l'hypertrophie  cardiaque 
(Brachct),  les  anévrysmes  des  grosses  artères  (Korelï,  Dupuytren)  et  les 
diverses  inflammations  parenchymateuscs  (Crollius),  en  particulier  la 
métrile  (Lisfranc)  et  la  pneumonie  aiguë  (Strohl,  Leudet). 

Vu  leurs  propriétés  anticatarrhàles  et  astringentes,  les  préparations 
saturnines  auraient  été  administrées  avec  un  certain  succès  dans  les 
affections  suivantes  :  l'uréthrite  (Goulard),  la  blennorrhagie,  la  blennor- 
rhée,  (J.  Hunier,  Girlanner,  Michaëlis)  et  la  néphrite  (llermann)  ;  les 
sueurs  profuses,  la  diarrhée  et  le  catarrhe  bronchique,  spécialement  des 
phthisiques  (Etmùller,  Pringle,  Jahn,  Amelung,  Fouquier)  et  le  choléra 
(Baudin).  On  sait  que  Beau  et  après  luiPidoux,  se  basant  sur  le  prétendu 
antagonisme  entre  le  saturnisme  et  la  plilhisie,  ont  même  considéré  le 
plomb  comme  un  spécifique  contre  la  diathèse  tuberculeuse. 

Pour  être  complet,  rappelons  encore  l'emploi  du  plomb  dans  la  lèpre 
et  la  peste  (Galien)  et,  enfin,  les  balles  de  ce  métal  que  les  anciens  fai- 
saient avaler  dans  l'espoir  d'opérer  mécaniquement  le  dénouement  de 
l'invagination  intestinale. 

A  notre  époque,  on  ne  prescrit  guère  plus  l'acétate  neulrc  de  plomb 
que  pour  modérer  les  sueurs  colliqualives  des  phthisiques  (pilules  de 
1  décigr.  quatre  à  cinq  par  jour)  ;  et  pourtant  le  tannin,  l'agaric  blanc, 
la  macération  de  quinquina  gris,  voire  même  le  sulfate  d'atropine,  lui 
seraient  bien  préférables. 

Comme  d'une  part  les  préparations  saturnines  administrées  à  l'inté- 
rieur ont  souvent  occasionné  de  graves  accidents,  et  que,  d'autre  part 
elles  sont  inutiles,  à  cause  de  leur  inefficacité  ou  de  la  possibilité  de  les 
remplacer  par  des  succédanés  inoffensifs,  il  y  aurait  une  véritable  témé- 
rité, indigne  de  l'art  de  guérir,  à  faire  ingérer  un  tel  poison  à  longue 
portée  et  dont  l'élimination  est  si  difficile. 

II.  Usage  exteiike.  —  11  n'y  a  pas  plus  d'un  siècle,  le  plomb  entrait 
dans  la  composition  de  trois  ou  quatre  cérats,  de  trente  sept  onguents  et 
de  quatre-vingt-un  emplâtres  (Murrny)  !  De  nos  jours,  les  topiques  à  base 
de  ce  métal  sont  encore  journellement  employés  en  chirurgie;  mais  la 
confection  en  est  considérablement  simplifiée  et  leur  application  se  borne 
presque  aux  affections  aiguës.  Leur  usage  externe  est  d'ailleurs  légitimé 


7)[)Ù  PLUfflB.    EMPLOI  THKItAPEUTIQUK. 

par  les  effets  du  plomb  se  manifestant  non-seulement  sur  les  muqueuses, 
les  points  de  la  peau  dépouillés  de  leur  revêtement  épilhélial,  sur  les 
éruptions  et  les  plaies,  mais  aussi,  ainsi  que  nous  l'avons  prouvé,  à  tra- 
vers la  peau  intacte  elle-même,  jusque  sur  les  parties  sous  jacenles  ;  il  y 
a  alors  imprégnation  locale,  tout  à  là  fois  par  pénétration  interstitielle  et 
par  absorption  ihtra-élémèn'làirë  et  intra-vasculairc. 

Le  plomb  est  ou  a  été  utilisé  à  l'extérieur  comme  astringent  et,  par 
conséquent,  anlicatarrbnl,  anlisudorifique ,  cicatrisant  et  désinfectant, 
comme  résolutif  et  maluratif,  calmant  et  même  anapbrodisiaquc. 

Parmi  les  préparations  saturnines,  les  plus  usitées  sont  :  Vexlrail  de 
salurne  ou  sous-acélale  de  jptômb  liquide,  solution  aqueuse  coh'c'éritree 
d'un  mélange  d'acétate  neutre  et  surtout  de  sous-acétate  et,  en  particu- 
lier, son  dérivé,  Veau  blanche  ou  de  Goulard,  résultant  de  l'addition 
d'un  cinquantième  d'extrait  de  saturne  à  de  l'eau  de  rivière  alcoolisée  ; 
c'est  une  solution  aqueuse  d'acétaLes  basiques  et  neutre  et  même  d'une 
certaine  proportion  de  chlorure,  tenant  en  suspension  du  carbonate,  du 
sulfate  et  un  excès  de  chlorure.  Les  pommades,  onguents,  emplâtres  et 
sparadraps  sont  constitués  par  un  mélange  de  savons  (oléates,  marga- 
rates,  stéarates,  etc.),  d'autres  sels  (acétates,  iodure,  tannate)  et  d'oxydes 
de  plomb. 

L'eau  blanche  est  le  topique  astringent  et  résolutif  généralement 
appliqué,  au  début,  sur  les  contusions  avec  ou  surtout  sans  solution  de 
continuité  à  la  peau,  sur  les  entorses,  les  luxations  réduites,  les  téno- 
sites  et  les  fractures,  soit  qu'on  en  imbibe  des  compresses,  ou  qu'on  en 
arrose  des  cataplasmes  de  farine  de  lin  ;  elle  est  souvent  alors  avantageu- 
sement associée  à  partie  égale  d'alcool  camphré  et  à  une  petite  proportion 
de  teinture  d'arnica.  Les  effets  directs  de  l'application  du  plomb,  savoir  : 
l'anémie  active  locale  par  contraction  des  muscles  vasculaires,  l'affaiblis- 
sement de  la  vitalité  des  éléments  anatomiques  et  l'analgésie,  luttent 
avec  succès  contre  la  congestion,  la  suractivité  fonctionnelle  et  la  douleur 
qui  accompagnent  l'inflammation.  Les  brûlures  peu  étendues  sont  quel- 
quefois aussi  traitées,  à  leur  début,  par  l'huile  et  le  céral saturné  au  1/10 
d'extrait  de  saturne,  ou  les  compresses  d'eau  blanche. 

Les  ulcères  chroniques,  atoniques,  scrofuleux,  variqueux  ou  cardia- 
ques des  membres  inférieurs,  spécialement  chez  les  vieillards  et  les 
alcooliques,  se  dessèchent  et  se  cicatrisent  parfois  assez  rapidement  au 
contact  du  plomb  :  lames  de  métal  (Réveillé-l'arisoi,  céruse  (Dioscoride), 
eau  blanche,  cérat  saturné,  tannate  en  bouillie  (Leclerc),  glycérole  ou 
pommade  au  1/6  (Yott,  Yan  den  Corput),  sparadrap  diachylon  (Boycr) 
et  emplâtre  de  Canet.  Les  lames  nous  ont  réussi  contre  de  tels  ulcères, 
mais  leur  emploi  a  dû  être  intermittent!,  afin  d'éviter  que  l'excitation 
déterminée  par  elles  cessât  d'être  curative.  Quant  au  sparadrap  dia- 
chylon, confectionné  avec  l'emplâtre  simple,  mélange  de  divers  savons 
plombiques,  nous  avons  vu  dans  un  hôpital  de  Paris,  son  application 
en  cuirasse  sur  un  ulcère  variqueux  de  la  jambe,  chez  un  homme 
âgé,  déterminer  un  érysipèle  gangreneux  mortel;  souvent  d'ailleurs 


J 


PLOMB.  —  EMPLOI  THÉRAPEUTIQUE,.  357 

i  cet  agglutinatif  nous  a  paru  rendre  blafardes  les  parties  des  plaies  en 
rapport  avec  lui. 

Comme  remède  vulgaire,  il  faut  mentionner  l'onguent  de  la  Mère,  à 
base  de  litharge,  pour  bâter  la  maturation  et  la  suppuration  des  abcès 
froids,  bubons,  panaris  et  furoncles;  sur  ces  derniers  on  applique  fré- 
quemment aussi  une  simple  rondelle  de  sparadrap  diacbylon. 

Certaines  éruptions  cutanées,  telles  que  les  érytbèmcs  des  membres 
inférieurs  œdemaliés  chez  les  asystoliques,  sont  heureusement  modifiées 
par  l'eau  blanche.  L'onguent  nutrilum,  au  1/5  de  litharge,  a  donné  d'ex- 
cellents résultats  aux  anciens  médecins  des  houillères  d'Anzin,  contre  les 
éruptions  (eczéma  et  urticaire  tubéreuse)  spéciales  aux  mineurs  des  fosses 
à  anémie;  dernièrement  nous  guérissions  rapidement  par  l'eau  blanche 
un  eczéma  houillcr  rebelle  du  dos  de  la  main  chez  un  mineur.  Dans  la 
mentagre,  Bouchardat  recommande  la  crème  à  l'acétate  de  plomb  au  1/6. 

On  sait  enfin  que  ce  dernier  sel  entre  dans  la  composition  de  la  plupart 
des  lotions  antéphéliques. 

L'azotate  de  plomb,  en  solution  aqueuse  au  1/100,  a  été  préconisé 
comme  désinfectant  des  plaies;  à  ce  propos,  signalons,  pour  qu'on  puisse 
s'en  méfier,  l'eau  inodore  désinfectante  de  Lcdoyen  au  1/91  et  le  remède 
de  Licbert  contre  les  gerçures  du  sein,  au  1/60  de  ce  sel. 

En  raison  de  ses  puissantes  propriétés  fondantes,  le  plomb  a  souvent  été 
prescrit  à  l'extérieur  contre  les  tumeurs  enflammées,  les  orebites 
(Etinuller,  Bell),  les  cancers  douloureux  (lames  de  métal),  les  tumeurs 
de  la  mamelle  (emplâtre  au  minium,  pommade  iodurée  au  1/10),  les 
loupes  et  les  anévrijsines  des  grosses  artères  (plaque  agissant  par  com- 
pression et  résolution,  compresses  d'eau  blanche  (Dupuytren). 

Longtemps  on  a  combattu  les  névralyies  faciales  avec  l'onguent  de 
Rhazes  au  1/5  de  céruse,  et  les  douleurs  des  cancers  par  le  contact  de 
lames  de  plomb;  ce  métal  a  même  été  appliqué,  non  sans  quelque  rai- 
son, par  les  anciens,  en  ceintures  antiaphrodisiaques  chez  les  nympho- 
manes (Avicenne,  Paracelse). 

On  ne  pourrait  trop  blâmer  l'emploi  des  topiques  saturnins  :  céruse 
(Dioscoridc)  et  eau  blanche,  pour  supprimer  les  sueurs  profuses  des 
pieds  ;  aux  inconvénients  pouvant  résulter  de  la  brusque  suppression 
d'une  sécrétion  habituelle,  viendraient  encore  s'ajouter  les  dangers  d'une 
intoxication  dont  xMoënch  a  signalé  des  exemples. 

L'acétate  de  plomb,  neutre  ou  basique,  est  un  puissant  résolutif,  anti- 
catarrhal  des  muqueuses  oculaire,  uréthrale  et  vaginale.  Il  est  souvent 
employé  en  injections  au  1/100  dans  la  blcnnorrhée  et  surtout  au  1/50 
contre  la  leucorrhée  chronique;  son  usage  prolongé  dans  ce  dernier  cas, 
ne  serait  pas  sans  inconvénients.  On  a  espéré  faire  rétrocéder  le  ptérygion 
par  des  applications  d'acétate  neutre  porphyrisé  ;  la  solution  de  ce  sel  au 
1/200  constitue  un  collyre  résolutif  de  la  conjonctivite  catarrhale.  Le 
sous -acétate  liquide  est  également  prescrit  dans  cette  conjonctivite, 
comme  astringent  à  la  dose  de  5  gouttes  pour  100  gram.,  et  résolutif  en 
solution  au  5/100,  mais  surtout  contre  les  granulations  chroniques,  à 


558  PLOMB.  — !■  EMPLOI  THERAPEUTIQUE. 

parties  égales  avec  l'eau  (Wecker).  Les  oculistes  l'ont  un  assez  fréquent 
usage  de  ces  collyres,  ne  formulant  de  contre-indication  que  pour  les  cas 
compliques  d'ulcérations  de  la  cornée,  au  niveau  desquelles  on  doit 
redouter  des  taies  par  tatouage  de  carbonate  de  plomb.  Bien  autrement 
graves  pourtant  peuvent  être  les  conséquences  de  celle  médication.  Nous 
avons  en  effet  observé,  en  avril  1878,  un  cas  de  cacbexic  saturnine  avec 
vomissements,  coliques,  léger  liséré  cl  mouvements  eboréiformes  cbez  une 
petite  fille  de  sept  ans,  qu'un  des  plus  célèbres  oculistes  de  la  capitale  et 
un  bon  spécialiste  de  province  traitaient  depuis  trois  ans  et  demi  par  un 
collyre  de  sous-acétate  de  plomb  liquide  pour  moitié  et  des  fomentations 
oculaires  d'eau  blanche,  pour  une  conjonctivite  granuleuse  chronique. 
Les  premiers  accidents  toxiques, dont  l'apparition  remontait  à  environ  dix 
mois,  étaient  ceux  localisés  aux  yeux  et  au  pourtour  de  l'orbite  :  troubles 
étranges  de  l'accommodation  nécessitant  des  verres  convexes,  mydriase, 
notable  diminution  de  l'acuité  visuelle,  surtout  du  côté  droit,  par  névrite 
optique  à  la  période  congestive,  constatée  avec  roplithalmoscope,  aspect 
terne  de  la  cornée,  parcsie  sensitive  des  paupières  (à  la  paupière  infé- 
rieure les  deux  pointes  isolantes  en  ivoire  de  notre  œsthésiomètre,  dis- 
tantes de  7  mm.,  n'étaient  plus  perçues  que  comme  une  seule),  ptosis 
des  paupières  supérieures,  manque  d'expression  de  la  physionomie, 
spasmes  convulsifs  du  nez  et  de  la  bouche,  tarissement  des  larmes  et  de 
la  sécrétion  nasale,  céphalalgie  etc..  La  peau  de  la  région  orbitaire,  de 
ton  grisâtre,  put  être  tachée  en  noir  par  une  solution  sulfureuse,  en  jaune 
par  une  solution  d'iodure  de  potassium  ;  le  fond  grisâtre  et  les  taches 
ainsi  déterminées  se  nettoyèrent  sous  l'influence  de  lotions  avec  une 
solution  d  hypochloritc  de  soude  (eau  additionnée  de  1/10  de  liqueur 
de  Labarraquc).   Ce   diagnostic  étiologique  fut  d'ailleurs  confirmé  par 
notre  confrère  de  province.  Aujourd'hui,  après  la  suppression  de  la  mé- 
dication saturnine  et  l'institution  d'un  traitement  par  l'iodure  de  po- 
tassium et  les  bains  sulfureux,  aidé  d'une  hygiène  convenable,  l'enfant, 
à  peu  près  complètement  guérie,  a  repris  un  développement  régulier  et 
a  récupéré  son  jeu  de  physionomie;  sa  vue  est  considérablement  amélio- 
rée et  les  lunettes  sont  devenues  désormais  inutiles. 

Enfin,  le  plomb  métallique,  pour  lequel  l'organisme  montre  une  tolé- 
rance si  grande  que  des  balles  peuvent  parfois  séjourner  longtemps  sans 
danger  dans  les  tissus,  devait  tout  naturellement  servir  à  la  fabrication 
des  instrumente  à  demeure  :  bougies,  tubes,  tentes,  pour  maintenir  les 
fistules,  perforations  et  séparations,  après  les  opérations  de  rhinoplastie 
ou  de  fistule  lacrymale  par  exemple,  et  à  la  confection  des  fils  destinés  à 
opérer  lentement  la  section  des  fistules  à  l'anus  (Foubert,  Desault)  ;  l'argent 
tend  de  plus  en  plus  à  lui  être  substitué  dans  ces  diflérents  cas. 

En  somme,  sans  qu'il  soit  nécessaire  de  revenir  sur  les  accidents  dus 
à  l'usage  externe  des  diverses  préparations  plombiques,  qui  se  trouvent 
relatés  à  propos  de  l'étiologic,  on  peut  conclure  que,  même  à  l'extérieur, 
le  plomb  doit  être  employé  exclusivement  d'une  manière  temporaire,  par 
conséquent  contre  les  affections  aiguës  seulement,  à  la  période  initiale 


PLOMB. 


  EMPLOI  TIIÉIUPEUTIQUE. 


  BIBLIOGRAPHIE. 


559 


desquelles  il  rend  d'incontestables  services,  avec  une  certaine  réserve 
toutefois,  lorsque  le  revêtement  épitbélial  manque  sur  une  assez  grande 
surface,  ou  qu'il  s'agit  de  muqueuses,  spécialement  de  celles  de  l'œil, 
en  raison  de  ses  puissantes  propriétés  d'absorption  et  de  la  grande  sus- 
ceptibilité de  l'important  organe  qu'elle  recouvre. 

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née, thèse  de  doctoral,  Puris,  1875,  n"  471.  —  Saturnisme  oculaire  local  et  direct  par  absorpt. 
•medicam.  (Gaz.  des  hôp.,  1879,).  —  Heubel,  Palbogcncse  und  Symplomc.  der  chron. 
Bleivcrgiftung,  Berlin,  1871.  —  Despiiés,  Nature  de  l'amaurosc  dans  l'intox,  sat.  (Bull,  de  la 
Soc.  de  chir.,  27  nov.  1872  et  Gaz.  hôp.,  1872,  p.  1 180).  —  Kusshaul  und  Maiér,  Path.  Anal, 
dur  chron.  sat.  (Deulsches  Archiv  fiir  félin,  iled.  1872).  —  Roque,  Dégénéresc.  h'réd.  par 
i'inioxicat.  saturnine  lente  (Hlouvcm.  médic.  1872).  —  Bouchard,  Aller,  de  l'urine  chez  les 
saturnins  (Comptes  rendus  de  la  Soc.  biol.,  1873,  5"  série,  t.  V,  p.  227  el  257).  —  Dunitel 
(Maurice),  Consid.  chim  sur  l'éliol .  de  l'inlox  saturnine,  thèse  Paris,  1873,  n°  404.  —  Char- 
cot  et  Gouuault,  Contribution  à  l'hisl.  anal,  de  l'atrophie  musculaire  saturnine  (Arch.  de 


r.oo 


PLGMIl.   —  BIIll.IOGnAI'HIK. 


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1873,  tome  V,  page  350;  mi5m.  p.  125. —  Maïençon  et  Beugeiiet,  Rcch.  qualitatives  des 
métaux  dans  |es  tissus  :  recli.  du  plomb  (Joum.  de  l'anat.  et  de  la  physiolog.,  moi  et 
juin,  1873)  —  Recherche  du  plomh  dans  les  excrélions  (Lyon  médic.,  1873,  n°  7,  p.  434).  — 
Oulmont  (Service  de),  Cas  grave  d'intox,  saturn.,  recueilli  par  Bottcntuil (Un.  méd.,  1873, 
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(Jules),  Douze  cas  d'empois,  par  le  plomh  (Gaz.  des  hôp.,  1874,  p.  930).  —  Hue-Mazi:i.i:t  (Adr.). 
Gonflement  qu'on  ohservc  sur  le  dos  de  la  main  a  la  suite  de  quelques  parai,  des  exlcns. 
des  doigts,  thèse  de  doctorat,  Paris,  1874,  n°  580.  —  Leudet  (de  l'.ouen),  Intox,  saturn.  et 
chronique  de  la  colique  de  Normandie,  Clin,  médic,  Paris,  1874,  p.  478.  —  Tiioisieu  et  La- 
giunge,  Bech.  du  plomh  dans  l'encéph.  d'un  ouvrier  étameur  (Comptes  rendus  de  la  Sor.  de 
biolog,  janvier  1874,  et  Gaz.  médic.  de  Paris,  1874,  p.  02).  —  De  Couns  (A.),  Ilémianeslhésie 
saturnine,  thèse  de  doctorat,  Paris,  1875,  n"248.  —  Piediu  (Ilicardo),  De  la  paralysie  saturnine, 
thèse  de  doctorat,  Paris,  1875.  — Renaut  (J.),  Intox,  saturnine  chronique,  thèse  de  concours, 
agrèg.  Paris,  1875.  —  Faoce  (Hilton),  Lead-lineon  the  Gums  (liséré  saturnin  sur  les  gencives) 
(The  Luncet,  1870,  vol.  I,  p.  709).  —  Diioukt  (L.  A.),  Recherches  <xpérim.  sur  le  rôle  de 
l'absorption  cutanée  dans  la  parai,  saturnine,  thèse  Paris,  1875,  n"  332.  —  Bentéjac  (Léon), 
Des  lésions  trophiques  des  nerfs  et  des  muscles  dans  la  paralysie  saturnine,  thèse  de  doctorat, 
Paris,  1870.  Conclut  à  une  névrite  primitive  et  à  une  myosite  secondaire.  —  Bccquot,  Intox, 
saturnine  chronique  (Gaz.  liôp.,  1870).  —  Df.bove  et  Renaut,  Lésions  des  faisc.  primitifs  dans 
l'atrophie  musc,  progr.  et  la  parai,  saturnine  '(Comptes  rendus  de  la  Soc.  de  biol.  1870,  t.  III.) 

—  Halmagranr  (Robert),  Deux  cas  de  goutte  saturnine,  lhè.-e  Paris,  1870,  u"505.  —  Raymond 
(F.),  Ilémianesth.  hemichorée  et  tremblem.  symplom.,  thèse  de  doct.,  Paris,  1870,  n°  157.  — 
Strecu  Dowse,  Aménorrhée  à  la  suite  d'empoisonnem.  par  le  plomb  (Médic.  Times,  1870,  et 
Arch.  gén.  de  méd.,  0*  série,  t.  XXyiII,  p.  021).  —  Heugas  (J.  B  ),  Contribution  à  l'étude  de 
la  paralysie  saturnine  généralisée,  thèse  de  doctorat,  Paris,  1877.  —  Galezowski,  Troubles 
visuels  dans  l'intoxication  saturnine  (Recueil  d'ophlhalmologie,  juillet  1877,  p.  245).  — 
BoLncEiiET,  IIurdain,  et  Léger,  Rech.  du  plomb  dans  les  viscères  et  les  muscles  dans  un  cas 
d'intoxication  saturnine  (service  de  Vulpian)  (Arch.  de  physiologie,  Paris,  1877,  p.  424).  — 
Gallard,  Quelques  particularités  de  l'intox,  saturnine  (Joum.  de  méd.  cl  de  chir.  prat.,  1877.) 

—  Labroue  (J.),  De  la  paralysie  des  extenseurs  de  l'avant-bras  dans  l'intoxication  satur- 
nine, thèse  de  doctorat,  Paris,  1877,  n"  434.  —  Mayor,  Lésions  des  nerfs  intrumusc.  dans  un 
cas  de  paralys,  saturnine  (Comptes  rendus  de  la  Soc.  de  biologie.  1877,  t.  IV,  p.  215).  — 
Pauveut  (G.),  Contribution  à  l'élude  de  la  colique  de  plomb,  thèse  de  doctorat,  Paris,  1877. 
n"  200.  —  Moehs  (A.),  Contribution  nu  traitement  et  à  la  prophylaxie  des  intoxications  satur- 
nines (Vierleljahrschrifl  fur  gerichtliche  und  offenll.  Med.  N'eue  Folge,  Band  XXVII, 
Berlin,  juillet  1877).  —  Sabatier,  Rapports  du  saturnisme  avec  les  affections  chirurg-,  thèse 
de  doctorat,  Paris,  1877.  —  Semmola,  Nouvelle  méthode  de  traitement  du  saturnisme  chro- 
nique (élimination  du  plomb  au  moyen  des  courants  continus).  (Annali  clinici  dello  spcdale 
degli  incurabili,  1877).  —  Ananieff  (G.),  Contribution  à  l'étude  de  l'hémiauesthésic  satur- 
nine, thèse  de  doctorat,  Paris,  1878,  n»  113.  —  Edelmanx  (II.),  Quelques  causes  d'intox,  satur- 
nine, thèse  Paris,  1878.  n«  259.  —  Roblot,  Contribution  à  l'étude  des  lésions  de  l'appareil 
cardiovasculaire  dans  le  saturnisme,  thèse  de  doctorat,  Paris,  1878. —  Lespille-Moctaud,  Delà 
vénrite  optique  dans  l'intoxication  saturnine,  thèse  de  doctorat,  Paris,  1878.  —  Hamant,  Ilémia- 
nesth. sat.,  thèse  Paris,  1879. —  Hardv,  Gaz.  hop.  1879,  sept. 

Causes  accidentelles  de  i intoxication. 
Combes,  Fabric.  de  la  réruse  en  France,  au  point  de  vue  ile  la  santé  des  ouvriers,  Acad.  des  se. 
1849,  19  nov.,  t.  XXIX,  p.  579)  et  Ann.  d'hyg.,  t.  XLUI,  p.  199.  —  Gueneau  de  Missv 
(Henri),  Plusieurs  cas  d'inloxicatiou  saturn.  observés  au  château  de  Claremonl .  Arch.  gi  n.  </. 
Méd.,  4°  série,  1849.  t.  XX.  —  Millon  cIReiset,  Annuaire  de  chimie.  1850.—  Collier,  Question 
de  la  céruse  et  du  blanc  de  zinc  envisagée,  etc.,  Paris,  1852.  —  Chevallier  (A.),  Danger  qui 
résulte  de  l'emploi  des  vases  ou  des  tuyaux  de  plomb  dans  la  clarification  (Comptes  rendus  de 
l'Acatl.  des  se,  5  sept.,  1855.  Annales  d'hygiène  publique  et  de  médecine  légale,  nombreux 
articles  passim.  Nous  citerons  :  sur  la  nécessité  de  proscrire  :  I"  les  vases  de  plomb  ou 
d'alliage  de  ce  métal  pour  la  préparation  et  la  conservation  des  matières  alimentaires  solides 
ou  liquides  ;  2"  de  défendre  l'usage  des  tuyaux  de  plomb  pour  la  conduite  des  liquides  destinés 
à  servir  de  boissons;  5*  d'interdire  la  clarification  des  liquides  destinés  à  servir  de  boissons  par 
des  sels  de  plomb  [Ann.  d'hyg.  publ. ,  Paris,  1853,  t.  L,  p.  514).  —  Mém.  sur  les  accidents 
déterminés  par  le  plomb  (Ann.  d'hyg.  publ.  et  de  méd.  lég.,  2*  série,  Paris,  1859,  t.  XI, 
p.  554).  —  Ciiatin  (Ad.),  Note  sur  les  eaux  gazeuses  rendues  toxiques  par  les  siphons  de 
plomb  (Monil.  des  hôp.,  1854,  p.  319).  —  Fiévée  de  .Telmoxt,  Dançcrs  du  fard  au  blanc  de 
plomb  (Gaz.  méd.,  Paris.  1855).  —  Lefèvre  (de  Rrcst),  Nécessité  d'établir  une  surveillance 
sur  la  fabrication  des  poteries  communes  vernissées  au  plomb  (Ann.  d'hyg..  1801,  t.  X\, 


PLOMB.    BIBLIOGRAPHIE. 


561 


p  .17g);  _  Gukrard  (Aph.),  Salicoques  teintes  au  moyen  du  minium  [Ann\  d'hya,  pnbl., 
2"  série,  1801,  t.  XVI,  p.  560).  —  Tardieu  (AmBr:),  Dict.  hyg.  publ.  et  de  salubr.,  Paris, 
1802,  2e  é&itVj  t.  III,  art.  Plomb.  —  IIillairet,  Intox,  saturn.  des  ouvriers  qui  trav.  à  la 
fabric.  du  verre  mousseline  (Bull,  de  l'Acad.  de  méd.,  Paris,  1805,  t.  XXX,  p.  -485) 

—  Maunoury  et  Salmon,  Plombage  des  meules  île  moulins  à  farine  (Gaz.  méd.  de  Paris, 
1805).  —  Marmisse,  Nouv.  sources  d'émanations  plomb.,  Paris,  1806.  —  Pappexiieiv,  Die 
bleiernen  Uslcnsil.  f.  <l:is  Hausgebrauchswasser,  Berlin,  1868.  —  Lavai,  (de),  Nécessité  de 
proscrire  les  tuyaux  de  plomb  pour  la  conduite  des  eaux  destinées  aux  usages  alimentaires. 
(Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences.,  t.  LXXVI,  10  mars  1873;  25  août,  t.  LXXV1I, 
p.  527  ;  1°'  décembre,  p.  1271).  —  Fordos,  Action  de  l'eau  aérée  sur  le  plomb,  considérée  au 
point  de  vue  de  l'hygiène  et  de  la  médec.  légale  (Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences, 
10  novembre  1873).  —  Cuajipouillon,  Emploi  des  tuyaux  de  pl.  pour  la  conduite  et  la  distrib. 
des  eaux  destinées  aux  usages  aliment.  (Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1875, 
t.  LXXVII.  p.  1273).  —  Ciievreul,  Expériences  louchant  l'action  des  eaux  de  pluie  et  des  eaux 
chargées  de  sel  sur  le  plomb  et  le  zinc  (Comptes  rendus  de  l'Acad.  tles  sciences,  17  no- 
vembre 1873).  —  Bodierre  (A.),  Des  conditions  dans  lesquelles  le  plomb  est  attaqué  par 
l'eau  (Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1874,  t.  LXXVII,  p.  317. —  (Belgrand,  p.  318. 

—  Besnod,  Act.  des  eaux  économiques  ordin.  et  distillées  ainsi  que  de  l'eau  de  mer  distil. 
sur  le  plomb  et  les  réfrigérants  en  étain  (Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1874, 
t.  LXXYIII,  p.  322). —  Belgrand,  Act.  de  l'eau  sur  les  conduites  en  plomb  (Comptes  rendus 
de  l'Acad.  des  sciences,  1874,  9  février,  t.  LXXYIII,  p.  392).  —  Hotchinson,  Cases  in  which céré- 
bral Symptoms  were  produeed  by  tbe  use  of  white  lead  as  a  cosinetie  (Philadelphia  médical 
Times,  1874).  —  Maïençon  et  Bergeret  (de  Saint-Léger),  Action  de  l'eau  douce  sur  le  plomb 
(Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  se,  février  1874,  Arch.  gèn.  de  méd.,  6e  série,  1874, 
t.  XXIII,  p.  497). —  Woriz,  Rapport  sur  le  vernissage  des  poteries  (Recueil  des  travaux  du 
comité  consultatif  d'hyg.  publ,  Paris,  1874.  t.III,  p.  554;  1876,  t.  V,  426).  —  Gideht,  Accid 
saturnins  par  us.  de  pains  à  cacheter  de  cachou  de  Bo!ognc(Grtî.wirftf.,  Paris,  1876).  — Girardix  , 
RrviÈRE  et  Cloukt,  Recherches  sur  les  étamages  et  en  particulier  sur  ceux  destinés  à  la  marine 
(Ann.  d'hyg.  publ.  et  de  méd.  lég.,  2"  série,  1876,  t.  XLVI,  p.  45).  —  Ducamp,  Epidémie 
d'intoxication  saturnine  ayant  pour  cause  l'usage  par  les  boulangers  de  vieux  bois  de  démolition 
(Ann.  d'hyg.  publ.,  1877,  t.  XLV1II,  p.  377).  —  Gautier  (Arm.),  Color.  artific.  des  alim.  et 
des  bois.,  et  des  dangers  qui  peuvent  en  résulter  pour  la  santé  publ.  Rapp.  au  Congrès  d'hy- 
giène, Paris,  1878. 

Causes  professionnelles  de  l'intoxication. 
Tardieu  (A.)  Suppres.  de  la  fabric.  et  de  l'emploi  du  blanc  de  plomb,  rapport  aux  comités  des  arts 
et  manul'acl.  et  d'hygiène  publ.  (Monil.  hôp.,  1853,  p.  523).  — Tardiec,  Du  plomb,  de  son 
influence  sur  la  santé  (Diclionn.  d'hygiène  et  Arch.  gén.  de  méd.,  5"  série,  1854,  t.  III, 
p.  229).  —  Parseval  (De),  Hyg.  des  usines  à  plomb  argenlif,  thèse  Paris,  1855.  —  Thibault 
(V.),  Noie  sur  le  développement  des  affections  saturnines  chez  les  dessin,  en  broderies  sur 
étoffes  et  les  ouvriers  en  dentelles,  etc.  (Ann.  d'hyg.,  2"  série,  1856,  l.  VI,  p.  55).  —Cheval- 
lier, Causes  des  coliq.  saturn.  observ.  chez  les  marins  et  les  personnes  qui  l'ont  des  voyages  de 
long  cours  (Ann.  d'hyg.,  1859,  2"  série,  t.  XI,  p.  95).  Nombreux  articles  iu  Annales  d'hygiène 
publique.  —  Ladreit  de  la  Charrière,  Intox,  sat.  par  la  poudre  de  cristal,  chez  des  ouvrières 
(rav.  à  la  contre-oxyd.  du  fer  (Arch.  gén.  méd.,  1859,  t.  XIV,  p.  041).  —  Verxois  (Max),  Traité 
d'hygiène  industrielle,  Paris,  1860,  t.  II,  p.  512  à  557).  —  Chevallier,  Accidents  saturnins 
chez  les  ouvriers  qui  travaillent  à  l'émaillage  des  crochets  de  fer  destines  à  supporter  les  fils 
télégraphiques  (Ann.  d'hyg.  1801).  —  Du  Mesnil  (0.),  Accid.  sat.  obs.  chez  les  ouvriers  cm  pl. 
à  la  fabric.  du  verre-mousseline,  thèse  de  doctoral,  Paris,  1804  et  Ann.  d'hyg.,  2°  série, 
1865,  t.  XXIII,  p.  462).  —  Gallard  (T.),  Fabricat.  du  verre-mousseline,  dangers  auxquels 
sont  exposés  les  ouvriers  qui  y  sont  employés  (Ann.  d'hyg.,  2»  série,  1800,  t.  XXV,  p.  57). 

—  Lewis,  Employment  of  women  in  white  lead  manufact.  (Medic.  Times  and  Gazelle,  1872). 

—  Du  Mesnil  (O.),  Accid.  salurnins  obs.  chez  les  ouvriers  cmpl.  à  la  fabric.  des  meubles  de 
laque  (Ann.  d'hyg.  publ.,  2"  série,  1874,  t.  XLI,  p.  535).  —  Paul  (Constantin),  Elimination 
du  plomb,  des  vernis  cl  des  glacures  à  l'usage  des  poteries  communes  (Comptes  rendus  de  l'Acad. 
des  sciences,  20  juillet  1874.)  —  Lancereaux  (E.),  Intox,  satur.  déterminée  par  la  fabrication 
du  cordon  briquet  ou  mèches  à  briquet  (Ann.  d'hyg.  publ.,  2"  série,  1875,  t.  XL1V,  p.  359). 

Colique  sèche. 

Second.  Essai  sur  la  névralgie  du  Irisplanchniquc,  Paris,  1837  Dutorulau,  Traité  des  mala- 
dies des  Européens  dans  les  pays  chauds,  2°  édit.,  Paris,  1808.  —  Lefèvre  (A.),  Recherches 
sur  les  causes  de  la  colique  sèche  observée  sur  les  navires  de  guerre  français  particulièrement 
dans  les  régions  équatoriales  et  sur  les  moyens  d'en  prévenir  le  développement,  Paris,  1859. 
Nouveaux  documents  concernant  l'étiulogie  saturnine  de  la  colique  sèche  (Archives  de  méd. 
navale,  1804,  t.  II).  —  Luzet  (E.  A.),  Cause  et  traitement  de  la  colique  sèche,  thèse,  Stras- 


502        PLOMB.  —  CHIMIE  MKDICO-l,ÉCAI,E.    RECHKIlCIIF.  TOXICOI.OCIQDE. 

bourg,  1 8(H ,  u"  575.  —  IIihsch,  Ilandljucli  der  hist'orisch  gcographischon  Pathologie.  Dand  II, 
p.  201.  Eudemischer  Kohk.  —  Valleix,  Guide  du  médecin  praticien,  5*  édit.  refondue  par 
P.  Lorain,  Paris,  1800,  t.  V,  nrl.  Colique  de  pl.,  par  LcUoy  de  Méricourl.  — Vh.lette  De  l'iden- 
tité de  la  colique  de  plomb  et  de  la  colicjuc  sèche  [Arch.  de  méd.  nav. ,  1860,  t.  V,  p.  81).  

le  Itoï  de  JIe^çobrt,  Coliques  de  plomb  (Ilull.  de  l'Académie  de  méd.,  2  mai'l87G).  —  FoiS- 

sagiuves  (J.  11.),  Traité  d'bygièue  navale,  2"  édit.  complètement  remaniée,  Paris,  1877.   

Colix  (L.)  Traité  des  maladies  épidémiques  origine,  évolut.  prophylaxie,  Paris,  1879,  p.  889. 

Emploi  thérapeutique. 

MênAI  cl  Dei.exs,  Dict.  de  mal.  méd.  et  de  tbérap.,  Paris,  1833,  t.  V,  p.  373.  —  Thousseab  et 
Piiioux  ,  Thérapeutique. —  V ALLEU,  Guide  du  méd.  prat.  —  Cazenave,  Dict.  de  uu'd.  en  50  vol., 
Paris,  184-2,  t.  XXY,  art.  Plomb.  —  Guillot  et  Melsens,  Action  lliérap.  de  l'iodurc  di:  potass., 
[Acad.  des  se.,  1849).  —  Bautiikz  (Fr.),  De  l'action  du  sous-acétale  de  plomb  en  injections 
intestinales  (Actes  de  la  Soc.  mi'd.  des  Itôpil.  l'asc.  II,  1852,  p.  59).  —  Beau  (J.  II.),  Medic. 
sat.  dans  le  trait,  de  la  pblbisie  pulm.  (Gaz  hop..  1859,  p.  229).  —  Leldet  (li.),  Du  traitement 

de  la  pneumonie  par  l'acétate  de  plomba  haute  dose  (Bull,  de  thcrap.\HOi,  t.  LXIII,  p.  585).  

Notiinagel  et  RossiiACii,  Nouveaux  éléments  de  thérapeutique,  trad.  par  Jules  Alquicr,  Paris,  1880. 

A.  Manouvmez  (de  Valencicnnes). 

Chimie  médico-légale.  —  Il  reste  à  traiter  les  questions  médico- 
légales  relatives  à  la  recherche  chimique  du  poison  plombtque,  au  sein  de 
matières  organiques,  animales  ou  végétales,  soit  dans  les  organes  (spécia- 
lement tube  digestif  et  foie)  ou  les  produits  de  sécrétion  et  d'excrétion  de 
la  victime  (matières  des  vomissements,  déjections  et  urine),  soit  dans  les 
aliments  et  les  boissons. 

Recherche  toxicologique.  —  Les  détails  consignés  sur  les  propriétés  et  les 
réactions  du  plomb,  les  effets  toxiques,  les  symptômes  de  V empoisonne- 
ment, ainsi  que  sur  les  signes  anatomo-palhologiques  constatés  à  l'au- 
topsie, nous  permettront  d'être  très-brefs. 

La  toxicologie  du  plomb  n'offre  pas  de  difficultés  sérieuses,  grâce  à  la 
fixité  relative  du  métal,  et  à  ses  propriétés  tranchées. 

L'empoisonnement  aigu  par  le  plomb  est  le  cas  exceptionnel.  Il  faut,  en 
effet,  ingérer  une  dose  de  poison  tellement  élevée,  et  sa  saveur,  en  défini- 
tive, est  si  repoussante,  que  c'est  presque  uniquement  à  la  suite  de  mé- 
prise ou  d'accident  que  la  mort  vient  terminer  un  empoisonnement  aigu 
par  le  plomb. 

L'empoisonnement  chronique,  au  contraire,  est  d'une  remarquable 
fréquence.  Ce  qui  s'explique  facilement  par  les  usages  domestiques  variés 
de  ce  mêlai,  usages  déjà  indiqués. 

La  recherche  chimique  qu'il  s'agit  d'effectuer  en  pareil  cas  a  surtout  en 
vue  de  caractériser  le  plomb  lui-même,  sans  trop  prétendre  à  préciser  la 
nature  du  composé  introduit  dans  l'économie.  Celle  question  ne  peut  se 
poser  et  se  résoudre  que  dans  le  cas  où  les  recherches  préliminaires  auront 
permis  d'isoler  un  composé  plombique  insoluble,  ou  bien  lorsqu'on  arrive 
à  séparer,  en  même  temps  que  le  plomb,  des  corps  qui  ne  se  rencontrent 
pas  normalement  dans  l'économie,  comme  l'acide  chromique,  l'acide 
iodhydrique,  etc. 

Si  l'expert  assiste  à  l'autopsie,  il  veillera  à  ce  qu'il  n'y  ait  pas  intro- 
duction de  parcelles  de  plomb  provenant  du  cercueil,  ou  de  papiers  plom- 
bifères,  ou  de  grains  de  plomb  ingérés  avec  le  gibier  par  exemple. 

Il  évitera  encore  l'emploi,  pour  sceller  ou  bouclier  les  flacons,  de  cire 
colorée  au  minium  (la  science  a  enregistré  des  erreurs  de  ce  genre). 


PLOMB.  —  nECHKItCHE  toxicoi.ogio.ue. 


563 


De  môme,  pour  les  flacons  qui  lui  seront  remis  cachetés  avec  une  cire 
suspecte,  il  examinera  au  préalable  sa  composition  et  s'assurera  que  l;i 
moindre  parcelle  n'a  pu  se  mélanger  aux  produits. 

Examen  préliminaire.  —  Après  quoi  il  procédera  à  l'examen  à  la 
loupe  en  arrosant  lés  matières  d'eau  distillée  en  quantité  convenable, 
procédant  par  lévigation,  et  inspectant  soigneusement  les  dépôts. 

Recherche  chimique.  —  On  s'occupe  de  la  destruction  des  matières 
organiques  auxquelles  la  substance  toxique  se  trouve  mélangée  ou  com- 
binée. 

Les  indications  de  la  physiologie  et  les  analogies  chimiques  guideront 
dans  le  choix  de  la  méthode  à  employer  pour  isoler  le  métal.  On  sait  en 
effet  que,  comme  pour  le  mercure  et  pour  l'argent,  il  y  a  formation  dans 
l'économie  de  sels  doubles  de  plomb  et  d'albumine,  de  plomb  et  de  chlo- 
rures, etc.  Pour  la  recherche  du  plomb  comme  pour  celle  de  l'argent,  on 
pourra  donc  se  servir  : 

1°  De  la  méthode  par  le  chlorate  et  Vacide  chlorhydrique ;  2°  de  celle 
qui  est  basée  sur  Y  emploi  de  Vacide  azotique;  3°  de  la  méthode  au 
moyen  de  Vacide  sulfurique;  4"  de  la  méthode  par  voie  sèche,  au  car- 
bonate de  soude;  5°  de  Vélectrohjse  (proposée  par  Gusserow),  etc.,  pour 
ne  parler  que  des  principales. 

1°  Méthode  par  le  chlorate  et  l'acide  chlorhydrique.  —  Millon  et 
Dullos,  les  premiers,  ont  indiqué,  en  1858,  le  principe  de  la  méthode  au 
chlorate  de  potasse  qui  fournit  en  présence  de  l'acide  chlorhydrique  une 
source  de  chlore  au  moyen  duquel  sont  détruites  les  matières  organiques. 

Perfectionnée  par  différents  auteurs,  l'opération  peut  s'effectuer  ainsi  : 
la  substance,  divisée  mécaniquement  quand  il  y  a  lieu,  esi  délayée  dans 
uu  poids  d'acide  chlorhydrique  égal  à  celui  de  la  matière  organique  sup- 
posée sèche.  Quand  le  composé  toxique  n'est  pas  volatil  (ce  qui  est  le  cas 
actuel),  il  y  a  avantage  à  digérer  pendant  quelques  heures  au  bain-marie 
(Abreu).  La  masse  rendue  fluide,  si  besoin  est,  au  moyen  d'eau  distillée 
(ou  mieux  encore  des  eaux  de  lavages  résultant  du  traitement  mécanique 
préliminaire)  est  introduite  dans  une  capsule  ou  dans  un  balion  dont  la 
contenance  est  telle  qu'il  soit  seulement  à  moitié  rempli. 

On  chauffe  au  bain-marie,  et  de  temps  en  temps  on  ajoute  une  pincée 
(2  grammes  environ)  de  chlorate  de  potasse.  Chaque  fois  il  y  a  production 
abondante  de  gaz  et  la  matière  mousse  fortement.  C'est  pourquoi  il  est 
nécessaire  d'employer  des  vases  d'une  capacité  suffisante  pour  que  le 
liquide  ne  déborde  pas. 

L'alcool,  l'amidon,  le  sucre  communiquent  aux  matières  une  grande 
tendance  à  mousser.  Aussi  est-il  avantageux  de  se  débarrasser,  par  une 
distillation  préalable,  de  la  presque  totalité  de  l'alcool. 

A  chaque  addition  de  chlorate  de  potasse  la  liqueur,  sous  l'influence  du 
chlore  naissant,  se  décolore  sensiblement,  mais  elle  se  fonce  de  nouveau 
dès  que  le  gaz  s'est  échappé.  A  mesure  que  l'attaque  avance,  la  coloration 
est  de  moins  en  moins  sensible  et  lorsque,  un  quart  d'heure  environ  après 
addition  de  chlorate,  la  liqueur  chauffée  nu  bain-marie  ne  se  colore  plus 


564 


PLOMB.  —  RECHEIICHE  TOX1COLOGIQUE. 


sensiblement  et  reste  simplement  jaunâtre,  l'opération  e.~l  considérée 
comme  terminée. 

Parfois  il  est  nécessaire  d'ajouter  une  nouvelle  quantité  d'acide  chlorhy- 
drique  pour  arriver  à  ce  résultat.  On  évitera  cependant  un  trop  grand  excès. 

Dans  ces  conditions,  l'attaque  évidemment  n'est  pas  poussée  à  fond,  et 
toutes  les  matières  organiques  ne  sont  pas  détruites,  nous  citerons  en 
particulier  les  graisses,  les  matières  ligneuses,  le  tissu  cellulaire  qui 
résistent  bien.  Cependant  la  désorganisation  est  assez  profonde  pour  que, 
en  filtrant  la  liqueur  bouillante,  il  ne  reste  sur  le  filtre  que  les  substances 
insolubles  mentionnées  pins  haut.  On  les  lave  à  nouveau  à  l'eau  bouil- 
lante, et  le  résidu  est  finalement  examiné  à  part  pour  s'assurer  qu'il  est 
exempt  de  plomb. 

Le  liquide  filtré  renferme  la  totalité  du  chlorure  de  plomb,  soluble  à 
chaud  dans  l'eau,  et  dont  la  dissolution  est  encore  favorisée  par  la  pré- 
sence de  l'acide  chloi  hydrique  et  des  chlorures  alcalins. 

Quand  il  y  a  beaucoup  de  plomb,  le  liquide  peut  cristalliser  par  simple 
refroidissement,  ou  même  par  simple  addition  d'eau  qui  change  la  solubi- 
lité du  chlorure  dans  l'acide  chlor hydrique. 

Dans  tous  les  cas,  la  liqueur  plombique  est  traitée  par  l'hydrogène 
sulfuré  qui  dénotera  un  cent  millième  ou  même  un  deux  cent  millième 
de  plomb.  On  a  vu  plus  haut  les  caractères  et  les  particularités  de  la 
précipitation  du  sulfure  de  plomb  en  liqueur  chlorhydrique. 

2°  Par  l'acide  azotique.  —  Au  lieu  du  chlorate  et  de  l'acide  chlorhy- 
drique, on  peut  employer  la  méthode  d'Orûla,  et  dont  la  base  est  la 
destruction  des  matières  par  l'acide  azotique. 

Les  liquides  et  les  parties  solides  très-divisées,  sont  soumis,  dans  une 
capsule  de  porcelaine,  à  une  évaporation  ménagée,  au  bain-marie,  jusqu'à 
réduction  en  pulpe.  On  ajoute  alors  peu  à  peu,  et  en  agitant  sans  cesse, 
un  double  volume  d'acide  azotique  concentré,  pur,  et  l'on  chauffe  pro- 
gressivement pour  obtenir  une  ébullition  lente  et  continue,  qu'on  main- 
tient plusieurs  heures  tant  qu'il  se  dégage  des  vapeurs  hypoazotiques.  Le 
liquide,  réduit  par  évaporation  en  consistance  sirupeuse,  est  étendu  de 
dix  volumes  d'eau  distillée  tiède.  Après  filtration  et  lavage  du  filtre,  on 
introduit  la  liqueur  dans  un  flacon  bouché  à  l'émeri,  et  on  y  fait  passer  un 
courant  continu  d'hydrogène  sulfuré  pur  et  lavé,  jusqu'à  saturation.  Le 
lendemain,  quand  le  dépôt  de  sulfure  de  plomb  s'est  complètement  effec- 
tué, le  liquide  est  décanté  au  siphon  et  on  lave  le  précipité  sur  un  liltic 
de  papier  Berzélius  pour  épuiser  les  matières  solubles.  Le  filtre  est  des- 
séché et  divisé  par  moitié.  On  chauffe  la  première  moitié  dans  une  cap- 
sule de  porcelaine,  au  bain-marie,  avec  de  l'acide  azotique  concentré, 
pur,  jusqu'à  disparition  de  sa  couleur  noire.  Le  liquide  est  étendu  de 
quelques  centimètres  cubes  d'eau  distillée  tiède,  puis  filtré  et  soigneuse- 
ment évaporé  à  siccité.  Redissous  dans  quelques  gouttes  d'eau,  le  résidu 
doit  offrir  les  caractères  du  plomb  indiqués  à  la  partie  chimique  de  l'article. 

L'autre  moitié  du  filtre,  divisée  en  petits  morceaux,  est  triturée  dans 
un  mortier  d'agate  avec  un  peu  de  carbonate  de  soude  desséché  et  quel- 


PLOMB.   —  RECIIKIICIIE  TOXITOI.OGIQUE.  365 

ques  gouttes  d'eau,  de  façon  à  former  une  pâte  ferme  que  l'on  tasse  dans 
la  cavité  d'un  charbon  léger  de  peuplier  on  de  tilleul.  Après  que  ce  mé- 
lange  a  été  lentement  desséché  à  la  flamme  du  chalumeau,  on  projette 
d'une  manière  continue,  à  sa  surface,  le  dard  aigu  de  la  flamme  de 
réduction  (cône  intérieur).  Le  sel  plomhiquc  se  réduit  peu  à  peu  ;  la  petite 
masse  entre  en  fusion  et  s'absorbe  dans  les  pores  du  charbon,  laissant  à 
nu  quelques  petits  globules  brillants  épars.  Ces  globules  métalliques, 
soigneusement  recueillis,  sont  triturés  avec  un  peu  d'eau  dans  un  mortier 
d'agate;  par  décantation  on  enlève  les  parcelles  de  charbon  qui  pouvaient 
adhérer,  et  le  métal  reste  seul,  reconnaissable  à  sa  couleur  et  sa  malléa- 
bilité, et,  après  dissolution  dans  quelques  gouttes  d'acide  azotique,  à  ses 
caractères  chimiques. 

5°  —  Par  V acide  sulfurique  —  Au  lieu  d'acide  azotique  pour  détruire 
les  matières  organiques,  on  pourrait  se  servir  d'acide  sulfurique,  comme 
dans  le  procédé  général;  le  sulfate  de  plomb  imprégnant  le  charbon  qui  en 
résulterait,  serait  transformé  en  carbonate  par  ébullition  avec  une  solu- 
tion de  carbonate  de  soude  ou  de  potasse,  puis  en  azotate  soluble  par  l'eau 
acidulée  d'acide  azotique.  On  traiterait  ensuite  la  liqueur  par  l'hydrogène 
sulfuré,  poursuivant  les  opérations  comme  dans  le  procédé  précédent.  _ 

4°  —  Par  la  chaleur,  en  présence  du  carbonate  de  soude,  procédé 
avantageux  pour  une  petite  quantité  de  matières,  en  majeure  partie 
solides.  — Les  portions  solides,  très  divisées,  sont  intimement  mélangées 
dans  un  mortier  avec  la  moitié  de  leur  poids  de  carbonate  de  soude  pur 
et  sec;  ce  mélange,  préalablement  desséché  au  bain-marie,  est  introduit 
dans  un  creuset  de  porcelaine  à  couvercle,  de  dimensions  telles  qu'il  ne 
soit  qu'à  moitié  rempli.  On  chauffe  alors  dans  un  petit  fourneau  ou  à  la 
lampe  deBcrzélius,  graduellement,  alin  d'éviter  tout  boursouflement  de 
la  matière,  mais  jusqu'à  une  température  suffisante  pour  fondre  le  car- 
bonate de  soude.  Dès  que  ce  sel  est  en  fusion  tranquille,  on  laisse  tomber 
le  feu,  dans  la  crainte  de  volatiliser  un  peu  de  plomb  réduit.  Le  creuset, 
refroidi  et  essuyé  extérieurement  avec  soin,  est  placé  dans  une  spacieuse 
capsule  de  porcelaine,  contenant  de  l'eau  distillée  bouillante.  On  continue 
l'cbul lition  jusqu'à  complète  dissolution  de  la  masse  vitreuse  du  creuset, 
lequel  est  mis  à  sécher  après  avoir  été  lavé  à  l'intérieur  et  à  l'extérieur, 
à  l'aide  d'une  pissette,  au  dessus  de  la  capsule.  Les  portions  métalliques, 
plus  lourdes,  gagnent  le  fond  et  sont  séparées  des  particules  charbon- 
neuses et  salines  en  suspension  par  le  repos  du  liquide  et  plusieurs  décan- 
tations et  lavages  ;  on  recueille  alors  facilement  les  petits  grains  métalliques 
brillants  qu'on  dessèche  sur  papier  buvard.  On  y  joint  les  quelques  glo- 
bules qui  auraient  pu  rester  adhérents  à  l'intérieur  du  creuset;  et  si  les 
grains  de  plomb  sont  trop  petits,  on  les  fond  au  chalumeau,  en  présence 
du  carbonate  de  soude  sec,  dans  la  cavité  d'un  charbon,  afin  de  les  ras- 
sembler en  un  ou  deux  globules  caractéristiques.  (Roussin,  p.  855). 

5°  Electrolijse.  —  Dans  les  liqueurs  provenant  du  traitement  au  chlo- 
rate de  potasse  et  à  l'acide  chlorhydriquc,  au  lieu  d'employer  l'hydrogène 
sulfuré  pour  séparer  le  plomb,  Gusserow  a  proposé  de  se  servir  de  l'élec- 


36G 


PLOMB.    RECHERCHIC  TOXIf.OLOGIQLE. 


trolyse  qui  l'isole  à  l'état  métallique.  Ou  peut  opérer  au  moyen  d'un 
dialyseur  plongeant  dans  de  l'eau  acidulée  à  l'acide  sulfurique.  Deux  lames 
de  platine  servent  d'électrodes,  et  la  négative  est  immergée  dans  la  solu- 
tion plombique.  Le  courant  est  fourni  par  une  pile  de  quatre  éléments  de 
Grove.  Le  dépôt  du  plomb,  sous  l'orme  d'enduit  gris  ou  noirâtre,  a  lieu 
lentement  sur  le  pôle  négatif,  et  c'est  seulement  au  bout  de  douze  à 
quinze  heures  que  l'opération  est  terminée. 

Sans  s'arrêter  à  discuter  la  question  du  plomb  normal  que  les  récents 
travaux  de  Bai  se  et  Chevallier  semblent  avoir  tranchée  dans  le  sens  de  la 
négative,  il  est  bien  évident  par  ce  qui  précède  que  l'expert  chimiste  n'aura 
guère  à  se  préoccuper  de  la  nature  ni  de  la  provenance  du  composé 
ingéré,  non  plus  que  de  l'intention  criminelle  ou  non  qui  a  présidé  à 
l'administration  du  toxique. 

11  aura  cependant  à  répondre  fréquemment  à  diverses  questions  rela- 
tives aux  circonstances  accidentelles  qui  peuvent  avoir  produit  l'empoi- 
sonnement. C'est  pourquoi  nous  dirons  quelques  mots  de  l'examen  d'une 
eau,  d'un  vin  ou  d'un  vernis,  d'un  papier  plombifère,  etc. 

Eau.  —  On  essaiera  tout  d'abord  si  cette  eau,  acidulée  par  l'acide  ni- 
trique, se  colore  de  suite  en  présence  de  l'hydrogène  sulfuré.  Une  pareille 
eau  est  évidemment  suspecte.  S'il  y  a  assez  de  métal  pour  fournir  un 
précipité  de  sulfure,  on  le  recueille,  et  sa  nature  est  facile  à  reconnaître. 

L'essai  quantitatif  se  fait  en  évaporant  une  dizaine  de  litres  d'eau  addi- 
tionnés de  20  gouttes  d'acide  nitrique,  de  manière  à  rapprocher  à 
200  centimètres  cubes.  On  transvase  ensuite  dans  une  petite  capsule,  ce 
qui  permet  de  dessécher  la  matière,  qui  brunit  ordinairement  par  suite 
de  la  présence  de  substances  organiques.  On  les  détruit  par  l'acide  azotique 
et  l'azotate  d'ammoniaque.  Le  résidu  blanchâtre  renferme  le  plomb  à  l'état 
d'azotate  ou  de  sulfate.  On  reprend  par  une  petite  quantité  d'eau  qui 
entraîne  l'azotate.  Le  résidu  de  sulfate,  calciné  avec  de  la  soude,  donnera 
un  globule  métallique  reconnaissable  à  sa  malléabilité. 

Vin.  —  Dans  le  vin  on  peut  aussi  parfois  mettre  le  plomb  directement 
en  évidence  au  moyen  de  l'hydrogène  sulfuré.  Mais  on  préfère  ordinaire- 
ment évaporer  à  siccité  un  volume  connu  de  vin,  détruire  les  matières 
organiques  et  terminer  l'essai  comme  précédemment. 

Vernis.  —  Un  vernis  plombifère,  traité  par  de  l'eau  acidulée  au  ving- 
tième environ  par  l'acide  acétique  ou  nitrique  (le  mieux  est  d'opérer  au 
bain-marie),  donnera  une  solution  qu'il  suffit  d'évaporer  à  sec  pour  que 
le  résidu  fournisse  toutes  les  réactions  caractéristiques  du  plomb. 

L'analyse  d'une  peinture  à  hase  de  céruse,  d'une  tenture  colorée  par  le 
plomb  (minium,  chromate,  papiers  glacés,  moirés,  etc.),  n'olfrirait  aucune 
difficulté. 

A.  Gautier  a  publié  une  méthode  pour  déceler  des  traces  de  plomb 
contenu  par  exemple  dans  des  légumes  de  conserve.  (Congres  d'hy- 
giène, 1878). 

Quant  au  dosage,  nous  renvoyons  à  ce  qui  a  été  dit  plus  haut  (p.  505). 


PLOMBIÈRES. 


567 


Une  des  choses  auxquelles  on  s'attachera  principalement  consiste  à 
obtenir  une  pièce  à  conviction  aussi  nette  que  possible.  Le  globule  de 
plomb  malléable  constitue  évidemment  l'une  des  meilleures;  mais  lu 
chlorure  cristallisé  déposé  par  refroidissement  ou  encore  le  sulfure  de 
plomb  peuvent  encore  remplir  le  même  objet. 

Devergie,  Dicl.  de  méd.  et  de  chir.  prat.  1835,  t.  XIII,  art.  Plomb.  —  Plomb  normal  de  l'Eoo- 
nomie  (Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  se.,  ocl.  1844.  Arcli.  gén.  de  méd.,  4°  série,  •1844, 
t.  VI,  p.  385).  —  Ohfila,  Empoisonnement  par  les  sels  de  plomb  (Bull,  de  l'Acad.  de  mi'd., 
Paris,  1838,  t.  III,  p.  161).  —  Dicl.  de  méd.  en  50  vol.,  Paris,  1842,  t.  XXV.  —  Empoisonne- 
ment par  un  composé  de  plomb. Affaire  Pouchûri  (Annales  d'hygiène  puhl.  et  de  méd .  lég.  1844, 
t.  XXXI,  p.  151).  —  Basse,  Plomb  trouvé  dans  le  corps  de  l'homme  (Comptes  rendus  de  l'Acad  ■ 
des  sciences,  et  Arch.  gén.  de  médec.  4"  série,  1843,  t.  III,  p.  115).  —  Fi.andin  et  Dangeu  , 
Sur  l'empoisonnement  par  le  plomb  (Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1 844,  et  Arch. 
gén.  de  méd.,  4"  série,  1814,  t.  IV,  p.  236).  —  Empoisonnement  par  le  plomb.  Des  expertises 
médico-légales  dans  les  cas  d'empoisonnement  (Arch.  gén.  de  méd.,  1844,  4?  série,  t.  IV, 
p.  258).  —  Taylor  (A.  S.),  Empoisonnement  par  les  sels  de  plomb  (Guy's  Hospilal  Reporlst 
2*  série,  vol.  IV,  1840,  Arch.  gén.  de  méd.,  4»  série,  1848,  t.  XVI,  p.  512).  —  Chevallier, 
(Alpb.)  et  Cotterf.au,  Essais  historiques  sur  les  métaux  que  l'on  rencontre  dans  les  corps  orga- 
nisés, (Ami.  d'hyg.  publ.  cl  de  médec,  lég.,  1849,  t.  XLII,  p.  124).  —  Ohfila  ;Louis),De  l'éli- 
mination des  poisons,  Paris,  1852.  —  Taylor,  on  Toisons  in  relation  to  med.  Jurispr.  Lon- 
don  1859.  —  Bloxam,  On  the  détection  of  poisons  mctals  hy  electrolysis  (Quart.  Journ.  of 
the  client.  Soc.  London  april,  1800,  n"  49).  —  Gusserow,  Untarsuchungcu  iiber  Bleivcrgîf- 
tung  (Arch.  fûr  palhol.  Analomie,  Berlin,  1801,  Band.  XXI,  p.  445).  —  Otto,  Instruction 
sur  la  recherche  des  poisons,  traduit  par  Strobl,  Paris  1872.  —  Rouciier,  Rech.  toxic.  du 
plomb  dans  un  cas  de  suspic.  d'empois,  par  les  sels  de  ce  métal  (Ann.  d'hyg.  publique, 
2e  série,  1874.  t.  XLI,  p.  161).  —  Elude  sur  la  présence  du  plomb  dans  le  syst.  nerveux  et  de 
la  recherche  de  ce  métal  dans  les  cas  d'empoisonnement  (Ann.  d'hyg.  publ.  et  de  méd.  lég., 
1875,  t.  XLV.p.  141).  — Bergeron  (G.),  et  Luote,  Empoisonnement  par  le  plomb  (Comptes 
rendus  de  l'Acad.  des  se,  15  juin  1874)  —  Daremdekg,  29  juin  1874.  —  Tarmeu  (Ambr.), 
et  Iloussi.v,  Etude  médico-légale  et  clinique  sur  l'empoisonnement,  2°  édit.  Paris,  1875.  — 
IIofjian.v,  Médecine  légale,  traduit  par  Emiri.  Levy  avec  comment,  par  Brouard<  1,  1880. 

L.  Prunier. 

PLOMBIÈRES.  —  Plombières  (Vosges),  à  10  heures  de  Paris  par 
le  chemin  de  fer  de  Mulhouse,  à  4  heures  de  Nancy  ;  région  nord-est  de 
la  France;  appartient  au  groupe  vosgien  riche  en  eaux  minérales. 

Plombières  fut  un  bain  gallo-romain  important,  si  l'on  en  juge  par  les 
restes  des  travaux  de  celte  époque.  Les  Romains  avaient  détourné  le  cours 
du  torrent,  bétonné  la  nappe  d'eaux  minérales,  construit  une  immense 
piscine  et  des  étuves  dont  on  a  retrouvé  les  substruclions.  Les  vieilles 
traditions,  quelquefois  interrompues,  n'ont  jamais  été  complètement 
perdues,  et  l'histoire  de  cette  station  est  assez  riche  en  documents  tels  que 
ceux  fournis  parFuchsius,  J.  Gonthier,  médecin  de  François  Ier,  Dom  Cal- 
met,  etc.  Le  roi  Stanislas,  et  de  nos  jours,  l'empereur  Napoléon  III  ont 
beaucoup  contribué  à  la  prospérité  de  cette  contrée,  si  bien  qu'aujour- 
d'hui Plombières  a  oublié  les  incendies  et  les  tremblements  de  terre  qui 
lui  ont  été  autrefois  si  funestes.  Peu  de  thermes  en  France  ont  été  l'objet 
d'aussi  nombreux  travaux  dus  aux  médecins,  aux  géologues,  aux  ingé- 
nieurs (Voy.  plus  bas  les  indications  bibliographiques). 

La  situation  actuelle  de  Plombières  lui  donne  un  rang  très  honorable 
parmi  les  bains  français.  Il  ne  compte  pas  plus  de  2000  baigneurs  par 
saison;  mais  la  haute  société  n'en  a  jamais  désappris  le  chemin. 

L'Etat,  propriétaire,  en  a  donné  la  ferme  à  une  compagnie. 


T.68  PLOMBIERES.  —  CLIMAT.  —  GÉOLOGIE. 

La  ville,  proprement  bâtie,  est  resserrée  par  la  configuration  de  la  vallée. 
La  rue  centrale,  rue  Stanislas,  en  suit  le  cours  cl  descend  de  l'église  au  bain 
romain.  Quelques  chalets  perchés  sur  les  hauteurs  ornent  le  paysage.  Le 
Parc  est  animé  tous  les  jours  par  la  musique;  le  Casino  fournil  les  distrac- 
tions du  soir;  les  salons  des  hôtels  lui  font  concurrence  sous  ce  rapport. 

La  région  des  Vosges  est  assez  connue  des  touristes  pour  qu'il  soit  inu- 
tile d'insister  sur  les  excursions  nombreuses  offertes  aux  hôtes  de  Plom- 
bières. Qnatrc  routes  s'en  détachent  :  celle  d'Aillevilliers  à  l'ouest,  celle 
de  Remiremont  à  l'est,  celle  d'Epinal  vers  le  nord,  de  Luxeuil  vers  le 
sud.  Nous  mentionnerons,  entre  autres  buts  de  promenade,  la  fontaine 
Stanislas  perdue  au  milieu  d'épaisses  forêts,  le  val  d'Ajol,  Hérival,  Pains 
et  Luxeuil,  Remiremont  et  le  lac  de  Gérardmer.  Les  chevaux  et  les  voi- 
tures ne  font  point  défaut. 

Climat  —  Plombières  est  à  450  m.  au-dessus  de  la  mer,  50  m.  plus 
élevé  que  Remiremont  (mes  mesures  ne  m'ont  fourni  que  50  m.  de  diffé- 
rence en  prenant  le  niveau  des  grands  hôtels  qui  est  au  bas  de  la  ville). 
D'une  fenêtre  nord,  si  l'on  pointe  la  lunette  vers  le  clocher  de  l'église, 
on  voit  que  la  direction  de  la  vallée  est  N.  E.-S.O.  La  ville  est  dans  une 
gorge  profonde,  comme  Wildbad  en  Wurtemberg;  c'est  le  sort  des  eaux 
chaudes  en  général;  cependant  Luxeuil  est  plus  ouvert.  Cette  situation  a 
le  double  inconvénient  d'une  forte  chaleur  les  jours  de  grand  soleil  et 
d'une  certaine  tristesse  les  jours  de  pluie.  Si  les  journées  sont  chaudes, 
les  matinées  et  les  soirées  apportent  de  la  fraîcheur  et  le  contraste  en  est 
quelquefois  saisissant.  La  température  varie  également  d'une  façon  tran- 
chée, après  un  orage  (de  50°  c.  à  15°  par  exemple.)  Avis  aux  rhumatisants 
qni  doivent  prendre  des  précautions.  Pour  jouir  de  l'air  vif  et  pur  de  la 
montagne,  il  suffit  de  gravir  les  pentes  voisines  en  s'élevant  de  quelques 
centaines  de  pieds. 

Les  observations  météorologiques  font  défaut;  les  tables  de  Lhéritier, 
relatives  à  la  température,  ont  été  construites  dans  un  but  de  comparai- 
son avec  celle  des  sources  et  les  résultats,  chiffrés  une  seule  fois  par  jour, 
sont  insuffisants.  Quant  au  baromètre  il  est  en  général  au  variable,  ce  qui 
s'explique  par  un  assez  grand  nombre  de  jours  pluvieux,  même  dans  les 
beaux  mois.  La  moyenne  des  sources  froides,  8-10°  c.  doit  représenter  la 
moyenne  annuelle  de  température,  plus  basse  que  celle  du  bassin  pari- 
sien où  les  hivers  sont  moins  rudes  et  moins  longs. 

Géologie.  —  Les  observations  des  géologues  sont,  au  contraire, 
nombreuses  et  précises.  Consulter  les  cartes  de  Ilogard  et  de  Rilly,  1848 
et  49,  très  développées. 

A  l'ouest  de  la  masse  granitique  des  Vosges  est  un  vaste  plateau  de 
grès  bigarré  que  l'on  traverse  en  partant  de  Plombières  pour  aller  à  Rains 
ou  à  Luxeuil.  J'ai  vu  sur  ces  routes  plusieurs  carrières  en  exploitation. 
Des  vallées  entaillées  dans  ce  plateau  courent  parallèlement  de  N.  B.  à 
S.  0.,  telles  que  la  vallée  de  l'Augronne  qui  nous  occupe,  la  vallée  du 
Concy  avec  le  Raignerot  pour  affluent  (sources  de  Rains),  la  vallée  de  la 
Scmouse  (source  de  la  Chaudeau),  la  vallée  du  Rrcuchin  (sources  de 


l'LOM  MÈNES.  —  souhcbs. 


369 


Luxeuil.)  'foules  ces  vallées  ont  pour  caractères  communs  d'être  recli- 
lignes,  abruptes,  avec  pointemenls  granitiques  qui  donnent  naissance  à 
des  eaux  thermales.  Des  l'ailles,  dans  le  même  sens,  coupent  ensuite  le 
département  de  la  Haute-Saône. 

La  vallée  de  l'Augronnc  doit  nous  occuper  spécialement;  sur  la  route 
de  la  fontaine  Stanislas  se  voient  des  amas  de  rochers  (en  langue  du  pays 
dits  Meurgers),  blocs  de  grès  bigarré  des  hauteurs,  et  de  poudingues 
quartzeux  durs  représentant  le  grès  vosgien.  Le  fond  de  la  vallée  laisse  à 
nu  le  granité  porphyroïde  qui  se  continue  assez  loin  vers  Aillcvillers, 
tandis  qu'en  remontant  vers  Remiremont  il  y  a  du  granité  à  grains  fins. 
Le  granité  porphyroïde  offre  de  gros  cristaux  de  feldspath  rose  et  des 
points  noirs  de  hornblende. 

Les  sources  émergent  de  ce  granité  sur  une  longueur  d'environ  200 
mètres  :  les  plus  chaudes,  du  thalweg;  les  tempérées,  au-dessus.  Elles  sont 
en  rapport  avec  les  filons  de  quartz,  de  spath  fluor  et  de  barytine  coupant 
le  granité.  Les  sources  savonneuses  jaillissent  des  parois  de  ces  filons.  Les 
sources  actuelles  contiennent  encore  des  traces  de  fluorures,  mais  les 
actions  chimiques  actuelles  ne  sont  pas  à  comparer  à  celles  d'une  autre 
époque  géologique,  dont  on  a  pour  témoins  et  les  filons  et  les  imprégna- 
tions du  terrain  supérieur  (grès  vosgien  et  grès  bigarré).  Le  régime  des 
eaux  change  par  les  grandes  commotions  du  sol  ;  les  tremblements  de 
terre  peuvent  nous  le  faire  comprendre;  celui  de  1682  a  rendu  chaude 
une  source  froide  de  Plombières.  Daubrée  ne  s'est  pas  contenté  de 
vérifier,  à  Plombières,  la  théorie  d'Élie  de  Beaumont  sur  les  relations  des 
sources  thermales  avec  les  filons  ;  il  a  encore  montré  comment  ces  eaux 
ont  produit,  au  moyen  de  leurs  silicates,  des  zéolithes  dans  le  béton  romain 
(apopliyllite,  chabasie,  harmotôme) ,  faits  comparables  aux  formations  épigé- 
nétiques  des  roches  trappéennes.  Ce  travail  de  l'eau  thermale,  offrant  une 
date  certaine  puisqu'on  connaît  à  peu  près  l'âge  du  béton,  a  fourni  à  la 
géologie  des  faits  nouveaux  et  pleins  d'intérêt.  Nous  ne  parlons  que  pour 
mémoire  des  pyrites  cuivreuses  formées  sur  le  robinet  de  bronze  romain. 

Souuces.  —  Les  travaux  de  captage  de  l'ingénieur  Jutier  ont  donné 
iiux  sources  de  Plombières  une  fixité  qui  en  rend  l'étude  plus  netle.  Ces 
travaux  longs  et  difficiles,  1856-1861,  et  la  belle  disposition  de  l'aqueduc 
du  Thalweg  ont  dévoilé  bien  des  mystères  des  eaux  souterraines.  Les 
sources  anciennes  les  plus  chaudes  ont  été  retrouvées;  au  moment  de  la 
découverte,  le  robinet  romain  montait  de  75  à  74°;  il  est  descendu  à  71 
et  70;  .  en  1875,  j'ai  noté  72.  On  trouvera,  dans  le  grand  travail  de 
Jutier  et  Jules  Lefort,  de  nombreux  tableaux  sur  la  température  et  le 
débit  des  sources.  27  sources  régulières  donnent  au  delà  de  700  mètres 
cubes  en  24  heures. 

Si  l'on  jette  un  coup  d'œil  rapide  sur  les  anciennes  analyses  de  Nicolas 
et  Vauquelin,  sur  celles  de  0.  Henry  et  Lhériticr,  1855,  de  Lefort,  1860, 
on  voit  que  les  diverses  sources  ne  forment  qu'un  ensemble,  au  point  de 
vue  chimique.  Leur  faible  minéralisation  est  indiquée  par  la  densité 
épassant,  de  quclqeus  dixièmes,  celle  de  l'eau  pure.  Jules  Lefort  n'a  pas 

NOUV.  D1CT.  MÉD.  ET  CUIR.  XXVIII    24 


570 


PLOMB1KIIES.          SOU  IIC  ES. 


trouve  de  réaction  alcaline;  j'ai  vu  la  source  des  Dames  bleuir  légère- 
ment le  papier.  La  proportion  de  gaz  est  peu  considérable  avec  prédomi- 
nance d'azote,  sans  intérêt. 

Les  deux  analyses  modernes  ne  diffèrent  qu'en  un  point.  Ossian  Henry 
et  Lliéritier  considèrent  les  carbonates  comme  résultant  de  la  transfor- 
mation des  silicates,  pendant  l'évaporation  ;  en  conséquence  ,  ils  ne  por- 
tent pas  de  carbonates  dans  leur  analyse  hypothétique. 

Les  principaux  éléments  signalés  par  Lelort  sont  :  silicates  0,10;  sulfate 
de  soude  0,10;  bicarbonates  0,05;  avec  des  traces  d'arsenic.  Minéralisa- 
tion totale  0,30.  Il  paraît  qu'on  a  trouvé  le  même  chiffre  il  y  a  150  ans. 
La  matière  onctueuse,  dite  savon  minéral,  serait  du  silicate  d'alumine. 

Les  chimistes  et  les  hydrologues  ont  été  assez  embarrassés  pour  classer 
ces  eaux  :  l'Annuaire  en  avait  fait  des  bicarbonatées;  à  ce  compte,  il  fau- 
drait nommer  ainsi  toutes  les  eaux  communes.  Les  auteurs  du  Diction- 
naire ont  dit  sulfatées  sodiques,  non  sans  hésitation  et  sans  réserves, 
ayant  le  sentiment  du  peu  de  valeur  des  10  centigrammes  de  sel  de  Glau- 
ber.  Lliéritier  les  intitule  silicatées  et  arsénicales.  Or,  jusqu'ici  personne 
n'a  démontré  que  10  à  12  centigrammes  de  silicates  alcalins  soient  de 
quelque  usage  dans  un  litre  d'eau  minérale.  Bains  et  Luxeuil  pourraient 
se  présenter  avec  le  même  titre,  et  les  eaux  d'Auvergne  renferment 
souvent  deux  fois  plus  de  silice.  L'expérience  de  Lliéritier,  qui  dit 
avoir  obtenu  des  silicates  en  traitant  par  l'eau  chaude  le  granit  pulvérisé, 
n'a  pas  un  intérêt  très-grand.  Des  échantillons  de  ce  granité  ne  m'ont 
donné  que  de  la  matière  organique  par  l'eau  distillée  bouillante.  Quant 
à  l'arsenic,  il  n'y  en  a  que  des  traces  et,  comme  bon  nombre  d'eaux  ont 
fourni  des  traces  de  ce  métalloïde,  je  ne  vois  pas  de  raison  particulière 
de  dénommer  celles-ci  arsénicales,  pas  plus  que  silicatées.  Le  résidu 
fixe  ne  dépassant  pas  le  tiers  d'un  gramme,  elles  sont  moins  minérali- 
sées que  beaucoup  d'eaux  potables  et  n'ont  plus  que  leur  tliermalité  pour 
les  distinguer.  En  conséquence,  elles  appartiennent  à  la  classe  des  eaux 
thermales  simples,  vieille  dénomination  encore  préférable  à  toutes  les 
autres.  Hâtons-nous  de  dire  que  les  eaux  thermales  simples  donnent  peut- 
être  aux  médecins  hydrologues  les  plus  brillants  résultats. 

L'étude  de  l'administration  des  eaux  va  nous  conduire  à  quelques 
détails  sur  les  sources  les  plus  importantes.  On  les  emploie  en  boisson,  en 
bains,  en  douches,  étuves,  etc.,  et  il  est  juste  de  reconnaître  que  les 
applications  sont  aussi  bien  faites  que  variées.  On  fait  boire  les  sources 
chaudes  des  Dames  et  du  Crucifix,  et  la  source  froide  ferrugineuse.  La 
buvette  de  la  source  des  Dames  est  un  peu  trop  primitive,  sans  abri  en 
temps  de  pluie.  Sa  température  est  assez  stable,  51  à  52°C;  c'est  la  plus 
facile  à  digérer  ;  son  débit,  au  robinet,  m'a  paru  de  25  à  50  M.C.  par 
24  heures.  —  La  buvette  du  Crucifix  est  sous  des  arcades  qui  abritent 
suffisamment  les  malades.  Sa  température  paraît  moins  fixe,  48-49 
(Lliéritier),  43  (Jutier),  45  (Leclère).  J'ai  trouvé,  au  robinet,  46  en 
1875  et  1877.  J'ai  estimé  son  débit  à  12  ou  15  M.  G.  en  24  heures.  Au 
robinet  voisin  coule  la  source  savonneuse,  qui  a  varié  de  2  degrés  de 


PLOMBIÈRES.  —  bains. 


571 


1875  à  1877,  époques  où  j'ai  mesuré.  La  source  ferrugineuse  ne  coule 
plus  à  côté. 

Cette  source  ferrugineuse  vient  de  la  partie  supérieure  de  la  ville  (pro- 
menade des  Dames)  ;  elle  a  de  11  à  12°,  dépassant  ainsi  la  moyenne  du 
lieu;  elle  renferme  environ  1  1/2  centig.  de  bicarbonate  de  fer  très-insta- 
ble. On  la  boit  à  table  dans  des  carafes.  Elle  n'a  pas  la  valeur  qu'on  a 
voulu  lui  attribuer. 

Il  est  facile  de  s'apercevoir  que  le  nombre  des  buveurs,  à  Plombières, 
est  fort  restreint.  Plusieurs  d'entre  eux  envoient  chercher  l'eau  et  ne 
paraissent  point  aux  buvettes. 

Bains.  —  Le  bain  est  la  médication  principale  ;  il  est  facile  d'en  juger 
par  le  nombre  et  la  fréquentation  des  établissements  :  plusieurs  sont  d'an- 
cienne date.  Nous  allons  les  suivre  du  baut  en  bas  de  la  ville. 

Bain  des  Dames.  —  Reconstruit  avec  14  cabinets  bien  éclairés,  petits. 
Au-dessous  est  le  bain  des  pauvres;  deux  petites  piscines  rondes,  54  à 
55°C;  quelques  baignoires  autour.  L'hôpital,  derrière  l'église,  logeant  une 
centaine  de  malades. 

Bain  Romain.  —  Sur  l'emplacement  des  anciens  thermes  et  de  la 
grande  piscine  ;  sans  apparence  extérieure  à  cause  de  son  enfoncement 
dans  le  sol;  à  l'intérieur,  architecture  italienne  de  bon  goût;  24  cabi- 
nets n'ayant  qu'un  cube  d'air  de  12  mètres,  un  peu  sombres,  on  a 
l'usage  de  laisser  la  porte  ouverte  en  se  baignant.  Bains  de  54  à  58°C.  La 
source,  très-abondante,  approche  de  60°  C. 

Bain  tempère'.  —  Voûtes  à  plein  cintre  ;  4  piscines  en  marbre  , 
rondes,  occupant  un  carré  de  6  mètres  de  côté  ;  température  55  à  55°; 
52  baignoires  aux  deux  étages. 

Bain  des  Capucins. —  Construction  ancienne  à  caractère;  piscine 
divisée  en  deux  sections,  l'une  à  57°,  l'autre  à  40°,  où  l'on  ne  fait  que 
passer.  Là  se  trouve  la  fameuse  source  des  Capucins,  avec  un  siège  pour 
les  dames  qui  en  reçoivent  les  vapeurs.  J'ai  trouvé  dans  le  trou  45°;  mais, 
au  griffon,  il  y  a  au  moins  50°. 

Bain  national.  —  4  belles  piscines  en  marbre  des  Vosges;  55  à  56°; 
une  quarantaine  de  cabinets  trop  petits.  Source  d'Enfer  50  à  60°.  A  côté 
Bains  des  Princes;  2  grandes  baignoires. 

Bain  Napoléon.  —  Beau  monument  ;  les  deux  ailes  pour  l'hôtel  écra- 
sent un  peu  le  centre.  Vaste  couloir  ayant  plus  de  50  mètres  de  long; 
escalier  grandiose  ;  52  cabinets  contenant  60  baignoires,  les  cabinets 
d'en  bas  avec  un  vestiaire.  Ces  cabinets,  offrant  un  cube  d'air  de  20  à  25 
mètres,  sont  les  plus  grands  et  les  plus  commodes.  Sur  4  piscines  on  en  a 
supprimé  2.  Le  sous-sol  et  le  second  étage  restent  sans  emploi.  Hydro- 
thérapie complète  :  douches  tivoli,  écossaises,  ascendantes,  etc.,  alimen- 
tées par  des  sources  froides.  Les  sources  chaudes  sont  emmagasinées  dans 
un  réservoir  sur  la  colline  voisine  et  dans  la  partie  supérieure  du  bâti- 
ment. Le  refroidissement  s'opère  au  moyen  d'un  serpentin  qui  traverse  la 
rivjère. 

On  compte  en  tout  160  cabinets  de  bains  et  près  de  180  baignoires  ; 


oT2  PLOMBIÈRES.  —  effets  des  eaux,  —  ihdicatioms. 

une  douzaine  de  piscines,  petites,  mais  bien  établies.  Presque  toutes  les 
maisons  ont  des  douches  variées  ;  les  douches  ascendantes  sont  organi- 
sées à  souhait.  Ajoutez  à  cela  les  anciennes  étuves  romaines  rétablies  pur 
les  soins  de  M.  Jutier,  avec  masseur  et  masseuses,  les  étuves  d'enfer,  et 
vous  aurez  une  idée  des  ressources  balnéaires  de  cette  station  intéres- 
sante. Les  étuves  laissent  encore  à  désirer;  ce  sont  des  vapeurs  d'eau 
chaude  naturelle  élevant  de  40  à  45°  la  température  du  milieu.  On  con- 
serve encore  ici  l'habitude  des  bains  prolongés  pendant  1  à  2  heures  et 
plus  ;  autrefois  ils  l'étaient  davantage.  Les  maisons  de  bains  restent 
ouvertes  de  5  heures  du  matin  à  7  heures  du  soir. 

Effets  des  eaux.  —  Ces  eaux  produisent  sur  l'organisme  sain  ou  malade 
des  effets  puissants,  dûs  au  liquide  lui-même,  avant  tout  à  la  façon  de 
l'administrer. 

Suivant  quelques  médecins,  Liétard  entre  autres  ,  la  boisson  aurait  peu 
d'importance  ;  manière  de  voir  en  désaccord  avec  la  théorie  de  Lhérilier 
sur  l'arsenic,  puisqu'il  suppose  à  cet  agent,  même  à  l'état  de  traces,  une 
action  altérante  sur  le  système  nerveux.  Hutin  a  fait  de  nombreuses  expé- 
riences sur  les  effets  du  bain.  Ses  résultats  sont  conformes  à  ce  qui  a  été 
observé  sur  les  bains  froids,  tempérés  et  chauds.  J'ai  constaté,  sur  moi- 
même,  le  sentiment  de  bien-être  éprouvé  au  sortir  du  bain  et  l'absence 
de  la  fatigue  ressentie  après  un  bain  d'eau  commune  de  même  chaleur. 
La  stimulation  exagérée  et  l'agitation  nerveuse  sont  dues,  le  plus  sou- 
vent, à  des  immersions  trop  longues,  trop  fréquentes,  trop  chaudes.  La 
direction  du  médecin  est  donc  indispensable  pour  toutes  ces  nuances. 
D'une  manière  générale,  disons  que  le  traitement  est  à  la  fois  tonique  et 
sédatif,  et  qu'il  relève  les  fonctions  du  tube  intestinal  avec  une  certaine 
tendance  à  la  constipation. 

Indications.  —  Le  rhumatisme,  d'une  part,  les  maladies  du  système 
nerveux  et  du  tube  digestif  de  l'autre,  représentent  le  fond  de  la  clini- 
que thermale  en  question. 

Le  travail  de  Lhéritier,  sur  le  rhumatisme  chronique,  est  appuyé  d'une 
cinquantaine  d'observations  variées.  Me  permettrai-je  d'avancer  que  les 
indications  n'y  sont  pas  assez  nettes?  Le  mémoire  de  Leclère  nous  l'ait 
entrer  plus  avant  dans  la  médication  thermale.  Elle  convient  aux  rhuma- 
tismes subaigus  ou  chroniques  musculaires,  articulaires  et  surtout  vis- 
céraux, mais  à  la  condition  que  la  forme  névropathique  domine,  qu'il  y 
ait  plus  de  phénomènes  douloureux  que  de  lésions  de  tissu.  Elle  devient 
un  agent  puissant  pour  l'apaisement  des  crises  douloureuses,  un  véritable 
sédatif.  Les  étuves  et  l'hydrothérapie  froide  sont  des  adjuvants  précieux. 
Le  nom  de  bain  des  goutteux,  donné  aux  Capucins,  montre  que  ces  der- 
niers ont  aussi  quelque  chose  à  gagner  aux  eaux  de  Plombières. 

Les  maladies  du  système  nerveux  se  rencontrent  en  assez  grand 
nombre;  des  hystéries,  quelques  chorées,  des  névralgies  rhumatismales 
ou  non,  des  paralysies  de  beaucoup  d'espèces  comme  nous  le  montre  le 
mémoire  étendu  de  Lhéritier.  11  est  à  remarquer,  tout  d'abord,  que  .les 
succès  sont  relatifs  à  des  affections  d'origine  rhumatismale;  un  cas  de 


PLOMBIÈRES.  - 


INDICATIONS. 


guérison  d'une  anesthésie  de  la  partie  inférieure  du  corps,  due  au  froid  et 
datant  de  deux  ans,  mérite  de  fixer  notre  attention.  Deux  cas  de  guérison 
de  paraplégie  rhumatismale  sont  dus  à  Martinet.  Dans  les  paralysies 
dépendantes  d'une  lésion  probable  ou  constatée,  ces  guérisons  complètes 
ne  se  montrent  plus.  Les  hémiplégies  disparaissant  en  quelques  semaines, 
lorsque  le  traitement  thermal  suit  de  près  l'accident,  soulèvent  toujours  la 
question  de  l'influence  attribuable  à  la  marche  naturelle  des  choses  dans 
les  foyers  apoplectiques.  Les  névralgies  avec  névrites  demandent  des  mé- 
nagements particuliers. 

La  réputation  de  Plombières  est  parfaitement  établie  dans  les  maladies 
du  système  abdominal,  non-seulement  par  les  nombreux  écrits  des  mé- 
decins, mais  aussi  par  le  courant  des  anciens  clients  qui  vont  répandant 
autour  d'eux  les  vertus  des  sources  bienfaisantes.  Le  fait  est  connu, 
accepté,  non  discuté,  mais  les  indications  ne  sont  pas  encore  tracées  avec 
une  netteté  suffisante. 

La  gastralgie,  qui  est  pourtant  à  la  fois  une  maladie  de  l'estomac  et  une 
névrose,  double  recommandation  pour  Plombières,  nous  offre  un  exemple 
de  cette  hésitation.  Dans  une  note  sur  ce  point  (Annales  d'hydrologie, 
t.  XI),  Lhéritier,  qui  trouve  le  travail  de  Liétard  peu  concluant,  ne  con- 
clut pas  lui-même.  Je  suis  loin  de  blâmer  l'esprit  de  réserve  chez  un 
praticien  qui  a  beaucoup  vu  et  qui  doute.  Les  médecins  de  Plombières  ne 
sont  pas  désarmés  contre  la  gastralgie.  La  gastro-entéralgie  douloureuse 
leur  a  procuré  de  nombreux  succès.  La  boisson  vient  ici  en  aide  aux  bains. 
Consultera  ce  sujet  le  mémoire  de  Bottentuit  sur  les  dyspepsies  flatulentes 
à  forme  douloureuse  (Annales,  t.  XVI). 

Les  diarrhées  chroniques,  désignées  sous  le  nom  de  catarrhes  ou  d'en- 
térites,  suivant  leurs  symptômes  et  en  même  temps  suivant  le  système  de 
nomenclature,  sont  peut-être  les  maladies  dominantes  à  Plombières  ;  j'ai 
connu,  pour  ma  part,  un  grand  nombre  de  ces  maladies  que  la  thérapeu- 
tique avait  peu  soulagés  et  qui  étaient  très-satisfaits  de  cette  cure  ther- 
male. En  présence  de  ces  données,  on  s'étonne  de  trouver  un  mémoire 
pu  DrLeclère  sur  le  traitement  de  la  constipation  (Annales  d'hydrologie 
t.  XVI).  Il  prescrit  l'eau  des  Dames  en  boisson  à  la  dose  de  1/2  verre  à 
2  verres;  des  bains  tièdes  de  32  à  54°;  des  douches  tivoli  sur  l'abdomen, 
des  douches  ascendantes,  etc.  Il  pense,  en  agissant  de  cette  façon,  régler 
l'innervation  abdominale  et  en  même  temps,  la  défécation.  Il  est  vrai 
que  la  constipation,  aussi  bien  que  la  diarrhée,  ne  sont  pas  toujours 
des  maladies,  mais  des  états  dépendant  d'un  équilibre  instable  de 
l'innervation  du  grand  sympathique. 

Un  certain  nombre  de  dyspepsies  stomacales  ou  intestinales  avec  irré- 
gularité des  fonctions,  diarrhées,  phénomènes  douloureux  névralgiques, 
ont  été  signalées  comme  relevant  du  traitement  de  Plombières,  lorsque  le 
rhumatisme  ou  la  goutte  en  étaient  le  principe.  C'est  là  un  point  délicat, 
mais  intéressant,  de  l'application  de  l'agent  thermal. 

Les  maladies  des  femmes  ne  sont  pas  rares  à  Plombières;  elles  sont 
intimement  liées  aux  états  névropathiuues;  aussi  les  névroses  utérines 


PNEUMATOSE. 


fournissent  les  meilleurs  résultats.  Les  bains  tempérés,  suffisamment  pro- 
longés, agissent  comme  sédatifs.  La  sédalion  s'exerce  également  sur  l'étal 
douloureux  dépendant  d'un  catarrhe  et  même  d'un  engorgement.  La 
douche  de  vapeur  des  capucins,  ayant  pour  résultat  immédiat  de  conges- 
tionner les  organes  génitaux,  doit  être  prescrite  et  maniée  avec  prudence 
bien  qu'elle  ne  présente  pas  les  mêmes  dangers  que  le  jet  de  la  Buben- 
quelle  à  Ems.  Par  ce  bain  de  vapeur  local  il  est  possible  de  réveiller 
l'inertie  de  la  fonction  menstruelle  et  de  ramener  les  régies.  Le  Dr  Bot- 
tentuit  m'a  assuré  qu'il  avait  constaté  le  t'ait  de  la  congestion  de  l'u- 
térus se  traduisant  par  une  augmentation  notable  de  volume  dans  l'organe. 
La  même  douche  est  un  bon  moyen  de  rappeler  le  flux  hémorrhoïdal,  s'il 
y  a  nécessité  de  le  faire.  Je  ne  dis  rien  de  la  question  de  stérilité  que  les 
médecins  actuels  comprennent  dans  son  sens  véritable. 

Plombières  est  donc  un  bain  de  premier  ordre  par  l'abondance  de  ses 
eaux  thermales,  par  ses  vieilles  traditions,  par  sa  bonne  installation. 
C'est  une  eau  thermale  simple  comme  Néris,  comme  Wildbad,  Teplitz  ou 
Ragatz.  Elle  participe  à  l'action  commune  des  eaux  de  montagne  à  la 
fois  toniques  et  sédatives.  Ces  rapprochements  nous  conduisent  à  consi- 
dérer les  eaux  à  un  point  de  vue  plus  large  et  plus  philosophique,  et  à  ne 
pas  tomber  dans  les  petites  théories  chimiques  qui  veulent  tout  expliquer 
par  quelques  centigrammes  de  silice,  matière  inerte  par  excellence,  ou 
par  des  traces  d'arsenic.  Il  est  un  raisonnement  bien  simple  à  opposer  à 
ces  théories;  beaucoup  d'eaux  thermales  ont  les  vertus  de  Plombières 
sans  renfermer  d'arsenic  et  beaucoup  d'autres  renferment  de  l'arsenic 
sans  avoir  les  vertus  de  Plombières. 

Lhéritier,  Du  rhumatisme  et  de  son  traitement  par  les  eaux  de  Plombières,  1855.  —  Des  para- 
lysies et  de  leur  traitement  par  les  eaux  de  Plombières,  1854. 
Henry,  Lhéritier,  Hydrologie  de  Plombières,  1855. 

Dadbrée,  Mémoire  sur  la  relation  des  sources  thermales  de  Plombières  avec  les  filons  métalli- 
fères (Annales  des  mines,  1858,  5°  série,  t.  XIII). 

Verjom,  Maladies  chroniques  des  voies  digestives.  —  Clinique  de  l'hôpital  de  Plombières,  1869. 

Leclère,  Des  eaux  de  Plombières  dans  les  maladies  chroniques  du  tube  digestif,  1869.  —  Du 
rhumatisme  et  de  ses  manifestations  diathétiques  par  les  eaux  de  Plombières,  1875. 

Bottentuit,  Guide  des  baigneurs  aux  eaux  de  Plombières,  1875. 

Jutier  et  Lefort,  Étude  sur  les  eaux  de  Plombières  (Annales  d'hydrologie,  t.  VII,  1860,  et 
tirage  à  part). 

Labat. 

PXEOMÈTRE.  Voij.  Respiration. 

PWEUMATOSE.  —  Pris  dans  son  acception  la  plus  large,  le  terme 
de  pneumatose  s'applique  atout  état  morbide  produit,  par  la  présence  de 
gaz  ou  d'air  atmosphérique,  soit  dans  des  parties  qui,  normalement,  ne 
doivent  point  en  contenir,  soit  dans  des  cavités  qui,  à  l'état  physiologique, 
n'en  renferment  qu'une  quantité  limitée.  On  devine  aisément  toute 
l'étendue  de  cette  classe  de  maladies,  qui  ne  tendrait  à  rien  moins  qu'à 
englober  la  pathologie  entière,  si  réellement  nous  devions  réserver  li1 
nom  de  maladies  à  ces  troubles  divers,  qui  résultent  en  effet  de  l'appa- 
rition de  gaz  dans  quelques  points  de  l'économie,  mais  qui  sont  loin  de 


PNEUMATOSE. 


575 


présenter,  et  la  même  importance,  et  surtout  la  même  gravité.  Aux  yeux 
des  auteurs  du  siècle  dernier,  un  grand  nombre  de  nos  maladies  trou- 
vait sa  cause  dans  ces  fluides  anormaux  ou  anormalement  distribués.  Les 
ouvrages  de  «  pneumato-pathologie»,  les  traités  «des  maladies  venteuses» 
écrits  sous  l'inspiration  de  ces  idées,  en  sont  le  meilleur  vestige,  St  si 
la  médecine  moderne  a  fait  justice  de  ces  exagérations,  elles  n'en  ont 
pas  moins  survécu  en  partie  dans  les  croyances  populaires. 

Nous  savons  aujourd'hui  que  cette  accumulation  insolite  de  fluides 
élastiques  n"est  jamais  un  fait  spontané,  mais  dérive  elle-même  d'un 
état  morbide  antérieur,  ou  d'une  cause  accidentelle.  Ainsi  envisagé,  le 
nom  de  pneumatose  ne  désigne  plus  qu'un  symptôme,  mais  un  symptôme 
essentiellement  variable  quant  à  ses  manifestations  extérieures,  et  surtout 
d'une  importance  très-diverse.  Tantôt  simple  épiphénomène,  pouvant 
passer  presque  inaperçu,  il  domine  ailleurs  toute  la  scène  morbide,  au 
point  de  constituer  presque  toute  la  maladie.  Une  description  générale  ne 
peut  donc  être  donnée,  et  nous  sommes  forcés  de  passer  succinctement 
en  revue  les  pneumaloses  des  principaux  appareils.  Il  va  de  soi  que  cet 
aperçu  devra  être  tout  à  fait  sommaire  :  on  trouvera  dans  les  autres  parties 
de  ce  Dictionnaire,  à  l'article  consacré  spécialement  à  chaque  organe, 
une  étude  plus  complète  de  quelques  points  de  la  question.  (Voir  les  ar- 
ticles Dyspepsie,  Emphysème,  Estomac,  Intestins,  Tympanite.) 

Les  pneumatoses  peuvent  être  divisées  en  spontanées  et  traumatiques, 
qu'on  a  encore  appelées  essentielles  ou  symptomatiques.  Pour  les  pre- 
mières, il  s'agit  presque  toujours  d'une  véritable  sécrétion  ou  exhalation 
de  gaz  ;  les  autres  trouvent  leur  explication  habituelle  dans  la  pénétration 
de  l'air  atmosphérique  à  travers  une  plaie. 

Cette  variété  d'origine,  qui  est  vraie  dans  la  grande  majorité  des  faits,  ne 
saurait  cependant  être  généralisée  d'une  façon  absolue.  Certaines  pneu- 
matoses qui  s'observent  après  des  traumatismes  violents,  peuvent  exister 
indépendamment  de  toute  plaie.  D'ailleurs,  tout  ce  qui  se  rapporte  au 
mécanisme  intime  de  la  production  des  gaz,  est  encore  entouré  pour 
certains  cas  d'une  grande  obscurité  :  il  en  est  de  même  de  la  composition 
chimique  de  ces  gaz,  sur  la  nature  desquels  nous  sommes  loin  d'être 
fixés. 

Dans  les  pneumatoses  traumatiques,  c'est  presque  toujours  de  l'air 
atmosphérique  à  peu  près  pur,  que  l'on  a  trouvé  infiltré  dans  les  tissus,  à 
moins  que  ces  tissus  n'aient  subi  eux-mêmes  quelque  altération.  Dans  les 
pneumatoses  spontanées,  au  contraire,  l'air  a  subi  quelques  modifications, 
l'oxygène  a  généralement  diminué,  l'azote  et  l'hydrogène  peuvent  être 
augmentés,  et  l'on  trouve  des  fluides  nouveaux,  tels  que  de  l'acide  car- 
bonique, de  l'hydrogène  carboné,  ou  de  l'hydrogène  sulfuré,  facilement 
reconnaissable  à  son  odeur. 

Pneumatose  de  l'appareil  cutané.  —  La  présence  de  l'air  dans  le 
tissu  cellulaire  sous-cutané,  autrement  dit  l'emphysème  traumatique,  mé- 
riterait de  nous  arrêter  longuement,  si  cette  question  n'avait  été  l'objet 
d'une  étude  approfondie  dans  un  article  précédent  (Voir  Emphysème).  Ce 


57G 


I'NKUMATOSK. 


que  nous  devons  noter  cependant,  c'est  que  l'infiltration  aérienne  quj 
suit  un  grand  traumatisme,  n'est  pas  toujours  le  résultat  d'une  eflraction 
à  la  peau.  Quel  en  est  le  mécanisme  dans  ces  circonstances?  Jusqu'ici  on 
a  formule  beaucoup  d'hypothèses,  mais  une  démonstration  évidente  reste 
encore  à  donner.  On  a  invoqué  la  perturbation  nerveuse,  la  sidération 
profonde  de  l'économie,  la  stupeur  organique,  etc.,  mais  on  est  loin 
d'avoir  résolu  le  problème. 

A  côté  de  ces  emphysèmes  traumatises,  en  quelque  sorte  spontanés, 
on  peut  ranger  l'emphysème  qui  suit  la  pénétration  de  certains  virus  ou 
venins,  l'emphysème  de  la  gangrène  :  ici  l'interprétation  du  phénomène 
ne  saurait  être  douteuse,  les  altérations  physiques  et  chimiques  des  tissus 
en  rendent  suffisamment  compte. 

Pneumatose  de  l'appareil  respiratoire.  —  Le  rôle  de  l'appareil  res- 
piratoire où  l'air  extérieur  est  en  rapport  constant  avec  des  tissus  fine- 
ment organisés,  pouvait  faire  préjuger  de  la  possibilité  de  certaines 
lésions,  liées  à  ce  conflit  incessant.  Elles  existent  en  effet,  mais  nous 
n'avons  à  nous  occuper  ici  que  de  celle,  généralement  connue  depuis 
Laënnec,  sous  le  nom  d'emphysème  interlobulaire. 

11  s'agit  ici  d'une  véritable  lésion  traumatique  :  l'emphysème  interlo- 
bulaire succède  toujours  à  une  rupture  des  voies  aériennes.  Fréquent 
surtout  dans  le  jeune  âge,  il  survient  chez  les  enfants  atteints  de  maladies 
diverses  des  organes  pulmonaires,  pendant  les  quintes  de  toux  violente  ; 
et  même  en  dehors  de  tout  état  morbide  des  poumons  et  des  bronches,  par 
suite  des  cris  aigus,  d'un  accès  de  colère,  d'une  douleur  vive,  c'est-à-dire 
dans  des  circonstances  où  de  grands  efforts  sont  produits. 

L'air  s'infiltre  dans  le  tissu  cellulaire  intervésiculaire  et  sous-pleural, 
et  forme  à  la  surface  des  poumons  des  saillies  irrégulières,  dont  le  vo- 
lume varie  depuis  celui  d'un  grain  de  chènevis,  jusqu'à  celui  d'une  noix, 
d'un  œuf,  et  plus.  En  pressant  ces  saillies  avec  les  doigts,  on  les  déplace, 
et  l'on  peut  aisément  les  faire  cheminer  sous  la  plèvre.  Le  poumon  ne 
s'affaisse  plus,  il  est  crépitant.  L'infiltration  gazeuse  suit  les  conduits 
bronchiques,  les  gaines  des  vaisseaux,  et  après  avoir  gagné  l'une  et 
l'autre  médiastin.  peut  envahir  le  cou,  la  face,  et  de  là  s'étendre  à  une 
grande  partie  du  corps.  Il  ne  s'agit  plus  alors  d'un  simple  emphysème 
interlobulaire,  mais  bien  d'un  véritable  emphysème  traumatique  plus  ou 
moins  généralisé  et  avec  toutes  ses  conséquences. 

L'emphysème  limité  au  tissu  cellulaire  interlobulaire  est  assez  difficile 
à  diagnostiquer.  La  voussure  thoracique  n'existe  pas  comme  dans  l'emphy- 
sème vésiculaire,  la  sonorité  peut  ne  pas  être  augmentée.  Quant  au  râle 
crépitant  à  grosses  bulles,  que  Laënnec  avait  assigné  à  cette  lésion,  il 
n'est  autre  que  le  râle  sous-crépitant  ordinaire,  se  liant  à  une  bron- 
chite concomitante.  11  en  est  de  même  du  bruit  de  frottement,  in- 
diqué également  par  Laënnec,  et  qui  est  bien  plus  le  résultat  de 
quelque  fausses  membranes  pleurétiques,  que  celui  de  l'infiltration 
i  ntcrlohulaire. 

Quand  l'emphysème  se  propage  à  l'extérieur,  il  se  révèle  par  les  signes 


PNEUMATOSE.  011 
ordinaires  de  L'emphya'ème teaupatique  :  tuméfaction,  crépitation,  etc.,  sur 
lesquels  nous  n'avons  pas  à  insister. 

L'emphysème,  bien  que  borné  au  tissu  cellulaire  interlobulaire , 
peut  être  une  complication  grave  et  môme  mortelle,  si  la  lésion  s'étend 
à  une  grande  partie  du  poumon.  Une  gêne  croissante  de  la  respiration 
amène  bientôt  l'asphyxie.  Ailleurs  la  mort  peut  être  plus  prompte,  parfois 
même  subite.  Dans  ces  conditions,  eu  égard  surtout  à  l'incertitude  du  dia- 
gnostic, on  conçoit  que  l'intervention  thérapeutique  soit  à  peu  près  nulle. 

On  a  longtemps  admis  une  autre  forme  de  pneumatose  pulmonaire, 
véritable  exhalation  gazeuse  dans  l'intérieur  de  la  plèvre,  que  Laënncc, 
Graves,  et  Stokes  ont  décrit  sous  le  nom  de  pneumothorax  essentiel. 
Cette  sécrétion  gazeuse  venant  compliquer  des  pleurésies  simples,  en 
dehors  de  toute  altération  de  liquide,  était  toujours  envisagée  comme  un 
fait  rare.  Elle  est  niée  aujourd'hui  par  les  auteurs  les  plus  compétents, 
Béhier,  Jaccoud,  Proust,  qui  rapportent  les  observations  citées,  soit  à  des 
pleurésies  avec  bruit  skodique  et  souffle  amphorique,  soit  à  des  pneu- 
monies avec  son  tympanique. 

Pneumatose  de  l'appareil  digestif.  —  On  peut  se  demander  à  quel 
moment  la  présence  de  gaz  dans  le  tube  gastro-intestinal  mérite  réellement 
le  nom  de  pneumatose,  car  à  l'état  physiologique,  l'estomac,  comme  l'in- 
testin, renferme  une  certaine  quantité  de  gaz,  qui  semblent  nécessaires 
et  sont  destinés  à  favoriser  le  cours  des  matières  alimentaires.  Ces  gaz  vien- 
nent-ils à  augmenter,  le  fonctionnement  régulier  de  l'appareil  digestif  est 
entravé,  il  y  a  tympanite.  Sont-ils  simplement  dilatés  ou  retenus  dans  un 
point  du  tube  digestif,  il  y  a  pneumatose  alors  que  la  quantité  n'en  est 
nullement  augmentée. 

Normalement,  et  alors  qu'aucun  élément  pathologique  n'entre  enjeu, 
on  conçoit  que  la  proportion  des  gaz  du  tube  digestif  doive  varier  dans 
des  limites  assez  étendues.  La  déglutition  de  la  salive  amène  constamment 
l'introduction  d'une  certaine  quantité  d'air  dans  l'estomac.  D'autre  part, 
les  métamorphoses  chimiques  des  aliments  s'accompagnent  de  produits 
gazeux  qui  varient  non-seulement  d'après  la  nature  des  aliments,  mais 
encore  d'après  la  qualité  des  sucs  digestifs.  Tout  le  monde  sait  que  cer- 
tains aliments,  les  farineux  par  exemple,  prédisposent  au  développement 
de  gaz.  Enfin  la  membrane  muqueuse  elle-même  peut  produire  une  véri- 
table exhalation  de  gaz.  On  sait  en  effet  que,  si  chez  un  animal  vivant, 
comme  le  fit  Magendie,  on  tire  par  une  pluie  du  ventre  une  anse  intestinale, 
et  si,  après  l'avoir  exactement  vidée  et  l'avoir  comprimée  entre  deux  liga- 
tures, on  la  replace  dans  l'abdomen,  au  bout  de  peu  de  temps  on  la 
trouve  de  nouveau  plus  ou  moins  distendue  par  des  gaz. 

Toute  perturbation  dans  les  fonctions  digestives  peut  s'accompagner 
d'une  augmentation  dans  la  production  des  gaz.  Une  constipation  opiniâtre 
amène  de  la  tympanite,  non-seulement  parce  qu'elle  met  obstacle  au 
départ  d'une  certaine  quantité  de  gaz,  mais  parce  qu'elle  favorise  la  dé- 
composition des  matières.  La  même  chose  arrive  dans  les  cas  d'ictère 
chronique,  quand  la  bile  n'étant  plus  versée  à  la  surface  de  l'intestin, 


578 


PNKÏJMATOSK. 


les  matières  s'altèrent  avant  leur  complète  élaboration.  Nous  pourrions 
nous  appesantir  longuement  sur  toutes  les  causes  qui  entrent  ici  en  jeu, 
ce  serait  sans  intérêt.  Qu'il  nous  suffise  de  dire  que  la  pneumatose  du  tube 
digestif  peut  être  réalisée  soit  par  une  altération  de  son  contenu  soit 
par  une  altération  de  l'organe,  et  que  presque  toujours  ces  deux  causes 
viennent  se  surajouter  l'une  à  l'autre.  Ainsi  s'explique  la  pneumatose  qui 
complique  certaines  affections  de  l'estomac,  et  particulièrement  ces 
troubles  fonctionnels,  englobés  sous  le  nom  de  dyspepsies;  ainsi  s'expli- 
quent encore  ces  pneumatoses  intestinales  souvent  énormes,  qui  accom- 
pagnent certaines  indigestions.  Tout  le  monde  connaît  le  météorisme  des 
bêtes  à  corne,  qui  suit  dans  certaines  conditions  l'ingestion  trop  abondante 
de  fourrages  verts.  Le  même  phénomène  aurait  été  constaté  pendant  le 
blocus  de  Gênes  et  de  Mayence  chez  des  soldats  qui  avaient  avalé  une 
grande  quantité  de  feuilles  vertes. 

Cependant  il  est  des  cas  où  la  pneumatose  ne  saurait  être  attribuée  à 
aucune  lésion  du  tube  digestif.  Celle  que  l'on  observe  dans  le  cours  des 
névroses,  dans  l'hypocondrie,  et  spécialement  pendant  les  accès  d'hystérie, 
ou  simplement  à  la  suite  d'une  émotion  morale  un  peu  vive,  reconnaît 
évidemment  une  cause  plus  éloignée.  Chez  les  femmes  nerveuses,  on  voit 
souvent  un  accès  de  colère,  une  frayeur  un  peu  vive,  être  suivis  au  bout 
d'un  certain  temps  du  rejet  bruyant  de  gaz  par  la  bouche.  D'autre  fois, 
le  ballonnnement  du  ventre,  après  s'être  montré  pour  ainsi  dire  subite- 
ment, disparaît  presque  aussitôt,  sans  que  rien  ne  soit  rejeté  au  dehors. 
Il  ne  peut  être  question  ici  que  d'une  sécrétion  presque  instantanée,  et 
d'une  résorption  rapide  par  les  mêmes  voies.  Or,  si  nous  songeons  à  la 
suractivité  du  système  nerveux  chez  cette  classe  de  malades,  rien  ne  nous 
répugne  d'admettre  ici  une  action  vaso-motrice  ;  c'est  elle  qui  commande 
les  urines  nerveuses  chez  les  hystériques,  et  nous  croyons  la  comparaison 
légitime  pour  ces  deux  ordres  de  sécrétions. 

C'est  aussi  à  une  influence  du  système  nerveux  que  nous  croyons  devoir 
attribuer  en  grande  partie  la  pneumatose  des  fièvres  graves,  et  principa- 
lement celle  que  l'on  observe  au  début  de  la  fièvre  typhoïde.  L'intestin 
est  à  ce  moment  presque  intact,  et  cependant  le  ballonnement  est  quel- 
quefois plus  prononcé  qu'au  moment  où  les  lésions  se  seront  produites. 
Le  tympanisme  de  la  péritonite  s'explique  tout  naturellement,  si  l'on 
songe  que  les  anses  intestinales  sont  paralysées  dans  leur  élément  mus- 
culaire, et  se  laissent  distendre  outre  mesure. 

La  pneumatose  du  tube  digestif  peut  être  générale  :  elle  est  limitée 
parfois  soit  à  l'estomac,  soit  à  certaines  portions  de  l'intestin,  et  dans  ce 
cas  on  trouve  les  gaz  spécialement  accumulés  dans  le  cœcum,  les  colons 
ascendant  et  transverse,  et  l'S  iliaque.  Ils  dilatent  les  organes  dans  les- 
quels ils  sont  accumulés,  et  leur  donnent  parfois  un  volume  monstrueux  : 
on  a  vu  le  colon  aussi  gros  que  la  cuisse,  et  Hallcr  a  rencontré  un  cœcum 
aussi  volumineux  que  la  tête  d'un  adulte. 

La  composition  des  gaz  varie  suivant  les  points  où  on  les  recueille.  Dans 
l'estomac,  c'est  de  l'air  atmosphérique  renfermant  seulement  une  plus 


PNEUMATOSE. 


579 


forte  proportion  d'acide  carbonique  ;  dans  l'intestin  grêle,  c'est  un  mé- 
lange d'azote,  d'hydrogène  et  d'acide  carbonique  ;  dans  le  gros  intestin 
on  trouve  encore  de  l'hydrogène  sulfuré  ou  carboné  ;  il  n'y  a  jamais 
d'oxygène.  La  proportion  d'acide  carbonique  augmente  toujours  à 
mesure  qu'on  se  rapproche  du  rectum. 

Nous  ne  pouvons  exposer  ici  la  symptomatologie  des  diverses  affections 
qui  se  compliquent  de  pneumatose  du  tube  digestif.  Un  mot  cependant 
sur  ses  conséquences  immédiates.  La  première  et  la  plus  constante,  c'est 
le  malaise  qui  résulte  de  la  distension  gazeuse  :  le  malaise  peut  devenir 
une  véritable  douleur,  une  colique,  si  les  gaz  deviennent  trop  abondants. 
L'estomac  trop  distendu  remplit  l'hypocondre,  soulève  le  cœur  dont  il 
gène  les  mouvements  et  détermine  ainsi  des  palpitations  et  une  dyspnée 
parfois  considérable.  Il  y  a  de  l'anxiété,  des  bâillements;  l'épigastre  est 
tendu  et  sonore.  Tous  ces  symptômes  s'apaisent  sitôt  que  des  gaz  sont 
expulsés  soit  par  la  bouche,  soit  par  l'anus. 

La  distension  de  l'intestin  à  un  certain  dégré  amène  la  tympanite  intes- 
tinale. Le  ventre  acquiert  un  volume  considérable.  Il  est  dur,  très-sonore 
à  la  percussion,  sensible  au  toucher.  Des  bruits  se  font  entendre  quand 
des  gaz  se  déplacent  (borborygmes)  et  des  douleurs  extrêmement  violentes 
peuvent  se  déclarer  (coliques  venteuses).  Pour  peu  que  la  distension  gazeuse 
acquière  un  certain  volume,  tous  les  organes  abdominaux  sont  gênés  dans 
leur  fonctionnement  :  l'estomac  est  comprimé,  le  diaphragme  est  refoulé, 
il  y  a  de  la  dyspnée  et  quelquefois  des  vomissements.  La  compression  de 
la  vessie  produit  la  dysurie  et  rend  les  excrétions  de  l'urine  plus  fréquentes. 
Si  la  pneumatose  est  limitée  au  cœcum,  ou  n'occupe  qu'une  ou  deux  anses 
intestinales,  on  voit  se  dessiner  à  travers  les  parois  du  ventre  une  tumeur 
arrondie,  sonore,  élastique,  sensible  à  la  pression  et  plus  ou  moins  mobile. 

La  durée  de  ces  phénomènes  est  entièrement  liée  à  la  cause  originellè, 
et  nous  ne  pouvons  rien  en  dire  sans  entrer  dans  le  détail  des  faits,  ce 
que  ne  comporte  point  cet  article. 

Le  diagnostic  du  symptôme  ne  présente  aucune  difficulté  :  la  sonorité 
exagérée  du  ventre  distingue  suffisamment  une  pneumatose  d'une  ascite, 
sans  compter  les  autres  signes.  L'inspection,  aidée  de  la  palpation  et  delà 
percussion,  permet  de  déterminer  quels  sont  les  points  des  organes 
digestifs  où  les  gaz  se  sont  spécialement  accumulés  ;  et  ce  diagnostic 
topographique  a  sa  grande  importance,  au  point  de  vue  chirurgical  sur- 
tout, quand  dans  un  cas  d'étranglement  ou  d'occlusion  intestinale,  l'indi- 
cation d'une  opération  vient  à  se  présenter. 

La  valeur  séméiologique  des  pneumatoses  du  tube  digestif  est  considé- 
rable, tant  au  point  de  vue  des  affections  de  l'organe  lui-même,  qu'à 
celui  des  maladies  générales,  fièvres  continues,  etc.  C'est  la  pneumatose 
intestinale  qui  souvent,  au  début  d'un  état  fébrile,  permet  de  distinguer 
une  dothiénentérie  d'un  simple  embarras  gastrique.  C'est  le  ballonnement 
du  ventre  qui,  chez  une  femme  en  couches,  éveille  les  premières  craintes, 
et  fait  redouter  une  affection  puerpérale.  Nous  n'avons  pas  besoin  de 
rappeler  toute  l'importance  qu'acquiert  le  symptôme  dans  le  cours  d'une 


r.so 


IWKIJMATOSE. 


obstruction  intestinale,  soit  pour  faire  connaître  lu  nature  du  mal,  soit 
pour  permettre  d'en  déterminer  le  siège  précis. 

L'indication  thérapeutique  se  pose  rarement  en  face  du  seul  symptôme 
pneumatose,  à  moins  que  celui-ci  ne  vienne  à  prédominer,  comme  dans 
certaines  formes  de  dyspepsies.  Il  comporte  alors  une  médication  com- 
plexe et  variée,  qui  a  été  exposée  ailleurs  (Voir  Dyspepsies). 

Pneumatose  de  1} appareil  circulatoire.  —  Les  auteurs  anciens  jus- 
qu'à Morgagni  et  plus  récemment  encore,  frappés  de  certains  laits  qu'ils 
avaient  bien  observés,  mais  mal  interprétés,  croyaient  à  la  possibilité 
d'un  dégagement  gazeux  dans  l'intérieur  des  vaisseaux  et  surtout  dans  le 
cœur.  L'observation  semblait  donner  raison  à  leur  manière  de  voir,  car 
dans  un  grand  nombre  d'autopsies,  le  cœur  et  particulièrement  le  ven- 
tricule droit,  renfermaient  en  effet  des  gaz  et  du  sang  écumeux.  Les  chi- 
rurgiens connaissaient  depuis  longtemps  les  dangers  d'une  opération  au 
voisinage  de  gros  troncs  veineux,  et  avaient  justement  attribué  la  mort 
subite  qu'on  peut  observer  en  pareille  circonstance,  à  l'introduction  de 
l'air  dans  les  veines.  La  doctrine  de  l'embolie  est  venue  confirmer  leur 
interprétation,  et  montrer  le  mécanisme  intime  de  ces  accidents.  C'est  en 
effet  à  titre  de  corps  étranger,  d'embolus  dans  les  vaisseaux  pulmonaires, 
que  l'air  devient  pernicieux  et  non  par  ses  propriétés  particulières;  et 
c'est  toujours  à  la  pénétration  de  l'air  extérieur  qu'il  faut  attribuer  la  pré- 
sence des  fluides  gazeux  dans  les  voies  circulatoires.  Le  dégagement  spon- 
tané de  gaz  ne  saurait  être  admis,  et  c'est  sans  doute  à  une  rupture  pul- 
monaire et  à  une  absorption  par  cette  voie  qu'il  faut  attribuer  ces  faits  où 
l'existence  de  gaz  aurait  été  constatée  en  dehors  d'une  plaie  extérieure. 
C'est  toujours  en  effet  à  la  suite  d'hémoptysies  considérables,  que  les  faits 
cités  ont  été  observés. 

Nous  ne  dirons  rien  de  la  présence  de  l'air  dans  le  péricarde  (pneumo- 
péricarde).  On  n'en  connaît  aucun  exemple  authenlique,  en  dehors  des 
cas  où  l'air  a  pénétré  pendant  une  ponction. 

Pneumatose  de  l 'appareil  génito-urinaire.  — En  raison  de  la  longueur, 
de  l'obliquité  et  de  l'étroitesse  du  canal  de  l'urèthre  chez  l'homme,  la 
pénétrationde  l'air  extérieur  est  impossible,  en  dehors  du  cathétérisme.  Il 
ne  saurait  être  question  non  plus  d'exhalation  spontanée,  et  la  sortie  de 
gaz  par  l'urèthre  indique  presque  toujours  une  communication  anormale 
de  la  vessie  avec  un  des  organes  abdominaux,  ou  une  décomposition  ra- 
pide des  urines. 

Chez  la  femme,  il  arrive  quelquefois  que  la  cavité  du  col  étant  obstruée, 
des  portions  de  fœtus  ou  de  délivre,  ou  bien  encore  des  caillots  sanguins, 
retenus  dans  la  matrice,  viennent  à  subir  la  fermentation  putride,  et 
déterminent  une  production  de  gaz  qui  distend  considérablement  l'utérus. 
Cette  affection,  connue  sous  le  nom  de  physométrie,  ou  tympanite  utérine, 
survient  généralement  peu  après  l'accouchement.  L'utérus  forme  une  tu- 
meur volumineuse,  élastique,  sonore  à  la  percussion  :  des  -a/  fétides 
s'échappent  spontanément,  ou  bien  leur  expulsion  peut  être  provoquée 
artificiellement.  Il  s'agit  ici  d'une  affection  grave. 


PNEUMONIE  LOBAIRE  A.IGUË.  381 

Mais  il  existe  dans  la  science  quelques  cas,  plus  rares  que  les  précédent^ 
de  physométrie  essentielle,  où  les  gaz  semblent  exhalés  par  les  parois 
utérines  elles-mêmes,  en  dehors  de  toute  lésion  appréciable.  C'est  généra- 
lement dans  des  utérus  non  l'écondés,  chez  des  femmes  hystériques,  que 
cette  sécrétion  a  été  observée.  L'accroissement  progressif  de  l'utérus,  le 
malaise  et  la  pesanteur  que  la  malade  éprouve  en  même  temps  qu'elle 
voit  ses  règles  se  supprimer,  ont  fait  naître  souvent  l'idée  d'une  grossesse, 
jusqu'au  jour  où  le  brusque  départ  d'une  grande  quantité  de  gaz  inodores 
vient  subitement  faire  disparaître  la  tumeur  utérine. 

Voy.  la  bibliographie  des  articles  :  Dyspepsie,  Emphysème,  Estomac,  In- 
testin, Tympanite. 

HlPPOLYTE  HlRTZ. 

PNEUMONIE  L.OBAIRE  AIGUË,  pneumonie  fibrineuse, 
pneumonie  croupale,  pneumonite,  peripneumonie,  etc.  —  Les 
deux  dernières  dénominations  sont  un  peu  tombées  en  désuétude;  la 
troisième  (p.  croupale)  est  vicieuse,  non-seulement  parce  qu'elle  peut, 
à  la  rigueur,  prêter  à  l'équivoque  en  faisant  songer  à  une  pneumonie 
compliquant  le  croup,  mais  surtout  parce  que  le  processus  anatomique, 
ainsi  que  le  remarque  Virchow,  est  différent  dans  l'alvéole,  siège  de  la 
pneumonie  fibrineuse,  et  sur  les  muqueuses  atteintes  de  croup  :  sur  ces 
dernières,  l'exsudat  se  complique  d'altérations  épilhéliales  et  n'est  jamais 
hémorrhagique,  tandis  que  dans  la  pneumonie  l'épithélium  est  intact  et 
l'exsudat  toujours  hémorrhagique  au  début.  —  Quant  aux  deux  premières 
dénominations,  on  a  l'habitude  de  les  employer  indifféremment,  bien 
que  l'exsudat  pneumonique,  ainsi  qu'on  le  verra  plus  loin,  ne  soit  pas 
toujours  franchement  fibrineux.  Pour  cette  raison,  il  y  aurait  avantage 
à  ne  plus  considérer  ces  deux  mots  connue  synonymes  :  à  désigner  du 
nom  de  pneumonie  fibrineuse,  seulement  la  pneumonie  franche  et  à 
nommer  pneumonie  lobaire  toutes  les  pneumonies  occupant  un  lobe  ou 
une  partie  notable  d'un  lobe.  En  d'autres  termes,  on  réunirait  sous  celte 
désignation  générique  de  lobaire  et  l'espèce  légitime  (p.  librineuse)  et 
les  espèces  un  peu  bâtardes  de  pneumonie  qui  ne  ressortissent  cepen- 
dant ni  à  la  broncho-pneumonie,  ni  à  la  pneumonie  dite  hyposta tique, 
ni  à  la  pneumonie  consécutive  aux  embolies.  Dans  le  cours  de  cet  article 
je  me  conformerai  à  la  terminologie  que  je  propose. 

Sous  la  dénomination  de  péripneumonie,  les  anciens  et  les  médecins  mo- 
dernes, antérieurs  à  Laennec,  confondaient  beaucoup  de  maladies  aiguës 
des  organes  thoraciques.  L'auteur  du  Traité  de  l' auscultation  conserva 
ce  mot  respectable,  puisqu'il  date  du  temps  d'IIippocrate ;  mais  il  l'ap- 
pliqua strictement  à  l'inflammation  aiguë  du  poumon,  caractérisée  sur  le 
cadavre  par  l'un  des  trois  états  qu'il  apprit  à  bien  distinguer  :  engouement, 
hépatisation  rouge,  bépatisation  grise;  —  et  sur  le  vivant,  par  certains 
signes  sthétoscopiques  qu'il  eut  la  gloire  de  découvrir.  Sa  description,. tant 
anatomique  que  clinique,  est  faite  de  main  de  maître;  le  temps  l'a  respectée, 
et  ses  successeur?  immédiats,  qui,  grâce  à  uu  labeur  immense  guidé  par 


382         PNEUMONIE  LOBAIUE  AHUIÉ.  —  A  NATu  M 110  PATHOLOGIQUE. 

une  méthode  d'observation  rigoureuse,  ont  jeté  tant  d'éclat  sur  la  méde- 
cine française,  n'y  ont  rien  ajouté  d'essentiel. 

Les  seules  modilications  considérables  qu'on  y  ait  apportées  ontconsisté 
à  disjoindre  la  pneumonie  hypostatique  et  la  broncho-pneumonie  de  la 
pneumonie;  l'histoire  de  ces  découvertes,  auxquelles  les  noms  de  l'uni  y 
et  des  médecins  de  l'hôpital  des  Enfants  doivent  rester  attachés,  sera 
exposée  par  Balzer  dans  l'article  suivant. 

Plus  tard.  Virchow,  par  sa  découverte  de  l'embolie,  a  fait  connaître  une 
nouvelle  espèce  de  pneumonie. 

Nous  devons  à  Wundcrlich  et  à  son  élève  Thomas  l'étude  précise,  à 
l'aide  du  thermomètre,  de  la  marche  cyclique  de  la  fièvre,  dans  la  pneu- 
monie. 

Mais  ces  progrès,  malgré  leur  importance,  n'ont  pas  entamé  l'œuvre 
de  Laennec.  La  base  anatomique  sur  laquelle  elle  repose  demeure  intacte; 
,  et  à  lire  les  traités  actuels  de  pathologie,  il  ne  semble  pas  qu'elle  doive 
être  de  sitôt  modifiée.  Ses  inconvénients  cependant  ne  peuvent  être  com- 
plètement passés  sous  silence.  Quelle  ressemblance  y  a-t-il  (si  ce  n'est 
peut-être  à  un  point  de  vue  macroscopique  grossier)  entre  la  pneumonie 
primitive  et  certaines  pneumonies  secondaires?  Réunir  des  types  aussi 
divers  sous  la  même  étiquette,  en  constituer  une  espèce  unique,  n'est-ce 
pas  subir,  sans  grand  profit  et  en  pure  perte  pour  la  clinique,  le  joug 
d'une  anatomie  qui  n'est  pas  encore  sûre  d'elle-même  et  dont  les  notions 
imparfaites  ne  sont  rien  moins  que  définitives  ? 

J'en  suis,  pour  ma  part,  si  convaincu,  que  si  j'étais  libre  de  restreindre 
à  mon  gré  mon  cadre,  je  ne  m'occuperais  ici  que  de  la  pneumonie 
fibrineuse,  c'est-à-dire  de  Vespèce  légitime  seule,  mais  je  crois  qu'il  ne 
m'appartient  d'innover  qu'avec  réserve  dans  un  article  de  dictionnaire. 
Je  dois  traiter  et  traiterai  donc  de  la  pneumonie  lobaire  aiguë,  telle  que 
l'anatomie  pathologique  s'est  cru  en  état  de  la  délimiter.  J'essaierai  seu- 
lement de  montrer  que  ce  qu'elle  englobe  n'est  pas  un  tout  bien  homo- 
gène et  peut  déjà  être  subdivisé  en  espèces  distinctes. 

Même  en  me  bornant  aux  modernes,  un  historique  exigerait  des  déve- 
loppements assez  étendus.  Je  crois  devoir  m'en  abstenir,  et  j'y  supplée 
par  la  distribution  méthodique  des  indications  bibliographiques  placées 
à  la  fin  de  cet  article. 

Voici  l'ordre  que  je  suivrai  dans  mon  exposition  :  je  commencerai  par 
l'anatomie  pathologique,  puisque  c'est  sur  des  caractères  anatomiques 
qu'est  fondé  le  genre  pneumonie  lobaire;  puis,  j'étudierai  successive- 
ment Yétiologie,  la  marche  générale,  la  symptomatologic  spéciale,  les 
anomalies  que  la  marche  et  les  symptômes  peuvent  présenter,  les  dif- 
férentes espèces  de  pneumonie  lobaire,  la  nature  de  l'espèce  légitime, 
les  complications,  le  diagnostic,  le  pronostic  et  le  traitement. 

Anatomie  pathologique.  —  La  lésion  que  nous  appelons  pneu- 
monie lobaire  peut  se  rencontrer  sur  le  cadavre  sous  trois  aspects  diffé- 
rents bien  décrits  pour  la  première  fois  par  Laennec. 

i"'  degré  {engouement  de  Laennec).  A  ce  degré,  l'infiammation  n'est 


PNEUMONIE  LOBAIRE  AIGUË.  —  anatomie  pathologique. 


383 


pas  nettement  caractérisée,  eu  égard  au  moins  à  nos  moyens  d'investiga- 
tion. La  surface  du  poumon  est  de  couleur  violacée,  livide,  l'organe  est 
plus  pesant  :  sous  la  pression  du  doigt,  il  crépite  à  peine  et  conserve 
l'impression  comme  une  partie  œdématiée.  A  la  section,  il  s'écoule  un 
liquide  rougeàtre,  trouble  et  spumeux.  Le  tissu  pulmonaire,  de  couleur 
violacée, n'est  pas  modifié  en  apparence  dans  sa  texture;  mais  il  est  plus 
friable  qu'à  l'état  normal.  Sur  une  coupe  mince,  on  constate,  à  l'aide  du 
microscope,  que  les  capillaires  des  alvéoles  et  des  bronchioles  sont  énor- 
mément dilatés,  et  que  les  alvéoles  sont  en  partie  remplis  par  des  glo- 
bules rouges  et  par  de  grosses  cellules  renfermant  de  un  à  trois  noyaux 
volumineux.  Ces  cellules  sont  évidemment  des  cellules  endothélialcs  mo- 
difiées; on  en  voit  quelques-unes  adhérer  encore  à  la  paroi  à  côté  de  cel- 
lules endothéliales  intactes.  Cette  altération  n'est  d'ailleurs  pas  caracté- 
ristique du  processus  inflammatoire  :  ainsi  que  Friedlànder  l'a  bien  indi- 
qué, on  la  rencontre  dans  diverses  conditions  qui  n'ont  rien  à  voir  avec 
lui,  notamment  dans  l'œdème  du  poumon. 

2e  degré  (hépatisalion  rouge).  — La  portion  de  poumon  atteinte  d'hé- 
patisation  ne  présente  pas  la  moindre 
crépitation  sous  le  doigt  qui  la  presse  ; 
elle  acquiert  une  certaine  ressemblance 
avec  la  limite  du  foie  quant  à  la  cou- 
leur et  surtout  sous  le  rapport  de  la 
consistance.  Elle  n'est  plus  susceptible 
'  d'être  insufflée,  et  une  parcelle  du  tissu 
malade,  déposée  à  la  surface  de  l'eau, 
se  précipite  au  fond  du  vase.  Ces  carac- 
tères macroscopiques  distinguent  cet 
état  de  la  congestion  ;  mais  ils  ne  suffi- 
x'aient  pas  pour  différencier  la  pneumo- 
nie vraie  de  la  broncho-pneumonie;  il 
faut  y  ajouter  l'homogénéité  de  l'appa- 
rence de  la  section  sur  une  grande 

surface  (Charcot)  et  surtout  l'aspect  granuleux.  Cet  aspect  granuleux  se 
distingue  bien  à  contre-jour  ;  on  le  rend  encore  plus  apparent  quand, 
après  avoir  incisé  superliciellement  une  portion  hépatisée,  on  achève 
de  la  diviser  par  déchirure.  Il  est  dû  au  relief  formé  par  les  infundibula 
remplis  de  fibrine,  formant  des  grains  bosselés  de  un  millimètre  environ 
de  diamètre  chez  l'adulte,  beaucoup  plus  petits  chez  l'enfant.  En  raclant  la 
surface  de  section,  on  recueille  un  bon  nombre  de  ces  grains  bosselés,  et 
il  est  facile,  en  les  examinant  à  la  loupe,  de  constater  que  chacun  repré- 
sente exactement  le  moule  d'un  infundibulum  avec  ses  alvéoles  (fig.  25). 

Les  bosselures  correspondent  aux  alvéoles.  Ce  sont  elles  qui  constituent 
ce  qu'on  appelle  les  granulations  de  la  pneumonie.  D'après  les  mensu- 
rations de  Damaschino,  elles  ont  :  chez  l'adulte,  de  O""",^  à  0mm,  17  ; 
chez  le  vieillard,  elles  atteignent  de  0^,11  à  0mœ,27,  et  chez  l'enfant, 
seulement  de  0mm,7  à  QT,il. 


Fig.  2o.  —  Moules  fibrineui  des  infundibula 
obtenus  en  raclant  la  surface  de  section  du 
poumon  atteint  d'Iiépatisation  rouge.  Les 
bosselures  correspondent  aux  cavités  al- 
véolaires. Grossissement:  50.  (Kiudilciseh) 


384        PNEUMONIE  LGBMRE  AIGUË.  -  asatomie  pathologique. 

Sur  une  section  line,  à  un  Tort  grossissement,  on  reconnaît  que  les 
alvéoles  sont  remplis  par  un  exsudât  librineux  sous  forme  de  fibrille, 

retenant  dans  leurs  mail- 
les des  globules  rouges, 
des  globules  blancs  en 
beaucoup  plus  grand 
nombre,  et  souvent  quel- 
ques cellules  plus  gran- 
des, bien  figurées  dans 
le  Manuel  de  Corn  il  et 
Ranvier,  et  qui  sont  des 
cellules  d'endotbélium 
altérées,  plus  ou  inoins 
identiques  avec  celles 
que  j'ai  signalées  au  pre- 
mier stade.  A  cause  de 
cela ,  leur  desquanimaliun 

Fig.  2G.  —  Section  fine  d'une  hepatisation  rouge.  ne  peut  être  attribuée  à 

a,  cloisons  alvéolaires  dont  les  vaisseaux  capillaires  sont  injectés;  l'pY«iiHnf  inn  (ilirinmicn 
b,  exsudât  librineux  englobant  dans  ses  inailles,  des  globules  1  exsuclall0n  "UnneUsC. 
rouges  et  blancs  du  sang.  Grossissement  :  300.  (Rindficisch)  Actuellement    la  plu- 

part   des  bistologisles 
sont  d'accord  pour  refuser  à  cet  endothélium  toute  participation  active 

à  l'inflammation  fibrineuse.  liubl 
a  autrefois  vu  des  globules  blancs 
dans  une  cellule  endothéliale  (  Virck. 
Arch.  Bd.  XVI,  p.  1(58)  et  en  avait 
conclu  que  ces  globules  y  avaient 
pris  naissance  ;  mais  celte  conclu- 
sion n'est  pas  forcée,  attendu  que 
des  globules  blancs  après  leur  sor- 
tie des  vaisseaux ,  peuvent  avoir 
pénétré  par  effraction  dans  la  cel- 
lule. Ce  qui  confirme  cette  inter- 
prétation,  c'est  que   l'on  trouve 
parfois  non  des  globules  blancs, 
mais   des  globules  rouges  dans 
l' endothélium;  or,  il  est  contraire 
à  toutes  nos   idées  que  ceux-ci 
puissent  naître  par  formation  en- 
dogène. 

F.o.  27.  -  Section  fine  dans  un  cas  d'hèpatisation  à        De  1710,110  <iUe  l'cudothélilim,  les  ; 
une  période  plus  avancée.  On  remarque  la  des-    travées  alvéolaires  SOIlt  intactes  dans 
ipiainmation  partielle  de  la  paroi  alvéolaire. Gros-    i  •       />i    •  i 

sissement  :  300.  (Rindlleiscb)  la    pUCUmOUlC    hbl'llieUSe,    OU  du 

moins  on  ne  voit  que  quelques 
globules  blancs  dans  les  fentes  lymphatiques. 

5e  degré  [hépaUsation  grisé).  Atteint  d'hèpatisation  grise,  le  poumon 


PNEUMONIE  LOBAIRE  AIGUË.  —  variétks  anatomiques.  .185 

«si  moins  consistant  que  dans  l'état  d'hépatisation  rouge.  Sur  la  surface 
de  section,  qui  laisse  suinter  un  liquide  purulent,  il  présente  un  aspect 
marbré  qui  tient  à  ce  que  dans  certaines  portions  du  lobe  le  processus 
«st  plus  avancé  que  dans  d'autres.  Il  y  a  des  degrés  de  transition  entre 
l'Iiépatisation  rouge  et  l'Iiépatisation  grise  ;  le  plus  souvent  ils  présentent 
une  coloration  jaune,  ce  qui  fait  que  certains  analomistes  (notamment 
Rindfleiscb)  ont  décrit  l'Iiépatisation  jaune  au  même  titre  que  la  rouge  et 
la  grise.  En  plusieurs  points  la  surface  de  section  a  franebement  l'aspect 
purulent,  et  le  tissu  peut  être  si  friable  qu'il  suffit  de  la  pression  avec  le 
doigt  pour  y  produire  une  petite  cavité  irrégulière  qu'un  observateur  non 
prévenu  prendrait  pour  la  cavité  préexistante  d'un  abcès;  parfois  la  coupe 
a  un  aspect  gris  plutôt  que  purulent,  cela  dépend  de  :  l'abondance  plus 
ou  moins  grande  du  pigment  pulmonaire,  qui  varie,  comme  on  sait,  avec 
l'âge  des  individus. 

A  l'examen  histologique  d'une  coupe  mince,  on'constate  qu'à  la  place 
du  réseau  fibrineux  inter-alvéolaire  il  n'y  a  plus  que  des  globules  blancs 
plus  ou  moins  serrés  les  uns  contre  les  autres,  suivant  l'abondance  de 
la  matière  amorphe  granuleuse  interposée.  On  y  voit  aussi  des  grandes 
cellules  pleines  de  granulations  graisseuses  et  de  pigment  noir.  Les  vais- 
seaux de  la  paroi  ne  sont  plus  dilatés. 

D'où  proviennent  ces  globules  blancs?  D'après  la  théorie  de  Cohnheim, 
ils  sont  sortis  des  vaisseaux,  comme  la  fibrine  exsudée,  dans  le  stade 
précédent  et  comme  les  globules  rouges  et  blancs  (ces  derniers  en  beau- 
coup moindre  abondance)  qui  se  trouvent  dans  l'alvéole  au  stade  de 
l'Iiépatisation  rouge.  Tout  le  monde  est  à  peu  près  d'accord  à  cet  égard. 
Cependant  tout  récemment  le  professeur  Buhl  (MUtheilungen  aus  dem 
path.  Inslitule  zu  Miïnchen  1878)  a  soutenu  encore  que  les  globules 
blancs  dans  l'Iiépatisation  grise,  comme  dans  les  autres  cas  pathologi- 
ques, peuvent  provenir  non -seulement  du  sang,  par  le  [mécanisme  que 
Cohnheim  a  fait  connaître  mais  aussi  de  la  lymphe  et  des  cellules  du 
tissu  conjonctif. 

11  résulte  des  analyses  chimiques  déjà  anciennes  de  Natalis  Guillot  qu'à 
cettejpériode,  ainsi  qu'on  pouvait  s'y  attendre,  le  parenchyme  pulmo- 
naire renferme  beaucoup  de  graisse  (dix  fois  plus  qu'à  l'état  normal). 

Variétés  anatomiques.  —  Les  lésions  que  je  viens  de  décrire  sont 
celles  qui  s'observent  le  plus  ordinairement;  mais  il  y  a  des  cas,  assez 
nombreux,  où  les  lésions  des  2e  et  5e  degrés  présentent  quelques  particu- 
larités dignes  d'intérêt  parce  qu'elles  commandent  jusqu'à  un  certain 
point  la  symptomatologie.  Le  professeur  Schùlzcnberger  est,  à  ma  connais- 
•  sance,  celui  qui  a  le  plus  insisté  sur  ces  variétés  anatomiques  et  sur  leur 
'  corrélation  avec  la  clinique. 

1°  Variété  héinorrhagique  (hématoïde  de  Schùtzeuberger).  Le  pou- 
i  mon  est  rouge  à  la  coupe  qui  peut  être  grenue  comme  dans  la  variété  eom- 
i  munc  ;  seulement  les  alvéoles,  au  lieu  de.  renfermer  de  petites  masses  de 
I  fibrine,  contiennent  un  petit  caillot  formé  par  des  globules  rouges  pressés 
I  les  uns  contre  les  autres  sans  interposition  de  fibrine  visible.  Ces  cas  con- 

NOUV.  DICT.  M  ÉD.  ET  CHIR.  XXVIII  —  25 


58G         IWil  .MOMK  LOI!  A  ME  AIGUË»  — 

stitucnt  une  smto  d'intermédiaire  outre  l'inflammation  et  la  conges- 
tion. 

2°  Variété  séreuse  (Schùlzcnberger).  Même  pauvreté  en  fibrine  ;  seu- 
lement c'est  de  la  sérosité  qui  remplit  l'alvéole,  et  non  du  sang  :  c'est 
l'intermédiaire  entre  l'œdème  et  l'inflammation  du  poumon.  Je  n'ai  pas 
eu  personnellement  l'occasion  d'observer  de  ces  cas  qui  doivent  être  beau- 
coup plus  communs  à  Strasbourg  qu'à  Paris  ou  qu'à  Lyon. 

5°  Variété  avec  moules  fibrineux  des  bronches  (fibrineuse  de  Schiit- 
zenberger,  épithète  qui  ne  me  paraît  pas  suffisamment  désigner  cette  va- 
riété puisqu'on  l'applique  à  toute  l'espèce  ;  au  degré  extrême,  elle  constitue 
la  pneumonie  massive  de  Grancher).  Cette  variété  fort  intéressante  au 
point  de  vue  anatomique  et  clinique  a  été,  paraît-il,  entrevue  depuis  long- 
temps; mais  dans  la  plupart  des  cas  anciens,  il  y  a  doute  sur  la  question 
de  savoir  s'il  s'agit  d'une  pneumonie  ou  d'une  bronebite  fibrineuse.  Cette 
incertitude  n'existe  pas  pour  une  observation  de  Morgagni  (édition  de 
Destouet  et  Desormeaux,  t.  111,  p.  416),  relative  à  un  bouclier  âgé  de 
78  ans,  atteint  manifestement  de  pneumonie  et  dont  les  crachats  «  pré- 
sentaient de  petites  parties  blancbes  comme  polypeuscs  »  ;  malheureuse- 
ment, il  n'est  pas  question  de  l'état  des  bronches  dans  la  relation  de 
l'autopsie.  Dans  l'épicrise  (p.  422),  Morgagni  donne  l'indication  de  plu- 
sieurs cas  du  même  genre,  mais  également  sans  renseignements  anato- 
miques. 

Pour  arriver  aux  modernes,  Puchelt  a  vu  de  grosses  bronches  du 
volume  du  doigt  dans  un  cas  de  pneumonie,  remplies  par  un  cylindre 
fibrineux  solide  ;  Lobstein  a  trouvé  la  même  lésion  chez  des  enfants; 
Reynaud,  Nonnt  (épidémie  de  grippe  de  1857),  l'ont  aussi  signalée. 
Remak  l'a  rencontrée  (mais  en  petit),  à  la  clinique  de  Schônlcin  en  181') 
ainsi  que  plus  tard  Gubler  (1868).  Rokitansky  et  Wyts  (London  med. 
Gazette,  1847)  ont  noté  la  présence  de  cylindres,  pleins  dans  les  petites 
bronches,  et  creux  dans  les  grosses.  Les  auteurs  anglais  citent  aussi 
Peacock,  mais  sans  fournir  d'indication  exacte.  J'ai  trouvé  dans  le  sixième 
volume  des  Transactions  de  la  Société  pathologique  de  Londres,  plu- 
sieurs cas  de  ce  genre;  les  quatre  premiers  (p.  59)  sont  rapportés  par  le 
docteur  Bristowe  :  il  s'agit  dans  le  premier  d'une  femme  de  35  ans 
admise  à  Saint-Thomas,  pas  d'observation  clinique  ;  dans  le  second,  il 
s'agit  d'un  homme  de  28  ans;  le  troisième,  d'un  homme  de  55  ans; 
dans  le  quatrième,  d'un  sujet  de  2!)  ans;  le  cinquième  appartient  au 
docteur  Wilks,  il  s'agit  d'un  maçon  de  47  ans  :  le  poumon  droit  offrait  une 
matité  absolue  et  on  n'y  entendait  aucun  bruit  pathologique  ni  respira- 
toire. À  l'autopsie,  ce  poumon  est  trouvé  en  état  d'hépatisation  grise  et 
les  bronches  entièrement  remplies  d'une  concrétion  solide  qui  peut  être 
suivie  jusque  dans  les  petites  divisions  et  au  delà  desquelles  elle  se  conti- 
nuait sans  doute  dans  les  cellules  aériennes  (p.  68). 

Bien  qu'elle  ait  pour  titre  de  la  Bronchite  fibrineuse,  la  thèse  de  Wied- 
mann  (Strasbourg  1854)  traite  en  partie  de  la  pneumonie  fibrineuse  et 
renferme  une  bonne  planche,  relative  à  un  cas  du  service  de  Sclnilzcn- 


PNEUMONIE  LOBAfRÈ  AIGUË.  —  vametés  anatomiqoes.  587 

berger,  avec  examen  par  Kùss.  Je  dois  encore  citer  la  thèse  de  Cadiot 
inspirée  également  par  Schulzenberger,  bien  qu'elle  ait  été  soutenue 
à  Paris,  et  la  thèse  de  Renou  (Paris,  1872)  qui  rapporte  quelques  obser- 
vations. 

Tout  récemment,  l'attention  a  été  appelée  de  nouveau  sur  cette  question 
par  une  belle  observation  de  mon  collègue,  Grancher,  qui,  au  cinquième 
jour  d'une  pneumonie  ayant  présenté  des  symptômes  particuliers  sur 
lesquels  j'aurai  à  revenir,  a  trouvé  les  bronches  remplies  jusqu'au  hile, 
d'un  moule  fibrineux,  de  couleur  jaune  sucre  d'orge,  élastique  et  fibril- 
laire  se  détachant  des  bronches  avec  la  plus  grande  facilité  et  non  mêlée 
de  stries  de  sang.  Sa  surface,  au  niveau  des  grosses  bronches,  garde  l'em- 
preiute  des  plis  longitudinaux  dus  aux  fibres  élastiques  de  la  muqueuse 
bronchique  qui  a  conservé  son  état  lisse,  et  sauf  une  petite  injection, 
paraît  normale.  Ce  moule  fibrineux  solide  ne  ressemble  donc  en  rien  aux 
pseudo-membranes  de  la  bronchite  pseudo-membraneuse.  C'est  que 
celles-ci  sont  constituées  par  du  mucus  concret,  formant  des  productions 
lubuleuses  et  feuilletées  englobant  de  petits  blocs  de  mucus  produit  de 
sécrétion  des  glandes  bronchiques,  et  aux  fausses  membranes  de  la  diph- 
thérie  sous-fibrino-épithéliale,  celle  des  formes  de  fibrine  à  lobe  fibril- 
laire  ou  plutôt  granuleux  contenant  des  globules  blancs  et  des  globules 
rouges  de  sang  avec  des  cellules  épithéliales  gonflées.  Dans  le  cas  de 
i  moule  fibrineux  pneumonique,  l'épithélium  de  la  muqueuse  bronchique 
est  intact  :  de  cela  suit  qu'on  a  pu  y  reconnaître  les  cils  vibratiles  (Kuss). 
IDans  le  cas  de  Grancher,  la  fibrine  était  de  couleur  jaune,  mais  lorsque 
Ile  malade  succombe  plus  tôt  on  peut  trouver  les  moules  de  couleur  blan- 
cche,  ressemblant  à  du  vermicelle  cuit.  Une  coupe  transversale  d'un  gros 
cylindre  offre  quelquefois  des  couches  concentriques  ou  bien  il  ressemble 
iià  de  la  moelle  de  sureau,  s'il  est  creusé  de  petites  cavités  pleines  d'air. 
(On  dit  avoir  trouvé  parfois  la  partie  centrale  rougeàtrc  par  suite  de  la 
|  présence  des  globules  rouges  du  sang. 

D'après  Schutzenberger,  dans  cette  variété  le  sang  serait  toujours 
rremarquablement  couenneux  ;  parfois  il  a  rencontré  en  même  temps  des 
^coagulations  fibrineuscs  dans  l'artère  pulmonaire.  Les  auteurs  que  je 
wiens  de  citer  sont  muets  sur  cette  coexistence,  j'ai  moi-même  observé 
Ides  caillots  multiples  dans  les  petites  veines  pulmonaires  ;  l'observa- 
tion en  a  été  publiée  à  la  Société  analoinlque  par  Golay,  alors  mon 
unterne;  dans  ce  cas,  il  n'y  avait  pas  de  moule  fibrineux  dans  les  bron- 
bhes. 

4°  Variété  purulente  d'emblée.  J'ai  pu,  grâce  à  la  bienveillance  du 
professeur  Ranvier,  examiner  une  préparation  histologique  de  cette  variété, 
fort  rare  dans  les  conditions  ordinaires,  mais  dont  il  a  rencontré  quelques 
Jas  pendant  le  siège  de  Paris.  Dans  celui  qu'il  m'a  montré,  la  mort  avait 
'h  lieu  au  troisième  jour  de  la  maladie  ;  les  alvéoles  ne  renfermaient  que 
•eu  ou  pas  de  fibrine,  et  étaient  exclusivement  remplies  de  globules  de 
ms.  La  distribution  de  la  lésion  était  lobairc,  et  les  bronches  étaient 
naines. 


388       PNEUMONIE  LOBA1RE  AIGUË.  —  localisation  des  LÉSIOHS. 

5°  Variété  plane.  Par  celte  épithète,  je  n'entends  pas  dire  seulement  que 
la  surface  des  sections  n'est  pas  granuleuse  ;  je  désigne  par  ce  mot  la  variété 
qui  établit  une  transition  entre  la  pneumonie  lobaire  et  la  pneumonie 
iobulairc.  Je  ne  fais  d'ailleurs  que  la  signaler  ici,  dans  La  pensée  qu'elle 
sera  étudiée  complètement  par  mon  collaborateur  lialzer  qui,  ayant 
fait  une  étude  approfondie  de  là  broncho-pneumonie  a  dù  en  rencontrer 
quelques  cas.  Celui  qu'il  a  publié  l'an  dernier  dans  la  Gazette  médicale 
avec  Cadet  de  Gassicourt  ne  me  parait  pas  rentrer  dans  ce  groupe, 
parce  que  dans  un  des  poumons  malades  les  lésions  étaient  réellement 
celles  de  la  broncho-pneumonie.  Mais  il  est  des  cas  véritablement  mixtes 
et  il  est  à  noter  que  ce  sont  les  médecins  d'enfants  qui  les  ont  particu- 
lièrement signalés.  Le  professeur  Thomas,  dans  son  remarquable  article  de 
l'encyclopédie  de  Gerhardt,  le  docteur  Raulenberg  insistent  tous  deux  sur 
ce  fait  que  souvent  la  pneumonie  Gbrineuse  chez  l'enfant  n'est  pas  aussi 
franche  que  chez  l'adulte,  de  sorte  qu'il  est  beaucoup  de  cas  où  l'examen 
microscopique  laisse  en  suspens.  Chez  les  sujets  cachectiques,  on  observe 
aussi  fort  souvent  une  pneumonie  plane,  bilatérale,  confinant  à  la  pneu- 
monie hypostatique  et  il  ne  faut  pas  s'imaginer  que  l'examen  histologique 
sera  capable,  dans  tous  les  cas,  de  lever  les  doutes.  Mais  ce  n'est  pas  seu- 
lement avec  la  broncho-pneumonie  et  avec  la  pneumonie  hypostatique 
qu'il  y  a  des  degrés  de  transition.  Voici,  par  exemple,  un  cas  bien  observé 
histologiquement  et  qu'il  n'est  pas  facile  de  classer  :  chez  un  sujet  mort 
dans  le  service  du  professeur  Lœbcl,  dont  la  maladie,  au  point  de  vue  cli- 
nique, avait  paru  ne  s'écarter  en  rien  du  type  ordinaire  de  la  pneumonie 
hanche,  Ilcitler  trouva  à  l'autopsie  une  hépatisation  grise,  présentant 
au  point  de  vue  histologique  cette  particularité  que  le  nombre  des 
globules  de  pus  était  relativement  très  peu  considérable  et  que  les 
alvéoles  étaient  presque  remplis  de  cellules  provenant  évidemment  de 
l'endothélium  alvéolaire  ,  anguleuses  ou  arrondies  et  renfermant 
deux  à  trois  noyaux.  L'abondance  des  éléments  aurait  justifié  le  nom 
de  pneumonie  desquamative  si  celte  dénomination  n'était  réservée  à  un 
autre  processus  plus  chronique,  qui  aboutit,  comme  on  sait,  à  la  caséifi- 
cation. 

Je  pourrais  multiplier  ces  exemples;  mais  je  m'arrête  en  faisant  obser- 
ver que  l'anatomie  pathologique,  notre,  seule  base  dans  l'étude  de  la 
pneumonie,  n'est  pas  en  état  de  nous  dire  nettement  où  elle  commence  et 
où  elle  finit  :  ce  qui  fait  d'autant  plus  regretter  que  le  caractère  analomi- 
que  soit  notre  seul  guide. 

Localisation  des  lésions.  —  Le  plus  souvent  on  trouve  un  lobe  pres- 
qu'entier  hépatisé;  plusieurs  Ibis  l'hépatisation  envahit  un  poumon  dans 
ta  plus  grande  partie  de  son  étendue,  toutes  les  statistiques  s'accordent 
sur  la  fréquence  de  l'hépatisation  adroite.  On  a,  par  exemple,  à  cet  égard, 
les  résultats  de  la  grande  statistique  que  vient  de  publier  le  docteur  Aloïs 
Biacb  et  qui  porto  sur  plus  de  10,000  pneumonies  observées  dans  les  trois 
hôpitaux  de  Vienne  de  180(1  à  1870  :  sur  100  pneumonies,  le  poumon 
droit  seul  est  pris  49  à  50  fois;  le  gauche  seul  54  ou  55  fois;  les  deux 


PNEUMONIE  LOBA1RE  AIGUË.  —  lésion^  coscomitaktks.  389 

ensemble  14  ou  15  l'ois  ;  dans  quelques  statistiques  moins  considérables 
le  chiffre  des  pneumonies  doubles  est  plus  élevé  encore  ;  chez  l'enfant, 
elles  seraient,  au  contraire,  moins  fréquentes  (d'après  la  statistique  de 
Zienssen).  Quant  à  la  prédilection  qu'elle  manifeste  pour  les  différents 
lobes,  voici  les  résultats  d'une  statistique  des  hôpitaux  de  Vienne,  portant 
sur  6,660  cas,  je  l'emprunte  à Jurgcnsen  : 


Lolie  supérieur   12,15 

,.  -   -,        \    —    m»yen  ...  

Poumon  dro,t            _    .^J»   22. 1 1 

JJ'  7  °°         /    —    supérieur  et  moyen   2,05 

»   —    inférieur  et  moyvn   5,04 

l  Le  poumon  en  entier   ty55 

Poumon  gauche       Lobe  supél,ie,ir   m 

38,  2o  V,       |   _   iptètwt   22,75 

—    moyen   8,54 

Les  deux  lobes  supérieurs   1,09 

l7                         —       inférieurs   5,34 

/  Lobes  supérieur  droit  et  inférieur  g.iucliocl  vice  versa  1,09 

Eic  >|  ..........  2,55 


Les  deux  poumons 


Laennec  a  nié  qu'un  poumon  hépatisé  même  en  entier  lut  plus  volu- 
mineux qu'à  l'état  normal.  —  Celle  assertion  a  été  justement  contestée. 
Uu  poumon  hépatisé  est  certainement  plus  volumineux;  il  est  surtout 
beaucoup  plus  lourd  :  cette  augmentation  de  poids  tient  pour  une  petite 
part  à  la  congestion  et  pour  la  plus  grande  au  poids  de  l'exsudat,  qui  esl 
parfois  énorme.  Grisolle  dit  avoir  observé  un  poumon  pesant  2,500  gram- 
mes; j'ai  vu  moi-même,  dans  un  cas  de  pneumonie  double  chez  une 
vieille  femme,  l'un  des  poumons  peser  1,700  grammes  et  l'autre  plus 
de  500,  chiffres  considérables,  si  l'on  tient  compte  du  poids  normal 
des  deux  poumons  chez  le  vieillard. 

Dans  le  cas  de  pneumonie  unilatérale  la  différence  de  poids  des  deux 
poumons  nous  fournit  approximativement  une  donnée  importante,  le 
poids  de  l'exsudat,  en  tenant  compte  du  fait  qu'à  l'état  physiologique  le 
poumon  droit  pèse  de  60  à  90  grammes  de  plus  que  le  poumon  gauche. 
Dans  le  cas  de  pneumonie  gauche,  il  faut  donc  augmenter  la  différence 
et  la  diminuer  dans  le  cas  de  pneumonie  droite.  Je  sais  bien  qu'on  peut 
objecter  que  le  poumon  hépatisé  renferme  plus  de  sang,  mais  Ham- 
burger remarque  avec  raison  que  d'autre  part  le  poumon  du  côté  opposé 
non  hépatisé,  est  souvent  le  siège  d'une  fluxion  collatérale  et  d'oedème, 
qui  augmente  aussi  son  poids.  On  peut  donc,  je  crois,  ne  pas  s'arrêter  à 
cette  objection  et  apprécier  le  poids  de  l'exsudat,  comme  je  viens  de  le 
dire,  par  la  différence  de  poids  des  deux  poumons. 

Cela  étant,  il  résulte  des  recherches  que  j'ai  autrefois  publiées  et  de 
celles  toutes  récentes  de  Hamburger  à  la  clinique  du  professeur 
Kussmaul,  que  le  poids  de  l'exsudat  a  toujours  été  trouvé  à  l'autopsie 
supérieur  à  400  grammes  (sauf  chez  les  sujets  très  âgés),  qu'il  peut 
dépasser  1,000  à  1,200  grammes,  et  que  la  moyenne  est  supérieure  à 
600  grammes. 

Lésions  concomitantes.   —   La  coexistence  d'un  certain   degré  de 


590        PNEUMONIE  LOHAIUE  A1GUE.  —  lésions  concomitante. 

pleurésie,  correspondant  à  l'étendue  du  la  portion  hépatisée  est  la  règle: 
«  La  plèvre  viscérale,  disent  Cornil  et  Ranvier,  est  recouverte  d'une 
mince  couche  pseudo-membraneuse,  peu  adhérente,  qui  donne  à  cette 
membrane  un  aspect  chagriné  et  tomenteux.  Celle  membrane  est  com- 
posée de  cellules  de  pus,  de  grandes  cellules  endothéliales  plates  ou  tu- 
méfiées et  proliférées  et  de  fibrine  disposée  en  réseau  ;  les  fausses  mem- 
branes se  vasculariscnt  très  rapidement,  et  lorsqu'on  les  examine  après 
les  avoir  laissées  macérer  dans  le  liquide  deMùller,  on  y  voit  un  réseau 
vasculaire  compliqué.  Très  rarement  on  observe  un  épanchement  liquide 
notable  dans  la  plèvre;  le  peu  d'épaisseur  de  la  plèvre  viscérale  qui  a  à 
peine  0,05  mill.  et  la  circulation  qui  est  sous  la  dépendance  de  celle 
des  alvéoles  contigus  expliquent  parfaitement  cette  complication.  » 

Les  ganglions  bronchiques,  dans  tous  les  cas  où  ils  ont  été  examinés, 
ont  été  trouvés  plus  ou  moins  tuméfiés. 

Parmi  les  organes  plus  éloignés,  mais  susceptibles  d'être  altérés  secon- 
dairement par  le  fait  de  la  pneumonie,  il  faut,  en  première  ligne,  citer 
le  cœur,  d'auiant  plus  qu'un  clinicien  fort  recommandable  a  prétendu, 
dans  ces  dernières  années,  qne  les  pneumoniques  meurent  par  l'épuise- 
ment du  cœur,  Or,  à  l'autopsie  on  trouve,  comme  dans  beaucoup  d'au- 
tres maladies,  le  cœur  droit  rempli  de  caillots  et  le  ventricule  gauche 
vide.  Quant  au  myocarde,  il  est  bien  rare  qu'on  le  trouve  sensiblement 
altéré.  Je  parle  de  ce  que  nous  voyons  dans  notre  pays  ;  mais  il  n'en  est 
certainement  pas  de  même  dans  certaines  localités,  puisque  le  professeur 
Jurgensen,  chez  19  pneumoniques  ayant  succombé  de  mai  J  875  à  la  lin  de 
1875  à  la  policlinique  de  Tubingue,  a  trouvé  19  fois  une  dégénérescence 
du  myocarde  (article  Pneumonie  de  l'encyclopédie  de  Ziemssen,  2e  édit., 
p.  199).  Il  est  vrai  que,  dans  ces  cas,  cette  altération  ne  paraît  pas 
secondaire  à  la  pneumonie.  Nous  savons  en  effet  par  le  professeur  Jur- 
gensen et  par  son  élève  le  docteur  Mûnziger  [Deulsches  Archiv.  XIX), 
que  la  population  de  Tubingue  est  affectée  de  dégénérescence  du  cœur 
par  suite  de  conditions  particulières  sur  lesquelles  je  n'ai  pas  à  insister 
ici,  qui  ont  héréditairement  développé  cet  état  morbide.  Les  faits  de 
Jurgensen  sont  donc  tout  à  fait  spéciaux.  Le  docteur  Hamburger  qui  a 
récemment,  sous  l'inspiration  du  professeur  Kussmaul,  consacré  une 
partie  de  sa  thèse  à  l'étude  particulière  de  l'état  du  cœur,  dit  l'avoir 
trouvé  parfaitement  sain  dans  les  7  cas  qu'il  publie. 

La  raie,  d'après  Grisolle,  serait  toujours  assez  consistante  et  d'un 
volume  peu  considérable  ;  mais  il  est  probable  que  Gri.-olle  ne  l'a  pas 
examinée  avec  toute  l'attcntio:i  désirable  ;  en  tout  cas,  il  lie  serait  pas 
exact  de  croire  qu'elle  n'est  pas  influencée  par  la  pneumonie  ;  souvent 
elle  m'a  paru  manifestement  un  peu  ramollie  ;  probablement  elle  devait 
être  plus  grosse  qu'à  l'état  normal  ;  mais  on  sait  quelle  difficulté  il  y  a  à 
affirmer  une  légère  augmentation  de  volume  de  cet  organe. 

Quant  au  foie  et  aux  reins,  il  est  moins  facile  encore  d'y  apprécier 
une  modification  notable. 

D'après  Louis  et  Grisolle,  la  muqueuse  gastrique  et  intestinale  pré- 


PNEUMONIE  LOBAIIIE  AIGUË.  —  causes  prédisposantes.  391 


porterait  souvent  un  certain  degré  de  ramollissement.  Ces  auteurs  disent 
s'être  assurés  qu'il  ne  devait  pas  être  mis  sur  le  compte  de  la  médication. 
]es  recherches  n'ont  pas  été  reprises  ;  il  serait  cependant  intéressant  de 
es  vérifier. 

Les  muscles  ont  leur  coloration  normale.  La  maladie  ayant  d'habitude 
une  courte  durée,  il  est  difficile  d'apprécier  une  diminution  quelconque 
de  leur  volume,  qui  cependant  est  certaine. 

Quant  au  peu  que  nous  savons  sur  les  modifications  du  sang,  j'en  par- 
lerai à  la  symptomatologie. 

Étiologie.  —  Fréquence.  —  Dans  la  plupart  des  grands  hôpitaux 
de  l'Europe,  il  y  a  de  20  à  50  pneumoniques  sur  1,000  admissions.  Ce 
chiffre  peut  sembler  trop  élevé  si  l'on  songe  que  beaucoup  de  maladies 
légères  ne  sont  pas  admises  dans  les  hôpitaux  ;  mais  cette  cause  d'erreur 
est,  dit-on,  plus  que  compensée  par  la  proportion  vraiment  énorme  de 
eumonies  dans  les  hospices  et  asiles  consacrés  à  la  vieillesse.  • 
Causes  prédisposantes  intrinsèques.  —  Age.  —  Malgré  l'autorité  de  Cru- 
veilhier  et  de  Grisolle,  je  n'hésite  pas  à  dire  que  la  pneumonie  fibrineuse 
ne  se  rencontre  pas  chez  le  fœtus.  Après  la  naissance,  tous  les  âges  y  sont 
sujets,  quoique  d'une  manière  inégale  :  dans  les  premiers  mois  de  la  vie 
celle  est  tout  à  fait  exceptionnelle  (Trousseau,  Thomas);  après,  elle  devient 
relativement  fréquente.  Toutefois,  maintenant  qu'on  sait  distinguer  la 
broncho-pneumonie  de  la  pneumonie  fibrineuse,  on  est  d'accord  pour  ad- 
mettre que  les  enfants  y  sont  moins  exposés  que  les  adultes  ;  de  com- 
bien est  la  différence  ?  c'est  ce  qu'il  est  difficile  de  dire  vu  le  petit  nombre 
•de  statistiques  sérieuses  relatives  aux  maladies  du  jeune  âge. 

D'après  celle  de  II.  v.  Ziemsscn  portant  sur  186  pneumonies  fibri- 
ncuses  chez  dé  jeunes  sujets,  cette  affection  serait  plus  commune  chez  les 
eenfanls  au-dessous  de  G  ans  que  chez  les  enfants  plus  âgés  :  il  y  en  a  1 17 
ipour  les  G  premières  années  de  la  vie  et  G9  seulement  pour  les  dix 
tannées  suivantes.  Le  tableau  suivant  montre  aussi  un  chiffre  très  peu  élevé 
de  pneumonies  entre  11  et  15  ans,  et  surtout  entre  G  et  10  ans.  Mais 
j'ignore  si  ces  chiffres  sont  l'expression  exacte  d'une  loi  générale. 

Les  G  premières  colonnes  de  ce  tableau  sont  empruntées  à  la  thèse  de 
SSchapira,  élève  du  professeur  Gerhardt;  j'ai  composé  la  7e  à  l'aide  de  la 
statistique  d'Aloïs  Biach  portant  sur  G, 712  pneumoniques  traités  au  grand 
hôpital  de  Vienne  de  1SG0  à  187G.  Quant  aux  six  colonnes  de  Schapira, 
een  voici  l'explication  : 

A.  Pneumonies  observées  au  grand  hôpital  Julius  de  Wûrzburg  de 
iinoveinbre  1872  à  novembre  1876. 

B.  Pneumonies  observées  dans  le  même  hôpital  de  mai  1857  à  mai 
11860  (Statistique  publiée  par  Rolh  :  Beitrag  zur  Slatislik  (1er  Pneu- 
monie. Wûrzburg,  1860). 

C.  Pneumonies  observées  dans  le  même  hôpital  par  le  professeur 
I  Bainbergcr  de  mai  1854  à  mai  1857. 

.  Les  trois  colonnes  suivantes  donnent  la  statistique  du  grand  hôpital  de 
\  Vienne  pendant  les  années  1856-58. 


302 


PNEUMONIE  LGBA'IRE  AIGUË 


—  CAUSES  l'HÉDIKPOSAYJf  s. 


Age 

WQuzburg 

Vienne 

A 

11 

l. 

!  856 

1857 

1 858 

U-10 

o 
z 

M 
\ 

- 

1 

3 

? 

11-'15 

1U 

5 

•  4 

10 

17 

40 

275 

01 

19 

101 

70 

1  \x 

1356 

21-25 

PC  A 

■40 

zU 

61 

85 

1 24 

1 184 

20-30 

ttrf 
20 

35 

53 

(il 

57 

8o 

915 

51-35 

10 

CM 
il 

19 

41 

58 

•  61 

624 

36-40 

17 

OQ 

10 

41 

27 

01 

421 

41-45 

14 

15 

15 

45 

32 

55 

418 

'iv  uu 

J  u 

15 

15 

24 

-<> 

48 

51-5^ 

13 

17 

12 

19 

20 

18 

274 

56-00 

15 

17 

ii 

18 

16 

57 

280 

61-65 

12 

11 

15 

13 

29 

169 

00-70 

15 

4 

3 

16 

0 

10 

155 

71-75 

4 

7 

6 

6 

9 

8 

73 

76-80 

4 

5 

4 

9 

5 

31 

au  delà 

1 

2 

6 

9 

Ce  tableau  montre  une  brusque  augmentation  du  nombre  des  pneu- 
monies à  partir  de  11  ans  et  surtout  à  partir  de  16,  de  telle  sorte  que  la 
période  quinquennale  de  16  à  20  est  la  plus  chargée.  La  statistique 
d'Aloïs  Biaeh  qui  est  faite  année  par  année,  nous  apprend  qu'à  Vienne  le 
maximum  des  pneumonies  tombe  à  l'âge  de  18  ans,  qu'il  y  en  a  encore 
beaucoup  jusqu'à  25  ans  et  qu'ensuite  leur  fréquence  diminue.  Grisolle 
se  fondant  sur  une  statistique  de  quelques  hôpitaux  de  Paris  recule  jus- 
qu'à l'âge  de  50  ans  la  période  où  les  pneumonies  sont  très  communes; 
s'il  en  est  réellement  ainsi,  Paris  diffère,  sous  ce  rapport,  des  autres 
grandes  villes  de  l'Europe. 

A  priori,  la  chose  n'a  rien  d'impossible  :  car  je  suis  frappé  de  voir  qu'à 
Wiïrzburg,  à  Vienne  et  à  Munich,  ce  n'est  pas  au  même  âge  qu'on  ren- 
contre le  plus  de  pneumonies.  Voici  en  effet  une  statistique  récente  de 
l'hôpital  de  Munich,  j'y  vois  que  : 

De         1  à  15  ans  il  y  a  .  .   1.57  pour  cent. 

16  à  30  ans     —     ..  :   18.52  — 

31  à  60  ans     —    40.02  — 

Au-dessus  de  00  ans     —    8.09  — 

100.00 

Or,  sans  parler  de  la  proportion  par  trop  invraisemblable  des  pneumo- 
nies  au-dessous  de  16  ans,  et  qui  ne  peut  s'expliquer  sans  doute  que 
par  des  règlements  hospitaliers  particuliers,  je  trouve  que,  de  16  à  50, 
il  y  a  un  sixième  de  pneumonies  en  plus  que  dans  la  période  de  51  à 
60  :  or,  si,  je  fais,  à  l'aide  des  chiffres  du  grand  tableau  ci-de?sus, 
le  môme  calcul  pour  W  wr/.burg  et  pour  Vienne,  j'olitiens  des  résultats 
bien  différents  :  à  Wiïrzburg  (A,  B,  C)  il  y  a  514  pneumonies  de  1li  à 
50  ans  et  285  de  51  à  60  ans  :  différence      ;  à  Vienne  (statistique  de 


PNEUMONIE  LONAIHE  AIGUË*  —  œwrsÉs  imioisposa.ntes.  59," 

Scliàpira  1856-1858)  il  y  a  788  pneumonies  de  16  à  30  et  506  de  51  à 
60  :  différence  -\  ;  enfin  dans  la  statistique  d'Aloïs  Biach  pour  la  même 
ville,  la  différence  est  encore  plus  forte  :  il  y  a  en  effet  d'un  côté  5,455, 
de  l'autre  2,311.  La  différence  est  de  près  de  {.  Ainsi,  à  Wùrzburg,  il  y  a 
entre  16  et  50  ans,  relativement  beaucoup  plus  de  pneumonies  qu'à 
Vienne. 

Les  tableaux  précédents  ne  peuvent  d'ailleurs  avoir  qu'une  valeur 
limitée  ;  car  pour  apprécier  l'influence  de  l'âge  sur  le  développement  de 
la  pneumonie,  il  ne  suffit  pas  de  ces  chiffres  absolus  ;  il  faut  tenir 
compte  du  chiffre  de  la  population  aux  différents  Ages.  En  procédant 
ainsi  on  trouve,  ce  que  ne  montre  pas  le  tableau  précédent,  qu'il  y  a  entre 
55  et  60  ans  une  légère  recrudescence  de  la  fréquence  de  la  pneumonie, 
suivie  d'une  nouvelle  rémission  d'ailleurs  fort  légère.  Marc  d'Espine 
prétend  (qu'a  Genève  au  moins)  la  pneumonie  serait  rare  dans  l'ex- 
trême vieillesse;  mais  cette  assertion  aurait  besoin  d'être  confirmée. 

Ce  n'est  pas  tout,  il  faut  avoir  égard  au  fait  que  les  prolétaires  qui 
constituent  la  clientèle  des  hôpitaux  ne  fréquentent  pas  ces  établisse- 
ments également  à  toutes  les  périodes  de  leur  existence  ;  que  de  20  à 
30  ans,  où  ils  n'ont  en  général  pas  de  ménage,  ils  se  font  le  moins 
soigner  en  ville,  que  plus  tard  ils  sont  admis  non  plus  dans  les  hôpitaux 
mais  dans  les  bospices.  Ces  circonslances  et  d'autres  encore  motivent 
la  réserve  avec  laquelle  il  faut  conclure. 

Sexe.  —  La  femme  est  moins  souvent  atteinte  de  pneumonie  que 
l'homme  ;  les  auteurs  sont  entièrement  d'accord  à  cet  égard.  Grisolle 
en  acceptant  le  fait,  pense  que  la  différence  tient  à  la  différence  des 
occupations  dans  l'un  et  l'autre  sexe,  attendu  que  dans  les  pays  où 
les  deux  sexes  travaillent  de  même,  ils  sont  également  frappés  ;  il  pa- 
raît en  être  de  même  dans  les  prisons.  L'explication  de  Grisolle  est 
donc,  au  moins  en  partie,  fondée.  En  tout  cas,  il  est  peu  probable  que  la 
moindre  prédilection  de  la  pneumonie  pour  le  sexe  féminin  soit  due 
à  sa  débilité  relative. 

Constitution.  —  En  effet,  une  constitution  débile,  ou  bien  détériorée 
par  des  maladies  intérieures,  des  excès,  etc.,  offre  un  terrain  incontesta- 
blement favorable  au  développement  de  la  pneumonie.  Celte  proposition 
est  vraie  pour  tous  les  âges.  D'après  Luzsinsky,  les  enfants  des  parents 
atteints  d'affections  chroniques  de  la  poitrine  (?)  y  seraient  prédisposés. 

Race.  —  Il  serait  fort  intéressant  d'avoir  à  ce  sujet  des  documents 
positifs.  De  la  statistique  citée  par  Grisolle,  il  résulte  de  la  manière  la 
plus  certaine  que  les  soldats  nègres  sont  beaucoup  plus  souvent  atteints 
de  pneumonie  que  les  soldats  blancs;  mais,  ainsi  qu'il  le  remarque,  les 
deux  catégories  de  soldats  ne  sont  pas  dans  des  conditions  hygiéniques 
exactement  les  mêmes,  de  sorte  que  l'influence  de  la  race  n'est  pas  seule 
à  agir  ;  néanmoins  la  prédisposition  des  nègres  à  contracter  la  pneumo- 
nie me  paraît  incontestable. 

Prédisposition  individuelle.  —  Je  fais  allusion  ici  à  la  prédispo- 
sition organique  naturelle  ou  acquise  que  le  poumon  peut  avoir  à 


394 


PNEUMONIE  LOBAIRE  AIGUË  — 


CAUSES  PRÉDISPOSANTES. 


être  affecté  de  pneumonie.  Il  est  incontestable  que  sons  l'influence  d'un 
refroidissement  tel  individu  contractera  plutôt  une  pneumonie,  tel 
autre  plutôt  une  angine.  Ce  qui  prouve  mieux  encore  celle  prédispo- 
sition, c'est  le  fait  que  certains  individus  ont  eu  dans  leur  vie  un  nombre 
de  pneumonies  tout  à  l'ait  insolite.  Rush  parle  d'un  individu  qui  aurait 
été  28  fois  atteint  de  pneumonie.  Chorncl  a  soigné  un  malade  affecté 
de  pneumonie  pour  la  dixième  fois.  Un  certain  nombre  des  malades  de 
Grisolle  ont  eu  aussi  plusieurs  pneumonies  (jusqu'à  8).  D'après  Cbarcot 
«  le  Dr  Weil,  sur  78  cas  de  pneumonie  franche  observés  chez  les 
enfants  de  1  à/6  ans,  note  51  récidives.  Sur  ces  51  malades,  '21  ont  eu 
une  pneumonie  antérieure;  4  en  ont  eu  2;  2  en  ont  eu  4;  enfin  4  en 
ont  eu  un  nombre  plus  grand.  Ziemssen,  sur  204  cas  également  ob- 
servés chez  des  enfants,  relève  dans  19  cas  l'existence  de  pneumonies 
antérieures.  Sur  ces  19  malades,  14  en  ont  eu  2  ;  2  en  ont  eu  5  ;  2  en 
ont  eu  4.  Andral  a  constaté  chez  un  sujet  10  pneumonies  en  11  ans,  etc.  » 

Il  faut  ici  distinguer  les  cas  où  les  pneumonies  successives  occupent  le 
même  siège  que  la  première  pneumonie  ou  bien  un  siège  différent.  Dans 
le  premier  cas,  la  prédisposition  peut  résulter  de  modifications  orga- 
niques produites  par  la  première  pneumonie,  car  souvent  alors  il  existe 
un  état  pathologique  appréciable  à  l'œil,  un  certain  degré  de  pneumonie 
interstitielle.  Charcot  a  insisté  récemment  sur  les  faits  de  ce  genre. 
Il  a  pu  observer  lui-même  à  la  Salpètrière  deux  malades  dont  l'une  a  eu 
deux  attaques  de  pneumonie  dans  le  lobe  inférieur  gauche.  A  l'autopsie 
on  a  trouvé  dans  ce  lobe  (qui  n'avait  pas  été  le  siège  de  la  pneumonie 
ultime  qui  a  emporté  le  malade)  les  lésions  de  l'induration  rouge.  (Leçon 
recueillie  par  Oulmont.  Progrès  1878.) 

Professions.  —  Jusqu'ici  j'ai  passé  en  revue  les  causes  prédisposantes, 
inhérentes  au  sujet  lui-même.  L'examen  de  l'influence  des  professions 
nous  servira  de  transition  pour  arriver  aux  conditions  extrinsèques. 

C'est  qu'en  effet,  si  l'on  veut  bien  y  réfléchir,  la  profession  agit  à  la  fois 
en  modifiant  le  sujet  lui-même  quand  il  l'a  exercée  un  temps  suffisant, 
et  aussi  en  l'exposant  à  certaines  conditions  extérieures  inhérentes  à 
l'exercice  de  cette  profession. 

Malheureusement  celte  analyse  parfois  délicate  n'a  guère  été  faite,  et  c'est 
sans  distinguer  ce  qui  tient  à  l'individu  ou  au  milieu  ambiant,  que 
les  auteurs  traitent  confusément  de  l'influence  des  professions  sur  le 
développement  de  la  pneumonie  et  ont  émis  les  assertions  parfois  les 
plus  contradictoires.  Ainsi,  d'après  Stoll,  la  pneumonie  affecte  de  préfé- 
rence les  individus  exerçant  des  professions  sédentaires,  les  tailleurs 
d'habits;  tandis  queJ.  Frank,  qui  combat  l'assertion  de  Stoll,  signale  au 
contraire  les  boulangers,  les  verriers,  les  forgerons,  les  cochers,  les 
courriers,  les  portefaix  comme  étant  prédisposés.  Ces  affirmations  op- 
posées s'expliquent  en  partie  par  le  fait  que  les  auteurs  ont  très-peu 
tenu  compte  de  la  statistique  des  professions  et  surtout  de  la  question 
de  savoir  quel  est  le  chiffre  comparatif  des  individus  de  cette  profession 
qui,  devenant  malades  se  sont  soignés  chez  eux  et  de  ceux  qui  vont  re- 


PNEUMONIE  LOBAI  RE  AIGUË- 


  CAUSES  l'IllilllSi'OSA.NTES. 


595 


clamer  leur  admission  dans  un  hôpital  ;  les  maçons,  par  exemple,  qui, 
de  tous  les  ouvriers  des  grandes  villes,  sont  ceux  qui  ont  le  moins  sou- 
vent une  famille,  se  font  transporter  à  l'hôpital  relativement  heaucoup 
plus  que  les  individus  appartenant  à  d'autres  professions. 

D'une  manière  générale  on  peut  cependant  affirmer  que  les  hommes 
exposés  à  l'intempérie  des  saisons,  s'ils  sont  alternativement  condamnés  à 
l'immobilité  après  un  exercice  violent,  par  exemple,  les  conducteurs  de 
trains  de  chemins  de  fer  sont  particulièrement  frappés.  On  serait  a  priori 
porté  à  croire  que  les  marins  rentrent  dans  cette  catégorie.  Mais  les  faits 
démentent  cette  supposition.  11  résulte  d'un  relevé  de  Leroy  de  Méri- 
court  qu'un  effectif  de  24,000  marins  étant  resté  sur  les  côtes  ou  en 
cours  de  navigation  pendant  un  temps  qui  a  varié  de  trois  mois  à  quatre 
ans,  n'a  fourni  que  175  cas  de  pneumonie.  En  recherchant,  dit  Grisolle, 
dans  quelles  conditions  ces  pneumonies  se  sont  développées  à  bord,  on 
voit  que  près  de  100  sur  les  175,  survinrent  quand  les  navires  étaient  sur 
rade  on  sur  les  côtes,  »  ce  qui  peut  dépendre  ou  de  ce  que  le  service  des 
hommes  était  alors  plus  pénible,  ou  de  ce  que  les  variations  de  la  tempé- 
rature étaient  plus  prononcées  qu'en  pleine  mer. 

Climats.  Pour  expliquer  l'immunité  dont  paraissent  jouir  à  un  certain 
degré  les  marins,  on  doit  sans  doute  invoquer  le  fait  qu'ils  sont  sin- 
gulièrement endurcis  aux  intempéries  ;  mais  il  semble  nécessaire  d'a- 
jouter à  cette  cause  l'influence  du  climat  maritime,  c'est-à-dire  d'un 
ensemble  de  conditions  météorologiques  dans  lequel  la  constance  rela- 
tive de.  la  température  au  large  joue  sans  doute  un  grand  rôle.  11  est  à 
noter  qu'en  certaines  parties  du  littoral,  môme  à  notre  latitude,  la 
pneumonie  parait  aussi  fort  rare;  je  puis  citer,  par  exemple,  le  Havre 
sur  lequel  j'ai,  grâce  à  l'obligeance  d'un  médecin  des  plus  distingués 
de  celte  ville,  le  docteur  Gibcrt,  quelques  renseignements  précis. 

Des  observations  du  docteur  Gibert ,  il  résulte  que  la  pneumonie  franche 
est  très-rare  au  Havre  (sauf  cet  hiver  1878-79),  qu'elle  est  particulière- 
ment exceptionnelle  à  la  côte  d'Ingouville  bien  qu'elle  soit  exposée  aux 
vents  d'ouest  et  du  nord-ouest.  Aux  chantiers  de  construction  de  la 
Seine  qui  occupent  habituellement  500  ouvriers,  le  docteur  Piasccki 
n'a  eu  à  constater  en  12  ans  que  8  cas  de  pneumonie  franche.  Chez  les 
ouvriers  raffincurs  la  même  immunité  relative  a  été  constatée  par  le 
docteur  Gibert.  La  pleurésie  est  aussi  plus  rarement  observée  au  Havre 
qu'à  Paris;  au  contraire  la  bronchopneumonie  y  exerce  de  grands  ravages. 

L'influence  des  climats  est  donc  fort  grande  ;  elle  est  même  toute-puis- 
sante si  l'on  envisage  certains  d'entre  eux  qui  assurent,  dit-on,  vis-à-vis 
de  la  pneumonie  une  immunité  absolue;  tels  seraient  les  tropiques  et 
le  pôle  et  quelques  autres  encore  ;  malheureusement  des  renseignements 
Ues-positils  nous  font  défaut  sur  l'analoiuie  pathologique  des  affections 
de  poitrine  dans  les  différentes  parties  du  globe.  Aussi  dans  l'incertitude 
où  nous  sommes  sur  la  vraie  nature  des  affections  que  l'on  nous  dit  èlre 
des  fluxions  de  poitrine,  je  crois  prudent  de  m  abstenir  d'en  dire  da- 
vantage. 


r.96  PNEUMONIE  U>UAIP.K  AIGUË.  —  CAUSES  OCCASIO.V.NKI.I.ES. 

Saisons.  La  pneumonie  a  sur  le  continent  européen  son  maximum  de 
fréquence  de  mais  à  mai,  et  son  minimum  de  septembre  à  novembre.  On 
a  noté  que  la  bronclnte  est  plus  précoce  :  son  maximum  est  de  janvier  à 
mais,  son  minimum  de  juillet  à  septembre. 

Ces  chiffres  sont  empruntés  à  la  statistique  du  grand  hôpital  de  Vienne 
citée  par  Jurgensen.  A  mon  grand  regret,  je  n'ai  pu  utiliser  les  remar- 
quables statistiques  noscomialcs  publiées  chaque  trimestre  par  E.  Besnier, 
dans  le  Bulletin  de  la  Société  médicale  des  hôpitaux  de  Paris,  parce 
que  la  broncho-pneumonie  n'y  est  pas  séparée  de  la  pneumonie. 

J'ai  souligné  le  mot  continent  :  c'est  qu'en  effet  dans  les  climats  voi- 
sins du  littoral,  la  distribution  mensuelle  de  la  pneumonie  est  différente 
et  se  confond  avec  celle  de  la  bronchite.  Cela  s'explique  en  partie  par  le 
fait  que  le  long  des  côtes  la  pneumonie  est  plus  souvent  secondaire  à  une 
bronchite. 

Altitudes.  L'influence  des  altitudes  est  certaine;  à  Chamouny,  il  y  a, 
dit-on,  1  pneumonique  sur  5  malades;  au  Pérou  dans  une  vallée  à  la  hau- 
teur de  12,000  pieds,  Tschudi  indique  aussi  la  fréquence  insolite  des 
pneumonies  ;  même  sous  les  tropiques  la  pneumonie  cesse  d'être  incon- 
nue à  une  certaine  altitude. 

Influence  des  vents.  —  D'après  0.  Sturges,  le  chiffre  des  pneumo- 
nies est  à  son  minimum  quand  le  vent  est  presque  nul,  de  quelque  côlé 
qu'il  souffle.  S'il  est  un  peu  intense,  le  chiffre  des  pneumonies  est  sen- 
siblement modifié,  suivant  l'espèce  de  vent  :  avec  un  vent  du  nord  ou 
du  nord-est  (pour  l'Angleterre),  les  pneumonies  atteignent  leur  maximum 
de  fréquence;  elle  est  au  minimum  avec  les  vents  du  sud-ouest  peu 
intenses,  alors  même  que  la  température  est  plus  froide. 

Causes  occasionnelles.  —  1°  En  première  ligne,  il  faut  mentionner  le 
refroidissement,  qui  était  autrefois  considéré  comme  la  seule  cause  de 
la  pneumonie,  ainsi  que  le  prouve  l'adage  frigus  unica  pneumonies 
causa  est.  Chomel  et  Grisolle  ont,  ajuste  litre,  combattu  celte  erreur. 
D'après  Chomel,  sur  79  pneumoniques,  14  seulement  avaient  éprouvé  un 
refroidissement  quelconque. 

La  statistique  de  Grisolle  est  plus  étendue  :  elle  porte  sur  205  pneu- 
moniques qu'il  a  interrogés  avec  soin  à  cet  égard,  Or,  dit-il .  ce  n'est 
que  chez  le  quart  des  malades  qu'on  pourrait  invoquer  un  refroidisse- 
ment comme  cause  occasionnelle  évidente  de  la  pneumonie.  Sur 
106  cas  de  pneumonie,  Ziemssen  n'a  pu  que  10  fois  seulement  prouver 
l'existence  d'un  refroidissement.  Celte  proportion  est  déjà  très  faible. 
Mais  elle  est.  encore  élevée  en  comparaison  de  celle  qu'indique  Griesingcr  : 
moins  de  2  pour  cent  (4  fois  sur  212  cas.  Clinique  de  Zurich,  thèse  de 
Blculer.  Clin.  Beobachtungen  iiber  Pneumonie.  Zurich  1865.) 

C'est  influencé  sans  doute  par  de  pareils  chiffres  que  le  professeur 
•Iiirgenscn  en  arrive  à  dire  que  «  le  refroidissement  n'est  nullement  une 
cause  occasionnelle  fréquente  de  la  pneumonie.  »  Or,  pris  à  la  lettre, 
cette  assertion  me  partit  légèrement  exagérée.  Aux  chiffres  véritablement 
exceptionnels  de  Griesingcr,  on  peut  opposer  ceux  du  professeur  Ger- 


PNEUMONIE  LOBA1KE  AIGUË.  —  caosbs  occasion«edlbs  .  597 


hardi  (thèse  de Schapira)  qui,  sur  100  piieuinoiiiques,  en  a  trouvé  53  dont 
la  maladie  ne  reconnaissait  d'autre  cause  occasionnelle  qu'un  refroidis- 
sement, ce  qui  nous  ramène  à  la  proportion  de  Cliomcl  et  Grisolle.  Mais 
il  y  a  certainement  plus  :  je  mets  en  fait  que  les  malades  que  nous  soi- 
gnons dans  les  hôpitaux  sont  peu  capahles  de  nous  renseigner  exacte- 
ment. Les  refroidissements  sont  habituels  et  journaliers  chez  la  plupart 
d'entre  eux;  ils  arrivent  à  n'y  pas  prendre  garde,  d'autant  plus  que  sui- 
vant les  idées  populaires  qui  reproduisent,  comme  un  écho  attardé,  les 
doctrines  médicales,  le  refroidissement  a  perdu  beaucoup  de  l'influence 
nocive  qu'il  passait  pour  exercer  autrefois  ;  d'ailleurs  le  mot  refroidis- 
sement est  certainement  mal  compris  par  beaucoup  de  personnes  étran- 
gères à  la  médecine,  qui  se  figurent,  sans  doute,  qu'un  abaissement  sen- 
sible de  la  température  ambiante  est  nécessaire  pour  amener  un 
refroidissement,.  Or,  il  est  évident  qu'il  n'en  est  rien  et  que  l'état  du 
sujet  y  contribue  plus  que  le  milieu.  Pour  ma  part,  je  conçois  parfaite- 
ment que  des  navigateurs  au  pôle,  exposés  à  des  températures  exception- 
nellement bases,  précisément  par  cette  raison,  ne  se  trouvent  pas,  pen- 
dant de  longs  mois,  dans  les  conditions  favorables  à  la  production  du 
refroidissement.  Au  contraire,  l'observation  journalière  montre  qu'on  se 
refroidit,  même  dans  la  saison  chaude,  si  la  peau  couverte  de  sueur  est 
exposée,  pendant  un  certain  temps,  à  l'action  d'un  air  dont  la  tempéra- 
ture est  relativement  abaissée,  ou  d'un  courant  d'air,  etc.,  clc. 

Nous  disons  la  peau  et  non  la  muqueuse  bronchique,  car  l'action 
pathologique  du  froid,  sur  cette  dernière,  n'est  pas  prouvée;  son  inno- 
cuité serait  même  démontrée,  si  l'on  pouvait  appliquer  à  l'homme  les 
résultats  des  expériences  de  B.  Heidenhain,  qui  a  fait  respirer  à  des 
chiens,  alternativement  de  l'air  chaud  et  froid,  sans  provoquer  chez  eux  de 
pneumonie.  (Virckow's  Archiv.  Bd.  LXX.) 

Il  est  vrai  que  l'on  n'a  pas  réussi  davantage  par  d'autres  moyens, 
notamment  par  des  refroidissements  de  la  peau.  Mais,  à  cet  égard,  il  faut 
remarquer  que  le  tégument  externe  du  chien  diffère  beaucoup  de  celui 
de  l'homme.  Le  chien  ne  sue  pas;  il  est  donc  difficile  de  mettre  sa  peau 
dans  des  conditions  d'impressionnabilité  très-favorables. 

D'après  Grisolle,  c'est  aux  deux  extrêmes  de  la  vie  que  le  refroidisse- 
ment produit  le  mieux  ses  effets,  parce  que,  dit-il  :  «  dans  l'enfance  et 
dans  la  vieillesse  l'homme  produit  moins  de  chaleur  qu'aux  autres 
âges.  »  En  acceptant  le  fait,  il  est  impossible  de  ne  pas  remarquer,  en 
ce  qui  touche  l'enfant,  que,  relativement  au  poids  de  son  corps,  loin  de 
produire  moins  de  chaleur  que  l'adulte,  il  en  produit  davantage,  et  que, 
si  néanmoins  il  se  refroidit,  toutes  choses  égales,  plus  facilement  que 
l'adulte,  c'est  à  cause  de  son  petit  volume. 

Quant  au  mode  d'action  du  refroidissement,  nous  ne  pouvons  faire 
que  des  hypothèses.  Des  médecins  anglais  ont  pensé  qu'antérieurement 
à  la  pneumonie,  il  peut  exister  un  certain  degré  d'hyperinose  (Parkes). 
Ce  serait  donc  par  suite  de  la  suppression  des  fonctions  de  la  peau  que 
cet  état  dyscrasique  serait  créé.  Mais  jusqu'ici,  c'est  une  hypothèse  sans 


598         PNEUMONIE  LOKAIRE  AIGUË.  —  causes  occasionnelles. 

fondement  scientifique.  Une  action  réflexe  s'exerça  ni  sur  les  vaisseaux  du 
poumon ,  est  assurément  plus  vraisemblable,  dans  l'état  actuel  de  la 
science.  Je  ne  dis  pas  que  cette  seconde  hypothèse  soit  parfaitement 
satisfaisante,  mais  on  verra  plus  loin  qu'il  y  a  d'autres  faits  qui  peuvent 
lui  prêter  un  certain  appui. 

Le  peu  de  temps  qui  s'écoule  en  général,  entre  le  refroidissement  et  le 
début  de  la  maladie,  plaide  dans  le  même  sens.  Grisolle  l'a  noté  avec  soin 
dans  5  \  observations  et  a  trouvé  que  «chez  18  sujets,  les  symptômes  locaux 
ou  tout  au  moins  le  malaise,  et  les  autres  troubles  prodromiques  s'étaient 
déclarés  pendant  l'impression  même  du  froid  ou  auelques  minutes  après. 
Chez  11,  l'effet  Muisible  du  refroidissement  ne  s'est  fait  sentir  qu'après 
une,  deux  ou  trois  heures.  Enfin,  chez  4  malades,  il  y  a  eu  un  intervalle 
de  un  à  deux  jours  entre  l'action  de  la  cause  et  le  début  des  premiers 
symptômes.  »  Grisolle  pense  que  chez  ces  derniers,  le  refroidissement  n'a 
en  réalité  pas  eu  d'action  et  qu'il  a  du  y  avoir  simple  coïncidence. 
Je  comprends  cette  réserve,  mais  je  dois  faire  remarquer  que  c'est  pré- 
cisément pour  les  cas  de  ce  genre  que  l'hypothèse  des  médecins  anglais 
pourrait  être  soutenue. 

2°  Surmènement.  —  Les  auteurs  ne  me  paraissent  pas  apprécier  à  sa 
valeur  cette  cause  qui,  selon  moi,  agit  non-seulement  comme  prédispo- 
sant mais  encore  comme  occasionnelle.  La  fatigue  jette  l'économie  dans 
des  conditions  non-seulement  d'imminence  morbide,  mais  elle  réalise 
même  un  état  anormal  dans  lequel  l'organe  minoris  resislenliœ  peut 
être  affecté.  Le  seul  surmènement  dont  parle  Grisolle  c'est  celui  des 
organes  de  la  respiration,  qui,  d'après  lui,  est  sans  importance  patho- 
génique,  ce  que  j'accorde  volontiers. 

5°  Agents  toxiques  et  irritants.  —  Quant  aux  excès  alcooliques,  Gri- 
solle est  très  affirmatif  :  «  Chez  plusieurs  malades  il  était  impossible  de 
trouver  d'autres  causes  occasionnelles  comme  un  refroidissement  par 
exemple,  parce  que  ces  individus  avaient  été  placés  dans  des  conditions 
telles  que  le  froid  n'avait  pu  agir  sur  eux.  Chez  tous,  l'influence  de  la 
cause  s'est  fait  rapidement  sentir.  Chez  deux,  les  symptômes  de  la  pneu- 
monie se  déclarèrent  dans  les  premières  heures  qui  suivirent  l'ivresse.  » 

D'autres  agents  toxiques  peuvent  vraisemblablement  jouer  aussi  le  rôle 
de  cause  occasionnelle  ;  mais  il  est  douteux  que  leur  introduction  par  la 
vuie  bronchique  puisse  être  suivie  du  même  résultat  : 

Les  anciens  auteurs,  Van  Swieten  ctJ.  Frank  ont  rapporte  l'histoire  de 
plusieurs  individus  qui  furent  affectés  d'hémoptysie  et  de  pneumonie  à 
la  suite  de  l'inhalation  d'ammoniaque, d'acides  chlorhydrique  et  sulfureux. 
Grisolle  objecte,  avec  raison,  qu'il  s'agissait  probablement  chez  eux 
de  bronchite  capillaire  plutôt  que  de  pneumonie.  Dinstl  dit  avoir  vu 
plusieurs  fois  cl  Eppinger  trois  fois  une  pneumonie  consécutive  à  l'inha- 
lation de  gaz  irritants.  Ils  ne  disent  pas  si  c'est  une  pneumonie  fibrinëuse. 

Je  liens  du  docteur  l'oubert,  médecin-inspecteur  à  Villers-sur  Mer. 
que  la  pénétration  de  l'eau  de  mer  dans  les  poumons  peut  être  suivie  de 
congestion  pulmonaire  fébrile,  mais  non  d'une  vraie  pneumonie. 


PNEUMONIE  LOBAIRE  AIGUË.  —  causes  occasiohnbu&es.  399 

4°  Traumalismes.  —  Au  nombre  des  causes  occasionnelles,  rares 
d'ailleurs,  de  pneumonie,  on  a  aussi  cité  les  causes  traumatiqucs,  mais  la 
plupart  d'entre  elles  provoquent  une  pneumonie  locale,  différente  au 
point  de  vue  de  la  nosologie  de  la  maladie  que  nous  étudions  ici.  Les  plus 
fréquentes  de  ces  causes  sont  les  contusions  du  thorax  compliquées  ou 
non  de  fracture  des  côtes  dont  les  fragments  peuvent  blesser  le  poumon. 
Lieutaud  et  Portai  ont  prétendu  que  la  pneumonie  peut  succéder  à  des 
traumalismes  des  parties  éloignées.  Grisolle  dit  ne  connaître  aucun 
exemple  authentique  qui  prouve  qu'une  pneumonie  ait  jamais  succédé 
à  une  pareille  cause.  Le  fait  suivant,  qui  a  récemment  donné  lieu  en  An- 
gleterre (Lancet,  27  avril  1878),  à  une  instance  en  dommages  et  intérêts 
de  la  part  des  héritiers,  pourrait  peut-être  passer  pour  un  cas  de  pneu- 
monie suite  de  shoc.  Il  s'agit  d'un  voyageur  qui  au  moment  d'un  tam- 
ponnement n'éprouva,  dit-il,  aucune  contusion  thoracique  ni  d'un  côté 
ni  de  l'autre,  mais  ressentit  un  ébranlement  général,  puis  se  sentit  faible 
et  revint  au  bout  de  quelques  heures  chez  lui  ;  il  se  plaignait  de  douleurs 
dans  le  côté  droit  et  dans  le  dos.  Le  médecin  le  même  jour  trouva  la  res- 
piration accélérée.  Le  jour  suivant  il  se  manifesta  des  signes  de  pneu- 
monie du  côté  droit.  Sept  jours  plus  tard  on  constata  de  plus  une  pleu- 
résie du  même  côté.  La  mort  arriva  huit  jours  plus  tard.  L'autopsie  fut 
faite  conjointement  avec  le  docteur  Clitford  Albutt  qui,  ainsi  que  le  mé- 
decin traitant  considéra  la  maladie  comme  consécutive  au  cflbc.  Malheu- 
reusement l'absence  d'ecchymose  interne  de  la  paroi  thoracique  n'est  pas 
explicitement  affirmée. 

5°  Actions  neweuses. —  Il  convient  de  rapprocher  des  pneumonies  dues 
au  choc  celles  qui  seraient,  dit-on,  consécutives  à  une  vive  émotion 
morale,  si  tant  est  qu'elles  en  soient  le  résultat  :  Grisolle  en  rapporte  un 
exemple.  Il  s'agit  d'une  femme  qui  «  apprenant  qu'elle  avait  été  victime 
d'un  vol,  éprouva  un  saisissement  violent  qui  fut  promplcment  suivi  d'un 
frisson,  d'un  point  de  côté  et  de  crachats  rouillés.  » 

Les  pneumonies  succédant  à  une  lésion  du  système  nerveux  central 
passent  pour  être  communes. 

On  voit  en  effet  souvent  chez  les  apoplectiques  se  développer  uni! 
pneumonie  quelques  jours  après  l'attaque,  alors  que  le  malade,  confiné  au 
lit,  ne  peut  guère  avoir  éprouvé  l'influence  d'un  refroidissement  ni  d'au- 
cune autre  cause  occasionnelle  appréciable  ;  de  plus  cette  pneumonie 
siège  d'ordinaire  du  côté  opposé  à  la  lésion  cérébrale,  c'est-à-dire  du 
même  côté  que  l'hémiplégie  des  membres.  Il  paraissait  donc  extrême- 
ment vraisemblable  de  placer  cette  pneumonie  sous  la  dépendance  de  la 
lésion  encéphalique  au  môme  titre  que  les  hémorrhagies  pulmonaires, 
gastriques  ou  autres  qui  surviennent  si  souvent  dans  les  mêmes  condi- 
tions, soit  chez  l'homme,  soit  chez  les  animaux  qui  ont  subi  un  trau- 
matisme de  l'encéphale.  (Voir  Brown  Séquard,  Soc.  de  Biol.,  1870.) 
Mais  il  résulte  des  recherches  de  Charcot  que  ces  pneumonies  n'ont  de 
la  pneumonie  lobairc  que  l'apparence  et  qu'au  fond  elles  ressortissent 
aux  broncho-pneumonies.  Ce  sont  des  pneumonies  pseudo-lobaires,  à 


400        PNEUMONIE  LOUAIlif]  A.1GUË.  —  causes  occasionkeu.es. 

rapprocher  par  conséquent  des  broncho-pneumonies  sous  la  dépendance 
de  lésions  du  pneunio-gastrique  qui  depuis  Traube  ont  fait  le  sujet  dé 
tant  de  recherches  expérimentales  et  que  l'on  a  parfois  l'occasion  de  ren- 
contrer chez  l'homme  (surtout  sous  la  l'orme  de  pneumonie  pseudo-lobaire 
dans  diverses  circonstances  où  les  pneumo-gastriques  sont  lésés,  par 
exemple,  dans  le  cas  d'épilhéliomo  de  l'œsophage. 

Ainsi,  jusqu'à  ce  jour,  nous  ne  connaissons  en  fait  de  pneumonie 
dépendant  manifestement  de  lésions  nerveuses,  que  des  broncho-pneu- 
monies. Est-ce  là  le  dernier  mot  de  la  science? 

Mon  savant  collègue,  Fernet,  ne  le  pense  point.  D'après  lui,  la  pneu- 
monie franche,  dite  fibrineuse,  est  le  résultat  d'un  «trouble  trophique 
placé  sous  la  dépendance  d'une  névrose  du  pneumo-gastrique  ».  A  l'appui 
de  cette  idée,  il  rapporte  trois  cas  où  il  a  trouvé  du  même  côté  que  la 
pneumonie,  le  pneumo-gastrique  plus  gros  et  injecté;  dans  un  cas  (le  2e), 
il  y  avait  en  même  temps  une  pleurésie  avec  épanchement;  le  nerf  phé- 
nique  du  même  côté  différait  aussi  de  celui  du  côté  opposé.  Dans  le  troi- 
sième cas,  la  lésion  du  pneumo-gastrique  du  côté  correspondant  à  la 
pneumonie  «  commençait  au  quart  inférieur  du  trajet  du  nerf  au  cou  :  li 
ce  niveau  se  montre  une  injection  vasculaire  et  les  fibres  nerveuses  offrent 
une  teinte  grisâtre  rosée  et  terne  au  lieu  de  la  coloration  blanche  et 
nacrée.  Cette  apparence  se  prolonge  en  bas  jusqu'à  la  division  du  nerf. 
Le  volumefdu  nerf  n'est  pas  augmenté.  Dans  deux  cas,  l'examen  histo- 
logique  a  été  fait  avec  soin  et  n'a  rien  révélé  d'anormal.  » 

Quant  à  la  nature  de  la  lésion  pulmonaire  consécutive  à  la  névrite 
qu'il  admet,  Fernet  pense  que  c'est  un  herpès.  Je  reviendrai  sur  ce 
dernier  point  quand  je  discuterai  la  nature  de  la  pneumonie  et  je  nie 
bornerai  à  faire  remarquer  ici  que,  vu  les  résultats  négatifs  de  l'examen 
microscopique,  le  terme  de  névrite  n'est  peut-être  pas  suffisamment  jus- 
tifié. De  plus,  la  rougeur  du  nerf  était  localisée  dans  sa  partie  inférieure, 
ce  qui  plaiderait  plutôt  en  faveur  d'une  altération  consécutive  à  la  pneu- 
monie. Je  dois  enfin  ajouter  que  j'ai  cette  année  recherché,  dans  quatre 
cas  de  pneumonie,  la  lésion  indiquée  par  Fernet  et  qu'à  l'œil  nu  je 
n'ai  rien  remarqué  d'anormal  dans  le  pneumo-gaslrique.  Dans  un  dos 
cas,  le  nerf  traité  à  l'état  frais  par  l'acide  osmique  a  été  examiné  au  mi- 
croscope et  l'examen  contrôlé  par  mou  collègue  Pierrot,  dont  la  com- 
pétence en  cette  matière  est  si  grande  ;  or,  le  nerf  a  paru  parfaitement 
sain.  Je  n'ignore  pas  que  des  résullats  négatifs  n'infirment  pas  les  faits 
positifs;  aussi  je  me  contenterai  de  dire  que  les  conclusions  de  Fernet 
demandent  à  être  contrôlées  par  de  nouvelles  observations. 

Un  médecin  qui  a  observé  dans  l'Inde  un  bon  nombre  de  cas  de 
coups  de  chaleur,  le  docteur  Jcssop,  a  supposé  que  certaines  pneumonies 
consécutives  à  des  insolations  peuvent  dépendre  d'une  action  réflexe. 
D'après  lui  les  nerfs  sensoriels  optique  et  olfactif,  trop  vivement  impres- 
sionnés, en  seraient  le  point  de  départ.  Celte  hypothèse  ne  peut  s'ap- 
puyer sur  aucune  base  expérimentale;  et  d'ailleurs  dans  le  coup  de 
chaleur  bien  d'autres  influences  qu'une  influence  réflexe  peuvent,  ce 


PNEUMONIE  LOBMftE  AIGUË.  —  causes  oooasJonnbm,b?.  401 


semble,  produire  une  pneumonie.  Reste  de  plus  à  savoir  si  ce  sont  des 
pneumonies  fibrineuses  qu'à  observées  Jessop.  Or,  rien  n'est  plus  douteux. 

6°  Causes  extrinsèques  de  nature  inconnue.  —  Dans  la  majorité  des 
cas,  il  faut  bien  l'avouer,  la  cause  déterminante  de  la  pneumonie  n'est  pas 
facile  à  trouver;  mais  ce  qui  prouve  qu'un  certain  nombre  d'entre  elles 
ont  pour  cause  réelle  une  influence  extrinsèque,  c'est  le  fait  qu'à  certains 
moments  de  l'année,  dans  certaines  localités,  les  pneumonies  deviennent 
beaucoup  plus  nombreuses,  fait  établi  pour  beaucoup  de  localités  et 
constaté  à  Paris  par  nombre  d'observateurs,  notamment  par  le  professeur 
Cbarcot  qui,  sur  un  même  terrain,  la  Salpètrière,  voit  le  nombre  des 
pneumonies  lobaires  varier  suivant  les  années.  Au  grand  hôpital  de 
Vienne  en  1856,  il  y  avait  '18  pneumonies  sur  1000  malades;  en  1858, 
55.  A  l'hôpital  Julius,  à  Wûrzburg,  la  proportion  a  été  tantôt  de  27, 
tantôt  de  47.  Certaines  localités  restent  pendant  des  années  tout  à  fait 
indemnes  de  la  pneumonie  et  sont  ensuite  frappées  d'une  manière  meur- 
trière (Fuckel). 

On  a  accusé  l'ozone  sous  prétexte  que  c'est  un  gaz  irritant,  niais  je 
crois  que  c'est  bien  à  tort:  mieux  vaut  avouer  notre  ignorance; 

Il  serait  possible,  à  la  rigueur,  que  les  pneumonies  dont  on  vient  de 
parler,  résultant  de  constations  médicales  fussent  produites  par  une  cause 
spécifique,  analogue,  mais  atténuée,  de  celle  qui  engendre  les  pneumonies 
miasmatique  et  contagieuse.  YV.  Zieinsscn  a  signalé  un  certain  parallé- 
lisme entre  les  maxima  et  les  minima  de  la  pneumonie  et  de  la  lièvre 
typhoïde.  Les  années  ou  la  pneumonie  est  peu  commune  sont  aussi 
marquables  par  le  nombre  de  lièvres  typhoïdes;  et  ce  qu'il  ya  de  curieux, 
c'est  que  ces  maxima  et  ces  minima  seraient  souvent  les  mêmes  pour 
tout  notre  hémisphère,  c'est  à-dire  pour  l'Amérique  septentrionale  aussi 
bien  que  pour  l'Europe.  Mais  dans  cette  coïncidence,  Ziemssen  voit  la 
preuve  d'une  cause  simplement  prédisposante  cl  non  d'une  cause 
efficiente. 

7°  Causes  miasmatiques.  —  Un  médecin  belge,  le  docteur  Barclla 
donne  de  la  coïncidence  découverte  par  Ziemssen  et  qu'il  a  de  son 
côté  trouvé  exacte  pour  Bruxelles,  une  explication  qui  paraîtra  sans  doute 
entachée  de  paradoxe  :  pour  lui,  beaucoup  de  pneumonies  sont  pro- 
fites par  le  poison  typhique  lui-même,  et  constituent  une  détermination 
pulmonaire  de  l'intoxication  typhique.  Je  crois  fermement,  pour  ma  part, 
non-seulement  à  la  possibilité,  mais  même  à  l'existence  incontestable  de 
la  pneumo-typhoïde  (Gerhardt),  c'est-à-dire  d'une  détermination  typhique 
se  laisant  d'emblée  sur  le  poumon,  ainsi  que  l'ont  admis  Dietl,  Gricsinger, 
Gerhardt  et  plusieurs  autres  auteurs  :  des  exemples,  selon  moi,  irréprocha- 
bles en  ont  été  publiés  par  ces  deux  derniers  auteurs  (thèse  de  Garbagni) 
(   par  Gauchet  (service  d'Ilérard)  par  moi  même,  etc.  Mais  je  diffère  de 
Barella,  quant  à  la  fréquence  de  ces  pneumo-typhoïdes  :  il  les  croit  com- 
munes; je  les  tiens  pour  rares  dans  notre  pays.  Il  parait  en  être  de 
même  eu  Allemagne.  Elles  seraient,  d'après  le  professeur  Gerhardt,  plus 
1  communes  en  Suède  et  surtout  dans  le  nord  de  l'Amérique.  On  ne  peut 

KOUV.  D1CT.  MÉD.  ET  CH1H.  XXVIII    20 


402  PNEUMONIE  LOliAlIîE  AIGUË.          CALSES  OCCASIONNELLES. 


mettre  un  doute  qu'il  existe  une  grande  analogie  entre  la  cause  de  ces 
pneumonies  nées  sous  l'influence  d'une  constitution  médicale  et  le  miasme 
typhique,  mais  il  n'y  a  pas  je  crois  identité. 

C'est  ici  le  lieu  de  dire  quelques  mots  des  remarquables  recherches 
qu'à  publiées  récemment  le  professeur  Klebs  et  qui,  venant  d'un  observa- 
teur aussi  consciencieux,  ne  peuvent  manquer  d'être  prises  en  sérieuse 
considération. 

Sur  des  cadavres  de  pneumoniques,  pendant  la  saison  froide,  Klebs 
a  trouvé  d'une  manière  à  peu  près  constante,  non-seulement  dans  le 
liquide  bronchique ,  mais  dans  des  parties  profondes  de  l'organisme, 
notamment  dans  la  sérosité  ventriculaire  du  cerveau  et  en  grande  quantité, 
des  organismes  (monadines)  dont  il  décrit  longuement  les  caractères 
différentiels  d'avec  les  miscrosporines  (autre  groupe  des  schistomycètes), 
lesquelles  s'observent  dans  les  affections  septiques,  dans  le  typhus  et 
dans  la  diphthéric.  Les  monadines  se  rencontrent  d'ailleurs  d'une  ma- 
nière un  peu  banale  dans  les  voies  aériennes  de  cadavres  d'individus 
ayant  succombé  à  des  maladies  fort  diverses;  mais  ce  n'est  pas,  d'après 
Klebs,  une  raison  suffisante  pour  nier  leur  action  pathogénique  :  elles 
peuvent  exister  dans  toutes  les  parties  accessibles  à  l'air  ;  ce  n'est  que 
si  elles  pénétrent  dans  l'organisme  qu'elles  déterminent  leurs  effets 
fâcheux.  Dans  quelques  cas,  Klebs  pense  qu'elles  pénètrent  par  la  voie 
intestinale.  Les  monadines  causent  non-seulement  des  pneumonies,  mais 
des  néphrites,  des  hépatites,  des  endocardites,  ainsi  que  semblent  le 
prouver  d'une  part  l'autopsie  de  sujets  cbez  lesquels  une  de  ces  mala- 
dies coexistait  avec  la  pneumonie,  et  d'autre  part  qnelques  inoculations 
pratiquées  dans   la  chambre  antérieure  de  l'œil  chez  le  lapin.  A  la 
seconde  génération  obtenue  par  culture  dans  le  blanc  d'œuf,  les  monadines 
ont  une  action  encore  plus  énergique,  de  même  que  les  micrococci  de  la 
septicémie,  ainsi  que  l'a  découvert  Davainc. 

Telle  est  la  séduisante  synthèse  du  professeur  Klebs.  Je  ferai  seulement 
remarquer  que  nos  pneumonies  diffèrent  de  celles  de  Prague  au  moins 
en  un  point  :  nous  ne  rencontrons  pas  en  effet  aussi  souvent  qu'on  le  voit 
dans  cette  ville,  la  coexistence  de  néphrites,  d'hépatites,  etc. 

En  tous  cas,  les  pneumonies  de  Prague  nous  serviront  de  transition  pour 
parler  des  pneumonies  contagieuses,  dites  zymoliques,  pythogéniques,  sur 
lesquelles  on  a  beaucoup  insisté  en  Angleterre  dans  ces  derniers  temps 
et  qui  constituent  de  petits  foyers  très-circonscrits,  de  village  ou  de  mai- 
son (A.  Millier,  Courvoisier,  Hœgler,  Tborensen),  dans  lesquels  la  conta- 
gion peut  être  parfois  sûrement  établie,  ou  de  plus  grandes  épidémies 
Alpenstich  (Lcbert).  Celle  d'Islande,  relatée  par  le  docteur  Hjaltelin,  et 
mainte  fois  citée,  paraît  n'avoir  été  qu'une  épidémie  d'influema  com- 
pliquée de  pneumonie  :  la  mortalité  a  été  médiocre  puisque  sur  80  pneu- 
monies il  n'y  eut  que  5  morts.  L'épidémie  qui  sévit  sur  le  22e  régi- 
ment de  Ne\v-13runswick,  rapportée  par  le  docteur  Welsh,  et  celle  de 
pleuro-pneumonie  qui  régna  en  1860  sur  quelques  vaisseaux  de  la  Hotte 
dans  la  méditerranée  furent  plus  sérieuses. 


PNEUMONIE  LOBAIRE  AIGUË.  —  p.neumonies  secondaires.  405 

Le  docteur  Dabi,  à  Christiania,  a  décrit  une  épidémie  de  prison  ;  plus 
récemment,  le  docteur  Rodmann  a  publié  le  relation  de  deux  épidémies 
survenues  dans  la  prison  de  Francfort  (Kontucki).  Dans  l'une  d'elles,  sur 
08  malades  il  y  eut  25  morts,  presque  tous  nègres.  La  ville  était,  pen- 
dant ce  temps,  dans  de  bonnes  conditions  de  santé. 

Eu  1874,  le  docteur  Kubn  a  observé  dans  la  prison  de  Moringen  une 
épidémie  du  morne  genre. 

En  l'absence  d'épidémies,  Scbroter,  llennig,  Wynler  Blylli,  Hardwich 
et  Giornclli  ont  publié  des  cas  où  la  pneumonie  a  paru  manifestement 
produite  par  la  contagion. 

A  cet  égard,  le  fait  rapporté  par  Brunner  est  fort  instructif  : 

On  pratiquait  chez  un  pbtbisiquc  l'opération  de  la  trachéotomie  en 
raison  d'accidents  avec  œdème  de  la  glotte  (dû  au  développement  de  gra- 
nulations dans  le  larynx).  Le  médecin,  à  cause  de  sa  myopie,  se  tint 
fort  rapproché  de  la  plaie  trachéale,  pendant  une  heure.  Deux  heures 
après,  il  eut  un  frisson  qui  dura  vingt  minutes,  se  mit  à  tousser  et  res- 
sentit un  point  de  coté.  L'expectoration  était  visqueuse.  Vingt  minutes 
après,  nouveaux  frissons  d'une  durée  encore  plus  grande,  délire.  Le  qua- 
trième jour,  on  constate  une  hépatisation  de  la  base  droite  qui  se  tend 
progressivement  et  envahit  tout  le  poumon,  Mort  le  septième  jour. 

A  l'autopsie,  hépatisation  grise  du  poumon  avec  résolution  commen- 
çant à  la  base,  dans  le  centre  du  foyer,  de  la  grosseur  d'une  fève  (com- 
mencement d'abcès);  à  gauche,  hépatisation  du  lobe  inférieur.  Augmen- 
tation de  volume  du  foie  et  de  la  rate. 

Pneumonies  secoindviiies.  —  «  La  pneumonie,  dit   Grisolle,  peut  se 
développer  dans  le  cours  de  toutes  les  maladies  aiguës  et  chroniques  e 
certaines  d'entre  elles  se  compliquent  si fréquemmént  d'inflammation  pul 
monaire  qu'il  est  impossible  de  nier  leur  influence,  soit  comme  causes 
prépondérantes,  soit  même  comme  causes  excitantes  de  la  maladie 
intercurrente.»  (Grisolle,  p.  100.) 

En  première  ligne,  Grisolle  cite  la  rougeole;  mais  il  confond  ici  la  pneu- 
monie et  la  broncho-pneumonie.  En  fait,  rien  n'est  plus  rare  que  la 
pneumonie  fibrineuse  rubéolique,  si  tant  est  qu'elle  ait  été  réellement 
observée.  Taube  a  décrit  un  cas  de  pneumonie  qu'il  appelle  croupale, 
mais  qui  se  distinguait,  dit-il,  de  la  pneumonie  fibrineuse  par  l'abondance 
des  globules  blancs  dans  les  alvéoles.  De  plus  la  lésion  était  diffuse;  aussi 
paraît-elle  avoir  beaucoup  de  rapports  avec  la  broncho-pneumonie. 

Il  en  est  à  peu  près  de  même  pour  la  coqueluche;  la  véritable  pneu- 
monie fibrineuse  y  est  exceptionnelle  si  vraiment  elle  s'y  rencontre. 
Damascbino  dans  sa  thèse  en  rapporte  cependant  un  exemple,  et  je  ne 
demanderais  pas  mieux  que  de  l'accepter,  mais  il  le  considère  lui-même 
comme  douteux. 

Parmi  les  maladies  aiguës  autres  que  les  fièvres  éruptives,  il  faut,  en 
première  ligne  citer  la  fièvre  typhoïde,  J'ai  mentionné  plus  haut  la  pneu- 
monie primitive,  si  l'on  peut  s'exprimer  ainsi,  de  la  fièvre  typhoïde,  autre- 
ment dit  la  piieumo-typhoïde.  Je  n'y  reviens  pas,  mats  je  dois  marquer  la 


404       PNEUMONIE  LOBAIRE  AIGUË.  —  p-veumonies  secondai  n  es. 

place  des  pneumonies  du  deuxième  et  du  troisième  septénaires,  s'il  est 
vrai  qu'on  puisse  quelquefois  rencontrer  parmi  elles  des  pneumonies 
(ihrincuses,  et  non  exclusivement  des  pneumonies  pseudo-lohaires  (voir 
la  thèse  de  Deslais-,  Paris,  1877. 

On  prétend  que.  la  pneumonie  fibrineuse  a  aussi  été  observée  dans  le 
typhus,  la  fièvre  récurrente,  la  malaria,  la  méningite  cérébro-spinale, 
la  diphthérie,  etc.,  etc.  Relativement  à  cette  dernière,  Billicl  et  Barthez 
croient  que  la  pneumonie  y  est  toujours  lobulaire.  Par  contre,  Jules 
Simon  (article  Group,  t.  X  de  ce  Dictionnaire)  el  Satiné  [Traité  de  la 
diphthérie,  J 877,  p,  85),  auraient  vu  des  pneumonies  lobaircs  dans  des 
cas  de  croup;  mais  c'étaient  peut-être  des  pneumonies  pseudo-lohaires. 

Mon  collègue  et  ami  le  docteur  Straus  a  fait  paraître  l'an  dernier  une 
remarquable  observation  de  pneumonie  érysipélateuse.  J'y  renvoie  le 
lecteur  (Revue  mensuelle  de  Médecine,  1879). 

La  pneumonie  fibrineuse,  en  Angleterre  du  inoins,  n'est  pas  rare  dans 
le  rhumatisme  articulaire  aigu  (Fuller,  Latham).  Chez  nous,  c'est  une 
complication  beaucoup  plus  rare,  un  peu  moins  rare  cependant  que  ne  le 
pense  Grisolle,  car  j'en  ai  vu  pour  ma  part  quelques  exemples  dans  ces 
dernières  années. 

Parmi  les  affections  chroniques,  ce  sont,  je  crois,  les  affections  rénales 
qui  donnent  le  plus  souvent  naissance  à  la  pneumonie  fibrineuse. 

Rayer  l'a  rencontrée  dans  un  douzième  des  cas  de  maladies  de  reins. 
Le  professeur  Jaccoud  se  fondant  sur  la  statistique  de  Frerichs  et  de 
Rosenstehi,  estime  sa  fréquence  à  12,8  °/0.  John  Taylor  va  jusqu'à  24  70. 
Becquerel  (sur  127  cas)  l'a  vue  dans  la  proportion  de  20  l'/0- 

Grainger  Stewart  (Bright's  Diseascs  of  Mie  Kidney)  l'a  rencontrée  dans  le 
rapport  suivant  avec  les  différentes  formes  de  maladie  de  Brighl. 

Dans  la  néphrite  aiguë  21  0'0 

Dans  le  rein  contracté   '  */• 

Dans  le  rein  amyloide   -4  %> 

Selon  0.  Sturges,  la  pneumonie  serait  plus  commune  dans  le  rein 
amyloide  que  dans  les  autres  formes  de  maladies  de  Bright.  Rappelant  l'opi- 
nion de  Dickinson,  il  ajoute  que  dans  la  néphrite  parenchymateuse,  on 
observerait  des  péricardites  cl  des  pleurésies  plulôt  que  des  pneumonies  et 
que  dans  la  néphrite  interstitielle  il  y  aurait  peu  de  tendance  aux  inflam- 
mations parenchymateuses.  Ces  assertions  demandent  à  èlre  contrôlées. 

On  a  dit  que  la  pneumonie  est  commune  dans  les  affections  du  cœur, 
mais  cette  proposition  ne  me  paraît  pas  parfaitement  exacte.  Ce  qu'il  est 
fréquent  de  trouver  chez  les  cardiaques,  c'est  la  carhiGcation;  la  pneu- 
monie elle-même  est  assez  rare. 

Pour  la  tuberculose  la  question  est  controversée  Bernheim.  notam- 
ment soutient»  à  cet  égard,  l'opinion,  un  peu  absolue,  selon  moi,  qu'un 
phthisique  ne  peut  cire  pris  de  pneumonie  fibrineuse.  (Leçons  de  cli- 
nique médicale,  p.  59)  Enfait,  j'avoue  n'en  avoir  pas  observé  moi-même. 

Ln  pneumonie  n'est  point  rare  riiez  les  diabétiques.  Après  la  phthisier 


PNEUMONIE  LOHAIRE  AIGUË.  —  tableau  et  mauchb  dk  la  maladie.  405 

c'est  la  complication  à  'laquelle  ils  succombent  je  crois  le  plus  souvent. 

Les  cancéreux,  les  cirfhotiques  et  généralement  tous  les  cachectiques 
sont  fort  exposés  à  la  pneumonie.  C'est  chez  un  sixième,  au  moins,  la 
cause  de  la  mort. 

On  l'observe  aussi  à  la  suite  de  brûlures  et  d'autres  affections  chirurgi- 
cales dans  une  proportion  que  je  ne  suis  pas  en  état  de  déterminer.  J'ai 
■déjà  parlé  plus  haut  des  pneumonies  qui  succèdent  au  shoc. 

En  résumé,  les  causes  déterminantes  des  pneumonies  primitives  ou 
secondaires  envisagées  d'une  manière  générale,  se  réduisent  à  deux  : 
extrinsèques  ou  intrinsèques,  mais  il  n'est  pas  facile  de  faire  la  part  de 
chacune  d'elles. 

Aux  premières  assortissent  évidemment  les  pneumonies  contagieuses, 
manifestement  miasmatiques;  et  les  pneumonies  souy  la  dépendance  d'une 
constitution  médicale,  qu'on  admette  ou  non  pour  elles  une  influence 
miasmatique  mitigée.  Aux  secondes  appartiennent  les  pneumonies  qui 
sont  le  résultat  d'un  trouble  nerveux  ou  d'une  dyscrasie.  Mais  outre  les 
pneumonies  évidemment  de  cause,  soit  extrinsèque,  soit  intrinsèque,  il 
en  reste  un  certain  nombre  dont  la  cause,  probablement  extrinsèque  est 
encore  obscure  et  réclame  la  lumière  de  l'avenir. 

Tableau  et  marche  de  la  maladie.  —  Née  sous  l'une  quel- 
conque des  influences  que  nous  venons  de  passer  en  revue,  la  pneumonie 
évolue  de  différentes  manières.  Elle  débute  en  tous  les  cas  par  une  con- 
gestion à  laquelle  succède  une  exsudation  intra-alvéolaire  qui,  au  bout 
de  quelque  jours  se  résorbe  si  la  terminaison  doit  être  favorable.  Yoilà  le 
processus  de  la  pneumonie.  Mais,  autant  il  est  simple  et  régulier,  autant 
sont  complexes  et  variables  les  phénomènes  par  lesquels  il  se  révèle  : 
tantôt  les  symptômes  de  début  sont  solennels;  tantôt  ils  sont  insidieux; 
tantôt  la  flèvre  est  intense  ;  tantôt,  elle  paraît  manquer  ;  tantôt  des 
signes  physiques  d'auscultation  et  une  expectoration  caractéristique 
décèlent  clairement  la  lésion  ;  tantôt  ils  font  défaut  ainsi  que  l'expectora- 
tion; tantôt  l'affection  pulmonaire  reste  jusqu'à  la  lin  seule  maladie;  tantôt 
elle  se  complique  des  affections  les  plus  variées  et  les  plus  graves.  Bief,  je 
n'en  finirais  pas  si  je  voulais  rappeler  les  contrastes  qui  abondent  dans 
l'histoire  de  la  pneumonie  et  qui  la  rendent,  de  toutes  les  grandes  mala- 
dies internes,  l'une  des  plus  intéressantes  et  des  plus  difficiles  à  exposer. 

Eu  décrivant  une  espèce  morbide,  et  afin  que  leur  description  s'appli- 
que bien  à  toute  l'espèce,  les  pathologistes  empruntent  à  chacun  des  dif- 
férents types  dont  elle  se  compose  quelques  particularités,  de  même  que, 
dit-on,  les  statuaires  grecs  copiaient  sur  différents  individus  les  traits  qui 
leur  paraissaient  les  plus  parfaits.  Mais  cette  méthode  n'csL  pas  applicable 
quand  l'espèce  est  disparate  ou,  en  d'autres  termes,  quand  les  individus 
qui  la  composent  sont  fort  dissemblables  entre  eux.  Elle  aboutirait  à  pro- 
duire un  tableau  qui  non-"seulement  ne  ressemblerait  à  rien  de  réel,  mais 
qui  serait  môme  une  véritable  monstruosité.  Voilà  ce  qui  arriverait  si  je 
décrivais  la  pneumonie  en  mélangeant  les  traits  de  ses  différentes  varié- 
tés. Pour  ne  pas  tomber  dans  ce  défaut,  je  retracerai  le  type  commun, 


406  PNEUMONIE  LOBA  IRE  AIGUË.  -  tableau  et  habohb  de  u  malabik. 

régulier,  de  la  pneumonie  primitive,  celui  que  nous  avons  habituellement 
sous  les  yeux  dans  les  hôpitaux  de  noire  pays;  puis  quand  j'aurai  succes- 
sivement passé  en  revue  tous  les  symptômes  dont  le  groupement  constitue 
ce  type,  je  donnerai  un  aperçu  des  autres  formes,  mais  d'une  manière 
brève,  afin  de  ne  pas  tomber  dans  trop  de  redites. 

Tableau  du  type  commun  régulier.  —  Chez  le  quart  des  malades  il  y 
a  des  prodromes,  consistant,  dit  Grisolle,  en  malaise  général  avec  ou  sans 
perte  de  l'appétit  et  des  forces,  et  sensibilité  au  froid;  puis  survient  un 
frisson  violent,  presque  constant  chez  l'adulte  et  aussi  chez  le  vieillard 
(Charcot).  Ce  frisson,  dans  les  trois  quarts  des  cas,  est  le  symptôme 
initial  de  l'invasion  de  la  pneumonie. 

Après  le  frisson  qui  est  parfois  suivi  d'un  vomissement,  le  malade 
ressent  un  point  douloureux  siégeant  sur  l'un  des  mamelons  ou  latérale- 
ment à  la  base  de  la  poitrine;  puis  il  éprouve  de  l'oppression  et  com- 
mence à  tousser.  En  même  temps  il  se  sent  accablé  et  souffre  de  cépha- 
lalgie ;  beaucoup  éprouvent  le  besoin  immédiat  de  s'aliter. 

C'est  qu'en  effet  le  frisson  n'est  que  la  première  manifestation  d'une  fièvre 
intense.  Au  moment  où  il  a  lieu,  la  température  des  cavités  naturelles 
est  déjà  un  peu  au-dessus  de  la  normale.  A  partir  du  frisson,  elle  s'élève 
très  rapidement.  Chez  une  vieille  femme,  Quinquaud  (thèse  de  Monthus 
Paris  1868)  a  noté  les  chiffres  suivants  :  au  moment  du  frisson  58°, 5; 
un  quart  d'heure  après  59°, 5  ;  une  heure  après  41°  C.  Ce  dernier 
chiffre  est  à  la  vérité  un  peu  exceptionnel  et  chez  cette  malade  l'ascen- 
sion thermique  a  été  beaucoup  plus  rapide  que  d'habitude.  La  règle  est 
de  trouver  40°  C.  environ,  quelques  heures  après  le  frisson. 

Un  amendement,  momentané  peut  succéder  au  frisson  initial;  la 
température  s'abaisse  quelquefois  de  plus  d'un  degré  et  le  malade  éprouve 
un  bien  être  relatif.  Mais  c'est  là  un  calme  trompeur,  et  au  bout  de  quel- 
ques heures,  la  maladie  reprend  sa  marche.  La  température  remonte  à 
40°  et  s'y  maintient  ou  dépasse  ce  chiffre. 

Dès  le  lendemain  divers  signes  physiques  viennent  affirmer  l'existence 
de  la  pneumonie  et  nous  renseigner  sur  son  siège.  C'est  en  premier  lieu 
une  expectoration  spéciale,  caractéristique  et  ce  sont  des  signes  de  percus- 
sion et  d'auscultation,  dont  les  râles  crépitants,  signe  d'engouement 
pulmonaire,  sont  les  plus  décisifs. 

Le  surlendemain  du  frisson  et  même  le  jour  suivant,  on  observe  dans  le 
plus  grand  nombre  des  cas  une  extension  de  la  phlegmasre,  à  en  juger  par 
les  signes  physiques  :  les  râles  crépitants  d'abord  concentrés  en  un 
foyer  restreint,  par  exemple  dans  l'aisselle,  occupent  une  plus  large  sur- 
face, tandis  qu'un  nouveau  signe  d'auscultation,  du  souille,  signe  habituel 
de  l'hépatisation  confirmée,  occupe  le  point  primitivement  envahi  psi 
!es  râles  crépitants.  Pendant  plusieurs  jours  la  pneumonie  peut  s'étendre 

proche  en  proche  ;  parfois,  mais  fort  rarement,  elle  envahit  même  le 
poumon  du  côté  opposé. 

Pendant  ce  temps  la  fièvre  persiste,  continue,  sauf  des  rémissions  sur 
lesquelles  nous  reviendrons  plus  loin,  et  des  exacerbalions  dont  la  cause 


PNEUMONIE  LOBA  IRE  AIGUË,  symptomatologie  spécule.  407 


parfois  nous  échappe,  mais  le  plus  souvent  peut  être  rapportée  à  une 
extension  de  la  phlcgmasie.  L'état  général,  la  dépression  des  forces, 
l'anorexie,  etc.,  vont  en  s'aggravant  pendant  plusieurs  jours. 

Puis,  à  un  moment  qui  varie  entre  le  sixième  et  le  neuvième  jour, 
à  partir  du  début,  rarement  plus  tôt  ou  plus  tard,  il  y  a  dans  le  tableau 
svmptomatique  un  changement  assez  brusque,  dans  le  cas  où  la  maladie 
doit  guérir:  la  fièvre  tombe;  il  se  produit  parfois  quelques  phénomènes 
dits  critiques  :  des  sueurs,  un  sédiment  urinaire,  et  chez  le  vieillard,  sou- 
vent de  la  diarrhée;  les  signes  locaux  se  modifient,  l'hépatisatjon  se- 
résout,  à  en  juger  par  la  disparition  du  souffle  et  les  râles  de  retour,  et 
le  malade  entre  en  convalescence. 

Si  la  défervescence  n'a  pas  lieu,  la  suppuration  de  la  partie  hépatisée 
s'établit;  la  fièvre  persiste  et  le  malade  meurt  au  bout  d'un  temps  va- 
riable, soit  de  la  pneumonie  elle-même,  soit  par  le  fait  d'une  complication. 

Etudions  avec  quelques  détails  les  différents  symptômes: 

Symptomatologîe  spéciale.  —  Habitus  extérieur. — Bien  qu'il 
ne  soit  nullement  caractéristique,  il  suffit  souvent  à  un  médecin  expéri- 
menté pour  lui  faire  soupçonner  l'existence  d'une  pneumonie  :  la  face  est 
altérée  dans  presque  tous  les  cas  ;  non  qu'elle  présente  cette  animation 
banale  que  l'on  observe  dans  tout  malade  fébrile,  ou  qu'elle  soit  uniformé- 
ment rouge  et  vultueuse  :  d'habitude  le  front  et  le  sillon  naso-labial 
sont  pâles  tandis  que  les  pommettes  sont  fortement  colorées,  surtout  l'une 
d'elles  et  souvent  une  seule  exclusivement;  les  yeux  sont  un  peu  in- 
jectés; quelquefois  les  lèvres  sont  légèrement  cyanosées;  puis  le  long  du 
sillon  naso-labial  ou  autour  de  la  bouche,  existent  parfois  quelques  vési- 
cules d'herpès.  Quant  à  son  expression,  le  visage  accuse  la  souffrance, 
l'accablement,  et  surtout  la  dyspnée,  qui,  lorsqu'elle  est  très-prononcée, 
se  manifeste,  surtout  chez  les  enfants  par  des  mouvements  inspiratoires 
des  narines.  S'il  y  a  tendance  à  l'asphyxie,  les  muscles  auxiliaires  du  cou 
entrent  en  action  ;  on  remarque  une  cyanose  générale  des  extrémités  ; 
le  malade  est  anxieux  ;  il  s'assied  à  moitié  sur  son  lit,  la  tête  élevée. 

D'habitude  le  décubitus  se  fait  sur  le  dos;  du  côté  malade,  il  est  péni- 
ble et  même  douloureux  si  le  point  de  côté  est  intense  ;  cependant  les 
enfants  choisissent  souvent  ce  côté,  mais  alors  se  tiennent  immobiles,  en 
courbant  instinctivement  la  colonnne  vertébrale  du  côté  sain.  C'est  par 
cet  ensemble  de  symptômes  extérieurs  que  l'attention  du  médecin  est 
attirée  vers  l'appareil  respiratoire. 

symptômes  fournis  par  i, 'appareil  respiratoire.  —  1°  Point  de  côté.  — 
Il  siège  du  côté  de  la  pneumonie,  le  plus  souvent  au  niveau  du  mamelon, 
ou  bien  un  peu  en  bas  et  en  dehors,  exceptionnellement  en  dedans  du 
mamelon  et  plus  rarement  encore  dans  l'aisselle,  dans  le  liane,  ou  dans  la 
fosse  sous-épineuse. 

La  douleurest  vive  et  lancinante  chez  la  moitié  des  sujets;  quelquefois  elle 
est  fort  peu  accusée  et  il  faut  pour  la  réveiller  un  certain  degré  de  pres- 
sion. Elle  peut  manquer,  surtout  dans  le  cas  où  la  pneumonie  est  cen- 
trale ;  quant  à  sa  pathogenie,  l'explication  la  plus  satisfaisante  me  paraît 


•408 


PNEUMFNIE  LOBA  IRE  AIGUË.  —  dïpsméb. 


celle  de  Jurgensen  qui,  comparant  la  douleur  du  point  de  côté  à 
celle  du  panaris,  pense  qu'elle  est  le  résultat  de  la  pression  exercée  sur 
la  plèvre  par  le  poumon  augmenté  de  volume,  Dans  quelques  cas  lout  à 
l'ait  exceptionnels,  elle  s'esl,  dit-on,  manifestée  du  côté  opposé  au  pou- 
mon malade  (Lacnnec,  Gerliardl).  Selon  ce  dernier,  cette  anomalie 
s'expliquerait  par  les  anastomoses  qui  existent  entre  les  nerls  intercostaux 
de  l'un  et  de  l'autre  côlé. 

2°  Dyspnée.  —  Elle  est  non-seulement  objective,  mais  subjective, 
quelques  malades  se  plaignant  soit  d'un  sentiment  de  gène  au  moment  de 
l'entrée  tie  l'air  dans  la  poitrine,  soit  éprouvant  le  sentiment  angoissant 
du  besoin  d'air',  mais  c'est  seulement  la  dyspnée  objective  qui  doit  nous 
occuper  ici. 

A.  L'accélération  de  la  respiration,  qui  est  le  caractère  principal  de  la 
dyspnée  objective,  est  constante  et  souvent  considérable,  surtout  chez  les 
enfants  en  bas  âge  qni  peuvent  avoir  soixante-dix  à  quatre-vingts  respi- 
rations par  minule.  Elle  survient  peu  d'heures  après  le  début  de  la  mala- 
die, quelquefois  tout  à  fait  au  début,  avant  tout  autre  symptôme  physique. 
Non-seulement  le  chiffre  absolu  des  respirations  est  beaucoup  aug- 
menté, mais  ce  qui  a  plus  d'importance  pour  mettre  sur  la  voie  d'une 
affection  thoracique,  le  rapport  entre  la  fréquence  du  pouls  et  de  la  res- 
piration est  notablement  modifié.  Tandis  que  dans  les  maladies  fébriles 
qui  n'intéressent  pas  l'appareil  respiratoire,  il  est  comme  à  l'état  normal 
représenté  par  les  chiffres  :  2  ::  9,  il  devient  :  4,  5  ou  6  ::  9,  ce  qui 
tient  probablement  â  un  excès  d'acide  carbonique  dans  le  sang. 

Sauf  dans  quelques  cas  de  pneumonies  où  l'on  voit  une  dyspnée 
extrême  due  selon  toute  vraisemblance  à  une  congestion  concomitante 
du  poumon,  la  dyspnée  n'est  très-grande  en  général  qu'au  bout  de  quel- 
ques jours,  et  alors  elle  se  lie  souvent  à  l'existence  d'une  pneumonie 
très-étendue  ou  bi-latérale. 

Néanmoins  il  est  impossible  de  préjuger  à  l'aide  de  ce  seul  signe  l'éten- 
due de  la  phlegmasie  ;  car  il  y  a  à  cet  égard  de  nombreuses  excep- 
tions :  plusieurs  malades,  au  rapport  de  Grisolle  lui-même,  «  ont  succombé 
a  des  pneumonies  doubles  ou  avec  une  hépatisation  de  tout  un  poumon, 
et  cepcndanL  chez  eux  l'on  n'avait  jamais  compté  que  24,  28  ou  50  respi- 
rations par  minute,  tandis  que  chez  d'autres  malades,  qui  n'avaient  que 
des  pneumonies  très-circonscriles,  le  nombre  de  respirations  dépassait 
50  ou  60.  Plusieurs  faits^de  ce  genre  ont  été  vus  par  nous  pendant  l'épi- 
démie de  grippe  qui  régna  à  Paris  en  1857.  Le  plus  ordinairement  il  n'y 
avait  vers  la  plèvre,  le  poumon  et  le  cœur  aucune  complication.  Doit-on 
ilors  attribuer,  avec  les  pathologisles  anglais  la  dyspnée  et  l'accéléra- 
tion de  la  respiration  à  une  excitation  inflammatoire  de  tout  le  pou- 
mon? Ce  serait  faire  une  supposition  qu'il  nous  serait  impossible  de 
justifier  par  aucune  preuve  analomiquc  ou  symptonialiquc;  il  faut  ne 
voir  ici  que  des  différences  résultant  de  dispositions  individuelles  tenant 
à  une  impressiomiabilité  qui  n'est  pas  la  même  chez  ions,  à  une  idiosyn- 
crasie  dont  la  cause  reste  toujours  inexplicable  pour  nous.  » 


PNEUMONIE  LOBAIRE  AIGUË.  —  expectoiution. 


409 


Cette  opinion  de  Grisolle  ne  me  parait  juste  qu'en  partie  :  il  est  certain, 
pour  traduire  sa  pensée  dans  le  langage  actuel,  que  la  dyspnée  dépend  du 
degré  d'excitabilité  du  bulbe.  Or,  une  excitabilité  faible  n'est  pas  le  résul- 
tat d'une  idiosyncrasie,  c'est-à-dire  d'une  disposition  individuelle.  Un 
médecin  comme  lui  n'aurait  pas  dû  oublier  que  l'excitabilité  varie  avec 
l'état  des  malades.  Dans  le  collapsus,  dans  la  période  terminale,  elle  tombe 
au  minimum  ;  dans  la  phase  sthénique  de  la  maladie,  elle  est  exaltée,  de 
sorte  qu'il  suffit  de  transporter  du  poumon  au  bulbe  Vinflammatory  ex- 
citement  de  Slokes  pour  que  la  vue  du  médecin  anglais  exprime  une 
réalité  au  lieu  d'une  cireur. 

Ce  n'est  pas  seulement  un  sang  anormal  par  sa  température  ou  sa 
teneur  en  gaz  qui  est  susceptible  d'exciter  le  centre  respiratoire  du 
bulbe  ;  on  sait  qu'on  arrive  encore  au  même  résultat  par  l'excitaton  des 
nerfs.  Tout  porte  à  croire  qu'il  peut  en  être  ainsi  dans  la  pneumonie. 

Bouillaud  croit  que,  toutes  choses  égales,  la  pneumonie  du  sommet 
donne  lieu  à  une  dyspnée  plus  forte  que  la  pneumonie  de  la  base.  Si  le 
fait  est  exact,  l'exagération  de  la  dyspnée  s'expliquerait  par  une  action 
réllexe,  car,  ainsi  que  nous  le  verrons  plus  loin,  les  pneumonies  qui  occu- 
pent le  sommet  excitent  certainement  plus  de  troubles  réflexes  que  celle 
de  la  base. 

B.  Le  type  respiratoire  peut  n'éprouver  dans  la  pneumonie,  d'autre 
modification  que  celle  qui  résulte  de  la  douleur  du  côté  affecté  ;  mais  si 
la  dypsnée  est  forte,  les  muscles  accessoires  entrent  en  action.  Chez  l'en- 
fant, les  contractions  énergiques  du  diaphragme  rétrécissent  la  base  de 
la  poitrine  et  projettent  à  chaque  inspiration  l'épigastre  et  les  viscères 
abdominaux.  Lorsqu'il  y  a  un  état  aspbyxique  et  une  accélération  extrême 
des  mouvements  respiratoires,  ils  sont  naturellement  très-superficiels. 

5°  Toux.  —  La  toux,  est  constante,  sauf  exception  des  plus  rares; 
mais  elle  est  beaucoup  moins  intense  que  dans  la  bronchite.  9  fois  sur 
10  elle  débute  dans  les  douze  premières  heures  à  partir  du  frisson.  C'est 
donc  un  symptôme  précoce.  En  général,  le  point  de  côté  et  la  toux  s'ex- 
citent l'un  l'autre.  En  effet  on  conçoit  facilement  que  la  secousse  de  la 
toux  augmente  le  point  de  côté.  Et  quant  à  l'influence  inverse,  on  la 
comprend  aussi  aisément  si  l'on  réfléchit  que  le  malade  éprouvant,  à  cause 
de  la  dyspnée, le  besoin  de  respirer  plus  profondément  est  arrêté  par  la 
douleur,  ce  qui  augmente  la  sensation  de  dyspnée  et  provoque  immédia- 
tement la  loux. 

On  a  noté  que  lorsque  la  pneumonie  marche  vers  une  issue  fatale,  la 
fréquence  de  la  toux  diminue  ;  ebez  les  vieillards  elle  est  en  général  plus 
discrète  que  chez  l'adulte. 

Expectoration  —  Elle  est  caractéristique  dans  la  pneumonie  fran- 
che, à  cause  de  la  couleur  et  de  la  consistance  spéciales  des  crachats.  On 
sait  qu'elle  fait  défaut  chez  les  enfants.  Ce  qui  suit  a  donc  exclu- 
sivement Irait  aux  pneumonies  franches  primitives  de  l'adulte  et  du 
vieillard. 

Bans  le  tiers  des  cas,  les  crachats  sont  sanguinolents  dès  le  premier 


410 


PNEUMONIE  LOBAIRE  AIGUË.  —  bxwhjtohatwh. 


jour  de  la  maladie;  mais  bien  qtie  colorés  fortement  par  le  sang,  au 
point  de  présenter  une  coloration  de  brique  pilée,  ds  ne  sont  jamais  alors 
constitués  par  du  sang  pur.  Une  expectoration  exclusivement  sanglante 
devrait  faire  supposer  l'existence  de  tubercules  ;  en  général  d'ailleurs 
ils  ne  gardent  pas  longtemps,  quand 'ils  le  possèdent,  le  caractère  san- 
guinolent et  ils  prennent  l'apparence  de  gelée  d'abricot,  qui  parfois  sur- 
vient dès  le  début,  ou  même  une  coloration  plus  pâle  encore;  ils  peu- 
vent ensuite,  mais  plus  rarement,  offrir  une  teinte  verdâtre  ou  même 
porracée  ;  puis  ils  deviennent  blancs  opaques  ou  bien,  beaucoup  moins 
fréquemment,  ils  revêtent  la  couleur  du  cbocolat  au  lait  ou  du  jus  de 
réglisse,  ce  qui  est  en  général  un  signe  de  mauvais  augure. 

On  sait  que  ces  diverses  colorations  des  crachats  pneumoniques,  sauf 
dans  certains  cas  la  coloration  verte,  sont  simplement  produites  par  la 
matière  colorante  du  sang  épanché  dans  les  voies  aériennes  en  proportion 
variable.  Des  crachats  couleur  brique  doivent  se  rencontrer  dans  le  cas 
où  la  fluxion  est  intense,  des  crachats  gelés  d'abricots,  lorsqu'elle  est 
minime  ,  à  moins  que  l'abondance  de  l'hémorrhagie  soit  plutôt  en 
rapport  avec  un  degré  de  fragilité  des  capillaires  particulièr  à  l'in- 
dividu ;  mais  je  penche  plutôt  pour  la  première  hypothèse,  attendu 
que  l'expectoration  rouilléc  manque  dans  certaines  épidémies. 

Quant  à  la  coloration  verdâtre,  elle  tient  quelquefois  à  la  présence  de 
la  biliverdine,  ainsi  qu'on  peut  s'en  assurer  par  la  réaction  de  Gmelin, 
et  alors,  c'est  une  complication,  sur  laquelle  nous  aurons  occasion  de- 
revenir;  mais  dans  un  certain  nombre  de  cas  les  crachats  peuvent  pré- 
senter une  coloration  parfaitement  verte,  en  l'absence  de  la  biliver- 
dine, ce  qui  peut  s'expliquer,  ainsi  que  me  l'a  fait  remarquer  mon  ami 
Cazeneuve,  si  les  crachats  ont  une  réaction  franchement  alcaline,  par 
le  dédoublement  de  la  matière  colorante  du  sang  en  matières  albumi- 
noides  et  en  hématine,  laquelle  en  présence  des  alcalis  a  une  coloration 
verdâtre.  Quelquefois  enfin  la  coloration  verte  des  crachats  dépend  de 
la  présence  de  productions  parasitaires. 

En  1868,  Cornil  a  montré  à  la  Société  de  biologie  des  «  crachats  ver- 
dâtres  recueillis  dans  un  cas  de  pneumonie  aiguë  très  intense.  »  (Il  n'est 
pas  dit  à  quelle  période  de  la  pneumonie).  «A  l'examen  microscopiques 
cette  coloration  parait  due  à  la  présence  de  petits  corpuscules  à  doubles 
contours,  offrant  entre  ces  deux  contours  une  couleur  verte  très  brillante. 
Ces  corpuscules  déposés  en  amas  quadrilatères  ressemblent  à  ceux  de  la 
sarcine,  mais  sont  d'un  diamètre  beaucoup  moins  grand  que  ces  derniers. 
On  trouve  de  plus  dans  les  préparations  des  corpuscules  plus  gros,  à 
double  contour,  remplis  de  granulations,  ayant  une  couleur  jaune  ou< 
verte,  et  enfin  des  corps  volumineux  remplis  de  grosses  granulations  de 
la  même  couleur.  Ces  éléments  ne  se  modifient  pas  sous  l'influence  des 
réactifs  tels  que  la  potasse,  l'acide  sulfurique,  qui  agissent  habituelle- 
ment sur  les  matières  organiques.  Cornil  pense  qu'il  s'agit  ici  de  pro- 
ductions végétales.  »  (4°  série,  tome  V,  p.  59). 

En  1875,  sans  connaître  la  découverte  de  Cornil,  Rosenbacha,  de  son 


PNEUMONIE  LOBAIRK  AIGUË.  —  expectoration. 


411 


côte,  signalé  la  nalure  végétale  de  crachats  verts,  mais  il  ne  s'agissait 
pas  dans  son  cas  d'un  pneumonie,  mais  d'un  asthme. 

Après  leur  couleur,  le  caractère  le  plus  frappant  des  crachats  pneu- 
moniques  est  leur  viscosité,  qui  leur  permet  d'adhérer  fortement  au  fond 
du  vase. 

Leur  quantité  diurne  est  variable,  et  il  faut  faire  ici  une  remarque  : 
tous  les  crachats  qu'expectore  une  pneumonique,  ne  sont  pas  néces- 
sairement pneumoniques  ;  tous  ne  sont  pas  visqueux  et  colorés  ;  il  en 
est  de  purement  muqueux  provenant  des  parties  non  enflammées  du  pou- 
mon. Si  l'on  ne  tient  compte  que  des  crachats  vraiment  pneumoni- 
ques, leur  quantité  est  en  général  minime  ;  elle  est  parfois  presque 
nulle,  ce  que  Buhl  explique  en  disant  que  l'inflammation  est  exactement 
limitée  aux  alvéoles  et  n'a  pas  envahi  les  fines  bronches.  Bien  rarement 
la  quantité  de  70  à  80  grammes  par  jour  est  dépassée.  Dans  un  travail 
de  Ricsell-Huppert,  que  j'aurai  plusieurs  fois  l'occasion  de  citer,  il  est 
dit  que  dans  un  cas  de  pneumonie  de  tout  le  poumon  gauche  à  la  pé- 
riode d'état,  les  crachats  s'élevaient,  au  maximum,  à  07  grammes  par 
jour;  le  minimum  était  de  55  grammes.  Dans  le  premier  cas  ils  renfer- 
maient 5  grammes  et  dans  le  second  1,9  de  substance  sèche.  Comme  la 
proportion  de  substance  sèche  était  moindre  à  mesure  que  la  quantité 
totale  diminuait,  il  ne  s'agissait  pas  d'une  simple  concentration,  ainsi 
qu'on  eût  pu  le  supposer  a  priori.  Il  est  intéressant  de  noter  qu'à  la 
période  de  résolution  la  diminution  fut  plus  accusée  encore  :  la  quantité 
des  crachats  ne  dépassa  pas  8,8  par  jour,  avec  un  gramme  seulement  de 
matières  lixes. 

De  tels  faits,  et  ils  constituent  la  règle,  sont  absolument  opposés  à 
l'idée  de  Rindfleisch,  que  la  masse  principale  de  l'exsudat  est  reje- 
tée par  l'expectoration,  opinion  qui  parait  d'ailleurs  peu  vraisemblable, 
quand  on  songe  à  l'étroitesse  des  canal iculcs  respirateurs  aboutissant 
à  l'alvéole  et  à  la  facilité  avec  laquelle  du  sang  injecté  dans  les  voies 
aériennes,  chez  le  lapin,  est  résorbé  par  la  paroi  alvéolaire,  puisqu'au 
bout  de  peu  de  minutes  on  trouve  beaucoup  de  globules  rouges  dans  le 
tissu  interstitiel  (Nolhnagel,  Virchow's  Archiv,  Bd.  LXXI). 

C'est  exceptionnellement  que  l'expectoration  devient  fort  abondante 
lors  de  la  résolution  ;  et  encore,  dans  ces  cas,  il  est  possible  qu'il  s'a- 
gisse d'un  flux  bronchique.  Biermer  a  sans  doute  commis  cette  confu- 
sion, en  évaluant  à  550  grammes  le  poids  journalier  de  l'expectoration, 
à  ce  moment. 

Par  V examen  microscopique,  outre  du  mucus,  reconnaissable  à  sa  réac- 
tion microchimique  et  des  globules  du  sang  rouges  et  blancs,  on  trouve, 
dans  un  bon  nombre  de  cas,  quand  on  prend  la  peine  de  les  rechercher, 
des  petits  cylindres  pleins,  ramifiés,  moules  des  bronches  les  plus  fines. 
Remak,  le  premier,  les  a  découverts,  en  1845,  à  la  clinique  de  Schon- 
lein,  à  Berlin,  et  les  observa  dans  un  grand  nombre  de  cas  de  pneumo- 
nie (50).  II  y  avait  alors  une  constitution  médicale  particulière.  Remak 
les  considéra  comme  un  produit  d'exsudation;  Gublcr ,  qui  étudia  avec 


•il  2 


PNEUMONIE  LOBÀ1RE  AIGUË.  —  mknsuhaho.n. 


soin,  quelques  aimées  après,  des  concrétions  semblables  dit,  qu'à  l'exa- 
men microscopique,  il  a  retrouvé  à  leur  surface  des  cellules  à  cils  vibra* 
tiles,  et  la  même  observation  a  été  laite  par  le  professeur  Kïiss.  Gublcr 
et  Grisolle  ont  tiré  de  ce  fait  la  conclusion  que  la  concrétion  lihiineuse 
ne  peut  être  due  qu'à  la  fibrine  du  sang;  mais  cette  conclusion  n'est  pas 
justifiée,  car  un  exsudât  peut  se  l'aire  à  la  surface  de  l'épilhélium,  sans 
entraîner  sa  chute. 

On  doit  à  Renk  l'analyse  chimique  de  l'expectoration  dans  deux  cas 
de  pneumonie,  (le  second  était  compliqué  de  bronchite).  Dans  le  premier, 
voici  la  moyenne  de  11  jours  (en  grammes). 

Quantité.  Tau.  Mucus.        Albumine.  Graisse.  Sels. 

26  25,66  0,32  0,8  0.015  0,17 

Dans  le  second ,  je  rapporte  les  analyses  de  trois  jours.  La  seconde 

ligne  correspond  au  jour  de  la  défervescenec  qui  est  arrivée  le  cinquième 
jour. 

Quantité,                Eau.  Mucus.               Graisse.  Sels. 

45                  45,7  0,56                0,609  0,57 

145                 159  1,51                0,028  1,41 

155                 147  1,68                0,056  Iy5i 

Ici  l'albumine  n'a  pas  été  dosée. 

Le  chlorure  de  sodium  constitue  la  moitié  environ  des  sels.  Beale,  dans 
trois  cas,  a  trouvé  : 

Dans  100  parties  de  matières  solides.  I"  2*  5* 

Sels  fixes   24,78        52,8  20,67 

Chlorure  de  sodium   10  18  12,6 

D'après  Bamberger,  les  sels  des  crachats  pneumoniques,  comparés  à 
ceux  des  crachats  de  bronchite,  présentent  les  particularités  suivantes  : 

1°  Ils  ne  renferment  pas  de  phosphates  alcalins,  tandis  que  les  sels  des 
crachats  de  bronchite  en  contiennent  10  à  14  pour  cent  ; 

2°  Ils  sont  plus'riches  en  soude  qu'en  potasse,  contrairement  à  ce  qui 
a  lieu  pour  les  crachats  de  bronchite  ; 

5e  Ils  renferment  8  pour  cent  d'acide  sulfurique,  tandis  que  les  crachats 
de  bronchite  n'en  ont  que  5  pour  cent. 

Au  moment  de  la  résolution,  la  composition  chimique  des  crachats 
pneumoniques  se  rapproche  de  celle  des  crachats  de  bronchite ,  et  la 
proportion  de  graisse  y  est  plus  élevée. 

Ajoutons  enfin  que  le  sucre  y  a  été  signalé  par  Walshe  et  par  Beale  et 
la  tyrosine  par  Griesinger,  dans  un  cas  où  il  n'y  avait  pas  d'ictère  et  qui 
se  termina  par  la  guérison  (thèse  déjà  citée  de  Bleuler). 

5°  Inspection  et  mensuration  de  la  poitrine.  —  J'ai  déjà  signalé  que, 
parle  fait  de  la  douleur,  le  côté  malade  peut  se  dilater  un  peu  moins 
que  le  côté  sain.  Parfois  l'inspection  a  révélé,  dans  des  cas  de  pneumonie 
très-étendue,  une  légère  voussure  sous-claviculaire.  indépendante  de 
toute  pleurésie  et  ne  durant  que  pendant  la  période  la  plus  aigue  de  la 
maladie. 


PNEUMONIE  LOUAI  P.  E  AIGUË.  — 


PEBCUSSION. 


413 


D'une  manière  générale,  dit  AYoillez,  «  la  mensuration,  employée 
dans  le  cours  de  la  pneumonie,  révèle  une  amplialion  et  une  rétrocession 

eu  rapport  avec  les  progrès  croissants  et  décroissants  de  la  maladie  

La  ligne  de  descente  correspondant  à  la  résolution  de  la  pneumonie,  n'est 
pas  aussi  accusée  que  dans  l'bypérémie  simple  et  se  prolonge  plus  tardive- 
ment... Cela  se  comprend  par  l'existence  de  l'hépatisation.  Ces  données 
n'ont  pas  de  valeur  diagnostique ,  mais  elles  jettent  un  jour  nouveau 
sur  la  marche  et  le  traitement  de  la  pneumonie  ,  en  y  montrant  la  part 
respective  de  l'inflammation  et  de  la  congestion.  »  Wintrich  et  Ziemssen 
qui  ont,  au  lieu  de  mesurer,  comme  Woillez,  la  périphérie  générale 
du  thorax,  pratiqué  la  mensuration  comparative  de  chacune  de  ses 
moitiés,  ont  aussi  trouvé  une  augmentation  de  volume  du  côté  malade  ; 
mais  vu  les  différences  individuelles  qui  existent,  comme  on  sait,  entre 
les  deux  moitiés  du  thorax,  les  résultats  acquis  par  la  mensuration  n'ont 
de  valeur  que  si  on  peut  continuer  celle-ci  après  la  guérison  de  la 
maladie. 

6°  Percussion.  —  Elle  fournit  des  signes  d'une  toute  autre  valeur; 
cependant  il  ne  faut  pas  croire  qu'ils  soient  toujours  positifs.  Ainsi  on 
eût  pu  s'imaginer  a  priori  qu'il  doit  exister  toujours  de  la  matité  dès 
que  l'hépatisation  a  envahi  la  surface  du  poumon  dans  une  certaine  éten- 
due. Or,  chez  les  emphysmateux  la  matité  fait  généralement  défaut. 
Cependant,  par  une  percussion  extrêmement  faible,  on  peut  éviter  l'er- 
reur résultant  de  la  consonnance  des  parties  emphysémateuses;  mais  une 
percussion  légère  ne  donne  des  résultats  positifs  que  si  le  sujet  n'est  pas 
chargé  d'embonpoint. 

Laissant  de  côté  le  cas  particulier  des  sujets  emphysémateux,  voyons 
ce  que,  dans  les  conditions  ordinaires,  la  percussion  nous  révèle. 

A,  dans  le  ■premier  stade  de  la  pneumonie,  on  a  quelquefois  l'occasion 
de  constater  du  tyinpanisme  au  niveau  même  des  parties  qui  seront  ulté- 
rieuremeut  atteintes  (l'hépatisation.  Ce  fait  a  été  bien  établi  par 
Woillez  et  Wintrich.  Ce  dernier  assure  que  l'élévation  de  la  tonalité  n'est 
pas  modifiée,  que  la  bouche  soit  ouverte  ou  fermée. 

B,  à  la  période  d'hépalisalion,  si  celle-ci  est  superficielle,  comme 
c'est  la  règle,  elle  est  décelée  par  une  matité  qui  varie  de  la  sub-niatité 
à  la  matité  presque  absolue. 

En  même  temps,  cesl  à  dire  à  la  période  d'hépatîsation,  on  rencon- 
tre dans  un  assez  grand  nombre  de  pneumonies,  une  exagération  de 
l'intensité  de  la  sonorité  qui  a  beaucoup  frappé  les  premiers  cliniciens 
qui  la  constatèrent,  lludson,  Graves,  Williams  etc.,  et  les  induisit  en 
erreur.  On  sait  aujoud'bui  qu'elle  ne  doit  pas  être  rapportée  à  un 
pneumothorax,  mais  à  la  congestion  pulmonaire  concomitante.  C'est 
un  symptôme  commun  qui  s'observe,  si  on  le  cherche  suffisamment, 
dans  plus  de  la  moitié  des  cas. 

Thomas  fait  d'ailleurs  remarquer  avec  justesse  qu'au  niveau  môme 
de  la  matité,  le  son  est  toujours  à  un  certain  degré  tympanique.  sur- 
tout chez  l'enfant,  et  qu'il  est  modifié  par  l'ouverture  et  la  fermeture  de 


414 


PNEUMONIE  LOBAIRÊ  AIGUË.  —  ausculta™». 


la  bouche  :  ce  qui  prouve  la  consonnance  de  l'air  contenu  dans  les  grosses 
bronches. 

Exceptionnellement,  la  percussion  fait  constater  un  bruit  de  pot  fêlé, 
ce  qui  n'est  d'ailleurs  pas  fort  extraordinaire,  puisqu'on  le  trouve, 
comme  on  sait,  à  l'état  normal,  de  chaque  côté  du  sternum  chez  un  cer- 
tain nombre  d'enfants,  surtout  du  côté  gauche.  On  peut  donc  le  consi- 
dérer dans  la  pneumonie  comme  une  exagération  du  son  trachéal  de 
Williams,  autrement  dit,  comme  une  variété  de  son  tympanique.  C'est 
aussi  l'opinion  de  Woillez  qui,  a  toujours  vu  le  bruit  de  pot  fêlé  pneumo- 
nique  coïncider  avec  le  tympanisme. 

Quatre  fois  sur  six  il  s'agissait  de  pneumonies  droites;  le  bruit  de  pot 
fêlé  a  été  perçu  dans  la  région  susclaviculaire,  au  niveau  des  deuxième 
et  troisième  côtes  et  des  espaces  intercostaux  voisins,  l'hépatisation  occu- 
ltant la  base  du  poumon.  Dans  ces  quatre  pneumonies  droites,  il  a  offert 
cette  particularité  qu'il  n'a  été  constaté  qu'un  seul  jour,  du  o"  au  10''  de 
la  maladie,  au  moment  où  elle  était  dans  sa  plus  grande  acuité.  Dans  une 
pneumonie  gauche,  ce  symptôme  insolite  a  duré  jusqu'au  26e  jour. 

Il  importe  d'ajouter,  ce  qui  n'est  pas  indifférent  au  point  de  vue  de  la 
théorie  de  sa  production,  qu'il  est  influencé  à  un  haut  degré  par  l'ouver- 
ture ou  la  fermeture  de  la  bouche. 

C.  Si  la  résolution  de  la  pneumonie  a  lieu,  elle  se  manifeste,  d'après  le 
professeur  Thomas  par  un  caractère  un  peu  tympanique  de  la  matilé  ; 
puis  le  lendemain  et  les  jours  suivants  la  matité  diminue  progressive- 
ment. 

Si,  au  contraire,  la  pneumonie  passe  à  l'hépatisation  grise  il  n'y  a  pas 
de  signe  de  percussion  particulier. 

7°  Auscultation  de  la  respiration:  A.  Dans  le  1er  stade.  —  On 
sait,  depuis  la  découverte  de  Laënnec,  qu'au  premier  stade,  la  pneu- 
monie se  révèle  par  des  râles  crépitants.  Au  dire  de  Stokes,  une  respi- 
ration puérile  précéderait  la  crépitation  d'une  ou  de  plusieurs  heures. 
Grisolle,  qui  n'a  «  jamais  constaté  la  respiration  puérile  comme  signe 
initial  ou  précurseur  de  la  crépitation  »,  dit  que  celle-ci  peut  être  pré- 
cédée, pendant  un  temps  plus  ou  moins  long,  par  un  affaiblissement  du 
bruit  respiratoire,  qui  souvent  aussi  avait  perdu  sa  pureté  et  son  moel- 
leux; ces  symptômes  seraient  sous  la  dépendance  de  la  fluxion  sanguine. 
Plus  récemment,  Stephenson  Smith,  chez  reniant  [Edité,  mal.  dourn. 
1800,  nov.)  et  Waters  de  Liverpool  (Brilisli  med.  dourn.  1870)  ont  de 
nouveau  insisté  sur  l'exagération  du  murmure,  comme  symptôme  initial, 
qu'ils  expliquent,  comme  Stokes,  par  une  congestion  avec  sécheresse  du 
tissu  pulmonaire.  Il  est  assez  curieux  que  les  auteurs  anglais  soient 
les  seuls  à  parler  de  ce  symptôme. 

Le  râle  crépitant  n'a  pas  d'ailleurs  la  valeur  palhognomonique  que  lui 
avait  attribuée  Laënnec  ;  malgré  cela,  c'est  un  signe  si  important  que  l'on 
peut  dire  sans  exagération  avec  Grisolle  que  «  lorsque  la  pneumonie  se 
révèle  par  quelques  signes  slhéloscopiqucs,  la  crépitation  en  est  le  phéno- 
mène le  plus  constant.  »  (page  235.) 


PNEI  MONIE  LOUAI  RI-]  AIGUË. 


  AUSCULTATION. 


415 


C'est  une  erreur  de  dire  que  les  râles  crépitants  sont  égaux  entre  eux; 
le  plus  souvent  on  perçoit  une  bouffée  de  bulles  nombreuses  et  fines, 
parmi  lesquelles  une  auscultation  attentive  permet  de  reconnaître  des 
bulles  plus  grosses.  Un  caractère  fort  important  est  qu'on  les  perçoit 
exclusivement  pendant  V inspiration. 

Quoi  qu'en  ait  dit  Laënnec,  les  râles  crépitants  ne  sont  pas  constants 
au  début  de  la  pneumonie.  Grisolle  a  vu  quatre  pneumonies  «  dans  les- 
quelles il  est  certain  que  le  ràlc  crépitant  n'a  existé  à  aucune  époque  de  la 
maladie.  »  De  son  côté,  Woillcz  dit  avoir  constaté  que  sur  soixante- 
treize  pneumonies,  dix-buit  fois,  c'est-à-dire  dans  le  quart  des  cas,  le  râle 
crépitant  n'a  élé  perçu  que  tardivement,  c'est-à-dire  un  certain  temps 
après  que  dans  d'autres  points  Vhépatisalion  était  franchement  déclarée. 
Sur  ces  dix-buit  cas,  il  en  compte  quatre  dans  lesquels  il  n'y  a  pas  eu 
trace  de  râle  humide  pendant  toute  la  durée  de  la  maladie,  et  trois  au- 
tres dans  lesquels  le  râle  crépitant,  survenu  après  le  souffle  et  la  bron- 
chopbonie,  n'apparaissait  que  par  la  toux.  Chez  tous  les  autres,  le  râle 
crépitant  n'est  survenu  qu'après  les  autres  signes  de  la  pneumonie,  et 
chez  quelques-uns  bien  tardivement,  puisqu'il  n'est  apparu  que  le  trei- 
zième, le  seizième  et  le  dix-septième  jour. 

B  Dans  le  2e  stade.  —  L'hépatisation  se  manifeste  à  l'auscultation 
par  la  respiration  ou  souffle  bronchique  et  tubaire,  qui  consiste,  comme 
on  sait,  en  ce  que  le  murmure  normal  est  remplacé  par  un  bruit  soufflant 
et  rude.  A  son  degré  le  plus  faible,  il  s'entend  seulement  à  l'expiration, 
et  à  son  degré  le  plus  accentué,  ressemble,  soit  pendant  l'inspiration, 
soit  pendant  l'expiration,  au  bruit  que  l'on  produirait  en  soufflant  avec 
force  dans  un  tube  de  métal.  Entre  les  deux  degrés  extrêmes,  il  existe 
tous  les  intermédiaires  possibles.  Cependant  il  y  a,  et  au  point  de  vue 
acoustique  et  au  point  de  vue  spécial  qui  nous  intéresse  ici  particuliè- 
rement, c'est-à-dire  au  point  de  vue  de  la  séinéiotique  de  la  pneumonie, 
une  si  grande  différence  entre  la  respiration  bronchique  faible,  unique- 
ment ou  presque  uniquement  expiratrice,  et  le  souffle  tubaire,  métallique 
à  l'inspiration  et  à  l'expiration,  qu'il  est  nécessaire  de  les  distinguer  par 
un  nom  différent.  Afin  de  ne  pas  faire  de  néologisme,  j'ai  l'habitude, 
dans  mon  enseignement,  de  me  servir  seulement  des  épithètes  bron- 
chique et  tubaire,  mais  en  prévenant  que  je  ne  les  fais  pas  synonymes  : 
j'appelle  respiration  ou  souffle  bronchique  la  respiration  peu  modifiée 
ou  à  peine  modifiée  à  l'inspiration,  rude  à  l'expiration,  et  dont  le  type 
est  le  souffle  pleurétiquc  quand  il  nesl  pas  aigre;  je  réserve  le  nom  de 
tubaire  à  la  respiration  qui  est  métallique  môme  à  l'inspiration. 

La  respiration  bronchique  et  la  respiration  tubaire,  définies  comme 
je  viens  de  le  faire,  peuvent  toutes  deux  s'entendre  dans  la  pneumonie  à 
la  période  de  l'hépatisation.  S'il  existe,  je  suppose,  une  hépalisation 
limitée  au  lobe  inférieur  du  poumon  droit,  on  pourra  entendre  de  la  respi- 
ration tubaire  à  la  base  de  ce  poumon  dans  une  étendue  variable,  puis 
plus  haut,  dans  une  étendue  également  variable,  la  respiration  aura  sim- 
plement le  timbre  bronchique.  Quelquefois  c'est  cette  dernière  qu'on 


m  PNEUMONIE  LOBA1RE  AIGUË,  —  vibbawoks, 

entend  seule  au  niveau  de  la  portion  liépatisée,  à  l'exclusion  de  la  respi- 
ration tubaire. 

Souvent,  je  suppose  toujours  qu'il  existe  une  pneumonie  limitée  à  la 
base  droite,  outre  le  souffle  bronchique  qui  y  est  perçu,  on  entend,  au 
niveau  de  la  racine  de  la  bronche  droite,  un  souffle  bronchique;  ce  n'est 
pas  qu'il  existe  à  ce  niveau  un  autre  point  d'hépatisation  ;  ce  signe  est 
symptomatique  d'une  congestion  pulmonaire  concomitante. 

Ainsi  la  respiration  bronchique,  même  dans  le  cas  où  existe  une 
pneumonie,  n'est  pas  nécessairement  produite  par  l'hépatisation.  J'ajoute 
qu'une  hépatisation,  même  étendue,  n'est  pas  nécessairement  accompa- 
gnée de  souffle.  Je  reviendrai  plus  loin  sur  ce  l'ait  si  important  pour  le 
diagnostic. 

A  la  période  de  résolution  de  la  pneumonie,  le  souffle  diminue  pro- 
gressivement. On  entend  beaucoup  de  râles  humides  lins  et  gros.  Aux 
premiers,  on  a  donné  le  nom  de  râles  crépitants  de  retour,  dénomination 
impropre,  car  ces  râles  n'ont  de  commun  avec  le  vrai  râle  crépitant  que 
le  nom.  Outre  les  râles  bullaires,  il  existe  en  quantité  variable  des  râles 
vibrants. 

Si  la  pneumonie  passe  à  l'hépatisation  grise,  le  souffle  persiste,  mais 
il  est  quelquefois  passagèrement  masqué  par  de  gros  râles  vibrants.  De 
plus  on  entend  beaucoup  de  râles  bullaires  assez  semblables  à  ceux  de 
la  résolution. 

8°  Auscultation  de  la  voix.  —  En  général,  la  bronchophonie  c'est 
à-dire  la  résonnanec  exagérée  diffuse  et  soufflante  de  la  voix  est  en  rap- 
port avec  l'intensité  de  la  respiration  bronchique  et  tubaire.  On  comprend 
cependant  qu'il  n'en  soit  pas  toujours  ainsi,  j'aurai  occasion  de  revenir 
sur  ce  point.  (Voy.  le  ehapitre  formes  de  la  pneumonie). 

9°  Vibrations  thoraciques.  — D'après  Monncret  qui  a  attaché  le  plus 
d'importance  à  ce  symptôme  comme  signe  de  solidification  du  tissu  pul- 
monaire, elles  sont  toujours  augmentées  ;  mais  cette  opinion,  fort  exclu- 
sive, a  été  avec  raison  contredite  par  les  meilleurs  observateurs.  Grisolle 
dit  n'avoir  remarqué  une  augmentation  des  vibrations  au  niveau  de  la 
partie  liépatisée  que  dans  sept  cas  sur  seize;  chez  cinq  malades  il  était, 
dit-il,  incontestable  que  les  vibrations  étaient  diminuées;  dans  les  quatre 
autre  cas,  il  n'existait  entre  les  deux  côtés  aucune  différence  sensible. 
Woillez  arrive  presque  à  la  même  conclusion.  Les  résultats  de  mon 
observation  personnelle  s'écartent  un  peu  moins  de  ceux  de  Monneret. 
Néanmoins  on  comprend  que  l'augmentation  des  vibrations  thoraciques  ne 
puisse  avoir  dans  la  séméiologie  de  la  pneumonie  l'importance  du  souffle 
tubaire  ou  de  la  bronchophonie,  puisqu'elle  manque  fort  souvent, 
alors  même  que  ces  deux  symptômes  existent.  La  plupart  des  cliniciens 
sont,  en  pareil  cas,  disposés  à  admettre  la  coexistence  d'une  certaine 
quantité  de  liquide  dans  la  plèvre.  .Mais  celle  conclusion  n'est  pas  tou- 
jours exacte,  car  une  mince  couche  de  liquide  n'arrête  pas  les  vibrations 
thoraciques.  Le  plus  ou  moins  de  perméabilité  des  grosses  bronches  a 
beaucoup  plus  d'importance  à  cet  égard  (Voy.  le  chapitré  Fùrmes). 


PNEUMONIE  LOBAIRE  AIGUË.  —  ventilation  pulmonaire.  417 

10°  Ventilation  pulmonaire;  température  de  l 'air  expiré. — C'est  un 
sujet  à  peine  ébauché,  bien  qu'on  ait  depuis  longtemps  songé  à  l'explorer. 
Ainsi  Nysten  et  Hervier  Saint-Léger  ont  trouvé  la  proportion  d'acide  car- 
bonique diminuée  dans  l'air  expiré;  mais  comme  ils  n'ont  pas  tenu 
compte  de  la  quantité  d'air  qui  a  passé  par  les  voies  aériennes  pendant  un 
temps  donné,  ce  résultat  n'a  qu'une  valeur  médiocre.  Tout  récemment, 
P.'iiil  Ilcgnard  a,  sur  trois  pneumoniques,  mesuré  la  quantité  absolue 
d'oxygène  absorbé  et  d'acide  carbonique  exhalé  en  une  heure  ;  il  a 
trouvé  d'une  manière  générale  une  grande  augmentation  de  la  quantité 
d'oxygène  absorbé  et  une  faible  augmentation  de  la  quantité  d'acide 
carbonique  exhalé,  par  rapport  à  l'état  physiologique;  d'où  il  suit  que 
chez  ces  malades,  il  y  a  une  quantité  d'oxygène  beaucoup  plus  grande 
qu'à  l'état  normal,  servant  à  faire  autre  chose  que  de  l'acide  carbonique. 
Chez  l'homme  sain,  on  retrouve  dans  l'acide  carbonique  expiré  les  9/10 
de  l'oxygène  absorbé;  c'est  ce  qu'on  exprime  en  physiologie  en  disant  que 
CO2 

le  rapport  —  =  0,9.  Or,  dans  beaucoup  d'états  pathologiques,  et  c'est 

le  cas  pour  la  pneumonie,  ce  rapport  est  plus  ou  moins  diminué. 
Voici  les  résultats  de  Regnard  : 

1°  Homme  de  25  ans  pesant  62  kilogrammes,  double  pneumonie. 
T=59°,8. 

Oxygène  absorbé  par  lieure  3011,-,4 

Acide  carbonique  exhalé  18 


Rapport  —  =0,59. 


~ô  z 

Chez  ce  malade,  l'air  expiré  renfermait  une  forte  proportion  d'oxygène  (18,4). 

2°  Homme  de  55  ans,  pneumonie  gauche  aiguë.  T  =  59°,8. 

Oxygène  absorbé  par  heure  29m,,87 

Acide  carbonique  exhalé  par  heure  '21  ,56 

COa 

Rapport  --  —  0,1-2.  (Regnard  écrit  0,75  par  erreur.) 
Teneur  en  oxygène  de  l'air  expiré  17  ,7 

5°  Homme  de  40  ans,  40  kilogrammes,  pneumonie  gauche  au  troisième 
jour.  T  =  40°. 

Oxygène  absorbé  par  heure  29lu* 

Acide  carbonique  exhalé  par  heure  18  ,24 

Rapport  ^  =  0,63. 

Teneur  en  oxygène  de  l'air  expiré  17  ,2 

Il  y  aurait  lieu  de  poursuivre  ces  recherches  qui  sont  tout  à  fait  au 
début.  Il  serait  fort  important  d'y  joindre  l'élude  de  la  température  de 
l'air  expiré,  que  l'on  dit  avoir  trouvé  abaissée.  Connaissant  la  quantité 
d'air  expiré,  on  en  déduirait  la  proportion  de  chaleur  dégagée  par  les 
poumons. 

NOUV.   DICT.  JIÉD.  ET  CUIR.  XXVIII  —  27 


\  I  s 


l'NliUMONIK  LOUAI h K  AlliUË.  —  kièviik. 


SiÊYiie.  —  La  lièvre  de  la  pneumonie  fibrineuse  est  continue.  Ce 
caractère  thermique  distingue  nettement  celle-ci  de  la  broncho-pneu- 
mouie  où  la  lièvre  a  un  type  rémittent  très-marqué.  Ce  n'est  pas  à  dire 
cependant  que  dans  la  pneumonie  lihriiieuse  il  n'y  ail  nulle  rémission  le 
malin;  ce  serait  une  erreur,  mais  la  rémission  matutinale  n'est  pas,  en 
général,  considérable;  elle  ne  dépasse  guère  chez  l'adulte  qnalre  dixièmes 
de  degré,  cl  elle  n'est  pas  régulière. 

C'est  chez  l'enfant  surtout  qu'on  a  signalé  la  possibilité  de  rémissions 
survenant  surtout  le  matin,  irrégulièrement  d'ailleurs,  et  bellement 
prononcées  que  lorsqu'une  d'elles  survient  le  malin  du  quatrième  ou  du 
cinquième  jour,  par  exemple,  on  peut  croire  à  une  défervescence  précoce. 
On  leur  a  donné  le  nom  de  rémissions  pseudo-critiques. 

Habituellement  la  température  (dans  le  rectum)  est  comprise  entre 
59°, 8  et  40°4  centigrades.  Une  température  constamment  au-dessus  de 
40°, 5  est  rare  et  ne  s'observe  que  dans  les  cas  très-grave-. 

Je  viens  de  parler  de  rémissions,  mais  il  y  a  aussi  des  exacerbations 
qui  reconnaissent  souvent  pour  cause  une  extension  de  la  lésion  pulmo- 
naire. Cela  est  surtout  manifeste  quand  la  pneumonie  envahit  l'autre 
poumon;  il  y  a  aussi  des  exacerbations  dont  la  cause  échappe;  on  en  a 
signalé  une  de  ce  genre  le  jour  qui  précède  la  crise  {perturbatio  prsecri- 
tica)  (Wutiderlich). 

Chez  le  vieillard  on  pourrait,  si  l'on  n'y  prenait  garde,  méconnaîtra 
l'existence  d'une  fièvre  même  intense,  tant  ses  caractères  extérieurs  sont 
parfois  peu  marqués.  Cbarcot  a  insisté  sur  les  faits  de  ce  genre  et 
montré  qu'il  ne  suffit  pas  de  compter  le  pouls  et  d'explorer  la  tempéra- 
ture de  la  peau  ;  il  faut  avoir  recours  à  la  Ibermomélrie  et  à  la  therino- 
métric  dans  une  cavité  naturelle,  telle  que  le  rectum,  plutôt  que  dans 
l'aisselle  :  souvent  alors  on  est  étonné  de  lire  une  température  de  40°  cen- 
tigrades, alors  que  la  peau  .ne  paraît  pas  chaude  et  que  les  extrémités 
sont  froides.  Ce  phénomène,  si  bizarre  en  apparence,  est,  en  réalité,  bien 
simple  à  expliquer.  En  général,  les  vieillards  ne  peuvent  produire  que 
très-peu  de  chaleur.  Ils  ne  sont  donc  en  état  d'élever  leur  température 
centrale  au  degré  fébrile  qu'en  limitant  au  minimum  leur  dépense  en 
calorique,  tandis  que  l'enfant  et  l'adulte,  qui  sont  capables  de  produire 
surabondamment  de  la  chaleur,  en  perdent,  sauf  à  certains  moments  (par 
exemple  pendant  le  frisson),  beaucoup  par  la  peau,  ainsi  que  le  prouve 
la  chaleur  périphérique  exagérée  qu'ils  présentent.  On  voit  par  là  l'in- 
térêt de  l'étude  exacte  de  la  température  des  parties  périphériques;  elle 
nous  permet  d'apprécier  jusqu'à  un  certain  point  l'énergie  de  la  pro- 
duction de  chaleur.  Le  traité  de  diagnostic  de  Piorry  (t.  111)  renferme 
quelques  mensurations  de  température  périphérique  dans  la  pneumonie. 
Ou  a  ensuite  complètement  abandonné  ces  recherches  dont  on  a  méconnu 
la  portée;  elles  n'ont  été  reprises  que  tout  récemment  (Lorain,  Couty, 
Torio,  Schùlein). 

Le  fait  qui  s'en  dégage,  c'est  la  haute  température  de  la  périphérie, 
dans  lu  pneumonie:  d'après  Schùlein  (Virch.  Arcli.  Bl.  LX.V1.  p.  109, 


PNKUMONIK  LOUAI  HE  AIGUË.  —  èiëm.  419 


187<î).  la  pneumonie,  ainsi  que  la  scarlatine  et  peut-être  la  rougeole  se. 


.  Fie.  28.  —  Courbes  de  lu  température  du  rectum  (ligne  supérieure),  Je  lu  bouche  (ligne  moyenne),  et 
fourbe  de  la  fréquence  du  pouls  (ligne  inférieure^,  ebez  un  homme  de  51  ans  atteint  de  pneumonie 
lobaire  droite,  entré  à  l'hripilal  le  troisième  jour  de  sa  maladie  (G  juillet).  Le  7  et  surtout  le  8, 
rémission  matutiuale  portant  sur  les  3  courbes;  déïervcscence  le  12.  (Lorais.  De  la  température  du 
corps  humain,  t.  II,  flg.  154.) 

i  distinguerait  de  la  dotliicnentéric,  du  rhumatisme  articulaire,  de  l'éry- 


420 


PNEUMONIE  LOBAI  RE  AIGUË.  —  fièvre. 


sipèlc,  etc.,  en  ce  que  la  courbe  de  la  température  des  extrémités  (me- 
surée tous  les  quarts  d'heure)  est  parallèle  à  la  courbe  de  l'aisselle.  Ainsi 
non-seulement  le  pneumonique  perd  relativement  beaucoup  de  chaleur 
par  la  peau,  mais  il  la  perd  d'une  manière  égale  et  uniforme,  ce  qui  n'a 
pas  lieu  avec  autant  de  régularité  dans  d'autres  maladies  fébriles.  Celte  as- 
sertion fort  intéressante  demanderait  à  être  vérifiée,  car  les  recherches 
de  Schùlein  ont  été  fort  peu  multipliées.  Elle  n'est,  en  tous  cas,  pas 
d'accord  avec  les  résultats  antérieurs  de  Jacobson  ;  mais  ce  dernier 
(Virch,  Arch.  LXV,  520),  n'a  examiné  qu'un  seul  cas  de  pneumonie  et 
(p.  524)  2  jours  seulement  avant  la  crise;  encore  le  premier  de  ces 
deux  jours  plusieurs  des  résultais  sont  douteux  d'après  lui-même  :  (ce 
jour  il  aurait  trouvé  une  différence  de  8  degrés  entre  l'aisselle  et  la  paume 
de  la  main  ;  plus  tard,  après  la  crise,  il  n'y  avait  plus  qu'une  différence 
de  1  degré  à  2,  9  entre  l'aisselle  et  les  divers  points  de  la  peau.  Ce 
sont  donc  des  recherches  à  poursuivre,  et  encore,  pour  quelles  aient  une 
portée  incontestable,  il  faudra  y  joindre  la  mesure  de  la  chaleur  dégagée 
par  l'air  expiré,  étude  pleine  de  difficulté,  attendu  qu'elle  réclame  qu'on 
mesure  le  volume  de  l'air  expiré  en  24  heures.  Ce  n'est  donc  pas  de 
sitôt  que  seront  recueillies  et  coordonnées  toutes  ces  données  indispen- 
sables pour  établir  le  bilan  de  la  chaleur  produite  dans  la  pneumonie. 

En  attendant  nous  savons  déjà  que  la  pneumonie  est,  en  général  plus, 
pyrétique  que  d'autres  maladies,  par  exemple  que  la  pleurésie  ;  qu'elle 
l'est  moins  que  la  fièvre  typhoïde,  non  que  la  moyenne  des  chiffres  de 
température  relevés  chez  un  pneumonique  n'égale  ou  ne  puisse  même 
dépasser  celle  que  l'on  obtiendrait  chez  un  typhique  à  la  deuxième  se- 
maine, mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  chez  ce  dernier  la  période  fébrile 
est  beaucoup  plus  longue  ;  de  plus  il  est  un  autre  élément  de  compa- 
raison fort  important  que  signale  Jurgensen,  c'est  que  l'on  pourrait  beau- 
coup plus  facilement  abaisser  la  température  d'un  pneumonique  que  celle 
d'un  typhique  roit  au  moyen  de  la  quinine,  soit  par  les  bains  froids,  la 
température  des  deux  malades  étant  supposée  la  même. 

Nous  avons  vu  plus  haut  que  dans  presque  tous  les  cas  qui  se  termi- 
nent d'une  manière  favorable,  il  se  fait  au  bout  de  quelques  jours  une  dé- 
fervescence  plus  ou  moins  critique.  Les  chiffres  suivants  nous  renseignent 
exactement  sur  la  date  précise  de  cette  défervescence  : 

D'après  la  statistique  de  Jurgensen  comprenant  721  observations  ther- 
mométriques empruntées  à  Griesinger,  Lcbert,  Naunyn.  Thomas,  Wun- 
derlich  et  Zicmssen,  ce  serait  : 


Au  bout  de 

2  jours 

•i  fois. 

Au  lioul  de 

10  jouis 

5  — 

57  — 

Il  '  — 

4  — 

30  — 

12  — 

5  — 

120  — 

15  — 

(>  — 

87  — 

L4  — 

7  — 

105  — 

15  — 

8  — 

!)l  — 

16  — 

0  — 

72  — 

La  défervescence  commence  d'habitude  dans  la  nuit,  au  momen 


PNEUMONIE  LOBAIRf]  AIGUË.  —  pouls. 


421 


la  rémission  matutinalc,  très-rarement  au  milieu  du  jour.  En  quelques 
heures,  la  température  tombe  à  la  normale  ou  au-dessous.  D'après  la  sta- 
tisque  de  Lebert  ce  résultat  a  été  obtenu  : 


En 


12  heures 
24  — 
56  — 


45  fois. 
25  — 
40  — 


En 


48  heures 
00  — 
72  — 


12  lois. 
2  — 
1  — 


■■1 

Février 

ïami 

15 

17 

18 

160  42 


150\U1 


13039 


«0  3  8 


110  37 


wmwm 
■■■■■ 

■■■Cil 


En  résumé,  on  peut  dire  que,  dans  les  deux  tiers  des  cas,  la  fièvre  tombe 
entre  le  cinquième  et  le  sixème  jour,  et  que  sept  fois,  sur  huit,  elle 
a  lieu  par  crise  et  non  par  lysis. 

Les  jours  qui  suivent  la  défer- 
vescence,  on  peut  observer  de  pe- 
tites élévations  de  température  sur- 
venant sous  des  influences  variées. 
.  Je  trouve  dans  le  Médical  Times 
.and  Gazette  (12  mars  1877,)  un 
cas  où  à  la  suite  d'une  pneumonie 
du  sommet  il  y  eut  pendant  plu- 
:  sieurs  jours  une  élévation  de  tem- 
]  pérature,  et  il  est  dit  que  selon 
IRinger,  dans  le  service  duquel  se 
l  trouvait  le  malade,  à  University 
i  Collège,  cette  fièvre  devait  recon- 
naître pour  cause  une  résorption 
des  produits  inflammatoires.  J'i- 
gnore si  Ringer  accepte  la  respon- 
sabilité de  cette  assertion,  qui  ne 
paraît  guère  fondée  vu  l'extrême 
rareté  de  cette  fièvre  à  laquelle  je 
ne  vois  point  d'analogue,  si  ce 
n'est  la  fièvre  post-typhoïde  sur 
laquelle  a  beaucoup  insisté  le  pro- 
fesseur Bernheim   [Clinique  mé- 
'dicale,  p.  519  et  suivantes). 

Dans  le  cas  de  terminaison  fatale,  on  peut  (mais  pas  d'une  manière 
■'.nécessaire)  observer  l'une  des  deux  alternatives  :  ou  bien  la  température 
-s'élève  au-dessus  de  40°  5,  et  dans  le  stade  praiagonal,  au-dessus  de 
141°, 5  (Wunderlich  a  observé  45°  C),  ou  bien  la  mort  arrive  dans  le  col- 
dapsus,  la  température  tombant  à  un  degré  sub-fébrile.  Ce  dernier  cas 
s'observe,  de  préférence,  chez  les  vieillards,  les  sujets  affaiblis  et  présen- 
tant des  lésions  cardiaques;  mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  la  termi- 
miison  par  le  collapsus  est  de  beaucoup  plus  rare. 

Je  dois  me  borner  ici  aux  faits  précédents,  mais  on  trouvera  aux 
chapitres  diagnostic  et  pronostic  quelques  autres  indications  sur  la 
[(température  fébrile  dans  la  pneumonie. 

Pouls.  —  Il  doil  être  examiné:  1°  quant  à  sa  fréquence  ;  2°  quant  à  sa 
i  forme. 


Fig.  il).  —  Courbe  île  la  température  tin  rectum 
(ligne  supérieure) ,  et  île  la  fréquence  du  pouls 
(ligne  intérieure),  dans  un  cas  de  pneumonie  de 
tout  le  poumon  droit,  ayant  débuté  le  S  février  et 
terminé  par  la  mort  le  11)  malin.  (Ces  deux  lobs 
élant  en  état  d'bépattsalion  grise  commençante). 
L'observation  de  la  température  et  du  pouls  s'ar- 
rête 9  heures  avant  la  mon.  (Loiunr.  Ile  la  tem- 
pérature du  corps  humain,  t.  11,11g.  165). 


IW'KUMOiNIE  LOBAIHE  AIGUË.  —  poui.s. 


1°  Dans  les  maladies  aiguës,  la  fréquence  du  pouls  peut  être  étudiée 
absolument,  et  dans  ses  rapports  avec  le  degré  de  température  et  la  fré- 
quence de  la  respiration.  La  fréquence  absolue  du  pouls  augmente  beau- 
coup dans  la  pneumonie.  Sur  108  pneumoniques  ayant  guéri,  Grisolle  a 
trouvé  (pie,  chez  près  des  trois  quarts,  le  pouls  avail  dépassé  L00  :  chez 
plus  de  la  moitié,  il  a  varié  de  100  à  116;  il  ne  s'est  élevé  au  delà  de  1 10 
que  chez  moins  du  cinquième.  Dans  une  autre  série  de  pneumoniques  dont 
la  maladie  a  eu  une  issue  funeste,  le  pouls  a  présenté  en  moyenne  10  pul- 
sations de  plus.  11  est  donc  vrai  de  dire  que  la  fréquence  du  pouls  est, 
d'une  manière  générale,  en  rapport  avec  la  gravité  de  la  maladie. 

Les  séries  précédentes  ne  comprennent  que  des  adultes  —  et  aussi,  sans 
doute,  quelques  sujets  un  peu  avancés  en  âge.  Chez  l'enfant,  les  chiffres 
moyens  sont  tout  différents  :  de  1  à  2  ans,  on  constate  souvent  1  70  à  100, 
quelquefois  200,  presque  jamais  moins  de  160  pulsations.  Ce  n'est  que 
dans  la  deuxième  enfance  que  l'on  en  compte  que  120  à  140. 

11  existe,  comme  on  sait,  une  certaine  relation  entre  le  pouls  et  la  tem- 
pérature clans  toutes  les  maladies  aiguës  consistant  d'abord  dans  le  l'ait 
bien  connu  que  les  courbes  de  la  température  et  de  la  fréquence  du 
pouls  chez  le  même  sujet  sont  sensiblement  parallèles  ;  mais  il  y  a  en- 
core entre  elles  un  autre  rapport,  moins  étroit  à  la  vérité  mais  plus 
remarquable  et  en  vertu  duquel  à  une  température  de  40°  C,  par  exem- 
ple, correspondra  chez  deux  pneumoniques,  du  même  âge,  à  peu  près  le 
même  chiffre  de  pulsations.  Or  ce  chiffre  est  toujours  plus  élevé  que  si 
les  sujeLs  ayant  40°  étaient  atteints  de  fièvre  typhoïde. 

Quant  au  rapport  de  la  fréquence  du  pouls  et  de  la  respiration,  j'en 
ai  traité  au  paragraphe  dyspnée. 

2°  Passons  à  l'examen  des  principales  qualités  du  pouls;  (a)  la  forme; 
(b)  l'amplitude  ;  (c)  la  force. 

a)  Règle  générale:  dans  la  pneumonie,  comme  dans  toute  affection  fé- 
brile, le  pouls  est  plus  ou  moins  dicrote  ;  ainsi  que  l'a  bien  dit  Wolff, 
c'est  principalement  la  température  qui  influe  sur  l'intensité  du  dicrotisme; 
mais  elle  n'est  pas  le  facteur  exclusif,  car  mes  observations  person- 
nelles me  permettent  d'affirmer  qu'à  température  égale,  le  pouls  est 
moins  dicrote.  dans  la  pneumonie  franche  que  dans  la  fièvre  typhoïde. 
J'ai  été  heureux  de  trouver  la  même  opinion  exprimée  par  Galabin  qui 
ajoute,  relativement  au  pouls  de  la  pneumonie  franche  comparé  à  celui 
de  la  dotbiénentéric  les  deux  caractères  suivants  :  lu  «  11  supporte  sans 
être  déformé  une  plus  forte  pression  au  moins  dans  les  premiers  jours  de 
la  maladie;  2°  les  angles  sont  plus  aigus  et  le  sommet  plus  vertical.  »  Je 
puis  aussi  confirmer  l'exactitude  de  cette  dernière  remarque.  Enfin 
Galabin  pense  que  des  deux  causes  de  dicrotisme,  la  faible  tension  et  la 
brusquerie  de  l'ondée  lancée  par  le  cœur,  la  dernière  joue  dans  la  pneu- 
monie un  plus  grand  rôle  que  dans  la  fièvre  typhoïde,  de  sorte  que  le 
pouls  a  plutôt  le  type  dicrote  sthénique. 

Pendant  le  cours  de  la  maladie,  la  forme  du  pouls  subit  de  profondes 
modifications.  Les  tracés  suivants  que  j'emprunte  à  Lorain,  le  montrent 


PNEUMONIE  LOBAIRE  AIGUË.  —  pouls.  825 

i  d'iinr  manière  saississante  fig.  50.  Dans  un  cas  d'effervescence  il  a  eu  lieu 
i  entre  le  4e  et  le  5°  tracé. 

b)  Quant  a  l'amplitude,  on  en  juge,  soit  par  la  palpation,  soit  mieux 
.  encore  par  le  tracé  sphyginographique.  On  sait  qu'elle  n'est  pas  en  relation 
;  avec  la  force,  et  qu'un  pouls  ample  peut  être  en  même  temps  1res  mou 


Fit».  ôU.  —  Tracés  spliymographiqu.es,  dans  un  cas  de  pneumonie  fibrineuse  franche,  chez  un  homme 
de  50  ans,  ayant  débuté  le  25  mars. 

Il"  tracé,  29  mars  matin.  T.  II.  40°, 4. 

:  2*  50  mars  matin.  T.  R.  10», 45,  dicrotisme  plus  accusé  (à  cause  sans  doute  de  la  faiblesse  plus  grande 

du  malade), 
r  3*  tracé,  1"  avril.  T.  R.  39°,7,  pouls  faible. 

14*  tracé,  2  avril.  T.  R.  59",5,  le  pouls  présente  les  mêmes  caractères. 

55"  tracé  (le  lendemain  de  la  défervcsccnce).  T.  R .  37°, 2,  le  pouls  n'a  plus  les  caractères  du  pouls  fébrile. 
—  Deui  jours  après  la  convalescenec  étant  établie,  plateau  avec  polycrotisme.  (boiut*.  De  la  tem- 
pérature du  corps  humain,  t.  Il,  fi;;.  157). 

au  doigt,  c'est-à-dire  présenter  peu  de  tension.  Ce  n'est  pas  rare  dans  la 
|  pneumonie. 

c)  La  force  ou  la  dureté  du  pouls  indique  l'état  de  la  tension  artérielle. 
1  La  sphygmographie  ne  permet  pas  de  l'apprécier.  Avec  de  l'habitude,  le 

doigt  donne  des  indications  assez  sûres.  Mieux  vaudrait  sans  doute  un  ins- 
i  trument  récemment  inventé  par  le  professeur  Marey  [Comptes  rendus 
11878,  2e  semestre)  mais  qui  n'a  point  encore,  à  ma  connaissance,  été 

utilisé  dans  la  clinique  des  maladies  fébriles. 


PNEUMONIE  LOBAIUE  AIGUË.  -  sang. 


D'après  le  professeur  Jaccoud,  le  phénomène  de  la  récurrence  palmaire 
peut  fournir  d'utiles  indications  sur  l'état  de  la  tension  artérielle. 
«  A  l'état  de  santé,  dit-il,  lorsqu'après  avoir  comprimé  l'artère  radiale, 
l'on  appuie  dessus  avec  un  doigt  de  l'autre  main,  on  constate  que  la 
pulsation  rétrograde  apparaît,  pour  ainsi  dire,  instantanément,  et 
qu'elle  a  les  mêmes  qualités  de  force  et  d'amplitude  que  le  battement 
normal.  11  n'en  est  plus  ainsi  dans  la  maladie.  Dès  que  la  puissance 
contractile  du  cœur  faiblit,  la  pulsation  récurrente  palmaire  retarde  dans 
son  apparition,  et  elle  est  notablement  moins  forte  que  la  pulsation  nor- 
male directe  ;  à  mesure  que  l'impulsion  cardiaque  diminue,  le  battement 
se  ralentit  notablement,  jusqu'à  ce  qu'il  ne  soit  plus  perceptible  qu'à 
de  rares  intervalles,  ce  qui  est  de  fâcheux  augure.  » 

Pouls  paradoxal.  —  On  sait  qu'à  l'état  physiologique  pendant  une 
inspiration  modérée,  la  tension  artérielle  augmente,  ainsi  qu'on  en  peut 
facilement  juger  par  une  légère  ascensiondes  maxima  des  pulsations,  sur 
un  tracé  sphygmographique.  Au  contraire,  quand  un  sujet  vigoureux,  ayant 
des  muscles  inspirateurs  puissants,  fait  une  inspiration  énergique  en  fer- 
mant la  bouche  et  en  pinçant  le  nez,  la  tension  artérielle  baisse,  à  cause 
de  la  tension  négative  qui  se  produit  dans  le  thorax.  C'est  ce  qu'on  appelle 
le  pouls  paradoxal.  On  l'observe  parfois  dans  la  pneumonie,  alors  que 
le  malade,  loin  de  mettre  obstacle  à  l'entrée  de  l'air  de  la  poitrine, 
dilate  ses  narines  à  chaque  effort  inspiratoire.  Cela  tient-il  à  ce  que  le 
poumon,  solidifié  dans  une  grande  étendue,  n'augmente  pas  assez  de 
volume  au  moment  de  l'inspiration  pour  combler  le  vide  produit  par  la 
dilatation  du  thorax?  Est-il  un  signe  d'affaiblissement  du  cœur?  Je  ne 
puis  faire  autre  chose  que  signaler  ces  interprétations. 

Irrégularités  du  pouls.  —  On  a  parfois  l'occasion  de  constater 
des  irrégularités  du  pouls  dans  la  pneumonie.  Tantôt  ce  symptôme  se 
présente  chez  un  malade  âgé,  athéromateux,  ou  chez  un  sujet  dont  les 
battements  cardiaques  sont  sourds  et  précipités  ;  il  s'agit  alors  évidem- 
ment d'un  trouble  grave  de  l'innervation  cardiaque;  tantôt  le  malade 
ne  présente  jusque-là  rien  d'anormal  du  côté  du  cœur;  l'état  général  est 
bon  et  la  pneumonie  est  arrivée  au  sixième  ou  septième  jour.  Dans  ce 
cas,  l'irrégularité  du  cœur,  si  elle  survient,  ce  qui  est  d'ailleurs  peu 
commun  (Nothnagel),  a  une  toute  autre  signification  :  c'est  un  signe  de 
crise  prochaine,  par  conséquent  de  terminaison  favorable  (Grisolle,  Jur- 
gensen). 

§ANG.  _  C'est  au  moyen  de  saignées,  de  ventouses  ou  de  piqûres  au 
doigt  qu'on  peut  l'étudier.  Mais  ce  sont  seulement  les  saignées  copieuses 
qui°en  fournissent  une  quantité  suffisante  pour  l'analyse  chimique.  C'esl 
ainsi  qu'Andral  et  Gavanct  ont  pu  établir  quelques  laits  importants. 
.Malheureusement,  il  n'existe  pas  de  méthode  pour  apprécier  la  modifi- 
cation capitale  qu'éprouve  le  sang:  la  diminution  de  sa  masse. 

Globules  rouges.  —  Nous  avons  cependant  un  moyen  de  la  démon- 
trer, sinon  d'apprécier  à  combien  elle  s'élève  :  en  effet,  la  matière  colo- 
rante de  l'urine  éliminée  dans  les  vingt-quatre  heures  est,  dit-on,  en  quan- 


PNEUMONIE  LOBA  IRE  AIGUË.  —  sang. 


425 


tité  quadruple  de  ce  qu'elle  est  à  l'état  normal.  Or,  la  proportion  des  glo- 
bules rouges  diminue,  mais  pas  de  moitié,  ainsi  que  le  montre  la  mé- 
thode de  la  numération,  et  les  analyses  d'Andral  et  Gavarrel.  D'après  ces 
auteurs  le  poids  des  glohules  secs  s'abaisse  dans  l'espace  de  trois  à  cinq 
jours  jours  de  moins  d'un  quart  ;  encore  faut-il  remarquer  que  les  sujets 
d'Andral  et  Gavarret  avaient  subi  l'influence  de  deux  ou  trois  saignées 
qui  avaient  dû  contribuer  à  l'hypoglobulie.  Nous  sommes,  par  consé- 
quent, en  droit  de  conclure  que  la  proportion  des  globules  rouges  ne  di- 
minue pas  de  la  moitié.  Si  cependant  la  matière  colorante  de  l'urine  est 
en  quantité  quadruple  ou  même  seulement  double,  n'est-ce  pas  un  motif 
pour  admettre  une  diminution  de  la  masse  totale? 

Je  ne  donne  d'ailleurs  cette  preuve  que  pour  ce  qu'elle  vaut,  et  ne  me 
fais  pas  d'illusion  sur  sa  rigueur.  Heureusement,  il  y  a  d'autres  preuves 
également  indirectes,  par  exemple  la  diminution  de  la  tension  arté- 
rielle, etc.,  qui  plaident  dans  le  même  sens. 

Au  moment  de  la  crise  il  peut  se  produire,  si  les  sueurs  sont  très  abon- 
dantes, une  concentration  passagère  du  sang  bientôt  suivie  d'un  élat  in- 
verse, si  le  malade  boit  beaucoup. 

D'après  uno  analyse  faite  par  P.  Regnard,  le  pouvoir  qu'a  le  sang 
d'absorber  de  l'oxygène  ne  serait  pas  diminué  dans  la  pneumonie.  Malheu- 
reusement P.  Regnard  n'a  fait  qu'une  seule  fois  cette  recherche  : 

«  Un  homme  de  quarante-cinq  ans,  très-fort,  est  pris  de  pneumonie 
sur  presque  tout  le  poumon  gauche.  Il  meurt  avec  une  température 
élevée  de  41°,  4,  le  quatrième  jour,  sans  autre  complication.  La  capa- 
cité respective  du  sang  recueilli  après  la  mort  est  de  27  p.  100;  c'est, 
dit  Regnard,  le  chiffre  normal.  » 

Si  cet  intéressant  résultat  était  confirmé,  il  serait  une  nouvelle  preuve 
à  l'appui  de  ce  que  je  disais  tout  à  l'heure,  à  savoir  que  l'hémoglobine 
n'est  certainement  pas  (dans  une  quantité  donnée  de  sang)  diminuée  de 
moitié.  Donc  la  pneumonie  —  et  cela  est  d'accord  avec  l'observation  clinique 
journalière  —  n'est  pas  une  maladie  qui  détermine  l'hypoglobulie  autant 
que  le  rhumatisme  articulaire  aigu.  Cette  conclusion  est  d'autant  plus 
remarquable  que,  dans  la  pneumonie,  il  y  a  un  exsudât  considérable  de 
600  grammes.  (Voy.  plus  haut). 

Globules  blancs.  —  La  numération  des  globules  blancs,  parallèlement 
à  celle  des  globules  rouges,  est  une  recherche  qui  me  paraît  avoir 
beaucoup  d'utilité  dans  certain  cas.  J'y  reviendrai  plus  loin.  (Voy.  ter- 
minaisons et  diagnostic) . 
Fibrine.  —  On  doit  sur  ce  sujet  de  précieux  documents  à  Andral 
■  et  Gavarret  :  «  Sur  quatre-vingt-quatre  saignées  pratiquées  dans  le  cours 
1  de  pneumonies  non  caractérisées,  il  y  en  eut  sept  seulement  où  le  chiffre 
i  de  la  fibrine  oscilla  entre  4  et  5  (c'est-à-dire  fut  peu  augmenté)  ;  dans  les 
:  soixante-dix  autres,  il  dépassa  ce  dernier  chiffre,  se  maintenant  onze 
I  fois  entre  5  et  6  ;  dix-neuf  l'ois  entre  0  et  7,  quinze  fois  entre  7  et  8;  dix- 
•  sept  fois  entre  8  et  9,  neuf  l'ois  entre  9  et  10  ou  dépassant  même  un  peu 
(  ce  dernier  chiffre.  »  D'où  il  suit  que,  d'après  ces  auteurs,  l'augmentation 


426  PNEUMONIE  COBAIRE  AIGUË.  —  ciu.ne. 


de  la  (ibrinc  est  un  fait  constant  et  que  la  pneumonie  est  une  des  phleg- 
masies  où  ce  caractère  est  le  plus  accusé. 

Je  n'insisterais  pas  sur  l'importance  de  ces  résultats,  si,  vu  leur 
date  déjà  éloignée  de  nous,  ils  n'étaient  un  peu  Irop  oubliés  aujonrd'bui 
par  les  auteurs  qui  veulent  distraire  la  pneumonie  de  la  classe  des 
phlegmasies.  Je  reviendrai  d'ailleurs  sur  ce  point. 

Matériaux  solides  du  sérum.  —  Voici  comment  se  comportent,  dans 
les  sept  cas  d'Andral  et  Cavarret,  les  matériaux  solides  du  sérum  :  une  l'ois 
état  stationnaire  avec  oscillations,  une  fois  abaissement  insignifiant  de 
84  à  80  ;  une  fois  ils  tombent  de  85  à  75  ;  trois  fois  ils  s'élèvent,  à  savoir  : 
de  07  à  75,  de  85  à  01  et  de  85  à  01.  On  voit  donc  qu'en  somme,  le 
chiffre  des  matériaux  solides  du  sérum  ne  s'abaisse  pas,  comme  on  aurait 
pu  le  croire,  au-dessous  du  chiffre  normal,  malgré  l'énorme  soustraction 
que  fait  au  sang  l'exsudat  pneumoiiique.  Ceci  me  paraît  prouver  qu'en 
définitive,  les  matériaux  de  l'exsudat  sont  fournis  pour  la  majeure  part, 
non  par  le  sang  lui-même,  mais  par  les  tissus  de  l'économie,  le  sang  ne 
jouant  que  le  rôle  de  véhicule. 

Des  sels  du  sérum.  —  Les  matériaux  sont  très  peu  nombreux  sur  celle 
question.  Je  ne  connais  que  les  analyses  de  Jarisch  qui,  dans  un  cas 
de  pneumonie,  a  trouvé  :  1°  une  forte  augmentation  de  l'acide  sulfu- 
rique  (11  gr.  4,  au  lieu  de  7);  2°  une  légère  augmentation  de  la  soude 
(2Ggr.au  lieu  de  24);  5°  par  contre  une  légère  diminution  de  l'acide 
phosphorique,  du  chlore,  de  la  potasse  et  du  fer. (Med.  Jahrb.  1877,  p.  60). 

On  a  parfois  noté  un  aspect  laiteux  du  sérum,  dû  à  des  granulations  de 
graisse. 

Chez  plusieurs  malades  de  mon  service,  j'ai  remarqué  que  le  sang  re- 
tiré au  moyen  de  ventouses  et  traité  par  le  procédé  de  Cl.  Bernard,  rédui- 
sait une  quantité  de  liqueur  de  Fehling  beaucoup  plus  abondante  qu'à 
l'état  normal.  D'après  Cazeneuve  qui  a  poursuivi  ces  recherches,  la 
réduction  ne  saurait  être  rapportée  uniquement  à  de  la  glycose,  car  elle 
ne  se  produit  pas  de  la  même  manière  que  lorsqu'on  opère  avec  de  la 
glycose,  et  il  est  très-difficile  de  bien  apprécier  la  limite  de  la  réduction. 

Urine.  1°  pendant  la  période  fébrile.  —  La  quantité  est  en  général, 
notablement  diminuée,  et  peut  ne  pas  dépasser  500  et  même  500  dans 
les  vingt-quatre  heures. 

La  densité  est  plus  élevée  que  d'habitude;  la  coloration  beaucoup  plus, 
prononcée  qu'à  l'état  normal.  D'après  Yogel,  on  pourrait  approximative- 
ment évaluer  la  proportion  de  matière  colorante  au  quadruple  de  l'étal 
physiologique. 

L'urine  pneumonique  est  presque  toujours  Irès-acidc;  si  l'on  s'en  te- 
nait à  cette  vue  superficielle,  on  en  conclurait  que  le  pneumonique  excrète 
plus  d'acide  par  le  rein  que  l'homme  sain.  En  fait,  cette  supposition  ne 
paraît  pas  exacte,  car  il  faut  tenir  compte  de  la  diminution  de  la  quantité 
d'urine. 

Les  matériaux  fixes  de  l'urine  sont  notablement  augmentés  dans  la  pé- 
riode fébrile  de  la  pneumonie.  Sur  ce  point,  il  n'y  a  pas  de  contestation, 


PNEUMOMK  LOBAI  RE  AIGUË.  —  urine. 


427 


mais  à  quel  moment  cette  augmentation  est-elle  la  plus  considérable?  . 
A  cet  égard,  les  auteurs  sont  divisés  :  les  uns  l'auraient  constatée  au  com- 
mencement, les  autres  à  la  fin;  j'avoue  que  je  doute  fort  de  l'exactitude 
de  cette  dernière  assertion.  Au  bout  de  plusieurs  jours  de  diète,  le  pneu- 
monique  se  trouve  dans  un  état  assez  semblable  à  l'animal  à  l'inanition. 
Or,  chez  celui-ci,  les  matériaux  fixes,  à  partir  du  premier  jour  de  l'ina- 
nition, diminuent  chaque  jour  fort  rapidement;  en  d'autres  termes,  leur 
courbe  se  rapproche  beaucoup  de  la  verticale,  puis,  au  bout  de  quelques 
jours,  ils  ne  diminuent  plus,  il  est  vrai,  pendant  une  période  d'une  cer- 
taine durée,  mais  jamais  ils  ne  remontent  au  niveau  primitif.  Je  ne  mé- 
connais pas  les  différences  profondes  qu'il  y  a  entre  un  fcbricitnnt  à  la 
dièle  et  un  animal  à  l'inanition,  et  je  suis  loin  de  nier  qu'une  poussée 
fébrile  intense,  au  deuxième  ou  au  troisième  jour,  ne  puisse  produire 
une  quantité  de  déchets  supérieure  à  celle  du  premier  jour  ;  mais  je  crois 
cependant  qu'au  bout  de  quelques  jours  de  consomption  fébrile,  l'éco- 
nomie est  assez  appauvrie  pour  ne  pouvoir  dépenser  autant  que  les  pre- 
miers jours.  Les  auteurs  qui  ont  cru  le  contraire  se  sont  trompés  :  ou  bien 
parce  qu'ils  n'ont  pas  assisté  au  premier  jour  de  la  lièvre,  et  qu'ils  ont 
comparé,  par  exemple,  le  sixième  jour  et  le  troisième  ;  ou  bien  parce 
qu'ils  ont  confondu  la  fin  de  la  période  fébrile  avec  le  commencement  de 
la  période  critique,  où  il  peut  y  avoir,  en  effet,  une  excrétion  momenta- 
nément fort  exagérée,  comme  nous  allons  voir. 

Mais  étudions  en  particulier  quelques-uns  des  matériaux  solides  de 
l'urine. 

Urée.  —  La  quantité  journalière  d'urée  est  le  plus  souvent  beaucoup 
au-dessus  de  la  normale,  surtout  les  deux  ou  trois  premiers  jours;  puis 
elle  décroît,  malgré  la  persistance  de  la  lièvre,  à  cause  de  la  diminution 
progressive  de  «  l'albumine  de  circulation.  »  D'après  les  auteurs,  l'urée 
pourrait  s'élever  au  quintuple  de  l'état  normal  et  même  au-dessus  (Parkes), 
quantité  qui  me  semble  fort  étrange,  et  qui  est,  en  tous  cas,  fort  au-dessus 
de  ce  que  j'ai  personnellement  observé.  Dans  l'impossibilité  où  je  suis  de 
critiquer  de  telles  assertions,  je  me  borne  à  les  mentionner. 

L'acide  uriqne,  dans  l'urine  pneumonique,  est  en  proportion  beaucoup 
plus  considérable  qu'à  l'état  normal  ;  mais  il  ne  faut  pas  en  juger  par  les 
dépôts,  caria  formation  d'un  dépôt  est  en  rapport,  non  avec  la  quantité 
d'acide  uriqne  excrété  dans  les  vingt-quatre  heures,  mais  avec  la  propor- 
tion relative  de  l'acide  urique  dans  l'urine,  autrement  dit.  avec  la  concen- 
tration de  celle-ci  et  surtout  avec  sa  teneur  en  phosphate  acide  de  soude. 
L'acide  urique  semble  aussi  augmenté  par  rapport  à  l'urée,  mais  d'une 
quantité  qu'il  est  difficile  de  fixer,  vu  l'incertitude  où  l'on  est  sur  les  li- 
mites du  rapport  normal  entre  l'acide  urique  et  l'urée.  D'après  Scheube, 
les  premiers  jours,  il  serait,  dans  le  rapport  de  1  à  60  (ce  qui  ne  con- 
stituerait pas  une  bien  grande  augmentation).  Les  jours  suivants,  il 
y  aurait  relativement  un  peu  plus  d'acide  urique;  le  rapport  serait: 
1  à  52,  et  même  1  à  52  (moyenne  des  8e,  9U  et  d0c  jours  chez  un  jeune 
homme).  Je  n'ai  pas,  je  l'avoue,  une  bien  grande  confiance  à  ces 


428  PNIîUMONIK  LOBA1RK  AIGUË.  -  „hink. 

moyennes,  vu  les  variétés  individuelles  et  le  petit  nomlire  de  cas  qu'a  étu- 
diés M.  Schoube  (4  cas).  Ce  qui  justifie  mes  doutes,  c'est  que  sa  troisième 
observation  prouverait  précisément  le  contraire  de  ce  qu'il  avance.  Voici, 
en  effet,  ses  chilTres  : 

5"  jour,  rapport   1  ;  .j[ 

*   —      —  ?   •*  t  0  ,  S  ,!.'••.' ;  .  i  :  53,8 

,  .'      8*   -  nmrf.   ,  t.  -N-m  «-  ....,  .  1  :  50,8 

9"  —      —    1  :  58,8 

io«  —  »       vï.  v       .  r:  '.'.V M' r  :  '63,3 

Ainsi,  dans  ce  cas,  c'est  précisément  les  derniers  jours  qu'il  y  a  pro- 
portionnellement moins  d'acide  urique. 

Je  le  répète,  il  y  a  de  très-grandes  différences  individuelles,  ainsi  que 
le  montrent  les  chiffres  publiés  par  d'autres  auteurs.  Si  je  consulte,  par 
exemple  à  cet  égard,  les  thèses  de  Charvot  et  d'Uœpffner,  je  trouve  qu'au 
moment  de  l'élimination  critique  qui  suit  d'un  jour  ou  deux  la  défer- 
vescence,  le  rapport  de  l'acide  urique  à  l'urée,  comparé  à  ce  qu'il  était 
pendant  l'acmé,  tantôt  diminue  et  tantôt  augmente.  La  seule  conclusion 
que  je  serais  porté  à  tirer  de  l'ensemble  des  travaux  relatifs  à  cette  ques- 
tion, c'est  que  les  jours  qui  suivent  l'élimination  critique,  c'est-à-dire  les 
premiers  jours  de  la  convalescence,  le  rapport  de  l'acide  urique  à  l'urée 
tombe  bas. 

Dans  l'étude  du  rapport  de  l'acide  urique  de  l'urée,  il  faut  tenir  compte 
non-seulement  des  différences  individuelles  qui  sont  considérables,  mais 
surtout  du  procédé  employépour  le  dosage  de  l'acide  urique.  Ainsi  Charvot 
et  Hœpffner  ont  trouvé,  en  général,  beaucoup  moins  d'acide  urique  que  les 
auteurs  allemands,  de  sorte  que  ce  n'est  qu'avec  la  plus  grande  réserve 
qu'on  peut  comparer  les  résultats  d'un  observateur  à  ceux  d'un  autre. 

Acide  hippurique.  —  Ce  principe  n'a  malheureusement  pas  encore 
été  le  sujet  de  recherches  suflisantes.  Weissmann  dit  l'avoir  trouvé  di- 
minué dans  un  cas  de  pneumonie  ;  mais  il  est  fort  possible  qu'il  soit, 
au  contraire,  augmenté  dans  certains  cas.  C'est  une  recherche  à  pour- 
suivre. 

Matières  extractives.  —  Nos  connaissances  sur  ce  sujet  si  obscur  sont 
presque  nulles.  Il  semble  toutefois  résulter  de  quelques  analyses  d'Hœpff- 
ner  qu'elles  sont  parfois  notablement  augmentées  dans  la  pneumonie,  et 
que  d'autres  fois  elles  ne  présentent  pas  de  modification  sensible.  En  tous 
cas,  elles  ne  marchent  point  parallèment  avec  l'urée. 

Quelle  est,  en  somme,  la  quantité  d'azote  excrétée  par  l'urine  (qui  est, 
comme  on  sait,  la  voie  presque  unique  de  l'excrétion  de  l'azote)  pendant 
a  période  fébrile  de  la  pneumonie?  Il  est  difficile  de  le  dire,  vu  le  petit 
nombre  d'analyses  d'azote  total  qui  ont  été  faites  et  les  différences 
énormes  (du  simple  au  quadruple)  que  présentent  les  différents  malades. 
Dans  un  cas  malheureusement  unique  jusqu'ici,  où  les  excréta,  ainsi  que 
les  ingesta,  ont  été  chez  un  pneumonique  déterminés  avec  la  plus  minu- 
tieuse attention,  à  partir  de  la  quarantième  heure  après  le  frisson,  pen- 
dant vingt-huit  jours  consécutifs,  le  malade  a  excrété  pendant  la  période 


PNEUMONIE  LOBA IRE  A1CUË.  —  urine. 


d'acmé,  qui  a  été  de  cinq  jours  (en  ne  tenant  pas  compte  des  quarante 
premières  heures),  plus  de  85  grammes  d'azote  correspondant  à  2  kilo- 
grammes et  demi  environ  de  muscles  (environ  la  dixième  partie  de  la 
quantité  de  chair  musculaire  qu'il  possédait  au  moment  de  sa  maladie 
(Riesell  et  Huppert,  Archiv  der  Heilkunde.  1869). 

L'acide  phosphorique  total  n'est,  en  général,  pas  sensiblement  aug- 
menté. Cependant,  d'après  J.  Vogel,  on  eu  aurait  trouvé  jusqu'à  8Br,4 
dans  un  cas  de  pneumonie;  mais  nous  ignorons  dans  quelles  conditions. 
Il  n'est  même  pas  explicitement  dit  si  ce  chiffre  indique  la  quantité  des 
vingt-quatre  heures  ou  la  quantité  pour  1000,  auquel  cas  il  n'aurait  rien 
d'extraordinaire.  En  tous  cas  et  eu  égard  à  l'état  normal,  on  le  trouve 
diminué  par  rapport  à  l'azote,  ainsi  que  dans  toutes  les  maladies  fébriles 
(Zuelzer,  Lépine  et  Jacquin).  Nous  avons  trouvé  que  c'est  surtout 
l'acide  phosphorique  combine  aux  lerres  qui  est  diminué,  ainsi  que  l'ont 
vu  Bcneke  et  Schulte  pour  d'autres  maladies  aiguës  (Schulte,  Dissertât. 
Marbourg  1825);  ce  qui,  comme  le  fait  très-bien  remarquer  Beneke,  est 
en  rapport  avec  l'augmentation  de  la  potasse  signalée  par  Salkowski. 

Quant  à  Y  acide  sulfurique,  il  a  été  trouvé  fort  augmenté  dans  la  pneu- 
monie (2ïr,9,  5gr,l,  58r,7  par  jour;  J.  Vogel).  C'est  près  de  dix  lois  la 
quantité  que  cet  auteur  a  trouvée  dans  d'autres  maladies  aiguës.  11  y  a  donc 
là  une  augmentation  remarquable,  résultat  conforme  à  celui  de  Parkes. 

Le  chlorure  de  sodium  diminue  brusquement  à  partir  du  premier 
jour  de  la  lièvre,  de  telle  sorte  que,  dès  le  deuxième  ou  le  troisième 
jour,  il  n'y  en  a  plus  que  des  traces  dans  l'urine  ;  puis  il  disparait  plus 
ou  moins  complètement.  Ce  fait  remarquable,  signalé  par  Bedtenbacher, 
a  beaucoup  préoccupé  les  médecins  de  la  Grande-Bretagne,  Bennett  (d'E- 
dimbourg) et  surtout  Beale  qui  a  fondé  sur  lui  beaucoup  de  spéculations. 
Cette  disparition  plus  ou  moins  complète  du  chlorure  de  sodium  de 
l'urine  se  rencontre  d'ailleurs,  à  peu  près  au  même  degré,  ainsi  que  l'a 
démontré  J.  Vogel,  dans  les  autres  états  fébriles.  Elle  s'explique  alors 
par  le  manque  d'alimentation.  Pour  le  cas  particulier  de  la  pneumonie, 
il  convient  d'ajouter  pour  une  part  l'élimination  d'un  peu  de  ce  sel  par 
les  crachats  et  son  emmagasinement  dans  l'exsudat.  Les  expériences 
d'IIowitz,  à  supposer  qu'elles  soient  exactes,  prouveraient  que  les  deux 
dernières  causes  que  j'ai  indiquées  ne  sont  pas  sans  influence.  En  effet, 
il  prétend  que  du  chlorure  de  sodium  administré  à  un  piieumonique  n'ap- 
paraît pas  dans  l'urine;  d'autre  part,  Bigler  aurait  également  trouvé 
que  l'iodure  de  potassium  administré  à  un  pneumonique,  est  retenu  pen- 
dant l'acmé  et  n'est  excrété  qu'au  moment  de  la  résolution.  Ces  expé- 
riences mériteraient  d'être  reprises.  En  tous  cas,  il  ne  faut  pas  exagérer  la 
quantité  de  chlorure  de  sodium  que  l'exsudat  peut  emmagasiner.  Hoppc* 
Seyler  a  fait  la  remarque  très  juste,  qu'il  faudrait  un  exsudât  quotidien 
de  700  grammes  pour  absorber  le  chlorure  de  sodium  {Deutsche  Klinik, 
1854).  Or,  nous  avons  vu  précédemment  que  le  poids  moyen  de  l'exsudat, 
qui  d'ailleurs  met  plusieurs  jours  à  se  faire,  n'atteint  pas  ce  chiffre. 

Potasse  et  soude.  —  Les  seuls  travaux  sur  cette  question  sont  ceux 


430 


PNEUMOMl-;  LOBAIMi  ÀIGUÈ.  —  ubime. 


de  Salkowski,  qui  a  publié,  il  y  a  quelques  années,  un  mémoire  sur  l'éli- 
mination de  ces  bases  dans  les  maladies  fébriles.  Ce  mémoire  renferme 
l'analyse  de  l'urine  à  ce  point  de  vue  dans  quatre  cas  de  pneumonie,  mal- 
heureusement sans  observations  cliniques,  ce  qui  enlève  à  ses  chiffres 
beaucoup  d'importauce,  puisque  nous  ne  pouvons  les  interpréter  en 
connaissance  de  cause;  j'y  remarque  quant  à  la  soude,  sa  diminution 
pendant  la  lièvre  et  son  accroissement  tellement  rapide  à  partir  de  la  dé- 
fervescence,  que,  dans  l'espace  de  deux  jours,  celte  base  peut  sextupler 
et  même  décupler;  quant  à  la  potasse,  elle  augmente  notablement  pen- 
dant la  période  fébrile,  de  telle  sorte  que,  pendant  cette  période,  le 
rapport  de  ces  deux  bases  entre  elles  est  beaucoup  modifié  à  l'avantage 
de  la  potasse  ;  elle  diminue  pendant  la  défervescence. 

Éléments  étrangers.  —  Je  n'ai  parlé  jusqu'ici  que  des  variations 
quantitatives  des  matériaux  normaux  de  l'urine;  mais  il  faut  savoir  que  la 
présence  de  l'albumine  dans  l'urine  de  la  période  fébrile  de  la  pneumonie 
n'est  rien  moins  que  rare.  On  peut  même  dire  que  celle-ci  est  une  des 
maladies  aiguës  qui  fournit  le  plus  grand  nombre  de  ces  albumineries 
spéciales  à  la  période  fébrile.  D'après  Parkes,  on  la  rencontrerait  46  fois 
pour  100.  Becquerel  donne  un  chiffre  analogue  :  42  pour  100.  Dans  les 
hôpitaux  de  Vienne,  on  a  trouvé  45  pour  100.  Sauf  complication,  l'albu- 
mine est  toujours  en  petite  quantité  dans  l'urine,  et  elle  disparaît  à  peu 
près  au  moment  de  la  résolution  de  la  pneumonie,  contrairement  à  ce 
qu'avaient  pensé  Martin-Solon,  Begbie  et  Abeille,  qui  attribuaient  l'albu- 
minurie à  l'élimination  des  produits  albumineux  résorbés.  Si  par  basant 
elle  persiste  à  la  résolution,  elle  cesse  avec  l'établissement  de  la  conva- 
lescence. 

La  cause  de  cette  albuminurie  fébrile  est  obscure.  On  a  fait  remarquer 
avec  raison  qu'elle  pouvait  être  produite  par  les  vésicatoires  ;  mais  cette 
explication,  à  supposer  qu'elle  soit  exacte  pour  quelques  cas,  ne  saurait 
être  généralisée  ;  car  dans  la  pleurésie,  où  on  les  prodigue  davantage, 
l'albuminurie  est  rare. 

La  leucine  et  la  tyrosine  n'ont  jamais  été  rencontrées  dans  l'urine 
pneumonique  ;  je  parlerai  plus  loin  de  la  matière  colorante  de  la  bde. 

2°  Urine  critique  —  L'urine  de  la  défervescence,  si  celle-ci  se  fait  par 
crise,  comme  c'est  le  cas  le  plus  commun,  présente  des  caractères  parti- 
culiers :  sa  quantité  augmente  au  point  de  dépasser  notablement  la  nor- 
male (polyurie  temporaire)  ;  en  même  temps,  fait  fort  remarquable,  sa 
densité  reste  élevée  au  moins  au  début  ;  de  plus,  il  se  dépose  presque  tou- 
jours un  sédiment  plus  ou  moins  abondant,  de  couleur  rosée  (urate  de 
soude  et  acide  rosacique),  ce  qui,  comme  nous  l'avons  dit  plus  liant, 
prouve  qu'au  début  de  la  crise  l'urine  est  fortement  acide  à  cause  de  M 
présence  d'une  grande  quantité  do  phosphate  acide  de  soude,  et  quelle 
renferme  en  même  temps,  dans  certains  cas,  beaucoup  d'acide  inique. 
Quant  au  chlorure  de  sodium,  il  est  toujours  en  quantité  insignifiante. 

Quelle  est  la  cause  de  cette  élimination  critique  ? 

Comme  au  moment  où  elle  a  lieu,  le  pneumonique  est  encore  à  la  dielc, 


PNEUMONIE  LOBAIRE  AIGUË.  —  urike. 


451 


il  n'y  a  pas  à  songer  à  l'influence  de  l'alimentation  ;  d'ailleurs,  après  quel- 
ques  joui  s  de  fièvre,  l'organisme  conserve  pour  se  réparer,  la  plus  grande 
pari  des  matériaux  de  la  première  alimentation.  Mais  celte  considération 
n'a  même  pas  besoin  d'être  invoquée,  puisque,  je  le  répète,  le  pneumoni- 
que,  au  momenl  do  l'excrétion  critique  n'a  pas  encore  pris  d'aliments. 

La  plupart  des  auteurs  ont  pensé  que  cette  élimination  était  due  à  la 
combustion  des  matériaux  provenant  de  la  résorption  de  l'exsudat.  Seule- 
ment il  faut  bien  savoir  qu'au  moment  de  la  crise,  en  général,  la  résolu- 
tion est  encore  peu  avancée,  et  la  résorption  certainement  fort  incomplète. 
De  plus,  Scheube,  raisonnant  comme  si  la  composition  de  l'exsudat  était 
identique  avec  celle  des  crachats,  calcule  qu'il  faudrait  un  exsudât  de 
5  kilog.  pour  suffire  à  l'élimination  critique.  Or,  nous  avons  vu  qu'il  ne 
dépasse  pas  000  grammes  en  moyenne.  J'avoue  que  l'on  peut  contester  la 
rigueur  du  calcul  de  Scheube  ;  mais  l'argument  chronologique  que  j'ai 
indiqué  en  premier  lieu  conserve  toute  sa  valeur  :  la  résorption  de  l'exsu- 
dat n'est  qu'au  début  au  moment  de  l'excrétion  critique. 

lluppert  a  pensé  que,  pendant  la  période  fébrile,  l'albumine  est  dédou- 
blée, que  les  produits  non  azotés  de  ce  dédoublement  sont  brûlés  tout  de 
suite,  tandis  qne  les  produits  azotés  ne  le  sont  qu'à  la  crise. 

Celte  vue,  d'ailleurs  hypothétique,  se  rapproche  de  l'opinion  soutenue 
par  plusieurs  pathologistes  (Riesenfeld,  Naunyn,  Unruh,)  qui,  sans  ad- 
mettre la  sélection  dont  je  viens  de  parler,  pensent  qu'il  y  a  une  rétention 
des  matériaux  de  déchet  pendant  la  lièvre,  rétention  qui  ne  cesse  qu'au 
moment  de  la  crise.  Dans  un  récent  travail,  Frànkel  a  beaucoup 
insisté  sur  cette  idée  et  a  essayé  d'étayer  l'hypothèse  de  la  rétention  en 
faisant  remarquer  que  l'excrétion  critique  est  plus  abondante  quand  il  y 
a  eu,  pendant  l'acmé,  de  l'albuminurie.  D'après  lui,  cette  albuminiurc 
prouverait  l'existence  d'une  lésion  rénale  temporaire,  capable  de  retenir 
les  matériaux  de  déchet  tant  qu'elle  dure,  c'est-à-dire  tant  que  persiste 
l'albuminurie,  et  qui  .cesserait  avec  cette  dernière  au  moment  de  la  crise. 

Celte  vue  d'ailleurs  ingénieuse  n'a  pas  été  généralement  adoptée.  Selon 
moi,  il  est  peu  probable  qu'une  albuminurie  fébrile  soit  symptomalique 
d'une  lésion  rénale,  suffisante  pour  mettre  obstacle  à  l'excrétion  des 
matériaux  de  déchet.  En  supposant  qu'il  en  existe  une,  ce  doit  être  une 
lésion  fort  minime  des  glomcruli  ;  or,  il  semble  qu'une  lésion  plus  pro- 
fonde soit  nécessaire  pour  empêcher  l'excrétion  de  ces  matériaux.  La 
raison  de  l'élimination  critique  est  donc  encore  à  l'étude. 

Dans  les  cas  où  il  y  a  une  excrétion  relativement  considérable  d'acide 
urique  (par  rapport  à  l'urée),  au  moment  de  la  crise,  Bartels  l'explique 
en  disant  que  pendant  la  période  fébrile,  l'urée  et  l'acide  urique,  aug- 
mentés tous  deux  sont,  à  peu  près,  dans  leur  rapport  normal,  parce 
(pie  la  circulation  et  la  respiration  se  sont  activées,  pour  se  mettre  au 
niveau  de  leur  tâche.  Mais  lorsque  la  période  fébrile  cesse  brusquement, 
la  circulation  et  la  respiration  revenues  au  taux  normal  ne  suffisent  plus  à 
oxyder  complètement  la  grande  quantité  de  matériaux  de  déchet;  d'où 
l'excès  relatif  d'acide  urique.  Je  donne  cette  explication  pour  ce  qu'elle 


452 


PNEUMONIE  LOBA1RE  AIGUË.  —  étaï  des  forces. 


vaut,  en  faisant  remarquer  qu'en  réalité  nous  connaissons  bien  moins 
que  ne  le  croyait  Barlels  les  conditions  de  formation  de  l'acide  urique. 

La  période  d'élimination  critique  n'est  pas  nécessairement  limitée  à  un 
jour,  comme  on  pourrait  croire  :  il  y  a  des  crises  moins  brusques  qui 
durent  deux  ou  trois  jours.  J'ai  déjà  dit  que  quand  il  n'y  a  pas  crise 
mais  lysis,  l'élimination  exagérée  dont  il  vient  d'élrc  question  n'a  pas 
lieu  et  c'est  progressivement  et  par  transition  que  l'urine  de  la  période 
fébrile  prend  le  caractère  de  l'urine  de  la  convalescence. 

En  tous  cas  il  y  a  avantage  pour  l'analyse  des  conditions  pbysiologiques 
où  on  trouve  le  malade  à  étendre  la  durée  de  la  période  critique  jusqu'au 
commencement  de  la  convalescence. 

Dans  le  cas  de  Riesell  et  lluppert,  dont  j'ai  cité  plus  haut  les  résultats 
pour  la  période  fébrile,  le  malade  a  absorbé  45  grammes  d'azote,  et  en  a 
perdu  135  pendant  cette  période  critique  qu'ils  ont  fait  durer  U  jours,  soit 
un  déficit  de  92  grammes.  Eu  somme,  pendant  ces  deux  périodes  réunies, 
ce  malade  a  perdu  85  -+-  92  =  175  gr.  d'azote,  correspondant  au  cin- 
quième peut-être  de  la  quantité  d'albumine  qu'il  possédait  au  début  de  la 
maladie. 

Urine  de  la  convalescence.  —  La  polyurie  diminue  ou  disparait  ;  l'u- 
rine est  plutôL  pâle  ;  sa  densité  est  diminuée  et  les  matériaux  solides  y  sont 
à  un  chiffre  plus  ou  moins  bas,  sauf  le  chlorure  de  sodium  dont  l'excré- 
tion redevient  assez  promplemeut  presque  aussi  abondante  qu'à  l'état 
normal. 

Pour  terminer  avec  le  cas  d'Huppertet  Riesell,  je  dirai  que  pendant  les 
7  premiers  jours  delà  convalescence,  l'organisme  a  encore  perdu  15  gram- 
mes d'azote.  Pour  les  7  jours  suivants  (les derniers  de  l'observation),  il  a 
au  contraire  regagné  3  grammes. 

Etat  des  forces.  —  Les  forces  sont  constamment  diminuées  dans  la 
pneumonie  et,  en  général,  elles  sont  très-promptement  abattues  à  partir 
du  début  de  la  maladie.  Cependant  bon  nombre  de  pneumoniques  viennent 
à  pied  se  présenter  au  bureau  d'admission  des  hôpitaux,  alors  que 
l'altération  des  traits  dénote  la  gravité  de  l'affection  dont  ils  sont  atteints; 
d'après  Grisolle,  il  n'y  aurait  guère  qu'un  quinzième  des  sujets  qui  serait 
dans  l'incapacité  de  marcher.  Ce  chiffre,  on  le  voit,  me  paraît  un  peu 
faible. 

Il  est  naturel  que  chez  les  vieillards  la  prostration  des  forces  soit,  toute? 
choses  égales,  plus  accentuée.  Et  cependant,  par  exception  à  cette  règle, 
on  voit  des  vieillards  dontlcs  forces  paraissent  davantage  conservées  que 
ce  n'est  l'habitude  chez  l'adulte*  Ainsi  il  n'est  pas  très-rare  de  voir,  à  la 
Salpètrière,  de  vieilles  femmes  rester  dans  leur  dortoir,  assises  près  de 
leur  lit  plusieurs  jours  après  le  début  de  la  maladie  et  résister  énergique- 
ment  si  on  les  veut  transporter  à  l'infirmerie.  On  ne  pourrait  objecter  qu'il 
y  a  erreur  sur  le  début  de  leur  pneumonie.  Mais  cette  objection  tombe  à 
1  examen  de  la  marche  de  la  maladie  et  en  présence  des  résultats  de  l'au- 
topsie. Pour  être  extraordinaires,  les  faits  dont  je  parle  sont  cependant 
authentiques. 


PNEUMONIE  LOBAIRE  AIGUË.  —  troubles  nerveux.  433 

Perte  de  poids.  —  Ce  sujet  a  été  malheureusement  peu  exploré,  vu  la 
difficulté  qu'il  y  a  à  peser  des  fébricitants  qui  ne  peuvent  quitter  le  lit. 
Le  sujet  de  Riesell  et  Huppcrt,  pendant  la  première  période  d'observation 
(de  la  41°  heure  de  maladie  à  la  crise),  a  perdu  680  gr.  en  cinq  jours. 
Pendant  la  2e  période  (critique)  qu'ils  ont  fixée  à  0  jours,  le  malade  a 
perdu  1500  grammes;  pendant  les  7  premiers  jours  de  la  convalescence, 
900  grammes.  Pendant  les  sept  jours  suivants,  il  a  au  contraire  gagné 
570  grammes.  Le  docteur  Thaon,  quia  fait  sur  des  enfants  pneumoniques 
une  série  de  recherches,  a  constaté  aussi  qu'ils  perdent  encore  pendant  le 
commencement  de  la  convalescence.  Mais  je  ne  crains  pas  de  dire  que  ce 
n'est  pas  un  résultat  constant,  au  moins  chez  l'adulte,  ainsi  que  le  prouve 
la  première  des  trois  observations  suivantes  de  pneumonie  recueillies 
cette  année  dans  mon  service,  où  les  malades  ont  été  pesés  dès  le  jour 
de  la  défervescence.  Voici  les  résultats  : 

Obs.  I.  —  Homme  de  40  ans.  Pneumonie  bilieuse  ;  commencement  de 
la  défervescence  le  20  (T.  59°,4C.j;  défervescence  achevée  le  25  seulement 
(T.  37°C). 

Ce  jour  le  malade  pèse  55k,960;  le  surlendemain  56\500;  le  26, 
56\500  ;  le  27,  56\700  ;  le  28,  56\800. 

Qu'on  construise  la  courbe  et  on  verra  que  l'ascension  a  été  fort  régu- 
lière, en  forme  de  parabole,  à  partir  de  la  défervescence  achevée. 

Obs.  II.  —  Homme  de  55  ans.  Pneumonie  franche;  défervescence  com- 
mencée le  8,  achevée  le  9.  Le  poids  est  pris  pour  la  première  fois  le  12  et 
est  de  72  kilos  ,  le  lendemain  le  malade  avait  perdu  500  grammes  ;  mais 
le  surlendemain  il  était  remonté  à  72k,500  et  le  26,  il  atteignait  près  de 
74  kilos.  C'est  là  une  augmentation  do  poids  vraiment  extraordinaire. 

Obs.  111.  —  Homme  de  55  ans.  Pneumonie  franche,  la  défervescence  a 
eu  lieu  le  10.  Depuis  lors  le  poids,  suivi  jour  par  jour,  a  montré  une  dimi- 
nution fort  régulière  de  2  kilos  en  10  jours;  puis  une  augmentation  de 
1200  grammes  également  très-régulière  pendant  les  dix  jours  suivants. 

On  voit  combien  il  y  a  de  variétés  individuelles  quant  à  l'accroisse- 
ment du  poids  pendant  la  convalescence. 

Troubles  nerveux. —  La  céphalalgie  est  presque  constante;  d'après 
Grisolle,  Louis,  etc.,  elle  ne  manque  pas  dans  un  sixième  des  cas;  c'est 
un  symptôme  du  début;  elle  est  habituellement  frontale  et  consiste 
en  élancements  ou  en  un  sentiment  de  constriction  pénible;  elle  est 
aggravée  par  la  toux. 

L'insomnie  est  en  rapport  avec  l'état  fébrile  ;  jamais  elle  n'est  complète. 

Troubles  sensoriels.  —  Ils  sont  peu  notables;  ce  n'est  que  rarement 
que  les  malades  accusent  des  éblouisscincnls,  que  l'on  a  attribués  à  une 
congestion  rétinienne  (Sichcl  père,  Seidel).  —  Mais  il  y  a  aussi  des 
phénomènes  manifestement  réllexes  :  Galezowski  a  noté  que  la  conges- 
tion des  veines  rétiniennes  peut  être  plus  accusée  d'un  côté.  Roques  a 
signalé  l'inégalité  des  pupilles  ;  j'ai  indiqué  autrefois  que  des  injections 
irritantes,  faites  dans  un  des  poumons,  sont  suivies  de  phénomènes  du 
côté  de  l'œil ,  chez  des  chiens  ou  des  cobayes. 

KOUT.  DICT.  «ÉD.  ET  CUIR.  XX VIII  —  28 


454  PNEUMONIE  LOBA1KE  AIGUË.  —  troubles  nerveux. 

Je  me  borne  à  ces  indications  fort  sommaires,  vu  le  peu  d'importance 
des  phénomènes  en  question  ;  quant  aux  troubles  plus  graves,  l'amblyopie 
la  surdité,  etc.,  j'en  traiterai  au  chapitre  Complications. 

h'dpislaxis  n'est  pas  un  symptôme  très-commun;  elle  apparaît  dans  le 
premier  septénaire,  chez  un  huitième  à  peine  des  malades  âgés  de  moins 
de  trente  ans  (Grisolle). 

Généralement  l'hémorrhagie  a  lieu  par  la  narine,  du  côté  correspon- 
dant à  la  pneumonie  (Perroud),  ce  qui  est  d'accord  avec  la  prédilection 
pour  le  même  côté  des  troubles  oculaires  et  des  trouble  vaso-rnoteurs 
cutanés  dont  je  vais  maintenant  parler. 

Troublés  vaso-moteurs. — Le  plus  anciennement  connu  est  la  rougeur  de 
l'une  des  pommettes.  Andral  ayant  soutenu  qu'elle  était  un  pur  effet  du 
décubitus,  ce  symptôme  avait  perdu  presque  toute  valeur,  quand  Gubler 
vint  rappeler  l'attention  sur  lui,  en  l'interprétant  d'une  manière  scienti- 
fique. D'après  Gubler,  il  s'agit  d'une  congestion  active,  d'origine  réflexe, 
et  qui  s'accompagne  d'une  notable  élévation  de  la  température,  fait  par- 
faitement exact  et  souvent  confirmé  depuis.  Dans  le  plus  grand  nombre 
de  cas,  elle  occupe  le  côté  correspondant  à  la  pneumonie;  mais  il  y  a  des 
exceptions  qui  ne  sont  pas  fort  rares.  Quelquefois  cette  exception  peut 
s'expliquer  par  l'influence  du  décubitus  :  un  malade  peut,  en  restant  cou- 
ché plusieurs  heures  sur  le  visage,  du  côté  opposé  à  la  pneumonie,  se 
congestionner  la  joue  qui  repose  sur  l'oreiller;  mais,  le  plus  souvent, 
cette  explication  ne  peut  être  invoquée,  par  exemple  dans  le  fait  suivant, 
dont  le  professeur  Jaccoud  a  été  lui-même  le  sujet  et  le  narrateur  : 

«  Il  y  a  deux  ans,  dit-il,  j'ai  été  moi-même  atteint  d'une  pneumonie 
franche  :  elle  siégeait  à  droite,  et,  durant  les  deux  premiers  jours,  la  rou- 
geur de  ma  joue  gauche  a  contrasté,  d'une  manière  choquante,  avec  la 
coloration  de  la  droite  ;  de  plus,  cette  rougeur  coïncidait  avec  une  sensa- 
tion désagréable  de  chaleur  dans  tout  le  côté  gauche  de  la  face  ;  mais  ce 
n'est  pas  tout  :  cette  pneumonie  m'a  saisi  brusquement,  brutalement  ; 
j'étais  venu  bien  portant  au  service,  lorsqu'au  quatrième  ou  cinquième 
lit  de  ma  première  salle,  je  suis  pris  d'un  frisson  des  plus  intenses,  avec 
tremblement  et  claquement  de  dents;  ce  frisson  dura  jusqu'au  milieu  du 
jour;  alors  seulement  je  ressentis  le  point  de  côté.  Or,  la  veille  de  ce  jour, 
le  dimanche,  vers  le  soir,  occupé  à  travailler,  j'avais  ressenti  une  chaleur 
insolite  dans  le  côté  gauche  de  la  figure.  Impatienté,  j'y  regardais  au 
bout  de  quelque  temps  :  j'avais  la  joue  d'un  rouge  vif.  Ce  phénomène  per- 
sista jusqu'à  la  fin  de  la  journée  ;  il  durait  encore  quand  je  me  mis  au 
lit,  et  le  lendemain  seulement  j'en  eus  l'explication.  Mais,  tandis  que,  en 
raison  du  siège  de  ce  symptôme,  j'attendais  une  pneumonie  à  gauche, 
l'inflammation  pulmonaire  était  à  droite.  La  rougeur  de  la  pommette,  qui 
est  évidemment  le  résultat  de  la  perturbation  des  nerfs  vasculaires,  a 
donc  précédé  de  quinze  heures  le  frisson  révélateur  de  la  phlegmasie,  et 
celui-ci  a  devancé  de  dix  heures  la  douleur  thoracique.  » 

Cette  observation  est  peut-être  la  seule  où  la  précocité  du  trouble  vaso- 
moteur  ait  été  aussi  nettement  observée.  Mais  en  raison  même  de  ce  fait 


PNEUMONIE  LOMIRE  AIGUË.  —  symptômes  cutanés.  455 

que  la  rougeur  malaire,  dans  ce  cas,  a  précédé  toute  localisation  pulmo- 
naire appréciable,  on  peut  se  demander  si  dès  ce  moment,  c'est-à-dire 
dès  le  dimanche,  il  ne  s'était  pas  fait  déjà,  à  l'insu  du  malade,  une 
poussée  congestive  au  poumon  gauche,  laquelle  s'est  évanouie  le  lende- 
main et  s'est  définitivement  fixée  sur  le  poumon  droit.  Dans  cette  hypo- 
thèse, le  trouble  vaso-moteur  se  serait  produit  non  du  côté  opposé,  mais 
dn  côté  correspondant  à  l'hyperhémie  pulmonaire. 

Je  crois  devoir  signaler  cette  objection,  mais  je  ne  la  crois  pas  très- 
valable,  et  je  suis  loin  de  contester  la  réalité  des  exceptions  à  la  loi  formulée 
par  Gubler.  J'y  crois  d'autant  plus  que  j'ai  moi-même  constaté  expérimen- 
talement que  l'excitation  des  bronches  peut  produire,  exceptionnelle- 
ment, il  est  vrai,  une  action  réflexe  sur  l'œil  du  côté  opposé  (j'ai  cité  ce 
fait  dans  ma  thèse,  p.  26).  Vraisemblablement  cette  anomalie  trouve  son 
explication,  ainsi  que  l'indique  Jaccoud,  dans  la  décussation  variable  des 
filets  nerveux  qui  entrent  dans  la  composition  du  plexus  pulmonaire. 

D'après  Bouillaud,  la  rougeur  et  la  chaleur  des  pommettes  sont,  toutes 
choses  égales  d'ailleurs,  plus  prononcées  dans  la  pneumonie  du  sommet 
que  dans  celles  des  lobes  inférieurs;  celte  opinion  est  confirmée  par 
Grisolle. 

Non-seulement  les  pommettes,  mais  les  membres,  surtout  le  membre 
supérieur  du  côté  correspondant  à  la  pneumonie,  ainsi  que  la  paroi  tho- 
.  racique  du  même  côté,  peuvent  présenter  un  excès  de  chaleur  mani- 
feste. C'est  à  la  partie  interne  du  bras  que  la  différence  de  température 
.  est,  en  général,  le  plus  accusée.  Exceptionnellement  ce  n'est  pas  un  excès 
i  de  chaleur,  mais  au  contraire  un  refroidissement  relatif  que  l'on  observe. 
,  Je  n'insiste  pas  sur  ces  détails,  que  j'ai  longuement  étudiés  autrefois  et 
i  qu'a  confirmés  récemment  Hamburger,  auteur  d'un  bon  travail  inspiré 
|  par  le  professeur  Kussmaul. 

Autres  symptômes  cutanés.  —  Outre  les  troubles  vaso-moteurs  de  la 
I  pommette  et  des  membres,  je  dois  mentionner  les  sueurs  qui  se  ren- 
i  contrent  souvent  ehez  les  jeunes  sujets  à  j la  période  fébrile,  et  qui 
I  donnent  lieu  parfois  à  diverses  éruptions  sudoralcs,  dont  l'importance 
m'est  pas  fort  grande.  Les  sueurs  profuses  qui  s'observent  au  moment 
ide  la  défervescence  sont  beaucoup  plus  intéressantes,  parce  qu'elles 
I  peuvent  être  considérées  comme  un  phénomène  critique.  À  coup  sûr 
celles  ont  au  moins  pour  résultat  de  contribuer  à  rabaissement  de  la  tem- 
I  pérature,  qui,  comme  on  l'a  vu,  peut  alors  tomber  fort  au-dessous  de 
I  la  normale. 

On  a  aussi  considéré  comme  critiques  certaines  éruptions  cutanées  ; 
mais  c'est  peut-être  sans  fondement  suffisant,  aussi  ne  nous  y  arrêtons- 
i  nous  pas.  Nous  n'examinerons  ici  que  l'herpès  qui,  comme  on  sait, 
est  assez  commun  dans  la  pneumonie  et  survient  avant  la  crise . 

L'herpès  se  montre  surtout  au  visage  :  autour  des  lèvres  ou  des  ailes 
Idu  nez,  aux  paupières,  aux  oreilles;  parfois  il  a  un  siège  insolite  et 
'peu  apparent,  de  telle  sorte  que.  vu  sa  quasi-indolence,  on  est  exposé  à 
een  méconnaître  l'existence.  C'est  ainsi  qu'on  l'a  trouvé  à  l'anus  (Thomas), 


450 


PNEUMONIE  LODAIUE  AIGUË.  — 


VARIÉTÉS. 


et  à  ce  môme  siège  dans  plusieurs  attaques  de  pneumonie  chez  le  même 
enfant.  Sa  fréquence  est  estimée  différemment  par  les  auteurs  :  Bleuler 
l'a  en  effet  noté  43  fois  sur  100.  Son  relevé  porle  sur  421  observations 
du  service  de  Wunderlich;  d'autres  auteurs  ont  été  beaucoup  moins  favo- 
risés :  Lebcrt  ne  l'a  rencontré  que  13  fois  sur  100  à  Brcslau,  et  moins 
souvent  à  Zurich.  Si  je  me  fiais  à  mes  souvenirs,  je  dirais  que  je  ne  l'ai 
pas  rencontré  plus  souvent  que  Lebcrt. 

Les  chiffres  précédents  se  rapportent  à  l'adulte.  D'après  Ziemssen,  on 
l'observerait  chez  l'enfant  dans  la  moitié  des  cas.  Thomas  croit  au  con- 
traire que,  malgré  la  fréquence  de  l'herpès  chez  l'enfant,  il  est  plus  rare 
dans  la  pneumonie  de  l'enfant  que  dans  celle  de  l'adulte  ;  il  serait  sur- 
tout rare  cbez  les  tout  jeunes  enfants. 

J'ai  dit  tout  à  l'heure  que  l'apparition  de  l'herpès  est  toujours  anté- 
rieure à  la  crise.  Exceptionnellement,  cependant,  on  l'a  vu  survenir  au 
moment  de  la  défervescence  et  même,  dans  un  cas,  six  jours  après  elle 
(Thomas). 

Troubles  digestifs. —  1°  Vomissement.  —  Nous  avons  déjà  vu  que  c'est 
un  symptôme  de  début  commun  chez  l'enfant  (dans  la  moitié  des  cas,  dit- 
on),  plus  rare  chez  le  vieillard  et  surtout  chez  l'adulte.  Magnus  Huss  le 
rapporte  à  une  excitation  du  pneumogastrique,  ce  qui  n'est  pas  impossible; 
mais  il  faut  se  rappeler  qu'il  survient  d'habitude  dans  toutes  les  maladies 
où  l'élévation  de  la  température  est  brusque,  dans  la  scarlatine,  par  exem- 
ple. Si  elle  surprend  le  malade  dont  l'estomac  est  plein,  l'indigestion  est 
inévitable. 

Dans  le  cours  de  la  pneumonie,  le  vomissement  est  rare  ;  il  peut  re- 
connaître des  causes  diverses  que  Jurgcnsen  a  bien  analysées  : 

a)  Vomissement  cérébral,  particulier  en  quelque  sorte  à  la  pneumo- 
nie du  sommet  ;  il  peut  se  prolonger  plusieurs  jours  sans  aggraver  l'état 
du  malade. 

b)  Vomissement  sollicité  par  la  toux,  par  le  mucus  qui  recouvre  l'épi- 
glotte,  par  la  tuméfaction  de  la  luette. 

c)  Vomissement  par  action  médicamenteuse. 

2°  La  constipation  est  la  règle  pour  les  malades  chez  lesquels  on  ne 
provoque  pas  de  diarrhée  et  qui  ne  sont  pas  soumis  à  une  influence  théra- 
peutique. Il  y  a  cependant  des  pneumoniques  qui,  en  dehors  de  cette  in- 
fluence, présentent  non  au  début,  mais  au  bout  de  quelques  jours,  de  la 
diarrhée  dépendant  sans  doute  d'un  catarrhe  intestinal.  Cette  diarrhée 
serait  plus  commune  dans  certains  pays  :  à  Breslau,  par  exemple.  Lebcrt 
l'a  rencontrée  chez  le  tiers  des  pneumoniques  de  l'hôpital. 

La  langue  prend  un  enduit  blanchâtre  chez  presque  tous  les  sujets, 
mais  sans  jamais  offrir  rien  de  spécial  ;  rarement  elle  est  sèche  chez 
l'adulte,  tandis  que  chez  le  vieillard  elle  est  presque  toujours  sèche,  râ- 
peuse et  couverte  d'un  enduit  brunâtre.  Chez  l'enfant,  au  contraire,  la 
langue  reste  presque  toujours  humide. 

L'inappétence  en  tous  cas  est  constante. 

Variétés  de  marche  et  variétés  syinptoniatiqucs.  —  Ainsi 


PNEUMONIE  LOBAIRE  AIGUË.  —  variétés  anormales  par  la  marche.  437 

que  je  l'ai  dit  plus  haut,  la  pneumonie  est  une  maladie  Tort  variable 
dans  ses  aspects.  On  pourrait  donc  multiplier  beaucoup  ses  variétés;  mais 
je  me  bornerai  au  nécessaire.  Je  décrirai  d'abord  les  anomalies  que  peut 
présenter  sa  marche  ;  elles  sont  importantes,  car  la  pneumonie  est  une 
maladie  aussi  caractérisée,  sinon  plus,  par  sa  marche  que  par  ses  sym- 
ptômes. 

I.  Variétés  anormales  par  la  marche.  —  J'étudierai  :  1°  celles  qui  présen- 
tent une  durée  exceptionnellement  courte  ;  2°  celles  dont  la  durée  est 
longue;  5°  celles  dont  la  marche  est  périodique;  4e  celles  dont  la  mar- 
che est  alternante. 

1°  Pneumonie  à  durée  courte  :  A.  Pneumonies  abortives.  —  Ce  sont 
des  pneumonies  qui  évoluent  en  moins  de  cinq  jours.  Elles  peuvent  se 
rencontrera  tout  âge.  Charcot  les  a  signalées  chez  lej  vieillards  (Comptes 
rendus  de  la  Société  des  Hôpitaux,  1864).  Chez  l'adulte,  elles  ont  été 
étudiées  par  AVunderlich,  Woillez,  Lebert,  Leube,  Bcrnhcim,  etc.  Une 
des  observations  que  Marcotte  a  publiées  sous  le  nom  de  synoque  péri- 
pneumonique  ressortit  à  celle  variété. 

Wuhderlich  leur  distingue  deux  modes  de  début  :  l'un,  brusque,  ne 
différant  en  rien  de  celui  de  la  pneumonie  commune  ;  l'autre,  plus  lent  : 
la  température  fébrile  monte  progressivement  jusqu'au  troisième  jour  ; 
mais  à  peine  a-t-elle  atteint  40°  qu'elle  redescend.  Celle  dernière  variété 
paraît  d'ailleurs  fort  rare. 

La  défervescence  ne  s'accompagne  pas  d'une  crise  aussi  accentuée  qu'on 
la  voit  dans  la  pneumonie  commune. 

Quant  aux  symptômes  physiques,  on  observe  des  crachats  visqueux 
blancs  ou  tout  au  plus  safranés,  mais  jamais  rouilles  ;  il  y  a  de  la  sub- 
matité,  mais  pas  d'augmentation  des  vibrations  thoraciques;  à  l'ausculta- 
tion on  entend  des  râles  crépitants  ou  sous-crépitants  plus  ou  moins  fins 
>  et  un  souffle  doux,  avant  son  maximum  à  la  racine  des  bronches,  ce  qui 
prouve  qu'il  est  symptomatique  d'une  congestion  pulmonaire  et  non 
i  d'une  hépatisation.  En  fait,  ces  pneumonies  ne  paraissent  pas  aboutir  à 
'  un  hépatisation  véritable  ;  anatomiquement,  ce  sont  surtout  des  pneu- 
monies congestives. 

B.  Pneumonies  à  marche  foudroyante.  —  Outre  la  pneumonie  dont 
!  la  durée  est  abrégée  par  la  bénignité  de  l'affection,  il  en  est  d'autres  chez 
I  lesquelles  l'issue  fatale  survient  d'une  manière  tellement  rapide  que  l'épi- 
I  thète  de  foudroyante  ne  me  paraît  pas  exagérée.  Il  en  est  de  plusieurs 
f  espèces  et  je  ne  prétends  pas  les  indiquer  toutes. 

a)  Une  d'elles  se  rencontre  chez  les  diabétiques.  J'ai,  pour  ma  part, 
'  vu,  avec  mon  collègue  le  docteur  Rigal,  un  diabétique  jeune  encore,  non 
;  arrivé  à  la  période  consomptive,  car  il  était  resté  fort  obèse,  et  chez  lequel 
I  la  pneumonie  ne  parait  pas  avoir  duré  plus  de  56  heures.  L'autopsie 
n'a  pas  été  faite  et  l'on  peut  sans  doute  se  demander  si  le  début  brusque, 
la  lièvre,  les  râles  crépitants  que  nous  avons  constatés  prouvent  suffisam- 
ment l'existence  d'une  pneumonie;  nous  l'avons  cru,  et  malgré  l'absence 
Ide  vérification,  le  diagnostic  me  semble  encore  dans  ce  cas  avoir  été  bien 


438  PNEUMONIE  LOBAIRE  AIGUË.  —  variétés  anoumai.ks  par  u  marche. 

établi.  —  Bien  que  mal  connue,  la  pneumonie  foudroyante  .des  diabétiques 
n'est  pas  absolument  ignorée  des  praticiens.  Il  serait  à  désirer  que 
chacun  publiât  les  faits  de  ce  genre  qu'il  a  pu  observer. 

b)  Sous  le  nom  de  pneumonie  séreuse,  Traube  rapporte  deux  obser- 
vations, d'ailleurs  fort  incomplètes,  qui  peuvent  être  citées  ici  :  dans  la 
première,  il  s'agit  d'un  malade  atteint  d'une  insuffisance  aortique  très- 
prononcée  et  qui  fut  pris  d'une  fièvre  typhoïde.  Pendant  le  cours  de  celle-ci, 
— Traube  ne  dit  pas  à  quelle  période  —  il  se  développa  des  sjmptômes  pul- 
monaires qui,  au  bout  de  24  heures,  revêtirent  un  caractère  très-sérieux. 
L'expectoration  consistait  en  un  liquide  visqueux  et  spumeux,  rouge  brun, 
transparent  en  couche  mince,  et  ne  coagulant  pas.  La  mort  arriva  5G  heures 
après  le  début  des  accidents  pulmonaires.  Le  second  malade  était  un 
homme  de  40  ans,  atteint  de  fièvre  récurrente.  Pendant  la  rémission,  la 
température  tomba  à  55°, 4.  Tout  à  coup,  il  fut  pris  de  dyspnée  avec 
sterteur.  On  constata  de  la  matilé  et  des  râles  crépitants  dans  la  moitié 
inférieure  droite  de  la  poitrine;  la  toux  était  rare  et  courte;  la  tempéra- 
ture, 57°, 5  ;  les  extrémités  froides.  Mort  quinze  heures  après  l'apparition 
des  symptômes  pulmonaires. 

Il  ne  s'agit  pas  là  d'une  pneumonie  compliquée  d'oedème  pulmonaire, 
mais  d'un  proressus  rapide,  pouvant  ou  non  s'accompagner  d'une  expec- 
toration spéciale.  A  vrai  dire,  je  doute  beaucoup  que  ces  cas  rassortissent 
à  la  pneumonie  lobaire.  L'autopsie  du  premier  malade  n'est  rien  moins 
que  démonstrative,  car  il  est  question  de  plusieurs  foyers,  et  il  n'y  a  pas 
eu  d'autopsie  pour  le  second.  Ce  n'est  pas  une  raison  pour  contester 
l'existence  de  la  pneumonie  lobaire  séreuse  .dont  j'ai  parlé  à  propos  de 
l'anatomie  pathologique,  d'après  Schùlzenberger.  Mais,  bien  que  ce  der- 
nier n'en  rapporte  point  d'observation,  il  me  paraît  certain  que  les  faits 
qu'il  a  désignés  du  nom  de  pneumonie  séreuse  sont  essentiellement  dif- 
lérents  de  ceux  de  Traube. 

c)  Il  est  des  cas  où  l'on  trouve  à  l'autopsie  un  lobe  entier  à  l'étal 
d'hépatisation  grise  non  douteuse,  quoique  le  début  de  la  pneumonie  ne 
date  que  de  très-peu  de  jours.  11  faut  donc  admettre,  ou  bien  qu'elle  a 
évolué  avec  une  rapidité  extraordinaire,  ou  bien  qu'elle  a  été  purulente 
d'emblée,  sans  passer  par  le  stade  d'hépatisation  rouge,  ce  qui  me  paraît 
plus  vraisemblable.  J'en  ai  déjà  dit  un  mot  au  chapitre  de  l'anatomie  pa- 
thologique d'après  un  cas  de  Ranvier;  j'en  marque  aussi  la  place  ici, 
mais  je  ne  peux  faire  plus,  car  leur  symptomatologie  m'est  inconnue.  Je 
sais  seulement  que,  dans  les  cas  observés  par  Ranvier,  la  maladie  n'a  duré 
que  trois  jours  :  il  s'agissait  de  jeunes  soldats  non  habitués  aux  fati- 
gues, aux  privations  et  au  froid  et  qui  abusaient  peut-être  de  l'alcool. 

En  somme,  toutes  ces  pneumonies  à  marche  plus  ou  moins  foudroyan- 
te se  développent  sur  un  mauvais  terrain,  soit  que  le  sujet  soit  affecté 
depuis  longtemps  d'une  maladie  chronique,  soit  qu'il  soit  placé  dans  les 
conditions  toutes  spéciales  de  non-résistance  que  réalisent  les  fatigues 
excessives,  le  shoc,  etc. 

2°  Pneumonies  à  durée  prolongée.  —  J'ai  dit  plus  haut  (Yoy.  Marche) 


PNEUMONIE  LOBAIRE  AIGUË.  —  variiîtés  anormales  par  la  marche.  439 

que  la  défervescence  a  lieu  entre  le  6e  et  le  9°  jour,  mais  exception- 
nellement elle  peut  se  faire  attendre  jusqu'au  14°  jour  et  môme  au  delà 
sa?is  queVhépalisalion  grise soil  nécessairement  établie.  La  cause  la  plus 
ordinaire  de  cette  durée  insolite  de  la  maladie  est  dans  l'envahissement 
de  l'autre  poumon,  ou  bien  dans  la  formation  successive  de  plusieurs 
foyers  isolés  (l'orme  particulière  de  pneumonie  à  laquelle  on  donne  le 
nom  de  pneumonie  migratrice).  Étudions  d'abord  la  pneumonie  double, 
qui  est  beaucoup  moins  rare. 

A.  Pneumonie  double. —  Elle  s'observerait,  d'après  Grisolle,  1  fois  sur 
16  ebez  l'adulte;  chez  reniant,  elle  est  peut-être  plus  commune.  Jamais 
elle  ne  débute  à  la  fois  dans  les  deux  poumons.  C'est  entre  le  4e  et  le 
15e  jour  (Grisolle),  en  moyenne  le  8e  jour,  que  le  second  poumon  est 
envahi.  Grisolle  en  conclut  «  que,  si  une  pneumonie  devient  double,  cela 
ne  dépend  pas  d'une  même  cause  qui  aurait  agi  à  la  fois  sur  les  deux  pou- 
mons, puisqu'il  y  a  eu  un  trop  long  intervalle  entre  la  provocation  et 
l'explosion  de  la  deuxième  pneumonie  ;  il  faut  plutôt  admettre  une  in- 
fluence pathologique  qu'exerce  le  poumon  primitivement  malade  sur  son 
congénère  resté  sain,  en  vertu  de  cette  loi  de  souffrance  mutuelle  et 
réciproque  des  organes  pairs  dont  on  trouve  de  si  fréquents  exemples 
dans  la  pratique.  » 

En  d'autres  termes,  et  pour  traduire  sa  pensée  en  langage  moderne, 
Grisolle  admet  une  action  réflexe  du  poumon  malade  sur  le  poumon  sain, 
qui  se  prendrait  au  même  titre  que  le  second  œil  dans  le  cas  d'ophthal- 
mie  sympathique.  Je  laisse  â  Grisolle  la  responsabilité  de  cette  théorie 
d'ailleurs  ingénieuse,  qui  est  applicable  à  certains  cas,  mais  non  à  ceux 
où  le  second  poumon  paraît  s'enflammer  par  suite  de  la  continuation  de 
l'action,  de  la  cause,  comme  dans  les  cas  de  pneumonie  migratrice  dont 
je  vais  parler  tout  à  l'heure  et  qui  expliqueront  suffisamment  ma  pensée 
pour  qu'il  soit  inutile  de  la  développer  ici. 

L'envahissement  du  second  poumon  est  accompagné  d'une  recrudes- 
cence de  la  fièvre,  presque  toujours,  et  non  dans  un  dixième  des  cas  seu- 
lement, comme  le  prétend  Grisolle,  qui,  privé  du  thermomètre,  a  pu 
facilement  la  méconnaître.  Mais  il  est  tout  à  l'ait  exceptionnel  qu'il  soit 
marqué  par  un  nouveau  frisson  et  par  l'ensemble  symptomatique 
plus  ou  moins  solennel  qui  caractérise  le  début  de  la  maladie.  Cela 

•  est  tout  naturel  si  l'on  admet,  comme  je  viens  de  le  dire,  qu'une  pneu- 
:  monie  double  n'équivaut  pas  à  deux  pneumonies,  et  qu'il  s'agit  seulc- 
.  ment  d'une  recrudescence  delà  maladie.  Grisolle,  qui  s'étonne  du  début 

plus  ou  moins  latent  de  ce  qu'il  appelle  la  seconde  pneumonie,  se  l'ex- 
plique cependant  par  les  deux  raisons  suivantes  qui  ont  bien  leur  valeur 

•  €t  dont  il  faut  par  conséquent  tenir  compte  :  1°  parce  que,  dit-il,  elle  se 
déclare  à  l'époque  où  la  première  continue  encore  à  s'aggraver  ou  bien 
lorsqu'elle  est  parvenue  à  la  période  la  plus  aigué;  —  k2°  parce  que  le 
poumon  affecté  en  dernier  lieu  l'est  à  un  degré  moindre  que  le  premier  et 

1  dans  une  étendue  moins  considérable. 

H  résulte  de  cette  quasi-latence  que,  si  une  élévation  de  la  température 


AAO  PNEUMONIE  LOBAlMi  AIGUË.  —  variétés  anomales  pab  la  manche. 

peut  faire  présumer  l'envahissement  de  l'autre  poumon,  c'est  l'ausculta- 
tion seule  qui  peut  donner  une  certitude. 

B.  Pneumonie  à  foyers  successifs.  —  Il  est  une  forme  de  pneu- 
monie dont  peu  d'exemples  ont  été  publiés,  mais  sur  laquelle  il  importe 
de  fixer  l'attention,  vu  son  allure  tout  étrange.  Voyons  en  quoi  elle 
consiste. 

On  a  dit,  mais  à  tort,  qu'elle  sévit  particulièrement  sur  les  femmes.  Il 
y  a  un  frisson  initial,  une  fièvre  d'intensité  moyenne,  d'une  durée  très- 
courte,  ou  qui  fort  rarement  atteint  la  durée  ordinaire;  puis  la  déferves- 
cence. —  Jusqu'ici  on  a  donc  l'image  de  la  pneumonie  abortive;  —  mais 
après  une  période  d'apyrexie  de  quelques  heures  à  un  ou  deux  jours,  il  se 
développe  un  nouveau  foyer  dans  le  même  poumon  ou  plus  rarement  dans 
le  poumon  du  cùié  opposé.  Dans  un  cas  il  y  eut  dix  foyers  successifs;  dans 
chacun  d'eux  la  pneumonie  ne  parut  pas  dépasser  la  période  d'engoue- 
ment. Il  paraîtrait  que  la  durée  totale  de  la  maladie  pourrait  atteindre 
deux  mois!  Dans  le  cas  de  Kelemen,  il  y  eut  quatre  foyers  :  le  premier 
dura  quatre  jours  et  atteignit  l'hépatisation  :  les  deuxième  et  troisième  ne 
durèrent  qu'un  jour  et  ne  présentèrent  que  les  signes  de  l'engouement,  le 
premier  persista  pendant  leur  durée;  le  quatrième,  à  l'autopsie,  fut  trouvé 
à  l'état  d'hépatisation.  Quand  un  nouveau  foyer  se  déclare  avant  que  le 
précédent  ait  achevé  son  évolution,  il  n'y  a  pas  de  période  d'apyrexie, 
Si  les  foyers  ne  dépassent  pas  la  période  d'engouement,  il  n'y  a  pas 
d'expectoration  colorée. 

Dans  le  cas  de  Kelemen,  la  pneumonie  s'est  développée  dans  le  cours 
d'un  typhus  ;  mais  dans  les  cas  précédemment  publiés  par  Waldenburg 
et  Fischl,  la  maladie  parait  avoir  été  primitive.  Quant  au  cas  de  Weigand, 
il  est  douteux  qu'il  se  rapporte  à  une  pneumonie  fibrineusc. 

En  terminant  le  peu  que  j'avais  à  dire  sur  celte  forme,  je  tiens  à  dégager 
ma  responsabilité.  Je  l'ai  décrite  d'après  des  observations  en  fort  petit 
nombre,  qui  ne  sont  d'ailleurs  pas  irréprochables  en  tous  points;  aussi 
m'ont-elles  laissé  dans  le  doute  à  quelques  égards.  Une  particularité  cu- 
rieuse, c'est  l'apparition  tardive  des  râles  crépitants  dans  les  faits  jusqu'ici 
publiés  :  ainsi  dans  deux  cas  (Waldenburg,  Weigand),  on  ne  perçut  de 
râles  crépitants  qu'au  cinquième  jour  de  la  maladie,  et  dans  l'autre  cas 
di  Weigand,  qu'au  quatorzième  jour  !  Plusieurs  foyers  n'ont  donc  été 
caractérisés  que  par  de  la  matité,  et  par  un  souffle  (de  congestion?). 

C.  Pneumonie  migratrice .  —  La  variété  que  je  viens  d'indiquer  sous 
la  rubrique  de  Pneumonie  à  foyers  successifs  est  désignée  en  Allemagne 
par  l'épithète  de  migratrice  ou  érysipélateuse.  Celle  dernière  d<  nomi- 
nation est  parfaitement  impropre  et  ne  peut  se  défendre;  car  clic  parait 
sous-entendre  une  relation  étiologique  avec  l'érysipèle  qui,  en  supposant 
qu'elle  fût  vraie  pour  quelques  cas,  ainsi  que  le  pense  Friedreich  (da 
acute  Milzlumor),  n'est  certainement  pas  exacte  pour  la  plupart  des  cas 
jusqu'ici  connus.  La  pneumonie  de  nature  vraiment  érysipélateuse,  dont 
mon  collègue  Straus  vient  de  publier  une  remarquable  observation,  n'af- 
fecte pas  celte  marche  ;  en  tous  cas  elle  ne  s'est  pas  présentée  ainsi  dan 


PNEUMONIE  LOBAIRE  AIGUË.  —  variétés  anormales  par  la  marche.  441 

son  observation,  qui  est  certainement  la  plus  régulière  de  toutes  celles 
qui  ont  clé  publiées  sous  le  nom  d'érysipèlc  du  poumon. 

Quant  à  l'épithète  de  migratrice,  elle  me  parait  ne  bien  s'appliquer 
qu'à  la  variété  que  je  vais  maintenant  faire  connaître,  et  qui  établit  en 
quelque  sorte  une  transition  entre  la  variété  précédente  et  la  forme  com- 
mune. 

Dans  cette  variété,  la  maladie  n'évolue  pas  par  étapes  comme  dans  la 
variété  précédente.  Ce  qui  la  distingue  seulement  de  la  forme  commune 
de  la  pneumonie,  c'est  que  les  parties  primitivement  atteintes  entrent 
déjà  en  résolution  au  moment  où  de  nouvelles  portions  sont  atteintes. 
Fischl  a  défini  la  pneumonie  migratrice  en  disant  que  c'est  une  pneumo- 
nie qui  envahit  la  plus  grande  partie  de  l'un  ou  des  deux  poumons  et 
qui  dure  longtemps;  mais  cette  définition  est  trop  large:  car  on  englobe- 
rait ainsi,  et  bien  à  tort,  parmi  les  pneumonies  migratrices  toutes  les 
pneumonies  extensives,  c'est-à-dire  celles  des  pneumonies  communes  qui 
gagnent  du  terrain  pendant  quelques  jours,  mais  sans  quitter  le  foyer 
primitif,  c'est-à-dire  sans  émiqrer. 

Tout  récemment,  le  docteur  Hamburger  a  publié  plusieurs  cas  de  pneu- 
monie migratrice  recueillis  à  la  clinique  du  professeur  Kussmaul  ;  dans 
la  plupart  des  cas  la  maladie  devait  envahir  les  deux  poumons;  malgré 
cela,  la  gravité  de  ces  cas  n'était  pas  fort  grande,  presque  tous  se  sont 
terminés  par  la  guérison  dans  un  espace  de  temps  variant  entre  dix  et 
dix-sept  jours.  Il  semble  donc  que  la  marche  migratrice  d'une  pneumo- 
nie indique  une  lésion  pulmonaire  plus  superficielle  et  par  conséquent 
moins  grave. 

5°  Pneumonie  périodique. —  Les  seules  pneumonies  dont  l'évolution  se 
fasse  d'une  manière  périodique  sont  les  pneumonies  développées  sous 
l'influence  de  l'intoxication  paludéenne;  je  n'ai  que  peu  à  dire  de  nouveau 
sur  cette  question,  qui  a  été  magistralement  traitée  par  Grisolle. 

11  décrit  une  forme  intermittente  et  une  forme  rémittente;  la  première 
est  de  beaucoup  la  plus  intéressante. 

Comme  la  plupart  des  accidents  pernicieux,  la  pneumonie  peut  ne  se 
développer  que  consécutivement  à  un  ou  plusieurs  accès  de  fièvre  inter- 
mittente simple  ;  mais,  dans  la  plupart  des  cas,  il  y  a  dès  le  premier  accès 
fébrile  quelques  symptômes  tlioraciques,  par  exemple  une  douleur  au  côté, 
puis,  aux  accès  suivants,  la  maladie  se  caractérise. 

Le  frisson  par  lequel  débute  l'accèsestplus  violentet  pluslong  que  celui 
de  la  pneumonie  ordinaire  ;  tout  aussitôt  surviennent  un  point  de  côté  et  de 
l'oppression  ;  bientôt  les  malades  rejettent  une  expectoration  caractéris- 
tique, et  l'auscultation  fait  entendre  une  crépitation  fine  et  sèche,  mêlée 
parfois  à  du  souille.  Quant  à  la  fièvre,  elle  a  l'allure  de  la  fièvre  intermit- 
tente :  au  frisson  succède  une  chaleur  ardente  et  après  six  à  douze  heures 
:  une  détente  complète  avec  diaphorèse.  Les  accidents  tlioraciques  dimi- 
nuent parallèlement  à  la  fièvre.  L'intermission  peut  être  complète  du 
1  côté  du  thorax  pendant  l'intermission  fébrile  ;  d'autres  fois  il  reste  une  cré- 
I  pitation  grasse,  humide,  de  la  faiblesse  ou  de  la  rudesse  du  murmure, 


143  PNEUMONIE  LOUAIMi  AIGUË.  —  variétés  anormals  TAU  I.A  JIAHCIIE. 

ou  bien  des  symptômes  plus  accentués,  si  la  lésion  pulmonaire  est  plus 
avancée.  Dans  une  des  observations  de  Catteloup,  la  lièvre  cessa  deux 
jours  ;  pendant  ce  temps,  il  persista  du  souille  bronchique  et  de  la  matilé 
dans  les  deux  tiers  inférieurs  de  la  poitrine  à  gauche ,  symptomatiques 
d'une  hépatisation  rouge  prouvée  par  l'autopsie. 

Eu  général  la  fièvre  pernicieuse  pncurnonique  revêt  le  type  tierce  ou 
quotidien  ;  en  se  renouvelant,  les  accès  deviennent  plus  graves  et  plus 
longs,  et  l'intermîssion  est  d'autant  plus  courte  et  moins  complète  que  les 
accès  se  reproduisent  un  plus  grand  nombre  de  fois  :  la  pneumonie  de- 
vient alors  rémittente.  En  l'absence  de  traitement,  la  lésion  pulmonaire 
s'aggrave;  souvent  les  deux  poumons  sont  pris,  il  se  joint  des  troubles 
cérébraux,  et  les  malades  succombent. 

Grisolle  fait  particulièrement  remarquer  :  1°  le  délaul  de  proportion 
lors  du  premier  accès  entre  la  fièvre  et  la  lésion  locale,  encore  minime  et 
qui  grandit  rapidement  à  chaque  accès;  2°  le  caractère  mou  et  dépres- 
siblc  et  la  fréquence  extrême  du  pouls,  même  chez  les  sujets  robustes; 
puis  il  insiste  beaucoup  sur  l'inlcrprétation  qu'il  convient  de  donner  aux 
faits  dont  il  vient  de  présenter  l'analyse  «  et  qui  prouvent,  dit-il,  sura- 
bondamment que  la  pneumonie  intermittente  n'est  pas  une  pblegmasie 
pulmonaire  compliquée  d'une  fièvre  d'accès,  mais  deux  états  connexes 
liés  intimement  l'un  à  l'autre  et  procédant  de  la  même  cause  miasma- 
tique. »  Cette  manière  de  voir  est  d'autant  plus  importante  à  enregistrer, 
que  l'éducation  médicale  de  Grisolle  ne  le  portait  pas  certainement  de  ce 
côté  ;  elle  s'est  imposée  à  lui,  comme  s'impose  la  vérité  à  tout  esprit 
droit. 

Postérieurement  à  la  2?  édition  de  Grisolle,  le  docteur  Armaingaud  a 
publié  deux  observations  de  pneumonie  intermittente  à  type  tierce  qu'il  a 
recueillies  lui-même  dans  le  canton  de  Saint-Ciers-Lalande,  localité  palu- 
déenne. 11  y  a  joint  les  tracés  thermiques.  Nous  y  voyons  pour  le  pre- 
mier malade,  âgé  de  50  ans,  que  le  premier  jour  la  température  était  à 
59°,9  le  matin  et  59°, 8  le  soir  ;  le  lendemain  à  57%8  et  le  surlendemain 
au  même  degré  que  le  premier  jour.  Guérison  après  ces  deux  accès  par 
le  sulfate 'de  quinine.  La  pneumonie  était  caractérisée  par  un  point  de 
côté,  des  crachats  sanglants,  de  la  matité  et  des  raies  crépitants.  —  Dans 
son  second  cas,  qui  concerne  un  jeune  homme  de  28  ans,  la  température 
était  à  40°  le  premier  et  le  troisième  jour,  et  à  56°, 9,  le  deuxième.  Mêmes 
symptômes  locaux.  Guérison  par  la  quinine. 

Un  médecin  militaire  allemand  a  aussi  publié  un  cas  de  pneumonie 
intermittente  avec  température.  Voici  quelques  traits  de  son  observation 
{Deutsche  med.  Wochcnsclirifl,  1876,  n°49). 

Il  s'agit  d'un  soldat  qui,  le  15  soir,  est  pris  de  fièvre  :  température  59°, 5, 
respiration  24.  A  la  base  droite,  râles  crépitants  dans  une  étendue  de 
4  centimètres  carrés,  crachats  muqueux  touillés;  pas  de  matilé,  mais  il 
existe  un  point  douloureux. 

14  matin,  T.  57°, 5;  pas  de  toux,  même  au  moment  des  respirations 
profondes  ;  pas  de  point  de  côté. 


PNEUMONIE  LOBAI  RE  AIGUË.  —  variétés  anormales  par  la  marche.  445 

A  5  heures,  frisson  ;  le  soir,  T.  40°,5  ;  crachats  rouilles  ;  coloration 
ictérique  des  conjonctives  ;  respiration  56,  râles  crépitants. 

15  matin,  57°, 5,  état  général  bon,  mais  crachats  rouilles,  mêles  à  du 
mucus  purulent  ;  pas  de  râles  crépitants  ;  à  11  heures,  quinine  2  gram- 
mes ;  le  soir  pas  d'accès. 

16  malin,  56°, 5;  guérison  ultérieure. 

Dans  la  forme  rémittente,  le  mouvement  fébrile,  une  fois  établi,  con- 
tinue sans  interruption,  mais  en  éprouvant  de  temps  en  temps,  et  à  des 
intervalles  réguliers,  des  exacerbations  et  des  rémissions  :  je  ne  crois  pas 
devoir  entrer  dans  aucun  détail,  Grisolle  avouant  lui-même  qu'on  a  réuni 
sur  ce  nom  des  faits  disparates. 

4°  Pneumonie  à  marche  alternante.  —  Je  désire  faire  entendre  par 
celte  dénomination,  peu  claire  je  l'avoue  et  que  je  suis  prêt  à  changer  pour 
une  meilleure,  la  pneumonie  dont  l'évolution  est  momentanément  sus- 
pendue par  le  développement  d'autres  accidents,  conformément  à  l'apho- 
risme duobus  laboribus  ;  puis  qui  reprend  quand  ces  accidents  diminuent 
et  réciproquement;  bref,  la  pneumonie  dans  laquelle  on  observe  un  ba- 
lancement entre  la  lésion  pulmonaire  et  une  autre  lésion.  C'est  à  peu 
près  exclusivement  dans  le  cours  du  rhumatisme  articulaire  aigu  qu'on 
a  observé  cette  marche  singulière  de  pneumonie  ;  néanmoins  je  me  suis 
gardé  de  désigner  ce  paragraphe  du  nom  de  pneumonie  rhumatismale: 
car  il  s'en  faut  que  toute  pneumonie  née  sous  l'influence  du  rhumatisme 
présente  cette  marche,  qui  est  fort  rare.  D'ailleurs,  je  ne  traite  pas  dans 
ce  chapitre  des  espèces  de  pneumonie,  mais  uniquement  des  anomalies 
i  de  marche,  quelle  que  soit  la  nature  de  la  pneumonie.  Je  ne  devais 
•  donc  pas  employer  la  désignation  de  rhumatismale,  bien  que  les  cas  que 
j'ai  vus  soient  en  effet  sous  la  dépendance  du  rhumatisme. 

Je  ne  trouve  cette  forme  suffisamment  décrite  dans  aucun  auteur  clas- 
:  sique.  Grisolle,  qui  met  les  pneumonies  rhumatismales  sur  le  même 
rang  que  les  pneumonies  vermineuses,  ce  qui  n'est  pas,  je  pense,  leur 
faire  beaucoup  d'honneur,  dit  que  ces  pneumonies,  qu'il  tient  pour 
extrêmement  rares,  «  peuvent,  une  fois  déclarées,  ne  pas  différer  par  leur 
marche  de  celles  qui  ont  une  autre  origine  ;  »  mais,  continue-t-il,  «  le 
i  contraire  peut  avoir  lieu  »,  et  il  cite,  à  l'appui  de  son  dire,  un  cas  fort 
i  remarquable  qu'il  a  observé  avec  Louis,  et  qui  est  un  exemple  de  pneu- 
i  monie  à  marche  alternante  ;  Grisolle  a  été  plus  frappé  par  le  peu  de 
I  fixité  des  symptômes  physiques  de  la  pneumonie  que  par  leur  alternance 
avec  les  douleurs  articulaires  ;  cependant  il  la  signale.  «  Du  matin  au 
;soir,  dit-il,  on  voyait  le  souffle  être  remplacé  par  la  crépitation  et  réci- 
|  proquement;  jamais  pourtant  dans  l'intervalle  de  ces  sortes  de  crises  le 
|  poumon  ne  recouvrait  sa  perméabilité  :  il  restait  toujours  un  son  obscur 
et  un  bruit  respiratoire  affaibli  ;  mais  de  temps  en  temps,  et  presque 
•'  toujours  pendant  une  recrudescence  des  douleurs  articulaires,  on 
l  voyait  le  lobe  inférieur  se  prendre  à  son  tour.  C'était  d'abord  une  cré- 
|>itation  fine;  puis  au  bout  de  quelques  heures  survenait  du  souffle  et  de 
1  la  bronchophonie.  Ces  crises,  qui  duraient  chaque  fois  trois  à  quatre  jours, 


■iU   PNEUMONIE  LOBAIRE  AIGUË.  —  formes  ;  variétés  symptomatiqdes. 

se  sont  reproduites  en  trois  mois  dix  à  douze  fois.  A  aucune  des  crises  il 
n'y  eut  d'expectoration  caractéristique.  » 

La  thèse  de  mon  collègue  Fcrnct  sur  le  rhumatisme  aigu,  (Paris,  1805) 
renferme  une  ohscrvation  d'alternance  remarquable  entre  la  pneumonie 
et  les  douleurs  articulaires,  communiquée  par  Desnier  (p.  09). 

Le  docteur  Kobryner  vient  de  publier  dans  le  Bulletin  de  thérapeutique 
l'observation  d'un  enfant  de  11  ans  qui,  le  8  décembre,  eut  des  petits 
frissons  erratiques  et  de  la  fièvre  le  soir;  à  partir  du  12,  la  fièvre  fut 
continue  «  avec  de  forts  redoublements  de  5  à  4  heures  de  durée.  »  En 
même  temps  les  signes  locaux  (râles  crépitants  et  souffle)  deviennent 
perceptibles  et  la  douleur  de  côté  intolérable. 

A  partir  du  14  décembre,  douleurs  articulaires  dans  les  genoux,  les 
hanches,  et  pendant  la  durée  de  ces  douleurs  le  point  de  coté,  l'oppres- 
sion et  les  signes  stéthoscopiques  disparurent  complètement.  —  Une  bas- 
cule en  sens  inverse  éclaira  définitivement  le  médecin,  puis  une  autre.  — 
Bref,  la  pneumonie  l'emporta  le  18  et  ne  cessa  que  le  24,  époque  à  la- 
quelle l'application  de  sinapismes  aux  genoux  ramena  la  fluxion  aux 
membres  inférieurs  pendant  5  jours;  à  partir  de  ce  moment  le  malade 
fut  guéri. 

Voilà  bien  un  type  de  la  forme  alternante.  Encore  une  fois,  el  j'y 
reviendrai  plus  loin,  quand  je  traiterai  des  espèces  de  pneumonie,  toute 
pneumonie  rhumatismale  n'évolue  pas  de  cette  manière,  tant  s'en  faut. 
Cette  forme  est  d'une  excessive  rareté. 

Je  crois  avoir  terminé  ce  que  l'on  peut  dire  des  anomalies  de  marche. 
Je  passe  maintenant  aux  variétés  symptomaliques  de  la  pneumonie. 

II.  Formes;  variétés  symptomatiques.  —  Je  traiterai  d'abord  des  variétés 
qui  se  distinguent  surtout  par  un  état  général  dépendant  du  génie  de 
la  maladie  ou  du  sujet  lui-même;  ces  -variétés  sont  désignées  d'habitude 
sous  le  nom  de  formes.  Viendront  ensuite  celles  qui  tiennent  à  des 
conditions  anatomiqnes  particulières  delà  pneumonie. 

A.  Forme  inflammatoire  ou  slhénique.  —  En  \  862,  Gairdner  (d'Edin- 
burg)  écrivait  :  «  Les  pneumonies  observées  autrefois  dans  cette  ville  par 
Cullen  et  Gregory  sont  devenues  excessivement  rares;  les  pneumonies 
actuellement  ne  réclament  qu'un  traitement  antiphlogistique  peu  éner- 
gique et  même  guérissent  sans  traitement.  »  Sauf  le  dernier  membre  de 
phrase,  je  crois  qu'il  n'est  guère  de  médecins  de  grande  ville  qui  ne 
partagent  l'opinion  de  Gairdner;  il  est  certain  que  la  forme  sthénique,  là 
forme  qui,  paraît-il,  était  la  plus  commune  au  commencement  de  notre 
siècle,  a  disparu.  Je  n'ai  pas  les  éléments  pour  la  décrire  ;  son  élude  n'a 
d'ailleurs  pas  actuellement  un  grand  intérêt  pratique  ;  je  devais  au  moins 
rappeler  son  existence. 

B.  Pneumonie  bilieuse.  —  Cette  forme  paraît  avoir  été  observée  par 
Sydenham  en  1675,  par  Baglivi  en  1691,  parlluxhain  en  1755  et  1757, 
par  Zinimermann  et  par  Tissot  (1755),  la  même  année  par  Sauvages,  et 
en  1765-68  par  Lepecq  de  la  Clôture.  En  1775,  elle  sévit  dans  plusieurs 
contrées  de  l'Europe.  Quelques  années  plus  tard,  elle  fut  décrite  par  Stoll. 


PNEUMONIE  LOBAIRE  AIGUË.  —  formes;  variétés  symptomatiques.  445 

Grâce  à  ces  médecins  illustres,  la  pneumonie  bilieuse  a  joui  d'une 
grande  célébrité.  Aujourd'bui  son  importance  est  bien  diminuée.  Elle 
naît  sous  l'influence  de  constitutions  épidémiques ,  soit  temporaire,  d'où 
;  sa  fréquence  à  certaines  époques,  sa  rareté  dans  d'autres,  soit  surtout 
.  stationnaire,  c'est  pourquoi  elle  est  relativement  commune  dans  le  midi 
,  de  l'Europe.  Je  n'en  ai  jamais,  pour  ma  part,  observé  que  deux  cas,  encore 
!  mal  caractérisés.  Aussi  j'en  emprunte  la  description  aux  médecins  de 
Montpellier  et  à  Grisolle  : 

Je  rappelle  ici  que  Vétal  bilieux,  dans  le  sens  traditionnel,  n'a  rien  de 
,  commun  avec  l'ictère,  ou  du  moins  que  l'ictère  n'en  est  pas  un  des  élé- 
ments essentiels  :  souvent  il  manque  absolument  ;  il  n'y  a  pas  de  bile 
dans  l'urine,  pas  de  ralentissement  du  pouls,  pas  de  coloration  jaune 
nécessaire  de  la  peau  ou  des  muqueuses.  Dès  lors  il  serait  préférable  de 
i  dénommer  par  une  autre  épithète  l'état  que,  depuis  Stoll,  on  appelle 
l'état  bilieux.  Celle  de  gastrique  mériterait  la  préférence. 

En  effet,  dans  l'état  dit  bilieux  il  existe  une  céphalalgie  gravative;  les 
i  malades  éprouvent  souvent  de  la  douleur  à  l'épigastre  et  y  rapportent  un 
:  sentiment  de  plénitude.  Ils  ressentent  une  saveur  le  plus  souvent 
;amère,  un  dégoût  pour  tous  les  aliments:  ils  ont  des  envies  de  vomir.  La 
I  langue  est  très-sale. 

Or,  c'est  là  ce  que  nous  appelons  aujourd'bui  l'état  gastrique. 
La  pneumonie  dite  bilieuse  survient  souvent  après  dus  prodromes  de 
Igastricité,  à  l'occasion  d'un  excès,  d'une  fatigue  quelconque,  quelquefois 
;  après  un  refroidissement  que  Grisolle  dit  avoir  noté  chez  les  trois  quarts 
i  de  ces  malades  ;  mais  en  cela  il  n'est  pas  d'accord  avec  les  observateurs 
ide  Montpellier.  Son  début  n'est  pas  solennel  :  quelquefois  il  ne  parait 
i constitué  que  par  une  aggravation  des  prodromes;  le  plus  souvent  il  est 
i  marqué  par  une  série  de  petits  frissons.  La  température  est  élevée  au 
i début  et  va  en  s' abaissant  les  jours  suivants;  la  peau  sèche  et  parfois 
îmordicante,  le  pouls  faible  et  dépressible,  fréquent,  parfois  irrégulier  : 
i  cbez  un  tiers  des  sujets,  il  y  a  de  l'accablement  et  de  la  prostration 
i  qui  n'est  pas  en  rapport  avec  l'étendue  et  le  degré  de  la  phlegmasie  put- 
imonaire;  de  la  constipation  chez  les  trois  quarts  des  malades  ou  bien  des 
:  selles  verdàtrcs.  rarement  des  vomissements  bilieux,  mais  presque  tou- 
j  jours  de  la  douleur  épigastrique  ;  bref  tous  les  symptômes  de  l'état  gastri- 
que auxquels  il  faut  joindre  des  symptômes  nerveux  plus  accentués  que 
idans  le  simple  état  gastrique  :  une  céphalalgie  souvent  déchirante  et  des 
i  étourdissements,  des  éblouissements,  des  vertiges,  le  tout  avec  exaeerba- 
l  lion  le  soir.  Les  symptômes  thoraciques  ne  diffèrent  de  ceux  de  la  pneu- 
i  monie  franche  que  par  quelques  nuances  :  un  point  de  côté  moins  intense, 
i  des  crachats  dilfluents,  séreux,  jaunâtres,  dans  lesquels  nagent  des 
crachats  rouilles.  Le  sang,  dit-on,  n'est  pas  couenneux  ;  l'urine  ne  ren- 
f ferme  pas  nécessairement  des  pigments  biliaires;  le  visage  et  en  parti- 
culier les  conjonctives  ne  présentent  qu'exceptionnellement  une  colora- 
i  tion  ictérique.  Ce  qui,  d'après  -les  auteurs,  caractérise  la  pneumonie 
bilieuse,  plus  encore  que  les  symptômes  précédents,  c'est  l'efficacité 


440   PNEUMONIE  L01JA1IIE  AIGUË.  —  roiuiEs;  vamétés  bYMPTOMATiQUES. 

«  merveilleuse  »  de  la  médication  évacuante.  Si  cette  indication  n'est  pas 
saisie,  la  maladie,  disent-ils,  suit  sa  marche,  et  même  des  accidents 
sérieux  se  déclarent.  «  Chez  deux  malades,  dit  Grisolle,  des  symptômes 
typhoïdes  graves  succédèrent  aux  phénomènes  hilieux,  parce  qu'on  avait 
négligé  le  traitement  rationnel.  »  A  cet  égard  le  tableau  n'est-il  pas  un 
peu  assombri? 

C.  Pneumonie  asthénique,  —  dite  aussi  pestilentielle,  nerveuse, 
putride  ataxique,  adynamique,  maligne,  érysipélateuse,  typhoïde.  Toutes 
ces  épithètes  laissent  beaucoup  à  désirer  ;  la  dernière  prête  à  l'équivoque. 
Je  préfère  celle  d'aslhénique.  Pour  prévenir  toute  erreur,  je  rappelle 
qu'il  s'agit  seulement  de  pneumonies  primitives,  et  non  pas  de  pneu- 
monies secondaires  développées  dans  le  cours  de  maladies  graves,  d'une 
dothiénentérie,  par  exemple.  Ce  qui  constitue  la  forme  de  pneumonie 
dont  je  vais  rappeler  les  principaux  caractères,  ce  n'est  donc  pas  seule- 
ment l'apparence  plus  ou  moins  typhoïde,  asthénique  ou  adynamique  ; 
il  y  faut  joindre  la  condition  essentielle  que  la  maladie  s'est  dévelop- 
pée comme  affection  primitive.  C'est  ainsi  que  l'ont  comprise  Grisolle  et, 
plus  récemment,  Leichtenslern,  dont  je  vais  résumer  les  descriptions. 

Ainsi  comprises,  les  pneumonies  asthéniques  se  rencontrent  à  l'état 
sporadique  et  épidémique.  Cette  dernière  circonstance  révèle  l'indivi- 
dualité de  cette  variété  de  pneumonie  et  lui  donne  son  cachet  :  elle  nous 
montre,  en  effet,  qu'elle  ne  dépend  pas  tant  des  prédispositions  indivi- 
duelles mauvaises  que  d'une  influence  générale  frappant,  à  un  moment 
et  dans  un  même  lieu,  des  individus  dans  des  conditions  les  plus  oppo- 
sés, jeunes  et  vieux,  faibles  et  forts,  etc. 

Née  sous  l'influence  de  causes  générales,  l'affection  ne  se  révèle  pas 
tout  d'abord  par  les  signes  locaux  de  la  pneumonie;  le  plus  souvent,  il 
y  a  des  prodromes  bien  accusés  pendant  plusieurs  jours.  Grisolle,  che/. 
plus  des  deux  tiers  de  ses  malades,  a  noté  «  de  la  céphalalgie,  un  malaise 
général,  surtout  un  anéantissement  des  forces.  »  D'après  lui,  la  fièvre 
était  nulle  ou  peu  considérable  ,  assertion  qui  ne  mérite ,  d'ailleurs, 
qu'une  créance  limitée,  en  l'absence  d'observations  thermométriques 
régulières  ;  parfois  il  y  avait  des  épistaxis  et  de  la  diarrhée  ;  mais  alors 
même  que  ces  symptômes,  d'ailleurs  rares,  faisaient  défaut,  on  était  tenté 
de  soupçonner  le  début  d'une  fièvre  typhoïde.  Dans  l'épidémie  qu'a 
décrite  Torchet,  il  y  avait  en  outre  de  la  céphalalgie  sus-orbitaire. 

Relativement  aux  symptômes  locaux,  le  point  de  côté  est  plus  diffus  et 
moins  violent  que  dans  la  pneumonie  franche;  les  signes  physiques 
locaux  moins  précoces  et  moins  nets  que  dans  celte  dernière.  Souvent  on 
ne  perçoit  qu'un  affaiblissement  du  murmure  vésiculaire;  ou  bien  les  raies 
crépitants  sont  plus  gros  ;  partois  il  semble  que  l'hépatisation  reste  tout 
d'abord  centrale;  en  tout  cas,  elle  est  lente  à  se  manifester;  au  contraire, 
le  passage  de  l'hépatisation  rouge  à  l'hépatisation  grise  est  rapide.  Quant 
à  la  portion  du  poumon  où  siège  l'affection,  dans  quelques  épidémies  ç  a 
été  de  préférence  le  sommet  plutôt  que  la  base,  contrairement  à  ce  qui  a 
lieu  dans  le  cas  de  pneumonie  primitive,  et  plutôt  le  sommet  droit  que  le 


PNEUMONIE  LÛDA1RE  AIGUË.  —  formes;  variétés  symptohatiques.  447 

o-auche,  quelquefois  les  deux  sommets,  l'affection  étant  beaucoup  plus 
souvent  bilatérale  que  cela  n'a  lieu  dans  le  cas  de  pneumonie  franche. 
L'oppression  est  en  général  fort  marquée.  Le  plus  souvent,  la  pneumonie 
est  compliquée  d'épanchement  pleurétique ,  d'où  la  fréquence  de  la 
rétraction  thoracique  consécutive,  signalée  par  Stokes,  dans  les  cas  où 
Je  malade  guérit,  ce  qui  est  rare;  car  le  plus  souvent  l'épanchement  tho- 
racique est  purulent. 

Quant  aux  symptômes  généraux,  il  faut  distinguer  deux  sortes  de 
variétés  :  1°  la  forme  alaxique,  avec  délire  précoce,  soit  violent,  soit 
j paisible,  ou  simplement  subdélirium,  soubresaut  des  tendons,  et  par- 
:  Ibis  raideur  tétanique  des  membres  ; 

2°  La  forme  adynamique,  plus  fréquente,  dans  laquelle  L'adynamie 
:  survient,  ou  bien  avant  l'apparition  de  signes  physiques  locaux,  ou  quel- 
iques  jours  après  eux  :  «  la  face  porle  l'empreinte  de  la  stupeur;  les 
i  malades  restent  constamment  couchés  sur  le  dos,  leur  faiblesse  est 
i  extrême,  la  contractilité  musculaire  tellement  altérée  qu'ils  ne  peuvent 
i rester  assis,  à  moins  d'être  soutenus  par  des  aides;  si  on  les  abandonne 
ù  eux-mêmes,  ils  perdent  aussitôt  l'équilibre  et  retombent  sur  leur  oreil- 
1 1er  comme  une  masse  inerte.  Le  ventre  n'est  pas  ballonné,  mais  il  existe 
[parfois,  dès  le  début,  une  diarrhée  fétide  sans  coliques.  » 

La  température  est  habituellement  fort  élevée  ;  cependant  ce  caractère 
m'est  pas  constant,  au  contraire,  la  tuméfaction  de  la  rate  ne  manque 
[point;  parfois  elle  est  fort  prononcée;  il  peut  s'y  joindre  la  tuméfaction 
idu  foie.  L'albuminurie  est  aussi  la  règle.  L'ictère  n'est  pas  une  complica- 
tion rare,  le  sang  a  été  trouvé  sirupeux  (Rodmann)  ;  en  tout  cas,  il  ne 
i renferme  pas,  à  beauconp  près,  la  proportion  de  fibrine  que  l'on  y  ren- 
c  contre  dans  la  pneumonie  franche. 

Les  pneumonies  miasmatiques,  dont  on  a  tant  parlé  dans  ces  dernières 
uannées,  revêtent  presque  toutes  la  forme  asthénique. 

D. Pneumonie  de  slarvation.  —  Voilà  une  forme  qui  pourrait  bien  aussi 
ss'appeler  asthénique, si  cette  épithète  n'avait  déjà  son  emploi:  car  l'asthénie 
vy  est  profonde  ;  seulement  au  lieu  d'un  état  général  fébrile,  c'est  pendant 
[ipresque  toute  la  durée  de  la  maladie  Vapyrexie  ou  un  état  à  peu  près 
lapyrétique  qui  accompagne  cette  forme  de  pneumonie  particulière  aux 
i  individus  profondément  cachectiques,  notamment  aux  cancéreux  arrivés 
àà  la  période  ultime.  Elle  peut  débuter  insidieusement,  sans  symptômes 
'.capables  d'éveiller  l'attention  et  avoir  une  durée  plus  longue  que  celle'de 
Ida  pneumonie  ordinaire. 

Wunderlich  a  rapporté  l'observation  d'une  pneumonie  chez  un  hé- 
nmophilique  ;  pendant  tout  son  cours,  la  température  est  restée  sub- 
licbrile. 

Dans  quelques  cas,  que  j'ai  eu  l'occasion  d'observer,  l'apyrexie  n'a  pas 
été  complète  :  la  température  centrale  s'est  élevée  à  58"  et  momenlané- 
nment  à  quelques  dixièmes  au-dessus,  élévation  d'ailleurs  tout  à  fait 
[insuffisante  pour  faire  à  elle  seule  soupçonner  une  pneumonie. 

La  pneumonie  que  j'indique  ici  est,  comme  je  viens  de  le  dire,  au 


448    PNEUMONIE  LOBAIUE  AIGUË,  —  formes;  variétés  syuitouatiques. 

premier  chef  une  pneumonie  secondaire,  la  pneumonie  des  cachectiques. 
II  est,  je  crois,  assez  légitime  de  l'aire  rentrer  dans  cette  forme  les  pneu- 
monies plus  ou  moins  latentes ,  mais  primitives,  qui  se  rencontrent  par- 
fois dans  les  hospices  consacrés  à  la  vieillesse.  Grisolle  parle  d'individus 
qui  «  après  quelques  jours  de  simple  maladie,  d'u  i  peu  d'inappétence, 
s'affaissent  tout  à  coup,  et  meurent  subitement;  à  l'ouverture  du  cadavre 
on  est  étonné  de  trouver  une  hépalisation  grise  d'un  ou  de  plusieurs 
lohes.  »  Prus  a  même  vu  à  Bicétre  «  un  vieillard  que  l'on  ne  croyait  pas 
malade  et  qui  tomba  mort  dans  la  cour.  »  À  l'autopsie,  on  reconnut 
qu'il  n'existait  plus  qu'un  quart  des  poumons  qui  fût  perméable;  tout  le 
reste  était  frappé  d'hépatisalion  grise. 

Quoique  la  fièvre  n'ait  pas  été  constatée  chez  les  malades,  il  ne  m'est 
pas  démontré  qu'elle  n'ait  pas  existé,  au  moins  au  début  de  la  maladie. 
Ce  que  j'ai  vu  à  la  Salpétrière,  lorsque  j'avais  l'honneur  d'être  interne 
du  professeur  Charcot,  me  porte  à  le  croire.  Ainsi  que  je  l'ai  rappelé  plus 
haut,  en  traitant  de  la  fièvre  et  particulièrement  de  la  température  péri- 
phérique, les  apparences  de  la  fièvre  sont  parfois  absentes  chez  un  vieil- 
lard; il  faut,  pour  avoir  une  certitude  à  cet  égard,  prendre  la  température 
centrale. 

Dans  la  véritable  pneumonie  de  starvation,  au  contraire, —  et  c'est  ce  qui 
la  distingue  des  pneumonies  séniles  dont  je  viens  de  parler,  —  non-seu- 
lement les  apparences  de  la  fièvre  manquent,  mais  même  l'élévation  de 
la  température  centrale  paraît  faire  défaut  pendant  la  plus  grande  partie 
de  la  durée  de  la  maladie.  Cette  anomalie  tient  peut-être  à  ce  que  la  pro- 
duction de  chaleur  chez  les  sujets  profondément  cachectiques,  est  trop 
minime,  ou  bien  à  ce  que  la  pneumonie  est  chez  eux  d'une  nature  diffé- 
rente, d'une  essence  moins  fébrile. 

E.  Pneumonie  entée  sur  une  bronchite.  —  Je  n'entends  ici  ni  la 
broncho-pneumonie  ni  la  pneumonie  fibrineuse  ordinaire  compliquée  de 
bronchite  ;  je  veux  parler  de  la  pneumonie  entée  sur  une  bronchite 
antérieure,  et  qui  est  une  complication  de  cette  bronchite,  loin  d'être 
compliquée  par  elle.  Il  est  donc  question  ici  d'une  pneumonie  secon- 
daire, qui  reste  au  second  plan  derrière  la  bronchite  qui  domine  la 
scène.  Voilà  l'affection  que  j'ai  en  vue.  C'est  une  forme  symptomalique 
un  peu  bâtarde,  qui,  à  certains  égards,  établit  une  transition  entre  la 
pneumonie  fibrineuse  ordinaire  et  la  broncho-pneumonie,  en  se  rappro- 
chant assez  de  cette  dernière  au  point  de  vue  des  symptômes,  puisque 
beaucoup  de  praticiens  la  confondent  avec  la  vraie  broncho  pneumonie, 
en  raison  de  la  similitude  des  symptômes  physiques,  et  aussi,  jusqu'à  un 
certain  point,  des  symptômes  généraux. 

Cette  l'orme  est  plus  commune  chez  les  enfants  que  chez  les  adultes; 
chez  ces  derniers  on  l'observe  dans  certaines  contrées  du  midi  de  la 
France,  dans  les  lieux  bas  et  humides,  tandis  que  la  pneumonie  à  forme 
franche  sévit  sur  les  hauteurs  voisines.  On  la  rencontre  aussi  sur 
quelques  parties  du  littoral  (c'est  particulièrement  la  pneumonie  des  gens 
des  côtes),  enfin  dans  certaines  constitutions  médicales.  Ainsi  les  pneumo- 


PNEUMONIE  LOBAIRE  AIGUË.  —  formes,  variétés  symptomatiques.  -Ud 

nies  qui  ont  compliqué  l'épidémie  de  grippe  de  1857  ont,  je  crois,  revêtu 
cet  aspect  symptomalique. 

Ce  qui  lui  donne  sa  physionomie,  c'est  la  subordination  des  signes 
locaux  de  la  pneumonie  vis-à-vis  de  ceux  de  la  bronchite  généralisée  :  les 
râles  crépitants  sont  masqués  par  les  râles  sous-crépitants  ou  sibilants,  le 
souffle  par  de  gros  râles  ronflants,  l'expectoration  caractéristique  peut  faire 
défaut  ;  car  elle  est  habituellement  dans  ce  cas  simplement  visqueuse  et 
légèrement  colorée  ;  en  tous  cas,  elle  peut  passer  inaperçue,  à  cause  de 
l'abondance  de  l'expectoration  bronchique.  La  dyspnée  est  intense. 

Voilà  pour  les  symptômes  locaux  de  la  période  d'état.  Quant  aux 
symptômes  du  début,  le  point  de  côté  est  moindre,  mais  il  existe;  il  y  a 
un  frisson  ;  bref,  bien  que  ce  soit  une  pneumonie  secondaire,  le  début 
n'est  pas  tout  à  fait  insidieux.  Hourmann  et  Dechambre  ont  dans  cer- 
tains cas  noté  un  fait  paradoxal  en  apparence,  et  qui  cependant  s'explique  : 
des  vieillards  catarrheux  ont  cessé,  disent-ils,  de  tousser  au  moment  où 
ds  ont  été  pris  de  pneumonie.  Evidemment  la  toux  ne  s'est  pas  arrêtée 
d'une  manière  durable,  mais  elle  a  été  momentanément  suspendue  parce 
que,  pour  un  temps,  les  symptômes  du  catarrhe  ont  cédé  le  pas  à  ceux 
de  la  nouvelle  phlegmasie  plus  grave  qui  entrait  en  scène,  conformé- 
ment à  l'adage  :  duobus  laboribus,  etc. 

Dans  cette  forme,  les  symptômes  généraux,  plus  encore  que  les  signes 
locaux,  éprouvent  d'importantes  modifications  :  la  température  est  moins 
élevée,  les  exacerbations  vespérales  plus  marquées,  et  il  y  a,  mais  moins 
que  dans  la  broncho-pneumonie,  une  tendance  à  la  rémiltence.  Alors 
même  que  la  pneumonie  s'accompagnant  de  bronchite  est  franchement 
fibrineusc,  dit  Jurgensen,  elle  perd  sa  marche  cyclique  au  moment  de  la 
crise  :  au  lieu  de  l'apyrexie,  il  y  a  une  simple  rémission,  commencement 
d'une  période  amphibole  de  durée  indéterminée.  La  résolution  du  foyer 
pneumonique  est  traînante  ;  les  forces  sont  lentes  à  revenir  ;  parfois  même 
il  s'établit  une  fièvre  hectique  dont  la  terminaison  est  fatale.  D'autres 
fois,  surtout  chez  les  emphysémateux,  la  mort  arrive  par  insuffisance 
cardiaque,  complication  qui  sera  étudiée  plus  loin. 

Je  me  borne  à  ces  indications  fort  sommaires.  Pour  une  description 
complète  de  cette  forme  de  pneumonie  que  je  n'ai  fait  qu'indiquer  ici  je 
renvoie  aux  remarquables  publications  des  médecins  de  Montpellier  qui, 
plus  favorisés  que  nous  à  cet  égard,  ont  eu  souvent  l'occasion  de  l'observer, 
surtout  sous  sa  forme  bénigne,  et  l'ont  englobée  parmi  les  fluxions  de 
\  poitrine  de  nature  catarrhale,  lesquelles  comprennent  aussi  les  cas 
(pie  j'ai  indiqués  plus  haut  sous  le  nom  de  pneumonie  abortive. 

Je  passe  aux  variétés  dépendant  des  conditions  anatomiques  de  la 
pneumonie.  Après  celles  qui  tiennent  à  son  siège  (p.  du  sommet,  p.  cen- 
l  traie)  je  me  bornerai  à  en  signaler  une  seule,  où  avec  une  inatité  absolue 
I  le  seul  signe  d'auscultation  est  le  silence  respiratoire,  soit  en  raison  de 
I  l'existence  de  moules  fibrineux  dans  les  bronches,  soit  [par  un  méca- 
i  nisme  indiqué  par  Stokes.  Par  abréviation,  on  pourrait  désigner  du  nom  de 
[iscudopleurétique  la  singulière  anomalie  symptomatique  qui  en  résulte, 
«uv.  dict.  Mi  n.  et  cnm.  XX VU I  29 


450    PNEUMONIE  LOBAIRE  AIGUË.  —  formes,  variétés  symi>iomatiques. 

A.  Pneumonie  du  sommet.  —  Ce  n'est  pas  constamment,  tant  s'en  faut, 
que  la  pneumonie  siégeant  au  sommet  du  poumon  prend  une  physionomie 
particulière:  aussi  plusieurs  auteurs,  et  des  plus  autorisés,  se  refusent  à  la 
considérer  comme  une  variété  à  part.  Je  n'y  contredirais  point,  si  dans 
un  bon  nombre  de  cas,  surtout  chez  l'enfant,  elle  ne  présentait  des  par- 
ticularités symptomatiques  intéressantes  et  presque  toujours  une  marche 
un  peu  plus  lente  que  les  pneumonies  de  la  partie  moyenne  ou  de  la 
base  du  poumon. 

Indépendamment  de  toute  action  causale;  et  par  cela  seul  que  la  pneu- 
monie occupe  le  sommet  du  poumon,  elle  a  une  tendance  à  éveiller  davan- 
tage les  sympathies,  ou,  pour  parler  le  langage  moderne,  à  exciter  les 
actions  morbides  réflexes  plus  facilement  que  celle  qui  a  un  autre  siège. 
Chez  l'enfant  notamment,  où  ces  actions  sont  le  plus  facilement  mises  en 
jeu,  la  pneumonie  dite  cérébrale ,  que  nous  étudierons  quelques  pages 
plus  loin  au  chapitre  des  complications,  est  le  plus  souvent  une  pneu- 
monie du  sommet. 

On  a  cru  remarquer  que  la  température  est  généralement  plus  élevée 
dans  la  pneumonie  du  sommet.  Si  le  fait  est  exact,  on  s'en  rendrait  compte 
de  même  en  disant  que  l'irritation  du  sommet  du  poumon  amène  dans  les 
centres  nerveux  qui  président  à  la  régulation  de  la  chaleur  une  per- 
turbation plus  profonde  que  ne  le  font  les  excitations  d'autres  parties  de 
cet  organe.  Cette  explication  serait  aussi  valable  pour  l'exagération  de  la 
rougeur  malaire  dans  la  pneumonie  du  sommet. 

C'est  certainement  à  une  action  réflexe  qu'est  due  l'intensité  de  la 
dyspnée  dans  cette  variété  de  pneumonie  (Bouillaud,  Andral,  Hourmann 
et  Dechambre.  —  D'après  ces  deux  derniers  elle  est  surtout  marquée 
quand  la  pneumonie  occupe  le  sommet  gauche).  On  ne  peut  l'expliquer 
autrement,  car  dans  l'acte  respiratoire  le  sommet,  recevant  peu  d'air, 
sert  relativement  peu  à  l'échange  des  gaz. 

Voilà  pour  les  particularités  qui  reconnaissent  pour  cause  l'énergie  des 
actions  réflexes.  Les  suivantes  ne  sont  plus  du  même  ordre,  mais  elles 
tiennent  toujours  à  la  localisation  de  la  pneumonie. 

Beaucoup  plus  souvent  que  dans  les  pneumonies  ayant  un  autre  siège, 
l'expectoration  est  presque  nulle,  dit  le  professeur  Bouillaud,  à  cause  du 
peu  de  prise  que  les  mouvements  d'expiration  et  les  secousses  de  la  toux 
exercent  sur  le  sommet  du  poumon.  Cette  interprétation  me  paraît  par- 
faitement exacte  et  n'est  certainement  pas  ébranlée  par  l'objection  de  Gri- 
solle, qui  prétend  que  les  mucosités  devraient  être  entraînées  par  la  pesan- 
teur (!)  et  que  toute  secousse  de  toux  agit  sur  la  totalité  du  poumon.  Gri- 
solle oublie  que  la  pression  exercée  par  le  thorax  doit  s'exercer  plus  faci- 
lement là  où  la  mobilité  de  la  paroi  thoracique  est  le  plus  considérable. 

Est-ce  la  même  cause  qui  peut  rendre  compte  de  la  lenteur  de  la  réso- 
lution de  la  pneumonie  du  sommet  signalée  par  plusieurs  auteurs,  notam- 
ment par  M.  Moutard-Martin  ?  J'avoue  que  je  doute  qu'une  raison  d'ordiv 
mécanique  en  soit  la  cause,  d'autant  plus  que  ce  n'est  pas  seulement  la 
résolution  qui  est  lente,  mais  le  processus  entier.  Les  signes  physique 


PNEUMONIE  LOBAIRE  AIGUË.  —  formes,  variétés  symptoma.tiques.  451 

sont  plus  lents  à  apparaître,  les  râles  crépitants,  le  souille,  retardent  en 
moyenne  de  plusieurs  heures  et  même  d'un  jour.  Tandis  que  dans  les 
pneumonies  des  lobes  inférieurs  la  crise  a  lieu  dans  la  seconde  moitié  de 
le  première  semaine,  elle  n'arrive  dans  celles  des  lobes  supérieurs  qu'à 
la  fin  de  la  première  semaine  ou  au  commencement  de  la  seconde 
(Thomas).  Tout  est  donc  en  retard  quand  c'est  le  sommet  qui  est  le  siège 
de  la  pneumonie,  de  telle  sorte  que  je  serais  tenté  d'admettre  avec  le 
professeur  Peter  que  cette  partie  du  poumon  est  douée  d'une  vitalité 
moindre  que  les  autres  parties  plus  expansibles.  Ce  qui  me  porterait  aussi 
à  croire  que  dans  le  lobe  supérieur  les  conditions  organiques  sont  réel- 
lement un  peu  différentes,  c'est  que  la  pneumonie  paraît  s'y  terminer  plus 
souvent  par  abcès,  ainsi  que  j'aurai  l'occasion  de  le  dire  plus  loin. 

Pneumonie  centrale.  —  «  La  pneumonie  est  latente,  dit  Grisolle, 
.lorsque  les  symptômes  propres  à  déceler  la  maladie  sont  tellement  obscurs 
qu'ils  peuvent  échappera  l'attention  du  médecin.  Avant  Laennec,  toute 
pneumonie  qui  ne  provoquait  ni  douleur  de  côté  ni  expectoration  sangui- 
nolente ou  rouillée  était  regardée  comme  latente  :  elle  était  donc  presque 
nécessairement  méconnue.  Aujourd'hui,  pour  qu'une  pneumonie  soit 
véritablement  latente,  il  faut  non-seulement  que  la  douleur  et  que  les 
caractères  de  l'expectoration  manquent,  mais  il  doit  y  avoir  aussi  absence 
complète  de  tous  les  symptômes  fournis  par  l'auscultation  et  par  la  per- 
cussion .  » 

Cela  étant,  il  est  fort  rare  qu'une  pneumonie,  pourvu  qu'elle  soit 
recherchée  avec  soin,  reste  latente  pendant  toute  sa  durée,  mais  elle 
peut  l'être  pendant  quelques  jours.  A  l'appui  de  cette  proposition,  jé 
puis  citer  la  pneumonie  centrale.  On  nomme  ainsi  une  pneumonie  qui, 
par  une  anomalie  assez  rare,  naît  dans  une  portion  centrale  du  pneu- 
mon,  inaccessible  par  conséquent  à  l'auscultation  la  plus  minutieuse. 
Dans  ce  cas,  on  a  un  début  plus  ou  moins  brusque  avec  frisson  et 
un  appareil  fébrile  exactement  semblable  à  celui  de  la  pneumonie  com- 
mune; seulement,  il  n'y  a  jamais  de  point  de  côté  les  premiers  jours, 
tant  que  la  pneumonie  n'a  pas  gagné  la  partie  superficielle  de  l'organe. 
Si  les  crachats  caractéristiques  l'ont  défaut,  ce  qui  arrive  parfois,  il 
sera  impossible  d'affirmer  l'existence  d'une  pneumonie;  on  ne  pourra 
que  la  soupçonner,  et  souvent,  pour  une  raison  ou  une  autre,  le  dia- 
gnostic s'égare  pendant  quelques  jours  ;  mais  que  l'on  continue  néan- 
moins à  explorer  chaque  jour  la  poitrine  du  malade,  et  il  viendra  un 
moment  (avant  le  cinquième  ou  le  sixième  jour  de  la  maladie)  où  l'on 
percevra  par  l'auscultation  les  signes  caractéristiques  de  la  pneumonie. 
L'affection  n'a  donc  été  latente  que  pendant  un  temps  limité. 

C.  Variété  pseudo-pleurélique .  —  Elle  se  rencontre  surtout  dans  la 
variété  de  pneumonie  que  mon  collègue  Grancher  a  proposé  de  nom- 
mer inassive  et  que  j'ai  déjà  eu  l'occasion  d'indiquer  à  propos  de 
l'anatomie  pathologique.  Dans  cette  variété,  ainsi  qu'on  l'a  vu,  les 
bronches,  y  compris  les  gros  tuyaux,  sont  oblitérées  complètement  par 
i  un  moule  tibrineux.  Il  en  résulte  une  modification  essentielle  des  signes 


452    PNEUMONIE  UOI1AIKE  AIGUË.         FOHMES.  VAMÉCDÊS  SYMPTOMAT1QUES. 

d'auscultation  :  absence  complète  de  la  respiration,  ni  râles,  ni  souille 
dans  toute  la  portion  du  poumon  correspondant  à  la  distribution  de  la 
bronche  oblitérée;  déplus,  absence  delà  bronchoplionie  et  des  vibrations 
Ihoraciques  dans  la  même  étendue.  Quant  à  l'expectoration,  elle  peut 
avoir  existé  avec  ses  caractères  les  premiers  jours  ;  mais,  pendant  la 
période  d'oblitération  des  bronches,  elle  est  naturellement  absente; 
puis,  à  un  moment  donné,  il  peut  arriver  que  le  malade  expectore 
une  partie  du  moule;  si  un  fragment  suffisant  est  expulsé,  il  y  a  retour 
immédiat  des  signes  ordinaires  d'auscultation.  Une  l'ois,  lien  rot  dit 
avoir  entendu  un  bruit  de  drapeau  produit  sans  doute  par  la  mobilité 
du  bouchon  dans  la  bronche  (?).  Enfin,  il  y  a  eu  dans  quelques  cas 
de  pneumonie  massive  une  dyspnée  intense,  que  l'on  a  expliquée  en 
supposant  que  le  moule  oblitérant  avait  remonté  jusqu'à  la  bronche 
principale  et  enlevait  ainsi  tout  un  poumon  à  la  respiration.  La  planche, 
de  la  thèse  de  Wiedmann  que  j'ai  citée  à  propos  de  l'anatomie  patholo- 
gique représente  un  cas  de  ce  genre. 

Tels  sont  les  signes  de  la  pneumonie  massive  dans  laquelle,  à  une 
certaine  période,  les  signes  physiques  de  la  pneumonie  font  défaut. 
C'est  donc  aussi  une  pneumonie  temporairement  latente. 

11  est  des  cas  où  l'autopsie  a  montré  une  vaste  hépatisalion  sans 
oblitération  des  bronches,  et  dans  lesquels  cependant  le  bruit  de  souille 
tubaire  avait  été  constaté  pendant  la  vie.  La  raison  de  ce  fait  paradoxal, 
dit  Grisolle,  est  souvent  fort  difficile  à  donner.  Stokes  a  dit  que  pour 
qu'il  se  produise  du  souffle  il  faut  qu'il  y  ait  au  moins  un  peu  d'expan- 
sion pulmonaire,  et  que,  si  tout  le  poumon  est  hépatisé,  l'air  ne  pénètre 
pas  dans  les  tuyaux  bronchiques.  Grisolle  oppose  à  l'interprétation  de 
Stokes  une  double  série  de  faits,  l'une  comprenant  cinq  cas  d'hépatisa- 
tion  complète  de  tout  un  poumon,  avec  persistance  du  souffle  jusqu'à  ta 
mort;  l'autre  de  neuf  malades  tous  affectés  d'une  hépatisalion  limitée  à 
un  seul  lobe  ou  bornée  à  un  espace  encore  plus  petit,  et  chez  lesquels 
cependant  l'auscultation  n'a  fait  entendre  pendant  plusieurs  jours  ni 
crépitation,  ni  souffle,  ni  aucune  espèce  de  bruit  pathologique  ou  nor- 
mal. A  l'autopsie,  les  bronches  fendues  «  dans  toutes  les  ramifications 
où  des  ciseaux  déliés  ont  pu  pénétrer  n'ont  montré  aucune  oblitéra- 
tion »  J'ai  vu  moi-même  autrefois  un  fait  semblable  à  ceux  de  la 

deuxième  série  de  Grisolle. 

On  ne  peut  se  rendre  compte  de  l'anomalie  qu'en  admettant  soit  un 
défaut  de  dilatation  des  parties  correspondantes  du  thorax,  ce  qui  revient 
en  somme  à  l'interprétation  de  Stokes,  —  soit  une  accumulation  tempo- 
raire de  crachats  dans  les  bronches  suivie  de  leur  expulsion  avant  la 
mort. 

L'interprétation  de  Stokes  est-elle  légitime,  en  d'autres  termes,  le 
souffle  qui,  comme  on  sait,  est  produit  à  la  glotte  (Beau,  Chauveau), 
peut-il  ne  pas  se  propager  dans  un  lobe  pulmonaire  dont  les  bronches 
sont  perméables,  parce  qu'il  est  tout  à  fait  inexpansible?  —  A  priori. 
cela  est  peu  problable,  mais  c'est  à  l'observation  clinique  de  tranefew 


PNEUMONIE  LOBAI  HE  AIGUË.  — 


ESPÈCES. 


455 


celte  question,  el  voici,  je  crois,  de  quelle  manière  elle  pourra  y 
arriver  : 

Dans  le  cas  où,  les  bronches  étant  perméables,  la  respiration  bron- 
chique fait  défaut,  il  semble  évident  qu'il  doit  exister  de  la  bronchopho- 
nie  et  qu'on  doit  percevoir  par  l'application  de  la  main  les  vibrations 
vocales.  L'absence  de  ces  deux  symptômes  serait  en  effet  incompréhen- 
sible :  on  conçoit,  à  la  rigueur,  le  silence  de  la  respiration  dans  un  pou- 
mon inexpansible,  mais,  que  le  poumon  se  dilate  ou  non,  les  vibrations 
vocales  doivent  se  transmettre,  pourvu  que  les  bronches  soientperméables. 
Il  y  aura  donc  à  étudier  soigneusement  désormais  les  cas  de  ce  genre. 

Telles  sont  les  principales  variétés  de  la  peumonie  lobaire.  Il  eût  été 
facile  d'en  augmenter  beaucoup  le  nombre,  mais  alors  elles  se  seraient 
confondues  les  unes  dans  les  autres,  inconvénient  que  je  n'ai  d'ailleurs 
pu  complètement  éviter,  malgré  le  nombre  restreint  auquel  je  me  suis 
arrêté.  Par  exemple,  la  pneumonie  massive  est  souvent  une  pneumonie 
sthénique.  Les  variétés  précédentes  ne  sont  donc  pas  rigoureusement 
exclusives  les  unes  des  autres. 

Espèces.  —  Nature  fie  la  pneumonie  légitime.  —  I.  Déter- 
mination de  plusieurs  espèces.  —  J'ai  déjà  laissé  pressentir  au  début  de 
cet  article  qu'il  était  impossible  de  considérer  comme  formant  une  seule 
espèce  toute  les  variétés  de  pneumonies  actuellement  comprises  sous  le 
nom  de  pneumonie  lobaire.  Le  moment  est  venu  de  justifier  cette  pro- 
position. 

Il  est  malheureusement  difficile,  dans  l'état  confus  de  la  pathologie 
actuelle,  de  savoir  ce  qu'il  faut  entendre  par  espèce.  Si  l'on  était  resté 
fidèle  au  principe  qui  a  inspiré  les  fondateurs  de  la  nosologie  moderne 
depuis  Laennec,  l'anatomie  pathologique  aurait  continué  à  en  être  la 
base  exclusive,  mais  il  a  bientôt  fallu  admettre  l'étiologie,  concurremment 
avec  l'anatomie  pathologique,  à  constituer  des  espèces.  Ce  n'est  pas  tout  : 
on  en  a  fait  d'exclusivement  symptomatiques  :  un  groupe  de  symptômes 
sans  liens  anatomiques  connus,  sans  étiologie  particulière,  a  été  mainte 
fois  érigé  en  espèce. 

Il  suit  de  là  que  si,  une  espèce  nosologique  possède  à  la  fois  une  étiologie 
spéciale,  des  caractères  anatomiques  particuliers  et  une  marche  ou  un 
complexus  symptomatique  propres,  sa  légitimité  sera  hors  de  contestation. 
Voyons  à  l'aide  de  ce  critérium  si,  parmi  les  variétés  de  pneumonie  con- 
fondues aujourd'hui  en  une  espèce  unique,  il  y  a  en  réalité  plusieurs  espèces 
abusivement  méconnues. 

Il  semble  tout  d'abord  que  la  pneumonie  périodique  soit  clans  ce  cas  :  sa 
cause  estspécifique,  sa  marche  tout  à  faitspéciale  et  ses  lésions  anatomiques 
certainement  lort  différentes  de  celles  de  la  pneumonie  commune  :  car, 
ainsi  que  les  esprits  les  moins  prévenus  l'ont  parfaitement  reconnu  (voir 
plus  haut  l'opinion  de  Grisolle),  il  ne  s'agit  pas  là  d'une  fièvre  inlermit 
tente  compliquée  de  pneumonie,  ou,  ce  qui  revient  au  môme,  d'une  pneu- 
monie compliquée  d'accès  intermittents,  mais  d'une  pneumonie  dont  le 
processus  est  intermittent,  puisque  dans  l'intervalle  des  accès  il  s'arrête 


454  PNEUMONIE  LOUAI  II  E  AIGUË.  —  espèces. 

ou  rétrograde,  et  reprend  périodiquement  son  activité.  L'admission  d'une 
pneumonie  périodique  est  donc  aussi  légitime  que  celle  de  la  fièvre  inter- 
mittente. 

J'en  dirai  à  peu  près  autant  de  la  pneumonie  alternant  avec  une  arlhro- 
pathie  rhumatismale.  Ici  aussi  la  cause  est  spéciale.  La  pneumonie  n'est 
pas  périodique,  mais,  comme  elle  cesse  brusquement  quand  se  développe 
une  arthropathie,  pour  reprendre  quand  cette  dernière  s'est  amendée, 
elle  est,  bien  que  sans  régularité,  intermittente  au  même  titre  que  la 
pneumonie  périodique.  11  y  a  donc,  pour  faire  de  la  pneumonie  rhuma- 
tismale alternante  une  espèce,  les  mômes  raisons  que  celles  qui  nous  ont 
déterminé  à  l'égard  de  la  pneumonie  périodique  paludéenne. 

Parfois  l'alternance,  loin  d'être  complète,  esta  peine  ébauchée;  elle 
manque  même  complètement  lorsque  la  pneumonie  et  les  arthropalhies 
coexistent  ensemble  sans  s'influencer  réciproquement.  Dans  ce  cas  la 
pneumonie  a  bien  une  étiologie  spéciale  :  elle  est  née  chez  un  sujet  en 
puissance  de  rhumatisme  aigu,  de  même  que  la  péricardite  ou  l'endocar- 
dite, dont  personne  ne  conteste  en  ce  cas  la  nature  rhumatismale.  Elle 
a  même  souvent  une  marche  particulière.  Ainsi,  d'après  M.  0.  Sturges, 
brusquement,  sans  que  l'engouement  ait  été  nettement  caractérisé  par  des 
râles  crépitants,  une  bépatisation  plus  ou  moins  étendue  envahit  un,  puis 
les  deux  poumons.  —  Je  ne  dis  pas  que  ce  soit  la  règle  :  car  les  cas  de 
pneumonie  rhumatismale  quej'ai  observés  n'ont  pas  présenté  celte  allure; 
mais  il  suffit  qu'un  médecin  aussi  sérieux  que  M.  0.  Sturges  la  décrive 
pour  que  je  sois  tenu  de  la  relater  à  mon  tour.  Ce  n'est  pas  tout  :  cette 
pneumonie  double  se  distingue  par  sa  bénignité;  il  semble  que  le  pro- 
cessus d'hépatisalion  soit  superficiel,  ainsi  que  tend  à  le  montrer  l'expec- 
toration, qui  n'est  que  peu  colorée  ou  même  simplement  visqueuse,  sans 
coloration  jaune  ;  sa  résolution  est  remarquablement  rapide.  Bref,  certaines 
pneumonies  rhumatismales,  même  en  l'absence  de  toute  marche  alter- 
nante, ont  encore  un  cachet  spécial.  Je  ne  vois  donc  aucune  bonne  raison 
pour  ne  pas  les  réunir  aux  autres  dont  la  marche  est  alternante,  de  ma- 
nière à  constituer  une  espèce  :  la  pneumonie  rhumatismale  ;  car  il  me 
paraîtrait  puéril  de  fonder  une  distinction  absolue  sur  un  caractère  aussi 
peu  important  et  le  plus  souvent  mal  tranché.  L'étiologie  et  la  bénignité 
relative  de  la  pneumonie  du  rhumatisme  me  paraissent  des  caractères 
plus  décisifs  qu'un  balancement  plus  ou  moins  ac«usé  entre  l'affection 
pulmonaire  elles  arthropalhies. 

Je  ne  crois  pas  qu'on  puisse  non  plus  refuser  le  titre  d'espèce  à  la 
pneumo-typhoïde.  On  sait  que  par  cette  dénomination  on  entend  non 
toute  pneumonie  survenue  pendant  le  tours  d'une  dolhiénentérie,  mais 
seulement  les  pneumonies,  d'ailleurs  rares,  qui  marquent  le  début  de  la 
fièvre  et  dont  les  symptômes  dépassent  le  plus  souvent  en  intensité  les 
symptômes  gastro-intestinaux,  si  bien  que  la  détermination  principale  de 
la  fièvre  semble  se  faire  d'emblée  sur  le  poumon  plutôt  que  sur  le  tube 
intestinal.  J'en  ai  cité  quelques  cas  au  chapitre  de  YÉtiologie,  et  on  on 
trouve  plusieurs  autres  dans  la  littérature. 


PNEUMONIE  LOBAIRE  AIGUË.  —  espèces. 


455 


Parfois  les  symptômes  de  la  dothiénentérie  et  ceux  de  la  pneumonie 
coexistent.  Ainsi,  dans  le  cas  d'IIérard  publié  par  Gauchet,  il  y  a  eu  plu- 
sieurs épistaxis,  une  céphalalgie  très-intense  et  continue,  un  pouls  très- 
dicrote,  des  vertiges  dans  les  tentatives  de  station  assise,  de  la  stupeur, 
une  langue  rôtie,  de  la  diarrhée,  des  taches  rosées,  de  la  sensibilité  du  ven- 
tre, du  gargouillement  et  une  augmentation  du  volume  de  la  rate  ;  de  plus, 
les  signes  locaux  de  la  pneumonie.  La  terminaison  l'ut  brusquement  mor- 
telle. A  l'autopsie  :  hépatisation  des  deux  tiers  inférieurs  du  poumon  droit 
augmentation  du  volume  de  la  rate  ;  intestin  (y  compris  les  plaques  de 
Peyer)  sain;  ganglions  mésentériques  normaux.  {Union  méd.,  1860.) 

D'ordinaire  les  symptômes  delà  dothiénentérie  sont  tout  à  fait  surl'ar- 
rière-plan.  Us  peuvent  même  être  assez  équivoques  pour  que  la  véritable 
nature  de  la  maladie  soit  méconnue.  Cela  est  arrivé  souvent,  par 
exemple',  dans  deux  cas  publiés  par  Lorain  sous  la  rubrique  Pneumonie 
(ouvr.  cité,  t.  II,  p.  412-416).  L'erreur  est  parfaitement  excusable,  car  le 
tracé  thermique  est  bien  celui  de  la  pneumonie  ;  mais  il  est  facile  de 
rectifier  le  diagnostic,  quand  on  lit  que  les  deux  malades  ont  présenté 
tout  l'ensemble  symptomalique  de  la  lièvre  typhoïde  (à  l'exception  seule- 
ment des  taches  rosées),  phénomène  qui  manque  le  plus  souvent,  vu  le 
peu  d'intensité  des  lésions  abdominales,  dans  la  pneumo-typboïde. 

Qu'il  y  ait  ou  non  immixtion  de  symptômes  de  dothiénentérie,  la  pneu- 
monie typhoïde  est  bien  une  espèce  distincte  de  la  pneumonie  franche, 
par  son  étiologie  spéciale  et  vraisemblablement  aussi  par  les  lésions  pul- 
monaires intimes.  C'est'' du  moins  l'opinion  du  professeur  Buhl,  qui  croit 
devoir  les  rattacher  à  celles  qui  caractérisent  sa  pneumonie  desquama- 
tive.  J'avoue  cependant  que  je  n'accepte  pas  sans  plus  ample  informé 
i  cette  manière  de  voir,  contre  laquelle  plaide  la  clinique  :  la  pneumonie 
i  typhoïde,  en  effet,  ne  se  résout  pas  moins  vite  que  la  pneumonie  franche 
i  ordinaire.  Comment  comprendre  une  telle  résolution,  si  la  lésion  intra- 
;  alvéolaire  était  identique  avec  celle  de  la  pneumonie  desquamative? 

Je  ne  prétends  pas  d'ailleurs  que  les  lésions  pulmonaires  de  la  pneu- 
imonie  typhoïde  soient  identiques  avec  celles  de  la  pneumonie  franche  ;  je 
une  contente  de  dire  que  j'ignore  ce  qu'elles  sont. 

On  peut  aussi  chercher  dans  le  sang  une  différence  d'ordre  anatomique 
>  entre  la  pneumo-typboïde  et  la  pneumonie  commune.  Il  me  paraît  infini- 
i  ment  probable  que  l'augmentation  de  la  fibrine  ne  doit  pas  être  aussi 
i  considérable  que  dans  la  pneumonie  franche.  La  tuméfaction  de  la  rate,  etc. , 
i  indique  trop  l'existence  de  la  dyscrasic  typhoïde  pour  que  cette  hypothèse 
i  ne  mérite  pas  d'être  prise  en  considération. 

Ce  que  je  viens  de  dire  de  la  pneumo-typboïde,  je  pourrais  le  répéter 
I  pour  les  divers  pneumo-typhus,  c'est-à-dire  pour  les  pneumonies  primi- 
1  tives  des  fièvres  :  en  supposant  même  que  leurs  caractères  anatomiques 
^soient  les  mêmes  que  ceux  de  la  pneumonie  légitime, —  et  il  y  a  de  fortes 
raisons  pour  en  douter,  —  elles  en  sont  cependant  essentiellement  dis- 
tinctes, en  raison  de  leur  cause  spécifique,  au  même  titre  que  la  pneu-: 
1  mo-typhoïde. 


45G 


PNEUMONIE  LOBAI  RE  AIGLE.  —  ÇBfl&Kfc 


11  faut  aussi  faire  une  espèce  des  pneumonies  miasmatiques  dont  j'ai 
parlé  à  propos  de  l'étiologie.  Quelle  est  la  nature  du  miasme  ?0n  l'ignoie, 
à  moins  qu'il  soit  constitué  par  les  monadines,  de  Klebs.  En  tous  cas, 
il  paraît  avoir  beaucoup  d'analogie  avec  ceux  de  la  lièvre  typhoïde  ou  du 
typhus,  qu'on  ne  connaît  également  que  par  leurs  effets.  Comme  eux  il 
produit  la  tuméfaction  de  la  rate,  la  coloration  feuille  morte  du  myocarde 
et  la  dégénéralion  vitreuse  des  muscles  droits  de  l'abdomen,  les  plaques 
de  Peyer  étant  d'ailleurs  saines  (G.  Banti).  Quant  aux  lésions  pulmonaires, 
à  en  juger  par  les  descriptions,  elles  diffèrent  beaucoup  de  celles  de  la 
pneumonie  commune.  Pour  la  pneumo-typhoïde  j'émettais  un  doute  ;  ici 
c'est  une  certitude  :  il  s'agit  certainement  de  lésions  bâtardes.  Le  docteur 
Banti,  qui  les  a  récemment  étudiées  avec  soin,  a  une  prolifération  des 
cellules  de  revêtement  de  l'alvéole  ainsi  que  des  cellules  de  tissu  con- 
jonctif  des  espaces  interalvéolaires  et  interlobulnii  es.  La  coexistence  d'unie 
pleurésie  purulente  est  très-fréquente. (Sperimenlale,  Luglio,  1879).  Après 
cela,  personne,  je  pense,  ne  mettra  en  doute  que  ces  pneumonies  miasma- 
tiques ne  constituent  une  espèce  particulière. 

On  voit  qu'il  n'est  pas  difficile  de  dégager  un  certain  nombre  d'espèces 
incontestables  du  genre,  évidemment  très-compréhensif,  qui  porte  le  nom 
de  pneumonie  lobaire  .  On  est  parvenu  à  distinguer  de  la  manière  la  plus 
tranchée  la  broncho-pneumonie  de  ce  qu'on  appelait  la  pneumonie.  Il  faut 
maintenant  faire  un  pas  analogue,  et  ne  pas  hésiter  à  séparer  de  la  pneu- 
monie fibrineuse,  légitime,  toutes  les  pneumonies  qui  lui  ressemblent 
plus  ou  moins,  au  point  de  vue  macroscopique,  mais  qu'une  saine  nosologie 
doit  en  écarter,  vu  les  différences  étiologiques,  cliniques,  et  sans  doute 
histologïques,  qui  les  distinguent. 

En  cherchant  à  établir  la  légitimité  des  espèces  que  j'ai  admises,  je 
suis,  je  crois,  resté  plutôt  en  deçà  que  je  n'ai  été  au  delà  de  la  réalité  ;  j'ai 
montré  la  voie,  mais  n'ai  point  voulu  la  poursuivre,  laissant  à  chacun 
le  soin  d'y  cheminer  à  son  gré,  et  dans  la  mesure  où  l'y  invitent  ses  con- 
victions médicales.  Il  est  certain  que,  vu  l'ignorance  où  nous  sommes  de 
la  cause  de  cerlaines  pneumonies,  le  champ  de  la  dispute  est  ouvert,  et 
que  si  l'on  veut  à  toute  force  prendre  parti,  on  n'échappera  pas  facilement 
à  l'arbitraire.  Voici,  par  exemple,  la  pneumonie  bilieuse  :  est-elle  une 
espèce  ? 

Je  me  sens,  je  l'avoue,  incapable  de  répondre  à  une  pareille  question  : 
car  je  ne  me  fais  pas  une  idée  fort  nette  de  sa  pathogénie.  L'état  gastri- 
que tantôt  paraît  être  contemporain  de  la  pneumonie;  tantôt  il  survient 
manifestement  le  premier.  Dans  ce  cas,  est-ce  lui  qui  est  la  cause  de  la 
pneumonie ,  soit,  comme  le  croyait  Stoll,  en  agissant  directement  sur  le 
poumon  par  une  action  humorale  irritante,  soit  en  le  prédisposant  sim- 
plement à  s'enflammer  sous  une  influence  occasionnelle  minime?  Que  su 
vons-nous  de  précis  à  cet  égard?  et  combien  les  meilleurs  esprits  ont 
raison  de  douter  et  d'hésiter  à  conclure  !  C'est  ce  que  fait  Grisolle  qui, 
après  avoir  dit  que  l'état  bilieux  n'est  peut-être  qu'une  complication  , 
ajoute  qu'en  «  considérant  les  résultats  heureux  et,  pour  ainsi  dire,  mer- 


PNEUMONIE  LOBA  IRE  AIGUË.  —  native. 


457 


veilleux  de  la  méthode  évacuante,  il  semblerait  naturel  de  supposer  qu'il 
existe  un  rapport  plus  intime  entre  l'état  bilieux  et  la  phlegmasie  du 
poumon.  » 

II.  Nature  de  la  pneumonie  légitime.  —  Après  avoir  déblayé  le  terrain 
en  écartant  les  espèces  étrangères  à  la  pneumonie  commune  ou  légitime, 
essayons  de  pénétrer,  s'il  se  peut,  sa  nature. 

Pour  les  médecins  de  l'École  de  Paris,  la  pneumonie  est  le  type  des  in- 
llammations  franches  :  tous  ses  symptômes,  y  compris  les  symptômes 
généraux,  sont  sous  la  dépendance  exclusive  de  la  phlegmasie  pulmonaire. 
Au  contraire,  d'après  une  doctrine  médicale  plus  ancienne,  soutenue  par- 
ticulièrement par  Huxham  et  par  Fr.  Hoffmann,  dont  la  tradition  a  été 
fidèlement  gardée  par  l'École  de  Montpellier,  l'essence  de  la  maladie  con- 
siste en  une  fièvre  qui  se  localise  sur  le  poumon. 

Plusieurs  pathologisfes  fort  autorisés  de  l'École  allemande  moderne, 
Cohnheim,  Jurgensen,  Klebs,  se  sont  récemment  prononcés  contre  la 
doctrine  organicienne.  Les  arguments  qu'ils  lui  opposent  ont  été  résumés 
par  Jurgensen  de  la  manière  suivante  : 

1°  «  La  pneumonie  croupale  (fibrineuse)  et  la  bronchite  ont  une 
distribution  géographique  tout  à  fait  différente.  La  première  échappe  aux 
lois  qui  règlent  le  développement  de  la  seconde  ; 

2°  11  y  a,  dans  les  différentes  saisons  de  l'année,  de  frappantes 
différences  entre  la  fréquence  de  la  pneumonie,  d'une  part,  et  celle  de 
la  pleurésie  et  de  la  bronchite,  d'autre  part  ; 

3°  Si  l'on  compare  la  courbe  de  la  mortalité  par  maladies  inflam- 
matoires (péricardite,  pleurésie,  laryngite,  céphalite,  hépatite,  péritonite, 
gastrite,  entérite),  celle  de  la  mortalité  par  maladies  des  organes  respi- 
ratoires (à  l'exception  de  la  pneumonie,  de  la  tuberculose,  de  la  coque- 
luche et  du  croup),  et  celle  de  la  mortalité  par  pneumonie  dans  une  série 
d'années  —  (ce  travail  a  été  fait  pour  Londres,  années  1540-1856),  — 
on  ne  trouve  pas  de  parallélisme  entre  ces  courbes,  surtout  entre  celle 
des  phlegmasies  et  celle  de  la  pneumonie  ; 

4°  Les  agents  extérieurs,  et  particulièrement  le  froid,  ne  peuvent  être 
regardés  que  si  rarement  comme  la  cause  de  la  pneumonie,  qu'il  est 
impossible  de  les  considérer  comme  causes  déterminantes  (veranlas- 
sende  Ursache)  ; 

5°  Les  irritants  ordinaires,  faibles  ou  forts,  sont  dans  l'impuissance  de 
produire  une  pneumonie;  il  faut,  de  môme  que  pour  la  fièvre  typhoïde, 
un  agent  doué  de  propriétés  spéciales; 

6°  Pendant  toute  la  durée  de  la  pneumonie  il  n'y  a  aucun  rapport 
constant  entre  les  symptômes  locaux  et  la  fièvre  :  par  conséquent, 
celle-ci  ne  peut  dépendre  de  l'état  local  ; 

7°  Aucune  maladie  locale  ne  présente,  à  un  aussi  haut  degré  que  la 
pneumonie,  une  marche  typique.  » 

Si  l'on  se  bornait  à  dire  que  la  pneumonie  lobaire  légitime  est  une 
inflammation  sui  generis,  je  n'aurais  garde  d'y  contredire,  car  cela 
me  paraît  évident  ;  mais  je  demande  à  examiner  les  arguments  sur  les- 


m*  PNEUMONIE  LOBMRE  AIGLE.  —  kature. 

quels  Jurgensen  se  fonde  pour  la  considérer  comme  une  fièvre  à  loca- 
lisation pulmonaire. 

Parmi  eux,  il  en  est  un,  le  troisième,  dont  je  ne  parviens  pas  à  saisir 
la  portée.  Le  premier,  le  deuxième  et  le  quatrième,  n'ont  pas  la  prétention 
de  témoigner  en  laveur  de  l'esscntialilé  de  la  pneumonie;  ils  prouvent 
seulement  l'opinion,  que  je  partage  pleinement,  à  savoir  que  cette  affec- 
tion n'a  pas  la  même  étiologie  que  d'autres  phlegmasies.  Pour  le  qua- 
trième, il  renferme  une  exagération  et  une  inexactitude;  je  renvoie  au 
chapitre  éliologie. 

Arrivons  aux  arguments  qui  tendent  à  démontrer  que  la  pneumonie 
est  une  fièvre  : 

A  cet  égard,  l'argument  5  n'est  pas  si  décisif  qu'on  pourrait  le  croire  au 
premier  abord  :  il  y  a  nombre  de  maladies  inflammatoires  spécifiques  ou 
non,  que  nous  sommes  dans  l'impossibilité  de  provoquer  expérimentale- 
ment, telles  que  les  réalise  la  nature  :  par  exemple,  parmi  ces  dernières, 
le  zona  et  la  pleurésie  elle-même  ;  car  il  n'est  point  vrai  qu'on  pro- 
duise chez  l'animal  une  pleurésie  semblable  à  la  pleurésie  fibriaeuse 
de  l'homme;  ce  que  l'on  fait  chez  lui,  c'est  surtout  une  pleurésie  pu- 
rulente. 

Quant  à  l'argument  7,  il  me  paraît  plus  spécieux  que  solide.  Nous  né 
connaissons  pas,  il  est  vrai,  de  phlegmasie  franche,  à  marche  aussi 
cyclique  que  la  pneumonie,  mais  pourquoi  le  poumon  n'aurait-il  pas 
le  privilège,  en  raison  de  conditions  anatomiques  particulières,  de  réglei 
la  marche  de  sa  phlegmasie  et  de  la  faire  évoluer  en  0-8  jours?  Cétte 
supposition  trouve  un  appui  dans  le  fait  que  la  pneumonie  a  une  durée 
plus  longue  quand  elle  siège  au  sommet;  que  non-seulement  dans  ce  cas 
la  résolution  est  plus  lente,  mais  que  la  défervescence  se  fait  attendre. 
Rien  ne  prouve  d'ailleurs  que  la  marche  cyclique  de  la  fièvre  typhoïde 
tienne  à  l'essence  de  la  fièvre  et  non  à  sa  localisation  anatomique  habi- 
tuelle, car  la  pneumo-typhoïde  ne  dure  pas  21  jours,  niais  8  jouis, 
comme  la  pneumonie  franche. 

L'argument  6  me  paraît  plus  considérable.  Selon  moi,  c'est  le  véri- 
table cheval  de  bataille  de  l'essentialité  de  la  pneumonie:  aussi  je  vais, 
pour  cette  raison,  le  discuter  plus  longuement.  Seulement,  loin  que  je 
me  permette  de  trancher  une  question  aussi  délicate,  et  qui  partagera 
longtemps,  sans  doute,  les  médecins  les  plus  éclairés,  je  me  contenterai 
de  présenter  quelques  remarques  dont  le  seul  but  est  de  montrer  la 
difficulté  extrême  du  sujet  : 

«  Pendant  toute  la  durée  de  la  fièvre,  il  n'y  a  aucun  rapport  constant 
entre  la  fièvre  et  l'état  local.  »  Telle  est  la  proposition  de  Jurgensen. 
Voyons  si  elle  est  rigoureusement  exacte  dans  les  divers  stades  de  la 
maladie  : 

A  la  période  initiale,  je  ne  vois  rien  d'irrationnel  à  supposer  que  la 
fièvre  est  indépendante  du  processus  local.  On  peut  parfaitement  conce- 
voir qu'elle  précède  toute  localisation  morbide.  Celte  hypothèse  trouve- 
rait même  une  hase  solide,  s'il  était  exact,  comme  l'ont  cru  quelques 


PNEUMONIE  LOBAIP.E  AIGI  Ë.  —  nature. 


459 


médecins  anglais,  qu'un  état  d'hypérinose  précède  toute  pneumonie. 
Malheureusement  pour  la  théorie,  ce  l'ait  si  important  n'est  pas  prouvé. 

Les  symptômes  prodromiques  que  l'on  observe  dans  un  certain  nombre 
,  de  cas  de  pneumonies  primitives  peuvent  être  considérés  comme  la 
i  manifestation  d'une  maladie  générale  non  encore  localisée.  C'est  du 
i  moins  de  cette  manière  que  Grisolle  les  interprète.  Voici  comment  il 
:  s'exprime  à  son  article  prodromes  ;  «  Dans  quelques  cas,  j'observai 
I  pendant  quatre  jours  un  mouvement  fébrile  intense,  san<=  que  j'aie  pu 
i  découvrir  du  côté  d'aucun  organe,  et  surtout  du  côté  des  poumons,  une 
1  lésion  capable  de  l'expliquer.  Ce  ne  fut  qu'à  la  fin  de  plusieurs  jours 
(qu'un  point  de  côté  survint;  la  toux  lui  succéda,  et  je  constatai  bientôt 
lies  crachats  et  les  phénomènes  d'auscultation  caractéristiques  de  la  pneu- 
imonie.  Andral  a  observé  plusieurs  cas  semblables:  il  n'y  a  alors,  dit-il, 
;  aucun  travail  inflammatoire  local  bien  dessiné,  mais  partout  il  y  a  ten- 
dance à  sa  production  et,  pour  peu  que  cet  état  se  prolonge,  on  verra 
i  naître  diverses  phlegmasies  suivant  les  prédispositions  individuelles  et  la 
■susceptibilité  variable  des  organes.  Il  est  donc  vrai  de  dire  que  dans 
i  quelques  cas,  fort  rares  d'ailleurs,  la  fièvre  précède  d'un  ou  de  plusieurs 
j jours  la  phlegmasie  locale,  comme  si  celle-ci  n'en  était  que  la  consé- 
quence o  (Pneumonie,  1864,  p.  187).  Au  lieu  d'admettre  que  pendant 
ces  prodromes  les  sujets  étaient  sous  le  coup  d'une  maladie  pyrétique 
(demandant  à  se  localiser,  on  pourrait  supposer  qu'ils  présentaient  sim- 
iplement  un  état  d'indisposition  pendant  lequel,  étant  plus  susceptibles, 
iils  avaient  contracté  une  pneumonie;  mais  Grisolle,  comme  prévoyant 
cette  objection,  ajoute  plus  loin  :  «  Ces  pneumonies  avec  prodromes  se 
ddéclarent  peu  à  peu  et,  dans  la  presque  totalité  des  cas,  sans  qu'on 
[puisse  saisir  aucune  cause  déterminante  appréciable.  » 

J'accepte  donc  entièrement  l'interprétation  de  Grisolle  et  d'Andral  ; 
^seulement,  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que  ces  cas,  avec  prodromes 
dd'une  certaine  durée,  sont  une  exception:  aussi  ne  peuvent-ils  pas,  je 
(pense,  servir  à  édifier  une  doctrine  générale. 

L'indépendance  de  la  lièvre  initiale  trouve  plutôt  un  appui  dans  le  fait 
iqu'elle  est  d'emblée  très-intense.  Quelques  heures  après  que  la  cause  oc^ 
casionnclle  a  agi,  la  température,  avons-nous  dit,  peut  déjà  atteindre  40° 
centigrades.  Or,  à  ce  moment,  il  n'y  a  qu'une  hyperémie  pulmonaire  que 
souvent  même  nous  ne  sommes  pas  en  état  de  reconnaître  avec  certitude 
asur  le  vivant.  Ne  serait-il  pas  étrange  que  cette  hypérémie  donnât  nais- 
sanceà  une  fièvre  aussi  vive  qu'une  lésion  plus  avancée? 

Ces  divers  arguments  ne  sont  pas  irréfutables.  Ainsi,  loin  que  la  fièvre  ap- 
paraisse toujours  avant  qu'aucune  lésion  du  poumon  se  manifeste,  il  y  a  des 
xas  où  elle  n'est  venue  que  postérieurement  (Kaulich  de  Prague)  ;  et  quand 
»nn  songe  à  la  difficulté  extrême  qu'il  y  a  à  s'assurer  de  l'exi.-tence  de  l'en- 
gouement pulmonaire,  il  ne  faut  pas  être  surpris  que  ces  cas  ne  soient  pas 
iblus  nombreux.  Il  y  aurait  peut  être  aussi  quelques  réserves  à  faire  sur  l'in- 
tensité de  la  fièvre  dès  le  début.  Néanmoins  j'accepte  en  bloc  l'argument, 
Ut  j'admets  que  la  fièvre  initiale  de  la  pneumonie  est  probablement,  dans 


460  PNEUMONIE  LOBAI  RE  AIGUË.  —  fàttà  . 

une  certaine  mesure,  tout  à  l'ait  indépendante  du  processus  local.  Est-ce  à 
dire  qu'il  en  soit  de  même  pendant  toute  la  durée  de  la  maladie  ? 

Dans  beaucoup  de  cas,  on  peut  constater  pendant  sa  durée  que  les  exa- 
cerbations  de  la  fièvre  sont  manifestement  liées  à  une  extension  de  la 
lésion.  Il  est  vrai  qu'on  pourrait  soutenir  que  ces  poussées  du  processus 
local  sont  elles-mêmes  sous  la  dépendance  de  la  fièvre  essentielle  ;  mais 
rien  n'est  en  faveur  d'une  interprétation  aussi  risquée,  et  le  cas  de  la 
pneumonie  du  sommet  que  j'ai  cité  plus  haut  en  prouve  l'invraisemblance. 

Comment,  en  effet,  se  rendre  compte  de  la  plus  lon»ue durée  de  la  fièvre 
dans  ce  cas,  si  ce  n'est  parce  que  les  actes  organiques  sont  plus  lents  au 
sommet?  Toute  autre  interprétation  ne  pourra  satisfaire  un  esprit  non  pré- 
venu. De  même,  la  longue  durée  de  la  fièvre,  lorsque  les  deux  poumons 
sont  pris,  ne  me  paraît  s'expliquer  d'une  manière  naturelle  que  parce 
qu'elle  est  entretenue  par  la  phlegmasie  locale. 

Si  la  défervescence  ne  coïncidait  en  aucune  façon  avec  la  terminaison 
de  la  phlegmasie,  ce  serait  uu  argument  en  faveur  de  l'essentialité  de 
la  fièvre.  Mais  il  y  a  au  contraire,  entre  ces  deux  phénomènes,  une  coïn- 
cidence remarquable,  du  moins  autant  que  nous  pouvons  en  juger;  car 
nous  n'avons  pas  de  signe  qui  nous  permette  d'affirmer  que  le  processus 
inflammatoire  est  éteint,  sauf,  peut-être,  la  diminution  de  la  chaleur  de 
la  paroi  thoracique  au  niveau  du  foyer.  Ce  que  nous  pouvons  seulement 
apprécier  par  la  percussion  et  l'auscultation,  c'est  la  resolution;  or  celle- 
ci  est  sans  doute  séparée  de  la  terminaison  de  la  phlegmasie  par  un  cer- 
tain laps  de  temps  (?). 

Quant  au  rapport  de  la  résolution  et  de  la  défervescence,  Grisolle  dit 
que,  «  sur  192  malades,  94  fois  une  diminution  considérable  de  l'appareil 
fébrile  a  coïncidé  avec  une  amélioration  du  côté  ces  phénomènes  stétho- 
scopiques  ;  l'amendement  de  ces  deux  ordres  de  symptômes  a  paru  être 
dans  ces  cas  tout  à  fait  simultané.  Chez  72  malades,  une  diminution 
notable  dans  l'appareil  fébrile  a  précédé  de  un  ou  plusieurs  jours.  Enfin, 
chez  26  malades,  les  phénomènes  d'auscultation  se  sont  amendés  d'une 
manière  sensible,  tandis  que  la  fièvre  conservait  à  peu  près  toute  son 
intensité  ».  (Grisolle,  Traité  de  la  Pneumonie.) 

Malgré  Je  talent  d'observation  que  possédait  Grisolle  à  un  si  haut 
degré,  ses  résultats  ne  pouvaient  être  acceptés  que  sous  bénéfice  d'in- 
ventaire, car  il  ne  voyait  ses  malades  que  le  matin,  et  n'avait  pas  comme 
nous  la  possibilité,  à  l'aide  de  mensurations  tliermométriques,  failèâ 
plusieurs  fois  dans  la  journée,  de  connaître  l'instant  exact  où  la  défer- 
vescence débute.  Mais,  bien  qu'obtenus  dans  des  conditions  relativement  I 
défavoraldes,  ils  sont  confirmés  par  les  observateurs  modernes,  qui  ont 
apporté  à  l'étude  de  cette  question  tout  le  soin  qu'elle  mérite.  Je  m'en  suis 
moi-même  particulièrement  préoccupé  et  je  puis  dire  à  cet  égard  que, 
dans  la  grande  majorité  des  cas,  la  défervescence  précède  très  nettement 
les  signes  positifs  de  la  résolution,  mais  que,  chez  plusieurs  malades,  j'ai 
pu  annoncer  celle-ci  quelques  heures  avant  que  le  thermomètre  eut  décelé 
la  défervescence. 


PNEUMONIE  LOBAIRE  AIGUË.  —  katurk. 


461 


Il  est  probable  que,  sinous  disposions  de  moyens  délicats  pour  apprécier 
l'état  physique  du  poumon,  nous  ne  croirions  pas  si  souvent  que  la  réso- 
lution retarde  sur  la  défervescence.  Pour  juger  le  degré  de  la  fièvre, 
i  nous  possédons  un  instrument  d'une  finesse  exquise,  le  thermomètre. 
Mais  quel  moyen  avons-nous  de  déterminer  si  le  travail  de  désagrégation 
ide  l'exsudat  commence?  Evidemment  l'auscultation  n'est  ici  d'aucune 
i ressource;  elle  ne  peut  rendre  de  services  qu'au  moment  où  la  liquéfac- 
Ition  de  l'exsudat  est  assez  avancée  pour  que  l'infundibulum  renferme  à 
lia  fois  de  l'air  et  du  liquide.  Or  il  est  facile  de  comprendre  que  plu- 
;  sieurs  heures,  à  la  rigueur  peut-être  plusieurs  jours  auparavant,  sa  désagré- 
gation a  pu  commencer.  A  priori,  et  bien  que  je  n'ignore  pas  que  nous 
ne  devons  avoir  dans  les  résultats  fournis  par  la  percussion  qu'une  con- 
liance  limitée,  je  suppose  qu'elle  peut  mieux  nous  renseigner  sur  le 
début  de  la  résolution.  A  l'appui  de  cette  idée,  j'invoquerais  volontiers 
U'autorité  du  professeur  Thomas  qui,  après  avoir  dit  qu'il  n'est  pas  très- 
rrare  de  voir  la  résolution  précéder  la  crise,  ajoute  que,  dans  ce  cas  la 
weille  de  la  défervescence  la  matilé  prend  un  caractère  tympanique.  Tel 
t'est,  pour  lui,  le  premier  signe  de  la  résolution. 

En  tenant  compte  de  l'incertitude  où  nous  sommes  touchant  la  fin  du 
ttravail  phlegmasique  et  le  début  de  la  résolution,  on  voit  qu'il  est  impos- 
>sible  de  dire  qu'à  cette  période  la  fièvre  est  indépendante  de  l'état  local. 
SSi  l'on  admet  au  contraire  qu'elle  y  est  subordonnée,  on  s'explique  d'une 
nmanière  naturelle  tous  les  phénomènes  de  cette  période,  même  l'exaccr- 
Ibation  praîcritique.  En  effet,  au  lieu  de  l'attribuer,  comme  fait  la  théorie 
witaliste,  à  un  effort  de  la  nature  avant  la  crise,  je  serais  plutôt  tenté  d'y 
noir  simplement  le  résultat  de  la  résorption  commençante  de  l'exsudat, 
c'est-à-dire  le  premier  effet  général  de  la  résolution  à  son  début. 

Mais  toute  pneumonie  n'a  pas  une  terminaison  critique;  c'est  çequ'ou- 
lljlient  trop  peut-être  les  partisans  de  l'essentialité  de  la  fièvre.  Quand  il 
m'y  a  pas  de  crise,  la  persistance  de  la  fièvre  tient  évidemment  à  la  per- 
sistance de  la  phlegmasie  locale  et  trouve  une  cause  amplement  suffi- 
>sante  dans  le  travail  de  la  suppuration.  A  ce  moment,  et  sous  le  rap- 
port de  son  retentissement  sur  l'économie,  la  pneumonie  est  semblable 
i  tout  vaste  phlegmon. 

En  résumé,  et  sans  prétendre  rien  affirmer  en  des  matières  aussi  déli- 
icates,  je  suis  porté  à  croire  que  la  fièvre  de  la  pneumonie  est  fort  com- 
plexe. Au  début  j'admets,  comme  pour  beaucoup  d'autres  phlegmasies, 
'pour  l'angine,  la  pleurésie,  etc.,  que  la  fièvre  est  produite  par  un  trouble 
Idu  système  nerveux  qui  peut  être  indépendant  de  l'état  local  ;  mais  dans 
Je  cours  de  la  maladie  et  surtout  à  la  fin  je  vois  de  plus  en  plus  s'accuser 
Tinfluence  de  l'état  phlegmasique,  influence  directe  ou  éloignée  :  directe 
iquand  l'accroissement  du  foyer  phlegmasique  ou  sa  suppuration  détermine 
mn  accroissement  de  la  fièvre,  —  indirecte  quand  la  résorption  des  maté- 
riaux exsudés  entretient  à  son  tour  l'état  pyrétique.  Ces  explications,  bien 
.que  théoriques,  satisfont  plus  mon  esprit  que  ne  le  font  les  hypothèses 
ivitalistes. 


PNEUMONIE  LOltAIHE  AIGLE.  —  katurk. 


Ces  lignes  étaient  écrites  quand  a  paru  une  Hevue  critique  l'oi  t  intéres- 
sante de  mon  collègue  Hallopeau  sur  la  doctrine  de  la  fièvre  pneumo- 
nique.  J'ai  été  tort  heureux  de  me  trouver  en  communauté  d'idées  avec 
lui  sur  la  plupart  des  points  et  j'aurais  beaucoup  à  emprunter  à  son  re- 
marquable travail,  mais  je  préfère  y  renvoyer  le  lecteur.  Comme  lui,  je 
suis  d'avis  qu'il  faut  entièrement  séparer  la  pneumonie  légitime  des 
pneumonies  miasmatiques  et  contagieuses.  Comme  lui  aussi  je  rattache 
la  pneumonie  non  aux  fièvres,  mais  aux  phlegmasies,  parce  que  c'est 
avec  cette  classe  de  maladies  qu'elle  a  le  plus  d'affinités  naturelles,  et 
parce  qu'il  n'y  a,  jusqu'à  présent,  pas  de  motif  pour  rayer  d'un  trait  de 
plume  la  distinction  entre  les  fièvres  et  les  phlegmasies  établie  par 
Andral  et  Gavjrret.  Je  ne  diffère  d'opinion  avec  mon  savant  ami  que  sur 
des  points  secondaires  :  je  crois  que  la  pneumonie  est  une  phlegmasie  spé- 
ciale et  j'admets  dans  une  certaine  mesure  l'essentialité  de  la  fièvre  du 
début. 

J'ai  dit  plus  haut  que,  d'après  Fernet,  la  phlegmasie  pulmonaire  est 
sous  la  dépendance  d'une  névrite  du  pneumogastrique.  Laissons  le  mot 
névrite,  qui  n'est  pas  suffisamment  justifié  pour  le  moment  par  l'anato- 
mie  pathologique,  et  mettons  à  la  place  trouble  fonctionnel,  du  genre  de 
celui  qui  dans  un  nerf  produit  le  zona.  C'est  assurément  une  hypothèse 
fort  séduisante  que  de  faire  de  la  pneumonie  le  zona  du  poumon  ;  mal- 
heureusement, ce  n'est  qu'une  hypothèse.  Toutes  les  inflammations  sont, 
dans  une  certaine  mesure,  sous  la  dépendance  d'un  trouble  des  nerfs  qui  se 
rendent  à  la  partie  qui  s'enflamme.  Dans  le  zona,  il  y  a  quelque  chose  de 
plus  :  il  y  a  un  trouble  primordial  et  d'ordre  spécial  dans  le  nerf.  —  En 
est-il  ainsi  pour  la  pneumonie?  Nous  l'ignorons,  mais  à  coup  sûr  la  ques- 
tion méritait  d'être  posée. 

Quant  aux  faits  eux-mêmes  de  Fernet,  j'ai  déjà  dit,  à  propos  de  Vétio- 
logie,  qu'ils  ne  permettent  pas  de  formuler  une  loi  générale  :  de  plus, 
en  supposant  que  la  pneumonie  soit  réellement  ce  que,  par  abréviation, 
j'appelle  un  zona  du  poumon,  il  n'est  pas  certain  que  les  nerfs  malades 
soient  nécessairement  les  pneumogastriques. 

Mais  Fernet  va  encore  plus  loin  :  il  n'hésite  pas  à  considérer,  avec  le 
professeur  Parrot  et  Lagout,  la  pneumonie  en  général  comme  un  herpès 
du  poumon  :  «  La  cause  habituelle  de  la  pneumonie,  dit-il,  comme  celle 
de  la  fièvre  .herpétique  non  localisée  au  poumon,  c'est  le  refroidisse^ 
ment;  les  signes  généraux  sont  les  mêmes.  Les  signes  physiques  de  la 
pneumonie  précédent,  il  est  vrai,  l'éruption  labiale,  mais,  ainsi  que  l'a 
déjà  fait  remarquer  Lagout,  cela  ne  saurait  nous  surprendre,  car  les 
lésions  des  muqueuses  sont  plus  précoces  que  celles  de  la  peau. 

En  admettant  que  l'herpès  pneumonique  prouve,  comme  le  pensent 
ces  pathologistes  distingués,  qu'il  y  a  identité  d'origine  entre  la  fièvre 
herpétique  et  certaines  pneumonies,  il  me  semble  évident  qu'on  ne  pour- 
rait étendre  cette  conclusion  à  toutes  les  pneumonies  légitimes,  car  nous 
avons  vu  que  l'herpès  ne  se  rencontre  que  dans  la  minorité  des  cas. 
L'étiologie  d'ailleurs  proteste  contre  l'origine  exclusivement  à  frujorc 


PKMÔNÏE  LOBAIHE  AIGUË.  —  terminaisons.  463 

de  la  pneumonie  commune.  Mais  il  y  a  plus  :  on  pourrait  à  la  rigueur 
i  contester  la  valeur  de  la  preuve  même  pour  les  cas  de  pneumonie  avec 
I  herpès  et  rappeler  que  l'herpès,  loin  d'être  exclusivement  l'apanage  des 

affections  à  frigore,  est  un  symptôme  commun  dans  la  méningite  céré- 
I  bro-spinale,  et  qu'il  n'est  pas  très-rare  dans  certaines  épidémies  de  fièvre 
!  typhoïde;  à  Bàle,  par  exemple,  sur  1420  cas  de  dothiénentérie  on  l'a 

observé  56  fois,  soit  4  p.  100;  et,  ce  qui  montre  que  la  gravité  de  la 
imaladie  ne  fut  pas  très-atlénuée,  sur  ces  56  cas  il  y  eut  10  morts,  soit 
118  p.  100. 

Cependant  je  n'élèverai  pas  cette  objection;  j'accepte  que  l'herpès  dans 
lia  pneumonie  donne  la  signature  de  son  origine  à  frigore,  ce  qui  est 
d  ailleurs  d'accord  avec  la  bénignité  relative  des  pneumonies  accompa- 
gnées d'herpès  (voir  le  pronostic)  ;  mais  je  demande  qu'on  ne  généralise 
ipas  outre  mesure  et  qu'on  ne  prétende  pas  que  toutes  les  pneumonies 
ssont  identiques  quant  à  leur  nature. 

Terminaisons.  —  La  pneumonie  pent  se  terminer  : 

1°  par  résolution  franche, 

2°  —        lente  (rare). 

—         id.    avec  passage  à  la  pneumonie  chronique  inter- 
stitielle (très-rare. 

3°  par  la  mort  à  la  période  d'hépatisation  rouge. 

4"  par  l'hépatisation  grise,  se  terminant  elle-même  : 

(A)  par  la  mort. 

(B)  par  guérison  (très  rare). 

(C)  par  formation  d'abcès  pulmonaire  (très-rare). 
5°  par  gangrène  (très  rare). 

Je  terminerai  ce  chapitre  par  quelques  mots  sur  les  rechutes  et  sur  les 
maladies  consécutives. 

1°  Résolution  franche.  —  On  appelle  ainsi  la  résolution  qui  coïncide  à 
ioeu  près  avec  le  moment  de  la  défervescence. 

La  révolution  se  fait  avec  la  plus  grande  facilité  pour  les  pneumonies 
Ijui  ne  dépassent  pas  la  première  période  (engouement)  ;  l'auscultation 
wemble  nous  indiquer  qu'en  moins  d'un  jour  cet  état  peut  disparaître  et 
ii'aire  place  à  un  état  du  poumon  très-voisin  de  l'état  normal.  Il  n'en  est  pas 
Ide  même,  on  le  comprend,  s'il  existe  une  hépatisation  ;  il  faut  que  les 
iklvéoles  se  débarrassent  de  l'exsudat  qui  les  oblitère  :  un  certain  temps  est 
iindispensable. 

Le  premier  phénomène  doit  être  évidemment  le  ramollissement  et  la 
Idésagrégation  de  l'exsudat,  car  pour  disparaître  de  l'alvéole  il  n'a  que 
Ideux  voies  :  la  voie  lymphatique  et  la  voie  bronchique.  Même  en  admettant 
Hiue  l'évacuation  se  fasse  par  cette  dernière,  sa  désagrégation  préalable  est 
nécessaire,  vu  le  faible  diamètre  du  canalicule  respirateur  qui  fait  communi- 
iquer  l'infundibulum  avec  la  bronchiole;  mais,  ainsi  que  j'ai  eu  précédem- 
iment  l'occasion  de  le  dire,  selon  toute  vraisemblance,  la  majeure  partie 
du  contenu  de  l'alvéole  est  résorbée  par  les  lymphatiques:  or,  pour  pé- 
nétrer dans  les  fentes  étroites  des  lymphatiques,  il  ne  suffit  pas  d'une 


m  PNEUMONIE  LOBAIlit,  AlGUE.  —  tkhminaisoks. 

désagrégation  partielle:  il  faut  sans  doute  qu'elle  aille  jusqu'à  la  quasi- 
liquéfaction  de  l'exsudat. 

Tel  est,  autant  que  nous  pouvons  le  supposer,  le  processus.  J'ai  déjà 
indiqué  par  quels  symptômes  il  se.  manifeste;  j'en  rappelle  quelques-uns  : 

La  matité  prend,  d'après  Thomas,  un  caractère  plus  tympanique,  la 
respiration  bronchique  perd  peu  à  peu  son  caractère  métallique  pendant 
l'inspiration  et  ne  se  perçoit  plus  que  pendant  l'expiration  ;  la  crépitation 
reparaît,  mais  grosse  et  humide;  les  bulles  ne  s'entendent  d'abord  que 
dans  les  grandes  inspirations,  mais  un  peu  plus  tard,  le  lendemain,  par 
exemple,  lorsquelles  sont  devenues  plus  abondantes,  elles  sont  perçues 
dans  toutes  les  inspirations  et  dans  quelques-unes  des  expirations.  D'après 
Grisolle,  le  râle  crépitant  de  retour  pourrait  quelquefois  être  «  plus  /in  » 
que  la  crépitation  qui  avait  existé  dans  le  premier  degré  de  la  maladie. 
J'avoue  que  je  n'ai  jamais  rien  observé  de  semblable. 

La  résolution  ne  s'opère  pas  en  même  temps  et  avec  une  égale  rapi- 
dité sur  tous  les  points  affectés.  Laennec  a  fort  bien  remarqué  que  les 
parties  prises  les  dernières  sont  généralement  celles  dans  lesquelles  la 
résolution  se  fait  tout  d'abord.  Ce  serait,  d'après  Grisolle,  la  règle  seulement 
pour  les  deux  tiers  des  cas;  de  même  dans  la  pneumonie  double  la  réso- 
lution commence  presque  toujours  par  le  poumon  envahi  le  dernier. 

La  résolution  de  la  pneumonie  demande  un  certain  nombre  de  joui  s, 
un  peu  moins  chez  l'enfant  que  chez  l'adulte.  Exceptionnellement,  une 
pneumonie  au  deuxième  degré  paraît  avoir  très-brusquement  rétrocédé 
sous  l'influence  d'une  affection  grave  intercurrente.  Andral  a  rapporté  dans 
sa  clinique  un  cas  de  ce  genre,  et  Graves  en  a  publié  un  autre.  L'affection 
intercurrente  a  été,  dans  le  premier  cas,  une  variole,  et,  dans  le  second, 
une  attaque  de  choléra  indien. 

2°  Résolution  lente.  A.  Complète.  Dans  quelques  cas,  alors  que  la  défer- 
vescence  s'est  faite  d'une  manière  légitime,  et  à  son  jour  normal,  la  réso- 
lution ne  s'effectue  que  d'une  manière  fort  imparfaite  :  dans  une  portion 
du  poumon,  la  matité  reste  absolue,  et  pendant  des  semaines  on  perçoit,  au 
moins  dans  une  petite  étendue,  du  souffle  et  des  raies.  Pour  être  pou 
communs,  de  tels  faits  ont  été  remarqués  par  tous  les  cliniciens,  et  j'en  ai 
vu  moi-même  plusieurs  exemples.  A  un  degré  moindre,  la  résolution  im- 
parfaite n'est  point  rare;  je  veux  dire  qu'un  certain  degré  de  matité  et 
des  râles  sans  souffle  s'observent  fort  souvent.  «  Ce  sont,  dit  Grisolle,  des 
reliquats  ayant  en  général  peu  d'importance,  qui  disparaissent  peu  à 
peu  et  spontanément....  Souvent  les  malades  ne  toussent  plus,  et  on 
croirait  que  l'organe  est  revenu  à  l'état  le  plus  physiologique,  si  l'explo- 
ration par  les  moyens  physiques  ne  révélait  pas  qu'il  existe  encore  une 
modification  dans  la  perméabilité  du  tissu.  » 

Grisolle,  sur  105  cas,  a  noté  66  fois  cette  résolution  lente  du  vingtième 
au  cinquante-cinquième  jour.  Fox,  sur  26  cas.  l'a  vue  cinq  fois  du  ving- 
tième au  vingt-cinquième  jour  et  dans  un  cas  au  trentième;  le  professeur 
E.  Wagner  a  rapporté  récemment  un  cas  de  pneumonie  grave  du  lobe 
supérieur  du  poumon  gauche  dans  lequel  après  la  défervcsccncc survenue 


PNEUMONIE  LOBAIRE  AIGUË.  —  terminaisons.  465 

au  neuvième  jour,  les  râles  crépitants  de  retour  durèrent  six  semaines, 
d'après  lui,  il  y  euUnêmc  ralalincment  de  volume  de  ce  sommet  et  em- 
physème compensateur  du  poumon  droit.  Ce  n'est  que  quatre  semaines 
plus  tard  que  le  sommet  gauclic,  à  en  juger  par  les  signes  physiques 
de  percussion  et  d'auscultation  ,  revint  à  l'état  normal.  La  resolution 
lente  peut  être  observée  non-seulement  chez  le  vieillard  et  l'adulte,  mais 
aussi,  quoique  plus  rarement,  chez  l'enfant.  E.  Barthez  dit  que  les  pneu- 
monies occupant  tout  un  poumon  et  que  les  pneumonies  doubles  ont  en 
général  une  résolution  lente.  Damaschino  rapporte  l'observation  d'un 
enfant  de  7  ans  et  demi  chez  lequel  la  résolution  ne  se  fit  que  six  se- 
maines après  la  défervescence  ;  la  guérison  fut  complète. 

Ainsi  que  l'ont  fait  remarquer  Grisolle  et  Charcot  (iliôse  d'agrég.)  ces 
cas  ne  assortissent  pas  à  la  pneumonie  chronique,  car  si  l'exsudat  per- 
siste, en  raison  de  conditions  encore  mal  connues,  rien  ne  prouve  qu'il  y 
ait  coexistence  d'un  travail  de  pneumonie  interstitielle.  Voici  comment 
s'exprime  Charcot  (De  la  pneumonie  chronique,  p.  53). 

«  La  persistance  des  phénomènes  locaux,  qui  révèle  l'existence  d'une 
induration  pulmonaire  après  la  disparition  plus  ou  moins  absolue  des 
symptômes  rationnels,  se  trouve  signalée  dans  des  observations  de  pneu- 
monie chronique  où  l'on  a  pu  assister  aux  débuts  de  l'affection.  Mais  ce 
ne  serait  pas  là  un  caractère  d'une  valeur  absolue  et  propre  à  l'aire  pré- 
sager que  la  pneumonie  menace  de  se  continuer  à  l'état  chronique.  L'on 
sait  en  effet  par  les  observations  du  professeur  Grisolle  qu'un  lent  re- 
tour des  poumons  à  l'état  normal  est  un  fait  commun  à  la  suite  des 
pneumonies  les  mieux  guéries.  La  faiblesse  des  mouvements  respiratoires, 
une  respiration  rude  mêlée  de  râles  sous-crépitants,  tels  sont  les  seuls 
indices  de  celte  résolution  imparfaite.  Mais  on  a  vu  cependant  des  cas  où 
le  souffle  tubaire,  la  bronchophonie  et  une  matité  des  plus  prononcées  ont 
pu  persister  pendant  deux  ou  trois  mois  après  la  guérison  complète  d'une 
pneumonie  sans  qu'il  y  eût  pour  cela  la  moindre  tendance  à  la  récidive.  » 
On  trouve  des  cas  de  ce  genre  dans  la  thèse  de  Raimond  (Paris,  1842);  un 
autre  est  rapporté  par  Rayer  (Gaz.  méd,  ,1846). 

Plus  récemment,  Achard  (th.  Paris,  1875),  dans  une  thèse  faite  sous 
l'inspiration  de  Charcot,  a  rapporté  quatre  faits  analogues  :  pendant  six 
semaines  à  deux  mois  on  a  noté  la  persistance  du  souille  bronchique. 

Achard  pense  que  c'est  un  état  de  misère  physiologique  qui  est  la 
i  cause  de  la  lenteur  de  la  résolution.  Je  n'y  contredis  pas  pour  certain  cas, 
au  contraire,  mais  il  est  probable  que  les  conditions  de  celte  résolution 
I  lente  sont  complexes.  S'il  est  vrai,  comme  je  le  pense,  que  la  résorption 
i  de  l'exsudat  se  fasse  en  majeure  partie  par  les  lymphatiques,  la  parfaite 
I  perméabilité  de  ceux-ci  est  une  condition  sine  qua  non  de  rapide  résolu- 
l  tion.  Or,  il  se  peut  qu'ils  aient  subi  une  oblitération  partielle.  Voilà  donc 
une  condition  locale,  indépendante  de  l'état  général,  qui  doit  exercer  une 
inlluence  considérable.  Il  en  est  certainement  bien  d'autres  parmi  les- 
quelles le  professeur  Leyden,  qui  a  récemment  publié  plusieurs  cas  de  réso- 
lution lente,  place  la  densité  (Derbheit)  de  l'hépatisation,  et  c'est  parce 

HOCV.  DICT.  «ÉD.  ET  CI1IB.  XXVIII  —  30 


400  PNEUMONIE  LOBAI  HIC  AlGl.K.  —  tei.sjinaim».. 

qu'une  hépatisation  de  ce  genre  n'est,  dit-il,  pas  très- rare  chez  les  jeunes 
sujets  qu'on  ohserve  chez  ceux-ci  la  résolution  lente,  je  ne  sais  si  je 
m'abuse,  mais  il  rne  semble  que  les  cas  de  résolution  lente  seraient  plus 
communs  parmi  les  pneumonies  non  traitées. 

B.  Avec  passade  à  la  pneumonie  interstitielle.  —  Dans  certains  cas, 
cette  résolution  lente,  au  lieu  de  se  terminer  par  la  rèstitulîo  àd  integrum 
ahoutit  à  une  modification  indélébile  du  poumon  qui,  suivant  l'époque 
à  laquelle  on  est  appelé  à  la  constater  de  visu,  se  présente  sous  l'aspect 
d'induration  rouge  ou  d'induration  ardoisée.  Dans  l'induration  rouge,  dont  I 
j'ai  vu  récemment  un  remarquable  exemple  qui  a  été  examiné  bistologique- 
ment  par  le  professeur  Renaut  et  sera  prochainement  publié,  «  le  tissu 
pulmonaire,  d'après  Charcot,  est  rouge,  compact,  dur,  mais  plus  friable 
qu'à  l'état  normal.  Sur  une  coupe,  les  granulations  pneumoniques  appa- 
raissent encore,  mais  plus  petites  que  dans  l'état  aigu.  Le  microscope 
révèle  un  épaississemont  des  parois  alvéolaires,  qui  sont  le  siège  d'une 
néoplasie  embryonnaire,  tandis  que  les  cavités  alvéolaires  contiennent  des 
éléments  en  voie  de  métamorphose  graisseuse.  »  Dans  notre  cas,  les  cavi- 
tés alvéolaires  étaient  en  grande  partie  comblées  par  un  bourgeonnement 
du  tissu  embryonnaire. 

Quant  à  l'induration  ardoisée,  je  n'ai  pas  à  m'en  occuper  ici.  (Voyez 
Pneumonie  chronique  par  Balzer). 

Les  symptômes  par  lesquels  se  révèle  l'induration  rouge  sont  locaux  et 
généraux.  Les  premiers  sont  les  mêmes  qu'à  la  période  d'jiépatisition  : 
matité,  souffle,  bronchophonie,  et,  s'il  n'y  a  pas  de  pleurésie,  exagé- 
ration des  vibrations  thoraciques.  Quant  aux  caractères  de  l'expectora- 
tion, ils  dépendent  de  la  bronchite  concomitante. 

Les  symptômes  généraux  consistent  en  une  fièvre  variable  qui  prend 
bientôt  le  caractère  de  la  fièvre  hectique  ;  à  la  fin  il  se  développe  des 
escharcs  ;  d'autres  fois,  on  observe  le  complexus  symptomatique  de  la 
phthisie. 

5°  Mort  a  ba  période  d'uépatisation  rouge.  La  mort  peut  survenir  à  cette 
période  soit  par  le  fait  d'une  des  complications  dont  je  traiterai  dans  le 
chapitre  suivant  et  que  par  conséquent  je  passe  ici  sous  silence,  soit  sans 
complication,  et  par  le  fait  de  la  pneumonie  elle-même,  ce  qui  est  I 
rare  dans  certaines  séries,  dépendant  d'une  même  constitution  mé-  I 
dicale,  et  beaucoup  moins  rare  dans  d'autres.  Favorisé  sans  doute  I 
par  les  circonstances,  depuis  que  je  suis  chef  de  service,  il  ne  m'est  I 
pas  encore  arrivé  de  voir  succomber  un  de  mes  pneumoniques  à  celte  I 
période  j'entends  naturellement  ;  parler  des  pneumonies  primitives,  sans 
complications. 

Quand  l'hépatisation  rouge  occupe  un  poumon  presque  entier,  on  com- 
prend qu'elle  détermine  la  mort  par  asphyxie.  Mais  si  elle  est  peu  étendue  i 
et  que  les  poumons  ne  présentent  pas  de  lésion  chronique  (par  exemple 
de  l'emphysème),  les  résultats  de  l'autopsie  n'éclairent  pas  suffisamment 
sur  la  cause  de  la  mort.  A  défaut  des  lésions,  les  troubles  observés  pen-  I 
dant  la  vie  permettent  généralement  de  se  rendre  compte  du  mécanisme 


PNEUMONIE  L01SA1KE  AIGUË.  —  terminaisons. 


467 


•de  la  mort;  l'asphyxie  par  exemple  peut  encore  èlrc  mise  en  cause,  si  l'on 
a  constaté  les  signes  d'une  congestion  pulmonaire  généralisée. 

4°  Hépatisation  grise.  —  Le  processus  qui  y  conduit  n'est  pas  foncièrement 
différent  de  celui  qui  n'aboutit  qu'à  l'hépatisation rouge  puisque,  dans  toute 
hépatisation  rouge,  l'alvéole  renferme  un  certain  nombre  deglobulcs  blancs; 
l'hépatisation  grise  est  simplement  un  degré  plus  avancé  du  processus  in- 
flammatoire évoluant  sur  un  terrain  favorable,  c'est-à-dire  chez  des  sujets 
dans  de  mauvaises  conditions  (débilité,  âge  avancé,  etc.)  ;  elle  est  à  l'hé- 
patisation rouge  ce  qu'est  la  vésicule  de  varioloïde  à  la  pustule  de  variole. 

A.  Hépatisation  grise  suivie  de  mort.  —  Mais  dans  l'alvéole  pulmo- 
naire plus  encore  qu'à  la  peau,  la  suppuration,  pour  être  simplement  un 
stade  plus  avancé  de  la  phlegmasie,  n'en  est  pas  moins  la  source  de  dan- 
gers très  grands  dépendant  soit  de  la  lièvre  de  suppuration,  soit  plus 
lard  de  la  résorption  du  pus.  La  mort  est  la  règle  dans  toute  hépatisa- 
tion grise  étendue. 

Habituellement  elle  survient  rapidement,  pendant  le  travail  même  de 
la  suppuration  :  «  Chez  tous  les  individus  qui  ont  présenté  à  l'autopsie 
une  hépatisation  grise,  dit  Grisolle,  le  début  de  la  maladie  datait  de  8  à 
1 jours,  terme  moyen  12  jours,  tandis  que  ceux  dont  la  pneumonie  n'avait 
pas  encore  franchi  le  deuxième  degré,  quand  ils  ont  succombé,  étaient 
malades  depuis  5  à  17  jours,  terme  moyen  9  jours.  Enfin,  ebez  ceux  qui 
ont  offert  un  mélange  des  deuxième  et  troisième  degrés,  la  maladie  datait 
de  7  à  19  jours,  terme  moyen  10  jours.  »  On  sait  que  l'économie  sup- 
porte beaucoup  plus  longtemps  une  pleurésie  purulente. 

Lès  globules  blancs  seraient-ils  plus  facilement  résorbés  s'ils  se  trouvent 
dans  les  alvéoles  que  s'ils  sont  accumulés  dans  la  plèvre?  La  chose  est 
possible  •,  elle  est  même  probable  ;  mais  il  n'est  pas  pas  facile  d'en  don- 
ner un  commencement  de  démonstration  ;  car  il  ne  suffirait  pas  de  prali 
■  quer  à  plusieurs  reprises,  pendant  la  durée  d'une  pneumonie  suppurée 
lia  numération  comparée  des  globules  blancs  et  des  globules  rouges;  il 
faudrait  avoir  un  moyen  de  distinguer  la  leucocytose  primitive,  corres- 
pondant à  l'époque  de  la  suppuration,  de  la  leucocytose  secondaire  onde 
i  résorption.  Or  cela  me  parait  impossible. 

D'après  Grisolle,  la  pneumonie  du  sommet  passerait  plus  vile  à  l'hépa- 
Itisation  grise.  Ce  serait  une  exception  à  la  règle  que  j'ai  précédemment 
i  indiquée,  et  d'après  laquelle  les  actes  morbides  sont  plus  lents  dans  le 
lobe  supérieur  du  poumon.  En  tous  cas,  ce  n'est  pas  un  indice  de  vitalité 
;plus  active  puisque  la  même  précocité  relative  de  l'hépatisation  grise 
ss'observe,  d'après  Grisolle,  chez  les  sujets  faibles  et  âgés. 

Si  l'hépatisation  n'est  pas  trop  étendue,  ou  si  le  sujet  est  doué  d'une 
rrésistanec  particulière,  la  fièvre  peut  diminuer,  une  fois  que  le  travail  de 
-suppuration  est  accompli,  et  ce  n'est  qu'au  bout  d'un  certain  nombre  de 
jours  que  le  malade  succombe  par  épuisement.  Cette  prolongation  de  la 
wie  est  d'ailleurs  assez  rare. 

B.  Hépatisation  grise  suivie  de  guérison.  —  La  guérison  passe  pour 
être  infiniment  plus  rare;  mais  il  se  pourrait  que  l'opinion  classique  lut 


468 


PNEUMONIE  LOliAlKI-;  AIGUË.    TEHMI.NAISO.NS. 


sur  ce  point  un  peu  exagérée  dans  le  sens  pessimiste  et  qu'un  certain 
nombre  d'hépatisations  grises,  naturellement  peu  étendues,  fussent  suscep- 
tibles deguérison.  Grisolle,  qui  sous  ce  rapport  n'est  pas  suspect  de  s'être 
abandonné  à  des  illusions,  dit  avoir  vu  trois  malades  chez  lesquels  il  a 
diagnostiqué  le  3e  degré  de  la  pneumonie  et  qui  ont  guéri  après  un  lent 
travail  de  résolution  pendant  lequel  le  souffle  tubaire  a  fait  place,  sans 
intermédiaire,  à  une  crépitation  humide  et  grasse  qui  a  persisté  plusieurs 
semaines.  D'ailleurs,  ainsi  que  nous  allons  le  voir,  les  abcès  pulmonaires 
peuvent  guérir.  Cela  démontre  la  possibilité  de  la  guérison  d'une  hépati- 
«alion  grise.  La  seule  question  est  de  savoir  s'il  faut  nécessairement  qu'elle 
soit  préalablement  collectée;  or,  c'est  une  question  accessoire. 

C.  Terminaison  de  V hépalisat ion  grise  par  abcès,  —  Dans  ce  cas, 
suivant  la  remarque  du  professeur  Jaccoud,  il  ne  s'agit  plus  d'une  simple 
altération  de  surface  :  il  y  a  destruction  partielle  du  parenchyme  pulmo- 
naire :  c:ir  le  pus  ne  peut  se  réunir  en  foyer  qu'après  la  disparition  dos 
cloisons.  Celle-ci  n'a  pas  lieu  par  suite  d'un  travail  ulcératif,  mais  plutôt 
par  un  processus  nécrobrotique  suivi  d'élimination  des  parties  mortifiées. 
Ce  qui  le  prouve,  c'est  que  dans  les  crachats,  ainsi  que  Traube  l'a  montré, 
on  trouve  de  petits  lambeaux  de  parenchyme  pulmonaire  parfaitement 
reconnaissables  au  microscope. 

Très  rares  chez  l'enfant,  rares  chez  les  jeunes  gens,  moins  rares  passé 
l'âge  de  50  ans,  les  abcès  ne  se  produisent  jamais  chez  des  individus  anté- 
rieurement bien  portants;  d'autre  part  si  les  sujets  sont  fort  affaiblis,  ils 
succombent  avant  que  le  pus  soit  collecté.  —  J'ai  déjà  eu  occasion  de  dire 
que  les  abcès  sont  plus  communs  dans  la  pneumonie  du  sommet. 

Les  abcès  pulmonaires  —  je  ne  parle  naturellement  que  de  ceux  qui 
sont  consécutifs  à  la  pneumonie  fibrineuse  —  offrent  entie  eux  de  grandes 
différences  sur  le  rapport  du  siège,  de  l'étendue,  etc.  Dans  les  trois  quarts 
des  cas,  ils  sont  superficiels. 

S'ils  sont  multiples,  ils  peuvent  être  forts  petits.  Les  petites  collections 
(de  quelques  millimètres  de  diamètre)  seraient,  d'après  Grisolle  plus  com- 
munes chez  le  vieillard.  Habituellement  les  abcès  sont  plus  volumineux 
et  présentent  deux  ou  trois  centimètres  de  surface  à  la  coupe.  On  en  a  cité 
de  beaucoup  plus  considérables. 

La  cavité  de  l'abcès  est  anfractucuse,  parfois  sillonnée  par  des  brides 
flottant  dans  l'intérieur  du  foyer.  D'autres  fois,  on  a  trouvé  la  surface 
interne  tapissée  d'une  fausse  membrane  grisâtre  qui,  si  l'on  en  juge  par 
quelques  observations,  pourrait  se  produire  en  peu  de  jours.  Beaucoup  plus 
rarement  on  a  constaté  une  mortification  des  parois  de  l'abcès,  qui  sont 
formées  par  un  détritus  noir  ou  brun,  exhalant  l'odeur  propre  à  la  gan- 
grène pulmonaire. 

La  nature  du  pus  varie.  Dans  la  moitié  des  cas  on  a  signalé  que  le 
pus  était  blanc,  épais,  inodore  ;  on  le  trouve  aussi  gris  rougcàlre  et  fétide  ; 
parfois  un  des  lambeaux  ou  même  une  masse  volumineuse,  fragment  du 
parenchyme  pulmonaire  mortifié,  ont  été  rencontrés  dans  le  contenu 
de  la  caverne. 


PNEUMONIE  LOUA  IRE  AIGUË.  —  terminaisons.  469 

La  symptomatologie  de  l'iilicès  pulmonaire  est  obscure  ;  il  ne  faut 
i  compter  sur  aucun  signe  physique  tant  que  son  contenu  n'est  pas  en 
libre  communication  avec  une  branche  d'un  certain  calibre.  Alors,  il  y  a 
(deux  ordres  de  signes:  I"  les  signes  stéthoscopiques  qui  prouvent  l'exis- 
tence d'une  cavité  (souffle  caverneux  et  gargouillement)  ;  2°  les  signes  bien 
autrement  précis  tirés  du  caractère  de  l'expectoration,  à  savoir  l'apparition 
plus  ou  moins  brusque  d'une  quantité  plus  abondante  de  pus  et  surtout 
l'examen  microscopique  de  ce  pus  dans  lequel  on  rencontre  des  lambeaux 
(de  tissu  pulmonaire  (Traube). 

Quant  aux  signes  généraux,  ils  sont  fort  équivoques  :  il  ne  faut  pas 
l  trop  compter  sur  les  frissons,  sur  l'exacerba  lion  de  la  lièvre,  celle-ci  peut 
imême  manquer. 

Malgré  sa  gravité,  cette  terminaison  n'est  pas  fatalement  mortelle  :  on 
i.cile  un  assez  grand  nombre  de  cas  de  guérison  ;  mais  je  n'ai  pas  à  traiter  ici 
(du  mode  suivant  lequel  elle  peut  survenir  (résorption,  ouverture  dans  les 
bronches,  dans  la  plèvre  ou  au  dehors,  dans  le  péricarde  etc.  Voy.  : 
;article  Poumon  (abcès). 

5°  Gangrène.  —  C'est  une  suite  tellement  insolite  de  la  pneumonie 
ifibreuse,  qu'on  a  même  nié  quelle  en  fût  une  terminaison  dans  le 
-sens  propre  du  mot.  Pour  moi,  je  serais  assez  de  cet  avis  et  la  consi- 
ddérerais  plutôt  comme  un  accident  ou  une  complication  :  c'est  pour  me 
■  conformer  à  l'usage  que  j'en  parle  ici. 

Dans  l'Inde,  sur  la  côte  de  Coromandel,  sur  celle  de  Malabar,  la  gan- 
îgrène  est  une  suilc  commune  de  la  pneumonie,  mais  de  quelle  pneumonie 
<s'agit-il  ? 

Les  pneumonies  du  lobe  supérieur,  celles  qui  surviennent  chez  les 
iindividus.  à  constitution  détériorée  y  seraient  prédisposées,  (Iluss)  ;  mais 
'•cette  dernière  opinion  n'est  pas  généralement  partagée.  Bien  plus  impor- 
tantes que  ces  causes  prédisposantes,  à  supposer  même  qu'elles  soient 
iréelles,  sont  les  causes  accidentelles  inconnues. 

La  gangrène  consécutive  à  la  pneumonie  est  chez  nous  si  rare  que 
lïlrisolle,  sur  plus  de  douze  cents  pneumonies  qu'il  aurait  observées  (!), 
iprctend  ne  l'avoir  jamais  rencontrée.  Cependant  Andral  en  a  cité  trois 
us;  Monneretun,  terminé  par  pneumothorax  (Archives,  1851)  et  Béhier 
?en  rapporte  deux  dans  sa  Clinique. 

La  gangrène  serait-elle  plus  commune  en  Angleterre?  on  serait  tenté 
Me  le  croire  si  l'on  se  fiait  au  dire, de  Hughes  qui  sur  200  autopsies 
Me  pneumoniques  aurait  trouvé  28  cas  de  gangrène.  De  ce  résultat  un  peu 
surprenant  il  faut  au  moins  retenir  que  plusieurs  de  ces  cas  sont  sur- 
venus pendant  une  épidémie  de  grippe,  (six  notamment  en  une  seule 
(semaine  :  Guys  llospit.  Reports,  1848.) 

En  dehors  de  toute  influence  épidémique,  le  professeur  Leyden  tient 
aussi  pour  réelle  la  terminaison  de  la  pneumonie  par  gangrène  ;  tout  récem- 
ment il  vient  d'en  publier  une  nouvelle  observation  (Berl.  kl.  Wochens. 
4879  n°  20)  il  s'agit  d'un  homme  de  quarante-sept  ans  entré  à  l'hôpital 
nu  cinquième  jour  d'une  pneumonie  caractérisée  par  un  point  de  côté, 


470  l'NKUMOME  LOBAlIlli  AICIK.  —  iewiikaisow. 

des  râles  sous-crépilants  à  fines  bulles  ;  les  jours  suivants  l'hépatisation 
envahit  presque  tout  le  poumon  gauche,  expectoration  rouillée  caractéris- 
tique. Du  sixième  au  septième  jour  la  fièvre  commença  à  tomber,  mais 
sans  crise  régulière  ;  les  jours  suivants  elle  eut  des  retours,  accompagnés 
d'expectoration  rouillée  et  le  malade  s'affaiblit  de  plus  en  plus.  Du  trei- 
zième au  quatorzième  jour,  apyréxic,  collapsus  ;  puis  l'expectoration  prend 
une  couleur  de  chocolat  sale  ;  au  quinzième  jour  on  trouve  dans  les  cra- 
chats de  petits  débris  de  parenchyme  pulmonaire  ;  leur  odeur  devient  fé- 
tide; la  température  remonte  à  40°,  retombe  et  remonte  :  mort  au  vingt- 
troisième  jour.  A  l'autopsie  le  lobe  supérieur  du  poumon  était  atteint  de 
gangrène  diffuse  dans  toute  son  étendue  ;  dans  le  lobe  inférieur  en  état 
d'hépatisation  grisa  il  y  avait  des  points  présentant  une  coloration  jaune 
et  évidemment  motifiés,  mais  non  véritablement  atteints  de  gangrène: 
c'en  était  probablement  le  premier  stade. 

Naturellement  je  renvoie,  pour  l'anatomie  pathologique,  à  l'article 
poumon  {gangrène).  Je  rappellerai  seulement  ici  que  la  gangrène  qui,  dans 
nos  pays,  se  rencon  tre  à  la  suite  d'une  pneumonie  est  le  plus  souvent 
circonscrite. 

Les  symptômes  du  développement  de  la  gangrène  sont  fort  insidieux.  Ce 
n'est  que  lorsqu'elle  est  bien  déclarée  qu'ils  peuvent  donner  la  certitude. 
L'odeur  de  l'haleine  et  de  l'expectoration,  au  contraire,  qui  est  presque 
pathognomonique,  est  de  beaucoup  le  principal  signe.  Les  crachats  sont 
de  couleur  variable  :  jamais  ils  ne  sont  constitués  par  du  sang  pur  :  ils 
sont  gris  pâle,  brun  ou  verdâlre  (sans  matières  colorant  de  la  bile). 
Traube  a  surtout  insisté  sur  celte  dernière  espèce  de  crachats  dont  La 
coloration  tient  peut-être  à  la  présence  du  parasite  découvert  par  Cornil  et 
dont  il  a  été  question  plus  haut.  >       ,  , 

Les  signes  stéthocospiques  sont  peu  importants,  parce  qu  en  gênerai 
les  malades  succombent  avant  qu'une  excavation  se  soit  produite.  Quant 
aux  symptômes  généraux  ce  sont  ceux  de  la  gangrène  :  la  face  est  altérée, 
les  joues  sont  prostrées,  le  pouls  fréquent,  dépressible,  il  y  a  une  diarrhée 
fétide,  colliquative.  D'après  Grisolle  ces  symptômes  ne  se  rencontrent  que 
lorsque  l'altération  occupe  une  assez  grande  étendue  du  poumon 

Quant  à  la  terminaison  de  la  pneumonie  Gbrineuse  par  caseificat.on, 
on  sait  quelle  a  été,  dans  ces  dernières  années,  fort  discutée   L  est  une 
question  qui  n'est  peut-être  pas  entièrement  tranchée.  Le  fait  que  cer- 
taines pneumonies  peuvent  se  résoudre  incomplètement  et  laisser  un  îlot 
caséeux  n'est  pas  niable  et  je  renvoie  à  l'observation  i  •  de  ma  thèse,  d  a- 
grégation  (De  là  pneumonie  caséeuse,  p.  24)  qui  en  offre  un  exemple  J 
qui  est  seulement  discutable,  c'est  la  nature  de  la  pneumonie  sus  pti ble 
d'une  telle  terminaison.  D'après  Buhl,  elle  ressortirait  W^"^<j 
s&  pneumonie  desqmmalwe.  A  cela  je  n'a.  rien  à  du  e,  sinon  que  c  ini- 
quement rien  ne  le  prouve;  c'est  une  question  a  de  battre  entre  es  lu  lo 
gistes.  Or  non-seulement  il  n'y  a  pas  unanimité  entre  eux,  mais  I  jn«ff 
de  Buhl  ne  me  paraît  pas  réunir  la  majorité  des  su  ffrages  J      n   .ca  ce 
sujetàun  travail  récent  du  docteur  lèvy  (Arcl, .  fur  Halkumh,  1877),M 


PNEUMONIE  LOBAIRE  AIGUË.  —  complications.  471 

:  soutient  que  toute  pneumonie,  dans  certaines  circonstances,  peut  devenir 
i  caséeusc. 

Rechute.  —  Thomas  désigne  sous  le  nom  de  récidive  «  une  nouvelle 
pqeumonie  commençant  avant  que  la  première  ait  atteint  la  fin  de  sa  réso- 
lution normale.  »  C'est  ce  que  nous  appelons  rechute;  aussi,  pour  ne  pas 
i  introduire  de  contusion  dans  notre  langage  habituel  j'emploierai  seulement 
(Cette  dernière  dénomination.  Pour  que  l'on  puisse  admettre  qu'il  y  a 
i réellement  rechute  et  non  simple  aggravation  d'une  pneumonie,  il  faut 
que  la  défervescence  se  soit  laite  depuis  un  laps  de  temps  tel  qu'on  puisse 
i exclure  à  coup  sûr  une  pseudo-crise;  il  Tant  de  plus  que  les  signes  d'aus- 
tcultalion  prouvent  que  la  résolution  avait  réellement  commencé;  aulrc- 
imenl,  on  a  affaire  à  une  de  ces  pneumonies  qui  accomplissent  leur  évolu- 
ttion  en  plusieurs  actes. 

Ilinz  a  publié  le  cas  d'un  enfant  de  5  ans  qui  eut  ;  dans  l'espace  de 
14  jours,  deux  pneumonies  du  lobe  inférieur  droit.  Mais  je  ne  connais  pas 
id'une  manière  suffisante  les  détails  de  ce  fait.  —  Jurgcnsen  (2°  Aufl.. 
p.  154)  a  rapporté  le  cas  suivant  : 

Homme  de  59  ans  ;  pneumonie  de  la  base  droite.  Malgré  une  tempé- 
rature de  41°,  il  supporte  bien  sa  maladie  ;  crise  au  7"  jour  ;  chute  delà 
I  température  à  58°, 5.  Pendant  les  cinq  jours  suivants,  il  y  a  encore  un  peu 
Ide  fièvre  et  la  résolution  ne  se  fait  que  d'une  manière  fort  incomplète. 
.'Au  12e jour,  (à  partir  du  début),  nouveau  frisson;  température  à  40°, 9. 
Localement  rien  d'appréciable  à  l'auscultation  ;  mais  l'expectoration  qui 
tétait  muco-purulcntc  depuis  le  7e  jour,  redevient  visqueuse  et  colorée. 
Entre  la  40e  et  la  60e  heure  à  partir  du  nouveau  frisson,  la  température 
iretombe  à  57°. 

Friedlehen,  Witticli,  llenoch  et  Tordœus  ont  aussi  rapporté  des  obser- 
vations de  prétondue  rechute.  Mais  le  professeur  Thomas  croit  qu'il  s'agis- 
sait de  nouvelles  pneumonies,  ceque  nousappellerions  j'c'cù/jucs.  Dans  les 
ccasd'Hcnoch  et  de  Witlichune  autre  partie  de  poumon  lut  prise  le  '2e  jour. 
(Dans  celui  de  Tordœus,  ç'a  été  deux  fois  la  même.  Quant  aux  récidives. 
jj.'en  ai  dit  quelque  mots  au  chapitre  de  l'étiologie. 

Maladies  consécutives.  —  Sauf  la  pneumonie  elle-même,  je  ne  vois  pas 
dde  maladies  qu'un  pneumonique  convalescent  ou  guéri  soit  spécialement 
prédisposé  à  contracter.  Mais  il  est  certain  qu'il  garde,  pendant  plusieurs 
nmois,  une  disposition  aux  récidives. 

J'ai  vu  récemment  un  cas  de  thrombose  de  la  fémorale  pendant  la 
(.convalescence  d'une  pneumonie  librincuse.  Ledien  a  cité  un  cas  de  throm- 
Lbose  de  la  veine  porte.  On  a  cité  des  exemples  de  noma  chez  l'enfant 
i  (peut-être  en  partie  à  cause  du  traitement  mercuriel).  On  a  aussi  rap- 
iporté  certains  cas  de  paralysie  infantile  à  une  pneumonie  antérieure. 
IBeaucoup  de  maladies  du  système  nerveux  central  peuvent  sans  doute 
avoir  la  même  cause  occasionnelle.  L'ébranlement  qu'une  maladie  aussi 
:grave  cause  à  l'organisme  l'explique  amplement. 

Complications.  — La  formation  d'abcès ,  le  développement  d'une 
-gangrène,  peuvent  être  considérés  non-seulement  comme  une  terminaison, 


472  l'NKI  MOME  LOIS.UHE  AICUK.  —  COMPLICATIONS. 

mais  aussi,  à  la  rigueur, comme  une  complication  de  la  pneumonie.  Mais 
ce  ne  sont  pas  les  seules,  ce  ne  sont  même  pas  les  plus  fréquentes; 

Complications  'iuohackjues. —  Pleurésie.  — Nous  avons  vu.au  chapitre 
de  l'anatomie  pathologique-,  que  l'hépatisation  de  la  surface  du  poumon 
s'accompagne  nécessairement  de  la  production  d'une  fausse  membrane 
molle  qui  peut  sécréter  quelques  cuillerées  d'un  liquide  séro-purulent. 
Ce  n'est  pas  là  ce  qu'on  doit  appeler  en  clinique  une  pleuro-pneumonie. 
four  qu'on  dise  que  la  pneumonie  est  compliquée  d'une  pleurésie,  il 
laut  que  l'épanchemcnt  soit  assez  considérable  pour  modifier  les  sym- 
ptômes de  la  maladie  principale. 

D'après  tous  les  auteurs,  la  pleurésie,  entendue  comme  nous  venons 
de  le  faire,  c'est-à-dire  ayant  causé  un  épanchement  notable,  est,  de  toute 
les  complications  de  la  pneumonie,  la  plus  commune;  mais  les  statis- 
tiques varient  sur  le  chiffre  de  sa  fréquence.  Fismer  (à  Bàle)  la  porte  à 
15  pour  100,  tandis  que  la  plupart  des  aulres  donnent  un  chiffre  moins 
élevé.  Grisolle  se  rapproche  d'ailleurs  singulièrement  de  Fismer,  car, 
dit-il,  «  sur  247  malades,  31  ont  offert  pendant  la  vie  les  signes  évidents 
d'un  épanchement  plus  ou  moins  considérable...  En  général,  la  quantité 
de  liquide  était  en  raison  inverse  de  la  pneumonie  et  du  degré  auquel 
celle-ci  était  parvenue  ;  je  n'ai  trouvé  qu'une  exception  :  c'était  dans  un 
cas  où  tout  le  poumon  droit  était  envahi  ;  les  lobes  supérieurs  et  moyens 
étaient  frappés  d'hépatisation  rouge  et  grise,  tandis  que  le  lobe  inférieur 
ne  présentait  que  de  l'engouement  et  un  commencement  d'induration 
rouge  ;  et  cependant,  malgré  une  lésion  si  étendue  et  si  profonde  du 
parenchyme  pulmonaire,  il  s'était  formé  dans  la  plèvre  un  épanchement 
de  4  à  500  gr.  environ.  Dans  les  pneumonies  qui  occupent  l'organe  en 
totalité  ou  dans  sa  plus  grande  étendue,  surtout  si  la  phlcgmasie,  ayant 
d'abord  envahi  le  centre  du  poumon,  s'étend  ensuite  à  la  périphérie,  on 
voit  que  l'épanchement  est  presque  toujours  peu  considérable  et  qu'il 
n'est,  en  général,  formé  que  de  fausses  membranes.  » 

D'après  le  même  auteur,  l'épanchement  occuperait  toujours  la  partie 
déclive  delà  cavité  pleurale.  Cette  assertion  me  parait  trop  absolue  ;  car, 
quelques  observations,  entre  autres  une  de  Woillez,  la  contredisent  for- 
mellement. Dans  le  cas  rapporté  par  ce  dernier,  il  y  avait  une  pleurésie 
purulente  partielle  circonscrite  par  des  adhérences  en  avant,  en  haut  et 
à  droite;  le  lobe  supérieur  du  poumon  droit  était  hepatisé  etc.  (Traité 
des  maladies  aiguës  des  voies  respiratoires,  p.  258). 

Dans  le  quart  des  cas  de  pleuro-pneumonie  observés  par  Grisolle, 
l'épanchement  et  la  pneumonie  occupaient  des  parties  de  la  poitrine 
éloignées  l'une  de  l'autre,  la  pneumonie  siégeant  au  sommet  ou  à  la 
partie  moyenne.  Les  symptômes  propres  à  chacune  des  maladies  se  mon- 
trent alors,  dit-il,  dans  leur  étendue  respective,  et  leur  diagnostic  ne 
présente  aucune  difficulté.  Je  ne  saurais,  pour  ma  part,  souscrire  à  cette 
dernière  proposition,  car,  ainsi  que  nous  l'avons  vu,  l'abolition  des  vibra- 
tions thoraciques,  l'absence  de  bronchophonic  et  du  murmure  respiratoire 
peuvent  se  rencontrer  dans  la  pneumonie  exempte  de  tout  épanchemcnl  ; 


l'.NKI  MON  II-  LOBAIISE  AICl'Ë.  —  complications. 


475 


i  dételle  sorte  que  si,  chez  un  malade  présentant  au  sommet  les  signes  com- 
plets de  la  pneumonie,  on  trouve  à  la  base  de  la  matité,  du  silence  respi- 
ratoire et  l'abolition  des  vibrations  thoraciques,  on  n'est  pas  en  droit 
.  d'affirmer  par  cela  seul  l'existence  d'une  pleurésie  à  là  base,  à  l'excep- 
tion d'une  liépatisalion  pscudo-plcurétiquc.  Il  n'y  a,  selon  moi,  que  les 
signes  suivants  qui,  en  pareil  cas,  si  on  les  rencontre,  permettront  d'af- 
i  iîrmer  l'existence  d'un  épanebement  ;  ce  sont  : 

1°  L'égophpnie  quand  elle  bien  caractérisée;  2°  le  déplacement  des 
i  organes,  du  cœur  notamment  si  l'épanchement  siégea  gauche  ;  5'  les  mo- 
difications apportées  aux  signes  physiques  parles  changements  de  position 
■  du  malade.  En  l'absence  de  ces  signes,  qui  témoignent  d'une  manière 
t positive  en  faveur  de  l'épanchcmcnt,  il  faut  savoir  rester  sur  la  réserve. 

Lorsque  la  pneumonie  et  l'épanchcmcnt  siègent  tous  deux  à  la  base, 
ides  phénomènes  d'auscultation  peuvent  être  modifiés  de  deux  maniè- 
res différentes  :  ou  bien  les  bruits  respiratoires  sont  très  affaiblis  et  on 
me  perçoit  de  .la  crépitation  et  du  souffle  tubaire  qu'en  faisant  tousser  ou 
irespirer  très  fortement  le  malade,  ou  bien  l'épanchcmcnt  renforce  les 
I bruits  bronchiques  et  leur  donne  un  timbre  amphorique.  Cette  dernière 
i  modification  peut  induire  en  erreur  et  l'aire  croire  à  la  production  d'une 
excavation  ;  on  l'évitera  cependant  en  tenant  compte  des  vibrations,  qui 
•sont  nécessairement  diminuées  tandis  qu'elles  seraient  plutôt  exagérées 
idans  le  cas  d'excavation  véritable.  —  Quant  au  premier  cas,  celui  où  les 
Ibruits  sont  affaiblis,  il  peut  aussi  être  fort  embarrassant.  Mais  la  coexis- 
ttenec  d'un  épanchement  sera  prouvée  si  l'on  a  l'un  des  trois  signes  que 
jj'ai  précédemment  indiqués.  Grisolle  cite  des  cas  de  ce  genre  où  il  a  fait 
ccesser  toute  incertitude  en  faisant  incliner  les  malades  sur  le  côté  sain 
■ou  mieux  '«  en  les  plaçant  à  quatre  pattes  »  afin  de  forcer  l'épanchement 
ià  s'étaler  sur  une  plus  large  surface. 

Tantôt  l'épanchement  disparaît  de  bonne  heure  et  semble  n'être  qu'un 
éjiiphénomcnc,  tantôt  il  reste  plus  ou  moins  stationnairc  et  ne  diminue 
f|ue  lorsque  la  résolution  de  la  pneumonie  est  plus  ou  moins  avancée, 
liantôt  enfin  il  survit  à  la  pneumonie  ,  devient  purulent  et  nécessite  une 
intervention  particulière.  Woillez  qui  a  appelé  l'attention  sur  ces  derniers 
llaits  et  leur  consacre  un  chapitre  de  son  ouvrage  les  désigne  sous  le 
iiuom  de  pnèumo-pleurésie. 

Nous  n'avons  pas  à  nous  occuper  de  la  première  catégorie,  puisque,  vu 
«on  peu  de  durée,  la  pleurésie  ne  peut  évidemment  exercer  sur  la  pneu- 
nmonic  une  influence  fâcheuse.  Bien  plus,  d'après  Laenncc,  son  action 
serait  même  favorable  :  .  la  compression  exercée  sur  le  poumon  devant, 
Uit-il,  modérer  l'orgasme  inflammatoire  et  empêcher  le  passage  de  la 
pneumonie  au  troisième  degré.  Grisolle  contredit  assez  vivement  Laennec 
ia  cet  égard.  Quant  aux  pleurésies  de  la  deuxième  catégorie,  celles  qui 
persistent  après  le  commencement  de  la  résolution,  elles  exercent  d'après 
Laennec  une  influence  fâcheuse  sur  cette  dernière:  il  dit  avoir  observé  la 
persistance  d'un  certain  degré  d'induration  du  parenchyme  après  plus  de 
deux  mois.  Mais,  ainsi  que  nous  l'avons  vu  plus  haut,  il  y  a  des  pneumo- 


474  PNEUMONIE  LORAIRE  AIGUË.  —  complications. 

nies  dégagées  de  toutes  complications  d'épanchemcnl  qui  sont  très-lentes 
à  se  résoudre,  de  sorte  que  l'aflinnalion  de  Laennec  me  semble  avoir 
besoin  d'être  étayée  par  de  nouvelles  preuves. 

Les  pmumOnpleu'résie»,  pour  employer  la  terminologie  de  Woilléz, 
se  distinguent,  en  général,  par  leur  gravité,  parce  que  répanebement  est 
purulent,  au  moins  dans  le  plus  grand  nombre  des  cas.  On  trouve  dans  la 
littérature  quelques  faits  de  ce  genre  et  j'en  ai  aussi  observé. 

Bronchite,  Congestion  pulmonaire.  —  J'ai  traité  plus  baut  de  la 
pneumonie  qui  survient  chez  un  malade  atteint  préalablejaent  de  bron- 
chite; il  me  faudrait  ici  parler  de  la  bronebite  consécutive  à  une  pneu- 
monie ;  mais  le  cas  est  si  rare  que  je  ne  possède  pas  les  matériaux  suffi- 
sants pour  eu  parler. 

Quanta  la  congestion  pulmonaire  envisagée  comme  complication,  c'eM . 
ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit,  la  cause  probable  de  la  mort  dans  un  certain 
nombre  d'bépatisations  rouges.  Relativement  aux  signes  par  lesquels  elie 
se  révèle,  soit  dans  les  parties  non  bépalisées  du  poumon  malade,  soit  dans 
le  poumon  sain,  je  ne  crois  pouvoir  mieux  faire  que  de  renvoyer  à  l'ar- 
ticle de  Woillez,  (Traité  cité  p.  221  et  suivantes). 

ArrAiiEiL  circulatoiiie.  —  Péricardite.  —  Bouillaud  la  croit  commune 
dans  l,a  pneumonie  grave.  Grisolle  conteste  cette  assertion.  En  fait,  à 
Vienne,  dans  une  statistique  portant  sur  près  de  6,000  pneumonies,  on 
ne  l'a  notée  qu'une  fois  sur  200.  A  Stockholm,  sur  près  de  5.000  pneumo- 
nies, elle  a  été  près  de  deux  fois  plus  fréquente  qu'à  Vienne.  A  baie,  elle 
a  été  beaucoup  plus  commune,  car  elle  y  a  été  observée  près  de  4  fois 
sur  100.  Je  suis  porté  à  croire  qu'elle  est  moins  rare  que  ne  l'indiquent 
les  deux  premières  statistiques,  car  n'étant  pas  facile  à  reconnaître  sur 
le  vivant,  elle  doit  passer  souvent  inaperçue. 

Il  importe  de  distinguer  les  péricardiles  assez  accentuées  pour  donner 
lieu  à  des  symptômes  et  constituer  une  complication  de  celles  qui  ne 
^'accompagnent  pas  d'épanebement  et  ne  sont  par  conséquent  qu'un  in- 
cident de  peu  d'importance  pendant  l'évolution  de  la  pneumonie.  Je  ne 
dirai  rien  des  dernières.  Quant  aux  premières,  véritable  complication, 
et  des  plus  graves,  elles  agissent  en  mettant  obstacle  à  l'activité  cardiaque. 
Leur  effet  le  plus  facilement  appréciable  est  l'abaissement  de  la  tempéra- 
ture du  malade.  Naturellement  le  pouls  devient  faible  et  petit;  mais  j'in- 
siste surtout  sur  l'abaissement  de  la  température,  car  n'étant  pas  une 
conséquence  aussi  directe  de  l'affaiblissement  du  cœur  que  la  faiblesse  du 
pouls,  on  est  a  priori  moins  disposé,  si  l'on  n'est  pas  prévenu,  à  lui  attri- 
buer sa  véritable  signilication.  Voici  un  exemple  de  péricardite  avec 
abaissement  de  la  température,  je  l'emprunte  à  Lorain  (ouv.  cil.  p.  408- 
411).  Il  s'agit  d'un  jeune  homme  de  17  ans  atteint  de  pleuro-pneumonie. 
dont  la  température,  après  une  élévation  assez  forte  au  début,  subit,  cinq 
jours  après  l'entrée  du  malade  à  l'hôpital,  et  15  jours  après  les  premiers 
symptômes  en  même  temps  qu'on  percevait  des  frottements  péricardiques, 
un  abaissement  considérable  et  se  maintint  dès  lors  constamment  à  57°5, 
sauf  le  dernier  jour  que  la  température  remonta  d'un  degré.  Le  pouls 


PNEUMONIE  LOBAIRÈ  AIGUË.  —  cotïpmcatiohs.  475 

régulier  reste  pendant  ce  temps  cuire  80  et  90".  sauf  le  dernier  jour  où  il 
remonte  brusquement  à  100°.  Le  péricarde,  à  l'autopsie,  renfermait  000  gr. 
de  liquide  sanguinolent. 

Sauf  dans  le  cas  où  existe,  en  même  temps  que  la  pneumonie,  une 
pleurésie  qui  se  propage  au  péricarde  —  tout  récemment  le  docteur  Colrat 
m'a  montré  plusieurs  cas  de  cette  propagation  — ,  les  rapports  de  la  péri- 
cardite  avec  la  pneumonie  ne  sont  pas  toujours  très-faciles  à  expliquer: 


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!  Kio.  51.  —  Courbes  de  la  température  du  rectum  (ligne  supérieure),  èt  de  la  fréquence  du  pouls  (ligne 
inférieure),  dans  mu  cas  de  pneumonie  compliquée  de  pericardite. 

quelquefois  le  rhumatisme  paraît  être  leur  lien  étiologique  commun. 
Dans  la  pneumonie  des  buveurs  et  des  Brightiques,  la  péricardile  e.-t 
aussi  plus  commune. 

Endocardite:  —  Elle  est  iieaucoup  plus  rare  que  la  péricardile.  à  moins 
que  l'on  considère  les  souffles  passagers  qu'on  rencontre  si  fréqucmmenl 
au  cœur  pendant  le  cours  d'une  pneumonie,  comme  symptomaliques  de 
cette  complication,  ce  que,  depuis  les  travaux  du  professeur  Potain,  l'on 
ne  peut  admettre. 


i7G 


PNEUMONIE  LOBAIRE  AIGOfi.  —  coHfbrcÂTioKs. 


Los  embolies  qui  surviennent  parfois  diins  le  cours  de  la  pneumonie  ne 
sont  pas  une  preuve  péremptoire  de  l'existence  d'une  endocardite;  car  les 
coagulations  peuvent  s'être  laites  dans  les  veines  pulmonaires,  ainsi  que 
j'en  ai  vu  trois  exemples  dont  l'un  a  été  cité  à  propos  de  Y Analomie  pa- 
thologique :  à  la  vérité,  elles  sont  plus  rares,  je  crois,  que  les  concrétions 
intra- cardiaques. 

Concrétions  sanguines.  —  Si  elles  siègent  dans  le  cœur,  elles  peuvent 
gêner  plus  ou  moins  la  circulation.  Si  elles  sont  projetées  dans  les  artères, 
elles  causent  des  infarctus,  complication  d'ailleurs  rare,  sauf  dans  les 
relevés  de  l'hôpital  de  Cale.  ■ 

Insuffisance  cardiaque  (asyslolie)  avec  ou  sans  altération  du  myo- 
carde. —  J'ai  déjà  dit  un  mot  de  la  complication  dont  je  veux  parler  ici 
en  parlant  de  la  péricardite.  C'est  en  effet  le  propre  de  celte  maladie, 
lorsqu'elle  atteint  une  certaine  intensité,  d'altérer  plus  ou  moins  grave- 
ment les  fonctions  du  cœur.  Ce  que  fait  la  péricardite,  la  lièvre  seule 
peut  parfois  le  réaliser  :  on  sait  que  dans  les  fièvres  graves  ir  se  déve- 
loppe une  altération  du  myocarde.  Théoriquement,  on  eût  donc  pu 
supposer  que  dans  les  pneumonies  graves  se  terminant  par  suppuration, 
où  la  fièvre  dure  plus  d'un  septénaire,  il  se  produit  aussi  une  dégéné- 
rescence aiguë  du  moycarde;  mais  nous  avons  vu,  au  chapitre  de  l'ana- 
tomie  pathologique,  que  les  faits  ne  confirment  pas  cette  supposition  et 
qu'il  est  extrêmement  rare  de  trouver,  à  l'autopsie  d'une  pneumonie,  une 
altération  quelconque  récente  du  myocarde.  L'insuffisance  cardiaque  dont 
je  vais  parler  ici  résulte  des  circonstances  particulières  où  se  trouve  le 
cœur,  par  suite  de  l'affection  pulmonaire,  du  travail  exagéré  qu'il  est 
obligé  d'effectuer;  elle  peut  se  développer  d'une  manière  aiguë  dans  un 
cœur  prédisposé,  alors  même  que  le  myocarde  est  parfaitement  sain  ; 
mais  naturellement  elle  survient  plus  facilement  encore  dans  un  cœur 
préalablement  altéré  soit  par  suite  de  la  sénilité,  soit  par  une  influence  hé- 
réditaire. Il  est  des  pays,  notamment  Tubingue,  où  cette  dernière  circon- 
stance se  rencontre  communément  :  de  là  vient  que  le  professeur  Jùr- 
gensen  a  tant  insisté  sur  cette  complication  et  la  considère  comme  la 
cause  principale  de  la  mort  chez  les  pneumoniques. 

A  pridri  on  ne  voit  pas  que  le  ventricule  gauche  soit  particulièrement 
affecté  par  le  fait  de  la  pneumonie.  Il  doit  se  trouver  dans  les  mêmes 
conditions  que  dans  toute  fièvre.  Il  n'en  est  pas  de  même  du  ventricule 
droit;  car  une  quantité  de  sang  tout  à  fait  insolite  est  accumulée  dans 
les  poumons  ;  il  doit  donc  développer  plus  de  force,  et  ce  qui  prouve  que 
la  circulation  pulmonaire  se  fait  moins  facilement  qu'à  l'état  normal ,  c'est 
qu'on  a  observé  parfois  pendant  la  vie,  la  dilatation  du  cœur  droit,  et  ce 
qui  est  d'une  constatation  plus  facile,  la  réplétion  exagérée  des  veines 
du  cou.  On  pourrait,  au  premier  abord,  s'en  étonner  en  songeant  que, 
d'après  les  expériences  de  Lichthcim,  les  voies  de  communication  à 
travers  le  poumon  sont  d'un  calihre  surabondant,  puisqu'il  a  pu  obstruer 
les  trois  quarts  des  branches  artérielles  pulmonaires  sans  amener  de 
troubles  dans  la  tension  artérielle  générale.  Mais  je  ferai  remarquer 


PNEUMONIE  LOBAIRE  AIGUË.  —  complications. 


477 


crue  les  expériences  de  cet  auteur  ont  été  faites  seulement  chez  le  chien, 
.  animal  disposé  pour  la  course  et  chez  lequel,  par  conséquent,  la  circula- 
i  lion  pulmonaire  doit  disposer  de  voies  très-larges.  Rien  ne  prouve  qu'il 
i  en  soit  absolument  de  même  chez  l'homme. 

Chez  l'enfant,  le  cœur  droit  a  une  musculature  relativement  beaucoup 
I  plus  puissante  que  chez  l'adulte.  Il  résulte  en  effet  des  recherches  bien 
i diinues  de  Bizot  que  la  musculature  à  la  base  des  ventricules  gauche 
•  ci  droit  chez  les  enfants  de  1  à  4  ans  a  une  épaisseur  moyenne  de  6,5 
>et  de  6,2  millimètres;  c'est-à-dire  qu'elle  est  à  peu  près  la  même, 
tandis  que,  comme  on  sait,  elle  diffère  du  simple  au  double  chez  l'a- 
■  dulte.  L'enfant,  toutes  choses  égales,  serait  donc  moins  exposé  à  l'insuffi- 
sance du  cœur  droit.  Cette  particularité,  pour  le  professeur  Tbomas, 
i  expliquerait  en  partie  la  léthalité  moindre  de  la  pneumonie  lobaire  dans 
le  jeune  âge. 

Je  n'ai  pas  besoin,  je  pense,  de  rappeler  longuement  à  quels  signes 
i  on  reconnaît  l'asystolie  :  la  petitesse  et  l'irrégularité  du  pouls,  l'abaisse- 
!  ment  de  la  température  centrale  et  périphérique,  la  cyanose,  la  dilatation 
i  des  veines  jugulaires,  etc. 

Outre  la  petitesse  du  pouls  et  son  irrégularité,  Bardenhewer,  assistant 
de  Ric^el,  dit  avoir,  dans  quelques  cas.  observé  un  caractère  sphygmo- 
.  grapbique  fort  rare  dans  les  états  fébriles,  à  savoir  un  pouls  monocrole. 

Lorain  l'a  signalé  dans  la  variole.  Dans  ce  cas  le  monocrotisme  était 
Ile  résultat  d'une  accélération  extrême  du  cœur;  les  pulsations  artérielles 
:se  succédaient  si  rapidement  qu'il  y  en  avait  une  nouvelle  avant  que  le 
idicrotisme  de  la  précédente  eût  eu  le  temps  de  se  produire.  Au  contraire 
idans  le  cas  de  Bardenhewer,  il  n'est  pas  dit  que  le  cœur  lut  accéléré; 
ic'élaitune  pneumonie  à  défervescence  tardive;  la  faiblesse  du  cœur  était 
extrême;  telle  est  selon  lui  la  cause  du  phénomène  qu'il  a  observé  (Berl. 
kl.  Wochenschrift  1875).  D'après  M.  Galabin,  chez  un  sujet  ayant  dé- 
lassé la  jeunesse,  l'absence  de  dicrotisme  pourrait  tenir  non  à  l'état  du 
cœur,  mais  à  la  dégénérescence  du  système  artériel.  J'ai  déjà  mentionne 
I  plus  haut  l'abaissement  nécessaire  de  la  température  centrale  dans  les 
cas  d'insuffisance  cardiaque.  Je  n'y  reviens  pas.  Quant  au  diagnostic  sur 
I  le  vivant  de  la  dilatation  des  cavités  droites  du  cœur,  au  moyen  de  la 
|  percussion,  on  ne  saurait  être  trop  réservé  avant  de  l'affirmer. 

Complications  cérébrales.  —  Délire.  —  Méningite.  De  toutes  les  com- 
I  plicalions  cérébrales,  le  délire  est  la  plus  commune.  D'après  Grisolle  il  se 
i rencontre  une  fois  sur  deux  ;  d'après  Louis  et  Andral,  une  fois  sur  cinq, 
|  proportion  qui  dépasse  de  beaucoup  ce  que  j'ai  moi-même  observé.  Très- 
i  rare  chez  les  jeunes  sujets,  il  est  assez  fréquent  chez  les  hommes  dans  un 
âge  un  peu  avancé,  mais  non  chez  les  femmes,  ce  qui  montre  l'influence 
ide  l'alcoolisme  qui  est,  dit-on,  avéré  chez  le  tiers  des  déliranls. 

Le  délire  peut  consister  seulement  en  un  peu  de  divagation  le  soir  ; 
i  mais  le  plus  souvent  les  malades  sont  véritablement  agités  et  veulent  se 
I  lever.  A  un  degré  de  plus,  ils  crient  et  repoussent  les  personnes  qui  les 
o entourent;  enfin  le  délire  peut  présenter  tous  les  caractères  symptoma- 


m 


PNEUMONIE  LOBAIRE  AlliUK  —  complications. 


II 


Janvier 

5 

tiijues  du  véritable  delirium  tremeus;  mais  cela  est  fort  rare  eu  notre 
pays.      .  *  , 

C'est  qu'en  effet  —  Grisolle  le  remarque  fort  justement  —  tous  ces 
délires  qui  éclatenL  chez  des  sujets  ayant  abusé  de  l'alcool  ne  sont  pas 
des  deliriuni  treineus  ;  chez  la  plupart  d'entre  eux  l'intoxication  alcoo- 
lique n'agit  qu'à  litre  de  cause  prédisposante,  et  le  délire  n'a  rien  de 
spécifique. 

On  sait  d'ailleurs  qu'il  y  a  bien  d'autres  formes  de  délire  alcoolique 
que  le  delirium  tremens.  Je  renvoie,  à  cet  égard,  à  l'intéressant  mémoire 

publié  en  18(30  dans  les  Archives 
de  médecine  par  le  professeur 
Lasèguc. 

Chez  un  alcoolique  confirmé, 
une  pneumonie  provoque  presque 
fatalement  du  délire,  mais  il  est 
non  moins  exact  de  dire  que  ce 
dernier  à  son  tour  influence  la 
marche  de  la  pneumonie.  J'au- 
rais pu,  a  propos  des  formes  de 
la  pneumonie,  consacrer  un  pa- 
ragraphe spécial  à  h  marche  de 
la  maladie  chez  les  alcooliques  ; 
il  m'a  paru  mieux  à  sa  place  ici, 
puisque  c'est  une  complication, 
le  délire,  qui  domine  La  scène. 

Une  particularité  importante 
de  ces  pneumonies,  c'est  la  faible 
élévation  de  la  température.  Rien 
n'est  commun  comme  de  voir 
chez  u;i  alcoolique  délirant  la 
pneumonie  n'élever  la  tempéra- 

I1111UO  >IÇ  OU  UU<7f         1  1*1»  J  ■ 

yant  débuté  le  lure  que  d  un  degré  ou  un  degré 

31  décembre,  et  pris  de  délire  le  S  janvier.  Ce  délire  j      ■      |            -               Je  pQUls 

a  persisté  jusqu'à  la  mort  qui  est  arrivée  le  G  janvier  cl>  uo£"  p  t.             T        •            î  i  tl 

à  "2  heures.  A  partir  du  début  du  délire,  la  tempe-  cst  très-fréqueilt.  LoiMUl  avait  déjà 

sst  ni  élevée,  ni  abaissé- 
pouls  a  graduellement  monté  jusqu'! 


I1E1HMH 


Kig.  32.  =  Courbes  de  la  lompéralur.e  du  rectum  ot 
de  la  fréquence  du  pouls  chez  un  homme  de  50  ans, 
atteint   de   pneumonie:  lobaire 


^iSîteï  remarqué  la  discordance  en  pa 
reil  cas  du  pouls  et  de  la  tem- 
pérature et  il  croyait,  si  je  ne  me  trompe,  que  le  délire  était  une  cause 
d'abaissement  de  la  température,  ou  plutôt  qu'il  y  avait  une  sorte  «1  équi- 
valence entre  le  délire  et  la  production  de  chaleur. 

Une  autre  particularité  de  ces  pneumonies,  c'est  la  tendance  qu'elles 
ont  à  se  terminer  par  suppuration.  i      •  i 

Une  troisième  particularité,  mais  non  constante,  c'est  l'irrégularité  de 
leur  marche,  oscillante  comme  le  délire  lui-même,  dont  l'intensité,  d  une 
manière  générale,  augmente  parallèlement  aux  poussées  de  la  pneumonie. 

Le  délire  dans  la  pneumonie,  d'origine  alcoolique  ou  non,  survient  dans 
l'acmé,  quelquefois  dès  le  début  ;  s'il  a  une  grande  intensité,  il  dure 


PNEUMONIE  LOBAI  RE  AIGUË.  —  complications. 


479 


i  rSrcment  plus  de  quatre  ou  cinq  jours;  au  bout  de  ce  temps,  il  est  rem- 
I  placé  par  le  retour  au  moins  partiel  de  l'intelligence,  ou  par  le  coma,  pré- 
sage d'une  terminaison  fatale. 

A  l'autopsie,  Grisolle  dit  n'avoir  pas  trouvé  de  lésion  appréciable  dans 
Il  les  deux  tiers  des  cas  (comprenant  la  presque  totalité  des  alcooliques,) 
limais  cbez  un  tiers  il  a  constaté  les  caractères  d'une  méningite  purulente 
Il  de  la  convexité.  —  Comme  presque  toujours  la  pneumonie  est  déjà 
lià  une  période  avancée  quand  se  développe  la  méningite,  le  professeur 
llllugenin  suppose  qu'elle  peut  être  le  résultat  de  petits  caillots  embob- 
ines purulents  nés  dans  les  veines  pulmonaires.  Mais  si  cette  pathogénie 
(était  commune,  il  devrait  coexister  souvent  des  abcès  dans  d'autres 
(Organes,  car  il  est  impossible  d'admettre  que  les  méninges  aient  le  pri- 
vilège de  recevoir  des  embolies.  Or,  je  ne  sache  pas  qu'il  en  soit  ainsi. 

En  fait,  la  pathogénie  de  la  méningite  cérébrale  ainsi  (pie  celle  de  In 
iméningile  cérébro-spinale  sporadique  que  je  mentionne  plus  bas,  est  fort 
(.obscure. 

Est-il  possible,  chez  un  pneumonique  délirant,  de  diagnostiquer  celte 
(.'complication,  en  d'autres  termes  de  reconnaître  qu'il  ne  s'agit  pas  d'un 
ddélire  sans  lésions?  Les  signes  tirés  de  la  température  sont  ici  de  peu  de 
waleur.  Il  faut  se  baser  sur  les  symptômes  propres  de  la  méningite, 
iinotamment  sur  la  raideur  du  cou  qui  a  été  signalée  dans  plusieurs  obser- 
vations récentes,  (obs.  1  2  et  5  de  Barlh  et  Poulin  et  obs.  de  Savart.)  Le 
(Caractère  du  pouls,  les  troubles  pupillaires,  la  complication  possible 
(Id'aphasie,  (obs.  1  de  Barlh  et  Poulin,)  constitueront  aussi  de  très-fortes 
iprésomptions  en  faveur  d'une  méningite. 

Parfois  la  méningite  purulente  développée  dans  le  cours  de  la  pneu- 
îmonie  s'accompagne  d'hémiplégie  comme  peut  le  l'aire  toute  méningite. 
D'en  ai  observé  un  cas.  Le  cerveau  coupé  en  tranches  très-lines  m'a  paru 
Itout  à  l'ait  sain.  Je  trouve  aussi  dans  la  Lancet,  relaté  brièvement,  un  cas 
die  pneumonie  avec  hémiplégie,  observé  dans  le  service  du  professeur 
Uaccoud.  A  l'autopsie,  on  a  constaté  une  pleurésie  purulente  et  une 
uméningite  purulente  (G  juin  1878). 

La  pneumonie  se  complique  de  méningite  cérébro-spinale  suppurée 
?.antôt  pendant  le  règne  d'un  épidémie  de  méningite  —  l'on  a  expliqué 
'.'association  des  deux  maladies  en  disant  que  les  pneumoniques  opposent 
moins  de  résistance  à  l'infection  —  tantôt  indépendamment  de  toute  épi- 
llémie;  c'est  alors  à  une  méningite  cérébro-spinale  sporadique  que  l'on 
U  affaire.  Oudin  en  a  récemment  publié  une  observation  intéressante. 

■  Accidents  cérébraux  de  la  pneumonie  chez  l'enfant.  —  Ils  revêtent 
kleux  formes  particulières  bien  décrites  par  Rillict  et  Bailliez  sous  le 
iaom  de  pneumonie  cérébrale,  l'une  éclamptique,  l'autre  méningée 

[comateuse  ou  délirante) .  La  première  est  spéciale  aux  tout  jeunes 
'enfants,  surtout  à  ceux  qui  ont  une  dentition  laborieuse;  la  seconde  se 

voit  de  2  à  5  ans  (la  pneumonie  délirante,  au-dessus  de  cinq  ans).  C'est 
'presque  toujours  dans  la  pneumonie  du  sommet  que  l'on  observe  les 
«ymplômes  convulsifs  ou  comateux. 


480 


PNEUMONIE  LOBAIBE  AK.I  Ë.    COMI'MCATIO.NS. 


A.  Forme  éclamplUjue.  —  Les  convulsions  accompagnées  ou  précédées 
d'une  rapide  élévation  de  la  température  marquent  souvent  le  début; 
tantôt  elles  sont  épilcptiformes,  tantôt  partielles,  et  dans  ce  cas  elles  sur- 
viennent plus  fréquemment  dans  le  courant  de  la  journée. 

B.  Dans  la  forme  méningée,  l'assoupissement,  le  délire,  la  céphalalgie, 
les  vomissements  et  même  la  constipation  peuvent  se  rencontrer  ensemble, 
complexus  d'autant  plus  trompeur  que  parfois  l'œil  est  affecté  de  stra- 
bisme. Cependant  Billiet  et  BarLhez  remarquent  que  la  somnolence  n'est 
jamais  aussi  caractérisée  que  celle  des  maladies  encéphaliques  et  qu'elle 
n'est  pas  accompagnée  de  cris  automatiques,  de  grincements  de  dents  et 
de  changements  fréquents  de  coloration  de  la  peau  du  visage. 

Les  symptômes  cérébraux,  par  leur  intensité,  effacent  ceux  de  la  pneu- 
monie; mais  la  température,  qui  est  plus  élevée  et  plus  constante  dans  la 
pneumonie  que  dans  la  méningite  (Ziemssen).  l'accélération  delà  respi- 
ration et  les  signes  d'auscultation  (au  moins  au  bout  de  quelques  jours) 
servent  au  diagnostic. 

La  pathogénic  des  accidents  que  je  viens  de  relater  est  encore  mal 
connue  :  on  a  supposé  que  les  gros  troncs  veineux,  à  la  base  du  cou,  pou- 
vaient être  comprimés  par  le  sommet  du  poumon  hépatisé.  Cela  ne 
me  paraît  pas  soutenable.  — On  a  aussi  admis  une  hypérérnie  active;  pour 
certains  cas,  on  a  accusé  la  haute  température  du  sang,  et  son  état  dyscra- 
sique.  Il  est  probable  qu'il  s'agit  souvent  de  symptômes  réflexes.  Enfin  il 
est  des  cas  où  l'on  trouve  à  l'autopsie  des  lésions  des  méninges  (œdème, 
hémorrhagies),  avec  des  apoplexies  capillaires  du  cerveau  ou  une  véri- 
table méningite).  Dans  ce  dernier  cas,  les  symptômes  sont  généralement 
plus  accusés  :  la  céphalalgie  est  plus  intense,  ainsi  que  la  pholophobie,  etc.  ; 
il  y  a  des  paralysies  sensorielles,  de  l'opislhotonos,  du  trismus;  les  pupilles 
sont  larges  et  inégales,  et  à  l'examen  ophthalmoscopique  on  trouve  les 
signes  d'un  névrite  optique,  etc.,  bref,  tous  les  signes  de  la  méningite 
que  je  n'ai  pas  à  décrire  ici.  Seulement  il  cslbon  de  savoir,  que  chez  leslrès- 
jeunes  enfants,  tous  ces  signes  peuvent  manquer  et  qu'on  peut  même  trouver 
àl'autopsieun  méningite  survenue  comme  complication  d'une  pneumonie 
sans  qu'il  y  ait  eu  de  symptômes  cérébraux. 

Forme  apoplectique  de  la  pneumonie  des  vieillards,  coma  et  hémi- 
plégie. —  Quelques  vieillards  atteints  de  pneumonie,  après  un  état  d'ob- 
nubilation  des  idées,  ou  bien  d'emblée,  tombent  plus  ou  moins  brusquer 
ment  dans  un  état  comateux  qui  revêt  le  plus  souvent  l'apparence  d'une 
apoplexie  dépendant  de  lésions  de  l'encéphale.:  la  perte  de  connaissance 
est  complète  ;  il  y  a  quelquefois  de  la  rotation  de  la  tête  et  delà  déviation 
conjuguée  des  yeux  ;  les  membres,  d'un  côté,  sont  le  siège  d'un  excès  de 
chaleur  et  perdent  la  molililé  volontaire  plus  ou  moins  complètement  : 
au  bout  de  quelques  jours,  pendant  lesquels  cet  étal  apoplectique  peut 
offrir  de  grandes  oscillations  dans  son  intensité,  la  mort  arrive,  cl  à 
l'autopsie  il  est  possible  que  par  l'exploration  la  plus  minutieuse  et  la  plus 
méthodique  on  ne  trouve  pas  de  lésions  qui  expliquent  les  accidents 
hémiplégiques  des  derniers  jours;  tçl  est  le  complexus  symptomatiquo 


PNEUMONIE  LOBA  IRE  AIGUË.  —  complications. 


m 


qui  a  fixé  souvent  l'attention  des  médecins  des  asiles  consacrés  à  la 
vieillesse. 

On  désigne  ordinairement  sous  ce  nom  d'hémiplégie  pneumonique  les 
cas  dont  je  viens  d'esquisser  le  tableau,  et  c'est  ce  terme  qu'à  l'exemple 

;  du  professeur  Charcot  j'ai  cru  autrefois  devoir  employer;  mais  il  faut 
bien  se  rappeler  que  cette  expression  indique  simplement  que  L'hé- 
miplégie est  survenue  pendant  le  cours  d'une  pneumonie.  J'ai  en  effet 
dit  d'une  manière  fort  explicite,  dans  ma  thèse,  que  les  hémiplégies 
pneumoniques  ne  constituaient  pas  un  groupe  de  faits  homogènes. 

Un  petit  nombre  d'entre  elles  résultent  du  ramollissement  du  cerveau. 

,  Telle  est  la  quatrième  des  observations  que  j'ai  publiées  dans  ma  thèse 
inaugurale;  telle  est  encore  la  belle  observation  de  mon  collègue  et  ami 
Straus  (Revue  mensuelle  1877).  Si  le  nombre  des  hémiplégies  pneumo- 
niques, dues  à  un  ramollissement,  n'est  pas  considérable,   cela  tient 

|  vraisemblablement  à  ce  que  les  pneumoniques  succombent  avant  que 
l'ischémie  artérielle,  première  étape  du  ramollissement,  ait  abouti  au 
ramollissement  lui-même.  Diverses  autres  lésions  peuvent  encore  produire 
une  hémiplégie  pneumonique. 

Quant  aux  cas  où  l'on  ne  trouve  rien  qui  rende  compte  de  l'hémiplégie, 
je  ne  suis  pas  porté  à  les  expliquer  par  une  action  réflexe,  parce  que. 

I  dans  les  cas  au  moins  qu'il  m'a  été  donné  de  voir,  la  physionomie  de 
l'hémiplégie  n'était  pas  la  même  que  dans  les  hémiplégies  incontcstable- 

!  nient  réflexes,  d'origine  pleurétique,  que  j'ai  observées  (Mëm.de  la  Société 

<  des  hôpitaux  de  Paris  1876). 

Macario  a  rapporté  deux  cas  de  pneumonie  pendant  la  convalescence 
desquelles  on  observa  de  la  faiblesse  musculaire  et  des  fourmillements 
ayant  débuté  par  la  paume  des  mains  et  la  plante  des  pieds.  Puis  survint 
une  paralysie  du  mouvement,  complète  dans  les  membres  inférieurs,  in- 
complète dans  les  membres  supérieurs.  L'intelligence  était  intacte.  Un 
des  malades  guérit,  l'autre  mourut,  mais  l'autopsie  ne  fut  pas  faite. 

Complications  du  côté  des  organes  des  sens.  —  Elles  ne  sont  pas  fort 
importantes.  —  Appareil  de  la  vision.  —  On  a  noté  parfois  de  l'exoph- 
thalmie;  probablement  elle  dépendait  d'un  méningite  concomitante. 

Seidel  à  observé  chez  un  garçon  de  treize  ans,  au  premier  jour  d'une 
pneumonie  du  sommet  gauche,  de  l'amblyopie.  Le  malade  appréciait  les 
couleurs  d'une  manière  inexacte  et  ne  pouvait  voir  à  une  certaine  distance. 
Les  globes  oculaires  étaient  douloureux,  les  pupilles  étaient  très-dilatées, 
la  pupille  des  deux  côtés  rouge  et  mal  limitée;  les  veines  rétiniennes  étaient 
très  dilatées,  les  artères  peu.  Les  symptômes  disparurent  en  l'espace  de 
quatre  à  cinq  semaines.  Siebel  père  avait,  comme  on  sait,  déjà  insisté 
sur  la  dilatation  par  stase  des  veines  rétiniennes. 

Y.  Grade  et  Ileuoch  ont  aussi  noté  des  troubles  visuels  transitoires,  sur- 
venant surtout  dans  la  convalescence,  et  les  ont  rapportés  à  une  anémie 

1  rétinienne. 

Appareil  de  l'ouïe.  —  Hillier  a  publié  un  cas  où  existait  de  la  surdité. 
Sleiner  a  observé  chez  seize  enfants  atteints  de  pneumonia  du  sommet 

NOUV.  D1CT.  MED.  ET  CUIR.  XXVIII  —  ~>i 


482  PNEUMONIE  liOBALHE  AHJUË.  —  cowtorcimmB: 

dos  symptômes  cérébraux  graves,  à  savoir  :  vomissements,  alternatives 
de  somnolence  et  d'agitation,  céphalalgie,  délire  et  perte  de  connaissance, 
qui,  reconnaissaient  pour  cause  une  otite  purulente.  Ces  symptômes  dis- 
parurent lorsque  l'écoulement  se  fit  au  dehors.  Ces  enfants,  âgés  de  cinq 
à  dix  ans,  n'étaient  pas  scrofuleux  et  n'avaient  jamais  eu  de  maux  d'o- 
reilles. Dix  Ibis  L'otite  était  unilatérale,  et  surtout  à  droite. 

L'otite  passa  à  l'état  chronique  dans  la  plupart  des  cas  et  aboutit  à  la 
surdité  et  à  la  carie  du  rocher. 

Steiner  pense  qu'elle  a  été,,  comme  la  pneumonie  et  au  même  titre 
qu'elle,  l'effet  d'un  refroidissement  et  qu'elle  n'était  pas  sous  sa  dé- 
pendance. 

Complications  du  côté  du  tube  digestif  et  de  ses  annexes.  —  A.  Catarrhe 
aigu  de  l'intestin.  —  C'est  une  complication  qui,  sur  l'adulte,  ne  se 
rencontre  guère  que  dans  certaines  localités,  à  Breslau,  par  exemple 
(Lfiberl).  On  ne  peut  donc  la  mettre  au  compte  de  la  pneumonie. 

Chez  les  jeunes  enfants  on  a  vu  parfois  les  symptômes  d'un  catarrhe 
gastro-intestinal  survenir  dès  le  début  d'une  pneumonie.  Quand  les  vomis- 
sements, la  diarrhée,  la  douleur  de  ventre,  ont  une  grande  intensité,  ils 
masquent  les  signes  de  la  phlegmasie  pulmonaire  :  non  seulement  un 
catarrhe  gastro-intestinal  est  capable  de  modifier  la  fièvre  et  de  retarder 
la  défervescence,  mais  il  peut  même  entraîner  la  mort. 

Ulcérations  du  gros  intestin.  —  Le  docteur  Bristowe  est,  à  ma  connais- 
sance, le  seul  qui  ait  insisté  sur  cette  complication  qu'il  paraît  avoir  ren- 
contrée assez  souvent  :  ce  qui  est  assez  surprenant,  vu  le  silence  des  autres 
médecins  anglais  à  ce  sujet. 

Bristowe  se  défend  de  la  supposition  qu'elles  puissent  être  le  résultat 
du  traitement.  11  croit  même  qu'elles  ne  sont  pas  secondaires  à  la  pneu- 
monie, car,  dit-il,  il  n'y  a  pas  de  sympathies  entre  le  poumon  et  le  gros 
intestin,  —  ce  qui  n'est  d'ailleurs  pas  une  preuve,  —  mais  qu'elles  sont 
une  conséquence  de  la  même  cause  que  la  pneumonie  (froid,  etc.).  Il  y 
aurait  entre  celle-ci  et  elles  la  même  relation  qu'entre  la  pneumonie  et 
l'herpès  labial,  ou  bien  qu'entre  la  pneumonie  est  l'ictère  (je  dois  faire 
remarquer  que  Bristowe  est  seul  de  son  avis  en  admettant  que  l'ictère 
pneumonique  ait  la  même  cause  que  la  pneumonie). 

J'ai  rapporté  ces  idées,  bien  qu'elles  soient  de  nature  â  nous  étonner  ; 
j'ajouterai  seulement  qu'en  France  du  moins  ou  ne  voit  jamais  de  sym- 
ptômes de  dysenterie  coexister  avec  la  pneumonie. 

Ictère.  —  D'après  Grisolle,  l'ictère  à  un  degré  plus  ou  moins  prononcé 
se  rencontrerait  dans  la  proportion  de  7  pour  10(1  pneumoniques.  Mais  ce 
chiffre  ne  saurait  être  considéré  que  comme  exprimant  la  fréquence 
moyenne  de  l'ictère  à  Paris:  ailleurs  les  statistiques  ont  fourni  des  résul- 
tats bien  différents.  Chwostelt  a  trouvé  plus  de  21  pour  100  sur  147  cas; 
Kismer  à  Baie  28  pour  100,  tandis  que  les  statistiques  de  Both.  du  grand 
hôpital  de  Vienne  et  de  Stockholm,  les  deux  dernières  portant  sur  plus 
de  8,000  pneumonies,  ne  fournissent  pas  une  proportion  de  1  pour  100. 
Lajstatistique  qui  se  rapproche  le  plus  de  celle  de  Grisolle  sous  ce  rap- 


PNEUMONIE  LOBAIBS  AICUË.  —  .•...jii'i.icAi-in.Ns. 


483 


port  est  celle  du  professeur  Gerhardtdc  Wiïrzburg  (thèse  de  Sehapira),  qui 
indique  5,  7  pour  100  |>our  l'ictère  vrai.. 

L'ictère  est  excessivemeut  rare  chez  les  enfants.  11  parait  plus  commun 
dans  les  pneumonies  du  côté  droit  et  peut-être  dans  celles  de  la  base 
droite. 

C'est  dans  les  premiers  jours  de  la  pneumonie  que  se  manifeste  généra- 
lement l'ictère.  La  coloration  jaune  se  montre  d'abord  aux  conjonctives, 
ou  bien  c'est  la  coloration  des  crachats  qui  révèle  l'ictère;  ce  peut  être 
enfin  la  mu  l.mii  de  la  matière  colorante  de  la  bile  dans  l'urine  additionnée 
d'acide  nitrique  qui  eu  est  l,i  première  manifestation.  Puis  l'ictère  se  des- 
sine les  jours  suivants  et  parfois  acquiert  une  grande  intensité.  Alors 
même  qu'il  reste  modéré,  il  est  la  source  d'accidents  qui  sont  générale- 
ment attribués  à  l'intoxication  du  sang  par  les  acides  biliaires  et  qui 
sont  en  première  ligne  des  symptômes  nerveux,  savoir  une  remarquable 
tendance  au  eollapsuset  du  météorisme,  contribuant,  à  cause  de  la  gène 
de  la  respiration,  à  la  terminaison  fatale. 

La  pathogénie  de  l'ictère  dans  la  pneumonie  est  multiple  :  il.  peut 
tenir  à  la  propagation  aux  canaux  biliaires  d'un  catarrhe  du  duodénum  : 
Si  l'ictère  pneumonique  est  à  Stockholm  beaucoup  plus  commun,  cela  ne 
serait-il  pas  dû  au  fait  que  le  catarrhe  gastro-duodénal,  d'origine  alcooli- 
que, y  est  beaucoup  plus  fréquent  que  dans  la  plupart  des  autres  grandes 
villes  du  continent  ? 

D'ailleurs,  il  y  a  des  résultats  précis  d'autopsies  qui  ne  peuvent  à  ce 
sujet  laisser  de  doute  ;  ji'ai,  vu  moi-même  plusieurs  lois  chez  des  pneu- 
moniques  ictériques  de  la  rougeur  avec  gonflement  de  la  muqueuse  du 
duodénum  et  de  la  rougeur  des  gros  canaux  biliaires.  J'ai  observé  récem- 
ment un  fait  remarquable  sous  ce  rapport  :  la  muqueuse  du  cholédoque  et 
surtout  celle  de  la  vésicule  biliaire  étaient  d'iui  rouge  vif.  Il  est  vrai  que 
je  n'ai  pu  découvrir  dans  les  gros  conduits  biliaires  aucun  bouchon  mu- 
queux  ;  mais  l'étude  histologique  de  ce  cas,  faite  à  mon  instigation  par 
Bonnet  {Revue  mensuelle,  1878),  a  révélé  un  catarrhe  des  plus  fins  ca- 
nalicules  biliaires.  Je  crois  donc  que.  même  lorsque  le  catarrhe  des  canaux 
biliaires  ne  semble  pas  fort  apparent  à  l'autopsie,  l'examen  histologique 
des  fins  canaux  ne  doit  pas  être  négligé. 

Mais  l'obstruction  des  voies  biliaires  ne  peut  expliquer,  tant  s'en  faut, 
tous  les  cas  d'ictère  dans  la  pneumonie,  d'autant  plus  qu'elle  s'accorde- 
rait mal  avec  un  fait  clinique  parfois  constate,  à  savoir:  la  persistance  de 
la  coloration  normale  des  selles,  lïouillaud  a  soutenu  que,  dans  les  cas 
où  la  pneumonie  occupe  la  hase  du  poumon  droit,  l'inflammation  peul 
se  propager  par  contiguïté  de  tissu  à  travers  le  diaphragme  et  le  péritoine 
jusqu'au  foie.  Mais  cette  opinion  n'est  étayée  jusqu'ici  par  aucune 
autopsie,  bien  qu'on  ait  beaucoup,  sourtout  dans  ces  derniers  temps,  re- 
cherché la  propagation  de  diverses  lésions  à  travers  le  diaphragme.  Si 
la  propagation  de  l'inflammation  pulmonaire  au  péritoine  était  chose  fré- 
quente, elle  aurait  été  sans  doute  explicitement  signalée. 

D'ailleurs,  qu'on  le  remarque  bien,  cette  propagation  rendrait  bien 


PNEUMONIE  LOBAIllE  AK.UË.    COMPLICATIONS. 


compte  d'une  périhépalite,  mais  elle  n'expliquerait  p;is  facilement  l'ictère. 
Enfin,  et  ce  dernier  argument  est  sans  réplique,  l'ictère  est  presque  aussi 
fréquent,  dit-on,  quand  la  pneumonie  occupe  le  sommet,  que  lorsqu'elle 
siège  à  la  base  droite. 

Je  trouve  dans  la  thèse  de  Schapira  une  théorie  qui  peut  être  vraie  en 
partie,  mais  à  laquelle  il  me  parait  faire  jouer  un  rôle  un  peu  exagéré  : 
se  fondant  sur  les  expériences  des  physiologistes  qui  ont  démontré  que  la 
liile  s'écoule  sous  une  pression  très  faible,  il  pense  que,  si  la  compression  du 
l'oie  pendant  l'inspiration  devient  moindre  qu'à  l'état  normal,  cette  di- 
minution d'un  des  principaux  facteurs  de  l'excrétion  biliaire  peut  suffire 
pour  amener  l'ictère,  non  qu'il  y  ait  obstruction  des  voies  biliaires,  mais 
simplement  parce  qu'il  s'y  fait  une  stase.  Or,  dit-il,  le  pneumonique 
respire  superficiellement  à  cause  de  la  douleur.  Je  n'ai  à  ceci  qu'une 
chose  à  répondre,  c'est  que,  si  cette  explication  était  exacte,  l'ictère  ne 
devrait  jamais  faire  défaut  dans  la  pleurésie  diaphragmatique  droite. 
Or,  on  sait  que  l'ictère  ne  figure  pas  parmi  ses  symptômes. 

Murchison,  tout  en  restant  sur  la  réserve,  semble  attribuer  certains  cas 
d'ictère  à  une  congestion  hépatique  réflexe  qui  aurait  pour  cause  l'irrita- 
tion du  poumon.  Cette  action  réflexe  serait  la  réciproque  de  celle  que 
il.  le  prolesseur  Potain,  qui  se  fonde  sur  des  faits  cliniques  incontestables, 
croit  exister  entre  le  foie  et  l'appareil  cardio-pulmonaire. 

On  sait  que  pour  Bence  Jones  l'ictère  de  la  pneumonie  serait  le  résultat 
d'un  arrêt  de  l'oxydation  de  la  bile  dans  le  sang.  Murchison,  qui  rapporte 
cette  opinion  et  qui  semble  la  partager,  reconnaît  toutefois  quelle  ne 
saurait  s'appliquer  à  tous  les  cas. 

Parotidite.  —  Cette  complication  est  fort  rare.  Sans  être  spéciale  à  la 
pneumonie  du  vieillard,  dit  Grisolle,  elle  se  rencontre  surtout  après 
soixante  ans  ;  dans  l'enfance  et  la  jeunesse,  elle  est  à  peu  près  inconnue. 
C'est  souvent  lorsque  la  maladie  est  déjà  entrée  en  résolution  qu'elle  se 
déclare.  Presque  jamais  la  parotidite  n'est  double  ;  son  évolution  est  fort 
rapide  :  en  moins  de  deux  jours,  elle  atteint  le  volume  du  poing  et  sa 
terminaison  habituelle  est  la  suppuration,  rarement  la  gangrène.  Elle  est 
à  juste  titre  considérée  comme  une  complication  des  plus  graves  et 
entraînant  très-souvent  la  mort. 

Complications  du  coté  de  l'appareil  irinaire.  —  Il  ne  s'agit  pas  ici  de 
l'albuminurie  si  commune  dans  l'acmé  de  la  maladie.  Ce  n'est  que  lors- 
qu'elle est  persistante  ou  s'accompagne  d'hématurie  qu'on  peut  songer 
à  la  complication  d'une  néphrite  parenchymateuse.  En  fait,  le  développe- 
ment de  cette  dernière,  comme  affection  secondaire  de  la  pneumonie,  est 
fort  rare  ;  il  n'en  serait  plus  de  même,  si  l'on  envisageait  la  coexistence  des 
deux  affections  :  néphrite  et  pneumonie,  cette  dernière  étant  l'affection 
secondaire.  Bartels  a  vu  chez  un  officier  une  néphrite  aiguë  dans  le  cours 
d'une  pneumonie;  il  y  eut  une  hydropisie  considérableet  guérison  en  deux 
mois  ;  le  docteur  Giovanni  en  a  publié  trois  cas.  mais  dont  je  ne  connais  pas 
les  détails. 

Amtiies  complications.  —  On  a  signalé  ['infection  purulente  dans  le 


PNEUMONIE  LOBAIRE  AIGUË.  —  diagnostic. 


485 


cours  d'une  pneumonie  suppurée.  Bœckel  en  a  vu  un  cas  à  la  clinique  du 
professeur  Schùtzenberger,  et  il  y  en  a  quelques  autres  dans  la  litté- 
rature. 

Une  pneumonie  peut  solliciter  le  retour  d'accès  intermittents  chez  un 
sujet  ayant  eu  antérieurement  des  accès  de  fièvre:  j'en  ai  vu  un  cas  cette 
année,  et  l'observation  lxxxi  de  la  clinique  de  Vulpian  en  offre  un 
exemple. 

Diagnostic.  — 11  comprend  la  solution  de  plusieurs  questions  que 
j'examinerai  successivement  : 

Existe-t-il  une  pneijmonie  ?  —  Le  plus  souvent,  il  est  très  aisé  de  ré-  " 
pondre  à  cette  question,  mais  il  est  des  circonstances  où  elle  présente  des 
difficultés  très  sérieuses. 

I.  —  Il  est  rare  qu'on  soit  tenté  de  diagnostiquer  une  pneumonie  qui 
n'existe  point.  Cela  peut  cependant  arriver  dans  quelques  cas  : 

A.  —  Le  plus  commun  est  celui  où  existe  un  des  symptômes  réputés 
pathognomoniques  et  qui,  en  réalité,  ne  méritent  pas  la  confiance  que 
leur  accordent  encore  certains  auteurs  classiques.  Je  n'ai  pas  à  m'arrêter 
ici  sur  celte  question  ;  je  renvoie  aux  traités  récents  de  séméiologie,  on  y 
verra  que  ni  les  râles  crépitants  ni  même  les  crachats  rouillés  ne  sont 
vraiment  pathognomoniques,  et  que  le  diagnostic  de  la  pneumonie,  comme 
celui  de  toutes  les  maladies,  ne  peut  être  basé  que  sur  la  réunion  de  plu- 
sieurs symptômes.  Pour  la  pneumonie  en  particulier,  la  coexistence  de 
symptômes  généraux  et  locaux  est  à  peu  près  indispensable. 

Or,  même  dans  le  cas  où  plusieurs  sont  réunis,  une  erreur  est  possible 
chez  les  jeunes  enfants  surtout:  car  chez  eux  le  nombre  des  signes  de  la 
pneumonie  est  beaucoup  plus  restreint  :  par  conséquent,  il  suffit  de 
se  tromper  sur  la  signification  de  deux  ou  trois  symptômes  pour  qu'on 
tombe  dans  l'erreur. 

Par  exemple,  chez  un  jeune  enfant,  une  péritonite  a  pu  être  prise  pour 
une  pneumonie,  dans  des  cas  où  elle  s'accompagnait  de  fièvre  intense 
avec  respiration  fréquente  et  douloureuse.  L'erreur  est  venue  de  ces 
deux  derniers  symptômes.  On  eût  pu  sans  doute  l'éviter,  si  l'on  avait  tenu 
davantage  compte  des  signes  de  la  péritonite,  du  tympanisme,  et  de  l'ag- 
gravation de  la  douleur  par  la  pression  abdominale,  du  refoulement  du 
diaphragme  en  haut,  du  decubitus  du  petit  malade  qui  met  les  muscles 
abdominaux  dans  le  relâchement  et  les  cuisses  fléchies,  de  l'intégrité  du 
cri,  la  respiration  étant  seule  gênée,  enfin  de  l'absence  des  signes  de  la 
pneumonie. 

Voici  un  autre  cas  où  l'erreur  peut  provenir  de  la  prétendue  constata- 
tion de  symptômes  d'auscultation  :  qu'un  enfant  soit  pris  de  fièvre, 
laquelle  entraîne  nécessairement  l'accélération  de  la  respiration,  un 
médecin  peu  familiarisé  avec  l'étendue  de  la  respiration  bronchique  qui, 
1  comme  on  sait,  existe  normalement  à  la  racine  des  bronches,  et  qui 
;  s'exagère  encore,  si  la  respiration,  pour  une  raison  quelconque,  est 
\  accélérée,  pourra  admettre  un  souffle  de  pneumonie,  surtout  si,  en  même 
:  temps,  il  s'imagine  percevoir  un  peu  de  matité  :  une  altitude  vicieuse  de 


480 


l'NliUMONlE  LdliAlUi;  Allii  K.  —  dwkwwwc. 


l'enfant  peut  eh  donner  l'apparence  —  cl  il  tombera  dans  une  méprise 
(jui  ne  lui  apparaîtra  que  par  la  marche  ultérieure  de  la  maladie. 

Chez  l'adulte  et  chez  le  vieillard,  une  erreur  du  même  genre  peut 
aussi,  bien  que  moins  facilement,  être  commise  ;  car  ce  n'est  pas  seule- 
ment chez  l'enfant  qu'il  existe,  à  la  racine  des  bronches,  une  zone  où  l'on 
entend  normalement  de  la  respiration  bronchique  ;  mais  la  méprise,  à 
cause  de  diverses  circonstances,  est  moins  facile  que  chez  l'entant.  Pour 
qu'on  admette  chez  un  adulte  une  pneumonie  absente,  il  faut  en  général 
le  concours  de  conditions  particulières  :  il  faut,  par  eeemple,  qu'un 
sujet  qui  devient  fébricitant  à  l'occasion  de  quelque  refroidissement 
soit  atteint  d'une  lésion  pulmonaire  chronique  dont  les  symptômes  de 
percussion  et  d'auscultation  soient  capables  de  simuler  ceux  d'une  pneu- 
monie. Encore  est-il  impossible  que  la  discordance  entre  les  phénomènes 
locaux  et  généraux,  la  marche  de  la  maladie,  etc.,  ne  redressent  pas 
promptement  l'erreur. 

De  toutes  les  maladies  de  l'adulte,  celle  qui  peut  le  mieux  en  impo- 
ser pour  une  pneumonie  franche,  c'est  la  pneumonie  caséeuse,  ce  qui 
n'est  d'ailleurs  pas  étonnant,  car  celle-ci  ne  se  distingue  de  la  première 
que  par  des  nuances  : 

Un  homme  jeune  prend  une  pneumonie  du  sommet  :  la  maladie  suit 
son  cours  sans  allure  inquiétante  ;  on  croit  à  une  pneumonie  franche. 
Cependant  la  défervescence  n'a  pas  lieu  et  l'évolution  ultérieure  prouve 
qu'on  avait  affaire  à  une  pneumonie  caséeuse.  Élait-il  possible  de  la 
soupçonner  dès  les  premiers  jours  ?  Dans  quelques  cas,  la  chose  est  possi- 
ble :  si  le  sujet  a  des  antécédents  héréditaires  suspects,  si,  au  lieu  d'un 
frisson  unique,  il  y  a  eu  une  série  de  petits  frissons,  si  l'expectoration 
a  été  plus  hémoptoïque  que  ce  n'est  l'habitude,  il  y  aura  de  fortes  pré- 
somptions en  faveur  de  la  pneumonie  tuberculeuse.  D'après  Louis,  il 
faudrait  conclure  de  même,  si  la  pneumonie  du  sommet  siégeait  exclusive- 
ment en  avant. 

II.  — Il  est  beaucoup  plus  ordinaire  de  méconnaître  une  pneumonie  que 
d'admettre  à  tort  son  existence  ;  l'erreur  peut  provenir  de  ce  que  soit  les 
symptômes  généraux,  soit  les  symptômes  locaux,  manquent  ou  ne  sont  pas 
constatés.  —  Voyons  d'abord  le  cas  où  ce  sont  ces  derniers  qui,  à  tort  ou 
à  raison,  paraissent  faire  défaut. 

A.  Pneumonie  centrale.  —  Un  malade  est  pris  de  fièvre,  d'oppression 
médiocre,  mais  il  n'a  pas  de  point  de  côté  et  on  n'entend  aucun  signe 
d'auscultation;  c'est  à  peine  si,  dans  quelques  cas,  on  perçoit  par  la 
percussion  quelques  légères  différences  dans  la  sonorité.  Si  les  crachats 
manquent,  peut-on  affirmer  l'existence  d'une  pneumonie? 

Évidemment  cela  est  impossible  ;  et  même,  vu  la  rareté  de  tels  faits, 
on  pensera  de  préférence  à  toute  autre  affection  fébrile,  telle  (prune 
lièvre  éruptive,  une  phlliisie  r.iguë,  etc.,  suivant  que  l'âge  ou  quelque 
épiphénomène  rendra  telle  ou  telle  affection  plus  vraisemblable.  La 
lumière  ne  se  fera  que  lorsque  la  partie  superficielle  du  poumon  i-era 
envahie. 


PxNKUMONIE  LOBAI  H  li  AIGUË.  —  diagnostic. 


487 


Je  viens  de  supposer  le  cas  où  les  signes  physiques  loflWra  illuminent  et 
où  il  n'existe  que  des  symptômes  généraux,  lesquels  permettent  de  :soup- 
ronner, mais  non  d'affirmer  l'existence  d'une  pneumonie.  Une  au  tre  évcntua-; 
lité  est  celle-ci  :  par  le  fait  d'une  complication  ou  d'une  maladie  pi  '('exis- 
tante, les  symptômes  généraux  trouvent  une  explication  satisfaisante  ; 
l'exploration  de  la  poitrine  est  négligée  ou  faite  d'une  manière  insuffi- 
sante ;  on  ne  prend  pas  garde  à  l'expectoration  :  la  pneumonie  est 
méconnue.  Tel  malade  est  envoyé  dans  un  asile  comme  atteint  dedeliriiini 
tremens  et  qui  a  en  outre  une  pneumonie.  Comme  \cdelirium  Iremens 
est  fébrile  dans  les  cas  graves,  il  n'y  a  que  les  signes  locaux  qui  peuvent 
faire  trouver  la  pneumonie.  Or,  l'expectoration  peut  passer  inaperçue, 
l'auscultation  et  la  percussion  rendues  fort  difficiles,  vu  l'agitation  du 
malade.  11  n'y  a  que  l'oppression,  si  elle  existe,  qui  puisse  facile- 
ment mettre  sur  la  voie  :  chez  un  enfant,  on  diagnostique  une  méningite, 
c'est  une  pneumonie  centrale  ;  chez  un  vieillard  on  croit  à  un  ramol- 
lissement :  à  l'autopsie,  on  trouve  ou  non  des  lésions  de  l'encéphale, 
mais  on  constate  une  pneumonie. 

Comment  éviter  des  erreurs  si  regrettables  ?  En  explorant  avec  soin 
tous  les  points  de  la  surface  thoracique  à  l'aide  de  la  percussion  et  de 
l'auscultation,  et  aussi  en  tenant  compte  des  données  therniométriques. 
C'est  surtout  dans  le  dernier  cas  que  j'ai  supposé  que  l'exploration  ther- 
mométrique donnerait  un  résultat,  décisif  en  décelant  ipso  fado  la  pneu- 
monie. Dans  le  second,  elle  serait  aussi  fort  utile,  car  la  méningite  soit 
de  la  base,  soit  de  la  convexité,  soit  cérébro-rachidienne ,  ne  s'accompa- 
gne point  de  la  fièvre  continue  de  la  pneumonie. 

B.  Dans  les  cas  que  je  viens  de  supposer,  l'erreur  provient  de  ce  que  des 
symptômes  surajoutés  détournent,  par  leur  gravité,  l'attention  de  l'obser- 
vateur, et  comme  ils  rendent  suffisamment  compte  des  symptômes  géné- 
raux, on  n'a  pas  la  pensée  de  chercher  d'un  autre  côté.  Une  pneumonie 
peut  aussi  être  méconnue  parce  que  la  fièvre  semble  manquer.  Tel  est  le 
cas  pour  beaucoup  de  pneumonies  séniles  ;  elle  sera  évitée,  si,  ne  se  fiant 
pas  aux  apparences,  on  a  recours  à  la  thermométrie  des  cavités  contrales. 
La  constatation  de  Ja  fièvre  met  sur  la  voie,  car  la  pneumonie  est  une 
des  rares  affections  fébriles  du  vieillard.  Si  l'emphysème  ou  la  bronchite 
masquent  en  partie  les  signes  locaux,  la  constatation  d'une  fièvre  intense 
suffit  souvent  pour  fixer  le  diagnostic. 

11  est  des  cas  de  pneumonie  de  starvalion  où  c'est  non  seulement  la 
température  périphérique  qui  est  basse,  mais  même  la  température  cen- 
trale, où  la  fièvre,  en  un  mot,  fait  défaut,  au  moins  à  une  certaine  période. 
J'en  ai  vu,  cette  année  même,  un  exemple  chez  un  individu  profondé- 
ment anémique.  Dans  ce  cas,  il  ne  reste  que  les  symptômes  locaux.  Or, 
en  l'absence  de  l'expectoration,  ils  peuvent  paraître  fort  équivoques. 
Grisolle  pense  que,  si  l'on  examine  la  poitrine,  «  on  ne  peut  méconnaître 
l'affection  »,  affirmation  téméraire  et  qui  étonne,  venant  d'un  clinicien 
aussi  expérimenté. 

Le  plus  souvent,  quand  on  méconnaît  une  pneumonie,  les  symptômes 


m  PWM0N1E  LOBAIRE  AKiUK.  —  diacnostic. 

généraux  et  plusieurs  des  symptômes  locaux  de  la  pneumonie  ne  man- 
quent cependant  pas,  mais  il  est  des  cas  où  on  hésite  à  conclure,  parce 
que  le  tableau  syinplomalique  n'est  pas  complet  ou  présente  quelque 
particularité  insolite.  C'est  surtout  ce  qui  a  lieu  quand  la  pneumonie  est 
compliquée  d'une  autre  affection  de  poitrine  :  d'une  bronchite,  d'une 
pleurésie,  etc.  —  11  est  donc  utile  de  consacrer  quelques  développements 
au  diagnostic  différentiel  de  la  pneumonie  d'avec  les  affections  qui  peuvent 
la  faire  méconnaître. 

Pleurésie.  —  Dans  la  pneumonie  et  dans  la  pleurésie,  il  y  a  de  la 
fièvre,  un  point  de  côté,  de  l'oppression  et  de  la  toux,  et  quelques  symp- 
tômes physiques  communs  :  de  la  matité  au  point  malade,  du  souffle  ou 
des  bruits  secs  dont  le  lieu  de  production  à  la  surface  de  la  plèvre  ou  à 
l'origine  des  infundibula  est  souvent  difficile  à  établir.  Cette  ressem- 
blance symptomatique  rend  la  confusion  possible  dans  les  cas  où  man- 
quent les  signes  propres  de  chacune  :  l'expectoration  rouillée,  d'une 
part:  l'égophonie,  d'autre  part. 

Pour  se  guider,  on  aura  égard  aux  préceptes  suivants  :  La  fièvre  de  la 
pneumonie  débute,  en  général,  d'une  manière  plus  brusque  ou,  comme 
on  l'a  dit,  plus  solennelle,  par  un  frisson  avec  claquement  de  dents  et 
quelquefois  par  un  vomissement.  Elle  s'accompagne  d'un  sentiment  de 
malaise  plus  profond  ;  la  température  centrale  est  plus  élevée  et  les 
rémissions  plus  rares  ;  les  phénomènes  sympathiques  sont  plus  prononcés. 
Quant  aux  signes  physiques,  les  premiers  jours,  une  large  zone  tympani- 
que  à  la  base  remplacée,  les  jours  suivants,  par  un  son  de  plus  en  plus 
mat;  la  conservation  habituelle  de  l'espace  semi-lunaire  (Traube  a  cepen- 
dant rapporté  un  fait  contraire),  un  souffle  tubaire,  ayant  son  maximum 
dans  l'aisselle,  sont  des  signes  de  pneumonie. 

Au  contraire,  une  zone  de  matité  à  la  base  surmontée  d'une  zone  de 
son  tympanique,  la  première  augmentant  en  hauteur  les  jours  suivants 
et  refoulant  par  son  progrès  la  zone  tympanique,  est  un  bon  caractère  de 
pleurésie  ;  plus  tard  :  une  matité  complète,  avec  disparition  de  l'espace 
semi-lunaire,  l'abolition  de  tout  bruit  respiratoire  et  l'absence  de  vibra- 
tions thoraciques,  l'expectoration  simplement  muqueuse,  sont  des  signes 
de  pleurésie  ;  ce  n'est  que  dans  des  conditions  exceptionnelles  (pneumo- 
nie massive)  que  ces  symptômes  existenl  dans  les  pneumonies.  Dans  ce 
cas,  il  n'y  a,  pour  éviter  l'erreur,  indépendamment  de  la  ponction  avec  le 
trocart  capillaire,  que  les  symptômes  généraux  et  la  marche  de  la  mala- 
die. Comme  elle  est  beaucoup  plus  lente  dans  la  pleurésie,  il  serait  fort 
extraordinaire  que  les  signes  physiques  que  je  viens  de  rappeler  existas- 
sent déjà  dans  les  premiers  jours  d'une  pleurésie. 

Dans  certains  cas,  on  a  ces  mêmes  symptômes  physiques,  mais,  de 
plus,  des  crachats  rouilles  ;  l'existence  d'une  pneumonie  est  certaine  et  la 
question  réside  dans  l'alternative  suivante  :  ou  bien  une  pleurésie  abon- 
dante compliquée  d'un  petit  foyci  de  pneumonie,  ou  bien  une  pneumonie 
sans  pleurésie.  En  réalité,  c'est  le  diagnostic  de  la  pleurésie  qu'il  y  a  à 
poser,  non  celui  de  la  pneumonie  :  aussi,  je  renvoie  à  l'article  Pleurésie  de 


PNEUMONIE  LOBAIRE  AIGUË.  —  diagnostic.  i89 

ce  Dictionnaire  et  au  paragraphe  complications  du  présent  article  où  j'ai 
déjà  dit  un  mot  du  diagnostic  de  la  pleuro-pneumonic. 

Je  reviens  au  diagnostic  différentiel  de  la  pneumonie  non  massive  et 
de  la  pleurésie  dans  le  cas  où  il  n'y  a  pas  d'expectoration  et  où  les  signes 
généraux  ne  sont  pas  suffisamment  tranchés  pour  qu'on  puisse  conclure 
à  la  pneumonie.  C'est  avec  la  pleurésie  s'accompagnant  de  congestion  pul- 
monaire que  l'erreur  peut  être  faite.  En  effet,  dans  cette  variété  de  pleu- 
résie il  n'y  a  pas  de  matité  ahsolue,  mais  une  submatité  occupant  d'un  côté 
les  deux  tiers  inférieurs  de  la  poitrine  ;  pas  d'abolition,  ni  même  de  dimi- 
nution appréciable  des  vibrations  thoraciques  dans  la  plus  grande  partie  de 
l'espace  correspondant  à  la  submatité;  on  entend  un  souffle  dans  une 
grande  étendue,  jusqu'à  la  base  du  poumon,  et  souvent  des  râles  sous-cré- 
pitants  fins  et  même  crépitants,  symptomatiques,  comme  le  souffle,  de  la 
congestion  pulmonaire.  Voilà  bien  des  signes  communs  avec  la  pleu- 
résie. 

Voici  maintenant  les  caractères  physiques  distinctifs  :  la  submatité  sou- 
vent se  déplace,  elle  devient  presque  nulle  latéralement  quand  on  fait 
coucher  le  malade  sur  le  côté  opposé  ;  de  plus,  dans  le  cas  de  pleurésie,  il 
y  a  toujours,  à  la  base,' une  petite  zone  de  matité  véritable  —  difficile  à 
distinguer  de  la  matité  hépatique,  si  l'affection  siège  à  droite,  mais  fa- 
cile à  reconnaître,  s'il  s'agit  d'une  pleurésie  gauche  —  le  souffle  est  doux  ; 
il  a  son  maximum  d'intensité  au  niveau  de  la  racine  des  bronches  —  il 
est  peu  étendu  ;  par  conséquent  il  ne  peut  être  syinptomatique  d'une 
pneumonie,  car  un  souffle  pneumonique  si  étendu  aurait  quelque  part,  en 
dehors  de  la  racine  des  bronches,  un  caractère  tubaire  et  métallique  que 
ce  souffle  ne  présente  point:  de  plus,  en  cherchant  avec  soin,  on  trouvera 
toujours  un  peu  d'égophonie  vers  la  partie  supérieure  de  la  submatité, 
signe  qui  manque  dans  la  pneumonie. 

La  pleurésie  diaphragmatique  peut  aussi  causer  quelque  embarras. 
Grisolle  remarque  judicieusement  qu'une  dyspnée  extrême,  une  toux 
fréquente  et  pénible,  comme  on  les  voit  dans  cette  maladie,  ne  pourraient 
appartenir  qu'à  une  pneumonie  assez  étendue  pour  se  révéler  par  des 
signes  physiques  fort  nets.  J'ai  vu  cependant  un  cas  de  ce  genre  où  le 
diagnostic  dut  rester  en  suspens.  Le  lendemain,  la  pneumonie,  qui 
probablement  était  localisée  à  la  face  inférieure  du  lobe  iuféi  ieur,  gagna 
la  partie  postérieure  et  put  dès  lors  être  affirmée. 

Je  pourrais  m'étendre  davantage,  mais  je  crois  devoir  pour  plus  de  dé- 
tails renvoyer  à  l'article  Pleurésie  de  ce  Dictionnaire. 

Broncho-pneumonie.  —  Elle  est  rarement  unilatérale;  elle  occupe  de 
préférence  les  basesetlaisseintactcsles  parties  moyenne  et  surtout  supérieu- 
l  ses  des  poumons.  Dans  les  cas  où  existe  une  pneumonie  libnneuse  des  deux 
I  bases  avec  bronchite,  on  se  fondera,  pour  établir  la  diagnostic,  sur  la 
i  marche  de  la  maladie,  particulièrement  sur  la  fièvre,  qui  offre  dans  la 
i  broncho-pneumonie  des  rémissions  matutinales  et  des  exacerbations  vespé- 
i  raies  très  prononcées.  Ce  n'est  que  dans  les  cas  de  transition  que  le  dia- 
:  gnostic  sera  impossible,  par  exemple,  dans  un  cas  analogue  à  celui 


m  PNEUMONIE  LOBAIHE  AIGUË.  -  diagnostic 

d'Ilenoch,  qui  dit  avoir  trouvé  de  la  pneumonie  fibrincuscà  l'une  des  buses 
et  de  la  broncho-pneumonie  à  l'autre. 

L'expectoration  dans  la  broncho-pneumonie  n'est  pus  caractéristique 
comme  dans  la  pneumonie.  Malheureusement,  ce  dernier  caractère  peut 
bien  rarement  être  utilisé,  vu  l'absence  de  toute  expectoration  chez  les 
très  jeunes  enfants. 

PlUliisie  pulmonaire.  —  Ce  n'est  pas  pendant  la  période  d'acmé  de 
la  pneumonie,  c'est  lorsqu'on  voit  pour  la  première  fois  le  malade  après 
la  défervescense,  que  l'erreur  peut  être  commise.  Elle  l'est  même  assez 
fréquemment  dans  les  hôpitaux,  parce  que  souvent  les  malades  rensei- 
gnent mal  sur  les  symptômes  qu'ils  ont  éprouvés  avant  leur  entrée  à 
l'hôpital.  On  sait  que  le  lendemain  de  la  défervescence  le  pneuinonique 
est  fort  abattu  et  que  souvent  le  faciès  présente  quelque  analogie  avec 
celui  qu'il  offre  dans  les  maladies  chroniques.  Or,  si  la  percussion  et 
l'auscultation  décèlent  l'existence  d'une  induration  de  l'un  des  sommets 
et  que  le  malade  ne  soit  pas  assez  intelligent  pour  raconter  qu'il  a  eu 
pendant  plusieurs  jours  une  lièvre  intense,  on  commet  fort  naturellement 
la  méprise  de  considérer  cette  induration  comme  symptomatique  d'une 
phthisie.  L'erreur  peut  à  la  rigueur  se  prolonger  deux  ou  trois  jours,  car 
on  sait  que  la  résolution  est  plus  lente  dans  la  pneumonie  du  sommet. 
Cependant,  si  les  signes  de  la  convalescence  s'établissent  franchement, 
alors  même  que  l'induration  persiste,  on  pourra  reconnaître  la  vérité,  qui 
deviendra  tout  à  fait  évidente  à  mesure  que  la  résolution  s'accomplira. 

J'ai  dit,  à  propos  de  l'expectoration,  qu'une  hémoptysie,  au  début  de  la 
pneumonie,  doit  faire  craindre  le  début  d'une  pneumonie  caséeuse.  Telle 
est  la  règle.  Mais  elle  n'est  pas  sans  exceptions,  comme  le  prouve  l'obser- 
vation lxxxi  de  la  clinique  de  Vulpian.  Il  s'agit  d'un  homme  de  27  ans 
qui  cinq  jours  après  une  chute  sur  le  côté  gauche  dans  un  escalier,  temps 
pendant  lequel  il  ne  ressentit  aucun  effet  de  la  chute,  eut  un  frisson  intense 
avec  point  de  côté  à  droite;  le  lendemain,  il  se  mit  à  tousser,  et  le  même 
jour  il  eut  une  hémoptysie.  Il  rendit  un  crachoir  de  sang  environ.  A  son 
entrée  le  lendemain,  on  constata  les  signes  classiques  d'une  pleuro-pneu- 
monie.  Le  mois  suivant  le  malade  sortit  parfaitement  guéri. 

Méningite.  —  Il  n'est  pas  rare  que  chez  un  enfant  on  méconnaisse  une 
pneumonie  cérébrale.  C'est  une  erreur  fort  regrettable,  car  elle  entraine 
un  pronostic  fatal  qui  est  démenti  par  l'événement.  11  est  donc  de  la  plus 
grande  importance  de  rechercher  avec  soin  s'il  n'y  a  pas  de  pneumonie 
du  sommet  chez  un  enfant  atteint  d'accidents  cérébraux.  On  sait  que  les 
signes  physiques  de  cette  pneumonie  sont  plus  lents  à  paraître  :  il  faudra 
donc  ne  pas  se  contenter  d'un  seul  examen. 

Après  les  symptômes  locaux,  la  température  est  le  critérium  le  plus 
important:  les  accidents  cérébraux  non  symptomatiques  de  lésions  ménin- 
gées se  produisent  presque  toujours  dans  lecas  où  la  pneumonie  est  accompa- 
gnée d'une  haute  température.  Or,  dans  la  méningite,  la  température  n'est 
pas  fort  élevée:  elle  atteint  rarement  40°C.,et,  en  admettant  qu'elle  at- 
teigne ce  chiffre  quelques  heures,  elle  ne  s'y  maintient  jamais. 


PNEUMONIE  LOBAI11E  AIGUË.  —  diagnostic. 


491 


Le  pouls  doniicaussi  des  renseignements  utiles  :  le  pouls  de  lu  pneumonie 
infantile  est  fréquent  et  régulier;  dans  la  méningite,  il  peut  devenir  peu 
fréquent  et  il  présente  des  irrégularités. 

Dans  celle-ci,  il  y  a  des  contractures  ou  des  paralysies  de  certains 
muscles;  ces  symptômes  ne  se  rencontrent  jamais  parmi  les  accidents 
cérébraux  de  la  pneumonie,  sauf  peut-être  la  raideur  de  la  nuque  (Da- 
maschino),  mais,  encore  une  fois,  les  signes  les  plus  importants  sont  natu- 
rellement les  signes  locaux  de  la  pneumonie. 

Le  diagnostic  de  la  pneumonie  une  fois  bien  établi,  reste  la  grave  ques- 
tion de  savoir  si  elle  est  ou  non  compliquée  de  méningite  ;  mais,  à  cet 
égard,  je  n'ai  qu'à  renvoyer  au  paragraphe  complications  cérébrales,  et 
surtout  à  l'article  Méningite,  t.  XXII. 

Fièvre  typhoïde.  —  Il  est  assez  rare  qu'un  clinicien  tant  soit  peu  expé- 
rimenté, en  présence  d'une  pneumonie,  la  méconnaisse  et  suppose  une 
fièvre  typhoïde  qui  n'existe  pas.  Cette  éventualité  n'est  cependant  pas 
impossible,  s'il  s'agit  de  la  forme  de  pneumonie  que  j'ai  indiquée  plus 
haut,  sous  le  nom  de  pneumonie  asthénique.  Dans  cette  l'orme,  eu  effet, 
l'aspect  du  malade  est  celui  d'un  typhique  :  la  prostration,  l'indifférence 
profonde,  les  fuliginosités  de  la  bouche,  la  céphalalgie,  les  vertiges,  les 
épistaxis,  font  penser  à  la  dothiénenterie,  d'autant  plus  que  souvent  la 
dyspnée  est  peu  marquée  et  que  Le  malade,  ne  se  plaignant  pas  de  point 
de  côté,  n'attire  pas  l'attention  sur  l'appareil  thoracique;  mais  on  évi- 
tera l'erreur  en  pratiquant  l'examen  de  l'appareil  respiratoire:  on  décou- 
vrira ainsi  la  pneumonie,  qui  se  révélera  par  ses  symptômes  physiques, 
et  on  n'aura  plus  alors  qu'une  question  à  trancher,  celle  de  savoir  s'il 
s'agit  d'une  pneumonie  développée  secondairement  à  une  fièvre 
typhoïde  ou  d'une  pneumo-typhoïde  primitive  ;  en  d'autres  termes,  ce 
n'est  plus  l'existence  de  la  pneumonie  qui  est  en  question,  mais  la  signi- 
fication de  cette  pneumonie. 

Diagnostic  du  siège  et  de  l'étendue  de  la  pneumonie.  —  Il  est  bien  rare 
qu'en  faisant  le  diagnostic  d'une  pneumonie  on  reste  dans  le  doute  sur 
son  siège.  Cela  peut  arriver  cependant,  si,  en  même  temps  qu'existent  les 
symptômes  généraux  et  les  crachats  caractéristiques,  les  signes  physiques 
locaux  sont  masqués.  Quant  au  diagnostic  de  l'étendue  de  la  portion  en- 
vahie, il  est  fort  difficile  dans  quelques  cas,  surtout  si  la  pneumonie  est 
compliquée  de  pleurésie  ;  il  a  cependant  son  utilité,  si  l'on  veut  appré- 
cier en  parfaite  connaissance  de  cause  la  marche  de  la  pneumonie.  C'est 
par  une  analyse  attentive  des  divers  signes  physiques  locaux  qu'on  par- 
viendra à  l'établir» 

Pneumonie  double.  —  Le  diagnostic  de  l'envahissement  de  l'autre 
poumon  a  une  certaine  importance  pronostique:  il  est  donc  indispensable 
-'■'•'de  le  faire  d'une  manière  exacte.  Or,  cela  présente  souvent  des  diffi- 
cultés. On  sait  qu'il  n'y  a  pas  un  second  point  de  côté,  et  que.  c'est  d'une 
manière  en  général  fort  insidieuse  que  le  second  poumon  se  prend.  D<' 
la  matité,  quelques  râles  crépitants,  même  l'apparition  d'un  souffle  du 
côté  opposé  à  la  pneumonie,  s'il  siège  à  la  racine  des  bronches,  ne  sut- 


m  PNEUMONIE  LOBAIRE  MM.  —  diagnostic. 

fisent  pas  pour  affirmer  l'existence  d'un  nouveau  foyer;  car  ces  symptômes 
peuvent  dépendre  d'une  simple  congestion  de  l'autre  poumon.  Kn  l'ab- 
sence de  cette  dernière,  un  souffle  d'intensité  moyenne,  s'étendant  le 
long  de  la  colonne  vertébrale,  du  côté  opposé  à  une  pneumonie,  peut 
être  un  pur  retentissement  du  souffle  produit  dans  la  partie  hépatisée,  si 
ce  dernier  souffle  se  propage  lui-même  jusqu'à  la  ligne  médiane.  Au 
contraire,  l'apparition  d'un  second  souffle  séparé  du  premier  par  une 
zone  où  l'on  perçoit  le  murmure  permet,  en  général,  d'affirmer  qu'il  est 
né  sur  place. 

Outre  la  recrudescence  de  la  fièvre  et  les  signes  physiques  d'auscultation 
et  de  percussion,  on  a  encore,  pour  porter  son  jugement,  un  signe  local 
qui,  dans  certains  cas,  sera  fort  utile,  à  savoir  :  l'élévation  de  la  tempéra- 
ture locale  (du  côté  opposé  au  poumon  primitivement  envahi)  sur  la  paroi 
thoracique  ou  dans  l'aisselle  (Landrieux).  Je  crois  que  ce  symptôme,  au 
point  de  vue  du  diagnostic  de  la  pneumonie  double,  a  une  valeur 
très  supérieure  à  celle  de  la  rougeur  de  la  seconde  pommette. 

Diagnostic  du  degré  delà  pneumonie.  —  Vers  le  dixième  jour,  s'il  n'y 
a  pas  eu  de  défervescence,  ce  diagnostic  a  une  importance  capitale,  car 
il  entraîne  presque  nécessairement  le  pronostic;  mais,  avant  cette  date,  il 
peut  déjà  présenter  un  grand  intérêt. 

J'ai  dit,  à  propos  de  la  fièvre,  qu'il  y  a  parfois  des  rémissions  qui 
simulent  la  crise;  il  faut  savoir  les  distinguer  de  celle-ci ,  afin  de  ne  pas 
affirmer  à  tort  la  terminaison  prématurée  de  la  maladie. 

En  premier  lieu,  on  se  fondera  sur  la  température.  Il  est  difficile 
d'admettre  qu'une  pseudo-crise  donne  un  abaissement  de  trois  degrés, 
à  moins  d'influence  médicamenteuse  particulièrement  énergique,  telle  que 
serait,  par  exemple,  celle  du  tartre  stibié. 

En  deuxième  lieu,  on  tiendra  compte  de  la  date  de  la  rémission  fébrile 
et  de  sa  corrélation  avec  l'état  local.  Soit,  par  exemple,  dans  un  cas  où  la 
pneumonie  est  fort  étendue,  une  rémission  le  matin  du  quatrième  jour, 
il  est  bien  peu  probable  qu'elle  soit  le  début  de  la  crise  ;  car,  en  général, 
il  n'y  a  que  les  pneumonies  peu  étendues  qui  entrent  sitôt  en  défer- 
vescence. 

L'expectoration,  en  pareil  cas,  a  aussi  sa  signification  :  Traube  rapporte 
(Gesammelte  Abhandl.,t.  III,  p.  281)  qu'un  jeune  homme,  au  quatrième 
jour  d'une  pneumonie,  eut  une  rémission  qui  lit  tomber  la  température 
à  la  normale.  Néanmoins  il  ne  crut  pas  à  une  crise  véritable  ,  parce  que 
le  malade,  après  cette  pseudo-crise,  commença  à  expectorer  des  crachats 
couleur  brique.  Or,  si  une  semblable  expectoration  peut  continuer  après 
la  crise,  il  est  impossible,  dit  Traube,  qu'elle  débute  postérieurement  à 
celle-ci.  Telle  est  la  raison  qui  a  motivé  son  diagnostic. 

Vers  le  sixième  ou  septième  jour,  survient,  dans  bon  nombre  de  cas,'' 
Vexacerbation  prsecrilique  qui  peut  singulièrement  tromper  un  médecin 
peu  expérimenté,  en  lui  faisant  croire,  à  tort,  à  l'imminence  de  la  suppu- 
ration. 11  n'y  a  malheureusement  pas  de  signe  positif  qui  permette  d'affir- 
mer à  laquelle  des  deux  alternatives  on  a  affaire,  et  pour  asseoir  ce  dia- 


PNEUMONIE  LOBAIRE  AIGUË.  —  diagnostic. 


497, 


gnostic  si  important  il  n'y  a  guère  que  des  probabilités  :  l'âge  du  sujet, 
les  conditions  générales  dans  lesquelles  il  se  trouvait,  la  gravité  de  la 
maladie  jusqu'à  ce  moment,  etc.  —  En  tous  cas,  il  est  prudent,  même 
lorsque  les  chances  ne  paraissent  pas  favorables,  de  ne  pas  affirmer  un 
pronostic  funeste;  car  on  voit  assez  souvent  la  défervescence  se  faire 
régulièrement  chez  des  sujets  dont  l'état,  la  veille,  excitait  les  craintes 
les  plus  vives  et  en  apparence  les  mieux  justifiées. 

J'ai  dit  précédemment  que,  chez  les  vieillards,  une  terminaison  funeste 
par  collapsus  est  beaucoup  moins  rare  que  chez  l'adulte.  Il  importe  de 
ne  pas  se  méprendre  sur  la  signification  d'un  abaissement  de  tempéra- 
ture qui  survient  chez  un  vieillard  vers  le  septième  ou  le  huitième  jour. 
A  cet  égard,  le  professeur  Charcot  nous  fournit,  en  quelques  traits,  les 
éléments  du  diagnostic  :  «  Si  le  collapsus,  dit-il,  n'est  que  l'exagération 
des  symptômes  ordinaires  d'une  défervescence  rapide  de  bon  aloi,  en 
même  temps  que  la  température  centrale  s'abaisse ,  les  mouvements  de 
la  respiration  et  les  pulsations  artérielles  se  ralentissent.  Le  pronostic  est 
favorable  en  pareil  cas,  alors  même  qu'il  serait  survenu  quelque  symp- 
tôme inquiétant,  tel  qu'un  délire  intense.  Si,  au  contraire,  la  tempéra- 
ture centrale  s'abaissant,  la  fréquence  du  pouls  et  des  mouvements 
respiratoires  persiste  ou  même  s'accroît ,  la  situation  est  des  plus 
graves.  Bientôt,  quoi  qu'on  fasse,  l'agonie  va  s'établir.  Et,  tandis  que 
I  tout  à  l'heure  nous  avons  été  conduits  à  porter  un  pronostic  favorable, 
i  malgré  l'apparition  d'un  délire  violent,  ici  nous  devons  maintenir  le 
|  pronostic  le  plus  grave,  alors  même  que  la  défervescence  aurait  produit 
i  chez  le  malade  un  sentiment  de  bien-être.  » 

Vers  le  dixième  jour,  si  la  défervescence  n'a  pas  encore  lieu,  les  chances 
ssont,  au  contraire,  pour  le  passage  au  troisième  degré;  mais,  si  l'on  veut 
tessayer  de  faire  autre  chose  qu'un  diagnostic  de  probabilités,  et  le  fonder 
ssur  des  signes  positifs,  on  éprouve  souvent  un  grand  embarras. 

Les  crachats  puriformes  ou  couleur  jus  de  pruneaux  n'ont  pas,  quoi 
qqu'on  ait  dit,  la  signification  absolue  qu'on  a  voulu  leur  accorder,  et  un 
cclinicien  prudent  ne  fondera  jamais  sur  ce  signe  seul  le  diagnostic  d'une 
hhépatisation  grise.  Inversement  leur  absence  et  la  persistance  des  cra- 
cchats  visqueux  et  rouillés,  pouvant  s'expliquer  par  la  persistance,  en 
'•certains  points,  d'une  hépalisation  rouge,  ne  sauraient  exclure  la  possibi- 
lité d'une  hépatisation  grise  limitée. 

Les  signes  d'auscultation  sont  aussi  sans  valeur. 
11  n'eu  est  pas  de  môme  des  symptômes  généraux  :  Au  dixième  jour, 
l'altération  des  traits  de  la  face,  le  subdélirium,  l'état  typhoïde,  sont  des 
«ignés  qui,  par  leur  réunion,  doivent  faire  penser  à  la  suppuration,  surtout, 
Idit  Grisolle,  s'ils  se  déclarent  brusquement,  auquel  cas  ils  ont  une  plus 
tgramle  valeur.  Une  série  de  petits  frissons  est  aussi  très-significative,  soit 
qu'il  s'en  produise  un  chaque  jour  pendant  plusieurs  jours  consécutifs, 
Mit  qu'ils  se  répètent  seulement  deux  ou  trois  fois  dans  l'espace  de 
quelques  jours.  Chaque  frisson  est  suivi  d'une  élévation  plus  ou  inoins 
rrramle  de  la  température;  dans  l'intervalle,  celle-ci  n'est  pas,  en  gêné- 


PNEUMONIE  LOBA-IRE  AIGUË. 


ral,  très-élevée.  Quant  à  l'oppression,  quelquefois  elle  augmente,  mais 
on  la  voit  diminuer,  en  même  temps  que  la  toux  devient  moins  fatigante, 
ou  même  cesser  tout  à  fait.  11'  y  a  comme  une  sorte  de  détente  de  certains 
symptômes;  et  cependant  l'état  général  devient  plus  mauvais;  les  forces 
subissent  une  atteinte  grave  ;  il  y  a  entre  l'état  local  et  l'état  général  une 
discordance  bien  frappante  sur  laquelle  on  ne  saurait  trop  attirer  l'at- 
tention. 

L'examen  du  sang  jusqu'ici  si  négligé  me  paraît,  en  pareil  cas,  utile  ;  on 
sait  depuis  quelques  années,  surtout  depuis  les  travaux  de  Brouardel, 
qu'il  y  a  dans  le  sang  un  excès  relatif  de  globules  blancs  au  moment  de  la 
suppuration,  résultat  d'ailleurs  en  harmonie  avec  la  doctrine  de  Gohnheim 
sur  l'origine  hématique  des  globules  du  pus.  Gelait, qui  parait  établi  pour  les 
suppurations  en  général,  je  le  crois  également  vrai  dans  le  cas  de  suppu- 
ration du  poumon  ;  cela  me  semble  du  moins  résulter  de- quelques  observa- 
tions. Si  cela  est  confirmé,  on  pourra,  grâce  à  la  numération  des  globules 
blancs  du  sang  faite  jour  par  jour,  prévoir  dès  le  septième  ou  le  huitième 
jour  l'imminence  de  la  suppuration.  Seulement,  pour  avoir  des  résultats 
de  quelque  valeur,  il  ne  suffit  pas  de  compter  séparément  les  globules 
blancs  :  il  est  nécessaire  de  faire  parallèlement  la  numération  dos  globules 
rouges.  Gar  c'est  la  courbe  du  rapport  surtout  qui  a  de  la  valeur.  Si  elle 
baisse,  il  me  paraît  certain  qu'on  n'a  pas  à  redouter  le  passage  de  la  pneu- 
monie à  la  suppuration  ;  si  elle  s'élève  brusquement,  cette  terminaison  nie 
semble  au  contraire  presque  forcée. 

Je  n'ai  pas  à  faire  ici  le  diagnostic  de  l'abcès  du  poumon.  J'en  ai  indi- 
qué plus  haut  les  signes,  par  son  diagnostic  différentiel'  d'avec  l'a  pleuré- 
sie purulente.  Je  renvoie  à  l'article  Poumon  ;  de  même  pour  le  diagnostic 
de  la  terminaison  par  gangrène. 

Pour  être  complet,  il  me  faudrait  encore  traiter  du  diagnostic  des  formes 
de  la  pneumonie  et  de  ses  complications  ;  mais  je  ne  pourrais  parler  des 
premières  sans  tomber  dans  quelques  redites;  et  des  secondes,  sans  faire 
double  emploi  avec  les  divers  articles  de  ce  Dictionnaire,  consacrés  spécia- 
lement aux  affections  qui  peuvent  compliquer  la  pneumonie.  Je  crois  donc 
devoir  m'abstenir. 

Pronostic.  —  11  est  des  circonstances  où  le  diagnostic  complet  d'une 
pneumonie  entraine  avec  lui  le  pronostic,  de  telle  sorte  que  le  mé- 
decin, au  lit  du  malade,  n'a  guère  d'effort  à  faire  pour  déterminer  la 
gravité  du  cas  qui  lui  est  soumis  :  par  exemple,  si  chez  un  pneumonique 
il  a  pu  se  convaincre  de  l'existence  d'une  hépatisation  grise  ou  d'uni' 
méningite,  il  sait,  par  cela  même,  que,  dans  le  premier  cas,  le  malade  a 
fort  peu  de  chances  de  vie  et  qu'il  n'en  a  presque  point  dans  le  second. 
Ici  le  pronostic  est  aisé;  toute  la  difficulté  résidait  dans  le  diagnostic.  Mais 
dans  le  plus  grand  nombre  des  cas  il  n'en  est  pas  ainsi.  Surtout  au  dé- 
but d'une  pneumonie,  le  médecin  a  besoin,  pour  apprécier  les  chances  de 
survie  du  malade,  de  peser  doutés  les  conditions  dans  lesquelles  il  se  trouve  : 
intrinsèques  et  extrinsèques.  Il  lui  est  alors  utile  de  connaître  les  résultats 
bruts  de  la  statistique  relativement  à  la  gravité  de  chacune  d'elles.  Tes 


PNEUMONIE  LOBAI  HE  Alf.UK.  —  wuwôsiàcJ  Hti 

renseignements  n'ont  assurément  pour  lui  qu'une  valeur  Je  second  ordre 
parce  qu'ils  ne  sont  que  des  moyoïnes,  et  qu'en  pareille  matière  il  y  a 
beaucoup  d'écart  entre  les  cas  extrêmes.  Néanmoins,  je  le  répète,  ces 
données  statistiques,  quelque  générales  qu'elles  soient,  ne  doivent  pas 
être  négligées,  parce  que,  dans  un  certain  nombre  de  cas,  en  l'absence 
d'éléments  particuliers  tirés  de  l'examen  du  malade  lui-même,  elles  seront 
la  seule  base  sur  laquelle  le  médecin  pourra  établir  un  pronostic  provisoire  : 
cette  considération  justilie  les  chiffres  que  je  vais  maintenant  citer. 

Influence  de  l'âge.  — De  la  naissance  à  la  puberté,  la  mortalité  est,  dit- 
on,  presque  nulle  pour  les  enfants  jouissant  d'une  bonne  santé  jusqu'au 
moment  où  ils  ont  été  pris  de  pneumonie.  Les  médecins  attachés  aux  hô- 
pitaux d'enfants  sont  à  peu  près  unanimes  à  cet  égard.  On  a  cependant 
voulu  excepter  de  ce  pronostic  favorable  les  enfants  à  la  mamelle,  mais, 
d'après  le  professeur  Thomas,  ce  serait  à  tort  :  ceux-ci  guériraient  presque 
comme  les  autres,  à  moins  qu'ils  n'aient  en  même  temps  du  coryza, 
auquel  cas  ils  ont  à  supporter  à  la  fois  la  pneumonie  et  l'inanition. 

l)e  la  puberté  à  l'âge  de  20  ans,  la  pneumonie  franche  n'est  pas  une 
maladie  fort  grave.  En  prenant  tous  les  cas  en  bloc,  sans  en  excepter  les 
complications,  la  mortalité  ne  s'élève  guère  au-dessus  de  9  pour  100;  de 
20  à  50,  la  mortalité  est  inférieure  à  14  pour  100.  Entre  30  et  40,  elle 
atteint  20  pour  100.  Entre  40  et  50,  elle  dépasse  25  pour  100,  et  entre 
50  et  60,  50  pour  100.  Au-dessus  de  70  ans,  la  mortalité  est  de  80 
j  pour  100  environ. 

On  voit  donc  qu'à  lui  seul  l'âge  est  un  élément  fort  important  du  pro- 
inostic.  Seulement,  pour  qu'il  eût  toute  sa  valeur,  il  faudrait  avoir  une 
;  statistique  pour  chaque  ville  ou  au  moins  pour  chaque  région,  où  les  dif- 
férences importantes  résultent  des  influences  de  race,  habitudes  hygiéni- 
ques, etc.  Ainsi  les  chiffres  précédents  ne  sont  que  des  moyennes  que 
jj'ai  obtenues  en  combinant  ensemble  les  résultats  de  différentes  statis- 
ttiques  de  la  France  et  de  l'Allemagne  :  dans  certaines  localités,  ainsi 
i  qu'on  pouvait  s'y  attendre,  la  sénilité,  quant  à  la  pneumonie,  si  je  puis 
im'exprimer  ainsi,  est  plus  précoce  :  à  Dale  et  à  Vienne,  par  exemple. 

A  l'appui  de  ce  que  j'avance,  voici  les  chiffres  de  la  mortalité  pour  1  00 
idans  les  trois  hôpitaux  de  Vienne,  publiés  par  A.  Biach.  Cette,  statistique 
I  porte  sur  plus  de  0000  pneumoniques;  j'ai  marqué  du  signe  X  les  chif- 
fres qui  dépassent  notablement  la  moyenne  générale  : 


W  AGH. 

IIÙI'ITAL  KUDOLF. 

H'JFITAL.  m:  wiedes. 

10—20 

9 

9,0 

9,0 

20— 30 

13,4 

15,8 

12,0 

30-40 

23 

25,0 

21,4 

40—50 

X52.9 

X3-i,2 

X50,9 

50-00 

X41,7 

32 

X59.8 
55 

00-70 

18,9 

55 

70—80 

57,5 

51,5 

00,8 

'P!  80-90 

77,7 

100 

100' 

496  PiNEUMUME  LOBAI  II E  AIGUË.  —  i-iionostic. 

A  Greifswald,  au  conlraire,  la  période  décennale  de  40  à  50  n'est 
pas  plus  grave  que  l'est  ailleurs  celle  de  50  à  40.  A  Paris  (statistique  de 
Grisolle),  la  mortalité  est  aussi  beaucoup  moindre,  de  50  à  00,  qu'elle 
n'est  indiquée  dans  le  tableau  précédent. 

Influence  du  sexe.  —  Toutes  choses  égales,  la  mortalité  est  notable- 
ment plus  forte  chez  la  femme  que  chez  l'homme;  elle  serait  comme  5 
est  à  2  par  rapport  à  celle  du  sexe  masculin,  si  l'on  s'en  rapportait  aux 
grandes  statistiques  de  Vienne  et  de  Stockholm,  et  à  celle  de  la  policlini- 
que de  Breslau.  Elle  a  même  été  comme  2  est  à  1  à  Wùrzburg  (statisti- 
que de  Bamberger  de  1854  à  1857).  C'est  là  une  différence  tout  à  fait 
exceptionnelle  que  les  autres  statistiques  ne  confirment  point.  Franque, 
dans  la  même  ville,  pendant  une  période  de  quinze  ans,  a  trouvé  une  mor- 
talité de  17  pour  100  pour  les  hommes  et  de  25  pour  100  pour  les 
femmes  ;  Lebert,  à  Zurich,  de  16  pour  100  pour  les  hommes  et  de  21,8 
pour  100  pour  les  femmes.  Ce  sont  à  peu  près  les  mêmes  chiffres  que 
ceux  de  la  statistique  décennale  de  l'hôpital  de  Munich  :  16,0  pour  100 
pour  les  hommes  et  25  pour  100  pour  les  femmes. 

Grossesse.  —  L'état  de  grossesse  aggrave  notablement  le  pronostic. 
11  résulte,  en  effet,  des  observations  réunies  par  Châtelain,  au  nom- 
bre de  59,  que  10  fois  la  femme  a  avorté,  9  fois  on  a  pratiqué  l'accouche- 
ment prématuré  (sur  ces  19  femmes,  10  sont  mortes),  et  que  les  10 
autres  sont  mortes.  Ce  qui  fait,  en  somme,  une  mortalité  de  près  de  moi- 
tié. Si  on  songe  à  l'âge  de  ces  femmes,  on  voit,  comme  on  pouvait  s'y 
attendre,  que  la  pneumonie  est  plus  grave  dans  l'état  de  grossesse. 

Nationalités. —  Un  médecin  militaire  autrichien,  Chwostek,  bien  placé 
pour  apprécier  cette  influence,  a  donné  des  chiffres  qui  diffèrent  beau- 
coup les  uns  des  autres.  Je  crois  inutile  de  les  reproduire,  mais  je  si- 
gnale l'influence  de  la  race,  comme  fort  intéressante  à  étudier;  ce  doit 
être  un  sujet  de  recherches  pour  les  médecins  qui  dans  un  même  lieu 
peuvent  observer  des  individus  dans  les  mêmes  conditions  et  dont  la  race 
seule  diffère. 

Influence  de  Vétat  de  santé  antérieur.  —  Il  y  aurait  beaucoup  à  dire 
sur  ce  sujet,  mais  il  est  clair  qu'il  est  en  dehors  de  la  question  spéciale 
de  la  pneumonie,  et  qu'il  pourrait  être  abordé  à  propos  de  chaque  ma- 
lade en  particulier.  Cependant  je  n'hésiterais  pas  à  en  traiter  un  peu 
longuement,  vu  son  importance,  si  je  n'étais  arrêté  par  le  manque  de 
données  positives;  même  pour  l'alcoolisme,  il  y  a  peu  déchiffres  à  citer  : 
Grisolle,  chez  17  hommes  âgés  de  24  à  59  ans,  a  noté  une  mortalité  de 
près  du  quart;  ce  résultat  est  médiocrement  probant,  vu  l'âge  trop  dis- 
parate des  sujets.  Cependant,  il  est  corroboré  par  le  chiffre  de  Huss, 
qui  est  exactement  le  même.  La  pneumonie,  chez  les  alcooliques  de 
Stockholm,  compliquée  ou  non  de  délirium  tremens,  a  donné  une  mor-  j 
talité  de  20  à  25  pour  100. 

Dans  la  même  statistique  de  Huss,  je  vois  que  La  pneumonie,  chez  les 
emphysémateux,  a  une  mortalité  de  25  pour  100.  C'est  peu,  si  on  songe 
que  généralement  les  emphysémateux  ne  sont  pas  jeunes:  cette  béni- 


PNEUMONIE  LOliAIltE  AIGUË.  —  pronostic. 


497 


gnilé  relative  de  la  pneumonie  chez  les  emphysémateux  a  été  récemment 
confirmée  par  Dusol  (llièse  de  Paris,  1876). 

Les  chloroliqucs,  qui  sont  de  jeunes  sujets,  ont  une  mortalité  à  peu 
près  égale  :  20  pour  100.  C'est  assez  pour  montrer  l'influence  fâcheuse 
de  l'anémie  chlorotique.  Les  pneumonies  qui  affectent  les  sujets  atteints 
de  maladie  valvulaire  du  cœur  ont  une  mortalité  de  50  pour  J 00  ;  chez 
les  brightiques  elle  est  de  50  pour  100. 

Influence  des  constitutions  médicales.  —  Leur  action  est  loin  d'être 
sans  importance,  car  dans  un  même  lieu,  suivant  les  années,  la  mortalité 
peut  varier  beaucoup.  À  l'hôpital  de  Munich  la  mortalité  a  été  de  14  0/0 
en  1875  et  de  25  0/0  en  1808;  à  l'hôpital  de  Stockholm,  elle  a  été  en 
1851  de  9,8  0/0,  de  16  en  1849  et  en  1851  et  de  18  en  1845.  A  Vienne, 
je  vois  dans  la  statistique  décennale  d'Alois  Biach,  déjà  citée,  qu'il  y 
a,  suivant  les  années,  des  variations  du  chiffre  de  la  mortalité,  allant 
presque  du  simple  au  double.  On  pourrait  objecter  que,  certaines  années, 
thérapeutique  plus  ou  moins  rationnelle  a  pu  exercer  une  certaine  in- 
fluence; mais  à  Vienne,  par  l'expectation,  on  a  eu  d'abord  7  0/0  et 
plus  tard  20  0/0  de  mortalité.  Brandes  (de  Copenhague)  prétend  qu'elle 
a  été  de  5  à  51  0,0,  suivant  les  années,  alors  qu'il  employait  tou- 
jours la  même  thérapeutique.  Je  n'ai  pas  lu  le  travail  original  de  cet 
auteur;  j'ignore  en  quoielle  consistait.  A  vrai  dire,  de  telles  oscilla- 
tions dans  la  gravité  de  lapneumonie,  en  un  même  lieu,  me  semblent 
extraordinaires. 

Tandis  que  les  variations  annuelles  de  la  léthalité  de  la  pneumonie  sont 
irrégulières,  celles  qu'amènent  les  saisons  sont  remarquables  par  leur 
constance  :  d'une  manière  générale,  c'est  dans  les  mois  où  les  pneumo- 
nies sont  le  plus  abondantes  que  leur  gravité  est  la  plus  grande,  mais  cette 
règle  est  sujette  à  de  fort  nombreuses  exceptions.  Elle  n'est  qu'à  demi 
confirmée  par  la  statistique  des  hôpitaux  de  Paris,  publiée  chaque  tri- 
mestre par  E.  Besnier;  il  est  vrai  que  dans  celte  statistique  les  bron- 
cho-pneumonies ne  sont  malheureusement  pas  distinguées  des  pneu- 
monies lobai res  ;  c'est  ce  qui  m'a  empoché  d'y  avoir  recours  autant  que 
je  l'eusse  désiré.  Quoi  qu'il  en  soit,  voici  la  moyenne  (basée  sur  une  sta- 
tistique de  8  à  10  ans)  des  pneumonies  observées  pendant  les  quatre  tri- 
mestres d'une  année  avec  la  mortalité  pour  chaque  trimestre  : 

Mortalité  °L 
580  7)6 
0!'G  31 
422  50 
411  40 


Janvier — Mars.  .  . 
Avril — Juin  .  .  .  . 
Juillet — Septembre. 
Octobre — Dtken:  bre 


On  remarquera  sans  doute  que  la  mortalité  générale  est  fort  élevée  ; 
cela  tient  en  partie  à  l'admission  des  broncho-pneumonies  dans  cette 
statistique;  mais  cela  dépend  encore,  ainsi  que  le  remarque  E.  Besnier, 
«  de  ce  que  la  population  nosocomiale  de  Paris,  affaiblie  par  l'alcoolisme 
et  par  mille  autres  causes,  résiste  mal  aux  phlegmasies  pulmonaires,  et 
aussi  de  ce  que  cette  statistique  est  surchargée  par  le  fait  d'un  grand 

KOUV.  DICT.  MÉB.  ET  CUIR.  XXVHI  — 32 


■498 


PNEUMONIE  EOBAIHE  AH1UË.    PRONOSTIC. 


nombre  de  vieillards  atteints  d'affections  diverses,  an  cours  desquelles 
survient  une  pneumonie  ultime,  cl  qui  ne  sont  apportés  à  l'hôpital 
que  pour  y  mourir.  11  faut  savoir  enfin  que,  si  un  malade  atteint  d'une 
affection  chronique,  même  mortelle,  succombe  à  une  pneumonie,  il  sera 
compté  dans  les  relevés  non  à  l'affection  chronique,  mais  à  l'affection 
intercurrente  qui  a  été  la  cause  directe  de  la  mort.  »  l'our  toutes  ces 
raisons,  Ernest  Besnier  estime  que  la  mortalité  générale  dans  les  hôpitaux 
est  d'un  tiers  au-dessus  de  la  mortalité  réelle  de  la  pneumonie. 

Influence  de  l'étendue  et  du  siège  de  la  pneumonie.  —  L'étendue  de 
la  phlegmasie,  niais  surtout  l'envahissement  des  deux  poumons,  aggra- 
vent singulièrement  le  pronostic. 

Quant  au  siège  de  la  maladie,  la  plupart  des  auteurs  considèrent 
comme  plus  grave  la  pneumonie  du  sommet.  Cette  opinion  est  confirmée 
par  Grisolle,  qui  chez  des  sujets  ayant  un  âge  moyen  de  56  à  58  ans  a 
trouvé  une  mortalité  d'un  cinquième  chez  ceux  dont  la  pneumonie  sié- 
geait au  sommet  et  d'un  huitième  seulement  chez  les  autres. 

Gravité  de  la  pneumonie  suivant  Vépoque  à  laquelle  le  traitement 
a  été  commencé.  —  On  a  poussé  si  loin,  il  y  a  quelques  années,  le  scep- 
ticisme relativement  à  l'utilité  de  la  thérapeutique  dans  les  maladies 
aiguës  et  dans  la  pneumonie  en  particulier,  qu'il  n'est  peut-être  pas  inutile 
de  montrer  par  des  chiffres  que  la  mortalité  est  jusqu'à  un  certain 
point  en  raison  directe  de  l'entrée  tardive  du  malade  à  l'hôpital.  J'em- 
prunte à  Grisolle  le  tableau  suivant.  Malheureusement,  il  ne  dit  pas  de 
combien  de  malades  il  s'est  servi  pour  le  composer  : 


Mortalité. 

Malades  entrés  les  deux  premiers  jours   un  treizième. 

—  le  troisième  jour  ,  .  .  .  id. 

—  le  quatrième  jour   un  huitième. 

—  le  cinquième  jour   un  sixième. 

—  le  sixième  jour   un  quart. 

—  le  septième  jour   un  tiers. 

—  le  hnilième  jour   la  moitié. 

—  le  neuvième  jour   un  tiers. 

—  le  dixième  jour   un  tiers. 


Si  ce  tableau  n'est  pas  composé  avec  des  chiffres  trop  restreints,  auquel 
cas  il  perd  beaucoup  de  sa  valeur,  je  suis  très-frappé  de  la  différence  de 
la  mortalité  suivant  que  les  malades  sont  entrés  les  trois  premiers  jours 
ou  seulement  les  quatrième,  cinquième  et  sixième  jours.  Passé  cette 
date,  les  résultats  n'ont  rien  d'extraordinaire  :  il  est  clair  que  des  pneu- 
moniques  qui  ne  sont  pas  encore  convalescents  au  dixième  jour  n'ont  en 
leur  faveur  que  la  minorité  de  chances,  mais,  à  moins  d'admettre  que, 
par  un  caprice  du  hasard,  ce  sont  justement  les  pneumonies  bénignes  qui 
sont  arrivées  de  bonne  heure  à  l'hôpital,  il  faut  reconnaître  la  puissance 
de  la  thérapeutique  faite  les  premiers  jours  ;  l'intervention  médicale 
hâtive  est  donc  un  clément  important  du  pronostic. 

Indications  pronostiques  Urées  des  symptômes.  —  Au  premier  rang 
il  faut  placer  le  degré  de  la  fièvre.  Si  la  température  dépasse  il°C.,  la 


PNEUMONIE  LOBAI  HE  AICLË.  —  PROHOSfric. 


499 


gravité  est  extrême.  Il  parait  cependant  que  des  pncumoniques  ont  guéri 
après  avoir  eu  41°  4  c.  (Thomas),  42°  c.  (Lebert  et  Jurgensen).  Ce  sont  là 
des  exceptions  à  peu  près  uniques. 

Les  indications  fournies  par  le  pouls  ne  sont  pas  non  plus  à  négliger  : 
selon  Grisolle  et  Griesinger,  parmi  les  pncumoniques  adultes  qui  ont  plus 
<le  120  pulsations  par  inimité,  il  en  meurt  un  tiers;  parmi  ceux  qui  ont 
de  150  à  J  40,  il  en  meurt  la  moitié. 

Lorain  a  fait  la  remarque  très-juste  (ouvr.  cilc,  p.  404)  que  parfois  le 
pouls  marque  seul  le  progrès  ascendant  de  la  maladie.  A  l'appui  de  cette 
proposition,  il  donne  les  deux  courbes  de  la  température  et  du  pouls  chez 
un  homme  mort  le  9e  jour  de  sa  maladie  (entré  à  l'hôpital  le  5U  jour).  La 
température  n'a  oscillé  qu'entre  40,1  et  40,0.  Le  pouls,  qui  était  le  pre- 
mier jour  à  50,  est  monté  à  100,  puis  à  120.  A  ce  moment,  la  tempéra- 
ture était  à  40,1  et  elle  ne  s'est  pas  augmentée  notablement  jusqu'à  la 
mort  survenue  le  lendemain.  Pareille  remarque  peut  être  faite  à  propos 
de  la  courbe  que  j'ai  reproduite  plus  haut  et  qui  a  trait  au  délire  alcoo- 
lique. Pendant  qu'en  5  jours  le  pouls  montait  de  100  à  140,  les  tempéra- 
tures du  soir  restaient  identiques  ;  seules,  celles  du  matin  montraient  une 
rémission  moindre. 

Plus  récemment  Belugou  a  aussi  publié  quelques  observations  où 
l'on  voit  la  température  s'abaisser,  tandis  que  la  persistance  de  la  fré- 
quence du  pouls  montrait  qu'il  ne  s'agissait  que  d'une  pseudo-rémission 
de  la  maladie. 

Je  rappelle  ici  qu'il  ne  faut  pas  considérer  comme  un  symptôme  fâcheux 
les  irrégularités  prœcriliques  du  pouls.  Mais,  si  la  défervescence  n'est  pas 
entière  à  l'époque  ordinaire,  elles  ont,  au  contraire,  une  signification 
grave,  mais  ce  sont  surtout  les  lipothymies  qui  indiquent  l'insuffisance 
cardiaque. 

Quant  au  chiffre  de  la  respiration,  il  n'a  pas  une  valeur  absolue  :  des 
malades  ont  guéri  après  avoir  présenté  80  respirations. 

Les  caractères  tirés  de  la  couleur  des  crachats  ne  servent  qu'indirecte- 
ment au  pronostic.  Je  renvoie  à  ce  que  j'en  ai  dit  à  l'un  des  paragraphes 
précédents  où  j'ai  traité  du  diagnostic  du  degré  de  la  pneumonie. 

L'absence  d'expectoration  est-elle  un  symptôme  défavorable  ?  Andral  et 
i  Grisolle  ne  le  pensent  pas.  On  comprend  que  cette  conclusion  puisse 

•  découler  d'une  statistique  un  peu  étendue,  mais  il  n'est  pas  douteux 

•  qu'en  certaines  circonstances  ce  symptôme  ne  soit  grave,  par  exemple, 
:  s'il  coïncide  avec  les  autres  signes  d'une  pneumonie  massive,  ou  bien 
;  si  l'absence  d'expectoration  tient  à  la  faiblesse  extrême  du  malade  qui 
i  ne  peut  vider  ses  bronches.  Par  contre,  une  pneumonie  très-bénigne  et 
;  sans  bronchite  concomitante  peut  très-bien  ne  pas  donner  lieu  à  une 
(  expectoration  notable,  tant  il  est  vrai  qu'un  symptôme  isolé  est  suscep- 
tible de  bien  des  interprétations  différentes  et  ne  vaut  que  par  son 

a  association  à  d'autres  symptômes. 

L'herpès  a  été  regardé  comme  relativement  plus  commun  dans  les 
!  pneumonies  peu  graves;  mais  ce  n'est  pas  une  opinion  universellement 


500  PNEUMONIE  LOBA  IRE  AIGUË.  —  mionostic. 

acceptée.  Pour  Broadbent,  l'herpès  dans  une  pneumonie  indiquerait 
simplement  qu'il  y  a  eu  un  frisson.  Max  Waller  a  rencontré  l'Iierpès 
59  fois  sur  81  cas,  c'est-à-dire  47,  0  0/0  :  or,  aucun  des  cas  où  l'herpès 
a  existé  ne  s'est  terminé  d'une  manière  fatale.  Le  professeur  Sée  exprime 
une  opinion  assez  communément  acceptée  en  France  en  disant  que  sa 
valeur  pronostique  est  plutôt  favorable  ;  la  mortalité  serait  seulement 
de  9  0/0  pour  les  pneumonies  où  existe  un  herpès  ;  elle  dépasserait  25  0/0 
pour  celles  qui  n'en  sont  pas  accompagnées. 

Le  docteur  Draschc  (de  Vienne)  dit  que,  si  l'on  prend  seulement  les 
pneumonies  sans  complication,  on  a,  pour  celles  s'accompagnant  d'her- 
pès, une  mortalité  de  5  0/0  seulement,  et  de  19  0/0  pour  celles  qui  n'en 
sont  pas  accompagnées.  Celte  différence  est  bien  plus  prononcée  que 
celle  que  nous  observons  en  France  :  car,  il  ne  faut  pas  l'oublier,  ce 
n'est  pas  tout  le  monde,  sans  exception,  qui  chez  nous  croit  à  la  béni- 
gnité relative  des  pneumonies  avec  herpès.  Pour  ne  citer  qu'un  exemple, 
le  professeur  Hardy  {Gazelle  des  Hôpitaux,  1878,  29  juin),  je  ne  sais 
pourquoi,  le  considère  comme  un  signe  de  mauvais  augure. 

Importance  de  la  forme  de  la  pneumonie.  —  Le  diagnostic  de  la 
forme  fournit  une  indication  pronostique  d'une  tout  autre  valeur  qu'un 
symptôme  isolé  qui,  je  le  répète,  ne  peut  presque  rien  signifier  à  lui 
seul.  Ainsi  les  pneumonies  bilieuses  sont  habituellement  bénignes,  les 
pneumonies  asthéniques  d'une  extrême  gravité. 

Influence  des  complications.  —  Plusieurs  des  maladies  qui  compli- 
quent éventuellement  la  pneumonie  ayant  une  mortalité  fort  supérieure  à 
celle  de  cette  maladie,  il  ne  s'ensuit  pas  que  ce  sont  celles-là  qui,  seules, 
dictent  le  pronostic.  Ainsi  en  est-il  de  la  méningite.  D'autres,  au  contraire, 
n'aggravent  pas  tant  qu'on  aurait  pu  le  croire  le  pronostic  de  la  pneumo- 
nie :  ainsi  la  pneumonie  compliquée  de  pleurésie,  dans  la  statistique  de 
M.  Huss,  n'a  qu'une  léthalitc  de  11,5  0/0,  ce  qui  est  bien  peu;  dans 
d'autres  statistiques  on  trouve  52  0/0.  La  pneumonie  avec  ictère 
n'aurait  présenté  qu'une  modalité  de  8,6.  Ici,  nous  avons  certainement 
affaire  à  une  série  fort  exceptionnelle  ;  la  pneumonie  compliquée  de 
péricardite  une  mortalité  de  54  0/0,  sans  doute  à  cause  de  l'insuffisance 
cardiaque.  Quant  à  l'influence  de  l'endocardite  sur  la  mortalité  de  la 
pneumonie,  les  chiffres  sont  fort  différents,  ce  qui  dépend  évidemment  des 
embolies  :  Huss  a  trouvé  une  mortalité. énorme  de  75  0  0;  Chwostek,  seule- 
ment 28  0/0.  Mais  je  renonce  à  une  plus  longue  énumération  de  chiffres 
qui  diffèrent  beaucoup  suivant  les  statistiques  et  qui,  par  conséquent,  ne 
peuvent  pas  donner  au  praticien  un  élément  sérieux  de  jugement. 

Pronostic  des  récidives.  —  Toutes  choses  égales,  et  contrairement  à 
ce  qu'on  eût  pu  supposer,  les  récidives  de  pneumonie  paraissent  plutôt 
moins  graves  (Leudct,  Fox);  ce  fait  peut  cependant  s'expliquer  quand  on 
réfléchit  que,  s'il  y  a  une  prédisposition  locale  morbide,  une  cause 
légère  amène  une  pneumonie  qui  autrement  ne  serait  pas  survenue,  et 
qui  reste  relativement  bénigne,  eu  égard  au  peu  d'intensité  de  la 
cause. 


PNEUMONIE  LOBAIRE  AIGUË.  —  traitement.  501 

Traitement.  —  Si  j'avais  eu  à  écrire  une  monographie  de  la  pneu- 
monie, j'aurais,  en  abordant  le  chapitre  du  traitement  de  cette  affection, 
d'abord  fait  connaître  les  divers  agents  dont,  à  diverses  époques,  on  a 
usé  et  abusé  dans  la  cure  de  cette  maladie;  et  c'est  seulement  après  avoir 
successivement  passé  en  revue  ces  agents  thérapeutiques  et  m'ètre  pro- 
noncé sur  leur  valeur  intrinsèque  que,  reprenant  les  diverses  espèces  ou 
variétés  de  pneumonie,  j'aurais  choisi  parmi  eux  les  mieux  appropriés 
au  traitement  de  chacun  d'elles;  mais  aux  articles  Digitale,  Émétique, 
Saignée,  etc.,  etc.,  de  ce  Dictionnaire,  il  est  déjà  traité  de  l'action 
de  ces  divers  agents,  non-seuîement  dans  les  maladies  aiguës  en  général, 
mais  aussi  dans  la  pneumonie.  Pour  éviter  les  doubles  emplois,  je  ne 
dois  donc  m'occuper  ici  que  de  leur  valeur  relative  dans  les  différentes 
variétés  de  la  pneumonie.  On  ne  trouvera  donc  point  dans  les  brèves 
indications  qui  suivent  l'exposition  complète  de  la  thérapeutique  à  laquelle 
on  a  actuellement  recours  et  encore  moins  l'historique  si  curieux  du  trai- 
tement de  cette  maladie. 

Traitement  de  la  pneumonie  franche  commune.  —  On  sait  que  depuis  une 
vingtaine  d'années  le  traitement  de  la  pneumonie  commune  a  subi  de 
profondes  modifications  :  on  a  abandonné  presque  universellement  les 
méthodes  énergiques  —  pour  ne  pas  dire  plus,  —  jadis  presque  exclusi- 
vement en  usage.  Cette  révolution  dans  la  thérapeutique  a  été  sans  doute 
encouragée  dans  une  certaine  mesure  par  la  notion  nouvelle  de  la  marche 
cyclique  de  la  pneumonie,  mise  en  lumière  par  les  travaux  de  l'Ecole  de 
Leipzig;  mais  elle  ne  s'est  accomplie  que  par  suite  des  résultats  relative- 
ment favorables  obtenus  en  Allemagne  et  surtout  à  Vienne,  à  l'aide  de 
l'expcctation  pure,  systématiquement  employée  par  Skoda,  qui  d'ailleurs 
avait  été  précédé  dans  cette  voie  par  Biett  et  par  Magendie.  Par  expec- 
talion,  — je  me  hâte  de  le  dire  pour  éviter  toute  équivoque,  —  je  n'entends 
pas  abstention  thérapeutique,  mais  plutôt  traitement  diététique,  puisque 
le  médecin  ne  laisse  pas  le  malade  absolument  sans  traitement,  mais  lui 
accorde  au  moins  le  bénéfice  d'une  hygiène  bien  entendue.  Examinons  donc 
si  l'expcctation  peut  être,  d'une  manière  générale,  appliquée  à  la  pneu- 
monie commune. 

Expectation.  On  pourrait  peut-être,  quelque  paradoxale  que  soit  cette 
■conclusion,  répondre  à  la  question  précédente  par  l'affirmative,  si  le 
traitement  expectant  avait  fourni  toujours  des  résultats  aussi  favorables 
que  ceux  que  publia  Dictl  (élève  de  Skoda)  en  1849  :  tandis  que  chez 
o80  malades  la  saignée  avait  donné  une  mortalité  de  20  0/0,  et  le  tartre 
stibié  chez  106  exactement  autant,  la  mortalité  chez  les  189  malades 
soumis  à  l'expcctation  ne  fut  que  de  7,4  0/0. 

U  faut  bien  croire  que  dans  cette  dernière  série  Skoda  avait  eu  affaire 
à  une  constitution  médicale  particulièrement  bénigne,  car,  en  1852,  la 
i  mortalité  s'éleva  à  9  0/0,  et  en  1854  à  20,7  0/0  (d'après  le  rapport 
1  officiel),  bien  que  l'expcctalion  ait  continué  à  être  exclusivement  em- 
ployée dans  son  service.  D'autres  médecins  eurent  une  mortalité  encore 
I  plus  élevée.  Ainsi  Wunderlich  accuse  le  chiffre  de  27,5,  et  Leudet  celui 


50'2  l'M:i  M'i.Mi:  I.DB.MIii;  MCI  i..  —  THAITKMKNT. 

de  25  à  28  0/0.  Néanmoins  la  conclusion  qui  découla  des  tentatives 
d'expectation  qui  se  tirent  de  divers  côtes,  c'est  que  la  pneumonie  était, 
plus  souvent  qu'on  ne  le  croyait  jusqu'alors,  susceptible  de  guérir  sans 
traitement,  et  que  ce  dernier  n'abrégeait  pas  sensiblement  la  durée  de  la 
maladie. 

Mais  de  ces  deux  propositions,  et  particulièrement  de  la  dernière,  on  ne 
peut  sans  un  singulier  vice  de  raisonnement  déduire  comme  corollaire 
l'excellence  de  l'expcctation,  car  l'observation  des  médecins  les  plus 
éclairés  et  les  moins  systématiques  porte  à  conclure  qu'abandonnées  à 
elles-mêmes  les  pneumonies  se  terminent  moins  souvent  par  crise  et  plus 
souvent  par  suppuration. 

Elle  semble  même  montrer  l'utilité  de  commencer  le  traitement  dès  le 
début.  Entre  autres  statistiques  à  l'appui,  je  puis  citer  celle  de  Grisolle 
que  j'ai  rapportée  au  chapitre  du  pronostic,  où  l'on  voit  que  la  mor- 
talité a  clé,  pour  les  malades  entrés  à  l'hôpital  les  trois  premiers  jours, 
moitié  moindre  que  pour  ceux  qui  n'y  ont  été  admis  que  les  trois  jours 
suivants.  Or,  la  thérapeutique  de  Grisolle  était,  comme  on  sait,  fort  active; 
presque  tous  ses  malades  étaient  traités  par  le  tartre  stibié,  précédé  le 
plus  souvent  d'une  saignée. 

Quand  on  y  réfléchit,  on  n'est  pas  surpris  de  l'utilité  d'une  thérapeu- 
tique énergique  et  hâtive  :  beaucoup  de  pneumonies,  même  de  celles 
ressortissant  à  la  pneumonie  commune,  tendent  à  la  suppuration,  et 
elles  y  tendent  jusqu'à  un  certain  point  en  raison  directe  de  l'intensité 
de  la  phlegrnasie  :  de  là  l'utilité  des  agents  antiphlogistiques. 

Émissions  sanguines  générales. —  Depuis  longtemps  la  saignée,  dont 
on  a  fait  d'ailleurs  un  déplorable  abus,  a  passé  pour  exercer  sur  les 
phlegmasies  pulmonaires  une  action  modératrice  incontestable.  En  effet, 
après  une  saignée  un  peu  copieuse,  la  température  s'abaisse  ;  il  y  a  une 
détente,  une  sensation  de  mieux  être  que  le  malade  accuse  spontanément. 
Le  point  de  côté,  si  pénible  pour  lui,  a  disparu;  l'oppression  a  diminué; 
et  ce  n'est  pas  seulement  au  point  de  vue  des  sensations  subjectives  que 
l'on  peut  considérer  l'effet  de  la  saignée  comme  analogue  aux  phéno- 
mènes d'une  crise  :  l'urine  en  effet  renferme  en  proportion  exagérée  de 
l'urée  (Bauer)  et  surtout  de  l'acide  phosphorique  (Lépine)  :  elle  prend 
donc  le  caractère  de  l'urine  critique. 

En  tous  cas,  il  ne  s'agit  que  d'une  pseudo-crise,  car  la  rémission 
n'est  que  momentanée,  loin  de  devenir,  comme  dans  la  crise  véritable, 
le  prélude  d'une  guérison  définitive  :  au  bout  de  quelques  heures,  la 
température  remonte  à  un  degré  égal  ou  supérieur  à  celui  qu'elle  attei- 
gnait avant  la  saignée.  Si  l'on  voulait  éviter  cette  rechute,  il  faudrait, 
à  l'exemple  du  professeur  Bouillaud,  employer  coup  sur  couples  émissions 
sanguines,  c'est-à-dire  les  rapprocher  assez  pour  que  la  recrudescence 
n'ait  pas  le  temps  de  se  produire,  méthode  logique,  mais  d'une  logique 
trop  implacable,  et  qui,  comme  on  L'a  fort^bien  dit,  ne  vient  à  bout  de  la 
maladie  qu'en  épuisant  le  malade. 

La  méthode  des  saignées  coup  sur  coup  n'a  plus,  pour  cela,  qu  une 


PNEUMONIE  LOBA1RE  AICUË.  —  traitement. 


503 


valeur  historique,  et  ne  semble  pas  devoir  se  relever  jamais  du  discrédit 
où  elle  est  tombée.  .Mais,  sans  imiter  les  excès  fâcheux  dont  elle  s'est 
rendue  coupable,  ne  doit-on  pas  pratiquer  au  moins  une  émission  san- 
guine générale  à  un  pneumonique,  si  on  est  appelé  à  le  traiter  dès  le 
début  de  sa  maladie?  Les  adversaires  systématiques  de  la  saignée  accor- 
dent qu'elle  n'est  pas  sans  utilité  lanl  que  V exsudai  n'est  pas  formé 
(Bcnnctt).  Or,  l'exsudat  d'une  pneumonie  ne  se  fait  pas  tout  d'un  coup;  une 
vaste  hépatisation  ne  s'opère  pas  tout  d'un  bloc,  mais  par  poussées:  donc 
une  saignée  faite  le  troisième,  et  quelquefois  même  le  quatrième  jour, 
'  n'arriverait  pas  trop  tardivement  pour  exercer  une  influence  sur  le  pro- 
.  cessus  de  l'exsudation.  Malgré  l'avantage  probable  qui,  à  cet  égard,  serait 
le  résultat  de  cette  pratique,  la  plupart  des  praticiens  ne  saignent  pas 
actuellement  les  pneumoniques,  alors  même  qu'ils  sont  appelés  au  début 
de  la  maladie.  On  fait  valoir  en  laveur  de  l'abstention  des  émissions 
sanguines  qu'elles  ont  le  défaut  d'appauvrir  le  sang  d'une  manière  irré- 
médiable, non-seulement  en  matériaux  plastiques,  ce  qui,  dit-on,  nuit  à 
la  convalescence,  mais  en  hémoglobine,  laquelle  est,  comme  on  sait, 
le  porteur  d'oxygène,  ce  qui,  pretend-on,  accroît  la  menace  d'asphyxie  et 
augmente  le  surmènement  du  cœur. 

Je  ne  suis  touché,  je  l'avoue,  que  dans  une  certaine  mesure,  par  l'ar- 
gument qu'on  lire  de  l'appauvrissement  du  sang  en  matériaux  plas- 
tiques; car,  avant  d'avoir  souci  de  la  convalescence,  il  faut  songera  la 
cure  ;  et,  quant  au  prétendu  surmènement  du  cœur  qui  doit  être  la  consé- 
quence de  la  diminution  de  l'oxygène  du  sang,  je  fais  quelques  réserves, 
car  rien  ne  démontre  qu'après  une  saignée  amenant  la  détente  dont  je 
parlais  tout  à  l'heure,  les  tissus  réclament  la  môme  quantité  d'oxygène 
que  pendant  la  fièvre.  —  Quant  à  la  diminution  de  l'oxygène  du  sang, 
après  une  saignée  copieuse,  je  la  crois  incontestable;  elle  est  démontrée 
directement  par  l'expérience  suivante  de  Jurgensen  et  Hùfner;  ils  en- 
lèvent par  la  fémorale  à  un  chien  à  jeun  le  quart  de  son  sang.  100  vo- 
lumes de  ce  sang  renfermaient  24  volumes  d'oxygène.  72  heures  après, 
pendant  lesquelles  le  chien  avait  continué  de  jeûner,  ils  font  à  l'animal 
une  deuxième  saignée.  100  volumes  de  sang  ne  renferment  alors  que 
12,8  d'oxygène.  Mais  c'est  gratuitement  qu'on  suppose  qu'une  soustrac- 
t  tion  d'oxygène  est  pernicieuse  à  un  fébricitant.  Rien  ne  le  démontre,  et 
:  même  des  idées  nouvelles  de  Pasteur,  que  je  lis  au  moment  où  l'on  im- 
prime cet  article,  autorisent  à  en  douter.  Les  belles  recherches  de 
P.  Bert  ont  déjà  prouvé  que  l'oxygène  est  loin  d'être  un  agent  inoffensif, 
puisque  des  accidents  d'intoxication  terribles  surviennent  chez  un  animal 
en  santé  à  un  certain  degré  de  sursaturation  du  sang.  Aussi  l'idée  qu'une 
i  certaine  soustraction  d'oxygène,  dans  le  cas  de  phlegmasie,  agisse  d'une 
i  manière  favorable,  comme  antiphlogistique,  ne  me  paraît  avoir,  à  priori, 
rien  d'irrationnel. 

Ce  qui  me  touche,  au  contraire,  c'est  l'argument  parfaitement  exposé 
par  Jaccoud  (Clin.  méd.  de  Lariboisière)  à  savoir  qu'une  profonde  atteinte 
ù  l'organisme  du  pneumonique  augmente  les  chances  qu'a  la  phlegmasie 


504  PNE1  MOME  LOBA  IRE  AIGUË.    TRAITEMENT. 

de  passer  à  l'état  d'hepatisation  grise.  S'il  en  est  ainsi  chez  la  plupart 
des  sujets,  la  saignée  va  contre  le  but  qu'on  se  propose. 

Ainsi  la  saignée  est  une  arme  à  deux  tranchants  et  qui  blesse  mortel- 
lement, si  clic  n'est  pas  bien  maniée.  Elle  ne  peut  donc  être  considérée 
comme  méthode  générale  de  traitement  de  la  pneumonie  commune,  mais 
seulement  comme  un  moyen  de  nécessité  et  dont  l'indication  principale 
est  la  congestion  pulmonaire.  Je  renvoie,  à  ce  sujet,  à  la  clinique  médi- 
cale de  Jaccoud,  où  cette  indication  est  posée  d'une  manière  magistrale. 

Pour  ma  part,  j'ai  eu  deux  fois,  dans  ma  pratique,  l'occasion  de  sai- 
gner des  pneumonies  suffocantes  au  troisième  jour  ;  dans  un  cas,  j'ai 
fait  retirer  plus  de  600  grammes  de  sang.  L'effet  a  été  merveilleux  ;  dans 
les  deux  cas,  la  température  est  restée  abaissée  trente-six  heures,  puis  elle 
est  remontée  pour  tomber  de  nouveau  par  crise  légitime,  le  septième  jour. 

Ventouses  scarifiées.  —  Si  la  saignée  ne  peut  être  considérée  que 
comme  une  mélliode  d'exception,  il  n'en  est  pas  de  même  des  ventouses 
scarifiées,  dont  l'influence  sur  le  point  de  côté  est  généralement  des  plus 
favorables.  Un  fait  que  j'ai  observé  récemment  avec  soin  me  permet 
même  d'affirmer  qu'une  application  de  quelques  ventouses  exerce  une 
action  positive  sur  la  phlegmasie  du  poumon.  En  effet,  dans  le  cas  auquel 
je  fais  allusion,  chacune  des  applications  de  ventouses  qui  ont  été 
répétées  à  plusieurs  reprises  soit  le  matin,  soit  le  soir,  a  amené  une  dimi- 
nution de  la  température  (dans  le  rectum)  d'un  degré  environ.  Le 
même  résultat  s'est  reproduit  constamment  chaque  fois  :  aussi  ne  peut-il 
y  avoir  aucun  doute  sur  l'action  des  ventouses  scarifiées  dans  ce  cas. 

Vésicaloires.  —  Des  ventouses  scarifiées  je  rapproche  les  vésicatoires, 
bien  que  leur  action  soit  un  peu  différente.  Ils  agissent  moins  bien 
contre  la  congestion,  mais  peut-être  mieux  contre  la  phlegmasie.  Aussi 
suis-je  porté  à  les  employer  d'une  manière  générale. 

Tartre  siibié.  —  C'était,  comme  on  sait,  pour  les  cliniciens,  il  y  a 
■  une  vingtaine  d'années,  l'agent  thérapeutique  par  excellence,  dans  le 
traitement  de  la  pneumonie.  D'après  Trousseau  et  Pidoux,  il  «  l'attaque 
plus  au  fond  que  ne  le  fait  la  saignée.  »  Cette  manière  de  voir  parait  fondée 
sur  une  saine  observation:  le  tartre  stibié  a  réellement  une  action 
résolutive  puissante  sur  la  pneumonie.  Si  cela  est  exact,  comme  je  le 
pense,  on  conçoit  qu'il  ait  pour  cette  raison  une  indication  spéciale  :  soit, 
par  exemple,  une  de  ces  pneumonies  à  rechute  qui  ne  se  résolvent  jamais 
complètement  et  qui  laissent,  après  chaque  attaque,  une  sorte  d'épine, 
noyau  de  la  poussée  future,  je  crois  que  le  tartre  stibié  est  indiqué  ;  il 
me  parait  l'être,  au  même  titre,  dans  le  cas  où  on  redoute  qu'une  pneu- 
monie passe  à  l'état  subaigu.  Je  sais  bien  que,  d'après  Buhl,  il  n'y  a  rien 
de  commun  entre  la  pneumonie  desquamative  et  la  pneumonie  fibrineusS 
et  que,  par  conséquent,  si  une  pneumonie  ne  naît  pas  desquamative,  il 
n'y  a  pas  à  craindre  la  caséification.  Mais,  ainsi  que  je  l'ai  dit  plus  haut, 
les  idées  de  Buhl  sont  probablement  trop  absolues,  et  il  est  fort  possible 
qu'il  y  ait  là,  connue  partout  dans  la  nature,  des  degrés  de  transition* 
Or,  la  pratique  doit  compter  avec  eux. 


PNEUMONIE  LOBAIKE  AIGUË,  —  traitement. 


505 


Il  est  donc  des  cas  où  le  tartre  stibié  doit  être  employé,  mais  ils  ne 
constituent  pas  la  majorité.  Chez  les  gens  un  peu  avancés  en  âge  ou  débi- 
lités pour  une  cause  quelconque,  il  est  formellement  contre-indiqué  ; 
même  chez  les  adultes  forts  il  ne  doit  être  employé  qu'avec  une  certaine 
discrétion,  car  il  agit  comme  on  sait,  d'une  manière  fâcheuse  sur  le  cœur 
et  sur  le  système  nerveux,  de  manière  à  produire  ce  qu'on  a  nommé 
Yadijnamie  stibiée,  dont  le  plus  haut  degré  est  un  collapsusdes  plus  graves 
qui  a  été  maintes  fois  mis  sur  le  compte  de  la  pneumonie.  La  médication 
stibiée  est  une  méthode  fort  énergique  qui  doit  être  maniée  avec  pru- 
dence. La  méconnaissance  de  ce  précepte  est  cause  qu'à  côté  de  ses  nom- 
breux services  elle  a  grossi,  presque"  autant  que  l'abus  de  la  saignée,  le 
nécrologe  de  la  pneumonie. 

Il  est  à  peine  besoin  de  rappeler,  tant  ils  sont  connus,  les  accidents 
locaux  pharyngés  et  œsophagiens  dus  à  l'administration  d'émétique  non 
suffisamment  dilué.  Cet  accident  peut  toujours  être  conjuré,  si  l'on  a  le 
soin  de  faire  boire  un  peu  de  liquide  après  chaque  cuillerée  de  la  potion, 
afin  de  tempérer  par  la  dilution  l'action  irritante  locale  du  tartre  stibié. 

Les  moyens  dont  je  vais  m'occuper  maintenant  n'ont  pas  la  prétention 
de  combattre  le  processus  pneumonique  ;  ils  ne  s'adressent  qu'à  l'élément 
fébrile.  Les  plus  importants  d'entre  eux  sont  les  bains  froids,  la  digitale, 
la  vératrine,  et  surtout  la  quinine,  qui  mérite  une  place  à  part.. 

Le  bain  froid  dans  la  pneumonie  n'a  pas  encore  été  employé  chez  nous 
d'une  manière  suffisante  pour  qu'il  soit  possible  de  l'apprécier.  Ce  n'est 
que  d'après  les  auteurs  allemands  que  j'en  parle  ici. 

Liebermeister  est  d'avis  que  le  bain  froid  n'est  contre-indiqué  à  aucun 
âge,  même  dans  l'âge  avancé.  Chez  l'enfant,  d'après  Thomas,  il  est  pru- 
dent, vu  les  susceptibilités  réflexes  si  développées  à  cet  âge,  d'employer 
le  bain  graduellement  refroidi  de  Ziemssen.  Thomas  ne  veut  pas  qu'on 
descende  chez  eux  au-dessous  de  25°  C.  Mais  Jurgensen  est  beaucoup  plus 
hardi,  ainsi  qu'on  en  va  juger: 

«Il  y  a  plusieurs  années,  dit-il,  ma  fille,  âgée  alors  de  19  mois,  fut  atteinte 
pour  la  troisième  fois  d'une  pneumonie  grave.  La  température  s'élevait 
au  delà  de  41°  C,  et  revenait  si  promptement  à  ce  chiffre  après  un  bain 
à  16r,  que  je  me  vis  forcé  d'abaisser  la  température  du  bain  à  5-0°  C,  et 
de  le  faire  durer  10  minutes;  mon  enfant  guérit.  —  Or,  à  aucune  de  ces 
énormes  soustractions  de  chaleur,  qui  ont  été  renouvelées  plusieurs 
fois  dans  la  journée,  il  ne  s'est  produit  la  moindre  tendance  au  collapsus. 
J'ai  eu,  depuis,  plusieurs  fois  l'occasion  do  traiter  de  même  d'autres  ma- 
lades, et  je  n'ai  jamais  eu  à  le  regretter.  » 

Ceci  suffit,  je  pense,  à  prouver  que  M.  Jurgensen  n'est  pas  à  demi  con- 
vaincu de  l'utilité  des  bains  froids  dans  le  traitement  de  la  pneumonie. 
Il  ne  se  dissimule  pas,  d'ailleurs,  les  objections  théoriques  que  l'on  peut 
lui  faire.  «  11  est,  dit-il,  légitime  d'admettre  qu'un  des  effets  du  refroi- 
dissement périphérique  sera  de  refouler  le  sang  dans  le  thorax  et  d'aug- 
menter le  travail  du  cœur  ;  l'excès  de  production  de  chaleur  demande 
aussi  d'autre  part  que  le  cœur  et  les  muscles  respiratoires  travaillent  da- 


r>06 


l'MWMONlE  LOBAIKE  AIGUË.  —  tbaitemi.m  . 


vautagc.  Nonobstant,  l'effet,  dit-il,  est  favorable,  pourvu  qu'on  fournisse 
au  cœur  le  stimulant  (alcool)  dont  il  a  besoin,  avant  cl  aprè8  le  bain,  et 
ce  stimulant  doit  être  proportionné  à  la  durée  du  bain  et  à  l'abaissement 
de  température  de  l'eau.  » 

Thomas  est  beaucoup  plus  modéré  :  non-seulement,  comme  je  viens  de  le 
dire,  il  ne  refroidit  pas  beaucoup  le  bain,  mais  il  n'y  laisse  le  malade  que 
cinq  minutes.  Le  refroidissement  immédiat  n'est  pas  considérable,  mais 
il  y  a  un  refroidissement  consécutif,  une  demi-beure  après  le  bauii 
D'ailleurs  il  le  renouvelle  aussi  souvent  qu'il  est  nécessaire  :  dès  que  la 
température  est  à  59°5,  et  encore  dans  l'intervalle,  alors  même  que  la 
température  n'atteint  pas  59°,  il  conseille  l'emploi  décompresses  froides 
«  pour  retarder  la  marche  ascendante  de  la  température  ». 

D'après  lui,  chez  l'enfant,  le  bain  froid  est  le  meilleur  des  antipy- 
rétiques, mais  il  est  loin  de  croire  cependant  qu'il  puisse  convenir  à  tous 
les  cas. 

Pour  ma  part,  et  quoique  l'expérience  me  fasse  totalement  défaut, 
je  suis  porté  à  douter  que  les  bains  froids  dans  la  pneumonie  des  adultes 
réussissent  aussi  bien  que  chez  l'enfant  ;  j'invoquerais  à  l'appui  de  celte  idée 
l'énergie  relativement  plus  grande  du  ventricule  droit  dont  j'ai  déjà  parlé 
(à  propos  du  pronostic)  aussi  chez  l'adulte.  Je  leur  préférerais  les  vessies 
de  glace  sur  le  thorax,  qui,  d'après  ce  qu'on  dit,  n'augmenteraient  pas 
commeles  bains  froids,  la  dyspnée  et  le  cyanose,  ce  que  l'on  comprend 
très-bien,  car,  ne  reproduisant  qu'une  très-minime  portion  de  la  surface 
cutanée,  elles  ne  peuvent  pas  faire  refluer  le  sang  dans  le  poumon  ;  tout 
porte  àcroire  au  contraire  qu'elles  y  amènent  une  anémie  relative.  Je 
n'ai  pas  jusqu'ici  eu  recours  dans  la  pneumonie  aux  applications  glacées 
sur  le  thorax,  mais  j'ai  dans  la  fièvre  typhoïde  employé  assez  souvent  les 
vessies  de  glace  sur  l'abdomen  pour  pouvoir  apprécier  à  leur  valeur  les 
applications  réfrigérantes  locales. 

Digitale.—  Vératrine.  —  Je  serai  bref  quant  à  ces  deux  médicaments  ; 
pour  le  premier  je  renvoie  à  l'article  Digitale  de  ce  Dictionnaire,  XI,  p.  550 
et  551 ,  en  prévenant  toutefois  que  je  suis  moins  enthousiaste  de  la  digitale 
que  l'auteur  de  cet  article,  et  que,  je  l'emploie  non  comme  méthode 
générale,  mais  seulement  dans  le  cas  où  le  pouls  est  particulièrement 
fréquent  ;  quant  à  la  vératrine,  je  n'en  vois  pas  les  avantages  :  elle  affai- 
blit le  cœur  d'une  manière  fâcheuse  ;  sur  la  fièvre,  son  action  n'est  rien 
moins  que  sûre  ;  enfin  elle  amène  presque  toujours  des  vomissements.  Je 
crois  inutile  d'en  dire  davantage. 

Quinine.  —  Comme  les  médecins  allemands,  je  crois  la  quinine  fort 
utile  dans  le  traitement  de  la  pneumonie.  Je  L'ai  beaucoup  employée,  et 
le  plus  souvent  avec  un  bénéfice  bien  marqué. 

C'est  surtout  comme  antipyrétique  qu'on  recommande  la  quinine,  mais 
il  est  possible  qu'elle  agisse  aussi  d'une  autre  manière,  et  qu'elle  mette 
dans  une  certaine  mesure  obstacle  à  la  tendance  à  la  suppuration  qui 
existe,  ainsi  que  je  l'ai  dit,  chez  beaucoup  de  pneumonies  même  com- 
munes. Si  celte  action  était  bien  démontrée,  elle  donnerait  à  la  qui- 


■ 

PNEUMONIE  LOBA  IRE  AIGUË.  —  traitement.  507' 

ninc  une  valeur  qu'on  ne  saurait  estimer  trop  lin  ni.  Mon  expérience  ac- 
tuelle me  porte  à  l'admettre  comme  vraisemblable.  Aussi  je  l'administre 
très-souvent  dans  la  pneumonie. 

Dans  le  môme  but,  on  a  conseillé  la  térébenthine,  dont  l'efficacité  ne 
ni 'est  pas  bien  démontrée. 

Alcool.  —  Pour  Todd,  l'alcool  est  utile  dans  toute  pneumonie.  Les 
médecins  français  ne  partagent  pas  pour  la  plupart  un  précepte  aussi 
absolu.  Selon  moi,  son  emploi  doit  être  réservé  aux  cas  suivants  bien  for- 
mulés par  Joffroy  : 

1°  Chaque  fois  qu'il  se  montre  des  symptômes  graves  d'ataxie  ou  d'ady- 
namie  ; 

2°  Lorsque  la  température  est  très-élevée  ; 

5°  Lorsque  les  sujets  sont  affaiblis  par  une  maladie  antérieure  ou  sont 
alcooliques. 

Encore,  pour  la  seconde  indication,  ferai-je  des  réserves,  non  que  je 
pense  que  l'alcool  dans  ce  cas  puisse  augmenter  la  fièvre,  mais  parce  que 
son  action  antipyrétique  est  infiniment  moins  certaine  que  celle  d'autres 
agents,  de  la  quinine,  par  exemple. 

En  somme,  l'expérience  de  ces  dernières  années  a  été  favorable  à 
l'emploi  de  l'alcool  dans  les  maladies  aiguës,  bien  qu'il  faille  beaucoup 
l'abattre  de  l'enthousiasme  avec  lequel  la  méthode  de  Todd  a  été  en 
France  acceptée  par  quelques  médecins,  notamment  par  Béhier,  et  qu'on 
ait  maintes  fois  abusé  de  l'alcool  faute  d'avoir  assez  tenu  compte  de  la 
différence  de  race  et  d'habitudes  qui  distingue  si  profondément  le  Fran- 
çais de  l'Anglais. 

Salicylale  de  sonde.  —  Aconit.  —  Ergot  de  seigle,  etc.  —  Je  n'ai  pas 
d'expérience  de  ces  médicaments  dont,  on  a  récemment  préconisé  l'em- 
ploi dans  la  pneumonie.  Restent  encore  un  certain  nombre  d'agents 
aujourd'hui  tombés  dans  l'oubli  ;  je  ne  vois  pas  d'avantage  à  les  en 
tirer. 

En  résumé,  sauf  les  ventouses  scarifiées,  les  vésicatoircs  et  la  quinine,  il 
n'y  a  pas  d'agents  thérapeutiques  (parmi  les  agents  énergiques)  dont 
l'emploi  puisse  être  recommandé  d'une  manière  générale  et  étendu  à  tous 
les  cas  de  pneumonie  commune  ;  ce  n'est  pas  à  dire  que  beaucoup  de 
ceux  que  je  viens  d'énumérer  ne  sont  pas  susceptibles  de  rendre  d'utiles 
services;  au  contraire  :  ils  répondent  à  des  indications  déterminées  que 
j'ai  indiquées  en  partie  chemin  faisant.  Il  importe  donc  de  se  pénétrer  de 
cet  axiome  thérapeutique  qu'il  n'y  a  pas  de  traitement  équivoque  de  la 
pneumonie,  attendu  que  même  l'espèce  commune  est  encore  très-mul- 
tiple et  susceptible  de  fournir,  suivant  les  cas  "et  suivant  les  périodes  d'un 
même  cas,  un  grand  nombre  d'indications  relatives,  soit  à  l'asphyxie, 
soit  à  l'affaiblissement  du  cœur,  etc. 

Cette  même  pensée  doit  guider  dans  le  traitement  des  variétés,  dont  il 
me  reste  à  dire  quelques  mots  : 

Traitement  des  pnitNciPAi.Es  variétés.  —  Pneumonies  cibortives.  —  En 
supposant  qu'on  soit  assez  habile  pour  reconnaître  qu'une  pneumonie 


508  PNEUMONIE  LOBAIRE  AIGUË.    TRAITEMENT. 

sera  abortive,  la  seule  chose  à  faire  est  de  s'abstenir  de  tout  traitement 
actif. 

Au  contraire,  les  pneumonies  à  marche  foudroyante  réclament  une 
thérapeutique  extrêmement  énergique  ;  encore  est-elle  hien  rarement 
efficace. 

Eu  égard  au  terrain  sur  lequel  se  développent  le  plus  souvent  ces 
pneumonies  on  ne  peut  songer  à  recourir  à  la  méthode  anliphlogisliquc. 
C'est  aux  révulsifs  et  aux  stimulants  diffusibles  qu'il  faut  exclusivement 
s'adresser;  un  vésicatoire  étendu  à  la  plus  grande  partie  du  thorax,  de 
fortes  doses  d'alcool,  sont  pleinement  justifiés .  Dans  quelques  cas,  l'ad- 
jonction du  sulfate  de  quinine  sera  utile. 

Dans  beaucoup  de  pneumonies  à  durée  prolongée,  un  traitement  ana- 
logue sera  indiqué  :  il  ne  faut  pas  en  être  surpris,  car  c'est  pour  la 
plus  grande  part  affaire  de  terrain,  si  la  phlegmasie  pulmonaire  se  pro- 
longe. Plus  souvent  encore  que  dans  les  pneumonies  à  marche  foudroyante 
le  sulfate  de  quinine  à  très-hautes  doses  sera  indiqué,  à  cause  de  son 
action  antipyogénique. 

Dans  la  pneumonie  périodique  ce  médicament  sera  l'agent  essentiel 
du  traitement;  l'expérience  a  prouvé  que  dans  le  cas  de  phlegmasie 
pulmonaire  son  efficacité  n'est  pas  moindre  que  dans  les  cas  de  simple 
accès  fébrile. 

Les  pneumonies  rhumatismales,  à  marche  alternante  ou  non,  seront 
traitées  par  la  médication  générale  du  rhumatisme  aigu  et  par  les  révul- 
sifs (vésicatoires)  sur  la  paroi  thoracique.  Il  est  rare  que  ces  pneumonies 
généralement  bénignes  exigent  une  thérapeutique  plus  active.  Si  cepen- 
dant on  se  trouvait  en  présence  d'une  congestion  fort  intense  des 
poumons,  avec  tendance  à  l'asphyxie,  il  ne  faudrait  pas  reculer  devant 
l'emploi  de  la  saignée.  S'il  y  avait  des  raisons  particulières  pour  s'en 
abstenir,  on  devrait  recourir  à  une  large  application  de  ventouses  sur  le 
thorax.  La  ventouse  de  Junod  pourrait  être  aussi  fort  utile. 

Je  ne  crois  pas  que  la  forme  sthénique  des  pneumonies  doive  être 
traitée  par  une  médication  univoque.  Selon  les  cas  et  les  sujets  il 
faudra  recourir  aux  saignées,  au  tartre  stibié  et,  plus  rarement,  à  la  di- 
gitale. Si  l'exsudation  phlegmasique  est  assez  abondante  pour  obstruer  les 
bronches,  Schiïtzenberger  recommande  particulièrement  le  mercure, 
comme  anliplaslique. 

La  pneumonie  bilieuse  est  traitée  par  les  vomitifs,  principalement  par 
l'ipéca,  auquel  on  peut  joindre  un  peu  de  tartre  stibié,  s'il  n'y  a  pas  de 
tendance  à  l'adynamie.  On  sait  que  l'expérience  condamne  dans  cette 
forme  les  émissions  sanguines  :  il  faudra  donc  s'en  abstenir  absolument. 

L'alcool  est  la  médication  la  mieux  appropriée  à  la  pneumonie  ast  lié- 
nique;  souvent  on  se  trouvera  bien  d'y  associer  la  quinine  et  le  musc.  Les 
vésicatoires  ont  aussi  leur  utilité,  mais  il  conviendra  de  surveiller  la 
plaie  qui  en  est  le  résultat. 

Dans  la  pneumonie  de  starvalion,  c'est  aux  mômes  moyens  que  l'on 
devra  recourir,  avec  cette  particularité  que  le  sulfate  de  quinine  ne  devra 


PNEUMONIE  LOBA  IRE  AIGUË.  —  niBLiocnAPiiiE. 


509 


être  administré  qu'à  dose  tonique  (10  centigrammes  par  jour,  par 
exemple). 

Dans  la  pneumonie  entée  sur  une  bronchite,  le  kermès  trouve  son 
emploi  rationnel  ;  il  conviendra  souventd'y  joindre  l'alcool  elles  révulsifs, 
puis,  ;'i  la  période  de  résolution,  la  térébenthine. 

Pour  le  traitement  des  complications,  je  renvoie  aux  articles  corres- 
pondants de  ce  Dictionnaire. 

Morgagni,  Recherches  anatomiques  sur  le  siège  el  les  causes  des  maladies,  XX"  lett.,  traduc- 
tion Desornieaux-Deslouct,  1821,  t.  III. 
PiNKL.  Nosographie  philosophique,  0"  édition,  1818,  t.  II,  p.  406. 
Frank  (Jos.),  Pathologie  interne,  t.  IV,  p.  159. 

Laennec,  Traité  de  l'auscultation  médiate,  édition  delà  Faculté  de  médecine,  1879,  p.  2G0. 
Asdral,  Clinique  médicale,  t.  III. 

Bouillaud,  Clinique  de  l'hôpital  de  la  Charité,  Paris,  1837,  t.  III  ;  —  art.  Pneumonie  du  Die/. 

de  Méd.  en  15  vol.,  1835. 
Stores,  Diseascsof  the  Chest,  1837. 

Chosiei.,  Dictionnaire  en  30  vol.,  art.  Pneumonie.  —  Clinique  médicale,  1841. 
Grisolle,  Traité  de  la  pneumonie,  lr"  édition,  1841  ;  2"  édition,  1804. 
Wuxdeiilicii,  Handbuch  der  Pathologie  und  Thérapie,  Band  ,111. 
Williams,  Art.  Pneumonia.  Cyclopedia  of  Pract.  McdicLne,  London,  vol.  III,  p.  40G. 
Ziemssen  (II.  von),  Pleuritis  u.  Pneumonie  in  Kindesalter,  Berlin,  1802. 
Béiiier,  Conférences  de  clinique  médicale,  Paris,  1804. 

Damaschino,  Des  différentes  formes  de  la  pneumonie  aiguë  chez  les  enfants,  thèse  de  doctorat, 
Paris,  1867. 

Ciiarcot,  Leçons  sur  les  maladies  des  vieillards,  Paris,  1808. 

Thèse  de  Georges  Berceiiox,  Paris,  1807. 
Fox  (W).      System  of  medicine,  edited  hy  Russcll  Reynolds,  volume  III,  London,  1871. 
YVoillez,  Traité  clinique  des  maladies  aiguës  des  organes  respiratoires,  Paris,  1872. 
Lebert,  klinik  von  Brustkrankheilen,  Band  1,1874. 
Storoes,  On  Pneumonia,  London,  1876. 

Jl'hgkxsex,  Croupœse  Pneumonie,  in  Ziemsscn's  Handbuch,  Band  Y.  1™  édition,  1874  ;  2°  édit., 
1877. 

Thomas,  In  Handbuch  der  Kinderlirankcilen,  herausgegehen  von  Gerhardt,  1878. 
Consulter.de  plus  :  les  traités  de  Pathologie  de  BÉiiiEn  et  Hardy,  Valleix,  Niemeïeii,  Jaccoud, 
IIilliet  et  Bartiiez,  U'Espine  et  Picot. 

Les  indications  qui  suivent  correspondent  aux  différents  chapitres  de  mon  article  et  sont 
disposées  dans  l'ordre  de  mon  texte;  naturellement  je  n'ai  pas  répété,  afin  de  ne  pas  faire  dou- 
ble emploi,  celles  qui  sont  déjà  données  d'une  manière  suffisante,  Ces  indications  portent 
presque  exclusivement  sur  des  travaux  que  j'ai  consultés:  elles  ne  doivent  donc  pas  être  consi- 
dérées comme  constituant  une  bibliographie  complète  des  travaux  publiés  sur  la  pneumonie. 

Anatomie  pathologique. 
Voir  ta  Bibliographie  de  FSrster,  Handbuch  der  path.  Anatomie. 
Roeitansky,  Handbuch  der  patholog.  Anatomie,  Wicn,  1842-40. 

Leuisusciifr,  Deutsche  Klinik,  1855.  Il  soutient  l'opinion  fort  juste  que  l'hépatisation  rouge  n'est 

pas  un  degré  de  transition  nécessaire  entre  la  congestion  et  l'hépatisation  grise. 
Bartiiez,  Soc.  méd.  des  hôpitaux,  1851. 

SchOtzenberger,  Compte  rendu  de  la  Clinique  de  Strasbourg,  Gaz.  méd.  de  Strasbourg,  185G 
Rixdfleisch,  Traité  d'histologie  pathologique,  trad.  franç.  par  Fr.  Gross,  1873. 
Corml,  Gat.  des  Hôpitaux,  1805. 

Corml  et  Ranvier,  Manuel  d'histologie  pathologique,  1809. 
'  0.  Bayer,  Archiv  der  Heilkunde,  1808. 

Buiil,  Lungenentzundun?,  Tuberculose  u.  Schwindsucht,  Miinchen,  1872. — Mitlheilungen  aus 
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510 


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à  l'insertion  inférieure  du  droit  de  l'abdomen.  —  Bouley  a  signalé  l'inflammation  des  bourses 

séreuses  dans  la  pneumonie  du  cheval  (Gaz  des  hôp.,  1856). 
Brandicouht,  I'n.  terminée  par  une  collection  purulente  dans  la  région  lombaire  (Gaz.  méd., 

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Griesinger  (Infect,  purul.),  Gesammelte  Abbaudl.,  Band  II,  p.  216. 
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Pronostic. 

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thèse  de  Paris,  1877. 

Belogou,  De  la  valeur  pronostique  du  pouls,  eu  égard  à  celle  de  la  température  (Montpcll, 
médic,  1878,  t.  I,  p.  214). 

Pneumonie  dans  la  grossesse. 
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et  la  santé  de  l'enfant  Mémoires  de  VAcad.  de  méd-,  Paris,  1861,  t.  XXV). 
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Martineau,  Bulletin  de  thérapeutique,  1874. 
Ricau,  De  la  pneumonie  dans  la  grossesse  thèse  de  Paris  1874. 

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t.  II,  p.  591. 

Indications  statistiques  sur  plusieurs  points  de  l'histoire  delà  pneumonie,  particulièrement 
sur  la  valeur  comparée  des  médications. 

Kiianque,  Statistische  Zusammenslellung  ùber  das  Vorkommen  der  Pneumonie  in  den  vers- 
chiedenen  Lebensaltern  und  Jahrcszciten  mil  Berucksichtigung  der  Seile  der  Erkrankung 
und  der  Sterblichkeit  lnaug.  Abliundl.  Wurzburg,  1855  (1796  cas  observés  à  la  policlinique 
el  à  l'hôpital  Julius). 

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Traitement. 

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vol.,  II  p.  508;  Lancet,  1809,  vol.  11,  p.  708.) 
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Le  Beuf  (Jules),  Etude  critique  sur  l'expectation  dans  la  pneumonie,  Paris,  1870. 
Faure  (Louis),  De  l'expectation  dans  les  maladies  aiguës  des  enfants.  Paris,  1800,  n°  521. 
Walcher,  De  l'expectation  de  la  pneumonie  franche,  thèse  de  Strasbourg,  1868. 

Saignée. 

Outre  un  certain  nombre  des  travaux  précédents,  voir  pourel  contre  la  saignée  : 
Schneider,  Die  Hcematomanie.  in  d.  1°  Viertel  der  XIX  Jahrhundert,  Tubing.,  1827. 
Trousseau,  Thèse  de  concours,  in-8",  1855. 
Dubois  (d'Amiens),  L'Expérience,  1858,  p.  505,  550,  518. 

Stern,  De  sanguinis  missione  quid  veteres  medici  censuerint.  Dissert.,  Bcrolini,  1849. 
Dietl,  D.  Aderlass  in  d.  Lungenentzundung,  Wien,  1849. 

Bordes  (de),  Nederl.  Weekbl  voor  Geneeskundigen,  juny  !855;  Ganslalfs  Jahresbertcht  in 

1850,  Wurzburg.  1857,  t.  III,  p.  159. 
Wunderlich,  Arcli.  f.  physiolog.  Heilkund,  1856. 
Wilson  (Ch.),  Edinb.  med  Journal,  1850. 
Alison,  id. 

Bennighadss,  Historia  venae  sanguinis.  Berolini,  1856,  dissert,  inaug. 
Ciiambebs,  British  and  foreign  medico-chir.  Review,  1858. 
Kohlhardt,  Dissert.,  Berolini,  1859. 
Beau,  Gaz.  des  hôpit.,  1859. 

Geist,  Klinik  der  Greisenkrankheiten,  Nuremberg,  1857  et  1800. 
Easton,  Balfour,  Ciiristison,  Edinburgh  med.  Journal,  1858. 
Bennett,  Britis/i  med.  Journal,  1859. 
Forget,  Gazelle  de  méd.  de  Strasbourg,  1860. 
Bleuler,  Dissert,  inaug.,  Zurich,  1805. 
Jaccoud,  Clinique  médicale  de  Lariboisière. 
Bruchière,  Revue  médicale,  1866. 
Biuciieteau,  Bulletin  de  thérapeutique,  1868. 

Knoll,  Thèse  de  Strasbourg,  1869.  —  Billet,  Thèse  de  Strasbourg,  1809. 
Bauer,  Geschichte  der  Aderlasse,  Grekrônte  Preisschrifl,  Mûnchen,  1870. 
Lebebt,  Berliner  Wochensch.,  1872. 
Diutschbein,  Berl.  Klin.  Wochenschrift,  1872. 

Lieffler,  Dissertation,  Berlin,  1874.  —  Chorazewski,  Dissert.  Greifsw.ild,  1874. 

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PNEUMONIE.  — 


DIIONCHO-PNFUMOISIE. 


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broncho-pneumonie.  —  Définition.  —  Synonymie.  —  Le  nom  de 
bronchio-pneumonie  paraît  avoir  été  employé  pour  la  première  fois  par 
Seifert  (1858).  Avant  lui,  on  désignait  cette  maladie  sous  les  noms  de 
péripneumonie  péripneumonia  notha,  péripneumonic  latente,  de  catarrhe 
suffocant  (Laënnec),  de  catarrhe  suffocant  des  enfants  (Gardien,  Ettmùller, 
Chambon,  Capuron) ,  de  pneumonie  des  enfants  (Fischer,  Léj;er,  La 
noix,  etc.),  de  pneumonie  tabulaire  (Burnct,  de  la  Berge),  pneumonie  ca- 
tarrhale,  etc.  Le  terme  de  broncho-pneumonie  employé  par  plusieurs 
auteurs,  et  notamment  par  Boger,  n'a  pointpassé  dans  l'usage  journalier. 
Peut-être  est-ce  avec  raison,  car  l'inflammation  en  envahissant  les  petites 
bronches  et  le  lobule,  ne  cesse  point  pour  cela  dans  les  bronches  de  gros  et 
de  moyen  calibre.  Trop  souvent,  au  contraire,  comme  nous  aurons  occasion 
de  le  remarquer,  ces  dernières  sont  le  siège,  principalement  dans  les  cas 


l'NKUMONIK.  —  nnoNcno-PMîUMOMK.  —  dicfinition.  521 

subaigus,  de  lésions  profondes  indélébiles,  qui  aboutissent  à  la  destruction 
partielle  ou  totale  des  éléments  de  leur  paroi.  Bien  plus,  non  seulement  le 
système  bronchique  et  les  lobules,  mais  même  le  tissu  conjonclif  qui  les 
environne,  les  vaisseaux  sanguins  et  lymphatiques  participent  aux  lésions  : 
le  terme  broncho-pneumonie  exprime,  par  conséquent,  la  réalité  des  choses. 

Les  noms  de  pneumonie  lobulaire,  secondaire,  catarrhale,  ont  une  signi- 
fication trop  vague.  Si,  comme  l'établit  le  professeur  Jaccoud,  l'absence 
d'exsudat  librineux  est  le  caractère  fondamental  de  la  pneumonie  ca- 
tarrhale, on  peut  se  convaincre ,  par  l'examen  des  diverses  parties  con- 
stituantes des  lobules  atteints  de  broncho-pneumonie,  que  la  dénomina- 
tion de  lésions  catarrhales  ne  peut  pas  être  appliquée  aux  altérations 
profondes,  parenchymatcuses  que  l'on  rencontre  et  qui  se  rapprochent  sou- 
vent de  celles  qu'on  observe  dans  la  pneumonie  franche.  On  peut  repro- 
cher la  même  insuffisance  au  terme  de  bronchite  capillaire  qui  a  éga- 
lement l'inconvénient  de  ne  désigner  qu'un  élément  ou  qu'une  forme  de 
la  maladie,  et  qui  n'a  d'ailleurs  été  adopté  que  par  les  médecins  qui 
ont  observé  chez  les  adultes.  Le  nom  de  pneumonie  lobulaire  a  un 
sens  trop  large;  il  y  a  des  pneumonies  lobulaires  qui  ne  sont  pas  des 
broncho-pneumonies.  En  effet,  l'irrigation  sanguine  du  lobule  se  fait  par 
l'artère  bronchique  et  par  l'artère  pulmonaire.  Primitivement,  la  première 
est  seule  intéressée,  dans  la  broncho-pneumonie  ;  la  seconde  peut  être 
aussi  le  point  de  départ  immédiat  de  la  pneumonie  lobulaire,  par  exemple 
dans  les  pneumonies  lobulaires  métastatiques  consécutives  aux  embolies 
simples  ou  pyémiques. 

Ce  qu'on  doit  tout  d'abord  établir,  c'est  que  des  deux  éléments  inflam- 
matoires bronchique  et  pulmonaire  dont  la  réunion  constitue  la  broncho- 
pneumonie, l'un  est  toujours  secondaire  à  l'autre  :  sans  lésion  bronchi- 
que, pas  de  broncho-pneumonie.  La  bronchite  se  propage  jusqu'aux  lo- 
bules, dont  les  diverses  portions  sont  envahies  en  totalité  ou  seulement 
i  en  partie  par  l'inflammation. 

Rejetant  l'ancienne  hypothèse  des  auteurs  qui  admettaient  que  cette 
iiillammation  du  lobule  est  produite  par  la  pénétration  des  mucosités 
1  bronchiques,  nous  croyons  maintenant  qu'elle  est  due  à  la  propagation  de 
I  l'inflammation  des  bronches  extra-lobulaires  aux  bronches  intra-lobulaires 
•  et  de  celles-ci  aux  parties  constituantes  du  lobule.  La  bronchite  est  le  point 
i  de  départ  de  tout  le  processus  :  la  pneumonie  n'évolue  pas  spontanément. 

Il  ne  faut  donc  pas  envisager,  comme  on  l'a  fait  souvent,  la  pneumonie 
I  lobulaire  avec  des  périodes  de  congestion,  d'hépatisation,  etc.,  comme  la 
I  pneumonie  franche  dans  le  lobe.  Au  moins  à  son  début,  la  pneumonie  lobu- 
I  laire  reste  toujours  plus  ou  moins  liée  à  la  bronchite,  fait  démontré  par  la 
i  nature  des  lésions,  par  leur  siège  autour  de  la  bronche  et  dans  le  tissu 
conjonctif  intra-lobulaireet  périlobulaire,  et  par  la  marche  qu'elles  affec- 
tent. C'est  en  réalité,  comme  on  l'a  dit,  une  bronchite  vésiculaire.  Mais 
une  fois  la  lésion  constituée,  il  peut  arriver  que  l'un  ou  l'autre  élément, 
bronchique  ou  pulmonaire,  prédomine,  et  il  en  résulte  l'existence  de  formes 
cliniques  et  anatomiques  distinctes  se  rapprochant  plus  ou  moins  soit  de  la 


522  PNEUMONIE.  —  broncho-pnkumomik.  —  historique, 

bronchite,  soit  de  la  pneumonie.  En  résumant  donc  ces  principaux  traits, 
nous  dirons  que  la  broncho-pneumonie  est  une  inflammation  occupant 
en  totalité  ou  partiellement  les  divers  éléments  des  bronches  et  des  lo- 
bules, toujours  secondaire  à  une  phlegmasie  bronchique  qui  envahit 
successivement  les  lobules  isolément  oupar  groupes,  et  caractérisée  par 
une  évolution  analomique  et  clinique  en  rapport  avec  la  prédominance 
des  altérations  dans  les  bronches  ou  dans  les  lobules. 

Historique. —  Sous  les  noms  de  péripneumonie  latente,  de  péripneu- 
monia  notha,  Boerhaave,  Sydenham,  Van  Swiéten,  Sauvages,  Morgagni, 
Baglivi,  Lieutaud,  etc..  décrivaient  des  inflammations  bâtardes,  ayant 
des  caractères  cliniques  et  anatomiques  mal  définis.  Boerhaave  avait  dit 
cependant  qu'il  existait  deux  espèces  de  péripneumonies  :  l'une,  se  déve- 
loppant dans  le  territoire  de  l'artère  bronchique;  l'autre,  dans  celui  de 
l'artère  pulmonaire.  Cullen  rejeta  cette  division  comme  trop  théorique. 
Sous  le  nom  de  catarrhe  suffocant,  Laënnec  décrivait  uue  phlegmasie 
généralisée  à  tous  les  tuyaux  bronchiques,  et  Andral  montra  que  de 
l'extension  aux  petites  bronches  résultait  la  gravité  de  la  maladie. 

En  1825,  Léger  montra,  le  premier,  la  fréquence  de  ces  pneumonies 
chez  les  enfants,  les  sépara  nettement  des  pneumonies  ordinaires,  en 
montrant  que  leurs  caractères  cliniques  principaux  étaient  d'être  dou- 
bles, d'affecter  une  marche  latente  aiguë  ou  chronique,  tandis  qu'elles 
modifiaient  anatomiquement  le  tissu  du  poumon,  de  manière  à  le 
faire  ressembler  au  tissu  de  la  rate  (splénisation).  Lanoix  décrit  dans 
cette  pneumonie  des  granulations  siégeant  dans  les  vésicules,  et  donnant 
au  poumon  un  aspect  mamelonné.  En  1828,  Berton  montre  que  ces  lésions 
affectent  une  disposition  lobulaire  :  il  substitue  au  mot  splénisation  le 
terme  de  rénification  et  montre  la  pneumonie  lobulaire  ou  partielle 
passant  par  les  périodes  d'engouement,  d'hépatisation  et  aboutissant  parfois 
à  l'infiltration  purulente  et  à  la  formation  d'abcès.  B  en  montre  les  trois 
formes  aiguë,  subaiguë  et  chronique. 

Ces  auteurs  ont  nettement  indiqué  que  la  muqueuse  des  bronches  sert  de 
point  de  départ  à  l'inflammation  qui,  de  là,  envahit  le  tissu  vésiculaire  des 
poumons,  mais  ils  n'ont  pas  compris  la  nécessité  de  cette  succession  dans  les 
phénomènes  morbides.  Pour  eux,  la  pneumonie  pouvait  se  développer  d'mio 
manière  indépendante  dans  le  cours  de  certaines  affections,  le  plus  souvent 
pendant  les  fièvres  éruptives. 

Dans  deux  monographies  parues  en  1852  et  en  1855,  Jœrg  décrivît 
une  lésion  qu'il  considérait  comme  spéciale  aux  nouveau-nés  et  ca- 
ractérisée par  l'affaissement,  la  congestion  et  la  condensation  du 
tissu  pulmonaire  qui  plonge  au  fond  de  l'eau.  Jœrg  montra  que  cette 
altération  toute  passive  est  le  résultat  de  la  persistance  de  l'accolemcnt 
des  alvéoles  dans  les  parties  des  poumons  qui  n'ont  pas  respiré.  Elle  ap- 
paraît lorsque  l'enfant  est  trop  faible  pour  respirer  largement  ou  lorsqu'il 
existe  des  obstacles  à  la  respiration,  soit  à  l'entrée,  soit  dans  l'intérieur 
des  voies  aériennes. 

C'est  dans  les  travaux  de  Burnet  (1855)  et  surtout  de  de  la  Berge  que 


PNEUMONIE.  —  BRONCHO-PNECMONIE.  —  HISTORIQUE. 


525 


l'on  trouve  nettement  affirmée  la  subordination  de  la  pneumonie  à  la 
bronchite.  De  la  Berge  décrit  deux  périodes  :  la  première  sthénique,  in- 
diquant l'emploi  des  antipblogistiques  ;  la  seconde  astliénique,  plus  Ion-  * 
gue  que  la  première,  et  réclamant  au  contraire  un  traitement  tonique. 
Parmi  les  travaux  de  cette  époque,  il  faut  citer  ceux  de  Gerhard  et  de  Rufz,  i 
qui  ont  surtout  étudié  la  pneumonie  franche,  la  thèse  de  Bazin  (1854), 
la  clinique  de  Valleiv  sur  les  maladies  des  nouveau-nés  (1838)  ;   à  l'é- 
tranger, les  travaux  de  Seifert  et  de  Succow.  C'est  à  cette  époqne  égale- 
ment que  Hourmann  et  Dechambre  ont  donné  la  première  bonne  descrip- 
tion de  la  broncho-pneumonie  des  vieillards  (1856). 

En  1858,  Rillict  et  Barthez  (Traité  des  Maladies  des  enfants)  dé- 
montrent chez  l'enfant  l'existence  de  deux  pneumonies,  l'une  lobaire 
primitive,  l'autre  lobulaire  secondaire.  Ils  séparent  nettement  ces  deux 
affections  souvent  confondues  avant  eux  et  montrent  qu'elles  diffèrent 
par  leurs  causes  et  leurs  symptômes  et  qu'elles  appellent  chacune  un  trai- 
tement spécial.  Toutefois,  ils  ne  détruisant  pas  complètement  la  confusion 
qui  existait  à  ce  sujet  :  c'est  ainsi  qu'ils  reconnaissent  des  pneumonies 
lobaires  secondaires,  de  nature  catarrhale  comme  les  pneumonies  lobu- 
laires,  et  plus  loin  ils  disent  que  ces  pneumonies  lobaires  secondaires 
sont  presque  toujours  des  broncho-pneumonies.  C'est  à  ces  deux  auteurs 
cependant  que  l'on  doit  les  recherches  les  plus  importantes  sur  la  broncho- 
pneumonie ;  tous  les  travaux  parus  depuis  n'ont  fait  que  compléter  leurs 
descriptions  et  confirmer  la  plupart  des  opinions  qu'ils  avaient  émises. 

Barrier  accentue  davantage  les  différences  qui  séparent  les  pneumonies 
lobaires  et  lobulaires.  Il  divise  celles-ci  en  trois  variétés  :  lobulaire  dissé- 
minée, lobulaire  généralisée,  pscudo-lobaire.  Cette  dernière  présente  des 
caractères  macroscopiques  qui  la  rapprochent  des  pneumonies  lobaires: 
c'est  la  généralisation  rapide  et  l'uniformité  d'aspect,  laquelle  n'est  ce- 
pendant pas  complète,  ce  qui,  joint  à  la  présence  de  l'élément  bronchi- 
que, permet  de  faire  la  différence.  Barrier  insiste  sur  les  terminaisons  de 
la  pneumonie  lobulaire  et  sur  la  suppuration  du  lobule.  Il  reconnaît 
l'existence  des  abcès  décrits  par  Rilliet  et  Barthez,  mais  il  les  distingue 
d'une  autre  altération  à  peu  près  analogue  et  confondue  par  ces  deux  au- 
teurs avec  l'abcès  et  les  dilatations  des  bronches  terminales,  et  qui  est 
due  à  la  fonte  purulente  du  lobule  transformé  en  une  cavité  pleine  de  pus 
qu'il  désigne  du  nom  de  vacuole. 

Les  lésions  bronchiques  furent  étudiées  par  Fauvel,  dans  sa  thèse 
inaugurale  (1840),  travail  qui  marque  une  époque  importante  dans  l'his- 
toire des  lésions  inflammatoires  du  lobule  pulmonaire.  Fauvel  les  dé- 
signe sous  le  nom  de  grainsjaunes.il  les  considère  comme  formées  par  la 
pénétration  mécanique  du  contenu  purulent  des  bronches  dans  les  cavités 
des  vésicules.  Cette  opinion  a  été  exagérée  depuis  par  plusieurs  auteurs 
qui,  refusant  le  nom  de  pneumonie  aux  lésions  du  lobule,  les  ont  exclu- 
sivement attribuées  à  cette  pénétration  des  produits  de  l'inflammation 
des  bronches.  Pour  Fauvel,  la  doctrine  de  la  pneumonie  lobulaire  reste 
intacte;  il  la  montre  existant  souvent  en  même  temps  que  la  bronchite 


4 


524  PNEUMONIE.  —  broncho-pneumonie.  —  historique. 

capillaire,  entourant  les  grains  jaunes,  soit  à  l'état  de  congestion,  soit  à 
'état  d'hépatisalion.  11  décrit  les  différents  aspects  que  peut  présenter  le 
wenchyme  pulmonaire,  rappelant  fréquemment  celui  de  la  cirrhose  du 
foie,  tandis  que  le  toucher  donne  la  sensation  de  grains  dans  le  paren- 
chyme pulmonaire. 

Cependant  la  thèse  de  Fauvel  servit  de  base  à  l'établissement  d'une 
doctrine  nouvelle  ;  le  siège  des  lésions  fut  décidément  placé  dans  les 
bronches  :  on  nia  la  broncho-pneumonie  pour  n'admettre  que  des  bron- 
chites capillaires.  Ce  mouvement  d'opinion  s'accentua  surtout  après  la 
puhlication  des  travaux  de  Legendre  etBailly. 

Pour  Legendre  et  Bailly  (1844),  l'hépatisation  lobulaire  dans  le  sens 
rigoureux  du  mot  n'existe  pas  ;  il  est  nécessaire  d'établir  une  sépara- 
tion complète  entre  la  pneumonie  lobulaire  (partielle  et  mamelonnée)  et 
la  pneumonie  catarrhalc  (pneumonie  lobulaire  généralisée  et  bronchite 
capillaire  des  auteurs).  L'hépatisation  partielle  est  une  variété  de  la 
pneumonie  franche  légitime,  dont  elle  ne  diffère  anatomiquement  que 
par  son  étendue  et  son  siège  ;  c'est  une  lésion  très-rare,  en  comparaison 
de  la  pneumonie  catarrhale  et  des  lésions  congestives.  Parmi  ces  der- 
nières, Legendre  et  Bailly  ont  justement  donné  une  place  très-importante 
à  l'affaissement  des  poumons  avec  congestion,  si  fréquent  dans  la  bron- 
cho-pneumonie. Cette  lésion  avait  été  bien  vue  avant  eux,  en  particulier 
par  Rufz,  mais  elle  avait  été  mal  distinguée  de  la  sp.lénisation  et  de  la 
congestion  simple.  Legendre  et  Bailly  ont  donné  à  cette  lésion  le  nom 
A1  état  fœtal;  ils  en  ont  bien  montré  la  signification  et  en  ont  donné  une 
description  à  laquelle  on  n'a  rien  ajouté  depuis.  Ils  ont  été  moins  heureux 
dans  leur  description  de  la  congestion  lobulaire  disséminée  ou  généra- 
lisée, qu'ils  ont  voulu  séparer  de  la  pneumonie  lobulaire,  en  se  basant 
principalement  sur  les  résultats  de  l'insufflation  qui  rend  leur  aspect 
normal  aux  parties  congestionnées,  tandis  qu'elle  ne  peut  modifier  les 
parties  hépatisées.  De  même  ils  décrivent  isolément  la  pneumonie  ca- 
tarrhale, dont  ils  font  une  maladie  tantôt  indépendante,  tantôt  se  déve- 
loppant dans  les  parties  déjà  atteintes  d'état  fœtal  ou  de  congestion  lobu- 
laire généralisée.  Elle  correspond  pour  eux,  dans  ce  dernier  cas,  à  la 
pneumonie  pseudo-lobaire  de  Barrier.  Les  symptômes  sont  tantôt  ceux  de 
la  bronchite  capillaire  de  Fauvel,  tantôt  ceux  de  la  pneumonie  lobulaire 
généralisée  que  Legendre  et  Bailly  décrivent  sous  le  nom  de  forme  lente 
concestive.  Comme  nous  le  verrons,  on  doit  encore  à  ces  auteurs  une 
bonne  description  des  lésions  de  la  broncho-pneumonie  chronique  qu'ils 
ont  désignée  sous  le  nom  de  carnisalion. 

En  résumé,  Legendre  et  Bailly,  frappés  de  la  mobilité  des  lésions  dans 
certains  cas,  et  surtout  des  résultats  de  Y  insufflation,  attribuèrent  une  trop 
grande  part  aux  lésions  congestives;  ils  se  refusèrent  à  voir  de  l'inflamma- 
tion dans  la  pneumonie  catarrhale,  et  conséquents  avec  eux-mêmes, 
firent  de  l'hépatisation  partielle  une  pneumonie  spéciale,  évoluant  dans  le 
lobule  comme  la  pneumonie  franche  dans  le  lobe.  Pour  eux,  l'insufflation 
démontrait  infailliblement  la  nature  des  altérations  ;  si  le  poumon  ré- 


PNEUMONIE. 


  Uno.NCHO-PNEUMOMK.   


HISTORIQUE. 


525 


sistait,  il  y  avait  hépatisation,  s'il  se  distendait,  c'était  de  l'état  fœtal  ou 
de  la  congestion,  accompagnée  ou  non  de  granulations  jaunes  dues  à 
la  pénétration  mécanique  du  pus  bronchique  dans  le  lobule.  En  vain 
Boucliut  (1845)  fit  voir  que  î'hépatisation  elle-même  pouvait  souvent 
se  laisser  insuffler,  les  auteurs  confiants  dans  ce  mode  d'investigation, 
en  arrivèrent  de  plus  en  plus  à  considérer  les  bronches  comme  siège 
exclusif  de  la  maladie.  Pour  Fourcau  de  Beauregard  (1851),  chez  l'en- 
fant comme  chez  le  vieillard,  il  n'y  a  pas  pneumonie,  mais  simplement 
bronchite  avec  altération  mécanique  du  poumon. 

En  1850,  Gairdner  donne  la  pathogénie  de  l'état  fœtal  qu'il  met  en- 
tièrement sur  le  compte  de  l'obstruction  bronchique.  L'air  introduit  par 
l'inspiration  ne  peut  traverser  le  bouchon  muco-purulent  qu'il  pousse 
au  contraire  vers  le  lobule.  Celui-ci,  n'étant  plus  soumis  à  la  pression 
atmosphérique  s'affaisse,  et  il  se  produit  en  même  temps  autour  des  ré- 
gions en  collapsus  un  emphysème  supplémentaire  appelé  à  combler  le 
vide  qui  s'est  produit  dans  la  plèvre. 

Trousseau  et  Laségue  (1851)  mettent  bien  en  relief  la  bénignité  du 
pronostic  de  la  pneumonie  franche  de  l'enfant,  opposé  à  la  gravité  de  la 
pneumonie  catarrhale.  Les  thèses  de  lloccas  et  de  Beauvais  (1850),  le 
Traité  de  la  Pneumonie  de  Grisolle,  l'ouvrage  de  Durand-Fardel  sur  les 
maladies  des  vieillards  (1851!  les  recherches  de  Lebert  (1855),  celles  de 
Robin  et  Isambert  (1855),  sur  la  carnification  congestive  doivent  être 
mentionnés  parmi  les  travaux  de  cette  époque.  Non  seulement  on  discu- 
tait alors  sur  le  siège  des  lésions,  mais  encore  sur  leur  nature.  Beaucoup 
d'auteurs  se  refusaient  à  les  considérer  comme  inflammatoires,  en  montrant 
le  peu  de  friabilité  des  tissus,  l'absence  de  granulations,  l'inconstance  ou 
le  peu  d'importance  des  lésions  pleurales,  l'état  du  sang  dans  lequel  la 
fibrine  n'est  pas  augmentée,  la  prédominance  de  la  congestion,  enfin  le 
siège  même  de  l'exsudation  qui,  dans  ces  cas,  serait  extra-vésiculaire  au 
lieu  d'être  intra-vésiculaire  comme  dans  l'inflammation  vraie.  A  côté  des 
partisans  de  la  bronchite  capillaire,  il  y  avait  ceux  de  la  pneumonie  ta- 
bulaire, et  après  Rilliet  et  Barthez,  après  les  auteurs  du  Compendium  de 

médecine,  après  Traube  (1856),  Lebert,  etc  il  faut  citer  Vulpian  qui 

caractérisa  nettement  sa  nature  inflammatoire  dans  sa  thèse  d'agrégation 
sur  les  pneumonies  secondaires  (1860).  Les  pneumonies  tabulaires  et  la 
splénisation,  dit-il,  sont  des  hypérémics  phlcgmasiques  pouvant  subir,  dans 
•  de  certaines  limites,  l'influence  de  la  pesanteur  relativement  à  leur  dé- 
veloppement et  à  leur  disposition  et  participant  ainsi  de  quelques-uns 
i  des  caractères  de  l'hypostase.  Ces  lésions  sont  constamment  unies  à  un 
i  état  phlcgmasique  ou  catarrhal  des  bronches  et  paraissent  retenues  à  l'é- 
i  tat  congestionnel  par  l'espèce  de  révulsion  continue  qu'opèrent  l'inllain- 
mation  ou  la  sécrétion  bronchiques. 
En  Allemagne,  Barlels.  (186Q)  étudie  la  .broncho-pneumonie  niorliil- 
I  leuse  au  point  de  vue  de  l'anatomie  pathologique,  de  la  symptoinatologie 
et  du  traitement.  Ziemssen  dans  deux  travaux  publiés  en  1862  et  en 
1863  lait  d'importantes  recherches  sur  la  température  et  montre  les  carac- 


Mb'  l'NEUMONIU.  —  i»iiohcho-1'«kumonie.  —  historique. 

tères  cliniques  qui  séparent  les  pneumonies  croupales  et  catarrhales.  Nous 
rappellerons  plus  loin  les  théories  de  ces  auteurs  au  sujet  de  la  patho- 
génie  de  la  hroncho-pneuuionie,  et  les  innovations  qu'ils  ont  apportées 
dans  son  traitement. 

Les  raisons  qui  faisaient  refuser  aux  lésions  lohulaires  le  nom  de  pneu- 
monie ont  été  surtout  soutenues  avec  la  plus  grande  vigueur  par  Béhier 
et  Hardy  (Traité  de  pathologie  interne,  t.  Il,  1864)  et  plus  tard  encore  par 
Béhier  seul  (Clinique  de  l'ilôtel-Dieu).  Repoussant  l'opinion  de  Rilliet  et 
Barthez,  Barrier,  Legendre  etBailly,  qui  admettent  l'origine  aulochthone 
de  la  granulation  purulente,  Béhier  revint  à  l'opinion  de  Fauvel  et  consi- 
déra la  granulation  comme  formée  par  l'accumulation  du  pus  hronchique 
dans  le  lohulc.  Quant  aux  lésions  qui  l'entourent,  elles  ne  doivent  pas 
recevoir  le  nom  de  pneumonie,  car  elles  ne  sont  pas  constituées  par  une 
hépatisation  véritable.  Appuyé  sur  les  notions  alors  acceptées  sur  la 
structure  du  poumon  (Robin,  Soc.  de  Biol.,  1858),  il  place  le  siège  de 
l'hépatisation  dans  le  tissu  conjonctif  périlobulaire,  d'où  il  conclut  qu'elle 
doit  s'étendre  à  tout  un  lobe,  comme  le  phlegmon  s'étend  à  tout  un 
membre.  11  ne  peut  pas  exister  de  limites  assez  bien  circonscrites  dans 
l'inflammation  pulmonaire,  pour  qu'elle  conserve  la  forme  circonscrite 
au  lobule,  il  faut  qu'elle  procède  de  l'élément  anatomique  distribué  par 
lobules:  cet  élément,  ce  sont  les  bronches.  L'inflammation  reste  limitée 
à  leurs  divisions  :  c'est  de  la  bronchite  capillaire  et  non  de  la  pneumonie. 
Cette  inflammation  des  petites  bronches  rmène  une  congestion  passive  des 
vaisseaux  périlobulaires,  mais  le  tissu  conjonctif  et  les  vésicules  ne  sont  le 
siège  d'aucune  phlegmasie  ;  la  preuve  directe  en  est  fournie  par  l'insufflation. 

Béhier  a  donc  été  plus  absolu  que  Legendre  et  Bailly  dans  ses  opinions 
au  sujet  des  phlegmasies  broncho-pulmonaires.  Mais  il  faut  remarquer 
que  sa  description  a  surtout  été  faite  d'après  des  observations  recueillies 
chez  l'adulte,  chez  lequel,  en  effet,  l'inflammation  lobulaire  est  loin 
d'être  aussi  nettement  accusée  que  chez  l'enfant,  au  moins  à  l'état  ma- 
croscopique. Legendre  et  Bailly,  qui  ont  observé  la  broncho-pneumonie 
des  enfants,  malgré  leurs  réticences  à  l'endroit  de  la  pneumonie,  malgré 
leur  tendance  à  restreindre  son  importance,  en  ont  cependant  montré  les 
rapports  avec  les  autres  lésions  de  la  pneumonie  et  notamment  avec 
l'état  fœtal. 

Aussi,  en  1867,  Damaschino.  dans  sa  thèse  sur  les  différentes  formes 
de  la  pneumonie  des  enfants,  est-il  revenu  franchement  sur  le  terrain  de 
la  broncho-pneumonie.  Son  travail  est  avant  tout,  un  parallèle  entre  les 
deux  formes  primitive  et  secondaire  de  la  pneumonie  chez  les  enfants.  Il 
conserve  pour  la  broncho-pneumonie,  la  division  en  périodes  adoptée 
pour  la  pneumonie  franche;  période  de  congestion,  d'hépatisalion  rouge 
cld'hépalisation  grise,  mais  tout  en  montrant  bien  que  ces  périodes  n  ont 
une  existence  réelle  qu'autant  qu'on  considère  individuellement  chaque 
noyau  de  pneumonie  lobulaire.  Avec  Damaschino,  l'intervention  du  mi- 
croscope fait  entrer  l'étude  de  la  broncho-pneumonie  dans  une  phase  nou- 
velle. Damaschino,  en  résumant  ses  opinions  sur  la  nature  de  la  maladie. 


PNEUMONIE. 


  BIIONCHO-PNEUMON1E.    HISTOIUQUE. 


527 


Ja  considère  comme  constituée  par  trois  éléments  :  4°  la  bronchite  capil- 
laire; 2°  la  congestion  pulmonaire;  3°  l'inflammation  du  lobule.  L'embar- 
ras ne  peut  exister  qu'en  ce  qui  concerne  l'interprétation  de  ces  deux 
derniers  éléments.  La  congestion  est-elle  simplement  passive  ?  est-elle  Je 
premier  stade  d'une  pblegmasie  réelle?  La  marche  de  la  maladie  dans 
les  cas  à  évolution  lente,  force  à  accepter  la  seconde  hypothèse.  On 
reconnaît,  en  effet,  qu'alors  les  lésions  du  lobule  sont  constituées  par 
une  prolifération  considérable  des  épithéliums,  par  une  production  de 
globules  de  pus  et,  dans  quelques  cas  exceptionnels,  par  une  véritable 
exsudation  fibrino-purulente.  D'ailleurs,  ces  produits  inflammatoires  va- 
rient suivant  la  forme  de  la  maladie,  et  c'est  ainsi  que  M.  Damaschino, 
maintenant  la  distinction  ent>'e  les  inflammations  vraies  et  le  catarrhe, 
délinit  la  forme  pseudo-lobaire  une  inflammation  pulmonaire  avec 
tendance  au  catarrhe.  La  forme  mamelonnée  ne  conserve  plus  les  ca- 
ractères d'une  véritable  phlegmasie  :  ces  lésions  sont  celles  d'une  phle- 
gmasie ordinaire  ment  catarrhale.  La  conclusion  est  que  la  broncho- 
pneumonie  est  bien  réellement  une  phlegmasie,  mais  dissimulée  en  partie 
par  la  piésence  de  la  bronchite  et  de  l'hypcrémie  pulmonaire,  et  qui  de 
I  plus  affecte  souvent  les  caractères  des  phlegmasies  catarrhales. 

Roger  (art.  Broncho-Pneumonie,  Dict.  enojcl.  des  Sciences  méd.) 
■  admet  plus  catégoriquement  la  nature  phlegmasique  de  la  broncho- 
I  pneumonie,  en  se  basant  surtout  sur  la  marche  des  lésions.  La  congestion 
i  du  début,  en  rapport  avec  l'état  fœtal  et  avec  les  lésions  bronchiques,  lui 
|  paraît  devoir  être  rapprochée  de  la  congestion  qui  marque  le  début  de  la 
I  pneumonie  franche.  Ce  qui  le  démontre,  c'est  bien  moins  l'examen  des 
I  lésions  histologiques  à  cette  période  que  la  succession  ultérieure  des 
I  périodes  d'induration  et  de  ramollissement  purulent,  ainsi  que  l'étude 
ides  causes  et  de  la  marche  des  symptômes. 

Un  grand  nombre  de  travaux  ont  paru  dans  ces  dernières  années  sur 
lia  broncho-pneumonie  envisagée  d'une  manière  générale  ou  dans  les  ma- 
I  ladies  qu'elle  vient  compliquer.  Nous  mentionnerons  les  recherches 
anatomo -pathologiques  de  Colberg,  Buhl,  de  Rindlluisch.  de  Ranvier  et 
l Corail,  de  Virchow  qui,  de  même  que  Damaschino,  a  reconnu  la  pré- 
sence des  exsudats  librineux  dans  la  broncho-pneumonie.  Koëslcr  (1877), 
idont  le  travail  renferme  une  bonne  description  de  l'état  fœtal,  est  allé 
[  plus  loin  en  montrant  que  les  lésions  inflammatoires  ont  la  bronche  poui 
|  point  de  départ  ;  mais  il  n'a  pas  su  bien  montrer  les  rapports  qu'elles  affec- 
t  tent  avec  elle  et  il  a  eu  tort  d'attribuer  à  la  pneumonie  lobulaire  une 
'  évolution  semblable  à  celle  de  la  pneumonie  lobaire.  Du  reste,  cette  con- 
statation des  exsudats  librineux  dans  la  broncho-pneumonie  a  évidemment. 
!  troublé  pendant  quelque  temps  les  observateurs  ;  les  uns  ont  admis  la 
|  possibilité  de  la  coïncidence  des  deux  pneumonies  fibrineusc  et  catarrhale  ; 
t  d'autres  ont  cru  que,  dans  quelques  cas,  la  broncho-pneumonie,  en  se 
^généralisant,  pouvait  atteindre  un  degré  supérieur  et  aboutir  à  la  pneu- 
'imonie  lobaire  fibrineuse.  Rautenberg  de  Saint-Pétersbourg  (1874)  est 
'même  allé  jusqu'à  rejeter  la  division  fondamentale  des  deux  pneumonies 


.VJN  l'NEUMOÎS'IK.           UR0NC1I0-PNEUM0N1K.    HISTOBIQOJB. 

librineusc  et  catarrhale  dans  le  jeune  âge.  La  fibrine,  d'après  lui,  ne 
serait  nullement  caractéristique  et  les  pneumonies  ne  pourraient  être  diffé- 
renciées  que  par  leurs  causes  ;  les  unes  sont  primitives,  les  autres  secon- 
daires. C'est  là  le  meilleur  caractère  distinelif,  la  nature  du  siège  dans  le 
lobule  ou  dans  le  lobe  doit,  selon  lui,  être  rejetée  comme  insuffisante, 

Parmi  les  travaux  cliniques  de  ces  dernières  années,  nous  rappellerons 
surtout  les  recherches  de  H.  Roger  sur  la  marche  de  la  température  dans 
la  broncho-pneumonie ,  les  descriptions  contenues  dans  les  travaux  de 
Steffcn  (1865  et  1875)  et  dans  les  traités  classiques  de  Steiner,  Gerhardt, 
d'Espine  et  Picot,  les  travaux  de  Peter  et  Sanné  sur  la  broncho-pneumonie 
dans  la  diphthérie,  ceux  dePérier,  Laveran,  Léon  Colin,  sur  les  bronchites 
capillaires  épidémiques,  etc.,  etc.  Plus  tard,  nous  citerons  à  propos  de  la 
pathogénie,  les  importants  travaux  qui  ont  été  produits  sur  les  broncho- 
pneumonies  expérimentales. 

Charcot,  dans  son  cours  professé  à  la  Faculté  de  Paris  en  1877.  a 
donné  une  description  qui  permet  de  mieux  se  rendre  compte  du  déve- 
loppement et  du  véritable  siège  de  l'inflammation  lobulaire  dans  la 
broncho-pneumonie.  Sur  une  coupe  horizontale  d'un  lobule  pulmonaire, 
il  est  facile  de  reconnaître  des  espaces  ou  travées  de  tissu  conjonctif  limi- 
tant le  lobule,  et  se  subdivisant  pour  circonscrire  chacun  des  acini  qui 
le  composent.  Si  la  coupe  comprend  la  partie  centrale  du  lobule,  on  voit 
en  outre,  au  milieu  des  acini,  des  espaces  arrondis  dans  lesquels  se 
trouvent  la  bronche  acineuse  avec  ses  vaisseaux  satellites,  pulmonaires  et 
bronchiques.  Le  tissu  compris  entre  ces  divers  espaces  représente  la  section 
des  canaux  alvéolaires  et  des  alvéoles.  Sur  un  poumon  atteint  de  broncho- 
pneumonie récente,  il  existe  autour  des  espaces  centraux  un  nodule  in- 
flammatoire, nodule  péribronchique,  offrant  le  plus  souvent  une  compo- 
sition élémentaire  analogue  à  celle  de  la  pneumonie  franche,  leucocytes  et 
fibrine  (hépatisation  péribronchique) .  Dans  le  reste  du  lobule,  on  trouve  les 
lésions  caractéristiques  de  la  pneumonie  catarrhale  :  globules  blancs  et  cel- 
lules épithéliales  en  prolifération  ;  ces  lésions  sont  surtout  abondantes  dans 
les  parties  violacées,  lisses  sur  la  coupe,  présentant  l'aspect  décrit  sous  le 
nom  de  splénisation.  Charcot,  constatant  cette  lésion  non  seulement  dans 
ces  cas,  mais  même  dans  les  noyaux  de  pneumonie  isolés,  donne  un  sens 
plus  général  à  cette  expression  en  l'appliquant  à  ces  lésions  catarrhalcs  ; 
il  les  oppose  ainsi,  sous  le  nom  de  splénisation;  à  l'hépatisation  péribron- 
chique. Enfin,  il  décrit  dans  les  espaces  péri-lobulaires  et  périacineux 
jes  lésions  interstitielles  contemporaines  des  lésions  parenchymateuses, 
infiltration  de  cellules  embryonnaires,  lymphangites,  etc..  Nous  ne 
faisons  ici  qu'esquisser  à  grands  traits  la  description  si  claire  et  si  sai- 
sissante que  Charcot  a  donnée  des  lésions  broncho-pneumoniques,  en 
s'appuyant  sur  une  compréhension  nouvelle  de  la  topographie  du  lobule 
qui  lui  a  permis  de  mieux  montrer  la  distribution  exacte  des  lésions  dans 
ses  différentes  parties.  Ces  notions  nouvelles  que  nous  avons  exposées  lon- 
guement dans  notre  thèse  inaugurale  (Contribution  à  l'élude  de  la  broncho- 
pneumonie,  1878), faite  sous  l'inspiration  de  ce  maître  éminent.  serviront 


PNEUMONIE.  —  broncho-pneumonie.  —  anatomie  pathologique.  529 

de  base  à  la  description  qui  sera  donnée  dans  le  chapitre  relatif  à  l'ana- 
tomie  pathologique.  Nous  aurons  aussi  plusieurs  fois  l'occasion  de  citer 
un  travail  important  de  Wyss  sur  la  pneumonie  catarrhale,  qui  résume 
les  travaux  allemands  parus  dans  ces  dernières  années,  et  enfin  l'ou- 
vrage actuellement  encours  de  publication  de  notre  excellent  maître  Cadet 
de  Gassicourt. 

Anatomie  pathologique.  —  L'anatomie  pathologique  de  là 
broncho-pneumonie  comprend  l'étude  des  deux  éléments  fondamentaux 
qui  la  constituent,  savoir:  les  lésions  inflammatoires  bronchiques  et  ta- 
bulaires. On  peut  leur  rattacher  immédiatement  les  lésions  pulmonaires 
concomitantes  et  les  lésions  de  voisinage,  qui  portent  sur  la  plèvre  et  sur 
les  ganglions  bronchiques.  Nous  décrirons  ensuite  les  complications  et 
en  quelques  mots  les  lésions  des  organes  qui  se  développent  sous  l'in- 
fluence de  la  bronclio-pneumonie,  ou  qui  s'y  rattachent  indirectement  par 
une  étiologie  commune.  Nous  suivrons  donc,  dans  cet  exposé,  l'ordre 
qui  nous  semble  indiqué  par  la  marche  même  des  lésions. 

A.  Lésions  fondamentales.  — ["Bronchite.  —  Il  faut  distinguer,  quand 
i  il  s'agit  de  la  broncho-pneumonie,  deux  périodes  dans  l'évolution  de 
I  la  bronebitc.  Une  première  période  où  cette  lésion  génératrice  existe 
■  seule ,  à  l'état  indépendant  ;  nous  n'avons  pas  à  nous  en  occuper  ici. 
!  Notre  description  des  lésions  bronchiques  ne  devrait  commencer  qu'au 
i  moment  où  l'ensemble  de  la  maladie  se  trouve  constitué,  c'est-à-dire  au 
1  moment  où  la  bronche  malade  a,  en  quelque  sorte,  porté  l'altération  jus- 
qu'au lobule.  Mais  dans  certains  cas  l'inflammation  du  lobule  se  produit 
;avec  une  rapidité  telle  qu'il  est  difficile  de  savoir  s'il  y  a  eu  réellement 
rsuccession  dans  la  marche  des  lésions.  Nous  voulons  parler  de  ces  alté- 
rations broncho-pneumoniques  qui  surviennent  d'une  manière  fou- 
idroyante,  par  exemple,  à  la  suite  de  brûlures  étendues  à  une  grande 
I  partie  de  la  surface  du  corps.  Le  mode  de  succession  ordinaire  des  deux 
ééléments  bronchique  et  pulmonaire  est  difficile  à  saisir  dans  ces  cas  où 
Iles  troubles  de  l'innervation  jouent  un  rôle  important. 

[|  résulte  de  cette  rapidité  dans  la  marche  du  processus  qu'on  a 
-souvent  l'occasion  de  voir  des  broncho-pneumonies  dans  lesquelles  l'in- 
flflaiimiation  des  bronches  en  est  encore  à  sa  première  période  ;  la  mu- 
queuse est  congestionnée,  recouverte  d'un  mucus  clair  et  aéré.  La  con- 
gestion peut  cependant  manquer  dans  des  cas  où  l'inflammation  ne  peut 
être  mise  en  doute.  Bientôt  le  liquide  contenu  dans  les  bronches  se  trans- 
Klorme  en  un  muco-pus  abondant  que  la  pression  peut  faire  sourdre  des 
bplus  petits  canaux  aériens.  Ce  muco-pus,  dans  lequel  l'examen  micro- 
scopique démontre  la  présence  de  nombreux  leucocytes  et  de  cellules 
cylindriques,  peut  souvent  se  condenser  de  manière  à  revêtir  l'aspect  de 
fausses  membranes  qui  tapissent  les  voies  aériennes.  S'il  s'agit  d'une 
Ibroncho-pncumonie  consécutive  à  l'invasion  de  la  diphthéric,  les  bronches 
•sont  tapissées  de  fausses  membranes  d'épaisseur  variable  qui  peuvent  s'é- 
Mendre  jusqu'aux  plus  fines  ramifications  bronchiques,  et  au-dessous  des- 
quelles la  muqueuse  apparaît  tantôt  congestionnée,  tantôt  avec  sa  cou- 

SOUV.  D'CT.  M  ÉD.  ET  Cllll».  XXVIII  —  34 


550      PNEUMONIE.  —  imONCIIO-I'NEUMONIE.           A.NATOMIE  pathologique. 

leur  normale.  Parfois,  à  l'examen  microscopique,  on  peut  trouver  l'épithé- 
lium  cylindrique  encore  intact. 

Dans  les  périodes  plus  avancées  de  la  bronchite,  l'analyse  hislologique 
montre  une  infiltration  de  leucocytes  dans  la  couche  conjonctive  de  la 
bronche,  infiltration  souvent  assez  abondante  pour  qu'on  puisse  distinguer 
avec  peine  les  fibres  de  l'anneau  musculaire.  Le  processusse  termine  par  la 
destruction  de  cet  anneau  à  laquelle  se  lie  évidemment  la  dilatation  des 
bronches  (Trojanowsky).  Tant  que  cet  anneau  subsiste,  les  lésions  sont 
encore  réparables  et  ne  survivent  pas  à  la  guérison  de  la  broncho- 
pneumonie.  Outre  ces  dilatations  bronchiques,  on  peut  encore  trouver 
des  ulcérations  de  la  muqueuse  qui  ont  été  décrites  autrefois  par  Fauvel 
dans  plusieurs  cas.  De  toutes  ces  lésions  bronchiques  la  plus  intéressante 
est,  sans  contredit,  la  dilatation,  sur  laquelle  nous  aurons  occasion  de 
revenir  en  suivant  l'évolution  des  processus  broncho-pneumoniques,  dans 
les  formes  subaiguës  et  chroniques  de  l'affection. 

2°  Pneumonie  lobulaire.  —  Lorsqu'on  examine  un  poumon  atteint 
de  broncho-pneumonie,  on  est  tout  d'abord  frappé  en  voyant  que  les 
lésions,  malgré  leur  diffusion  inégale  et  leurs  aspects  divers,  se  répartis- 
sent cependant  suivant  un  mode  assez  régulier,  dont  la  raison  se  trouve 
dans  la  prédominance  des  lésions  bronchiques  dans  les  parties  postérieures 
du  poumon.  Bartels  a  montré  qu'il  existe,  en  réalité,  deux  systèmes  bron- 
chiques, l'un  antérieur,  l'autre  postérieur,  et  influencés  tous  deux  d'une 
manière  différente  dans  la  broncho-pneumonie.  Le  système  antérieur, 
constitué  par  les  bronches  descendante  et  ascendante  antérieures,  pré- 
sente des  lésions  peu  intenses.  Le  système  des  bronches  ascendante  et 
surtout  descendante  postérieures  est  rempli  de  sécrétions  muco-purulentes 
et  les  parois  bronchiques  présentent  des  lésions  beaucoup  plus  accentuées 
et  plus  profondes.  Cette  répartition  des  lésions  bronchiques  est  nettement 
en  rapport  avec  le  siège  des  lésions  pulmonaires. 

En  effet,  à  l'autopsie  d'un  individu  mort  de  broncho-pneumonie,  on 
remarque  des  différences  d'aspect  très-nettes,  entre  les  lésions  de  la  parlie 
antérieure  et  celles  de  la  partie  postérieure  des  poumons.  Ceux-ci. 
d'une  manière  générale,  paraissent  augmentés  de  volume,  mais  leur  sur- 
face est  irrégulière,  bosselée  et  présentant  aussi  bien  à  la  parlie  antérieure 
qu'à  la  partie  postérieure,  à  côté  des  portions  tuméfiées  et  saillantes,  des 
espaces  où  le  poumon  est  affaissé  et  amoindri.  C'est  ainsi  que  dans  les 
parties  antérieures  on  voit,  à  côté  de  lobules  distendus  et  gonflés  par  l'air 
qui  les  remplit,  d'autres  lobules  isolés  ou  agglomérés,  qui,  malgré  la 
congestion  dont  ils  paraissent  être  le  siège,  sont  diminués  de  volume  et 
situés  beaucoup  au-dessous  du  niveau,  non-seulement  des  parties  disten- 
dues, mais  même  au-dessous  des  portions  saines  du  poumon.  Ces  deux 
lésions,  bien  distinctes,  se  trouvent  presque  toujours  situées  dans  le  do- 
maine du  système  bronchique  antérieur.  La  première  n'est  autre 
que  l'emphysème  qui  se  montre  avec  ses  formes  diverses:  la  seconde, 
d'une  nature  plus  obscure  et  plus  complexe,  porte  les  noms  d'état  fœtal 
ou  d'atéleclasie. 


PNEUMONIE.  —  BROSCHO-PHEMlOMiB.  —  A.NATOMIE  PATHOLOGIQUE.  531 

Dans  les  parties  postérieures  ou  mieux  postéro-latérales  et  inférieures, 
on  retrouve  encore,  mais  avec  des  caractères  différents,  la  même  irrégula- 
rité de  surface.  Le  poumon  est  beaucoup  plus  congestionné  qu'à  la  partie 
;  antérieure.  On  trouve  aussi  des  bosselures  et  des  dépressions,  au  niveau 
[desquelles  la  congestion  est  tantôt  diminuée,  tantôt  exagérée.  Souvent  ces 
I bosselures  ne  sont  pas  appréciables  à  la  vue,  mais  en  palpant  le  poumon 
i  on  sent  des  noyaux  durs  et  plus  ou  moins  volumineux  qui  sont  tantôt  en 
i  contact  immédiat  avec  la  plèvre,  tantôt  en  sont  séparés  par  une  mince 
i  couche  de  tissu  crépitant.  Ces  noyaux  d'induration  peuvent  être  limités  à 
l'étendue  d'un  seul  lobule  ou  en  comprendre  plusieurs.  Ils  sont  tantôt 
.disséminés  dans  une  vaste  surface,  et  forment  des  mamelons  isolés,  ou 
bien  ils  sont  confluents  de  manière  à  occuper  la  plus  grande  partie  d'un 
lobe.  Mais,  même  dans  ce  cas,  on  est  frappé  de  la  netteté  avec  laquelle 
se  détachent  le%  contours  des  lobules.  Chacun  d'eux  est  évidemment  lésé 
d'une  manière  qui  lui  est  propre;  des  altérations  semblables  se  produisent 
dans  ceux  qui  l'entourent  sans  qu'il  cesse  d'être  affecté  d'une  manière  in- 
dépendante. La  lésion  est  donc  lobulaire  ;  de  plus,  l'induration  du  tissu, 
l'épaississementdcs  cloisons  conjonctives  inlerlobulaires,  la  présence  fré- 
quente de  fausses  membranes  à  la  surface  de  la  plèvre,  la  coloration  rouge, 
violacée,  et  parfois  grisâtre  ou  jaune,  tout  semble  indiquer  que  celte  lé- 
sion lobulaire  est  de  nature  inflammatoire,  qu'il  s'agit,  en  un  mot,  d'une 
pneumonie  lobulaire. 

Cette  pneumonie  lobulaire,  ordinairement  double,  se  développe  donc 
de  préférence  dans  les  parties  déclives.  Quand  elle  se  montre  dans  les 
parties  antérieures,  elle  envahit  d'abord  le  lobe  moyen  du  poumon  droit. 
La  pneumonie  peut  rester  localisée  dans  des  lobules  isolés,  ou  bien 
s'étendre  à  plusieurs  et  même  occuper  rapidement  la  plus  grande  partie 
d'un  lobe  ou  même  d'un  poumon.  Dans  le  premier  cas,  la  pneumonie 
lobulaire  est  disséminée;  dans  le  second,  elle  est  généralisée.  Si  l'on 
examine  séparément  des  lobules  atteints  de  pneumonie,  on  peut  leur 
trouver  différents  aspects  suivant  l'ancienneté  des  altérations.  Ils  peuvent 
être  jaunes,  ou  grisâtres,  ou  même  paraître  entièrement  purulents. 

Éléments  de  cette  pneumonie.  —  1°  Splënisa/ion.  —  Au  début,  la  conges- 
tion domine,  c'est  ce  qu'on  apprécie  très-bien,  surtout  lorsqu'un  certain 
nombre  de  lobules  altérés  forment  une  seule  masse  :  le  poumon  présente 
à  ce  niveau  nne  couleur  bleuâtre,  plus  ou  moins  foncée  suivant  l'intensité 
de  la  congestion;  il  est  aussi  plus  ferme  et  plus  lourd  qu'au  niveau 
des  parties  saines.  Sur  la  coupe,  on  trouve  une  surface  plane,  lisse, 
sans  granulations,  peu  friable,  d'une  couleur  noirâtre  à  cause  de  l'inten- 
sité de  la  congestion;  de  cette  surface  s'écoule  un  liquide  brunâtre,  et 
elle  se  recouvre  rapidement  du  sang  qui  sort  des  vaisseaux.   En  outre, 
si  l'on  insuffle  le  poumon,  la  lésion  disparait  en  partie.  Mais,  malgré 
celte  diffusion  apparente  des  lésions  qui  pourrait  les  faire  confondre 
avec  une  congestion  œdémateuse  simple,  on  peut  encore  le  plus  souvent 
retrouver  leur  distribution  lobulaire.  Si  l'on  regarde  avec  attention 
dans  l'axe  du  lobule,  on  aperçoit  un  certain  nombre  de  points  grisâtres 


532    PNEUMONIE.  —  broncho-pneumonie.  —  anatomie  pathologique. 

plus  ou  moins  saillants,  friables  el  présentant  un  aspect  légèrement  grenu. 
Ces  points  sont  quelquefois  réunis  de  façon  à  former  une  petite  grappe 
qui  occupe  une  étendue  plus  ou  moins  considérable  dans  le  lobule. 
L'ensemble  de  la  lésion  a  reçu  le  nom  de  splénisation  (Sarco)  et 
correspond,  suivant  Charcot,  à  la  pneumonie  planiforme  de  Decbambre, 
à  la  pneumonic-pseudo-lobairedeBarricr,  à  la  congestion-lobulaire  géné- 
ralisée de  Rilliet  etBarthez,  à  l'bépalisalion  rouge  broncho-pneumonique 
de  Damaschino.  On  a  voulu  pendant  longtemps  faire  de  cet  état  quelque 
chose  de  distinct  de  la  pneumonie  lobulaire.  Mais  l'aspect  nuancé  que 
nous  avons  décrit,  et  sur  lequel  avaient  insisté  Bazin  et  Gairdner,  avait 
frappé  Barrier,  qui  l'avait  décrit  sous  le  nom  de  broncho-pneumonie 
pscudo-lobaire,  et  Vulpian,  qui  l'avait  rattaché  également  aux  pneumo- 
nies lobulaires.  Enfin,  dans  ces  derniers  temps,  l'analyse  histologique  a 
tranché  la  question  d'une  manière  définitive.  (Charcot) 

2°  Nodule  péribronchique.  — Sur  le  fond  rouge,  violacé,  de  cette  spléni- 
sation. on  dislingue,  avons-nous  dit,  le  second  élément  de  la  lésion.  Dans 
l'axe  des  lobules,  il  existe  des  points  saillants,  grisâtres,  denses,  légère- 
ment granuleux,  laissant  suinter  un  liquide  puriforme  :  c'est  le  nodule 
péribronchique  de  Charcot,  qui  correspond,  au  début,  à  l'hépalisation 
lobulaire  partielle  de  Rilliet  et  Barlhez,  à  l'hépatisation  grise  partielle 
de  Damaschino.  Ces  nodules  péribronchiques  sont  peu  friables  ;  ils  résistent 
à  l'insufflation  ;  un  petit  fragment  détaché  gagne  le  fond  de  l'eau.  Us 
peuvent  augmenter  considérablement  de  volume,  devenir  confluents  et  faire 
disparaître  les  parties  violacées  de  la  splénisation;  c'est  l'hépatisation  grise 
des  auteurs,  l'hépatisation  grise  lobulaire  généralisée  de  Rilliet  et  Barthez. 

En  résumé,  dans  les  lobules  atteints  de  pneumonie,  on  peut  distinguer 
deux  altérations  principales  :  1°  la  splénisation,  caractérisée  par  un  aspect 
lisse  et  congestionné  occupant  plus  spécialement  la  périphérie  du  lobule  ; 
2°  l'inflammation  péribronchique,  caractérisée  par  un  aspect  grisâtre, 
grenu,  par  une  induration  plus  marquée  et  circonscrite  habituellement 
dans  le  voisinage  de  la  bronche.  L'examen  microscopique  a  prouvé  la 
constance  de  ces  lésions  fondamentales,  à  des  degrés  divers,  dans  toutes  les 
broncho-pneumonies,  quelle  que  soit  leur  forme  ;  elles  varient  seulement 
dans  leur  composition  élémentaire,  dans  les  proportions  qu'elles  pré- 
sentent l'une  par  rapport  à  l'autre.  Le  plus  souvent,  au  début,  la  splénisa- 
tion domine,  le  foyer  de  pneumonie  est  violet  ou  brunâtre,  sa  surface  de 
section  est  foncée,  dense,  sans  granulations  {période  de  congestion,  d'en- 
gouement, d ' hépalisalion  rouge  des  auteurs) .  Plus  tard,  à  mesure  que  le 
contenu  des  alvéoles  augmente,  l'hypcrémie  diminue,  le  foyer  prend  une 
coloration  grise  ou  jaunâtre  et  sa  consistance  paraît  diminuer  {période 
d'hépatisation  grise  des  auteurs)  ;  le  processus  aboutit  au  ramollisse- 
ment et  à  la  suppuration  du  lobule,  dans  quelques  cas,  à  l'induration  et 
à  la  cirrhose. 

Après  avoir  défini  et  montré  macroscopiquemenl  les  lésions  du  lobule, 
nous  devons  maintenant  montrer  comment  elles  constituent  les  trois 
formes  principales  de  broncho-pneumonie  admises  par  les  auteur?. 


PNEUMONIE.  —  BRONCHO-PNEUMONIE.  —  ANATOMIE  PATHOLOGIQUE.  553 

Formes  anatomiques  delà  pneumonie 'tabulaire .  —  1°  Il  y  a.  d'abord, 
lu  -pneumonie  lobulaire  disséminée  ou  mamelonnée  (lobulaire  discrète 
de  Bouchot),  désignée  encore  sous  les  noms  de  congestion  ,  hépatisa- 
Ition  lobulaire,  splénisalion  par  lobules.  Elle  se  montre  le  plus  souvent  à 
lia  partie  postérieure,  quelquefois  dans  les  languettes  et  les  bords  du 
I poumon  (pneumonie  marginale  ou  corticale).  Le  nombre  des  noyaux  de 
pneumonie  est  variable  :  ils  sont  saillants,  variant  depuis  le  volume  d'un 
pois  à  celui  d'un  œuf  de  pigeon,  d'une  couleur  rouge  violacée  ou  brû- 
nâtre,  durs  et  résistant  à  la  pression  ou  à  la  dilacération,  ayant  sou- 
vent une  forme  losangique  due  à  leur  limitation  par  les  travées  interlobu- 
lilaires.  Quelquefois,  au  lieu  d'être  congestionnés,  les  noyaux  sont  grisâtres, 
pilles,  et  ne  tranebent  que  par  leur  saillie  et  leur  induration  sur  les 
IJobules  sains  qui  les  entourent.  Souvent,  la  coupe  présente  une  surface 
.grenue.  Le  noyau  subit  d'ailleurs  ultérieurement  des  transformations  qui 
ppeuvent  modilier  son  aspect;  il  peut  être  envahi  parla  suppuration  et 
pprésenter  un  petit  foyer  ramolli  à  son  centre.  Les  travées  de  tissu  con- 
jijonctif  qui  l'entourent  sont  souvent  épaissies. 

2°  Lorsque  ces  transformations  s'effectuent,  il  est  rare  que  les  noyaux 
rrestent  disséminés,  les  lésions  s'étendent,  les  noyaux  deviennent  con- 
Hfluents,  tout  en  restant  distincts,  et  peuvent  occuper  presque  tout  un 
Mobe.  Ils  sont  le  siège  d'altérations  diverses  ;  les  uns  sont  hépatisés  ou  sim- 
pplement  congestionnés,  d'autres  sont  grisâtres  ou  purulents.  La  masse 
(présente  des  aspects  variés,  sur  lesquels  tranchent  les  travées  interlobu- 
laires  épaissies.  Souvent  les  parties  atteintes  donnent  au  doigt,  grâce  au 
mélange  des  parties  molles  et  dures,  une  consistance  spéciale  qui  a  été 
emparée  à  celle  du  pancréas.  On  la  remarque  surtout  dans  les  lan- 
guettes et  dans  le  lobe  moyen.  Cette  forme,  due  à  l'envahissement  suc- 
iessif  d'un  grand  nombre  de  lobules,  prend  le  nom  de  forme  lobulaire 
généralisée  (lobulaire  confluente  deBouchut). 

5°  Cette  inégalité  d'aspect  ne  se  retrouve  plus  dans  la  forme  pseudo- 
lobaire  (Barrier);  comme  son  nom  l'indique,  elle  simule  la  pneumonie 
Idobaire.  Les  lobules  ne  sont  plus  distincts,  et,  au  lieu  de  présenter  une 
mu  l'ace  marbrée,  inégale,  sillonnée  de  travées  interlobulaires,  ils  offrent 
ine  surface  plane,  lisse,  sans  granulations,  peu  friable;  si  la  pneumonie 
JSt  récente,  la  splénisalion  domine  (lre  variété)  :  le  tissu  est  violacé  ou 
'brunâtre,  et  la  coupe  est  rapidement  imhibée  par  le  sang  qui  sort  des 
vaisseaux.  La  nature  de  l'altération  est  difficile  à  reconnaître,  et  il  faut 
souvent  un  examen  attentif  pour  reconnaître  dans  l'axe  du  lobule  la  pe- 
tite zone  grisâtre  qui  représente  le  nodule  péribronchique.  Celui-ci  est 
moyé  en  quelque  sorte  dans  l'altération  diffuse  qui  l'entoure.  Dans  une 
seconde  variété,  les  nodules  péribronchiques  devenus  plus  volumineux 
ont  disparaître,  en  se  soudant  les  uns  aux  autres,  les  zones  de  spléni- 
salion. Lorsqu'elle  envahit  ainsi  simullanément  des  lobules  entiers,  de  ma- 
ibière  à  donner  sur  la  coupe  une  surface  unie  et  grisâtre,  la  lésion  porte 
Rncore  le  nom  de  pseudo-lobairc,  lequel  est  réservé,  en  somme,  aux  pneu- 
monies lobulaires  qui  simulent,  par  leur  étendue  et  leur  uniformité  d'aspect  , 


534 


PNEUMONIE.  -  nomiQ^mm  _  ANAT0MIE  PATI10,OCIQL.E. 


Les  lésions  de  la  pneumonie  franche.  C'est  surtout  cette  notion  d'uniformité 
dans  les  lénmn  «,  sépaÂe,  suivant  nous,  la  pneumonie  pseudo-lobaire 
de  la  pneumonie  lobulaire  généralisée,  formes  souvent  confondues  dans  |e 
langage  med.cal  II  est  toujours  possible  [de  distinguer  cette  lésion  de  a 
pneumome  lobaire.Rilliet  et  Barthes  ont  fait  remarquer  que  1        a  o 


fiOMB  A ULT  (Ici. 


Fig.  55.  —  Pneumonie  tabulaire  consécutive  à  la  rougeole. 


A.  Coupe  transversale  de  la  pnroi  d'une  bronche  de  moyen  calibre.  On  voit  on  a  la  coupe  des  carti- 
lages. On  voit  en  b  la  coupe  des  glandes  indammées  ;  B,D,  travées  conjonctives  périlobulaires  épaissies  ; 
C,C,  coupe  des  vaisseaux  sanguins;  D,P,  vaisseaux  lymphatiques  ;  E,E,  travées  conjonctives  periacincuses. 
Nodules  péribronchiques  (hipalùation)  contenant  à  leur  centre  une  bronchiole  a',  et  une  artériole  b'; 
F,G,  Tissu  pulmonaire  intermédia  re  aux  nodules  atteint  de  splénisation. 


de  couleurdans  celtedernière  affectent  l'apparence  de  zones  concentriques,  j 
le  centre  étant  toujours  plus  gris  que  la  périphérie,  qui  est  habituellement! 
rougeâtre.  De  plus,  il  y  a  dans  la  broncho-pneumonie  pscudo-lobaire  desj 
altérations  concomitantes  qui  éclairent  le  diagnostic;  les  lésions  bronchi- 


PNEUMONIE.    BRONCHO-PNBUMONIE.    ANATOJHE  PATHOLOGIQUE.  535 

■ques  d'abord,  puis  l'état  fœtal,  l'emphysème  et  souvent  des  noyaux  de 
pneumonie  disséminés  dans  les  deux  poumons. 

En  effet,  les  diverses  formes  peuvent  se  rencontrer  isolées  ou  réunies  ; 
il  est  très-commun  de  trouver  chez  un  même  individu  de  la  pneumonie 
pseudo-lobaire,  en  même  temps  que  de  la  pneumonie  disséminée  ou  gé- 
néralisée soit  dans  le  même  poumon,  soit  dans  le  poumon  du  côté  opposé. 

Analyse  Instologique.  —  Nous  étudierons  successivement  :  1°  les 
travées  interlobulaires  qui  circonscrivent  le  lobule  ;  2°  les  îlots  centraux, 
ou  nodules  péribronchiques ,  entourant  les  bronches  lobulaires  ou  aci- 
•neuses  et  leurs  artères  satellites  (hépatisation  lobulairc)  ;  5°  les  parties 


Fio.  ôi.  —  Coupe  d'un  nodule  péribronchique.  • 

A.  artère;  B.  bronche  contenant  du  pus  et  dont  l'épithéliura  est  resté  en  place;  G.  lissu  conjonclil 
péribronchique  épaissi.  D.  Zone  d'hépatisalion  (alvéoles  remplis  de  fibrine  et  de  globules  de  pus); 
E.  tissu  splénisé. 

splénisées  qui  occupent  le  reste  du  lobule  et  forment  le  fond  commun, 
la  lésion  diffuse  sur  laquelle  se  détachent  les  nodules  et  les  travées  péri- 
lobulaires  et  périacineuses  (fig.  33). 

Les  travées  conjonctives  interlobulaires  sont  épaissies  ;  leurs  vaisseaux 
sont  congestionnés,  on  trouve  fréquemment  dans  leur  épaisseur  des  leu- 
cocytes et  des  exsudais  fibrineux  ;  les  lymphatiques  qu'elles  renferment 
peuvent  être  remplis  des  mêmes  éléments,  et  quelquefois  de  globules 
sanguins,  lorsque  la  congestion  est  très-intense.  Les  travées  périacineuses 
présentent  les  mêmes  lésions. 

Dans  le  voisinage  de  la  bronche  dont  l'épithélium  peut  être  conservé 
mais  dont  la  paroi  est  infiltrée  de  leucocytes,  ainsi  que  la  gaine  adventice 
de  l'artère  qui  l'avoisine,  on  voit  une  ceinture  d'alvéoles  et  de  conduits 
alvéolaires  distendus  par  des  exsudais  inflammatoires.  Cette  ceinture  est 
habituellement  incomplète,  du  côté  de  l'artériole  qui  semble  préserver 


550  PNEUMONIE.  —  broncho-pneumonie.  —  anatomie  pathologique. 
les  alvéoles  qui  l'avoisinent  de  l'extension  de  la  phlcgmasie  bronchique, 
Cependant  dans  les  cas  intenses,  l'inflammation  alvéolaire  péribronchique 
enveloppe  aussi  l'artère.  Tel  est  le  nodule  péribronchique  (fi".  54)  dont 
le  volume  varie  suivant  les  cas  :  tantôt  borné  à  une  seule  rangée  d'alvéoles 
(l'insufflation  est  alors  possible),  tantôt  occupant  la  plus  grande  partie 
du  lobule  de  manière  à  se  confondre  avec  les  nodules  voisins.  Les  exsu- 
dats  inflammatoires  qui  remplissent  les  alvéoles  présentent  deux  variétés  : 
ils  peuvent  être  composés  à  peu  près  exclusivement  de  leucocytes.  C'est 
là  le  cas  le  plus  habituel  chez  le  vieillard.  Plus  fréquemment,  les  glo- 
bules blancs  et  les  cellules  épithéliales  sont  enveloppés  dans  un  ré- 
seau fibrineux  aussi  remarquable  que  celui  de  la  pneumonie  franche. 
C'est  une  véritable  pneumonie  péribronchique,  et,  comme  l'a  fait  remar- 
quer Charcot,  la  présence  de  cet  exsudât,  qu'on  rencontre  parfois  à  un 
degré  vraiment  extraordinaire,  montre  bien  que  la  présence  de  la  fibrine  ne 
peut  être  considérée  comme  caractéristique  absolue  de  la  pneumonie 
franche.  On  la  retrouve  dans  la  rougeole,  la  coqueluche,  la  fièvre 
typhoïde,  la  diphthéric,  etc..  Comme  nous  l'avons  vu,  cette  exsudation 
se  retrouve  quelquefois  aussi  à  la  périphérie  du  lobule  dans  les  espaces 
lymphatiques,  et  autour  des  vaisseaux.  Quelle  que  soit  la  nature  de  l'ex- 
sudat,  le  nodule  péribronchique  est  toujours  nettement  caractérisé  par 
sa  forme  et  son  siège  constant  autour  de  la  bronche.  Quelquefois  cepen- 
dant celle-ci  ne  se  retrouve  pas  à  son  centre,  le  nodule  paraît  indépen- 
dant (nodule  erratique  de  Charcot)  ;  cette  disposition  se  rencontre  lorsque 
la  coupe  est  irrégulière,  car  ces  nodules  se  sont  développés  également 
autour  des  bronches. 

Autour  des  nodules  péribronebiques  se  voient  des  lésions  de  nature 
très-différente,  et  qui  constituent  la  splénisalion.  Les  parois  des  alvéoles 
sont  très-congestionnées  ;  souvent  elles  ont  subi  un  commencement  d'in- 
filtration parles  cellules  embryonnaires,  s'il  s'agit  d'un  cas  déjà  ancien. 
Dans  l'intérieur  des  alvéoles,  la  masse  contenue  est  formée  de  cellules 
épithéliales  volumineuses  et  de  leucocytes.  Dans  les  cas  anciens,  on 
trouve  encore  des  corps  granuleux.  C'est  l'épithélium  alvéolaire  qui  est 
surtout  atteint  ;  très-susceptible,  il  se  multiplie,  se  gonfle,  et  se  des- 
quame sous  l'influence  des  moindres  irritations.  La  lésion  est  donc 
avant  tout  superficielle,  épithéliale,  de  nature  inflammatoire  ou  plutôt 
irritative  :  c'est  la  pneumonie  catarrhalc ,  desquamalive  et  épithé- 
liale. C'est  la  congestion  et  la  prolifération  épithéliale  qui  dominent  dans 
les  parties  splénisées;  au  contraire,  ce  sont  les  lésions  exsudalives  (fibrine 
et  leucocytes)  qui  dominent  dans  les  travées  interlobulaires  et  dans  le  no- 
dule péribronchique.  Ce  sont  là  les  deux  points  fondamentaux  de  l'étude 
de  la  pneumonie  lobulaire.  Il  faut  y  ajouter  les  lésions  do  la  bronche, 
qui  tiennent  toutes  les  autres  dans  leur  dépendance.  Ce  qui  les  caracté- 
rise, c'est  l'infiltration  de  leurs  parois  par  des  cellules  embryonnaires, 
infiltration  qui  s'étend  plus  tard  au  tissu  périvasculaire  ;  quand  la  lésion 
est  plus  ancienne,  il  y  a  même  endartéritc.  Déplus,  les  espaces  lympha- 
tiques péribronebiques  et  périartériels  montrent  les  mêmes  lésions  que 


PNEUMONIE.    DRONCHO-PNEUMOME.    ANATOMIE  PATHOLOGIQUE.  537 

nous  avons  signalées  déjà  dans  les  espaces  périlobulaircs.  Il  y  a  dans  le 
siège  et  la  marche  des  lésions  une  tendance  à  la  fixité,  au  passage  à  l'étal 
chronique  et  au  développement  de  la  cirrhose  pulmonaire. 

Comme  on  voit  par  cet  exposé,  riullammation  atteint  le  lobule  par 
l'intermédiaire  des  bronches;  elle  se  propage  par  voie  de  continuité,  ga- 
gnant successivement  les  bronches  lobulaires,  acineuses,les  conduits  alvéo- 
laires et  les  alvéoles.  Elle  se  traduit  d'abord  par  des  altérations  superfi- 
cielles, atteignant  surtout  l'épithélium  qui  se  gonfle,  tombe, scmultiplie: 
c'est  une  lésion  épilhéliale  ou  mieux  catarrhale,  pour  employer  l'expres- 
sion la  plus  répandue,  c'est  le  processus  qui  paraît  dominer  principale- 
ment dans  les  zones  splénisées  du  lobule. Mais, d'autre  part,  les  exsudations 
se  produisent  dans  l'épaisseur  de  la  paroi  bronchique,  dont  l'inflamma- 
tion, d'abord  superficielle,  est  devenue  parenchyinateuse.  De  la  fibrine, 
des  leucocytes  sonL  exsudés  par  les  vaisseaux  congestionnés,  et  se  dé- 
posent dans  le  tissu  conjonctif  de  la  bronche  et  des  vaisseaux  bron- 
chiques. La  distribution  de  leurs  ramuscules  terminaux  dans  le  lobule 
peut  nous  expliquer  facilement  la  circonscription  des  lésions  exsudatives 
autour  de  la  bronche  et  la  formation  du  nodule  péribronchique.  L'ar- 
tère bronchique  se  perd ,  en  effet,  dans  le  lobule,  sous  la  forme  d'une 
aspèce  de  pinceau  vasculaire  compris  dans  l'épaisseur  des  canaux  alvéo- 
laires et  des  alvéoles  péribronchiques.  Le  nodule  péribronchique  se 
forme,  par  conséquent,  dans  une  portion  du  lobule  émanant  directement 
de  la  bronche,  et  dont  les  lésions  sont,  par  cela  même,  plus  intenses  et 
plus  profondes. 

Enfin,  le  système  lymphatique  du  lobule  est  atteint  également  ;  les 
vaisseaux  efféren  ts  qui  forment  les  gaines  péri  vasculaires  et  péribronchiquos 
participent  de  bonne  heure  à  l'inflammation  des  bronches,  la  stase  lym- 
phatique vient  adjoindre  ses  efforts  à  ceux  de  la  stase  sanguine.  Les  exsu- 
dats  fibrineux  se  forment  dans  les  espaces  lymphatiques,  et  autour  des 
•  vaisseaux  sanguins  situés  dans  les  travées  conjonctives  périlobulaircs  et  pé- 
riacineuses.  Bronchite  et  inflammation  alvéolaire  péribronchique,  pneu- 
monie desquamative,  inflammation  de  l'enveloppe  conjonctive  du  lobule 
i  et  des  vaisseaux,  lymphangites,  telles  sont  les  lésions  du  lobule  dans  la 
I  broncho-pneumonie;  elles  représentent,  comme  on  le  voit,  toutes  les 
i  formes  de  l'inflammation  dans  le  poumon. 

Il  nous  reste  à  apprécier  la  valeur  de  ces  diverses  lésions,  à  préciser 
I  leur  signification  dans  le  processus  complexe  qui  constitue  la  broncho- 
|  pneumonie.  La  splénisation  est  évidemment  la  lésion  la  plus  répandue, 
i  c'est  l'irritation  épilhéliale,  la  pneumonie  desquamative  ou  catarrhale 
qui  domine  l'évolution  de  la  broncho-pneumonie,  au  moins  à  son  début. 
Mais  cette  lésion  si  importante  peut  se  retrouver  à  un  moindre  degré, 
i  il  est  vrai,  dans  les  congestions  simples,  actives  on  passives,  elle  ne  ca- 
ractérise  pas  absolument  la  broncho-pneumonie.  Le  trait  principal  de 
felle-ci  réside  dans  la  présence  du  nodule  péribronchique,  dont  la  com- 
position élémentaire  en  fibrine  et  en  leucocytes  peut  varier,  mais  qui 
s  se  retrouve  toujours  chaque  fois  que  la  bronche  a,  pour  ainsi  dire,  porté 


558     I'iNIîUMOiMIC.  —  bhonciio-pmcumonie.  —  anatohie  pathologique. 

l'inflammation  jusqu'au  lobule.  Sa  signification  pronostique  est  également 
plus  grave  que  celle  de  la  splénisation,  car  il  indique  une  lésion  pro- 
fonde parenchymateuse  dont  la  résolution  sera  difficile. 

En  résumé,  dans  le  processus  de  la  pneumonie  lobulaire,  on  peut 
distinguer  trois  phases  :  1"  bronchite  capillaire  inlra-lobulaire  avec  con- 
gestion du  lobule  plus  ou  moins  intense,  suivant  l'absence  ou  l'existence 
de  l'état  fœtal  ;  2n  en  même  temps,  inflammation  calarrhede  des  alvéoles 
cl  inflammation  exsudative  péribroncl tique  cl  interstitielle  ;  5°  phase 
terminale,  exsudation  purulente  de  plus  en  plus  abondante,  résorp- 
lion,  ou  organisation  des  exsudats  et  passage  à  Vétat  subaigu.  Nous 
ne  suivrons  pas  pour  le  moment  toute  cette  évolution  des  lésions,  nous 
nous  bornons  à  étudier  leur  marche  à  L'état  aigu. 

Evolution  et  terminaison  de  la  broncho-pneumonie  :  1°  Résolution  ; 
2°  Suppuration  du  lobule  (granulation  purulente)  ;  Dilatation  des 
bronches;  vacuoles;  abcès.  — Broncho-pneumonie  subaiguë  et  chro- 
nique. —  Caséificalion. 

Que  A'ont  devenir  les  deux  éléments  inflammatoires  bronchique  et 
pulmonaire  dont  la  réunion  constitue  la  broncho-pneumonie?  Lorsque 
la  résolution  a  lieu,  elle  se  produit  lentement,  les  exsudais  subissent  la 
transformation  granulo-graisseuse,.  se  désagrègent,  se  transforment  en 
une  sorte  d'émulsion  qui  est  éliminée  ou  disparaît  ultérieurement  par 
voie  d'absorption. 

Dans  les  cas  où  la  maladie  n'a  pas  pris  une  allure  suraiguë,  le  malade 
survit  aux  premiers  accidents,  les  lésions  suivent  leur  cours  et  aboutissent 
à  la  suppuration.  Quelquefois  un  lobule  se  remplit  d'une  agglomération 
considérable  de  leucocytes  qui  se  multiplient  a  la  fois  dans  le  nodule 
péribronchique  et  dans  les  zones  splénisées,  il  proémine  à  la  surface  du 
poumon  sous  l'aspect  d'une  masse  jaunâtre  (granulation  purulente).  Il 
peut  y  avoir  destruction  des  parois  alvéolaires  et  des  travées  des  acini:  la 
granulation  purulente  prend  alors  le  nom  de  vacuole.  Toutefois  ce  pro  - 
cessus  destructif  ne  paraît  pas  le  plus  commun  et  ne  se  voit  guère  que 
dans  la  broncho-pneumonie  qui  passe  à  l'état  subaigu.  Les  parois  des 
bronches  sont  envahies  dans  cette  seconde  période  par  une  production  de 
leucocytes  qui  infiltrent  les  couches  de  la  bronche,  compriment  ses  élé- 
ments et  finissent  par  amener  la  destruction  de  l'anneau  musculaire.  Alors 
la  bronche  se  déforme  et  se  dilate  en  refoulant  autour  d'elle  les  alvéoles 
voisins,  dont  les  parois,  également  envahies  pnr  l'infiltration  embryon- 
naire, se  laissent  ulcérer  ou  renforcent  la  bronche  dilatée  dont  elles 
semblent  faire  partie.  S'il  s'agit  d'une  bronchiole  terminale,  son  extré- 
mité ainsi  dilatée  présente  la  forme  d'une  ampoule  à  parois  épaisses  qui 
se  remplit  de  pus.  Sur  la  coupe  du  poumon,  ces  dilatations  apparaissent 
sous  forme  de  foyers  purulents  qui  existent  dans  une  partie  d'un  lobe  ou 
dans  un  lobe  tout  entier,  souvent  contigus  et  séparés  seulement  par  des 
travées  d'épaisseur  variable  (abcès  bronchiaux  de  Gairdncr).  Un  examen 
attentif  fait  reconnaître  que  ces  foyers  sont  formés  par  les  bronches  dila- 
tées, dont  les  parois  se  sont  souvent  rompues  de  manière  à  former  des 


PNEUMONIE.    HnONCIIO-PNEUMONIK.    ANATOM1K  PATHOLOGIQUE.  539 

communications  anormales.  Au  reste,  les  auteurs  ont  décrit  sous  ce  nom 
de  vacuole  des  lésions  très-différentes.  Suivant  les  uns,  comme  nous  ve- 
nons de  le  voir,  elle  serait  consécutive  à  la  suppuration  du  lobule,  au  dé- 
veloppement considérable  de  la  granulation  jaune  (Barrier,  Damaschino). 
Suivant  nous  celte  forme  est  rare  :  ebaque  fois  que  nous  avons  voulu  exa- 
miner un  foyer  purulent  dans  la  broncho-pneumonie,  nous  avons  toujours 
vu,  à  l'aide  de  la  potasse  et  de  la  soude  caustique  qui  détruisent  les  globu- 
les blancs  en  respectant  le  squelette  élastique  de  l'alvéole,  que  celui-ci 
était  intact,  et  que  la  foule  purulente  n'était  qu'apparente.  On  conçoit 
cependant  à  la  rigueur  ce  mécanisme  de  la  formation  des  vacuoles. 

Nous  nous  rattachons  pour  notre  part  à  l'opinion  de  ceux  qui  pensent 
que  les  vacuoles  sont  dues  à  la  dilataliondes  bronches.  Celles-ci  forment  à 
leur  extrémité  terminale  des  ampoules,  qui  refoulent  le  tissu  pulmo- 
naire et  viennent  se  mettre  en  contact  avec  la  plèvre.  Sur  la  coupe  elles 
ont  l'aspect  de  cavités  irrégulières,  pleines  de  pus.  Nous  n'avons  pas  à  re- 
venir sur  la  description  qui  a  été  donnée  déjà;  nous  voulons  seulement  si- 
gnaler à  propos  des  vacuoles  périphériques i  l'opinion  de  Hardy  et  Béhieret 
de  Léon  Le  Fort.  Pénétrés  de  l'idée  que  le  pus  contenu  dans  le  lobule  pro- 
venait des  bronches,  ces  auteurs  ont  admis  qu'il  finissait  par  dilater  le  lo- 
bule, par  refouler  les  parois  alvéolaires,  puis  de  proche  en  proche  les  parois 
de  la  bronche  lobulaire  elle-même,  qui  finissait  par  constituer  la  paroi 
de  la  vacuole.  À  part  ce  mécanisme  qui  ne  peut  plus  être  admis  aujour- 
d'hui, ces  auteurs  avaient  donc  rattaché  la  vacuole  à  sa  véritable  cause, 
la  dilatation  des  bronches. 

Enfin,  d'après  un  autre  mécanisme,  la  vacuole  se  formerait  suivant 
un  processus  aigu,  se  rapprochant  un  peu  de  celui  qui  préside  à  la  for- 
mation des  bulles  d'emphysème.  La  bronche  acineusc  enflammée,  et 
surtout  les  conduits  alvéolaires  cèdent  à  la  pression  des  exsudais  ou  bien 
se  dilatent  par  suite  de  l'inflammation  de  leurs  parois,  qui  deviennent 
lisses;  la  même  dilatation  se  produit  en  môme  temps  dans  la  cavité  de 
l'acinus  qui  est  rapidement  envahi  par  le  pus.  Ce  mécanisme  explique 
évidemment  d'une  manière  très-rationnelle  la  formation,  d'ailleurs  très- 
rare,  des  vacuoles  dans  les  cas  aigus  de  courte  durée.  Il  n'a  pas  encore 
subi  le  contrôle  de  l'analyse  histologique.  Lcgendre  et  Bailly  admettent 
encore  que  la  dilatation  du  lobule  par  le  pus  détermine  la  rupture  des 
vésicules.  La  vacuole  n'est  plus  limitée  que  par  la  plèvre.  On  voit,  en 
résumé,  que  le  nom  de  vacuole  a  élé  donné  à  toute  collection  purulente 
un  peu  abondante,  formée  dans  les  bronches  dilatées,  ou  dans  le  paren- 
chyme du  lobule.  Nous  devons  môme  ajouter  que  leur  description  se 
rapproche  beaucoup  de  celle  que  les  auteurs  ont  donnée  des  abcès  de  la 
broncho-pneumonie.  Ils  n'établissent  entre  ces  deux  lésions  qu'un  seul 
caractère  différentiel,  l'existence  ou  l'absence  de  communication  avec  les 
bronches.  Billiet  et  Barlhez  n'admettent  même  pas  cette  différence  :  ils 
ont  vu  les  bronches  tantôt  contournant  les  abcès,  tantôt  s'ouvrant  direc- 
tement dans  leur  cavité.  Ils  emploient  le  nom  de  vacuole  dans  leur  de- 
scription des  abcès  qu'ils  considèrent  comme  la  môme  lésion  à  des  degrés 


540  PNEUMONIE.  —  brokouo-pmedmohib.  —  anatomie  pathologique. 
dilïérents.  Dans  un  cas  d'abcès  sous-pleural  du  volume  d'un  œuf  de  pi- 
geon situé  au  milieu  d'un  tissu  induré,  et  paraissant  communiquer  avec 
une  bronche,  nous  avons  trouvé  la  cavité  tapissée  par  une  membrane 
lisse  et  épaisse,  que  l'examen  microscopique  montra  formée  par  du 
tissu  conjonclif  fibrillairc.  La  plèvre  épaissie,  recouverte  de  fibrine  était 
immédiatement  en  contact  avec  la  cavité.  Les  travées  interlobulaires  et 
interacineuses  voisines  étaient  très-épaissies.  Le  tissu  pulmonaire  montrait 
les  lésions  de  la  pneumonie  chronique,  infiltration  embryonnaire  des 
parois  alvéolaires,  dont  les  cavités  étaient  remplies  de  cellules  en  voie  de 
dégénérescence  graisseuse  et  de  cristaux  d'acides  gras. Ces  cavernes  d'ori- 
gine inflammatoire  sont  très-rares.  Barrier  a  vu  dans  deux  cas  les  abcès 
de  la  broncho-pneumonie  s'ouvrir  dans  la  plèvre  et  donner  lieu  au  pijo- 
pneumo  thorax.  Steffena  vu  aussi  cette  terminaison  dans  un  casa  la  suite 
de  la  rougeole.  Nous  avons  déjà  dit  que  ces  diverses  lésions  s'observent 
plutôt  quand  la  broncho-pneumonie  devient  subaiguë.  Cette  forme  suc- 
cède tantôt  à  la  broncho-pneumonie  aiguë,  de  même  que  la  broncho-pneu- 
monie chronique,  tantôt  elle  revêt  ses  caractères  propres  dès  le  début 
de  la  maladie. 

L'établissement  de  ces  lésions  à  évolution  lente  est,  suivant  nous,  un 
des  meilleurs  arguments  qu'on  puisse  opposer  à  ceux  qui  admettent,  avec 
Ziemssen,  Bartels,  Steiner,  Roger,  Wyss,  etc.,  la  caséificalion  comme 
mode  de  terminaison  de  la  broncho-pneumonie.  Cette  caséification  n'ap- 
partient qu'aux  broncho-pneumonies  tuberculeuses.  Elle  débute  aussi 
dans  le  nodule  péribronchique  ;  mais  l'étude  récente  de  ces  broncho- 
pneumonies tuberculeuses  à  marche  rapide  a  démontré  que  le  nodule 
présente  dès  le  début  une  constitution  élémentaire  spéciale,  différente  de 
celle  du  nodule  inflammatoire.  Ce  n'est  plus  une  agglomération  résultant 
de  la  desquamation  des  cellules  épithéliales,  de  l'exsudation  de  la  fibrine 
et  des  leucocytes;  c'est  une  véritable  néoplasie  embryonnaire,  dont  les 
éléments  subissent  une  série  d'évolutions  régressives  aboutissant  à  la  dégé- 
nérescence caséeuse  [Voy.  article  Phthisie,  tome  XXVH,  p.  252  et  sui- 
vantes). Suivant.  Charcot,  la  caséification  fait  défaut  même  dans  les  pneu- 
monies aiguës  survenues  chez  les  individus  tuberculeux  ou  disposés  à  le 
devenir;  si  la  maladie  se  prolonge,  elle  aboutit  à  la  cirrhose  du  poumon. 
Un  fait  que  nous  avons  observé  à  l'hôpital  Sainte-Eugénie  confirme  bien 
cette  manière  de  voir  :  une  petite  fille  de  trois  ans  succomba  dans  le 
service  de  Triboulet  à  une  broncho-pneumonie  datant  de  trois  mois  et 
consécutive  à  la  rougeole.  A  l'autopsie  on  trouva  l'un  des  poumons  car- 
nisé,  mais  sans  dégénérescence  caséeuse,  fait  d'autant  plus  à  noter  qu'on 
voyait  des  granulations  tuberculeuses  récentes  à  la  surface  des  séreuses 
et  principalement  de  la  plèvre  (Thèse  inaug.,  p.  75).  Nous  croyons  ce- 
pendant qu'il  faut  considérer  comme  rares,  même  ces  tuberculoses 
secondaires,  indépendantes  de  l'évolution  de  la  broncho-pneumonie. 

H.  Lésions  concomitantes.  —  Nous  rangeons  sous  cette  dénomina- 
tion diverses  lésions  d'inégale  importance  :  quelques-unes  sont  étroite- 
ment liées  à  l'évolution  de  la  broncho-pneumonie,  comme  la  congestion, 


PNEUMONIE.          DUOxNCUO-raEUMONIE.  —  anatomie  pathologique.  541 

qui  existe  déjà  en  tant  qu'élément  de  l'inflammation  broncho-pulmo- 
naire. D'autres,  moins  constantes,  doivent  être  considérées  comme  ac- 
cessoires et  comme  consécutives;  ce  sont  les  congestions  passives, 
V  œdème,  Yétat  fœtal,  Y  emphysème,  qui  résultent  de  la  stagnation  des 
mucosités  bronchiques  et  des  troubles  apportés  dans  le  mécanisme  de  la 
respiration.  D'autres,  enfin,  n'offrent  rien  de  spécial  à  la  broncho- 
pneumonie :  ce  sont  les  lésions  de  voisinage  atteignant  la  plèvre  et  les 
ganglions  bronchiques  et  les  lésions  des  organes. 

Congestion  pulmonaire.  —  La  congestion  occupe  une  grande  place 
dans  les  lésions  de  la  broncho-pneumonie  :  nous  l'avons  vue  inséparable 
de  deux  des  plus  importantes,  la  splénisation  et  l'état  fœtal.  Ce  n'est 
guère  qu'à  l'occasion  de  ce  dernier  qu'elle  se  développe  isolément  et  sans 
lésion  du  lobule  ;  elle  s'accompagne  ailleurs  de  la  desquamation  épithé- 
1  in  le ,  et  ce  n'est  que  dans  les  parties  périphériques  du  lobule  qu'on  peut 
la  rencontrer  encore  à  l'état  isolé.  Nous  l'avons  trouvée  plus  constante 
dans  le  système  bronchique,  où  l'on  voit  nettement  se  dessiner  à  l'exa- 
men microscopique  la  double  couronne  des  vaisseaux,  formée  à  la  partie 
externe  par  les  gros  troncs  parallèles  à  la  bronche,  et  à  la  partie  interne 
par  les  rameaux  qui  en  émergent  pour  se  rendre  dans  les  replis  de  la 
muqueuse  bronchique.  De  même  on  observe  dans  certains  cas  l'injection 
des  vaisseaux  alvéolaires  périacineux  et  périlobulaires. 

Ses  causes  sont  très-nombreuses  ;  nous  signalerons  d'abord  les  poussées 
congestives  qui  accompagnent  le  développement  de  la  broncho-pneumo- 
nie et  qui  modifient  si  fréquemment  les  signes  fournis  par  l'exploration 
physique.  Ces  congestions  actives  sont  difficilement  appréciables  à  l'au- 
topsie; mais  leur  mobilité,  si  grande  pendant  la  vie  et  dépendant  sans 
doute  des  troubles  de  l'innervation  vaso-motrice,  fait  comprendre  pourquoi 
on  ne  la  retrouve  plus  après  la  mort  dans  des  points  où  elle  avait  dû 
certainement  se  produire.  La  congestion  siège  surtout  aux  parties  posté- 
rieures des  poumons,  de  même  que  les  lésions  inflammatoires  ;  nous  ver- 
rons que  ce  siège  constant  est  en  rapport  avec  le  rôle  important  joué  par 
les  influences  mécaniques  dans  le  développement  de  la  broncho- 
pneumonie. Cette  congestion  est  donc,  en  grande  partie,  passive,  et 
subordonnée  à  l'hypostase.  Il  faut  cependant  tenir  compte  ici  d'une 
cause  importante  d'erreur  fournie  par  la  situation  que  l'on  donne 
habituellement  aux  cadavres,  et  par  suite  de  laquelle  les  parties  antérieu- 
res du  poumon  se  décongestionnent  au  profit  des  parties  postérieures. 
Une  autre  forme  de  congestion  passive  s'observe  dansl'état  fœtal,  et  est 
causée  par  l'abaissement  de  la  pression  de  l'air  dans  les  alvéoles  qui  ré- 
sulte de  l'obturation  bronchique. 

L'œdème  pulmonaire  accompagne  ces  congestions  à  des  degrés  divers  ; 
l'exsudation  séreuse  distend  les  alvéoles  et  contribue  à  donner  à  la  coupe 
du  poumon  cette  surface  plane  lisse,  caractéristique  de  la  splénisation.  11 
est  rare  d'observer  l'œdème  à  l'état  isolé. 

Etat  fœtal.  —  Celte  lésion,  comme  nous  l'avons  vu,  se  produit  sur- 
tout dans  le  système  bronchique  antérieur  ;  elle  occupe  aussi  une  place 


542    PNEUMONIE.  —  hiionciio-p!sëumoj<ie.  —  anatomie  pathologique. 

importante  dans  les  lésions  du  système  postérieur;  mais  là  elle  se  trouve 
mélangée  aux  lésions  inflammatoires.  Elle  a  reçu  aussi  les  noms  de 
carni/ication  (Kufz,  Hilliet  et  Bailliez),  d'aleleclasie,  de  pneumonie  mar- 
ginale, de  collapsus  pulmonaire,  d'apneumato sis.  Le  nom  d'étal  fœtal, 
donné  par  Legendre  et  Bailly,  a  prévalu  ,  comme  exprimant  le  mieux  les 
analogies  qui  existent  entre  celte  lésion  et  l'état  du  poumon  chez  les 
fœtus  qui  n'ont  pas  encore  respiré.  La  lésion  peut  être  limitée  à  un  seul 
lobule  ou  bien  elle  peut  en  occuper  plusieurs,  s'étendre  à  la  plus  grande 
partie  d'un  lobe,  ou  même  à  un  lobe  tout  entier.  Souvent  le  poumon  du 
côté  opposé  est  affecté  de  la  même  manière  symétriquement.  Elle  se 
montre  surtout  sur  les  bords  tranchants  sans  s'étendre  beaucoup  dans  la 
profondeur  du  poumon  (pneumonie  marginale  de  de  la  Berge).  Les  lo- 
bules atteints  sont  exactement  limités  par  les  espaces  interlobulaires  et 
sont  fortement  déprimés  au-dessous  du  niveau  général.  La  consistance 
rappelle  celle  de  la  chair  musculaire,  d'où  le  nom  de  carnificatien.  «  Le 
tissu  privé  d'air  ne  crépite  plus  à  la  pression.  Il  est  charnu,  compact, 
mais  souple,  flasque,  d'une  pesanteur  spécifique  plus  grande  que  celle  de 
l'eau,  ce  qui  le  fait  plonger  au  fond  de  ce  liquide.  On  dislingue  très  bien 
à  sa  surface  les  interstices  celluleux  qui  séparent  les  lohules.  Sa  couleur 
est  en  général  d'un  rouge  violet  ;  mais  elle  peut  devenir  noirâtre,  quand 
le  sang  qui  l'engorge  est  en  plus  grande  abondance.  La  coupe  est  lisse, 
uniforme,  nette.  On  distingue  parfaitement  la  texture  organique  et  les 
différents  éléments  qui  entrent  dans  la  composition  du  tissu.  Enfin,  l'in- 
sufflation fait  pénétrer  l'air  dans  toutes  les  vésicules  et  rend  facilement  à 
l'organe  ses  caractères  physiologiques.  »  Les  bronches  sont  remplies  par. Le 
muco-pus  ou  parles  fausses  membranes. Tels  sont  les  principaux  traits  de 
la  description  que  Legendre  et  Bailly  ont  donnée  de  cette  lésion,  descrip- 
tion à  laquelle  on  a  peu  ajouté  et  qui  est  restée  classique.  Laennec,  An- 
dral,  Louis,  Dugès,  Bufz,  etc.,  l'avaient  signalée  plus  ou  moins  nettement, 
sans  en  comprendre  la  nature. 

Beux  autres  états  du  poumon,  dont  l'un  peut  se  rencontrer  dans  la 
broncho-pneumonie,  doivent  être  immédiatement  rapprochés  de  l'état 
fœtal  :  c'est,  d'une  part,  l'atélectasie  des  nouveau-nés,  d'autre  part,  le  col- 
lapsus  pulmonaire  qui  succède  à  la  compression  du  poumon. 

L'atélectasie  des  nouveau-nés,  décrite  en  1852  par  Jœrg,  peut  être 
comparée  de  tous  points  à  la  lésion  qu'ont  faiteonnaître  Legendre  et  Bailly  : 
par  ses  caractères  physiques,  par  sa  nature,  par  ses  causes  mêmes,  elle  pré- 
sente avec  elle  la  plus  grande  analogie.  C'est  l'obstruction  bronchique  qui 
la  détermine  également ,  mais  le  catarrhe  bronchique  n'agit  ici,  joint  à  la 
(aiblcsse  des  mouvements  du  thorax,  qu'en  maintenant  l'affaissement 
des  alvéoles  pulmonaires  qui  existe  avant  la  naissance.  On  peut,  à  l'aide 
de  l'insufflation,  vaincre  l'obstacle  qui  s'oppose  à  la  respiration,  produire 
le  déplissement  des  alvéoles  cl,  par  conséquent,  faire  cesser  l'atélectasie. 
Celle-ci  représente  donc,  en  réalité,  un  état  congénital  dont  la  nécessité 
de  l'hématose  fait  une  lésion  au  moment  des  premiers  efforts  respiratoires. 

La  compression  des  poumons,  par  un  épanchement,  par  des  tumeurs, 


PNEUMONIE.  —  imoxcuo-PKBniiOMiB.  —  anatomie  pathologique.  545 

etc.,  amène  aussi  un  état  du  poumon  qui  présente  de  grandes  analogies  avec 
l'état  fœtal.  Elle  détermine  l'aplatissement  des  alvéoles,  le  resserrement 
du  parenchyme  qui  augmente  de  densité  et  de  consistance.  Mais  là  s'ar- 
rêtent les  analogies  en  ce  qui  concerne  L'aspect  extérieur  :  car  la  congestion, 
si  remarquable  dans  l'atélectasie  des  nouveau-nés  et  dans  l'état  fœtal, 
manque  habituellement  dans  le  collapsus  pulmonaire  qui  succède  à  la 
compression.  Le  poumon  peut  conserver  parfois  une  teinte  rouge  lorsque 
la  compression  n'est  pas  très-forte  ;  sinon  il  est  exsangue,  sec,  aminci, 
souvent  semblable  à  un  morceau  de  cuir.  Il  y  a  cependant  un  caractère 
qui  rapproche  le  collapsus  pulmonaire  de  l'état  fœtal,  et  qui  montre  que 
ces  deux  lésions  ne  diffèrent  que  par  la  congestion  :  c'est  le  rôle  indifférent 
qu'ils  jouent  par  rapport  aux  inflammations  du  parenchyme  pulmonaire. 
Celles-ci  ne  paraissent  nullement  influencées  dans  leur  marche  dans  les 
cas  de  compression  du  poumon.  Et  quant  à  l'état  fœtal,  nous  verrons  plus 
loin,  à  propos  des  discussions  soulevées  au  sujet  de  la  pathogénie  des 
lésions  broncho-pneumoniques,  qu'il  doit  être  considéré  comme  restant 
sans  influence  marquée  sur  leur  développement. 

L'analyse  histologique  donne  ici  fort  peu  de  résultats,  l'état  fœtal  n'é- 
tant qu'un  simple  affaissement  du  poumon.  Le  microscope  montre  les 
bronches  obstruées  par  des  leucocytes,  tandis  que  leurs  parois  sont  éga- 
lement infiltrées  par  les  mêmes  éléments.  Les  alvéoles  présentent  habi- 
tuellement un  tassement  remarquable,  surtout  au-dessous  de  la  plèvre,  où 
il  est  maintenu  et  exagéré  par  la  rétraction  de  cette  membrane.  Les  vais- 
seaux des  parois  alvéolaires  sont  distendus  par  le  sang  ;  on  ne  trouve  dans 
les  alvéoles  que  quelques  cellules  épithéliales  déformées  et  parfois  quelques 
leucocytes.  Il  y  a  certain  degré  d'œdème  ;  on  a  trouvé  dans  plusieurs  cas 
des  exsudais  albumineux  tantôt  dans  les  alvéoles,  tantôt  sous  la  plèvre 
et  dans  le  tissu  conjonctif  périlobulairc  (Gombault,  Balzer).  Dans  les  al- 
véoles, Kôestcra  vu  les  cellules  de  revêtement  modiliées  de  façon  à  prendre 
la  forme  cubique,  altération  qu'il  explique  par  la  compression  que  les  cel- 
lules subissent  par  suite  du  tassement  qui  déforme  le  proloplasma  et  le 
fait  refluer  vers  le  centre.  Il  faut  noter  aussi  l'état  des  espaces  lymphati- 
ques périlobulaires  et  périacincux,  qu'on  trouve  presque  toujours  dilatés 
et  remplis  de  leucocytes.  Cet  état  s'explique  d'ailleurs  par  les  lésions  in- 
flammatoires des  bronches  lobulaires  acineuses,  dont  les  gaines  lymphati- 
ques présentent  les  mûmes  lésions. 

Comme  on  le  voit,  l'état  fœlal  diffère  notablement  de  la  splénisation. 
En  réalité,  il  n'y  a  pas  d'altération  du  parenchyme  pulmonaire  dans  l'état 
fœtal.  Dans  la  splénisation,  l'accumulation  des  cellules  épithéliales  et  des 
leucocytes,  la  congestion,  se  produisent  en  vertu  d'un  processus  réelle- 
ment actif  :  elles  sont  dues  à  l'irritation  propagée  dans  toute  l'étendue 
de  l'arbre  bronchique,  et  qui  gagne  les  alvéoles;  l'état  fœtal,  au  contraire, 
est  une  lésion  passive,  qui  se  développe  sous  des  influences  mécaniques, 
nettement  démontrées  par  l'expérimentation,  et  auxquelles  sont  liés 
l'affaissement  pulmonaire,  la  congestion,  et  les  légères  altérations  alvéo- 
laires que  nous  avons  décrites. 


544       PNEUMONIE.    BRONCIIO-rNEUMOME.    ANATOMIE  PATHOLOGIQUE. 

Ce  sont  ces  influences  d'ordres  divers  que  nous  devons  maintenant  étudier, 
ainsi  que  leur  mode  d'action.  Le  principal  l'acteur,  qui,  à  lui  seul,  déter- 
mine la  production  de  l'état  fœtal,  c'est  l'obslruclion  bronchique; 
1'inllammation  de  la  bronche,  la  production  d'un  bouchon  formé  par 
les  produits  inflammatoires,  sont  les  conditions  nécessaires  du  déve- 
loppement de  l'état  fœtal.  Ce  fait  a  été  d'ailleurs  démontré  par  l'expéri- 
mentation, qui  a  prouvé  que  le  collapsus  pulmonaire  succède  à 
l'oblitération  des  bronches  par  des  corps  étrangers  (boulettes  de  sub- 
stances diverses).  Mendelssohn  et  Traubc  ont  ainsi  montré  l'impor- 
tance capitale  de  l'obstruction  bronchique  et  amoindri  le  rôle  des  autres 
éléments  pathogéniques  sur  le  jeu  desquels  est  basée  la  théorie  de 
Gairdner.  Cet  auteur  a  le  premier  expliqué  l'état  lœtal  par  l'altération 
des  bronebes,  mais  il  a  invoqué  de  plus  le  concours  d'un  autre  facteur  im- 
portant. Les  forces  expiratrices  l'emportent  d'un  tiers  environ  sur  les  forces 
inspiratrices  (Mendelssohn,  Hutchinson).  L'inspiration  refoule  les  muco- 
sités bronebiques  ;  celles-ci  forment  un  bouchon  qui,  repoussé  dans  des 
conduits  de  plus  en  plus  étroits,  en  amène  bientôt  l'obturation  complète. 
L'expiration,  au  contraire,  déplace  le  bouchon  de  façon  à  permettre  le 
passage  de  l'air  inspiré.  Sa  sortie  est  facilitée  encore  par  les  efforts  de  toux, 
et  peu  à  peu  les  alvéoles  reviennent  sur  eux-mêmes,  l'air  étant  expulsé 
et  non  remplacé. 

La  théorie  de  Gairdner  a  été  acceptée  par  tous  les  auteurs  ;  des  réserves 
ont  été  faites  cependant  au  sujet  de  la  manière  dont  le  poumon  se  vide 
d'air  derrière  le  bouchon.  Les  déplacements  successifs  de  celui-ci  à  cha- 
que mouvement  respiratoire  sont  difficiles  à  admettre,  et  on  a  pensé 
qu'une  fois  l'obturation  produite  l'air  emprisonné  pourrait  bien  être 
absorbé  par  le  poumon  (Vircbow,  Fuchs).  Nous  avons  admis  (th.  de  doc- 
torat, p.  45)  que  l'expulsion  de  l'air  contenu  dans  l'arbre  bronchique 
devait  être  progressive  comme  la  réplétion  de  celui-ci  par  les  produits  in- 
flammatoires. A  mesure  que  ceux-ci  deviennent  plus  abondants,  l'air  se 
raréfie  dans  le  lobule,  dont  les  alvéoles  ne  tardent  pas  à  s'affaisser. 
Cette  marche  est  évident  surtout  dans  la  diphtbérie  bronchique,  où  les 
mouvements  respiratoires  sont  évidemment  sans  influence,  à  cause  de 
l'immobilité  des  fausses  membranes  ;  le  vide  se  produit  dans  les  alvéoles,  à 
mesure  que  celles-ci  s'épaississent,  ou  progressent  dans  les  ramifications 
bronchiques. 

Dans  les  faits  cliniques,  il  faut  aussi  tenir  compte  des  troubles  de  la 
mécanique  respiratoire,  et  l'on  peut,  sous  ce  rapport,  rapprocher  l'atélec- 
tasie  de  la  broncho-pneumonie  de  celle  des  nouveau-nés  ;  elle  se  produit 
chez  ceux-ci  parce  que  le  jeu  des  mouvements  thoraciques  n'est  pas  assez 
puissant  pour  arriver  à  obtenir  le  déplissement  des  alvéoles  pulmonaires. 

L'enfant  atteint  de  broncho-pneumonie  se  trouve  placé  dans  des  conditions 
un  peu  analogues;  chez  lui,  le  jeu  du  thorax  est  exagéré,  mais  il  ne  s'ef- 
fectue qu'au  bénéfice  des  mouvements  d'inspiration;  en  réalité,  l'amplitude 
des  mouvements  thoraciques  est  diminuée,  et  leur  action  est  insuffisante, 
malgré  leur  apparente  énergie.  La  paralysie  des  muscles  trachco-bronchi- 


PNEUMONIE.  —  DHOJiCHO-PNEUMO.ME.  —  ANA.TOMIE  PATHOLOGIQUE.      5 15 

mies,  la  présence  des  produits  inflammatoires  à  la  surface  des  bronches, 
contribuent  encore  à  rendre  moins  active  la  circulation  de  l'air  dans 
le  poumon.  L'inlliicnce  de  ces  causes  secondaires  est  encore  favorisée  par 
les  conditions  spéciales  dans  lesquelles  s'effectue  normalement  la  respira- 
tion chez  l'enfant.  Suivant  Bartels,  les  côtes  et  les  cartilages  costaux,  plus 
flexibles  à  cet  âge,  se  dépriment  au  moment  de  l'inspiration,  surtout  quand 
il  y  a  dyspnée.  Au-dessous  de  la  cinquième  côte,  la  partie  inférieure  du 
sternum  et  les  cartilages  costaux  cèdent,  et  la  base  du  thorax  se  rétrécit. 
A  cette  dilatation  partielle  de  la  poitrine  correspond  une  dilatation  par- 
tielle du  poumon,  dont  la  partie  supérieure  seule  peut  prendre  de  l'ex- 
tension. En  conséquence,  l'inaction  relative  des  parties  postérieures  et 
inférieures  favorise  l'affaissement  pulmonaire  et  concourt  aux  effets  de 
l'obstruction  bronchique. 

Les  éléments  divers  que  nous  venons  de  signaler  ne  jouent  qu'un  rôle 
secondaire  dans  la  pathogénie  de  l'état  fœtal  ;  c'est,  comme  nous  l'avons 
dit,  l'obturation  bronchique  qui  en  est  le  facteur  indispensable,  et  les 
autres  causes  ne  font  qu'en  favoriser  le  développement  et  le  mode  d'ac- 
tion. Cependant,  à  propos  de  l'étude  des  phénomènes  consécutifs  à  l'ob- 
turation bronchique,  nous  devons  signaler  l'opinion  admise  par  Rilliet  et 
Barthez,  soutenue  plus  récemment  par  Damaschino,  et  en  vertu  de  la- 
quelle on  a  voulu  expliquer  la  production  de  certaines  atélcctasies  par  la 
congestion  pulmonaire.  Celle-ci,  en  se  répétant,  rétrécirait  peu  à  peu 
les  cavités  alvéolaires  et  finirait  par  en  chasser  l'air  en  amenant  l'acco- 
lement  de  leurs  parois.  Nous  ferons  remarquer,  tout  d'abord,  qu'en  l'ab- 
sence d'obstruction  bronchique  l'état  fœtal  ne  se  produit  pas  dans  les 
congestions  simples,  si  intenses  qu'elles  soient.  Malgré  les  expériences  in- 
voquées à  l'appui,  cette  théorie  n'est  rien  moins  que  démontrée  ;  de  plus, 
il  faut  remarquer  qu'elle  s'adresse  aux  lésions  des  parties  déclives,  dans 
lesquelles  il  est  le  plus  difficile  de  déterminer  la  part  qui  doit  être  attri- 
buée à  l'atélectasie,  à  l'hypostase  et  à  la  splénisation.  Malgré  les  analogies 
que  présente  l'aspect  extérieur,  l'état  fœtal  pur  est  rare  à  la  partie 

;  postérieure  des  poumons;  pour  notre  part,  nous  avons  toujours  vu  que 
les  lésions  qui  le  simulaient  devaient  être  rapportées  à  la  splénisation. 
Parmi  les  phénomènes  qui  accompagnent  l'obturation  bronchique,  la 

■  congestion  pulmonaire  doit  donc  être  considérée  comme  effet  et  non 
comme  cause.  Très-marquée  surtout  lorsque  l'atélectasie  est  très-étendue, 

i  elle  masque  le  retrait  du  parenchyme  pulmonaire  consécutif  ci  l'affaisse- 

i  ment  des  alvéoles,  et  s'oppose  ainsi,  dans  une  certaine  mesure,  à  l'amoin- 
drissement du  poumon.  Puissamment  attiré  dans  la  poitrine  par  le 
vide  qui  résulte  de  l'affaissement  des  alvéoles,  le  sang  vient  distendre 

I  les  vaisseaux  et  prendre  la  place  de  l'air  expulsé.  Cet  afflux  sanguin  est 
4'autant  plus  énergique,  que  la  cavité  thoracique  a  atteint  son  maximum 
d'ampliation. 

Cette  congestion  atteint  son  maximum  d'intensité  dans  les  cas  d'até- 
I  lectasie  lobaire  qui  peuvent  s'observer  dans  la  diphthérie.  Lorsque  l'até- 
ectasie  ne  porte  que  sur  quelques  lobules  marginaux,  les  parties  affais- 

NOUY.  DICT.  M  ÉD.  ET  CHIR.  XXVIII  —  33 


546     PNEUMONIE.  —  buonciio-i'kkumome.  —  anatomie  I'athologiquf. 

sces  présentent  simplement  une  coloration  lie  de  vin  ;  le  retrait  du 
poumon  est  alors  beaucoup  plus  marqué,  les  deux  feuillets  opposés  de 
l'enveloppe  pleurale  du  lobule  semblent  en  contact.  Souvent,  dans  ces  cas, 
l'cmpliysème  des^  lobules  voisins  comble  en  partie  le  vide  causé  par  l'af- 
faissement du  poumon.  Si  donc  nous  revenons  à  la  comparaison  rpie 
nous  faisions  plus  baut  entre  le  collapsus  pulmonaire,  l'atéleclasie  des 
nouveau-nés  et  l'état  fœtal,  nous  voyons  qu'il  y  a  analogie  à  peu  près 
complète  entre  ces  deux  derniers  états..  Le  collapsus  seul  ne  se  produit 
pas.  par  un  retrait  en  quelque  sorte  spontané  du  poumon,  mais  parce 
qu'un  épanebament  ou  une  cause  de  compression  quelconque  vient  aplatir 
les  alvéoles  et  déterminer  leur  accotement,  le  poumon  est  dès  lors  Le  plus 
souvent  anémié.  Mais  qu'on  vienne  à  le  décomprimer  subitement  à  l'aida 
d'une  tboraceiitèsc,  par  exemple,  si  Pair  ne  vient  pas  remplir  prompte! 
ment  les  alvéoles,  on  verra  aussitôt  se  produire  un  appel  considérable  de 
sang  dans  les  parties  décomprimées.  L'analogie  du  phénomène  est  ici 
complète,  avac  cette  différence  que  cette  congestion  trop  soudaine,  trop 
étendue,  amène  parfois  des  désordres  plus  considérables.  Au  lieu  d'une  lé- 
gère exsudation  albuinineuse  occupant  qxielques  alvéoles,  il  se  produit  une 
diffusion  énorme  d'e  liquide  aibumineux  qui  remplit  bientôt  les  bronches 
et  s'élimine  par  l'expectoration.  C'est  par  ces  congestions  brusques  qu'on 
ai  expliqué  la  syncope  et  la  mort  subite  qui  arrivent  dans  quelques  cas 
après  la  thoracenlèse.  Chez  l'enfant,  lorsque  le  contenu  bronchique 
obture  tout  à  coup  une  grosse  bronche,  les  troubles  subits  de  l'hématose 
et  de.  la  circulation  qui  en  résultent  peuvent  être  suivis  des  mêmes  acci- 
dents. Hutinel  nous  a  dit  avoir  observé  plusieurs  fois  ces  morts  subites 
chez  les  nouveau-nés. 

Pour  terminer  l'élude  de  l'état  fœtal;  il  nous  reste  à  examiner  le  rôle 
de  cette  lésion  dans  l'évolution  de  la  broncho-pneumonie.  Pour  Legendrc 
et  Bailly,  son  importance  est  prépondérante  :  s'ils  n'osent  pas  encore 
rejeter  tout  à  fait' la  pneumonie  lobulaire,  l'état  fœtal  n'en  est  pas  moins 
pour  eux  presque  toute  la  broncho-pneumonie,  et  ils  tendent  ainsi  à  sup- 
primer celle-ci  en  donnant  le  pas  à  l'élément  mécanique  sur  l'élément  in- 
flammatoire. Gairdner,.  Béhicr,  adoptent  les  mêmes  opinions  etles  exagè- 
rent encore.  Ziemssen  et  IWtcls,  adoptant  une  opinion  mixte,  ten- 
dent à  établir  une  filiation  directe  entre  l'atéleclasie  et  la  broncho-pneu- 
monie. Celle-ci  ne  serait  que  le  second  degré  d'un  processus  qui  aurait 
débuté  par  l'état  fœtal,  lequel  cesserait,  par  conséquent,  d'être  une  lé- 
sion purement  mécanique  et  rentrerait  dans  le  cadre  des  inflammations. 
Pbur.  eux,  tout  dépend  de  l'obturation  bronchique  ;  à  celle-ci  sucecdë 
la  congestion  du  lobule,  puis  consécutivement  son  inflammation,  l'état 
fœtal'  remplaçant  en  quelque  sorte  l'engouement  pulmonaire.  Mais  \1 
faut  remarquer  que  la  marche  de  la  pneumonie  dans  le  lobule  est  m 
contradiction  avec  cette  manière  de  voir.  D'abord  la  pnouiuonio  est 
loin  d'atteindre  toutes  les  parties  du  lobule  atélectasié;  le  plus  souvent, 
elle  se  localise  autour  de  La  bronche;  elle  offre  des  caractères  différents 
suivant  qu'on  examine  le  centre  ou  la  périphérie  du  lobule,  ce  n'est  point 


PNEUMONIE.    BRONCHO-PNEUMONIE.    ANATOMIE  PATHOLOGIQUE.  547 

une  hépatisation  compacte,  uniforme,  comparable  dans  le  lobule  à  celle 
qui  succède  dans  le  lobe  à  l'engouement  de  la  pneumonie  franche. 
La  théorie  de  Ziemssen  et  Bartels  est  ruinée  par  ce  seul  examen  des  lé- 
sions de  la  pneumonie  lobulaire  :  elles  sont  circonscrites,  elles  suivent  le 
trajet  des  bronches,  elles  ne  diffusent  dans  le  lobule  entier  que  dans  des 
conditions  déterminées  par  l'envahissement  progressif  des  bronchioles.  En 
un  mot,  l' inflammation  du  lobule  se  comporte  au  milieu  des  parties  até- 
lectasiécs  comme  dans  les  autres  régions  du  poumon.  L'état  fœtal  ne  se 
révèle  alors  que  par  la  congestion,  par  un  certain  degré  de  tassement  du 
tissu,  quelquefois  par  sa  persistance  à  l'état  isolé  dans  les  parties  voisines. 

En  somme,  si  son  rôle  est  un  peu  effacé  dans  l'évolution  générale  de 
la  broncho-pneumonie  proprement  dite,  il  constitue  cependant  une  des 
lésions  accessoires  les  plus  graves.  Il  est  funeste  en  supprimant  l'accès  de 
l'air  dans  des  portions  souvent  très-étendues  du  poumon.  Il  concourt 
ainsi  au  développement  rapide  de  l'asphyxie,  en  rétrécissant  plus  ou 
moins  brusquement  le  ebamp  de  l'hématose. 

Quant  à  sa  terminaison  ultérieure,  elle  peut  varier  de  deux  façons  diffé- 
rentes :  1°  l'inflammation  progresse  dans  les  bronches  et  envahit  les 
régions  affaissées,  la  broncho-pneumonie  se  substitue  à  l'état  fœtal;  2°  la 
restitutio  ad  integrum  s'opère,  vraisemblablement  de  la  même  manière 
que  dans  l'atélcctasie  des  nouveau-nés  parla  désobstruction  des  bronches, 
et  la  libre  rentrée  de  l'air  qui  vient  remplir  les  alvéoles  et  les  déconges- 
tionner. 

Emphysème.  —  A  côté  de  l'état  fœtal,  la  lésion  mécanique  la  plus 
importante  est  l'emphysème,  lequel  est  môme  beaucoup  plus  fréquent 
que  l'étal  fœtal,  car  sa  présence  est  la  règle  dans  toutes  les  autopsies.  II 
s'observe  sous  plusieurs  formes  isolées  ou  réunies,  et  dont  la  pathogénie 
semble  aujourd'hui  élucidée.  On  trouve  d'abord  l'emphysème  vésiculaire 
simple,  caractérisé  par  une  distension  générale  du  poumon  ressemblant 
à  une  espèce  de  vessie  insufflée  qui  conserve  son  aspect  à  l'ouverture  de 
la  poitrine.  Le  poumon  a  perdu  son  élasticité,  il  présente  une  couleur 
gris  rosé,  avec  la  légèreté  et  la  mollesse  caractéristiques.  Comme  nous 
l'avons  dit,  cette  lésion,  ainsi  que  l'état  fœtal,  siège  surtout  aux  lobes 
supérieurs  et  aux  bords  antérieurs.  Elle  succède  évidemment  à  la  dypsnée, 
aux  efforts  violents  et  répétés  qui  accompagnent  la  respiration.  La  disten- 
sion est  d'autant  plus  marquée  que  les  lésions  broncho-pneumoniques 
occupent  une  plus  grande  étendue  du  parenchyme.  La  pression  de  l'air 
s'exerçant  sur  une  plus  petite  surface  tend  nécessairement  à  l'agrandir, 
cl  la  dilatation  des  acini  se  trouve  bientôt  constituée.  L'emphysème  peut 
alors  être  dit  supplémentaire,  mais  ce  qualificatif  ne  doit  viser  que  l'aug- 
mentation de  la  surface  et  la  capacité  des  alvéoles,  sans  faire  sous-entendre 
«ne  amélioration  de  l'hématose,  car  il  est  loin  d'être  prouvé  que  le  pou- 
mon ainsi  dilaté  respire  mieux  que  dans  son  expansion  normale. 

Un  autre  emphysème  vésiculaire  beaucoup  moins  étendu  s'observe  aussi 
autour  des  noyaux  de  pneumonie  lobulaire  et  des  lobules  atélectasiés.  Il 
n'est  pas  rare  surtout  dans  ces  derniers  cas  de  voir  les  lobules  malades 


548    PNEUMONIE.  —  broncho-pneumonie.  _  anatomie  pathologique. 

surmontés  par  une  couronne  de  vésicules  pulmonaires  semblables  à  de 
petites  bulles  prêtes  à  se  rompre.  Le  mode  de  formation  de  cet  emphy- 
sème circonscrit  s'explique  par  le  mécanisme  que  nous  avons  indiqué,  et 
de  plus  par  la  nécessité  de  combler  le  vide  causé  par  l'affaissement  des 
lobules  (Gairdner). 

Très-souvent  ces  deux  variétés  d'emphysème  s'accompagnent  encore  de 
l'emphysème  interlobulaire.  De  grosses  bulles  soulèvent  la  plèvre  viscé- 
rale, écartent  les  lobules  et  dissèquent  ainsi  le  poumon  dans  une  assez 
grande  étendue.  Elles  forment  le  plus  souvent  des  traînées  qui,  partant 
des  bords  antérieurs,  où  elles  sont  le  plus  larges,  vont  se  terminer  en 
s'amincissant  vers  la  partie  externe  du  poumon.  Elles  présentent  parfois 
plus  d'un  centimètre  de  largeur,  et  peuvent  s'étendre  en  profondeur 
d'une  surface  d'un  poumon  à  l'autre.  L'écartement  des  lobules  est  surtout 
marqué  aux  points  où  ces  traînées  emphysémateuses  forment  des  con- 
fluents. Des  vaisseaux  et  des  tractus  de  tissu  conjonctif  sillonnent  la 
plèvre  soulevée  en  donnant  une  apparence  de  bulles  de  savon  agglomérées. 
On  peut  suivre  quelquefois  des  traînées  de  petites  bulles  qui  aboutissent 
à  une  couronne  de  vésicules  dilatées  circonscrivant  un  lobule  atélectasié 
ou  hépatisé.  Cet  emphysème  interlobulaire  s'observe  dans  toutes  les 
broncho-pneumonies,  mais  surtout  dans  celles  qui  succèdent  à  la 
dipbthérie  des  voies  aériennes  dont  elles  dépendent  beaucoup  plus  que 
des  lésions  pulmonaires. 

Lorsque  la  guérison  a  lieu,  il  est  probable  que  la  distension  des  alvéoles 
cède  assez  rapidement  et  que  le  poumon  reprend  son  volume  normal. 
On  peut  supposer  aussi  que  dans  les  cas  heureux  elles  n'atteignent  pas 
ces  proportions  énormes  et  que  l'élasticité  du  tissu  pulmonaire  n'est  pas 
complètement  détruite. 

Mais  dans  le  cas  contraire,  si  l'on  songe  à  la  ténacité  si  remarquable 
des  lésions  broncho-pneumoniques,  on  trouverait  sans  doute,  en  observant 
les  malades  pendant  un  certain  temps,  des  traces  de  cette  distension 
excessive.  Les  travaux  micrographiques  les  plus  récents  sur  l'emphysème 
démontrent  l'existence  de  lésions  assez  profondes  pour  qu'on  puisse  sup- 
poser que  leur  réparation  s'effectue  avec  difficulté. 

Pleurésie.  —  Du  côté  de  la  plèvre,  les  lésions  sont  peu  intenses,  à  moins 
de  complication  spéciale,  et  les  épanchements  abondants  sont  rares,  l'emphy- 
sème est  exceptionnel.  Dans  les  broncho-pneumonies  étendues  ou  de  date 
ancienne,  la  plèvre  se  recouvre  de  fausses  membranes  épaisses,  fibrinô- 
purulentes,  qui  peuvent  envelopper  une  grande  partie  du  poumon  tout  en 
s'étendant  sur  la  plèvre  pariétale.  Le  plus  souvent  on  ne  trouve  les  traces 
d'une  inflammation  qu'au  niveau  des  points  où  le  poumon  est  lui-même 
phlegmasié.  La  fausse  membrane  est  très-ténue,  se  détache  avec  facilité, 
souvent  tout  se  borne  à  un  léger  dépolissement  de  la  plèvre.  Cello-C) 
cependant  peut  être  atteinte  assez  profondément  dans  ces  cas  légers.  La 
phlegmasié  est  peu  intense  dans  la  couche  la  plus  superficielle  de  la 
plèvre,  mais  le  tissu  conjonctif  sous-pleural  qui  se  continue  directement 
avec  les  travées  périlobulaircs  et  périacineuses  et  forme  avec  elles  l'enve 


PNEUMONIE.    BHONCHO-Pi\EU510iNIE.    ANATOMIE  PATHOLOGIQUE.  549 

loppo  conjonctive  du  lobule  participe  aux  mêmes  altérations,  congestion 
des  vaisseaux,  exsudats  fibrino-purulents  dans  le  tissu  conjonctif  et  surtout 
dans  les  vaisseaux  lymphatiques.  Consécutivement,  la  couche  la  plus 
superficielle  de  la  plèvre  s'altère,  son  épithélium  disparaît,  une  exsuda- 
tion de  fibrine  et  de  globules  blancs  se  produit  à  sa  surface  et  dans  son 
épaisseur. 

Adénopalhie  trachéo-bronchique.  —  Les  lésions  des  ganglions  bron- 
chiques sont  très-variables  ;  tantôt  elles  sont  caractérisées  par  une  simple 
congestion,  tantôt  par  une  augmentation  de  volume  assez  considérable. 
La  suppuration  peut  être  considérée  comme  assez  rare.  On  a  dit  aussi 
que  ces  lésions  des  ganglions  bronchiques  pouvaient  persister  et  devenir 
le  point  de  départ  d'adénopathies  à  marche  chronique. 

Sang.  —  Organes.  —  Les  altérations  du  sang  dans  la  broncho-pneu- 
monie sont  admises  par  la  plupart  des  auteurs,  mais  elles  ont  été  peu 
étudiées  à  l'aide  des  méthodes  scientifiques  nouvelles.  Les  plus  constantes 
relèvent  de  l'asphyxie.  D'autres  sont  en  rapport  avec  les  causes  premières 
de  la  maladie  et  paraissent  jouer  un  rôle  important  dans  la  production  des 
hémorrhagies.  C'est  dans  la  rougeole  et  surtout  dans  la  diphthéric  qu'on 
peut  le  mieux  reconnaître  leur  influence. 

A  l'autopsie  des  sujets  morts  de  broncho-pneumonie,  on  trouve  en 
outre  le  cœur  et  principalement  le  cœur  droit  et  les  gros  troncs  veineux 
distendus  tantôt  par  des  caillots,  tantôt  par  un  sang  noir  et  liquide.  Il  est 
fréquent  d'observer  dans  le  cœur  droit  des  caillots  blancs,  polypiformes, 
très-adhérents,  qui  se  continuent  parfois  très-loin  dans  l'artère  pulmo- 
naire. Le  foie,  la  rate,  les  reins,  les  méninges  et  le  cerveau,  sont  con- 
gestionnés. 

Mais  à  part  cette  congestion  qui  résulte  de  l'asphyxie,  les  lésions  qu'on 
peut  rencontrer  dans  les  organes  (péricardites,  otites,  méningites,  etc..) 
ne  sont  point  habituellement  sous  la  dépendance  de  la  broncho-pneu- 
monie. Elles  sont  plus  souvent  consécutives  à  la  rougeole,  à  la  coque- 
luche, à  la  diphthérie,  etc.,  qui  ont  précédé  leur  développement.  Il  est 
cependant  assez  fréquent  de  la  voir  s'accompagner  d'entérite  pour  qu'on 
puisse  considérer  cette  complication  comme  liée  à  son  évolution  ordinaire. 

Complications.  —  Outre  les  abcès,  la  tuberculose  pulmonaire,  la 
pleurésie,  l'entérite,  l'entéro-colitc,  que  nous  avons  déjà  signalés,  il  nous 
reste  à  étudier  deux  complications  spéciales  importantes  :  la  gangrène 
pulmonaire  et  les  hémorrhagies  pulmonaires. 

La  gangrène  pulmonaire  est  rare  chez  l'enfant,  elle  est  toujours  secon- 
daire, et  la  broncho-pneumonie  est  considérée  comme  une  de  ses  causes  les 
plus  fréquentes  (Boudet,  Rilliet  et  Barthez,  Barrier,  Damaschino,  Steiner). 
C'est  dans  la  rougeole  et  dans  la  fièvre  typhoïde  qu'elle  se  développe  le 
plus  fréquemment.  Suivant  Rilliet  et  Barthez  et  Steiner,  les  foyers  sont 
plus  souvent  centraux  que  périphériques  ;  nous  avons  pu  vérifier  cette 
assertion  dans  un  cas  qui  nous  a  été  communiqué  par  Carrié,  alors 
interne  de  Bergeron.  La  gangrène  s'était  déclarée  à  la  suite  d'un 
noma  développé  chez  une  petite  fille  convalescente  de  rougeole.  Dans  la 


550     PNL\UMOi\IK.  —  iuiokciio-pnkumù.me.  —  asatouie  pathologique. 

majorité  des  cas,  les  choses  se  passent  ainsi;  plus  rarement  Ja  bronrho- 
pneumonie  se  complique  spontanément  de  gangrène.  Hillict  et  Barthez, 
Dainasehino,  en  ont  signalé  cependant  des  cas  à  la  suite  de  la  rougeole. 
Boudct  pense  qu'il  faut  incriminer  les  causes  générales,  l'affaiblissement, 
l'altération  du  sang,  etc.  C'est,  en  effet,  à  la  suite  de  la  rougeole  et  de  la 
lièvre  typhoïde  que  la  broncho-pneumonie  se  complique  ordinairement  de 
gangrène.  Mais  il  faut  remarquer,  et  les  observations  de  Boudet  à  cet  égard 
sont  bien  démonslratives,  que  la  gangrène  pulmonaire  est  souvent  consé- 
cutive à  une  autre  gangrène  soit  de  la  bouche,  soit  du  pharynx.  Des  dé- 
tritus gangreneux  sont  entraînés  par  la  respiration  dans  les  voies  aérien- 
nes et  vont  déterminer  la  production  de  nouveaux  foyers  de  sphacèle  au 
centre  des  noyaux  de  broncho-pneumonie.  La  gangrène  se  présente  alors 
sous  l'aspect  de  zones  verdàtres  ou  noirâtres,  enlournant  les  bronches 
dilatées.  A  un  degré  plus  avancé,  il  peut  se  former  dans  le  voisinage  des 
foyers  de  suppuration,  et  plus  lard  une  excavation  gangreneuse  (Rilliet 
et  Barthez,  Wyss).  La  rupture  de  la  plèvre  et  la  formation  d'un  pyopneu- 
mo-thorax  ont  été  observées.  11  n'est  pas  rare  de  •voir  des  foyers  hémorrha- 
giques  dans  le  voisinage  des  lobules  sphacélés.  11  faut  ajouter  que  la 
gangrène  peut  compliquer  également  la  broncho-pneumonie  chez  le  nou- 
veau-né et  chez  le  vieillard. 

Les  liémorrhagies  pulmonaires  sont  assez  fréquentes  dans  la  broncho- 
pneumonie, et  surtout  dans  celle  qui  complique  la  diphthérie  laryngo- 
bronchique.  Millard,  Peter,  les  ont  signalées  ;  Bouchut  et  Labadie 
Lagrave  les  ont  rattachées  aux  apoplexies  pulmonaires  d'origine  emboli- 
que,  en  les  considérant  comme  causées  par  l'endocardite  diphtliérilique. 
Sanné  les  a  observées  dix-huit  fois  et  les  attribue  à  l'asphyxie  et  à  l'infection , 
celle-ci  étant  admise  à  titre  de  cause  prédisposante  et  favorisant  les 
liémorrhagies  dans  le  poumon,  au  même  titre  que  dans  les  autres  parties 
de  l'organisme,  parles  modifications  de  la  composition  du  sang.  Nous  en 
avons  signalé  neuf  cas  dans  notre  travail  sur  les  liémorrhagies  pulmonaires 
dans  la  broncho-pneumonie  (Bull,  delà  Soc.  an.,  1878,  p.  269).  Parrot 
signale  50  cas  d'hémorrhagies  sous-pleurales  dans  la  rougeole,  14  dans 
la  diphthérie,  0  dans  la  syphilis  héréditaire.  Ces  liémorrhagies  siègent 
presque  toujours  aux  parties  postérieures  et  inférieures  des  poumons, 
où  les  noyaux  recouverts  par  la  plèvre  ont  l'aspect  d'une  masse  noire  et 
indurée.  Leur  nombre  est  variable  ;  on  peut  n'en  trouver  qu'un  seul, 
mais  quelquefois  le  parenchyme  pulmonaire  en  est,  pour  ainsi  dire, 
criblé.  Tantôt  les  noyaux  hémorrhagiques  sont  bien  limités  et  simulent 
tout  à  fait  l'infarctus  d'origine  embolique  ;  tantôt  le  sang  se  répand 
dans  les  lobules  voisins  d'une  manière  irrégulière  (apoplexies  lobulaires 
corticales).  Sur  la  coupe  des  noyaux,  on  distingue  fréquemment  des 
traînées  grisâtres  qui  se  détachent  sur  le  fond  noir  de  répanchcmeiH 
sanguin.  Dans  ces  foyers  hémorrhagiques,  l'examen  hislologique  montre 
une  disposition  toute  spéciale  du  sang  épanché  ;  il  circonscrit  les  nodules 
péribronchiques,  les  déforme,  sans  jamais  les  pénétrer  entièrement.  Au 
contraire,  il  se  répand  à  la  périphérie,  dans  la  zone  de  splénisation,  et 


PNEUMONIE.    BïlOÎJr.HO-PNEUMOME.    —   ANATOMIE   PATHOLOGIQUE.  551 

pénètre  parfois  jusque  dans  les  espaces  lymphatiques  quelquefois  remplis 
de  globules  sanguins.  Ainsi  le  nodule  péribronchique  ret  par  suite  la 
bronche  ne  sont  pas  envahis  par  le  sang,  fait  qui  établit  une  différence 
importante  entre  ces  hérnorrhagies  et  celles  qui  succèdent  aux  embolies. 
Il  en  résulte  que  ces  hérnorrhagies,  malgré  leur  étendue  parfois  assez 
considérable,  ne  se  traduisent  par  aucun  phénomène  appréciable.  Sanné 
n'a  jamais  constaté  d'autres  symptômes  que  la  dyspnée  et  les  râles  de. 
la  broncho  pneumonie;  il  n'y  a  jamais  d'expectoration  sanguinolente. 

Cette  forme  d'hémorrhagic  est  la  plus  importante,  mais  non  la  plus 
commune  :  les  petits  foyers  sous-pleuraux  s'observent,  pour  ainsi  dire, 
dans  tous  les  cas  de  broncho-pneumonie  aiguë,  ils  sont  produits  tantôt 
par  la  rupture  des  vaisseaux  propres  de  la  plèvre,  tantôt  par  celle  des 
alvéoles  voisins.  Le  sang  se  répand  sous  la  plèvre,  en  dissociant  lé  tissu 
conjonctivo-élastique,  et  forme  ainsi  des  amas  ordinairement  peu  étendus. 
Ajoutons  enfin  que  bon  /nombre  d'hémorrhagies  intra-pulmonaires  peu 
étendues  passent  inaperçues  aux  autopsies;  il  est  souvent  très-difficile  de 
distinguer  un  noyau  très-congestionné  de  pneumonie-lobulaire  d'un  foyer 
apoplectique.  L'examen  microscopique  révèle  souvent  l'existence  de  petits 
épanchements  qui  avaient  passé  inaperçus  à  l'examen  microscopique.  La 
pathogénie  des 'hérnorrhagies  en  foyer  nous  parait  liée  à  l'évolution  même 
de  la  broncho-pneumonie.  Comme  nous  l'avons  vu,  la  bronche  et  les 
canaux  alvéolaires  sont  obstrues  par  les  produits  inflammatoires  ;  il  seipro- 
duit  une  congestion  très-vive  des  parties  splénisées,  résultat  de  l'absence 
d'air  dans  les  alvéoles.  Dans  les'broncho-pneumonies  catarrhales,  dans  la 
rougeole,  ces  congestions  sontsouvent  assez  intenses  pour  causer  à  elles 
seules  Lhémorrhagie.  Celle-ci  se  produit  encore  d'une  façon  plus  sûre  et 
plus  fréquente  dans  les  hroncho-pneumonies  diphlliéritiques,  où  la  lésion 
pulmonaire  présente  une  plus  grande  gravité,  non-sculomcnt  à  cause  des 
efforts  que  nécessite  la  gêne  respiratoire,  mais  aussi  à  cause  des  modifi- 
cations du  sang  qui  succèdent  à  l'infection  générale.  Il  faut  ajouter  à  cela 
l'influence  prépondérante  de  l'hypostase  démontrée  par  ce  fait  que  les 
hérnorrhagies  se  font  presque  toujours  dans  le  système  bronchique  posté- 
rieur. Que  deviennent  ces  foyers  hémorrhagiques?  Si  le  malade  survit 
quelque  temps  à  la  production  de  cet  accident,  l'inflammation  lobulaire 
oonlinuc  son  évolution,  le  nodule  péribronchique  s'accroît,  le  centre  du 
noyau  devient  grisâtre,  purulent,  comme  l'ont  observé  Bouchut,  d'Espine 
et  Picot.  Cet  état  qu'ils  ont  attribué  ù  la  suppuration  du  foyer  n'est  que  la 
suite  de  l'évolution  ordinaire  du  nodule  péribronchique.  C'est  le  seul  mode 
de  terminaison  que  nous  connaissions  pour  ces  foyers  hémorrhagiques; 
ils  se  développent  toujours  dans  des  circonstances  tellement  gravesqu'on 
ne  peut  avoir  l'occasion  de  savoir  les  transformations  régressives  qu'ils 
peuvent  suhir,  mais  qu'on  est  en  droit  de  croire  semblables  à  celles  qui 
s  observent  dans  les  autres  hérnorrhagies  pulmonaires. 

Formes  de  la  broncho-pneumonie .  —  Nous  avons  déjà  vu  que  la  bron- 
cho-pneumonie reçoit  des  appellations  spéciales  en  rapport  avec  le  siège, 
le  nombre,  la  composition  élémentaire  dos  noyaux  de  pneumonie  (lobulaire, 


552     PNEUMONIE.  —  wionciio-pneujionie-  —  anatomie  pathologique. 

disséminée,  tabulaire  généralisée,  pscndo-lohaire).  Certaines  lésions 
peuvent  prédominer  dans  les  formes  aiguës  :  ainsi  la  congestion  pulmo- 
naire et  la  bronchite  tiennent  la  plus  grande  place  dans  les  cas  qui  cor- 
respondent au  type  désigné  par  les  auteurs  sous  le  nom  de  catarrhe  suf- 
focant et  bronchite  capillaire. 

Dans  d'autres  cas,  ce  sont  les  lésions  du  tissu  conjonclif  et  surtout 
celles  des  lymphatiques  qui  sont  exagérées  au  point  que  les  lobules  sont 
séparés  par  de  larges  lignes  d'un  blanc  verdàlre  ou  gélatiniforme  (Kind- 
lleisch).  Les  lobules  présentent  diverses  lésions:  ils  sont  rouges,  jaunes, 
quelquefois  légèrement  granuleux;  les  alvéoles  peuvent  être  remplis  de 
fibrine  (Charcot).  On  est  surtout  frappé  de  la  présence  de  longs  filaments 
blanchâtres  que  l'on  peut  extraire  des  travées  conjonctives  interlobulaires 
et  qui  sont  constitués  par  de  la  fibrine  et  des  globules  blancs.  Au  reste, 
l'accumulation  de  ces  éléments  se  produit  en  même  temps  dans  le  tissu 
conjonctif  au  milieu  duquel  sont  plongés  les  lymphatiques.  Un  exemple 
remarquable  de  cette  lésion  est  figuré  dans  l'atlas  de  Lebert;  Charcot 
en  cite  un  autre  cas,  observé  par  Hanoi  dans  le  service  de  Lasègue,  chez 
un  malade  atteint  de  fièvre  typhoïde.  Cette  maladie  paraît  favoriser 
tout  spécialement  le  développement  de  cette  forme  de  broncho-pneumonie 
qui  paraît  appartenir  habituellementau  groupe  pseudo-lobairc.  Quelquefois 
une  véritable  suppuration  interlobulaire  se  produit.  Cette  forme  a  été 
décrite  sous  les  divers  noms  de  pneumonie  ulcéreuse,  nécrose  ou  gan- 
grène sèche  du  poumon,  pneumonie  disséquante  (Lebert,  Rayer,  Gri- 
solle). Plusieurs  cas  en  ont  été  publiés  par  Stokes,  Hodgkin,  Rokitansky. 
Cette  pneumonie  disséquante  ressemble  par  beaucoup  de  traits  à  la  pneu- 
monie épizootique  du  gros  bétail,  dans  laquelle  il  est  fréquent  de  voir 
aussi  les  lobules  disséqués  flottants  dans  le  pus.  11  faut  reconnaître  cepen- 
dant que  parmi  les  faits  qui  ont  été  cités  tous  ne  peuvent  pas  être  ratta- 
chés à  la  broncho-pneumonie.  Quelquefois,  en  effet,  ces  pneumonies  dissé- 
quantes se  produisent  autour  de  foyers  caséeux,  d'ilôts  de  pneumonie 
interstitielle  chronique,  d'infarctus  ou  de  noyaux  de  gangrène  circonscrite. 
Dans  d'aulres  cas  l'évolution  insidieuse  des  accidents  et  les  caractères  des 
altérations  anatomiques  autorisent  à  conclure  plutôt  à  une  broncho-pneu- 
monie (Obs.  de  Pitres,  in  thèse  de  Massonnié,  1876).  Us  s'observent 
le  plus  habiluellement  chez  les  individus  âgés,  débilités  par  l'alcoolisme, 
par  des  travaux  excessifs  ou  des  maladies  chroniques.  Le  diagnostic  est 
toujours  fort  obscur  et  le  pronostic  très-grave. 

La  marche  de  la  broncho-pneumonie  modilie  d'une  manière  bien  autre- 
ment importante  le  développement  des  lésions.  Nous  les  avons  étudiées 
dans  la  broncho-pneumonie  aiguë  où  elles  sont  surtout  caractérisées  par 
l'exsudation  et  par  l'irritation  épithéliale.  Dans  la  forme  subaiguë,  l'exsuda- 
tion est  remplacée  par  l'infiltration  de  cellules  embryonnaires  qui  aiuèufc 
des  lésions  destructives,  la  dilatation  des  bronches,  les  vacuoles,  etc.  Les 
lésions  du  parenchyme  tabulaire  sont  également  modifiées,  le  tissu 
s'indure,  change  de  coloration,  prend  l'aspect  désigné  sous  le  nom  de 
carnisation,  à  cause  de  son  analogie  avec  la  chair  musculaire.  Enfin,  lorsque 


PNEUMONIE.  —  BnoNcuo-PNEUMOiME.  —  axatojiie  pathologique.  553 

la  maladie  passe  à  l'état  chronique,  la  sclérose  s'établit  et  aboutit  à  la 
rélraction  cicatricielle  et  à  l'atrophie  du  poumon. 

Nous  insistons  plus  loin  à  propos  de  l'étude  des  causes  sur  la  manière 
dont  elles  peuvent  modifier  la  forme  et  la  marche  de  la  broncho-pneumo- 
nie. Après  l'avoir  envisagée  d'une  façon  plus  spéciale  chez  l'enfant,  il 
nous  reste  à  étudier  ici  les  aspects  qu'elle  présente  aux  autres  âges:  chez 
le  nouveau-né,  l'adulte  et  le  vieillard. 

Les  auteurs  sont  en  désaccord  au  sujet  de  la  pneumonie  des  nouveau- 
nés.  Billard  la  considérait  comme  lobulaire  et  Bouchut  a  émis  la 
même  opinion.  Au  contraire,  Dugès,  Barrier,  Trousseau,  Valleix, 
décrivent  une  pneumonie  lobaire.  Mais  il  faut  reconnaître  que  celte 
interprétation  ne  résulte  pas  des  caractères  qu'ils  ont  attribués  à  cette 
pneumonie.  C'est  ainsi  que  Valleix  dit  que  Y  aspect  du  tissu  n'est  pas 
granulé;  il  est  lisse,  ressemble  à  du  marbre  poli,  présente  une  couleur 
lie  de  vin,  est  peu  friable.  Sur  128  cas  qu'il  a  observés,  la  pneumonie 
était  double  111  fois,  20  fois  seulement  au  sommet  ;  dans  les  autres  cas, 
les  foyers  étaient  disséminés  dans  toute  l'étendue  des  poumons.  Ne  sont- 
ce  pas  là  les  principaux  caractères  de  la  broncho-pneumonie?  Elle  revêt 
le  plus  souvent  la  forme  pseudo-lobaire  et  s'accompagne  très-fréquem- 
ment d'atélectasie,  bien  décrite  chez  les  nouveau-nés  par  Dugès.  Sur 
65  enfants  âgés  de  moins  d'un  an,  Steffen  a  constaté  que  la  pneu- 
monie affecte  ordinairement  la  forme  d'une  bande  (Streifenpneu- 
monie),  indurée  et  congestionnée,  qui  occupe  la  face  postérieure  des  pou- 
mons, tantôt  seulement  dans  le  lobe  inférieur,  tantôt  depuis  le  sommet 
jusqu'à  la  base.  Cette  pneumonie  s'accompagne  de  bronchite  et  de  péri- 
bronchite,  d'atélectasie,  d'emphysème,  de  lésions  intestitielles  qui 
ont  abouti  à  la  cirrhose  dans  quelques  cas  rares.  D'après  Parrot, 
que  nous  avons  consulté  sur  ce  sujet ,  bon  nombre  de  cas  diffèrent  de  la 
broncho-pneumonie  et  de  la  pneumonie  ordinaires,  par  leur  marche 
rapide,  par  leur  tendance  aux  hémorrhagies,  à  la  formation  de  foyers  de 
suppuration  et  de  ramollissement  dans  le  poumon.  D'autres  cas  sont 
mal  caractérisés  à  cause  de  leur  mélange  avec  les  lésions  de  la  tubercu- 
lose et  même  de  la  syphilis  congénitale  qui  intervient  assez  fréquem- 
ment (Steffen,  7  cas).  Ces  catégories  diverses  doivent  être  mieux  con- 
nues et  mieux  séparées  de  la  broncho-pneumonie  avant  qu'on  puisse 
faire  son  histoire  complète  chez  les  nouveau-nés.  Quelques  examens  mi- 
croscopiques ont  été  faits  cependant  dans  le  laboratoire  de  Charcot  et 
ont  révélé  l'existence  de  lésions  semblables  à  celles  que  nous  avons  décrites 
chez  les  enfants  plus  âgés. 

Lorsqu'on  lit  les  descriptions  de  la  bronchite  capillaire  chez  V adulte, 
faites  par  Fauvel,  Valleix,  Hardy  et  Béhicr,  Gintrac,  Blachez,  etc.,  il 
devient  évident  qu'on  n'a  pas  pu  établir  une  distinction  entre  cette  mala- 
die et  la  broncho-pneumonie.  Les  observations  de  Fauvel,  Valleix,  Cham- 
berl,  Colin,  etc.,  montrent  que  les  lésions  intra-lobulaires  se  produisent 
toujours  quand  l'inflammation  atteint  les  bronchioles  intra-lobulaires. 
L'absence  de  granulations  purulentes,  de  vacuoles,  donnée  par  Blachez 


554     PNEUMONIE.  —  ihionciio-pneumonik.  —  anatome  pathologique. 

comme  un  caractère  distinctif,  ne  peut  avoir  celte  signification,  car  elles 
appartiennent  à  la  broncho-pneumonie  déjà  ancienne.  Avant  qu'elles 
apparaissent,  les  lésions  péribronchiques  et  la  splénisation  existent  depuis 
longtemps,  et  plusieurs  fois  chez  l'enfant,  l'examen  microscopique  nous 
les  a  montrées  dans  des  points  où  l'examen  à  l'œil  nu  ne  révélait  qu'un 
peu  de  congestion.  Les  lésions  macroscopiques  sont  ordinairement  moins 
accentuées  chez  l'adulte  que  chez  l'enfant,  l'atélcctasie  se  produit  plus 
rarement,  les  congestions  sont  moins  inlenses  dans  le  parenchyme  pulmo- 
naire, la  pneumonie  lobulairc  en  partie  masquée  par  l'emphysème  com- 
pensateur est  moins  apparente.  De  là,  dans  certains  cas,  une  incertitude 
que  les  analyses  histologiques  ne  larderont  pas  à  faire  cesser.  La  broncho- 
pneumonie d'ailleur  s  est  rare  chez  l'adulte  et  nous  n'avons  pas  pu  trouver 
l'occasion  d'en  faire  l'examen  microscopique.  Nous  nous  bornerons  à 
rappeler  qu'elle  apparaît  en  dehors  des  épidémies,  surtout  chez  les  indi- 
vidus atteints  de  bronchites  chroniques,  d'emphysème.  Elle  peut  aussi 
reconnaître  les  mêmes  causes  que  chezTenfant;  la  débilitation  générale, 
la  perte  de  la  tonicité  des  muscles  bronchiques,  amènent  la  stagnation  des 
sécrétions  bronchiques  et  jouent  un  très-grand  rôle  dans  sa  production. 

La  broncho-pneumonie  des  vieillards  a  été  également  confondue  dans 
les  descriptions  des  auteurs  avec  la  pneumonie  lobaire.  Sous  les  noms 
iïhépatisalion  non  granulée,  de  pneumonie  inlervésiculaire ,  llouimann 
et  Dechambre  l'ont  opposée  à  h  pneumonie  ve'siculaire  et  granulée;  ils 
lui  donnent  aussi  le  nom  de  pneumonie planiforme  correspondant  à  hsplé- 
nisalion  que  nous  avons  décrite.  Le  parenchyme  pulmonaire,  disent-ils, 
est  élastique,  d'une  couleur  foncée,  souvent  d'un  bleu  d'azur  ou  parfois 
noirâtre  ;  il  offre  une  coupe  homogène  d'un  poli  remarquable,  à  la  sur- 
face de  laquelle  on  distingue  des  traînées  grisâtres.  Le  poumon  se 
laisse  insuffler  (Roccas).  Il  présente  souvent  un  aspect  granitique,  et, 
quant  on  fait  couler  un  filet  d'eau  à  la  surface  de  la  coupe,  on  distingue 
mieux  encore  l'isolement  et  la  dissémination  des  noyaux  de  pneumonie 
(Charlton).  Les  bronches  sont  rouges,  épaissies  et  boursouflées  (Hour- 
maun,  Dechambre,  Prus,  Durand  Fardel,  etc.).  Les  examens  microsco- 
piques ont  montré  les  mêmes  lésions  que  dans  les  broncho-pneumonies 
des  enfants  (Charcot).  Cependant  la  présence  de  la  fibrine  a  paru  moins 
constante  dans  le  nodule  péribronebique  ;  c'est  l'exsudation  leucocylique 
qui  prédomine.  L'atélectasie  fait  défaut  ;  mais  les  autres  lésions  acces- 
soires, la  congestion  hypostalique  (pneumonie  œdémateuse  de  Cruveilhier, 
hypostatique  de  Durand-Fardel),  l'emphysème,  se  rencontrent  à  un 
haut  degré.  Quelquefois  il  y  a  des  noyaux  d'apoplexie  pulmonaire  (Prus). 
Ces  dans  ces  broncho-pneumonies  des  vieillards  qu'il  est  fréquent  de  voir 
des  vacuoles  volumineuses  produites  par  l'accumulation  du  pus  dans  les 
alvéoles  emphysémateux.  La  broncho-pneumonie  peutsuivre  d'ailleurs  son 
évolution  ordinaire,  aboutir  dans  les  cas  subaigus  à  la  suppuration  et  à 
la  destruction  des  lobules  avec  ulcération  et  dilatation  des  bronches, 
et  épaississement  considérable  des  travées  conjonctives. 

Nous  croyons  avec  notre  excellent  maître,  le  professeur  Lépine,  qu'il 


PNEUMONIE.    BRONCIIO-PiNEBMOiME.    SYMPTOMATOLOGIE.  555- 


existe  des  pneumonies  qu'on  ne  peut  classer  ni  dans  les  pneumonies 
fibrineuses  ni  dans  les  broncho-pneumonies.  C'est  une  variété  qu'il  fau- 
drait étudier  à  pari,  et  qui  se  rapproche  surtout  par  ses  caractères  ma- 
croscopiques des  formes   pscudo-lobaircs  de  la  broncho-pneumonie. 
Celles-ci,  croyons-nous,  pourront  toujours  en  être  distinguées  à  la  pré- 
dominance des  lésions  inflammatoires  autour  de  la  bronche.  Le  cas  rap- 
porté à  la  page  G8  de  notre  thèse  inaugurale  nous  parait  devoir  être  rap- 
proché de  celui  de  Liébel  et  Heiller  auquel  Lépine  fait  allusion.  Un 
jeune  homme  épuisé  par  des  travaux  excessifs  entra  dans  le  service  de 
Granchcr  avec  tous  les  signes  d'une  pneumonie  droite  datant  déjà  de 
quatre  ou  cinq  jours.  11  succomba  avec  des  signes  d'asphyxie  progressive, 
bien  que  tous  les  symptômes  de  la  pneumonie  eussent  disparu.  En  effet, 
;  à  l'autopsie  le  poumon  droit  était  simplement  congestionné,  souple  et 
i  crépitant,  mais  le  poumon  gauche  était  envahi  par  une  pneumonie  secon- 
i  daire  occupant  toute  la  base,  remarquable  par  sa  coloration  bleuâtre  à 
I  l'extérieur,  et  sa  surface  lisse  sur  la  coupe.  L'examen  microscopique 
i  montra  que  les  lésions  inflammatoires  étaient  dispersées  dans  tout  le 
I  lobule  sans  localisation  spéciale.  On  ne  voyait  guère  qu'une  légère 
i  desquamation  épitliéliale  dans  les  alvéoles  et  surtout  une  congestion 
i  intense.  Evidemment  c'est  là  une  forme  de  pneumonie  spéciale,  indépen- 
i  dante  de  la  pneumonie  lobaire  commune  et  de  la  broncho-pneumonie  et 
qui,  suivant  Grancher,  devait  vraisemblablement  ce  caractère  à  l'épui- 
;  sèment  complet  du  malade  chez  lequel  elle  s'était  développée.  Ces  tvpes 
i  intermédiaires  doivent  être  classés  à  part,  si  l'on  veut  éviter  la  confusion. 

Symptomatologie.  —  Tous  les  auteurs  s'accordent  pour  faire  re- 
i  marquer  l'obscurité  qui  entoure  le  début  de  la  broncho-pneumonie  chez 
i  l'enfant.  D'une  manière  générale,  celle-ci  se  >i.  adoppe  insidieusement,  et 
(.c'est  souvent  par  des  troubles  fonctionnels  et  par  les  symptômes  généraux 
i  que  l'on  est  averti  de  son  apparition  plutôt  que  par  les  renseignements 
f  fournis  par  l'exploration  de  la  poitrine.  Dans  la  majorité  des  cas,  la 
I  propagation  de  l'inflammation  des  bronches  au  lobule  se  fait  en  plusieurs 
1  points  disséminés  dans  les  deux  poumons  :  les  symptômes  spéciaux  qui 
raccompagnent  cette  extension  modifient  peu  le  tableau  de  la  bronchite 
-généralisée,  dont  les  symptômes  locaux  et  généraux  dominent  la  situation. 

Il  est  impossible,  en  un  mot,  de  saisir  d'une  façon  certaine  le  moment 
'OÙ  la  bronchite  atteint  le  lobule  et  devient  la  broncho-nrieumonic.  C'est, 
I  le  plus  ordinairement,  par  l'exaspération  des  symptômes  antérieurs  que 
s  s'accuse  le  début  de  l'affection  nouvelle.  La  dyspnée  augmente  d'intensité 
(50  ou  80  R.)  et  s'accompagne  d'efforts  plus  considérables,  la  toux  aug- 
'i mente  de  fréquence,  devient  sèche,  douloureuse.  On  est  souvent  averti 
Idu  début  par  la  manière  dont  se  font  les  mouvements  respiratoires,  sur- 
tout .par   l'expiration  forcée  et  prolongée  (Rouchut).  A  cela  se  joint 
l'habitus  particulier  des  malades,  le  facie,  animé  ou  cyanosé,  livide, 
'tuméfié,  les  pupilles  dilatées,  l'agitation,  la  station  assise.  A  l'examen  de 
la  poitrine  on  peut  n'entendre  que  les  râles  plus  ou  moins  fins  de  la 
hronchite  ;  mais  parfois  l'oreille  saisit  des  bouffées  de  râles  sous-crépitants 


556         PNEUMOMli.  —  imoKciio-FKEUMONiE.  —  symi-toiutoi-ogie. 

remarquables  par  leur  finesse  et  leur  fugacité.  Enfin  le  pins  souvent,  et 
c'est  là  un  des  meilleurs  signes  du  début,  ces  symptômes  s'accompagnent 
d'une  exagération  dans  la  fréquence  du  pouls  (  1 50  à  160)  et  d'une  élé- 
vation de  la  température  (59°  ou  40°)  d'autant  plus  accentuée  que  le  début 
de  la  broncho-pnêumonie  est  plus  brusque  ou  se  fait  dans  un  état  de 
santé  plus  satisfaisant,  chez  un  enfant  vigoureux. 

La  broncho-pneumonie  s'annonce  quelquefois  par  les  modifications 
importantes  qu'elle  apporte  à  la  symptomalologie  des  maladies  qu'elle 
vient  compliquer.  Au  début  d'une  rougeole,  elle  retarde  ou  affaiblit  la 
sortie  de  l'éruption  ;  plus  tard,  l'éruption  pâlit  ou  disparaît  tout  à  fait 
lorsqu'elle  se  développe.  Dans  la  coqueluche,  les  quintes  cessent  et  la 
toux  ne  s'accompagne  plus  de  ses  reprises  caractéristiques.  Toutefois,  si 
le  début  de  la  broncho-pneumonie  peut  ainsi  faire  cesser  certains  spasmes, 
dans  d'autres  cas  il  peut  s'accompagner  de  convulsions  comme  dans  la 
pneumonie  franche.  C'est  surtout  dans  la  rougeole  que  ces  convulsions 
ont  été  observées.  La  soudaineté  et  la  violence  des  symptômes  du  début 
peuvent  d'ailleurs  varier  suivant  les  circonstances  dans  lesquelles  se 
montre  la  broncho-pneumonie.  Ils  passeront  plus  facilement  inaperçus, 
si  elle  se  développe  dans  le  cours  d'une  maladie  fébrile  accompagnée 
d'un  catarrhe  bronchique  intense  :  ils  se  déclareront  parfois  avec  plus  de 
netteté,  si  elle  survient  comme  complication  pendant  la  convalescence  ou 
même  pendant  la  période  de  déclin  de  ces  mêmes  maladies. 

Nous  l'avons  dit,  la  broncho-pneumonie  est  toujours  secondaire  ;  mais 
il  y  a  des  cas  où  la  succession  de  l'inflammation  pulmonaire  à  l'inflam- 
mation bronchique  est  à  peine  marquée  et  même  inappréciable.  Il  se  peut 
alors  que  la  broncho-pneumonie  ait  un  début  brusque  et  violent  qui  rap- 
pelle celui  de  la  pneumonie  franche  par  la  manifestation  soudaine  de  la 
fièvre,  et  parfois  par  la  fixation  rapide  des  symptômes  locaux.  La  tempé- 
rature atteint  bientôt  une  élévation  considérable,  40°  ou  40°, 5,  avec  une 
augmentation  correspondante  dans  le  chiffre  des  respirations  et  des  bat- 
tements du  pouls.  Comme  nous  le  verrons,  ce  mode  de  début  s'observe 
principalement  dans  les  cas  où  l'élément  pulmonaire  l'emporte  sur  l'élé- 
ment bronchique,  et  la  maladie  peut  quelquefois  conserver  pendant  toute 
sa  durée  cette  physionomie  voisine  de  celle  de  la  pneumonie  franche. 

La  douleur  de  côté  n'est  point  un  signe  de  début  de  la  broncho-pneu- 
monie. Elle  manque  le  plus  souvent  et  ne  s'observe  guère  que  chez  les  en- 
fants de  six  à  quinze  ans  (Barrier)  ;  et  alors,  suivant  Damaschino,  il 
faut  se  tenir  en  garde  et  songer  à  l'existence  possible  d'une  pleurésie 
concomitante.  Les  enfants  éprouvent  cependant  des  douleurs  dans  la 
broncho-pneumonie,  mais  elles  sont  en  rapport  avec  la  dyspnée,  et  se  font 
sentir  au  creux  épigastrique  ou  dans  les  hypochondres.  La  broncho-pneu- 
monie à  la  période  d'état  est  surtout  caractérisée  par  les  troubles  fonc- 
tionnels. La  dyspnée,  comme  nous  l'avons  vu,  arrive  promptement  jus- 
qu'à l'orthopnée:  c'est  un  des  symptômes  les  plus  accusés,  et  rapidement 
on  peut  observer  50,  40,  50  et  quelquefois  80  respirations  chez  les  jeunes 
sujets.  La  physionomie  et  l'attitude  des  malades  témoignent  alors  de  la 


PNE1  MONIE.  — 


BRONCHO-PKEDMONIE.  — 


SYMPTOJUTOI.OGIK. 


557 


difficulté  que  la  respiration  éprouve  à  s'accomplir:  ils  sonl  assis  dans 
leur  lit,  le  corps  penché  en  avant;  souvent  les  enfants  étendent  leurs  bras 
et  prennent  un  point  d'appui  aux  barreaux  de  leur  lit  pour  mieux  res- 
pirer. La  figure,  livide,  aune  expression  d'anxiété,  les  yeux  sont  saillants, 
les  ailes  du  nez  se  dilatent  largement,  la  Itouclie  est  entr'ouverte  et  les 
commissures  labiales  abaissées.  Tous  les  muselés  delà  respiration  sont  en 
jeu:  la  saillie  des  sterno-mastoïdiens  est  très  marquée;  les  épaules  se  soulè- 
vent à  ebaque  mouvement  de  respiration,  le  diaphragme  se  contracte  avec 
force  et  attire  les  cartilages  costaux  en  formant  ainsi  un  sillon  chondro- 
costal  d'autant  plus  marqué  que  reniant  est  plus  jeune.  Suivant  Martels, 
la  dilatation  de  la  poitrine  se  trouve  ainsi  limitée  aux  cinq  côtes  supé- 
rieures. L'expiration  elle-même  nécessite  de  grands  efforts  et  les  muscles 
abdominaux  se  contractent  avec  violence  en  déprimant  les  viscères.  Ce 
type  de  dyspnée  a  été  bien  décrit  par  Bouchut,  sous  le  nom  de  respi- 
ration expiratrice:  le  rhythme  des  mouvements  respiratoires  se  trouve 
changé  quand  la  dyspnée  est  poussée  à  l'extrême.  Dans  ces  cas,  dit  Da- 
maschino,  la  série  des  mouvements  parait  commencer  par  l'expiration 
qui  se  lait  brusquement  et  pendant  laquelle  Jes  viscères  abdominaux 
semblent  rentrer  dans  le  thorax;  puisa  cette  violente  expiration  succède 
brusquement  une  inspiration  puissante  et  brève,  pendant  laquelle  le  dia- 
phragme se  contracte  énergiquement  et  chasse  de  nouveau  les  viscères 
abdominaux,  en  même  temps  qu'il  détermine  un  profond  sillon  costal. 
L'air  qui  a  pénétré  ainsi  reste  emprisonné  pendant  un  temps  relativement 
assez  long,  puis  on  voit  se  reproduire  la  brusque  série  des  mouvements 
expiratoires  et  inspiratoires  que  nous  venons  de  décrire.  On  perçoit,  dit  le 
même  auteur,  à  chaque  respiration  une  sorte  de  heu  très-sec  et  strident 
qui  permet  parfois  de  faire  à  distance  le  diagnostic  de  la  broncho-pneu- 
monie. Les  tracés  pneumographiques  témoignent  de  cette  gène,  de  la 
respiration.  Mocquot  a  constaté  que  l'amplitude  des  mouvements  thora- 
ciques  est  considérablement  diminuée.  Les  tracés  abdominaux  montrent 
que  l'inspiration  est  allongée  et  gênée.  Ces  efforts  de  respiration  s'ac- 
compagnent d'une  angoisse  très-grande.  Les  enfants  ressentent  souvent 
dans  la  région  du  diaphragme  des  souffrances  dues  à  la  toux,  qui  de- 
vient de  plus  en  plus  brève  et  fréquente.  Elle  s'observe  dans  tous  les 
cas,  avec  plus  ou  moins  d'intensité  :  elle  est  pénible,  douloureuse;  il  y  a 
souvent  des  quintes  assez  vives,  sans  raucitc  de  la  voix,  sauf  dans  le 
croup,  pendant  et  après  lesquelles  la  face  prend  une  teinte  violacée. 

L 'expectoration  est  nulle  ou  rare  et  ne  se  produit  qu'à  l'occasion  de 
secousses  violentes.  Le  plus  souvent,  les  enfants  avalent  les  crachats  lors- 
qu'ils pénètrent  jusque  dans  la  bouche.  C'est  surtout  dans  la  coqueluche 
qu'on  a  occasion  de  les  observer  :  ce  sont  des  mucosités  purulentes  épaisses, 
tenaces,  jaunâtres,  quelquefois  striées  de  sang.  Les  crachats  n'ont,  en 
somme,  aucun  rapport  avec  ceux  de  la  pneumonie  et  ne  diffèrent  pas  de 
ceux  de  la  bronchite.  Quelquefois,  mais  rarement,  il  y  a  expectoration  de 
fausses  membranes  dans  les  cas  de  broncho-pneumonies  diphthéritiques. 

A  propos  des  troubles  fonctionnels  nous  avons  déjà  vu  que  l'inspection 


558         PiMiUMOMK.  —  bru.nchu-pkkumo.me.  —  svmi'tomaïoi.ogie. 

de  la  poitrine,  l'étude  do  la  manière  dont  se  l'ail  la  respiration,  révèlent  des 
signes  physiques  importants.  La  percussion  doit  être  laite  Légèrement 
avec  un  seul  doigt  sur  la  phalange  moyenne  du  médius  ou  sur  l'oncle 
(Roger).  Au  début,  et  dans  un  assez  grand  nombre  de  cas,  le  son  pul- 
monaire est  normal  et  ne  présente  que  des  modifications  insignifiantes. 
Aux  bases  et  en  arrière,  le  son  peut  être  diminué  ou  assourdi,  parfois 
tympanique,  suivant  l'étendue  plus  ou  moins  considérable  occupée  par  la 
splénisation  ou  par  l'emphysème.  L'hépatisation  tabulaire  disséminée 
dans  le  parenchyme  pulmonaire  échappe  à  la  percussion,  à  cause  de 
l'emphysème  supplémentaire  qui  se  développe  autour  des  noyaux»  Ce  n'est 
guère  que  dans  les  cas  où  la  pneumonie  est  généralisée  et  surtout  pseudo- 
lobaire  que  l'on  perçoit  une  niatilé  réelle,  siégeant  habituellement  à  la 
base  en  arrière,  quelquefois  à  la  partie  moyenne  de  la  poitrine,  rarement 
bien  limitée  et  plus  ou  moins  complète  suivant  la  prédominance  dans  les 
lobules  atteints  de  la  splénisation  ou  de  l'inflammation  alvéolaire  péri- 
bromcluque.  On  ne  perçoit  guère  La  matité  avant  le  deuxième  jour ,  elle 
présente  rarement  la  même  étendue  dans  les  deux  côtés  de  la  poitrine. 
La  percussion  des  parties  antérieures  du  thorax  donne  habituellement 
une  sonorité  plus  marquée  suffisamment  expliquée  par  l'emphysème  pul- 
monaire. Dans  d'autres  cas,  l'obscurité  et  la  diminution  du  son  pourront 
quelquefois  faire  soupçonner  l'existence  de  l'état  fœtal.  La  palpation  ne 
donne  pas  de  résultats  bien  caractéristiques,  surtout  chez  les  enfants 
très-jeunes;  tantôt  les  vibrations  Ihoraciques  sont  exagérées,  quelquefois 
leur  abolition  peut  être  attribuée  à  la  réplétion  de  l'arbre  bronchique  par 
les  mucosités  ou  par  les  fausses  membranes.  Dans  ces  cas,  les  râles  et 
le  souffle  cessent  d'être  perçus  dans  la. région  correspondante  ;  les  mêmes 
causes  produisent  ici  les  mêmes  effets  que  dans  la  pneumonie  massive 
de  Grancber. 

A  Y  auscultation,  comme  nous  l'avons  vu,  les  signes  ne  diffèrent  pas 
d'abord  de  ceux  de  la  bronchite  :  des  dèuxj  côtés,  on  entend  des  râles 
sous-crëpitants  moyens  et  fins,  quelquefois  des  bouffées  de  râles  crépi- 
tants, au  moment  des  efforts  ou. pendant  la  toux.  Ces  divers  râles  s'accom- 
pagnent de  ronchus  sibilants  et  ronflants  qui  ont  pour  siège  les  bronches 
de  gros  et  de  moyen  calibre.  C'est  le  râle  sous-crépi  tant  lin  qui  a  ici  la 
plus  grande  valeur  séméiologique,  carie  râle  crépitant  est  trop  difficile  à 
obtenir  chez  les  enfants,  trop  rare  et  jamais  bien  pur. 

Au  contraire,  le  râle  sous-crépi  tant  à  bulles  fines  a  plus  d'importance; 
mais,  d'autre  part,  il  ne  faut  pas  oublier  qu'il  ne  devient  caractéristique, 
suivant  Trousseau,  quautanl  qu'il  se  maintient  pendant  au  moins  vingt- 
quatre  heures.  Au  bout  de  ce  temps,  il  est  rare  que  les  troubles  fonction- 
nels et  l'es  symptômes  généraux  ne  soient  pas  assez  accusés  pour  permettre 
d'affirmer  le  diagnostic.  Dans  la  forme  suffocante  ou  brouchitc  capil- 
laire, le  râle  sous-crépitant  est,  avec  les  ronchus  qui  ont  pour  siège  les 
grosses  bronches,  le  seul  signe  stéthoscopique  pendant  toute  la  durée  de 
la  maladie.  L'hépatisation  tabulaire  étant  disséminée,  il  n'y  a  pas  de 
souffle  ni  de  bronchophonie,  et  la  diminution  ou  l'absence  du  murmure 


PNEUMONIE.  — 


llllO.NCHO-P.NEl'MONIE.    SYMPTOM.VTOLOGIE. 


559 


vésiculaire  qui  pourraient  la  caractériser  sont  plus  souvent  sous  la  dépen- 
dance de  l'obstruction  des  bronches  par  les  mucosités.  Dans  d'autres  cas, 
au  contraire  la  condensation  du  tissu  pulmonaire  s'affirme  par  du  souffle 
bronchique  d'abord  faible,  voilé  par  les  raies,  plus  étendu  ensuite  et  .plus 
intense,  identique  à  celui  de  la  pneumonie  lobaire.  Quelquefois  ce  souille 
est  précédé  par  de  La  respiration  soufflante  ;  il  peut  paraître  brusquement 
et  disparaître  de  même  ;  il  peut  être  mobile  ou,  au  contraire,  se  fixer  au  même 
point  pendant  toute  la  durée  de  la  maladie.  Il  peut  s'accompagner  de 
bronchoplionie  plus  ou  moins  marquée  à  l'occasion  des  paroles  ou  des  cris. 
Ces  signes  d'induration  pulmonaire  se  perçoivent  plus  souvent  aux  bases 
et  en  arrière  qu'aux  parties  supérieures  et  antérieures  de  la  poitrine,  où 
dominent  les  raies  de  bronchite  :  là  aussi  quelquefois  la  diminution  ou 
l'absence  totale  du  murmure  vésiculaire  doit  être  rapportée  au  développe- 
ment de  L'état  fœtal. 

Ces  divers  signes  physiques  présentent  deux  caractères  spéciaux  : 
1°  On  les  perçoit  dès  deux  côtés  de  la  poitrine,  mais  rarement  d'une 
manière  absolument  identique  ;  ils  ont  presque  toujours  une  prédomi- 
i  nance  plus  ou  moins  marquée  dans  l'un  des  poumons.  2°  Ils  sont  d'une 
.mobilité  extrême;  non-seulement  les  râles  peuvent,  pour  ainsi  dire  d'un 
i  moment  à  l'autre,  changer  de  caractère,  de  nombre  et  de  siège,  mais  le 
:  souffle  même,  dont  l'existence  est  en  rapport  avec  des  lésions  parenehyma- 
i  teuses,  peut  présenter  des  variations  analogues. 

Dans  les  cas  où  l'induration  s'étend  à  tout  un  lobe  ou  à  la  plus  grande 
I  partie  d'un  lobe,  comme  dans  la  l'orme  lobulaire  généralisée,  et  dans 
I  la  forme  pseudo-lobaire,  surtout  quand  l'hépalisation  l'emporte  sur  la 
:  splénisation  dans  les  lobules  atteints,  les  signes  physiques,  sont  plus 
I  ûxes.  Les  râles  sous:crépitants  sont  plus  nombreux  dans  l'inspiration. 
I  Ils  prédominent  nettement  dans  l'un  des  côtés.  Au  bout  d'un  temps 
I  très-court,  le  souffle  bronchique  apparaît  avec  une  intensité  qui  varie 
;  avec  le  nombre  des  râles,  le  siège  et  l'étendue  des  parties  hépatisées,  mais 
qui  persiste  généralement  jusqu'à  la  fin  de  la  maladie;  le  souffle  s'ae- 
ûompagne.  d'une  matité  plus  ou  moins  complète  et  d'une  exagération 
ides  vibrations  thoraciques  quand  l'enfant  parle  ou  pousse  des  cris.  Ce 
s  signe  ne  se  constate  guère  dans  la  forme  lobulaire  disséminée;  il  n'ap- 
|  parlient  qu'aux  formes  où  l'induration  se  fait  en  masse  dans  une  étendue 
!  plus  ou  moins  grande  des  poumons. 

La  fièvre  varie  an  début,  suivant  la  soudaineté  et  la  violence  de Tinva- 
^sion;  quelquefois  elle  est  d'abord  peu  vive,  mais  lie  thermomètre  ne  tarde 
pas  à  indiquer  une  élévation  considérable  de  la  température.  ou  40°; 
|l'le  pouls  est  d'une  fréquence  extrême,  il  bat  120,  150, 180  t'ois  par  minute. 
La  peau,  d'abord  un  peu  sèche,  ne  larde- pas  à  devenir  moite;  chez  les 
sujets  affaiblis  il  y  a  quelquefois  des  sueurs  abondantes.  Le  faciès  est 
animé,  puis  il  est  envahi  par  la  pâleur,  avec  une  teinte  cyanique  des 
muqueuses.  La  fièvre  est  surtout  Intense  dans  la  soirée,  depuis  5  heures 
de  l'après-midi  jusqu'à  6  ou  7  heures  du  soir  ;  il  n'est  pas  rare  de  voir 
la  température  plus  élevée  le  matin  que  le  soir.  Le  tracé  therrnométrique 


500 


l'MilJMO.MM. 


  IllIO.NCIIO-rNEUSlONIE. 


  8Y5I l'TOMATOLOGIK. 


ne  présente  donc  pas  une  marche  régulière;  les  températures  du  malin 
et  du  soir  ne  diffèrent  que  de  quelques  dixièmes  de  degrés,  mais  il  est 
commun  d'observer  des  ascensions  brusques  qui  détruisent  la  régularité 
du  tracé  et  sont  en  rapport  avec  l'apparition  de  nouveaux  novaux  de 
broncho-pneumonie.  Après  une  rémission  de  quelques  jours,  une  exacer- 
bation  nouvelle  se  produit,  la  pneumonie  recommence  en  quelque  sorte, 
avec  les  symptômes  généraux  et  locaux  du  début  ;  une  courbe  brisée, 
irrégulière,  est  le  résultat  de  celte  série  d'inflammations  parliellcs(Rogcr). 

Quelquefois,  dans  les  formes  rapidement  généralisées  ou  dans  la  forme 
pseudo-lobaire,  la  fièvre  conserve  pendant  plusieurs  jours  une  intensité 
égale.  La  température  se  maintient  vers  40°,  les  rémissions  matinales 
sont  à  peine  accusées  ou  nulles.  Le  pouls  est  fréquent  et  vibrant  ;  le  faciès 
est  animé,  un  peu  vultueux,  assez  analogue  à  celui  de  la  pneumonie.  La 
fièvre  peut  ainsi  persister  pendant  quelquefois  deux  semaines,  la  courbe 
thermométrique  oscillant  entre  59°  et  59°5  (II.  Roger).  Ordinairement, 
quand  la  fièvre  n'est  pas  rémittente  dès  le  début,  elle  le  devient  vers  le  qua- 
trième ou  cinquième  jour.  En  résumé,  la  température  reste  élevée  plus 
longtemps  que  dans  la  pneumonie  franche,  mais  avec  des  rémissions  et 
des  exacerbations  successives  ;  c'est  là  le  fait  caractéristique  ;  elle  est 
plus  élevée  dans  la  broncho-pneumonie,  où  elle  atteint  entre  59°  et  41°, 
que  dans  la  bronchite  simple,  où  elle  reste  entre  38°  et  59°.  Il  faut 
aussi  remarquer  que  l'intensité  de  la  fièvre  n'est  pas  toujours  en  rapport 
avec  l'étendue  de  la  pneumonie.  La  défervescence  est  lente  ;  vers  la  fin 
de  la  maladie  la  température  s'abaisse  jusqu'à  58°5  et  décroît  d'une 
façon  à  peu  près  régulière.  Dans  les  cas  où  la  maladie  se  termine  par  la 
mort,  il  y  a  aussi  un  abaissement  de  la  température,  mais  beaucoup 
moins  marqué.  Le  tracé  du  pouls,  sauf  quelques  petites  différcnceSj  est 
à  peu  près  en  rapport  avec  celui  de  la  température  (H.  Roger). 

Tantôt  les  malades  sont  tristes,  affaissés,  tantôt  il  y  a  une  grande  agitas 
tion;  les  enfants  se  remuent  sans  cesse,  se  découvrent,  poussent  des  cris. 
La  céphalalgie  existe  quelquefois  dans  les  broncho-pneumonies  morbil- 
leuses.  Le  soir,  ces  phénomènes  nerveux  augmentent  d'acuité;  en  même 
temps  que  la  fièvre  et  la  dyspnée,  il  peut  y  avoir  du  délire.  Les  convul- 
sions sont  exceptionnelles  :  on  peut  cependant  les  observer  à  la  suite  de 
quintes  de  toux  dans  la  broncho-pneumonie  secondaire  à  la  coqueluche, 
à  laquelle  elles  paraissent  d'ailleurs  se  rapporter  (Damaschino).  L'affais- 
sement prédomine,  chez  les  enfants  très-jeunes,  l'agitation  que  nous 
venons  de  décrire  est  remplacée  par  un  état  de  somnolence  et  d'abatte- 
ment progressifs.  Les  enfants  restent  couchés  sur  le  dos,  endormis  ou 
plongés  dans  un  demi-coma.  Cet  état  s'observe  également  chez  les  sujets 
plus  âgés,  mais  seulement  dans  la  période  terminale. 

Les  troubles  digestifs  n'ont  rien  de  spécial  et  sont  en  rapport  avec 
l'intensité  de  la  fièvre.  L'inappétence  est  absolue,  la  soif  est  vive,  la  bou- 
che souvent  sèche,  croùteuse,  la  constipation  est  habituelle.  On  peut 
quelquefois  observer  des  troubles  en  rapport  avec  l'affection  primitive, 
des  vomissements,  si  la  broncho -pneumonie  s'est  développée  dans  le 


PNEUMONIE.  — 


nitOKCIIO-PSEUMOMK. 


  FORMES. 


561 


courant  d'une  coqueluche,  de  la  diarrhée  symptomatique  du  catarrhe 
intestinal  de  la  rougeole  ou  de  l'entérite  de  la  lièvre  typhoïde.  Pendant 
la  convalescence,  les  enfants  vomissent  fréquemment  à  la  suite  des 
quintes  de  toux. 

Les  urines  présentent  des  modifications  en  rapport  avec  les  mêmes 
causes;  elles  sont  riches  en  sels,  très-foncées,  peu  abondantes,  surtout 
quand  il  y  a  des  sueurs,  à  tel  point  qu'on  pourrait  se  demander  s'il  y  a 
suppression,  si  l'on  ne  savait  que  la  sécrétion urinaire  pcutclre  suspendues 
chez  les  très-jeunes  sujets  l'ébricitants,  pendant  douze  ou  même  vingt- 
quatre  heures  (Roger). 

L'albumine  ne  se  rencontre  guère  que  dans  les  cas  de  broncho- 
pneumonie  diphlhéritique.  Quant  à  la  glycosurie,  elle  doit  être  con- 
sidérée comme  tout  à  fait  exceptionnelle  et  sans  nul  rapport  avec  la 
maladie. 

Formes. —  Nous  avons  déjà  insisté  sur  la  manière  dont  se  déclare  la 
broncho-pneumonie,  tantôt  insidieusement,  plus  rarement  d'une  façon 
brusque,  selon  les  circonstances  dans  lesquelles  elle  se  développe  et 
selon  la  forme  qu'elle  revêt  tout  d'abord.  Dans  certains  cas,  les  rondins 
de  la  bronchite  sont  suivis  plus  ou  moins  promptement  par  des  raies 
sous-crépitants  ;  les  troubles  fonctionnels  et  les  symptômes  généraux 
s'aggravent  proportionnellement  ;  les  signes  d'asphyxie  ne  tardent  pas  à 
paraître.  La  symptomatologie  peut  se  borner  là,  les  râles  sous-crépitants  à 
bulles  plus  ou  moins  fines  se  généralisent  dans  les  deux  poumons,  sur- 
tout à  leur  partie  postérieure;  la  dyspnée  devient  continue,  s'exagère 
progressivement,  entrecoupée  de  quintes  de  toux.  Le  pouls  est  très-fré- 
quent, petit,  inégal,  la  température  très-élevéc  ;  la  suffocation  et  l'as- 
phyxie se  prononcent  de  plus  en  plus.  La  maladie,  en  somme,  est  carac- 
térisée par  la  prédominance  de  l'élément  bronchique,  c'est  la  forme 
suffocante,  la  bronchite  capillaire,  dont  les  symptômes  sont  avant  tout 
sous  la  dépendance  de  l'engouement  et  de  l'obstruction  bronchiques. 

L'élément  pulmonaire  est  habituellement  insaisissable  ;  le  souffle  est 
rare  et  sans  intensité,  car  les  noyaux  de  broncho-pneumonie  sont  peu 
développés  et  disséminés  dans  le  parenchyme  pulmonaire,  c'est  l'hyperé- 
mie  qui  constitue  la  lésion  dominante. 

Dans  d'autres  cas,  au  contraire,  l'envahissement  du  lobule,  la  pneu- 
monie tabulaire,  se  révèlent, comme  nous  l'avons  vu,  par  de  la  matité,  du 
souffle,  etc.  Ces  signes  apparaissent  ordinairement  après  les  râles,  au 
bout  de  deux,  trois  ou  quatre  jours;  ils  s'étendent  progressivement  de 
bas  en  haut  avec  prédominance  à  la  base  et  dans  un  seul  côté  :  ils  sont 
quelquefois  cependant  plus  disséminés  ou  présentent,  comme  nous 
l'avons  dit,  des  variations  fréquentes  en  rapport  avec  l'éclosion  de  nou- 
velles poussées.  Les  deux  poumons  finissent  par  être  envahis  dans  une 
assez  grande  étendue  et  le  souffle  l'emporte  sur  les  râles  :  l'élément 
pulmonaire  domine,  la  maladie  mérite  le  nom  de  pneumonie  lobulaire. 
généralisée.  La  fièvre  est  intense;  les  réinitlences,  peu  marquées  d'abord, 
s'accusent  plus  tard  davantage,  mais  la  courbe  thermique  subit  de  temps 

NOUV.  DICT.  MÉO.  ET  CUIR.  XXVIII  —  36 


562 


PNKUMOMK. 


  «nONCIIO-r.MiUMOKIE. 


—  FORMES. 


en  temps  de  nouvelles  ascensions.  La  dyspnée  est  moins  forte  que  dans  la 
forme  précédente  et  ne  présente  pas  le  cachet  orthopnéique  :  il  n'est  pas 
rare  de  voir  les  enfants  pouvoir  reprendre  leurs  jeux  (Rilliet  et  BarthezL 
Le  nombre  des  respirations  dépasse  rarement  40  ou  50  pendant  la 
période  d'état.  La  face  est  rouge  et  témoigne  de  l'intensité  de  la  fièvre 
plutôt  que  de  la  suffocation. 

Dans  d'autres  cas  plus  rares,  la  maladie  peut  débuter  brusquement  et 
les  symptômes  d'induration  pulmonaire  se  révèlent  d'une  manière  aussi 
soudaine  et  aussi  intense  que  dans  la  pneumonie  franche.  La  broncho- 
pneumonie  semble  de  même  se  fixer  dans  un  lobe  et  y  parcourir  son 
évoluLion,  d'où  le  nom  de  broncho-pnpumonie  pseudo-lohaire.  Par  son 
intensité  et  sa  constance,  la  fièvre  se  rapproche  de  celle  de  la  pneumo- 
nie. Les  autres  troubles  réaclionnels  et  en  particulier  les  troubles  diges- 
tifs sont  plus  accusés  que  dans  les  autres  formes;  les  signes  peuvent 
rester  fixés  d'un  seul  côté  ou  s'étendre  du  côté  opposé  ou  dans  le.  même 
poumon.  Comme  dans  la  forme  précédente,  les  symptômes  de  bronchite 
accompagnent  toujours  les  symptômes  de  pneumonie,  mais  avec  cette 
différence  que  ces  derniers  apparaissent  en  même  temps  qu'eux  et  sem- 
blent prédominer. 

Mais  il  faut  reconnaître  que  ces  cas  types  dans  lesquels  les  symptômes 
et  la  marche  de  la  maladie  sont  en  rapport  avec  une  forme  déterminée 
des  lésions  ne  sont  pas  les  plus  communs.  Fréquemment,  la  forme  suffo- 
cante reste  telle  pendant  toute  la  durée  de  la  maladie,  mais  on  peut 
aussi  la  voir  se  modifier  par  l'apparition  des  symptômes  pulmonaires,  et 
aboutir  finalement  à  une  pneumonie  lobulairc  généralisée  ou  pseudo- 
lobaire.  Non-seulement  la  transformation  des  formes  anatomiques  n'est 
pas  rare,  mais  on  voit  souvent  chez  un  même  malade  et  parfois  dans  le- 
même  poumon  les  diverses  formes  exister  ensemble  et  se  traduire  quel- 
quefois par  les  symptômes  physiques  qui  leur  sont  propres. 

Il  résulte  également  de  ce  mélange  des  diverses  formes,  de  la  façon 
irrégulière  et  désordonnée  dont  elles  se  produisent,  que  l'évolution  de  la 
maladie  n'est  pas  en  rapport  avec  celle  des  lésions  primitives.  Chaque 
noyau  ou  chaque  groupe  de  noyaux  de  pneumonie  parcourt  des  périodes- 
définies  dont  le  dernier  terme  est  la  suppuration  ou  la  résolution,  mais  la 
symptomatologic  régulière  qui  devrait  résulter  de  celte  évolution  est 
bouleversée  par  l'apparition  de  nouvelles  poussées  que  traduisent  l'ascension 
du  thermomètre,  l'exaspération  de  la  dyspnée  et  de  la  toux,  et  des  signes 
d'induration  dans  des  points  respectés  jusque-là.  Aux  symptômes  do  la 
période  d'état  viennent  s'ajouter  les  symptômes  de  la  période  d'invasion 
correspondant  au  développement  de  ces  nouveaux  noyaux.  De  là  celte 
marche  essentiellement  irrégulière,  entrecoupée  de  rémissions  cl  d'exa- 
cerbations  brusques  et  beaucoup  moins  en  rapport  avec  l'évolution  des 
noyaux  de  pneumonie  qu'avec  la  marche  capricieuse  de  la  bronchite,  qui 
progresse  d'une  façon  inégale  vers  les  lobules,  et  est  d'ailleurs  susceptible 
d'exacerbations  et  d'améliorations  beaucoup  plus  brusques. 

Le  tableau  de  la  maladie,  chez  Vadulle,  présente  à  peu  près  les  mêmes 


PNEUMONIE.  —  BRONCHO-PNEUMONIE.   —  FORMES.  565 

I  traits  que  chez  l'enfant,  et  il  est  à  remarquer,  d'ailleurs,  que  les  médecins 
qui  ont  écrit  sur  la  bronchite  capillaire  l'ont  toujours  envisagée  chez  ce 
dernier  aussi  bien  que  chez  l'adulte,  dans  leurs  descriptions  {Voy.  Bron- 
cuite  capillaire).  Nous  nous  bornerons  seulement  à  rappeler  que  ce  sont 
surtout  les  formes  suffocantes  avec  prédominance  de  l'élément  bron- 
chique que  l'on  observe  chez  l'adulte  ;  les  formes  parenchymateuses  sont 
plus  rares. 

Chez  le  nouveau-né,  la  broncho-pneumonie  a  souvent  un  début  insi- 
dieux semblable  à  celui  d'un  catarrhe  bronchique  ;  l'entant  est  abattu  et 
refuse  le  sein,  il  a  de  la  fièvre,  delà  dyspnée,  et  crie  fréquemment.  Au  bout 
de  vingt-quatre  à  quarante-huit  heures,  l'anxiété  respiratoire  augmente,  les 
commissures  labiales  sonl  Urées  en  arrière,  les  ailes  du  nez  battent  rapi- 
dement, la  base  du  thorax  est  resserrée,  la  dépression  stcrnalc  contraste 
avec  la  saillie  de  l'abdomen,  le  mouvement  d'expiration  est  prolongé 
(Bouchut).  On  n'entend  pas  de  râles  crépitants,  mais  plutôt  des  râles 
sous-crépitants  fins,  variables,  quant  à  leur  nombre  et  à  leur  siège, 
cessant  parfois  brusquement  lorsque  l'obstruction  bronchique  se  produit. 

Le  souffle  bronchique  est  également  très-variable  ;  il  y  a  des  cas  où  il 
manque  et  où  l'auscultation  ne  perçoit  qu'un  affaiblissement  marqué  du 
murmure  respiratoire.  Trousseau  et  Bouclait  ont  noté  la  grande  fréquence 
du  pouls, qui  bat  140  ou  100  fois  par  minute;  tantôt  il  se  ralentit,  tantôt 
il  s'accélère  encore  aux  approches  de  la  mort.  La  fièvre  est  rémittente, 
les  exacerbations  ont  lieu  le  soir  ;  il  y  a  de  temps  en  temps  des  poussées 
fébriles  en  rapport  avec  le  développement  de  nouveaux  foyers  de  pneumo- 
nie. Quelquefois  la  maladie  est  apyrétique  ou  s'accompagne  même  d'un 
;  abaissement  de  la  température.  Les  enfants  sont  agités,  crient,  il  y  a 
|  parfois  des  convulsions  (Billard,  Boucliut).  La  durée  de  la  maladie  est 
•  ordinairement  de  trois  à  six  jours,  mais  il  n'est  pas  rare  de  la  voir  évoluer 
;  avec  une  lenteur  remarquable,  de  voir  la  fièvre  et  le  souffle  bronchique 
|  persister  pendant  trois  semaines  et  quelquefois  môme  davantage  (Parrot, 
:Stef(én).  La  terminaison  à  peu  près  constante  est  la  mort;  quelquefois 
i  elle  est  annoncée  par  l'apparition  de  l'œdème  du  tissu  cellulaire,  du 
i  muguet  avec  diarrhée  et  vomissements.  Le  diagnostic  reste  souvent 
i  incertain  à  cause  des  difficultés  de  l'exploration  physique;  il  se  base 
I  principalement  sur  la  présence  du  souille  bronchique,  sur  la  marche  de 
I  la  fièvre  et  la  forme  de  la  dyspnée. 

Chez  le  vieillard,  la  broncho-pneumonie  débute  ordinairement  d'une 
f  façon  insidieuse,  lente,  sans  point  de  côté,  sans  frissons  ou  avec  quelques 
I  frissons  peu  intenses.  Parfois,  le  début  est  assez  brusque,  la  bronchite  se 
.  généralise  et  atteint  rapidement  les  lobules.  La  toux  ne  diffère  point  de 
t celle  de  la  bronchite;  il  en  est  de  môme  de  l'expectoration.  La  dyspnée 
varie  beaucoup  d'intensité  suivant  les  cas;  lorsque  l'adynainie  est  très- 
niarquée,  la  toux  est  faible  et  l'expectoration  nulle.  A  l'auscultation,  on 
trouve  le  murmure  respiratoire  très-affaibli,  il  n'y  a  pas  de  râles  crépi- 
liants,  mais  des  râles  sous-crépitants  plus  ou  moins  fins.  Comme  chez 
'  l'enfant,  le  souffle  peut  manquer  :  il  est  souvent  peu  intense,  fugace, 


564    PNEUMONIE.          UROINCIlO-l'NEUMO.NIE.           MAItCHE.  DUIIIÎE.  terminaisons. 

intermittent,  alternatives  que  Charllon  a  judicieusement  expliquées:  les' 
bronches  sont  tantôt  vides,  tantôt  remplies  par  la  sécrétion  muco-puru- 
leute.  Il  est conunun de  percevoir  le  chevrotement  delà  voix,  une  véritable  I 
broncho-égophonic.  La  percusion  donne  quelquefois  de  la  matilé,  quel- 
quefois un  son  normal.  La  marche  de  la  fièvre  est  caractéristique  :  la 
température  peut  atteindre  40°,  elle  présente  des  oscillations  journalières 
fortement  accusées,  de  1  degré  et  demi  ou  davantage;  l'ascension  a  lieu 
progressivement  et,  dans  le  cas  de  guérison,  la  délervcscencc  s'accomplit 
par  degrés  successifs  dans  l'espace  de  trois  ou  quatre  jours  (Charcol).  La 
peau  est  ordinairement  sèche,  ainsi  que  la  langue  fréquemment  recouverte 
d'un  enduit  noirâtre.  Il  y  a  quelquefois  du  délire,  plus  souvent  de  l'abat- 
tement, de  l'hébétude.  L'adynamie  augmente  surtout  dans  les  dernières 
périodes;  quelquefois  on  voit  apparaître  de  la  diarrhée.  Dans  les  formes 
suràiguës  l'asphyxie  termine  rapidement  la  scène,  par  suite  de  l'accu- 
mulation des  mucosités  dans  les  bronches.  Dans  les  formes  subaiguë  et 
lente  (Durand-Fardel),  la  broncho-pneumonie  peut  rester  latente;  il  y 
a  peu  de  dyspnée,  peu  de  râles,  pas  de  crachats,  la  réaction  générale  est 
presque  nulle.  Prus  et  Beau  ont  signalé  les  poussées  de  pneumonie  et 
les  améliorations  successives  qui  peuvent  avoir  lieu  deux  ou  trois  fois 
dans  le  cours  de  la  maladie  et  qui  rendent  sa  durée  très-variable.  Elle 
est  ordinairement  d'une  à  deux  semaines. 

Marche.  —  Durée.  —  Terminaisons.  —  Chez  l'enfant,  dans  la 
forme  suffocante,  la  maladie  marche  plus  ou  moins  rapidement  vers  la  ter- 
minaison fatale.  Les  accidents  suivent  quelquefois  une  marche  foudroyante, 
les  bronches  se  remplissent  de  mucosités  abondantes  et  les  râles  trachéo- 
bronchiques  s'entendent  de  bonne  heure  ;  la  suffocation,  la  cyanose  et 
l'asphyxie  sont  de  plus  en  plus  marquées,  l'enfant  succombe  en  deux  ou 
trois  jours.  Dans  d'autres  cas,  la  dyspnée  laisse  à  l'enfant  quelques  mo- 
ments de  calme  dans  la  journée,  mais  le  soir  la  fièvre  et  la  suffocation 
recommencent.  Bientôt  l'enfant  n'a  plus  la  force  de  lutter,  et  il  tombe 
dans  la  somnolence  d'où  il  ne  sorl  plus  que  pour  faire  de  temps  à  autre  de  i 
violents  efforts  respiratoires.  Bientôt  la  toux  cesse,  la  voix  s'affaiblit,  les 
respirations  perdent  peu  à  peu  leur  ampleur,  le  pouls  devient  d'une 
fréquence  et  d'une  petitesse  extrême,  les  signes  de  l'asphyxie  s'accen- 
tuent graduellement.  L'enfant  succombe  dans  le  coma  ou  dans  une  at- 
taque de  convulsions  ;  quelquefois  il  conserve  sa  connaissance  jusqu'au 
dernier  moment.  Il  est  rare  que  les  accidents  durent  dans  ces  cas  plus  i 
de  huit  jours. 

Dans  les  formes  parenchymateuses  (lobulaire  disséminée,  généralisée 
ou  pseudo-lobaire),  après  les  phénomènes  violents  du  début,  on  observe 
des  rémissions  dans  les  symptômes  généraux:  la  température  s'abaisse, 
surtout  le  matin,  la  dyspnée  et  les  autres  troubles  fonctionnels  diminuent 
d'intensité.  Mais  les  signes  d'induration  pulmonaire  persistent  :  au  bout  de 
quelques  jours  la  température  s'élève  de  nouveau,  la  pneumonie  s'étend 
ou  de  nouveaux  foyers  se  développent.  Plusieurs  poussées  suivies  de  ré- 
missions incomplètes  peuvent  ainsi  s'observer  :  bientôt  les  petits  malades 


PNEUMONIE.  —  BRONCHO-PNEUMONIE .  —  M.vnCHE.  DURÉE.  TERMINAISONS.  565 

s'affaiblissent,  l'engouement  bronchique  nugmente,  ils  succombent  par  les 
progrès  de  l'asphyxie.  D'une  manière  générale,  on  peut  distinguer  dans 
la  broncho-pneumonie  trois  périodes  :  une  ■période  de  début  ordinaire- 
ment insidieuse  et  mal  dessinée',  plus  rarement  violente  et  soudaine, 
caractérisée  surtout  par  l'aggravation  de  la  bronchite  et  l'élévation  de  la 
température;  dans  la  période  d'état  se  montrent  les  signes  d'induration 
pulmonaire,  et  des  oscillations  remarquables  dans  les  phénomènes  géné- 
raux et  locaux;  une  période  de  déclin  ordinairement  longue  et  conservant 
encore  quelques-uns  des  caractères  de  la  période  d'état. 

En  résumé,  comme  le  dit  Carrier,  on  peut  admettre  trois  variétés  de 
cas  au  point  de  vue  de  la  marche  de  la  broncho-pneumonie  :  1°  les  cas 
dans  lesquels  la  maladie  offre  une  intensité  toujours  croissante  clans  les 
.  symptômes  généraux  et  locaux;  2J  les  cas  où  les  symptômes  s'amendent 
d'une  manière  définitive  et  clans  lesquels  la  guérison  se  produit  ;  5°  les  cas 
.  à  marche  irrégulière  où  des  exacerbations  dans  les  symptômes  locaux  et 
i  généraux  succèdent  à  des  rémissions  trompeuses.  Ces  derniers  peuvent  être 
■  considérés  comme  établissant  une  transition  entre  la  broncho-pneumonie 
;  aiguë  et  la  broncho-pneumonie  subaiguë  que  nous  étudierons  clans  le  cha- 
pitre suivant. 

La  durée  de  la  broncho-pneumonie  est  plus  longue  que  celle  de  la 
I  pneumonie  lobaire.  Elle  varie  à  l'infini  suivant  les  causes  et  suivant  les 

I  formes  de  la  maladie,  de  sorte  qu'il  est  difficile  d'en  déterminer  les  termes 
|  précis.  Comme  le  fait  observer  Barrier,  la  plus  longue  durée  de  la  bron- 
i  cho-pneumonie  aiguë  s'observe  surtout  dans  les  cas  de  guérison.  Il  n'est 
]  pas  rare  de  voir  persister  la  toux,  la  dyspnée  et  même  les  signes  physi- 
i  ques  pendant  un  mois  et  davantage.  D'une  façon  générale,  dans  les  cas 
i  qui  se  terminent  fatalement,  la  brièveté  de  la  maladie  est  en  raison  di- 
irecte  de  l'étendue  des  lésions,  quel  que  soit  le  lieu  où  elles  prédominent, 
tdnns  les  bronches  ou  dans  le  parenchyme  :  c'est  dans  les  catarrhes  suffo- 
cants les  plus  intenses  et  dans  les  pneumonies  les  plus  étendues  que  la 
i  mort  arrive  le  plus  rapidement  par  les  progrès  continus  de  l'asphyxie, 
f  quelquefois  en  deux  ou  trois  jours  (Rillict  et  Barthez,  Damaschino).  La 
t  durée  moyenne  est  de  cinq  à  six  jours.  La  maladie  est  plus  longue  dans 
Iles  cas  où  elle  procède  par  des  poussées  suivies  de  rémissions.  Elle  peut 
i  atteindre  alors  deux  ou  trois  semaines,  mais  déjà  au  bout  de  ce  temps, 
c  comme  nous  le  verrons,  les  poumons  présentent  les  lésions  caractéristiques 
i  de  la  forme  subaiguë. 

La  terminaison  de  la  broncho-pneumonie  est  beaucoup1» plus  souvent 
f  funeste  que  celle  de  la  pneumonie  lobaire.  Dans  les  cas  bénins  à  début 
brusque,  la  guérison  s'obtient  quelquefois  assez  rapidement.  Billiet  et 
Barthez  l'ont  vue  se  produire  dans  l'espace  de  huit  à  dix  jours.  Ordinai- 
n'iiient  l'amélioration  est  graduelle  :  la  fièvre  diminue  en  môme  temps 
que  la  dyspnée  ;  les  sueurs  et  les  urines  sont  plus  abondantes;  la  tempéra- 
ture du  soir  est  moins  élevée,  le  chiffre  des  pulsations  s'abaisse  et  peut 
jtttomber  à  60,  56,  52  (Cadet  de  G-assicourt).  Le  visage  devient  meilleur, 

II  l'enfant  tousse  avec  plus  d'énergie,  l'expectoration  est  plus  abondanle, 


.Mit; 


IWKUMOiMK.  —  iihonciio-I'NEUJIomi-.  —  comi'I.icatioks. 


jaunâtre,  muco-purulcnte,  les  râles  plus  gros,  plus  humides,  l'appétit  et 
les  forces  se  raniment.  La  convalescence  est  toujours  plus  ou  moins 
longue  ;  l'auscultation  l'ait  constater  des  râles  sous-crépilants  pendant  plu- 
sieurs semaines  ;  le  souffle  persiste  également  pendant  quelques  jours  : 
aussi  les  rechutes  sont  communes  et  on  doit  les  redouter  tant  qu'il  reste 
un  peu  de  lièvre  ou  que  les  signes  locaux  n'ont  pas  entièrement  disparu. 
Longtemps  l'enfant  reste  faible  et  amaigri,  apathique  et  irritable,  ayant 
la  peau  sèche  et  écailleuse  et  présentant  des  troubles  digestifs;  comme  le 
disent  Rillietet  Barthez,  la  lutte  entre  la  santé  et  la  maladie  se  poursuit 
encore  assez  longtemps  et  il  se  passe  souvent  une  ou  plusieurs  semaines 
avant  que  les  enfants  aienl  repris  bonne  apparence. 

Il  faut  redouter  le  passage  à  V élat  chronique,  lorsque  l'on  voit  la  fièvre, 
la  dyspnée  et  la  toux  reparaître  après  des  intervalles  d'amélioration  plus 
ou  moins  marquée. 

La  mort,  comme  nous  l'avons  vu,  arrive  par  les  progrès  de  la  suffocation 
et  de  l'aspbyxie,  tantôt  d'une  façon  très-rapide  en  deux  ou  trois  jours, 
tantôt  plus  lentement  au  bout  d'une  semaine  ou  deux.  La  cyanose  ou  la 
lividité  de  la  face,  la  fréquence  du  pouls,  la  respiration  suspirieuse  avec 
des  intervalles  d'apnée,  la  cessation  de  la  toux,  le  râle  trachéal ,  les  con- 
vulsions des  muscles  moteurs  de  l'œil  et  de  la  face,  quelquefois  les  con- 
vulsions générales,  annoncent  la  mort  prochaine  ;  ordinairement  l'enfant 
succombe  dans  le  coma. 

Complications.  —  La  plupart  doivent  être  le  plus  souvent  rapportées 
aux  maladies  qui  ont  été  l'occasion  de  la  broncho-pneumonie.  Ventérile, 
Y entéro-colile ,  sont  très-communes;  le  muguet  apparaît  parfois  chez  les 
enfants  cachectiques,  ou  lorsque  la  broncho-pneumonie  est  déjà  ancienne. 
Il  en  est  de  même  des  eschares  au  sacrum,  des  éruptions  d'eclhyma  à 
la  face,  au  pourtour  de  la  bouche  et  du  nez,  souvent  transformées  par  le 
grattage  en  ulcérations  très-tenaces. 

Du  côté  des  voies  respiratoires,  nous  avons  déjà  insisté  sur  les  hémor- 
rhagies  pulmonaires,  sur  les  abcès  et  la  gangrène  pulmonaires,  comi 
plications  qui  peuvent  rester  latentes,  si  les  foyers  ne  communiquent  pas 
avec  les  bronches.  Lajyleurésie  ne  devient  une  complication  que  lorsqu'il 
se  produit  un  épanchement;  celui-ci  peut  devenir  purulent,  nous  avons 
vu  cette  terminaison  se  produire  dans  un  cas  de  broncho-pneumonie 
subaiguë.  Le  pneumothorax,  Vemphysème  généralisé,  s'observent  rare- 
ment et  sont  rapidement  suivis  de  mort.  Uadénopathie  bronchique  ne 
prend  pas  des  proportions  assez  graves  pour  qu'on  puisse  la  constater 
cliniquement  (Cadet  de  Gassicourt).  Plusieurs  auteurs,  Hcnocli,  Damas- 
chino,  Roger,  admettent  que  la  pneumonie  lobaire  vient  parfois  compli- 
quer la  broncho-pneumonie  ;  nous  ne  nions  pas  le  fait,  mais  nous  croyons 
qu'il  s'agit  souvent  dans  ces  cas  de  broncho-pneumonie  pseudo-lobaire. 

Les  convulsions  peuvent  se  montrer  dès  le  début  de  la  broncho-pneu- 
monie (dans  la  rougeole  et  la  coqueluche).  Elles  sont  beaucoup  moins 
fréquentes  que  dans  la  pneumonie  lobaire.  Elles  n'affectent  pas  non  plus 
ordinairement  le  même  caractère  de  gravité  :  la  terminaison  fatale  est 


IWKUMOMK.           BRO.NCHO-PNEUMO.ME.    DIAG.NOSTIC. 


567 


assez  rare,  nous  l'avons  observée  cependant  dans  un  cas  de  broncho-pneu- 
monie pseudo-lobaire  où  les  convulsions  compliquées  encore  de  contrac- 
ture amenèrent  rapidement  la  mort  (Cadet  de  Gassicourt  et  Balzer).  Nous 
rappellerons  nue  dans  ce  cas  les  symptômes  cl  la  marche  de  la  broncho- 
pneumonie  avaient  été  tels  qu'on  avait  cru  qu'il  s'agissait  d'une 
pneumonie  à  forme  méringée. 

Diagnostic.  —  Nous  avons  déjà  suffisamment  insisté  sur  l'obscurité 
du  début  de  la  broncho-pneumonie  et  sur  les  difficultés  qui  entourent  le 
diagnostic  à  cette  période.  Quelquefois  l'enfant  est  dans  un  état  d'abatte- 
ment et  de  prostration  qui  pourrait  en  imposer  et  faire  penser  à  une 
fièvre  typhoïde.  Mais  celle-ci  n'est  jamais  secondaire  ;  elle  peut,  il  est 
vrai,  se  compliquer  de  broncho-pneumonie,  mais  ce  n'est  guère  que 
•dans  le  courant  du  second  septénaire,  au  moment  où  les  signes  de  la 
bronchite  sont  le  plus  marqués. 

Comme  nous  l'avons  dit,  les  meilleurs  signes  delà  broncho-pneumonie 
sont  fournis  par  les  troubles  fonctionnels,  ladypsnée,  l'asphyxie,  l'exacer- 
balion  de  la  fièvre,  etc.  Mais  dans  certaines  circonstances  ces  signes,  aussi 
bien  que  ceux  que  révèle  l'exploration  physique,  peuvent  être  méconnus 
ou  trop  peu  accusés,  surtout  chez  les  vieillards,  chez  les  enfants  épuisés 
par  une  affection  antérieure,  et  en  proie  à  la  fièvre  hectique  ;  ces  broncho- 
pneumonies cachectiques  sont  plutôt  soupçonnées  que  réellement  dia- 
gnostiquées. De  même,  pendant  la  convalescence  elle  déclin  des  maladies, 
•la  broncho-pneumonie  peut  se  développer  sans  donner  lieu  à  des 
symptômes  sérieux;  on  croit  n'avoir  affaire  qu'à  une  bronchite  persistante, 
et  ce  n'est  que  plus  lard  que  les  signes  de  broncho-pneumonie  s'accusent 
nettement.  Dans  la  diphthérie,  la  difficulté  avec  laquelle  se  fait  la  respira- 
lion,  la  prédominance  des  symptômes  laryngés,  l'ont  que  souvent  le  dia- 
gnostic de  la  broncho-pneumonie  ne  peut  être  affirmé  qu'à  cause  de  la 
fréquence  de  cette  complication. 

Cependant,  le  diagnostic  est  facile  dans  la  grande  majorité  des  cas,  la 
marche  de  la  température,  la  dyspnée  spéciale,  la  marche  des  signes 
physiques,  peuvent  être  considérées  comme  caractéristiques,  et  les  com- 
ipémoralifs  mettent  encore  sur  la  voie. 

11  est  plus  difficile  d'approfondir  le  diagnostic  et  dese  rendre  un  compte 
exact  de  l'état  du  poumon  et  de  la  forme  des  lésions  dont  il  est  le  siège. 
Dans  la  forme  suffocante,  les  lésions  lobulaires  sont  disséminées,  l'auscul- 
tation ne  révèle  que  des  râles  sous-crépitants  plus  ou  moins  fins,  habi- 
tuellement pas  de  souffle.  Ces  symptômes,  joints  aux  troubles  fonctionnels 
et  à  une  fièvre  intense,  sont  ceux  de  la  bronchite  capillaire.  Nous  n'in- 
sisterons donc  point  sur  des  caractères  différentiels  qui  n'existent  point 
pour  nous,  attendu  que  l'inflammation  ne  peut  atteindre  les  bronches 
lobulaires  sans  qu'il  y  ait  en  même  temps  inflammation  du  lobule. 

Dans  les  cas  de  pneumonie  lobulaire  généralisée,  le  souffle  peut  n'être 
i  pas  perçu  à  cause  de  l'abondance  des  râles,  mais,  comme  nous  l'avons 
vu,  son  absence  n'est  que  transitoire,  et  bientôt  la  matilé,  le  souffle, 
la  bronchophonie,  révèlent  l'existence  d'une  induration  pulmonaire  qui 


5G8 


PNKUMONIE. 


  ItnONCIIO-PNEUHOME.    DIAGNOSTIC. 


s'étend  peu  à  peu.  Barrier  fait  cependant  remarquer  que,  dans  quelques 
cas,  celle-ci  peut  exister  dans  des  points  où  elle  ne  se  trahit  par  aucun 
signe  (face  médiastine  et  diaphragmatique  du  poumon,  bords,  etc.). 

Dans  la  forme  pscuuVlobaire,  les  signes  d'induration  apparaissent 
d'une  manière  plus  évidente  et  plus  brusque,  et  c'est  surtout  celte  forme 
qu'on  peut  confondre  avec  la  pneumonie  franche.  Celle-ci  cependant  est 
rarement  précédée  de  bronchite  et  s'accompagne  d'une  réaction  habituel- 
lement plus  vive.  La  dyspnée  est  plus  forte  dans  la  broncho-pneumonie 
pseudo-lobairc,  mais  il  n'y  a  pas  de  frisson  initial  ni  le  point  de  coté; 
les  râles  sont  fins,  mais  s'entendent  dans  les  deux  temps  de  la  respiration. 
Dans  l'immense  majorité  des  cas,  on  trouvera,  du  côté  opposé,  des  signes 
se  rapportant  à  une  forme  quelconque  de  broncho-pneumonie.  Dans  quel- 
ques cas  assez  rares,  le  diagnostic  est  entouré  de  difficultés  presque  insur- 
montables ;  la  réserve  est  commandée  quand  une  bronchite  a  précédé 
l'apparition  d'une  pneumonie  franche.  De  plus,  celle-ci  peut  être  double, 
mais  alors  elle  occupe  habituellement  les  deux  sommets,  tandis  que  la 
broncho-pneumonie  siège  plutôt  aux  bases.  Toutefois,  nous  le  répétons, 
l'erreur  est  quelquefois  inévitable  et  la  broncho-pneumonie  pseudo-lobaire- 
peut  se  présenter  avec  des  symptômes  locaux  et  généraux  qui  simulent 
absolument  la  pneumonie  franche.  On  ne  pourra  être  mis  en  garde  que 
par  la  gravité  insolite  des  symptômes,  la  pneumonie  lobaire  étant  généra- 
lement une  maladie  béniçme  dans  l'enfance. 

Le  diagnostic  du  degré  des  lésions  présente  également  de  grandes 
difficultés,  mais  il  n'offre  pas  le  même  intérêt  et  ne  peut  être  formulé 
d'une  façon  absolue.  En  effet,  l'âge  des  lésions  varie  dans  la  broncho- 
pneumonie  suivant  l'extension  de  la  bronchite,  et  un  groupe  de 
lobules  où  domine  la  splénisation  peut  se  trouver  dans  le  voisinage  d'un 
autre  où  l'inflammation  péri  bronchique  est  très-étendue  et  sur  le  point 
d'aboutir  à  la  suppuration.  On  ne  peut  donc  guère  arriver,  pour  les  cas 
aigus,  qu'à  distinguer  les  cas  où  prédomine  l'élément  bronchique  et  ceux 
où  prédomine  l'élément  parenchymateux.  La  suppuration,  la  dilatation  des 
bronches,  les  vacuoles,  appartiennent  aux  cas  subaigus,  et  souvent  ce  sont 
beaucoup  moins  les  signes  physiques  qui  conduisent  au  diagnostic  de  ce§ 
lésions  que  l'étude  attentive  des  symptômes  généraux,  la  persistance  de 
la  toux  et  des  accès  de  fièvre,  la  faiblesse  et  l'amaigrissement  progressifs; 
le  passage  à  l'état  subaigu  doit  toujours  être  redouté  lorsqu'une  amélio- 
ration franche  ne  se  produit  pas  une  quinzaine  de  jours  après  le  début 
des  accidents. 

La  congestion  pulmonaire  passive  qui  se  développe  principalement  dans 
le  cours  des  fièvres  à  forme  adynamique  ne  s'accompagne  pas  de  phéno- 
mènes généraux  et  locaux  aussi  marqués.  Le  plus  souvent  il  n  y  a  ni 
dyspnée,  ni  toux  ni  expectoration  exagérées;  il  n'y  a  pas  non  plus  d'accé- 
lération nouvelle  dans  le  pouls,  ni  de  redoublement  fébrile.  Mais  il  ne 
faut  pas  oublier  que  cette  congestion  est  bien  souvent  voisine  de  la  plileg- 
masic,  et  dans  certains  cas,  notamment  dans  la  fièvre  typhoïde,  elle  fin» 
par  s'accompagner  de  lésions  broncho-pneumoniques  véritables.  Quant  à 


PNEUMONIE.           BBOXCHO-I'NEUMOKIE.    PBONOSTIC. 


569 


la  congestion  aiguë  du  poumon,  elle  diffère  totalement  de  la  broncho- 
pneumonie par  l'existence  du  point  de  côté,  par  l'absence  ou  le  peu 
d'abondance  de  l'expectoration,  par  le  siège  peu  étendu  des  râles  et  du 
Bpuffle,  enfin  par  la  bénignité  ordinaire  des  accidents. 

Dans  les  maladies  qui  se  compliquent  de  broncho-pneumonie,  on  voit 
fréquemment  naître  la  tuberculose  pulmonaire;  de  grandes  analogies  dans 
les  symptômes  se  joignent  à  cette  conformité  d'origine  et  contribuent  à 
rendre  le  diagnostic  différentiel  extrêmement. difficile,  quand  la  tubercu- 
lose prend  elle-même  la  forme  broncho-pneumonique. 

En  effet,  la  tuberculose  miliaire  aiguë  ou  pklhisie  granulique  res- 
semble peu  à  la  broncho-pneumonie  aiguë,  et  s'en  distingue  surtout  par 
l'absence  ou  l'intensité  des  symptômes  stélhoscopiques,  en  contraediction 
avec  la  violence  de  la  dyspnée  et  la  gravité  des  phénomènes  généraux. 
Ce  n'est  que  dans  la  forme  catarrhale  de  la  phthisie  granulique  que  les 
diflicultés  sont  grandes  pour  le  diagnostic  et  parfois  même  insurmontables 
[Voy.  art.  Phthisie,  t.  XXVII  p.  549). 

Quand  la  tuberculose  pulmonaire  revêt  la  forme  broncho-pneumonique, 
il  peut  arriver  dans  les  cas  suraigus  qu'elle  tue  rapidement  avant  d'avoir 
déterminé  la  formation  de  cavernes.  Le  diagnostic  est  impossible  d'après 
l'examen  des  symptômes  locaux,  car,  comme  l'a  démontré  Charcot,  il 
existe  ici  une  véritable  broncho-pneumonie  avec  exsudais  fibrincux  et 
desquamation  épithéliale  qui  entoure  les  nodules  tuberculeux  péribron- 
chiques.  Les  lésions,  à  part  ces  nodules,  sont  absolument  identiques,  et 
par  suite  les  signes  physiques  sont  semblables.  11  faut  noter  cependant, 
suivant  Charcot,  que  les  symptômes  généraux  ne  sont  pas  toujours  en 
rapport  avec  l'étendue  des  lésions.  On  observe  un  abattement,  un  état  ty- 
phoïde, qui  sontsous  la  dépendance  de  l'évolution  des  tubercules.  La  maladie 
revêt  une  allure  spéciale  qui  tient  de  la  tuberculose  miliaire  aiguë  et  de 
la  broncho-pneumonie.  De  plus,  ces  phthisies  pneumoniques  suraiguës  si- 
mulentaussi  bien  la  pneumonie  lobaire  que  la  broncho-pneumonie  (cas  de 
Maygricr).  Quand  elles  ressemblent  à  cette  dernière,  nous  verrons  que 
c'est  surtout  à  la  forme  subaiguë  qu'il  faut  les  comparer,  car  ces  phthisies 
pneumoniques  mettent  toujours  au  moins  deux  septénaires,  quelquefois 
un  mois,  àparcourir  leur  évolution. 

Nous  ne  ferons  que  rappeler  ici  qu'il  est  quelquefois  difficile  de  décou- 
vrir la  cause  de  la  broncho-pneumonie.  Au  début  d'une  coqueluche,  dans 
la  rougeole  dont  l'exanthème  a  été  peu  marqué  ou  fugace,  dans  les  diph- 
théi  'ics  graves  et  insidieuses,  on  rencontre  des  exemples  de  broncho-pneu- 
monies attribuées  quelquefois  à  tort  à  un  refroidissement  et  à  une 
bronchite  simple.  Dans  quelques  cas,  le  diagnostic  peut  rester  impossible; 
d.ins  d'autres  cas,  la  maladie  primitive  peut  s'affirmer  par  des  manifesta- 
tions nouvelles  ou  par  des  complications  spéciales  qui  permettent  de  la 
reconnaître. 

Pronostic.  —  Chez  l'enfant,  la  terminaison  par  guérison  peut  être 
considérée  comme  la  règle  pour  la  pneumonie  lobaire,  à  très-peu  d'ex- 
ceptions près.  Pour  la  broncho-pneumonie,  au  contraire,  la  mort  est  la 


PNEUMONIE*           IIHOKCHO-I'NEUMÛME.    PRONOSTIC. 


terminaison  la  [«lus  fréquente.  Sur  1 91)  cas,  Roger  ne  noie  que  52  guéri- 
scras  :  la  mortalité  atteindrait  donc  les  trois  quarts  dos  malades.  Le  pronos- 
tic varie  d'ailleurs,  suivant  les  causes  et  les  formes  de  la  maladie,  suivant 
l'état  des  forces  et  suivant  l'âge.  La  broncho-pneumonie  qui  succède  à  la 
bronchite  à  frigore  est  redoutable  surtout  chez  les  nouveau-nés.  Elle 
est  rare  chez  les  enfants  plus  âgés,  mais  presque  toujours  très-grave, 
comme  nous  l'avons  vu.  Ce  sont  les  broncho-pneumonies  qui  suc- 
cèdent aux  maladies  infectieuses  ou  épidémiques  qui  présentent  le  plus 
•de  dangers. 

Dans  la  coqueluche,  la  mortalité  serait  de  50  pour  cent,  dans  la  rou- 
geole de  55  pour  cent  suivant  Ziemssen.  Le  pronostic  s'assombrit  encore 
lorsque  plusieurs  de  ces  maladies  existent  en  même  temps,  lorsqu'une 
coqueluche  se  complique  de  rougeole,  et  dans  les  cas  de  diphthérie  se- 
condaire. Le  croup  est  d'ailleurs  une  des  maladies  dans  lesquelles  la 
broncho-pneumonie  cause  le  plus  de  décès.  La  gravité  des  accidents  varie 
avec  les  épidémies,  avec  les  conditions  hygiéniques;  en  ville,  suivant  tous 
les  auteurs,  on  obtient  beaucoup  plus  de  guérisons  qu'à  l'hôpital,  où  la 
mauvaise  aération  et  l'encombrement,  la  présence  d'autres  maladies  con- 
tagieuses, multiplient  les  dangers.  Suivant  Rilliet  et  Barlhez,  les  deux  tiers 
des  malades  guérissent  en  ville. 

La  forme  suffocante,  à  part  les  cas  suraigus  et  foudroyants,  est  celle 
qui  se  termine  le  plus  souvent  par  la  guérison.  Comme  nous  l'avons  vu, 
les  lésions  sont,  en  effet,  très-étendues,  mais  peu  profondes,  et  la  résolu- 
tion a  beaucoup  plus  de  chance  de  s'opérer  que  dans  les  formes  parenchy- 
mateuses  lobulaire  généralisée  ou  pseudo-lobaire,  ou  même  disséminée, 
quand  les  noyaux  sont  nombreux.  Nous  n'insisterons  pas  sur  la  gravité  des 
broncho-pneumonies  cachectiques,  qui  sont  presque  toujours  une  compli- 
cation ultime  des  maladies  chroniques. 

Parmi  les  symptômes  graves,  il  faut  noter  l'intensité  de  la  fièvre,  une 
température  de  40  à  41  degrés,  jointe  à  une  fréquence  exagérée  du  pouls 
et  de  la  respiration  ;  dans  d'autres  cas,  au  contraire,  la  cessation  de  la 
toux,  le  ralentissement  notable  de  la  respiration,  l'abaissement  de  la 
température  (Steiner  et  Wyss),  les  phénomènes  nerveux,  éclampsie,  délire, 
le  signes  d'asphyxie  progressive,  principalement  dans  la  forme  suffocante, 
la  teinte  cyanique  des  extrémités.  Souvent,  lorsque  la  mort  arrive,  la  toux 
cesse,  on  entend  bientôt  le  râle  trachéal,  l'enfant  déjà  somnolent  ne  tend 
pas  à  tomber  dans  le  coma.  Rilliet  et  Barthez  ont  considéré  également  la 
suspension  momentanée  de  la  respiration  comme  un  symptôme  très-grave. 
Cette  apnée  dure  quelques  secondes  à  une,  deux  minutes  et  plus,  et  se 
répète  plusieurs  fois  avec  une  intensité  croissante,  à  tel  point  qu'on  a  pu 
croire  l'enfant  mort  (phénomène  de  Shcyncs-Stokes).  D'après  Jcerg,  ce 
phénomène  se  rencontrerait  surtout  dans  l'alélcctasie  des  nouveau-nés. 
L'état  des  forces  influe  beaucoup  sur  la  gravité  du  pronostic,  et  l'on  doit 
tenir  compte  du  moment  où  se  produit  la  complication  broncho-pulmo- 
naire, au  début  ou  à  la  fin  de  la  maladie  primitive. 

Chez  les  nouveau-nés,  la  broncho-pneumonie  est  mortelle  :  Vallcix,  sur 


PNEUMONIE. 


  HRONCIIO-P.NEUMOKIE.  —  ÉTIOLOGIE. 


571 


128  cas  de  pneumonies  el  broncho-pneumonies,  signale  127  décès.  Bartels 
a  perdu  tous  les  malades  âgés  de  moins  d'un  an. 

A  partir  de  trois  ans,  la  mortalité  est  beaucoup  moindre.  Dans  la  statis- 
tique de  Roger,  au-dessous  de  trois  ans,  la  mortalité  a  été  des  trois 
quarts;  au-dessus  de  six  ans,  d'un  sixième  des  malades.  Ces  chiffres  sont 
un  peu  plus  forts  que  ceux  des  auteurs  allemands,  qui  attribuent  celte  dif- 
férence aux  méthodes  de  traitement  qu'ils  emploient,  principalement  à 
l'hydrothérapie.  Les  diverses  statistiques  sont  d'ailleurs  loin  d'être  abso- 
lument rigoureuses  :  on  n'a  pas  assez  tenu  compte  des  circonstances  dans 
lesquelles  la  maladie  s'est  développée,  et  surtout  on  a  souvent  confondu 
des  broncho-pneumonies  tuberculeuses  ou  des  lésions  syphilitiques  du 
poumon  avec  la  broncho-pneumonie.  Malgré  la  sévérité  de  ce  pronostic, 
il  ne  faut  jamais  oublier  que  des  guérisons  absolument  inespérées  se 
produisent  parfois  (Rilliet  et  Barthez).  Chez  l'adulte,  le  pronostic  de  la 
broncho-pneumonie  est  également  très-grave,  mais  les  guérisons  sont 
plus  fréquentes.  Chez  le  vieillard,  elle  est  à  peu  près  constamment  mor- 
telle. 

Étiologie.  —  La  bronchite  représentant  la  cause  déterminante  de 
l'inflammation  du  lobule,  il  ne  nous  reste  qu'à  montrer  dans  quelles  cir- 
constances elle  va  gagner  celui-ci  et  quelles  sont  les  conditions  qui  favo- 
risent cette  propagation  :  à  rechercher,  en  un  mot,  les  causes  prédispo- 
santes de  la  maladie. 

Nous  pouvons  dire,  dès  à  présent,  que  leur  mode  d'action  se  résume 
dans  les  propositions  suivantes  :  1°  La  bronchite  donne  naissance  à  la 
broncho-pneumonie  quand  la  respiration  se  fait  mal,  soit  que  l'action  de 
la  mécanique  respiratoire  soit  compromise,  soit  que  l'air  introduit  soit 
impur  ou  vicié  ;  2°  il  faut  que  la  bronchite  se  soit  elle-même  développée 
dans  des  conditions  morbides  spéciales,  déterminées  soit  par  une  maladie 
en  cours  d'évolution,  soit  par  des  maladies  antérieures. 

La  démonstration  de  la  première  proposition  découlera  de  l'étude  des 
divers  états  dans  lesquels  l'acte  de  la  respiration  devient  facilement 
insuffisant  ou  défectueux.  L'âge  exerce  une  influence  sur  laquelle  ont 
insisté  tous  les  auteurs  ;  la  broncho-pneumonie  est  surtout  une  maladie 
des  cinq  premières  années  de  la  vie,  et  c'est  entre  la  deuxième  et  la  qua- 
trième année  qu'elle  présente  son  maximum  de  fréquence.  Elle  devient 
rare  à  partir  de  l'âge  de  6  ans;  on  ne  l'observe  guère  chez  les  adultes 
que  pendant  les  épidémies  de  grippe  ou  de  rougeole.  Enfin,  elle  se 
retrouve  chez  les  vieillards  avec  une  assez  grande  fréquence;  c'est  avant 
tout  une  maladie  des  âges  extrêmes,  et  cette  rareté  dans  les  âges  moyens 
montre  bien  la  grosse  part  que  doivent  réclamer  les  influences  méca- 
niques dans  son  étiologie.  D'une  part,  en  effet,  les  mouvements  de  la  res- 
piration se  troublent  ou  s'affaiblissent  facilement;  d'autre  part,  la  sensi- 
bilité réflexe  est  obtuse,  les  mucosités  s'accumulent  dans  les  bronches, 
l'expectoration  est  nulle  ou  presque  nulle.  La  résistance  des  tissus  est 
moindre  ;  l'inflammation  se  développe  et  s'étend  plus  facilement.  La  pres- 
que totalité  des  enfants  nouveau-nés  succombent  avec  des  lésions  broncho- 


572 


PNEUMONIE.  — 


ÎIRONCIIO-PNELMOME. 


  IÎT10LOGIE. 


pneumoniques.  Chez  les  vieillards,  la  broncho-pneumonie  reconnaît  le 
plus  souvent  pour  causes  la  bronchite  chronique,  les  maladies  du  cœur, 
le  décubitus  prolongé.  Hourmann  et  Dechambre,  Cruveilliier,  ont  insisté 
sur  l'influence  du  froid.  Durand-Fardel  en  a  observé  de  nombreux  cas 
pendant  l'épidémie  de  grippe  de  l'hiver  de  1 852- 1  ST>5. 

On  a  dit  aussi  que  la  broncho-pneumonie  était  plus  fréquente  chez  les 
petits  garçons  que  chez  les  petites  filles,  mais  ce  fait  n'est  rien  moins 
que  démontré  et  les  stastistiques  sont  contradictoires  (Roger). 

Nous  ne  ferons  que  signaler  ici  le  décubilus  dorsal,  sur  lequel  nous 
avons  insisté  à  plusieurs  reprises;  l'influence  de  la  stase  sanguine  est 
suffisamment  prouvée  par  la  localisation  des  lésions  dans  les  parties 
postérieures  des  poumons.  Le  sang  tend  à  s'y  accumuler,  non-seulement 
parce  que  ces  parties  sont  les  plus  déclives,  mais  encore  parce  qu'elles 
sont  inaclives  et  immobiles,  tandis  que  les  parties  antérieures  se  dilatent 
et  servent  seules  à  l'hématose.  Le  défaut  de  soins  peut  donc  être  con- 
sidéré comme  une  cause  importante  de  broncho-pneumonie.  Cette  maladie, 
si  commune  dans  les  hôpitaux,  est  beaucoup  moins  souvent  observée  en 
ville.  Sur  72  malades,  Steffen  signale  18  enfants  bien  nourris,  8  assez 
bien  nourris,  et  46  vivant  dans  la  misère. 

La  faiblesse  des  mouvements  respiratoires  peut  être  en  outre  liée  à  un 
affaiblissement  général  chez  les  enfants  d'une  constitution  chétive,  sou- 
mis à  une  hygiène  défectueuse,  ou  affaiblis  par  des  maladies  aiguës  ou 
chroniques. 

La  broncho-pneumonie  succède  facilement,  pour  les  mêmes  raisons, 
aux  bronchites  qui  se  développent  chez  les  enfants  atteints  de  déforma- 
tions rachitiques  du  thorax.  La  gêne  de  la  circulation  cardio-pulmonaire 
favorise  le  développement  d'une  broncho-pneumonie  le  plus  souvent 
mortelle. 

Les  influences  de  milieu  jouent  également  un  rôle  important  dans 
l'étiologie  de  la  broncho-pneumonie.  Lorsque  les  malades  respirent  un 
air  impur  ou  vicié,  la  maladie  se  déclare  parfois  avec  une  fréquence  telle 
que  certains  auteurs  l'ont  considérée  comme  pouvant  devenir  contagieuse 
dans  certaines  circonstances  (Guersant,  Rilliet  et  Barthez).  L'encom- 
brement et  la  viciation  de  l'air  qui  en  résulte  multiplient  certainement 
les  cas  de  broncho-pneumonie  dans  les  hôpitaux  d'entants.  Si  l'idée  de  la 
contagion  ne  peut  être  acceptée,  on  est  forcé  de  reconnaître  que  les 
influences  de  milieu  peuvent  créer  des  prédispositions  spéciales  en  vertu 
desquelles  la  maladie  paraît  quelquefois  épidémique.  Ces  influences,  il 
faut  le  dire,  ne  semblent  s'exercer  que  dans  les  maladies  épidémiques 
qui  sont  elles-mêmes  la  cause,  l'occasion  la  plus  fréquente  de  la  broncho- 
pneumonie.  Celle-ci  apparaît  alors  comme  complication,  et  modifie  à  ce 
point  l'aspect  de  la  maladie  primitive  qu'on  a  décrit  ce  nouveau  com- 
plcxus  pathologique  comme  une  affection  mixte  sous  les  noms  de  bron- 
chite capillaire  épidémique,  épidémie  de  catarrhe  suffocant,  épidé- 
mie de  concrétions  jibrineuscs  polypiformes  du  cœur,  bronchite  ca- 
pillaire morbillcusc  (L.  Colin).  Sydcnham  et  Etlmiiller  ont  rapporté  l'his- 


PNEUMONIE. 


  BRONCHO-PNEUMONIE.    ÉTIOLOGIE. 


575 


toire  d'une  épidémie  de  fièvre  catarrhale  dans  laquelle  les  vieillards 
surtout  succombaient  à  un  catarrhe  suffocant.  lluxham  (1751-1742), 
Crivelli,  en  Italie  (1755),  Lepcq  de  la  Clôture,  ont  publié  des  relations  de 
ces  épidémies  dans  le  dernier  siècle.  Ces  accidents  se  déclarent  habituel- 
lement à  l'occasion  d'un  froid  intense,  quand  une  fièvre  éruptive  se 
déclare  dans  un  corps  de  troupes  formé  principalement  de  recrues  ou  de 
jeunes  soldats.  Mahot,  Bonarny,  Marcé  et  Malherbe,  ont  publié  à 
Nantes  la  relation  d'une  épidémie  de  bronchite  capillaire  de  ce  genre 
(1840-1841.)  Des  faits  analogues  ont  été  observés  à  Lyon,  par  Armand, 
à  Saint-Omer,  à  Paris  et  à  Boulogne,  par  J.  Périer.  Bartcls  a  insisté  sur 
les  dangers  de  l'encombrement;  MM.  Lévy,  Laveran,  Léon  Colin,  etc.,  les 
ont  également  démontrés  dans  divers  travaux.  Il  suffit  de  lire  les  obser- 
vations de  ces  bronchites  capillaires  pour  reconnaître  qu'il  s'agit  bien  de 
véritables  broncho-pneumonies  avec  réplétion  de  tout  l'arbre  respiratoire 
par  une  grande  quantité  de  muco-pus,  et  dans  quelques  cas  par  de  vastes 
hépatisations  non  granulées  et  doubles.  Dans  les  épidémies  de  Nantes  et 
de  Lyon  et  dans  celle  de  Bicétre  en  1870,  les  observateurs  ont  noté  la 
fréquence,  dans  les  cavités  droites  du  cœur,  de  caillots  blancs,  tenaces, 
avec  prolongement  dans  les  divisions  de  l'artère  pulmonaire;  ces  caillots 
paraissent  avoir  joué  un  rôle  important  dans  les  terminaisons  par  mort 
subite  (péripneumonie  maligne  polypeuse). 

Les  saisons  ne  paraissent  pas  toujours  exercer  une  influence  très- 
marquée  sur  la  broncho-pneumonie.  Elle  se  montre  beaucoup  au  prin- 
temps et  à  l'automne,  mais  uniquement  parce  que  c'est  à  ces  époques 
qu'on  observe  le  plus  de  fièvres  éruplives  (De  la  Berge).  Bogcr  fait  re- 
marquer que  c'est  en  hiver  qu'on  observe  le  plus  grand  nombre  de 
pneumonies  lobulaires  qui  succèdent  à  la  bronchite  simple.  Les  change- 
ments subits  de  température,  le  refroidissement  dans  le  bain,  ont  été 
parfois  des  causes  occasionnelles  de  la  maladie  chez  les  enfants  (Cadet 
de  Gassicourt). 

Il  semble  résulter  des  expériences  que  Ileidenhain  a  faites  sur  les  ani- 
maux que  les  inspirations  d'air  sec  très-chaud  ou  très-froid  n'ont  pas 
une  influence  très-nuisible  sur  les  poumons.  L'air  humide  et  froid,  au 
contraire,  conserve  dans  les  voies  aériennes  la  température  qu'il  avait 
a\\.nl  l'inspiration,  et  son  inhalation  détermine  des  bronchites  et  des 
pneumonies  lobulaires  disséminées,  jamais  de  pneumonies  lobaires. 

Causes  déterminantes.  —  Il  faut,  pour  que  les  causes  prédisposantes 
que  nous  venons  d'énumérer  exercent  leur  action,  qu'une  bronchite  née 
dans  des  conditions  spéciales  vienne  jouer  le  rôle  de  cause  déterminante. 
Ces  conditions  se  rencontrent  dans  toutes  les  affections  de  l'enfance  qui 
présentent  des  manifestations  fluxionnaircs  et  inflammatoires  du  côté  des 
muqueuses  des  voies  respiratoires.  En  première  ligne  doivent  se  placer  les 
lièvres  éruptives,  la  coqueluche,  la  diphthéric,  la  grippe,  la  lièvre  ty- 
phoïde, etc..  Après  ces  maladies  aiguës,  nous  passerons  en  revue  les 
affections  chroniques  dans  lesquelles  la  broncho-pneumonie  apparaît 
souvent  comme  complication  ultime. 


574  PNKUMONIK.  —  brohdbo-pjîbwjomib,  —  ÉraowciB. 

La  broncho-pneumonifliSfi  développe  plus  fréquemment  dans  la  rougeole 
que  dans  les  autres  pyrexies.  Parmi  les  fièvres  éruplives,  c'est  en  effet  celle 
dans  laquelle  l'exaulliômc  affecte  de  préférence  la  muqueuse  des  voica 
respiratoires.  Les  auteurs  ont  émis  diverses  opinions  au  sujet  des  cir- 
constances qui  provoquent  l'apparition  de  cette  complication  ;  Rilliel  et 
Barthez  admettent  dans  quelques  cas  l'influence  d'un  refroidissement  subit, 
opinion  rejetée  par  Damaschino.  Nous  devons  plutôt  croire,  avec  Roger,  que 
dans  une  première  série  de  cas  la  complication  est  due  à  la  diffusion  de 
l'exanthème  qui  s'étend  jusqu'aux  petites  bronches.  Simple  fluxion  très- 
mobile  de  la  muqueuse  des  grosses  bronches,  il  donne  lieu  à  des  lésions 
plus  profondes  et  plus  tenaces  lorsqu'il  atteint  les  éléments  beaucoup  plus 
susceptibles  qui  constituent  le  parenchyme  du  lobule.  C'est  au  plus  fort 
de  l'éruption,  du  deuxième  au  quatrième  jour,  que  cette  propagation 
est  la  plus  fréquente  (Becquerel,  Rilliel  et  Barthez,  II.  Roger).  La  lluxion 
bronchique,  de  même  que  celle  des  muqueuses  nasales  cl  oculaires,  pré- 
cède l'apparition  de  l'exanthème,  el  il  peut  arriver  que  la  broncho-pneu- 
monie se  déclare  pendant  cette  période  prodromique  (Rilliel  el  Bai  lliez, 
H.  Roger)  ;  généralement  alors  la  rougeole  sort,  mal,  et  certains  auteurs  ont 
pris  à  tort  cet  effet  pour  la  cause  véritable.  Ajoutons  que  suivant  Sv- 
denham  et  Trousseau  la  broncho-pneumonie  se  déclarerait  le  plus  souvent 
vers  le  huitième  jour  de  la  rougeole:  dans  les  faits  observés  par  Damas- 
chino, elle  s'est  déclarée  du  troisième  au  huitième  jour,  pendant  l'exan- 
thème; mais  soit  qu'elle  le  précède,  ce  qui  est  rare,  soit  qu'elle  appa- 
raisse pendant  son  évolution,  la  broncho-pneumonie  résulte  de  la  diffusion 
de  la  bronchite  morbilleuse.  Il  n'en  est  plus  de  même  lorsqu'elle  se 
déclare  pendant  la  convalescence  ou  après  la  disparition  de  l'éruption, 
lorsque  le  catarrhe  du  début  est  passé  à  l'état  chronique;  le  refroidis- 
sement peut  cire  alors  la  cause  occasionnelle  du  développement  de  la 
complication.  La  fréquence  et  la  gravité  de  ces  broncho-pneumonies  mor- 
billeuses  sont  variables  avec  les  différentes  épidémies,  et,  comme  nous 
l'avons  vu,  avec  les  saisons  dans  lesquelles  elles  se  montrent,  et  avec  les 
conditions  dans  lesquelles  sont  traités  les  malades.  Barrier,  sur  55  broncho- 
pneumonies,  en  compte  1 G  consécutives  à  la  rougeole.  Roger,  sur  204 
cas,  en  compte  45.  Lorsque  la  rougeole  se  complique  de  gangrène  de  la 
bouche,  on  trouve  ordinairement  des  lésions  broncho-pneumoniques  plus 
ou  moins  étendues.  Il  est  possible  qu'elles  soient  dues  à  une  exacerbation 
de  la  bronchite  morbilleuse,  favorisée  par  la  faiblesse  générale  des  ma- 
lades. Quelquefois  les  noyaux  de  broncho-pneumonie  deviennent  eux- 
mêmes  gangreneux,  et  il  est  probable  que  cette  terminaison  est  duc  à  la 
pénétration  dans  la  trachée  de  particules  provenant  de  la  bouche.  Sur 
20  cas  de  gangrène  de  la  bouche,  Rilliel  cl  Barthez  ont  vu  10  fois  la 
broncho-pneumonie  survenir,  lourdes  l'a  observée  58  fois  sur  08  cas. 
L'évolution  de  la  broncho-pneumonie  dans  la  rougeole  ne  présente  rien 
de  spécial  ;  son  début  est  d'autant  plus  accentué  que  la  période  d'érup- 
tion est  plus  avancée  cl  que  la  température  est  plus  basse.  Elle  se  ter- 
mine le  plus  souvent  par  la  mort,  surtout  si  l'enfant  est  jeune  et  débile.  A 


PNEUMONIE.    ItRONCIIO-PNEUMOME.   


KTIOI.OGIK. 


575 


l'autopsie,  on  trouve  isolées  ou  réunies  les  diverses  formes  de  pneumonie 
tabulaire  que  nous  avons  décrites,  avec  des  lésions  bronchiques  plus  ou 
moins  profondes  suivant  la  durée  de  la  maladie.  La  forme  subaiguë  et  le 
passage  à  l'état  chronique  ont  été  observés  plusieurs  fois  à  la  t-uitc  de 
la  rougeole. 

La  scarlatine  se  complique  moins  fréquemment  de  bronchite  que  la 
rougeole.  Aussi,  les  auteurs  sont  en  désaccord  au  sujet  de  savoir  si  les 
broncho-pneumonies  qui  ont  été  observées  ne  doivent  pas  cire  rapportées 
à  une  diphthérie  pharyngiennne  étendue  à  l'arbre  bronchique  (Damas- 
chino). 

Dans  la  variole,  la  broncho-pneumonie  peut  être  encore  considérée 
comme  peu  fréquente.  Cependant,  plusieurs  exemples  en  ont  été  publiés 
(Becquerel)  chez  l'enfant  et  l'adulte. 

La  broncho-pneumonie  complique  fréquemment  la  coqueluche  chez  les 
sujets,  jeunes  à  tel  point  que  Domiciles  la  considérait  comme  devant  sur- 
venir d'une  façon  certaine  chez  les  enfants  de  trois  à  quatre  ans.  Les 
statistiques  sont  cependant  très-variables  à  cet  égard.  Sée  l'a  observée  ebez 
un  tiers  des  malades;  II.  Roger,  chez  un  cinquième  ;  Jacquart,  sur  45  cas  de 
coqueluche,  a  vu  17  broncho-pneumonies,  dans  lesquelles  11  furent  mor- 
telles. Le  catarrhe  bronchique,  qui  forme  l'un  des  éléments  de  la  coque- 
luche, peut  donner  lieu  à  la  broncho-pneumonie  dès  le  début  de  la  ma- 
ladie, avant  l'apparition  des  accès  de  toux  convulsive;  le  diagnostic  est 
i  d'autant  plus  d  i  ff  ici  le  dans  ce  cas,  que,  comme  nous  l'avons  dit,  souvent 
la  broncho-pneumonie  fait  cesser  les  spasmes.  Trousseau  cependant  eslallé 
trop  loin  en  disant  que  cette  influence  se  produisait  régulièrement,  car  il 
i  est  possible  quelquefois  de  reconnaître  que  ces  complications  broncho- 
]  pneumoniques  précoces  doivent  être  rapportées  à  la  coqueluche,  lorsqu'on 
voit  apparaître  dans  leur  cours  quelques  accès  de  toux  caractéristiques. 
1  La  broncho-pneumonie  diminue  les  quintes,  mais  ne  les  fait  pas  entière- 
i  meut  cesser.  Le  plus  souvent,  elle  se  déclare  pendant  ou  vers  la  lin  de  la 
1  période  convulsive.  Suivant  Damascliino,  la  broncho-pneumonie  de  la 
i  coqueluche  se  localiserait  de  préférence  dans  un  des  poumons  ou  dans  un 
1  lobe.  Une  bronchite  d'une  nature  spéciale  est  ici,  comme  dans  la  rou- 
;  geôle,  la  cause  déterminante  de  la  maladie,  et  l'on  conçoit  qu'elle  doive 
i  apparaître  facilement,  si  l'on  se  souvient  de  la  lenteur  de  l'évolution  de 
la  coqueluche,  de  l'épuisement  qui  résulte  des  quintes  et  des  vomisse- 
i  menls,  de  !a  difficulté  avec  laquelle  sont  expectorées  les  mucosités  bron- 
chiques plus  visqueuses  et  plus  adhérentes  que  dans  toute  autre  maladie. 
1  Outre  ces  conditions  qui  favorisent  l'extension  du  catarrhe  aux  petites 
bronches,  il  faut  tenir  compte  de  l'élément  nerveux  de  la  maladie.  II.  Roger 
(  considère  comme  une  cause  adjuvante  les  troubles  de  la  circulation 
S  pulmonaire  en  rapport  avec  les  attaques;  et  nous  rappellerons  à  ce  propos 
!  que  Guéneau  de  Mussy  croit  que  la  toux  spasmodique  de  la  coqueluche 
est  due  à  la  compression  et  à  l'irritation  des  nerfs  du  bile  du  poumon 
par  les  ganglions  bronchiques  hypertrophiés.  Si  celte  opinion  était  dé- 
i  montrée,  il  faudrait  rapporter  peut-être  à  des  désordres  de  l'innervation 


57,6  PNEUMONIE.           WIONCIIO-I'.NEUMOME.  —  ÉTIOI.OGIE. 

vaso-motrice  les  congestions  qui  jouent  un  si  grand  rôle  dans  la  broncho- 
pneumonie. 

La  grippe  revêt  un  caractère  de  gravité  extrême  chez  l'enfant,  à  cause 
de  la  fréquence  de  la  broncho-pneumonie.  Celle-ci  se  développe  surtout 
chez  les  jeunes  enfants,  chez  les  vieillards  et  quelquefois  même  chez 
l'adulte,  dans  certaines  épidémies  (épidémie  de  grippe  apshyxianle  de 
Londres,  en  1855;. 

Les  relevés  de  Peter  et  Sanné  montrent  que  la  diphthérie  est  une 
des  affections  qui  se  compliquent  le  plus  fréquemment  de  broncho-pneu- 
monie. Le  croup  est,  de  toutes  ses  manifestations,  celle  qui  en  cause  le 
plus  de  cas;Gerhardt  l'a  observée  chez  les  trois  quarts  des  individus 
atteints:  sur  121  cas  de  broncho-pneumonie  diphlliéritique,  119  avaient 
eu  pour  origine  des  laryngites  pseudo-membraneuses;  dans  '21  de  ces 
cas,  la  trachéotomie  n'avait  pas  été  faite.  L'angine  et  le  coryza  couenneux, 
même  isolés,  se  compliquent  parfois  également  de  broncho-pneumonie 
(Sauné).  L'apparition  des  accidents  est  le  plus  souvent  précoce,  du  troi- 
sième au  sixième  jour  (Peter,  Sanné).  Les  fausses  membranes  se  pro- 
pagent du  larynx  aux  bronches;  assez  souvent,  cependant,  les  signes 
laryngés  sont  peu  marqués,  et  il  semble  que  l'infection  se  développe 
primitivement  dans  les  bronches.  La  bronchite  diphthéritique,  par  son 
extension  plus  ou  moins  rapide  aux  petites  bronches,  peut  déterminer 
seule  la  formation  des  noyaux  de  pneumonie  lobulaire.  Mais  il  ne  faut  pas 
oublier  qu'une  bronchite  catarrhale,  parfois  très-intense,  complique  sou- 
vent la  diphthérie  laryngée  et  bronchique,  même  avant  la  trachéotomie  : 
c'est  elle  qui  doit  être  seule  mise  en  cause  dans  les  cas  de  croup  peu 
étendus.  Fréquemment,  la  broncho-pneumonie  a  déjà  débuté  lorsqu'on 
fait  la  trachéotomie  (Peter,  Sanné)  ;  mais  il  faut  reconnaître  que  celte 
opération  doit  entrer  pour  une  part  importante,  sinon  dans  le  développe- 
ment, au  moins  dans  l'aggravation  des  accidents.  Le  traumatisme,  la 
présence  de  la  canule,  l'introduction  d'un  air  froid  et  sec,  contribuent  à 
augmenter  l'irritation  des  bronches;  nous  avons  vu,  de  plus,  à  l'aide 
de  l'examen  microscopique,  que  le  poumon,  malgré  la  cravate  et  l'en- 
tretien de  la  canule,  était  parfois  rempli  de  poussières  et  de  petits  corps 
étrangers  (Soc.  anat.,  janvier  1878).  La  broncho-pneumonie  appai-ml  quel- 
quefois, comme  complication  tardive,  du  huitième  au  dixième  ou  quin- 
zième jour  ou  même  beaucoup  plus  tard.  Elle  est  due  alors  à  la  persis- 
tance de  la  bronchite,  quelquefois  à  de  nouvelles  poussées  de  diphthérie. 
Au  point  de  vue  clinique,  la  broncho-pneumonie  diphthéritique  est 
surtout  remarquable  par  l'obscurité  de  ses  symptômes,  mais  elle  est 
d'une  telle  fréquence  qu'on  peut,  à  peu  près  à  coup  sûr,  affirmer  son 
existence  chez  un  enfant  atteint  de  croup  grave.  Un  des  meilleurs  signes 
est  fourni  par  l'élévation  de  la  température,  qui  peut  atteindre  59  et 
môme  40  degrés.  Le  sifflement  laryngo-trachéal,  les  bruits  canulairôs 
chez  les  enfants  opérés,  rendent  l'auscultation  très-difficile  ;  ces  derniers 
peuvent  être  confondus  avec  le  souffle  bronchique  (Sanné).  Un  des  meil- 
leurs signes  aussi,  d'après  Millard,  est  la  fréquence  de  la  respiration: 


PNEUMONIE. 


  BRONCIIO-I'iSKUMONIE. 


—  ÉTIOLOGIÏ  . 


577 


dans  la  majorité  des  cas,  la  broncho-pneumonie  serait  à  peu  près  certaine 
lorsque  le  chiffre  des  respirations  dépasse  50.  Les  lésions  de  la  broncho- 
pneumonie  diphthéritique  présentent  les  caractères  fondamentaux  sur 
lesquels  nous  n'avons  pas  besoin  de  revenir:  souvent  cependant,  la  pré- 
dominance des  congestions  est  remarquable  surtout  dans  les  cas -fou- 
droyants. Il  n'est  pas  rare  non  plus  de  trouver  des  atélectasies  très- 
étendues ,  occupant  quelquefois  un  lobe  entier  lorsque  des  fausses 
membranes  épaisses  obturent  les  grosses  bronches.  Les  lésions  mécaniques 
sont,  en  général,  très-marquées,  l'emphysème  intra  ou  cxtra-vésiculaire 
est  constant  et  parfois  énorme.  Les  efforts  violents,  le  rétrécissement 
considérable  du  champ  de  l'hématose  par  suite  de  l'obstruction  bron- 
chi jue,  rendent  facilement  compte  de  la  genèse  de  ces  lésions  méca- 
niques. C'est  aux  congestions  et  aux  efforts  que  l'on  doit  également  rap- 
porter en  partie  les  hémorrhagies  sous-pleurales  et  intralobulaires,  si  fré- 
quentes dans  la  broncho-pneumonie  diphthéritique,  que  II.  Roger  en  fait 
une  forme  spéciale,  la  forme,  hémorrhagique  de  la  broncho-pneumonie, 
qui  se  rencontre  dans  les  maladies  infectieuses,  dans  la  rougeole  et.  dans 
la  diphtbérie,  et  reconnaît  pour  cause  principale  l'infection  du  sang.  —  Les 
diverses  formes  anatomiques  se  rencontrent  dans  la  diphtbérie:  la  forme 
pseudo-lobaire  n'est  pas  rare.  Il  est  souvent  remarquable  de  voir  avec 
quelle  régularité  se  développent  les  noyaux  de  broncho-pneumonie  dans 
tout  le  territoire  qui  dépend  d'une  grosse  bronche  envahie  par  les 
fausses  membranes.  Après  la  trachéotomie  ou  quand  la  bronchite  est 
surtout  catarrhale,  les  lésions  n'ont  pas  les  mêmes  dispositions  régulières 
et  se  disséminent  dans  le  poumon.  La  mort  est  presque  toujours  trop 
prompte  pour  que  les  lésions  aient  le  temps  de  parcourir  leur  évolution. 
Quelquefois  cependant  la  broncho-pneumonie  prend  la  forme  subaiguë  ; 
elle  évolue  avec  lenteur,  le  tissu  conjonclif  s'épaissit  et  s'infiltre  de 
cellules  embryonnaires,  les  bronches  se  remplissent  de  pus  et  deviennent 
le  siège  de  dilatations  vasculaires.  Cette  l'orme  peut  s'observer  à  la  suite 
de  la  trachéotomie:  quelquefois  même  la  plaie  du  cou,  déjà  cicatrisée,  se 
rouvre  et  livre  de  nouveau  passage  aux  mucosités  et  à  la  suppuration.  — 
D'autres  lésions  telles  que  l'œdème,  la  gangrène  pulmonaire,  la  pleurésie 
surtout,  peuvent  encore  venir  compliquer  la  broncho-pneumonie  diphthé- 
rilique  (Sanné).  Ajoutons  que  quelquefois  la  diphtbérie  elle-même  s'est 
développée  secondairement  dans  le  cours  des  broncho-pneumonies  de 
la  coqueluche,  de  la  rougeole. 

Quoique  la  fièvre  typhoïde  s'accompagne  fréquemment,  dans  l'enfance, 
d'accidents  thoraciques  plus  ou  moins  graves,  il  est  rare  qu'elle  se  com- 
plique de  broncho-pneumonie.  Mon  maître,  Cadet  de  Gassicourt,  n'en 
signale  que  deux  cas  sur  cent  cinquante  observations.  Celle-ci  cependant 
a  été  plusieurs  l'ois  observée  et  il  n'est  pas  juste  de  dire  que  les  lésions 
se  réduisent  à  une  congestion  hypostatique  plus  ou  moins  intense  (Damas- 
chino).  II.  Roger  qui  est  pourtant  partisan  de  cette  opinion,  fait  lui-môme 
remarquer  qu'on  trouve  des  congestions  et  des  indurations  partielles 
tabulaires  dans  les  lobes  inférieurs.  Les  lésions  peuvent  revêtir  une  forme 

.NOUV.   DICT.  MÉD.  ET  CUIR.  XXVIII  —  57 


578  PNEUMONIE*  —  huonciio-pnhumonii:.  —  étioi.ogie. 

plus  grave  et  nous  avons  déjà  signalé  ces  broncho-pneumonies  remar- 
quables par  leur  prédominance  dans  le  lissu  périlobulairc  et  périacineux 
où  Ton  observe  des  lymphangites  plus  intenses  que  dans  les  autres  formes 
et  qui  sont  peut-être  en  rapport  avec  la  tendance  spéciale  de  la  maladie  à 
porter  principalement  sur  le  système  lymphatique.  Cette  forme  de 
bronche-pneumonie  s'observe  également  chez  l'adulte.  La  broncho-pneu- 
monie peut  se  développer  pendant  les  divers  stades  de  la  lièvre  typhoïde, 
quelquefois  pendant  la  convalescence.  Comme  nous  le  verrons,  elle 
peut  revêtir  la  forme  subàiguë,  et  aboutir  à  la  sclérose  et  à  la  dilatation 
des  bronches. 

Les  diverses  maladies  que  nous  venons  de  passer  en  revue  influent  d'une 
manière  prépondérante  sur  le  développement  de  la  broncho-pneumonie, 
en  donnant  à  l'inflammation  bronchique  une  gravité  et  quelquefois  une 
forme  toutes  spéciales.  Beaucoup  plus  rarement  dans  la  bronchite  simple 
causée  par  un  refroidissement,  on  peut  voir  l'inflammation  gagner  peu  à 
peu  les  bronches  lobulaires  et  le  lobule.  Habituellement,  celte  marche 
s'observe  dans  les  bronchites  qui  présentent  de  bonne  heure  des  caractères 
de  gravité,  et  quelquefois  même  l'évolution  se  fait  avec  une  extrême  rapi- 
dité, tellement  qu'il  semble  que  les  deux  phlcgmasies  bronchiques  et  pulmo- 
naires se  soient  développées  en  même  temps  et  que  la  broncho-pneumo- 
nie se  soit  constituée  primitivement.  Ces  cas  s'observent,  à  la  suite  d'une 
perturbation  de  la  circulation  et  de  l'innervation,  froid  prolongé,  brûlures 
très-étendues,  etc..  Cette  marche  foudroyante,  (Wilks,  Balzer)  peut  éga- 
lement s'observer  dans  les  maladies  que  nous  avons  citées,  notamment 
dans  la  dipbthéric  et  dans  la  rougeole.  Mais,  même  dans  ce  cas  où  la 
phlegmasie  semble  s'étendre  d'emblée  à  toute  la  surface  des  voies  respi- 
ratoires, l'examen  des  lésions  montre  que  leur  filiation  existe  toujours,  et 
que  leur  succession,  pour  être  plus  rapide,  n'en  est  pas  moins  réelle.  C'est 
surtout,  en  effet,  la  lésion  épitbéliale  qui  progresse  avec  celte  rapidité  :  le 
parenchyme  est  noirâtre,  gorgé  de  sang,  en  sorteque,  avant  l'intervention 
du  microscope,  ces  lésions  étaient  considérées  comme  de  simples  conges- 
tions. Mais  l'analyse  histologique  démontre  l'existence  d'une  pneumonie 
desquamative  plus  ou  moins  intense  dans  tous  les  points  congestionnés  et 
de  plus,  dans  les  lobules  qui  ont  été  atteints  les  premiers,  des  lésions 
parencliymatcuses  variables  en  étendue  et  dont  la  localisation  autour  de  la 
bronche  prouve  bien  que  celle-ci  est  le  point  de  départ  de  l'inflamma- 
tion. 

Parmi  les  maladies  chroniques  qui  se  compliquent  de  broncho-pneu- 
monie, il  faut  citer  surtout  les  maladies  du  cœur  et  des  reins.  Les  maladies 
du  cœur  se  compliquent  assez  fréquemment  de  broncho-pneumonie, 
principalement  chez  le  vieillard.  Rayer  l'a  observée  plusieurs  fois  dnn>  le 
mal  de  Lirighl,  elle  récent  travail  de  Lasègue  sur  les  bronchites  albumi- 
nuriques  donne  à  penser  que  cette  complication  ne  doit  pasêtre  très-rare. 
Nous  nous  bornerons  à  signaler YirnpcUudismechromgue  quia  également 
paru,  dans  plusieurs  cas,  se  compliquer  de  broncho-pneumonie. 

La  tuberculose  n'est  pas,  en  réalité,  une  cause  de  broncho-pneumonie  ; 


PNEUMONIE.           HRONCHO-l'NKUMONIE.   ÉTIOLOGI1Î. 


57'.» 


celle-ci  ne  se  développe  que  lorsqu'une  bronchite  coïncide  avec  elle.  Le  fait 
peut  se  produire  pendant  une  tuberculose  pulmonaire  en  voie  d'évolution 
et  les  noyaux  de  broncho-pneumonie  se  montrent  le  plus  aux  bases  des 
deux  poumons.  Il  est  rare  qu'on  ne  trouve  pas,  à  l'autopsie  des  enfants 
tuberculeux,  des  noyaux  de  pneumonie  développés  pendant  la  période 
terminale. 

Chez  les  enfants  mal  nourris,  épuisés  par  de  longues  maladies,  on  voit 
souvent  survenir  des  broncho-pneumonies  qualifiées  par  les  auteurs  de 
cachectiques  et  qui  apparaissent  surtout  dans  les  derniersjours  de  la  vie. 
La  cachexie  et  l'anémie  qui  résultent  des  maladies  constitutionnelles,  scro- 
fule, tuberculose,  rachitisme,  diabète  (Steiner), favorisent  le  développement 
de  ces  accidents.  Il  en  est  de  même  des  affections  chroniques  de  longue 
durée  pendant  lesquelles  les  malades  restent  trop  constamment  dans  le 
décubilus  dorsal  (coxalgie,  mal  de  Pott ,  etc.),  La  dysenterie,  l'entérite 
le  coryza  simple  ou  syphilitique,  le  sclérème  des  nouveau-nés,  présentent 
souvent  cette  complication  ultime.  C'est  l'affaiblissement,  la  cachexie  qui 
doivent  surtout  être  mis  en  cause,  le  catarrhe  bronchique  serait  sans 
gravité  dans  le  plus  grand  nombre  des  cas.  La  stagnation  du  sang  et  des 
mucosités  dans  les  parties  déclives  du  poumon  provoqueces  broncho-pneu- 
monies cachectiques  qui  ne  s'accompagnent  que  d'une  réaction  peu  mar- 
quée; la  toux,  la  dyspnée,  les  signes  physiques,  sont  également  peu 
accusés  et  la  complication  reste  le  plus  souvent  latente. 

Pathogénie.  —  Comme  nous  l'avons  vu,  on  admettait  autrefois  que 
toutes  les  lésions  de  la  broncho-pneumonie  devaient  être  rapportées  à 
l'exagération  des  sécrétions  bronchiques.  Les  grains  jaunes ,  d'après 
Fauvel,  Béhiér,  etc.,  seraient  dus  uniquement  à  la  pénétration  du  pus 
dans  le  lobule,  lequel  en  réalité  ne  participerait  pas  à  la  production  des 
lésions  :  c'est  la  théorie  dite  de  la  bronchite  capillaire. 

D'après  une  autre  théorie,  soutenue  surtout  parZicmssen  et  Bartels,  le 
muco-pus  formant  bouchon  commence  par  obturer  les  bronches  et  par 
déterminer  l'affaissement  et  la  congestion  du  lobule.  Cette  congestion 
constitue  le  premier  degré  de  la  pneumonie  lobulaire,  consécutivement 
l'hépatisalion  ne  tarde  pas  à  paraître.  Nous  avons  déjà  discuté  et  rejeté 
cette  théorie  qui  tend  à  créer  une  pneumonie  lobulaire  indépendante  de  la 
bronchite  (Voyez  page  i)46).  Elle  est  également  détruite  par  ce  fait,  qu'il 
est  fréquent  de  voir  des  noyaux  de  broncho-pneumonie  se  développer  dans 
des  portions  de  poumon  non  envahies  par  l'état  fœtal.  Celui-ci  favorise 
•cependant  d'une  manière  évidente  la  marche  des  lésions  dans  le  lobule  ; 
la  congestion  des  zones  splénisées  doit  lui  être  rapportée  en  grande  par- 
tie, ainsi  (pie  l'œdème  et  l'exsudation  qui  lui  succèdent. 

Eu  somme,  le  problème  à  résoudre  est  le  suivant  :  est-ce  l'inflammation 
elle-même  qui  se  propage,  de  proche  en  proche,  des  bronches  jusqu'aux 
lobules?  Faut-il  admettre  que  les  produits  de  sécrétion,  en  pénétranldans 
les  bronches  tabulaires  et  acineuscs,  déterminent  l'inflammation  du  lobule 
•en  agissant  comme  les  corps  étrangers? 

L'expérimentation  sur  les  animaux  confirme,  jusqu'à  un  certain  point, 


580 


PNEUMONIE. 


  IIIWNCIIO-PNBUMO.ME.   


KTIOI.OGIE. 


cette  dernière  manière  de  voir.  A  l'aide  d'injections  de  liquides  irritants 
dans  les  bronches:  térébenthine  (Trasbot  et  Corail),  nitrate  d'argent, 
chlore,  ammoniaque  (Jiïrgcnsen),  les  expérimentateurs  ont  produit  des 
bronchites  rapidement  suivies  de  pneumonies  lobulaires  suraiguës.  Les 
mêmes  lésions  résultant  également  de  l'irritation  directe  produite  par  les 
corps  étrangers,  ont  été  obtenues  à  l'aide  de  méthodes  moins  brutales.  La 
section  des  pneumogastriques  laite  par  Traube  (1846)  produit  des  lésions 
trop  intenses,  trop  rapidement  suivies  de  mort  pour  que  les  analogies  soient 
complètes.  Avant  Traube,  Reid  (1859)  et  Longet  (1840)  avaient  vu  éga- 
lement ces  lésions,  mais  ils  les  avaient  considérées  comme  des  pneumo- 
nies; Magendic  (181  G)  pensait  qu'elles  succédaient  à  l'accumulation  des 
mucosités  dans  les  bronches  dont  la  muqueuse  avait  perdu  sa  sensibilité  ; 
Legallois,  Schiff,  Wundl,  ont  simplement  vu  des  troubles  de  l'innervation 
vaso-motrice.  Arnspcrger  (1856)  croit  qu'il  s'agit  seulement  d'un  collap- 
sus;  Boddaërt  (1862)  adopte  une  opinion  mixte,  reliant  les  opinions  diver- 
gentes. Friedlaënder,  renonçant  à  la  section  des  pneumo-gastriques.  a 
imaginé  de  faire  chez  le  lapin  la  section  du  récurrent,  qui  permet  une  sur- 
vie beaucoup  plus  longue  pouvant  atteindre  vingt  jours,  et  cause  des  lésions 
comparables  à  celles  qu'on  obtient  par  la  section  des  pneumogastriques. 
Les  expériences  de  Frcy  ont  confirmé  les  résultats  obtenus  par  Fried- 
laënder; l'examen  microscopique  a  prouvé  qu'il  s'agit  bien  d'une  pneu- 
monie lobulaire  aiguë.  Ces  expériences,  répétées  par  Charcot,  lui  ont 
démontré  l'évolution  d'un  processus  semblable  à  celui  de  la  broncho-pneu- 
monie :  hypersécrétion  bronchique,  d'abord  muqueuse,  puis  muco-puru- 
lente,  lésions  pulmonaires  principalement  dans  les  lobes  supérieurs  pré- 
sentant l'aspect  de  l'hépalisation  et  de  la  splénisation.  Au  microscope, 
on  retrouve    les    lésions  caractéristiques  de   la   splénisation   et  le- 
nodules  péribronchiques.  Chez  les  chiens  surtout,  les  lésions  se  rap- 
prochent beaucoup  de  celles  qu'on  observe  chez  l'homme;  il  y  a  même  de 
la  fibrine  dans  les  exsudats.  Charcot  fait  remarquer  un  point  impor- 
tant, c'est  qu'il  n'y  a  point  d'atélectasie.  Si  l'animal  survit  pendant  quelque 
temps,  on  voit  les  lésions  envahir  progressivement  tout  le  lobule,  et  la 
plèvre  participer  à  l'inflammation.  L'accumulation  des  leucocytes  et  des 
cellules  épithéliales  fait  peu  à  peu  disparaître  les  zones  splénisées.  Les 
éléments,  vers  la  troisième  semaine,  subissent  la  dégénérescence  grannlo- 
graisseuse,  le  tissu  conjonctif  qui  entoure  la  bronche  et  les  acini  prolifère 
et  s'épaissit,  le  processus  j  devient  chronique.  Evidemment  la  marche  de 
ces  lésions  se  rapproche  beaucoup  de  celles  qu'on  observe  chez  l'enfant: 
les  auteurs  allemands  vont  même  jusqu'à  admettre  identité  complète 
(Wyss)  ;  la  pathogénie  de  ces  lésions  s'explique  par  la  pénétration  de 
corps  étrangers  dans  les  voies  aériennes,  liquide  buccal,  parcelles  alimen- 
taires, résultant  de  la  paralysie  des  nerfs  laryngés  et  de  l'occlusion  incom- 
plète de  la  glotte.  Chez  le  lapin,  on  observe,  après  la  section  des  nerfs 
laryngés,  des  troubles  considérables  delà  respiration  et  du  cornage.  Mais 
ces  désordres  s'apaisent  bientôt  et  ils  ne  peuvent  être  expliqués  par  des 
Iroubles  de  l'innervation  vaso-motrice  du  poumon,  les  nerfs  laryngés  étant 


l'NKIMOMK. 


BUONCIIO-PNEUMOME. 


  PAT1IOGÉNIE. 


;,SI 


sans  relation  avec  cet  organe.  Après  la  section  du  pneumogastrique,  les 
mêmes  effets  se  produisent,  mais  plus  accentués  ;  par  suite  de  la  paralysie 
du  larynx,  les  matières  accumulées  dans  la  bronche  pénètrent  en  grande 
quantité  dans  les  bronches  où  leur  introduction  est  encore  facilite  parles 
respirations  profondes  qui  succèdent  a  la  section  du  pneumogastrique. 
Les  animaux  succombent  bientôt  à  une  pneumonie  suraiguë.  A  part  la 
paralysie  des  vaso-moteurs  qui,  dans  ce  dernier  cas,  aggrave  encore  les 
accidents,  ceux-ci  résultent  aussi  de  l'action  irritante,  traunialique,  exercée 
par  les  corps  étrangers  à  la  surface  interne  des  bronches  et  amenant  consé- 
cutivement une  inflammation  plus  ou  moins  intense.  Dans  plusieurs  expé- 
riences, l'introduction  directe  des  mucosités  dans  les  bronches,  sans  sec- 
ition  des  nerfs  vagues,  a  donné  des  résultats  positifs  ;  d'après  les  auteurs 
allemands,  ces  mucosités  buccales  sont  plus  irritantes  que  les  autres 
matières  qui  pénètrent  dans  les  bronches.  Ils  attribuent  aussi  un  rôletrès- 
timportant  à  la  présence  de  parasites,  de  micrococcus  formant  des  agglomé- 
rations plus  ou  moins  considérables  qui  ont  été  vues  dans  les  bronches,  les 
alvéoles,  les  vaisseaux,  les  lymphatiques.  Bulh,  Eberth,  Ivanowsky, 
\\  yss,  les  ont  trouvés  dans  la  diphthérie,  la  grippe,  la  rougeole,  la  variole, 
la  lièvre  typhoïde.  On  les  trouve  surtout  dans  les  broncho-pneumonies 
uu  début;  mais  leur  présence  dans  des  broncho-pneumonies  d'origines 
si  diverses,  nous  semble  en  contradiction  avec  le  rôle  important  qu'on 
«veut  leur  faire  jouer. 

Une  première  catégorie  de  broncho-pneumonies  correspond  directement 
i  i  ces  broncho-pneumonies  expérimentales  ;  ce  sont  celles  qui  se  produisent 
lans  les  cas  d'apoplexie  par  lésions  cérébrales  accompagnés  de  parésie 
pharyngienne,  par  suite  de  la  pénétration  dans  les  voies  aériennes  des 
mucosités  buccales,  des  matières  alimentaires  et  des  boissons,  celles  qui 
j'observent  chez  les  aliénés  (Calmeil,  Guislain),  dans  les  paralysies  du 
pharynx  et  de  l'œsophage,  chez  les  individus  cachectiques  ;  de  même 
oies  broncho-pneumonies  aiguës  qu'on  observe  à  la  suite  de  la  carie  du 

rocher,  du  cancer  de  la  langue,  du  noma,  des  abcès  retro-pharyngiens, 

il  qui  s'accompagnent  habituellement  de  gangrène.  Au  contraire,  celles 
iqui  succèdent  à  l'introduction  de  corps  étrangers  non  irritants  donnent 
iJieu  à  des  broncho-pneumonies  chroniques  (Pneumonokonioses). 

Mais  dans  les  cas  les  plus  nombreux  de  broncho-pneumonies,  il  n'y  a 
«pas  pénétration  de  corps  étrangers  dans  les  voies  aériennes;  dans  ces  cas, 
ele  muco-pus  non  rejeté  par  l'expectoration  et  séjournant  dans  les  bronches, 
q'oue  en  partie  le  même  rôle  (Charcot)  ;  entraîné  par  la  pesanteur,  il  vient 
nrriter  la  muqueuse  des  petites  bronches  dans  lesquelles  ilpénétre  (Bùhl), 
Ut  facilite  ainsi  la  propagation  de  l'inflammation.  Celle-ci  finit  par  attein- 
dre le  lobule  et  la  pneumonie  lobulaire  ne  tarde  pas  à  se  développer  ;  le 
himuco-pus  peut  même  pénétrer  jusque  dans  les  bronches  lobulaires  et  par- 

-iciper  ainsi  à  la  formation  des  grains  jaunes  ou  nodules  péribron- 
Ichiqucs.  Cependant,  comme  nous  l'avons  déjà  dit,  ce  fait  de  la  péné- 
tration du  pus  est  secondaire,  son  rôle  se  borne  à  entretenir  et  à  exagérer 

'irritation.  Les  lésions  éloignées,  comme  l'a  fait  remarquer  Charcot, 


582 


PNEUMONIE.           IIIIONCHO-rNEUMONIE.    l'ATIIOGKMK. 


lellcs  que  la  splénisation  dont  le  caractère  anatomique  est  la  pneu- 
monie desquamative,  ne  peuvent  en  dériver.  La  splénisation  ne  peut 
être  considérée  davantage  comme  le  résultat  d'une  action  irritalive 
exercée  à  distance  par  les  noyaux  d'hépalisation  péribronchique,  car 
souvent  elle  les  précède.  11  se  produit  là  de  proche  en  proche  des  lésions 
irritalives  semblables  à  celles  qui  succèdent  dans  les  acini  des  glandes 
aux   lésions  de  leurs  canaux  excréteurs.   Ces  lésions  sont  surtout 
remarquables  à  la  suite  de  la  ligature  du  canal  cholédoque  et  reten- 
tissent jusque  dans  les  canaux  biliaires  les  plus  profonds.  L'épithélium 
alvéolaire  en  continuité  avec  l'épithélium  bronchique  et  originellement 
de  même  nature,  subit  les  mêmes  influences  incitatives  et  participe  aux 
mêmes  altérations.  Il  y  a  donc  desquamation  alvéolaire  et  si  l'irritation 
continue  et  devient  chronique,  il  y  aura  formation  d'un  revêtement 
épithélial  cubique,  semblable  à  celui  des  petites  bronches  ;  l'irritation 
épithéliale,  dit  Charcot,  serait  le  fait  le  plus  général,  la  pénétration  des 
produits  muco-purulents  dans  la  cavité  alvéolaire  serait  en  quelque  sorte 
accidentelle  et  ne  jouerait  qu'un  rôle  adjuvant.  La  formation  des  nodules 
péribronchiques  serait  subordonnée  à  l'existence  de  la  péribronchite. 
Comme  on  le  voit,  c'est  le  processus  dont  nous  avons  donné  le  résume  à 
la  fin  du  chapitre  de  l'analomic  pathologique  ;  favorisée  par  l'action  de 
la  pesanteur,  par  la  persistance  de  l'hyposlase  et  la  progression  du  muco- 
pus,  la  bronchite  gagne  les  conduits  tabulaires.  Si  elle  est  peu  profonde, 
catarrhale,  c'est  la  pneumonie  desquamalive  ou  splénisation  qui  en  sera 
le  premier  effet  ;  si  elle  comprend  toute  l'épaisseur  de  la  bronche,  si  elle 
est  parenchymatcuse,  en  un  mot,  des  lésions  du  même  ordre  se  produiront 
dans  les  portions  du  parenchyme  lobulaire  voisines  de  la  bronche  et  dans 
lesquelles  viennent  se  perdre  les  ramuscules  terminaux  de  l'artère  bron- 
chique. La  notion  des  espaces  interlobulaircs  et  intralobulaires  établie 
d'une  manière  si  ingénieuse  par  Charcot,  montre  d'une  manière  saisis- 
sante la  marche  de  ce  processus   (Voy.  art.  Tuthisie,  t.  xxvii,  p.  096.) 
Dans  la  structure  du  poumon,  ou  peut  distinguer,  d'une  part,  le  tissu 
pulmonaire  proprement  dit,  représenté  par  les  lobules  et  les  acini,  et 
d'autre  part,  le  tissu  conjonclif  des  espaces  interlobulaircs  et  inleracineux. 
Or,  ces  espaces  forment  naturellement  deux  grandes  classes:  A,  les  grands 
espaces  interlobulaircs  où  se  trouvent  les  bronches  cartilagineuses  avec 
les  artères,  les  lymphatiques  péribronchiques,  les  veines  pulmonaires  et 
bronchiques  ;  H,  les  petits  espaces  intralobulaires  avec  la  bronche  lobu- 
laire et  l'artère  bronchique,  les  vaisseaux  lymphatiques  et  le  tissu  con- 
jonclif qui  les  unit,  et  les  petits  espaces  interlobulaircs  et  inleracineux 
composés  surtout  de  tissu  conjonclif,  et  renfermant  de  nombreux  lympha- 
tiques cl  les  veines  pulmonaires  (Charcot).  Il  estaiséde  se  rendre  compte, 
d'api  ès  ces  notions  d'anatomic,  du  véritable  siège  de  la  broncho-pneumonie; 
c'est  avant  tout  une  maladie  des  espaces,  et  ce  caractère  s'affirmrt  d'autant 
plus  qu'elle  présente  une  durée  plus  considérable. 

1/inflammalion  atteignant  à  la  fois  les  divers  éléments  de  la  bronche, 
les  parois  des  vaisseaux,  les  lymphatiques  et  le  tissu  conjoint  if  de  l'espace. 


PNEUMONIE.  —  KiioKcuo-rNEUsiONiE.  —  patiiogénie.  583 


,  elle  donnera  lieu  dans  le  lobule  aux  mêmes  lésions  de  l'espace  intralobu- 
laire.  Celles-ci  sont  rapidement  propagées  au  tissu  pulmonaire  Voisin  pour 

i  former  le  nodule  péribronebique,  et  aux  espaces  périacincux  et  périlo- 
bulaircs  dont  les  vaisseaux  sanguins  sont  tributaires  des  vaisseaux  situés 

i  dans  les  espaces  intralobulaires  et  inlerlobulaires  avec  lesquels  ils  se 
continuent  directement. 

Ces  notions  sont  importantes  à  connaître:  elles  expliquent  les  ano- 
malies qui  se  rencontrent  dans  les  diverses  variétés  de  broncho-pneumo- 
nies.  La  l'orme  suffocante,  si  dangereuse  à  cause  de  l'hypersécrétion  consi- 
dérable qui  l'accompagne  et  qui  produit  l'emphysème  par  obstruction 
bronchique,  est  celle  qui  guérit  le  plus  rapidement,  parce  que  les  lésions 
n'occupent  que  la  surface  des  voies  aériennes.  Les  formes  parenchyma- 
teuscs,  au  contraire,  sont  graves  et  se  résolvent  difficilement,  parce  que 
l'inflammation  est  en  même  temps  superficielle  et  interstitielle,  et  comme 
telle,  présente  la  tendance  à  la  chronicité  qui  caractérise  toutes  les  pnleg- 
masies  interstitielles. 

La  pneumonie  franche,  au  contraire,  a  pour  siège  le  tissu  intermédiaire 
aux  espaces  ou  tissu  propre  du  poumon.  D'abord  limitée,  mais  sans  loca- 
lisation spéciale  par  rapport  aux  bronches,  elle  s'étend  rapidement  à  tout 
un  lobe,  en  envahissant  des  zones  étendues  de  tissu  pulmonaire.  L'cx;,utlat 
composé  de  fibrine  et  de  globules  blancs  est  libre  dans  l'intérieur  des  al- 
véoles; les  espaces  sont  respectés.  Il  y  a  tendance  naturelle  à  la  résolution 
qui  résulte  à  la  fois  du  siège  et  de  la  nature  de  l'exsudat. 

L'examen  de  ces  diverses  lésions  et  de  leur  pathogénie  peut  déjà  nous 
faire  prévoir  que  les  phénomènes  cliniques  qui  les  accompagneront  se- 
ront surtout  ceux  d'une  bronchite  généralisée,  engouement  bronchique 
avec  dypsnée  et  toux,  conduisant  à  une  asphyxie  rapide  dans  la  forme 
suffocante,  plus  ordinairement  lente  dans  les  formes  parcnchyinateuses. 
L'accumulation  des  mucosités  peut  être  assez  considérable  pour  empêcher 
de  percevoir  par  l'auscultation  les  signes  de  l'induration  pulmonaire,  soit 
qu'elle  empêche  la  pénétration  de  l'air  dans  les  bronebes,  soit  (pie  les 
râles  soient  trop  nombreux  et  couvrent  le  souffle  bronchique.  Celui-ci  ré- 
parait lorsque  les  mucosités  se  déplacent.  Ces  variations  dans  les  symp- 
tômes physiques  nedoivent  être  rapportées  qu'aux  deux  éléments  capables 
par  leur  mobilité  d'apporter  des  modifications  dans  l'état  des  poumons, 
savoir  :  les  mucosités  et  le  sang.  11  faut  écarter,  en  effet,  dans  les  causes  de 
variations  des  signes  physiques,  la  mobilité  d'envahissement,  celle  qui 
dépend  de  la  formation  de  nouveaux  noyaux  de  pneumonie.  D'autre  part, 
ce  que  nous  savons  sur  la  fixité  des  lésions  du  lobule,  ne  nous  permet  pas 
de  penser  à  une  résolution  rapide.  La  mobilité  des  signes  physiques  tient 
doue  aux  déplacements  de  la  masse  sanguine  en  rapport  avec  l'étal  fœtal, 
les  poussées  inflammatoires,  les  troubles  de  l'innervation  vaso-motrice,  et 
aux  déplacements  des  mucosités  par  suite  d'efforts,  de  spasmes  des  bron- 
ches, etc.  Mon  excellent  maître,  Cadet  de  Cassicourt,  attribue  un  grand 
rôle  aux  congestions  dans  la  physiologie  pathologique  de  la  broncho-pneu- 
monie; elles  s'accompagnent  de  submalité,  de  souffle,  d'une  augmenta- 


584 


PNEUMONIE. 


  linOiNCllO-PNKUMONlE.    THAITEMKNT. 


lion  de  la  dypsnée,  signes  qui  peuvent  durerai  heures,  2  ou  5  jours,  puis 
cesser  complètement.  Il  montre  qu'à  côté  du  processus  inflammatoire,  il 
y  a  des  poussées  congestives  révélées  par  l'examen  clinique  ol  par  le  tracé 
thermomélrique  et  qui  modifient  beaucoup  la  physionomie  de  la  maladie, 
surtout  son  début.  Cadet  de  Gassicourt  établit  l'existence  de  deux  va- 
riétés cliniques  sur  cette  mobilité  des  congestions,  l'une  à  symptômes  sté- 
tboscopiques  variables,  l'autre  à  symptômes  stélhoseopiques  fixes. 

Une  réaction  fébrile  plus  ou  moins  vive  avec  des  exacerbations  caracté- 
ristiques accompagne  l'évolution  de  la  broncho-pneumonie.  Le  rétrécisse- 
ment du  ebamp  de  l'hématose  par  suite  de  l'obstruction  des  bronches,  et 
de  la  formation  des  foyers  de  pneumonie  lobulaire,  entraîne  le  dévelop- 
pement de  l'emphysème  supplémentaire.  Si  le  malade  n'est  pas  tué  par 
les  progrès  de  l'asphyxie  ou  par  une  réaction  trop  violente,  il  y  aura  tou- 
jours à  redouter  une  résolution  incomplète,  à  cause  des  lésions  intersti- 
tielles'. 

Traitement.  —  L'élude  des  causes  nous  impose  immédiatement  un 
certain  nombre  d'indications  prophylactiques  importantes.  Comme  nous 
l'avons  vu,  la  broncho-pneumonie  se  présente  avec  une  fréquence  et  une 
gravité  toutes  spéciales  dans  certaines  épidémies  de  fièvres  éruptives.  On 
devra  autant  que  possible  dans  ces  circonstances  établir  une  bonne  aéra- 
tion des  salles,  éviter  l'encombrement  des  malades,  en  un  mot,  mettre 
sévèrement  en  pratique  toutes  les  règles  de  l'hygiène  des  épidémies. 

Une  source  d'indications  découle  aussi  de  la  faiblesse  et  de  la  débilité  des 
malades  en  rapport  soit  avec  leur  âge,  soit  avec  des  affections  antérieures. 
Lorsqu'une  bronchite  intense  et  généralisée  se  déclare  chez  un  enfant, 
chez  un  vieillard,  ou  chez  un  individu  affaibli,  il  faut  s'efforcer  d'éviter  les 
conséquences  redoutables  qui  résultent  de  l'influence  d'un  décubitus  dor- 
sal trop  prolongé.  Il  est  indiqué  de  forcer  les  malades  à  s'asseoir  dans  leur 
lit,  de  les  faire  changer  fréquemment  de  position,  de  les  promener  dans 
la  chambre  si  cela  est  possible.  Valleix  conseille  le  décubitus  abdominal 
pour  faciliter  l'expectoration,  et  d'enlever  directement  avec  le  doigt  les 
mucosités  qui  s'accumulent  dans  le  pharynx.  Ce  traitement  préventif  ne 
s'applique  évidemment  qu'aux  bronchites  simples;  il  ne  faut  guère 
compter  sur  lui,  non  plus  que  sur  les  agents  thérapeutiques,  s'il  s'agit 
d'une  bronchite  diphthéritique. 

Au  début,  on  doit  régler  tout  d'abord  l'emploi  des  moyens  hygiéniques; 
la  chambre  est  maintenue  à  une  température  de  15  degrés  et  le  malade 
chaudement  vêtu  d'une  camisole.  On  favorise  ainsi  la  diaphorèse;  on  doit 
éviter  cependant  que  l'air  soit  trop  chaud  et  surtout  trop  sec  et  il  est 
utile  de  faire  autour  du  malade  des  pulvérisations  ou  des  fumigations 
émollientes.  L'air  doit  être  renouvelé  fréquemment,  avec  les  précau- 
tions voulues  en  pareil  cas;  le  calme,  le  repos  sont  nécessaires.  La 
plupart  des  auteurs,  frappés  des  tendances  adynamiques  delà  maladie, 
proscrivent  la  diète  absolue.  Le  régime  peut  être  réglé  souvent  d  après 
les  désirs  de  l'enfant;  le  bouillon,  le  chocolat,  le  lait,  les  œufs,  le  lait  d* 
poule,  le  vin  coupé,  etc.,  sont  les  aliments  le  plus  facilement  acceptés. 


PNEUMONIE.  —  BROKCHO-PNEOIIONIE.  —  TRAITEMENT. 


585 


Pour  Hilliet  et  Barthez,  les  indications  doivent  être  tirées  principalement 
,ide  la  nature  de  la  maladie:  appartenant  aux  affections  catarrhales,  elle 
(1  doit  être  combattue  par  les  indications  spéciales  qu'elles  réclament.  Ce 
«sont  les  évacuants  beaucoup  plus  que  les  antipblogistiques,  qui  rendront 
;  les  meilleurs  services. 

Les  émissions  sanguines  sont  considérées  aujourd'hui  comme  inutiles 
,'et  même  dangereuses  dans  le  plus  grand  nombre  des  cas.  La  broncho- 
pneumonie,  maladie  secondaire,  survenant  le  plus  souvent  chez  des  en- 
fants déjà  affaiblis  par  une  autre  affection,  causée  fréquemment  par  cet 
affaiblissement  même,  ne  peut  être  favorablement  modifiée  dans  sa  mar- 
che par  une  médication  aussi  énergiquement  spoliatrice.  A  ce  titre,  Dama- 
sschino,  d'Espine  et  Picot  les  repoussent  complètement;  nous  ne  les  avons 
j  jamais  vues  mises  en  usage  pendant  notre  internat  à  l'hôpital  Sainte- 
I  Eugénie.  Hervieux,  Piilliet  et  Barthcz  conseillent,  dans  certains  cas, 
l'emploi  des  émissions  sanguines  locales  (sangsues  à  l'anus,  ou  à  la  base 
idu  thorax,  ventouses  scarifiées).  Roger  croit  aussi  qu'une  émission  san- 
.guine  peut  être  d'une  utilité  réelle,  chez  les  sujets  âgés  de  plus  de  quatre 
sans,  quand  il  s'agit  de  cas  suraigus,  à  forme  suffocante,  dans  lesquels  la 
I  phlegmasie  s'étend  rapidement  à  tout  l'arbre  aérien.  11  conseille  égale- 
i  ment  les  ventouses  scarifiées,  les  sangsues  et  même  la  saignée  du  bras 
;  (100  à  200  grammes),  dans  le  but  de  diminuer  l'intensité  du  mouve- 
i  ment  fébrile  et  l'hypérémie  des  bronchioles. 

Il  est  possible  que  cette  perturbation  énergique  exerce  une  heureuse 
i  influence  sur  le  mouvement  fluxionnaire  intense  qui  se  produit  dans  le 
:  système  broncho-pulmonaire.  Cependant  cette  médication  ne  peut  être 
;  appliquée  qu'à  un  très-petit  nombre  de  cas,  et  on  peut  en  dire  presque 
;  autant  de  celle  qui  consiste  à  employer  les  conlro-stimulanls.  L'émétiquc 
à  doses  fractionnées  (5  à  15  centigr.),  de  manière  à  obtenir  la  tolérance. 
I  l'oxyde  blanc  d'antimoine  (de  5  à  5  décagr.  à  1  gramme),  et  surtout  le 
kermès  minéral  (de  5  à  10  centigrammes)  ont  été  vantés  par  Rilliet  et 
Barthez,  par  Legendre,  etc.  Les  préparations  anlimoniales  combattent 
l'élément  congestif  de  la  maladie,  mais  elles  ont  l'inconvénient  de  dépri- 
mer les  forces  ;  aussi  leur  emploi  méthodique  et  continu  s'est-il  fort  res- 
treint depuis  quelques  années. 

On  a  prescrit  comme  exerrant  une  action  antiphlogistique  plus  modé- 
rée,  l'aconit,  à  la  dose  de  15  à  50  gouttes  (Hilliet  et  Barthez).  La 
digitale  est  considérée  par  11.  Roger  comme  diminuant  l'intensité  de  la 
fièvre;  il  a  vu  la  température  s'abaisser,  le  pouls  tomber  de  150  à  120  et 
même  à  110.  Ces  diverses  préparations  peuvent  être  prescrites  seules  ou 
associées  au  kermès  (extrait  de  digitale  et  kermès,  5  à  5  centigr.  de  cha- 
cun dans  un  julep  gommeux  ou  un  looeh  blanc)  ;  leur  action  sur  le  cœur 
'  doit  toujours  être  surveillée  avec  la  plus  grande  attention. 

Les  préparations  antimoniales,  et  principalement  l'émétiquc,  ont  un 
rôle  plus  important  à  jouer,  lorsque  les  signes  d'obstruction  bronchique 
indiquent  impérieusement  la  nécessité  de  l'expulsion  des  produits  de 
sécrétion  accumulés  dans  les  bronches.  Cependant,  parmi  les  vomitifs, 


«»86  PNKUMONIK.  —  uhokciio-I'mcumome.  —  traitement. 

l'ipécacuanha  est  celui  qu'on  emploie  de  préférence,  car  on  peut  le  répé- 
ter plusieurs  l'ois,  sans  crainte  de  le  voir  affaiblir  les  malades,  ou  exercer 
une  action  nuisible  sur  le  tube  digestif.  Laénnec,  Fauvel,  Uilliet  et 
Barlhcz  ont  souvent  insisté  sur  les  avantages  qu'on  relire  des  vomitifs 
répétés  coup  sur  coup.  L'acte  môme  du  vomissement  est  utile,  pur  les 
secousses  qu'il  produit,  par  l'hypersécrétion  fluide  et  prompte  qu'd  déter- 
mine. L'ipécacuanha  peut  être  infidèle  dans  quelques  cas,  soit  à  cause 
d'une  tolérance  spéciale,  soit  à  cause  de  l'atonie  du  tube  digestif,  ou  de 
la  dépression  causée  par  l'asphyxie.  Rilliet  et  Barlhcz  conseillent  d'abord 
de  faire  précéder  son  administration  de  stimulants  énergiques  (sina- 
pismes  aux  jambes,  bains  de  pied  sinapisés),  à  la  suiLe  desquels  on  voit 
parfois  les  efforts  de  vomissement  se  reproduire  avec  assez  de  force 
pour  expulser  le  contenu  des  bronches.  Dans  d'autres  cas,  il  faut  recourir 
au  tartre  stibié  qui  agit  parfois  plus  sûrement.  Ce  sel  peut  même  être 
préféré  dans  les  cas  où  l'on  veut  provoquer  en  même  temps  des  évacua- 
tions stomacales  et  intestinales  (Il  Roger).  Le  sulfate  de  cuivre  produit 
également  ce  double  effet,  mais  parfois  d'une  manière  beaucoup  trop 
intense.  Il  est  d'ailleurs  peu  employé,  ainsi  que  l'apomorpbinc  qui  pour- 
rait cependant  être  prescrite  aux  enfants  qui  refusent  obstinément  tous  les 
médicaments.  Dans  ces  derniers  temps,  les  médecins  ont  restreint  l'em- 
ploi des  vomitifs  ;  évidemment  très-utiles  au  début,  alors  que  la  bron- 
chite prédomine,  ils  sont  moins  avantageux  ou  même  inutiles  lorsque 
l'inliltralion  des  lobules  est  effectuée,  il  est  préférable  de  recourir  à  ce 
moment  aux  autres  moyens  thérapeutiques. 

Après  les  vomitifs  qui  agissent  surtout  comme  expectorants,  nous 
devons  signaler  les  autres  médications  qui  modifient  la  sécrélion  bron- 
chique ;  le  kermès,  l'ipéca  à  dose  nauséeuse  (0,25  centigr.  en  potion  ou 
en  infusion)  sont  encore  employés  dans  ce  but,  ainsi  que  la  poudre  de 
Dower  dont  l'action  sédative  répond  en  outre  à  d'autres  indications.  Ils 
peuvent  rendre  la  sécrélion  plus  abondante,  en  même  temps  plus  fluide, 
et  faciliter  ainsi  son  évacuation.  Les  balsamiques,  la  gomme  ammoniaque, 
la  décoction  de  baies  de  genièvre  ou  de  bourgeons  de  sapin,  les  sirops 
de  Tolu,  de  térébenthine,  etc.,  rendent  plutôt  des  services  dans  la 
période  de  déclin  de  la  maladie,  ou  lorsqu'elle  présente  de  la  tendance 
à  la  chronicité.  Il  en  est  de  même  du  sirop  de  ratanhia  et  de  tannin,  des 
préparations  de  soufre,  et  en  particulier  des  eaux  sulfureuses. 

Les  médications  que  nous  venons  de  passer  en  revue  répondent  à  des 
indications  diverses;  elles  agissent  sur  l'état  général  cl  combattent  l'élé- 
ment inflammatoire  de  la  maladie,  soit  en  agissant  sur  la  turgescence  du 
système  -vasculaire  des  bronches  et  des  poumons,  soil  en  empêchant  l'ac- 
cumulation des  produits  sécrétés  dans  l'arbre  aérien.  Les  révulsifs,  etj 
principalement  les  vésicaloires  volants,  empêchent  également  l'extension 
de  la  fluxion  sanguine  bronchoqpulmonaire.  Repoussés  par  Trousseau, 
par  Lcgcndrc,  Becquerel,  qui  redoutaient  la  production  d'ulcérations 
rebelles  ou  d'accidents  plus  graves  (érysipèle,  dipbthéric,  gangrène),  ils 
ont  été  au  contraire  préconisés  par  Uilliet  et  llartbcz  et  la  plupart  des 


J  IWKUMONIK.    BRONCHO-PNEUMONIE.           TRAITEMENT.  587 

auteurs.  Il  est  seulement  recommande  de  les  faire  peu  étendus,  de  limite] 
leur  temps  d'application  à  cinq  ou  six  heures  tout  au  plus  et  de  les  panser 
avec  le  plus  grand  soin,  de  manière  à  éviter  le  contact  de  l'air  et  les  frot- 
i  tements.  L'apparition  de  la  malité  ou  de  la  submatilé,  du  souille  ou  des 
raies  sous-crépitants  fins,  annonce  la  production  de  poussées  inflamma- 
toires, et  détermine  ainsi  le  point  où  ils  doivent  être  placés  ;  le  plus  sou- 
vent,  c'est  aux  parties  postérieures  et  inférieures  de  la  poitrine,  ou  au- 
,  dessous  de  l'omoplate,  et  dans  la  direction  des  côtes.  Dans  beaucoup  de 
i  cas,  ils  ont  paru  exercer  une  action  très-manifeste  sur  la  marebe  de  la 
;  maladie,  en  empêchant  l'extension  des  foyers  de  pneumonie,  en  dimi- 
i  nuant  la  fluxion  des  voies  respiratoires,  et  dans  les  dernières  périodes,  en 
I  hâtant  la  résolution.  A  ce  moment,  d'autres  révulsifs,  huile  de  croton 
:  sur  le  dos  (Legendre),  sinapismes,  emplâtres  de  tbapsia,  teinture  d'iode 
I  peuvent  être  employés  également;  mais  il  faut  leur  préférer  les  vésica- 
I  foires  pendant  la  période  des  poussées  aiguës  du  côté  des  bronches  ou  des 
obules  pulmonaires.  L'enveloppement  des  membres  inférieurs  dans  la 
i  ouate  simple  ou  légèrement  sinapisée  est  un  excellent  moyen  adjuvant* 
11  y  a  moins  à  compter  sur  les  agents  de  la  révulsion  intestinale.  Les 
purgatifs  sont  employés  pour  hâter  la  résolution  dans  la  période  ter- 
minale, et  quand  il  se  présente  des  indications  spéciales  du  côté  du 
tube  digestif.  On  prescrit  surtout  les  laxatifs  doux,  la  manne,  le  sirop  de 
rhubarbe,  l'huile  de  ricin,  le  sirop  de  chicorée  et  de  fleurs  de  pêcher. 
Les  médecins  anglais  se  servent  aussi  du  calomel  à  dose  purgative  ou 
à  dose  altérante,  et  dans  ce  dernier  cas,  l'associent  parfois  aux  antimo- 
niaux  (West).  Les  mêmes  indications  spéciales  s'appliquent  aux  diuré- 
tiques (sous-carbonate  de  potasse,  oxymel  scillitique,  etc.). 

Les  sédatifs  répondent  à  plusieurs  indications  symplomatiques  ;  sans 
parler  du  délire,  des  convulsions  qui  constituent  une  véritable  complica- 
tion, on  a  souvent  à  calmer  une  agitation  très-vive  qui  s'empare  du  ma- 
lade et  s'accompagne  d'une  sorte  d'érétbisme  douloureux.  Les  quintes  de 
toux,  la  dyspnée,  l'insomnie  sont  exagérées  dans  ces  circonstances.  Les 
narcotiques  peuvent  être  prescrits,  même  le  laudanum  (goutte  par  goutte) 
et  le  chloral  (0,25  centigr.,  à  1  gramme)  ;  mais  ces  agents  doivent  être 
maniés  avec  précaution  et  réservés  autant  que  possible  pour  les  cas  très- 
graves.  On  leur  préfère  l'eau  distillée  de  laurier-cerise  (4  à  10  grammes), 
la  belladone  (extrait,  1  à  5  centigrammes),  le  datura,  la  jusquiame,  le 
bromure  de  potassium,  les  préparations  de  ciguë,  de  pbcllandrie,  l'élbcr, 
I»'  sirop  de  valériane,  etc.  L'alcoolaturc  d'aconit  est  également  prescrit 
(liilliel  et  Rarthez,  H.  Roger)  et  parait  exercer  une  action  antiphlogislique 
modérée.  Lorsque  la  fièvre  est  vive,  quand  la  température  atteint  39°, 5 
ou  40°,  et  qu'il  existe  en  même  temps  des  phénomènes  nerveux  alar- 
mants, Rillict  et  Barthez  conseillent  l'usage  des  bains  de  son,  à  54°, 
ou  55°,  d'une  durée  de  dix  minutes  et  répétés  au  besoin  deux  ou  trois 
fois  dans  les  vingt-quatre  heures.  Ces  bains  sont  suivis  d'une  sédation 
marquée,  l'agitation  cesse,  et  le  malade  retrouve  parfois  le  sommeil. 
Dans  quelques  cas,  ce  moyen  rend  une  plus  grande  énergie  aux  efforts 


Jj88  PNEUMONIE.  —  bromcho'PnbOhdnib.  —  traitement. 

de  toux,  suivis  d'expectorations  qui  débarrassent  les  bronches.  Guer- 
sanl,  lîlaelic,  H.  Roger,  etc..  et  la  plupart  des  auteurs  ont  reconnu 
également  que  les  bains  liodes  dans  la  broncho-pneumonie  exercent  une 
action  à  la  ibis  sédative  et  stimulante,  Ils  s'accordent  à  dire  cependant 
qu'on  ne  doit  pas  les  prescrire  dans  le  cas  de  trop  grande  prostration. 
Nous  insisterons  un  peu  sur  d'autres  moyens  hydrotkérapiques,  peu  em- 
ployés en  France  jusqu'ici,  mais  qui,  au  dire  des  médecins  étrangers 
qui  les  préconisent,  rendent  des  services  éclatants  dans  le  traitement  de 
la  broncho-pneumonie. 

Hildenbrand  et  Campagnano  ont,  les  premiers,  conseillé  l'emploi  des 
lotions  et  des  affusions  froides  dans  les  pneumonies.  Ghisi  obtint,  au 
moyen  des  bains  froids,  la  guérison  d'un  enfant  de  13  ans,  arrivé  à  la  pé- 
riode asphyxique  de  la  broncho-pneumonie.  Ziemssen  recommande  l'appli- 
cation de  compresses  d'eau  fraîche  sur  le  thorax,  renouvelées  toutes  les 
dix  minutes.  H  a  réussi  par  ce  moyen  à  calmer  les  malades,  à  diminuer  la 
dyspnée,  à  abaisser  le  chiffre  de  la  température  et  des  respirations.  Jur- 
gensen,  dans  les  cas  très-graves,  où  la  dyspnée  et  la  cyanose  sont  extrêmes, 
fait  prendre  aux  malades  un  bain  tiède  de  20  à  25  minutes,  après  lequel 
il  donne  une  douche  d'eau  froide  en  jet  sur  la  nuque.  Steffen  a  aussi 
employé  cette  méthode  chez  les  jeunes  enfants  ;  cependant  sa  statistique 
n'est  pas  encourageante,  4  cas  de  guérison  seulement  sur  97  cas. 

Bohn,  dans  l'Encyclopédie  de  Gerhardt,  conseille  l'enveloppement  dans 
le  drap  mouillé  pendant  plusieurs  heures  jusqu'à  ce  qu'on  ait  obtenu  un 
abaissement  suffisant  de  la  température,  la  cessation  de  l'agitation  et  de 
la  dyspnée.  Cette  pratique  est  recommandée  aussi  par  Liebermeister,  Sche- 
del,  Jûrgcnsen,  Cohn.  Bartels  n'a  pas  craint,  dans  les  cas  très-graves,  de 
continuer  l'emploi  des  enveloppements  pendant  plusieurs  jours  et  plu- 
sieurs nuits  sans  interruption.  Wyss  va  jusqu'à  dire  que  ces  enveloppe- 
ments doivent  être  préférés  à  tous  les  autres  moyens  thérapeutiques. 
Voici  comment  ils  doivent  être  employés  :  un  drap  ou  une  couverture  de 
laine  sont  trempés  dans  de  l'eau  froide  et  tordus  fortement;  après  avoir 
été  plié  plusieurs  fois,  le  drap  est  étendu  sur   une  couverture  de 
laine  qui  le  dépasse  dans  tous  les  sens.  L'enfant  est  d'abord  emmaillotté 
jusqu'aux  aisselles  dans  le  drap,  puis  dans  la  couverture  sèche,  laquelle 
est  fixée  au  moyen  de  fortes  épingles.  Les  bras  doivent  rester  libres,  et 
après  l'enveloppement,  la  chemise  de  l'enfant  qu'on  avait  eu  soin  de  re- 
lever au-dessus  des  épaules  est  ramenée  sur  la  couverture  de  laine.  L  en- 
veloppement dure  deux  heures;  on  laisse  l'enfant  sec  pendant  une  demi- 
heure  ou  une  heure  et  l'on  recommence.  Les  enveloppements  doivent 
être  faits  jour  et  nuit  à  intervalles  plus  moins  éloignés  suivant  l'intensité 
de  la  fièvre.  On  emploie  de  l'eau  plus  ou  moins  froide,  ou  simplement 
de  l'eau  à  la  température  de  la  chambre.  Après  chaque  enveloppement, 
il  est  bon  de  faire  prendre  à  l'enfant  une  cuillerée  d'un  vin  généreux  dans 
un  peu  d'eau.  Il  faut  veiller  à  ce  qu'il  ne  se  produise  pas  de  refroidis- 
sement des  extrémités.  Lorsque  ces  enveloppements  sont  commencés,  on 
constate  bientôt  que  l'enfant  respire  mieux,  il  tousse  moins;  l'état  géné- 


PNEUMONIE. 


  BROKCIIO-PiNKIlJIO.ME. 


  TIUITEMI  YÏ. 


589 


rai  et  local  se  trouvent  améliorés  ;  l'enfant  dort  paisiblement  dans  l'in- 
tervalle des  enveloppements.  Ces  intervalles  deviennent  de  plus  en  plus 
grands  à  mesure  que  la  température  tombe  ;  à  59°  ils  sont  de  deux  heures  ; 
à  58°, 5,  de  trois  heures.  A  cette  température,  on  les  cesse  le  soir  si  la 
température  du  matin  est  normale  ;  il  est  bon  cependant  de  les  continuer 
•encore  une  ou  deux  fois  par  jour. 

Nous  avons  vu  que  la  diaphorèse  obtenue  à  l'aide  des  antimoniaux  ne 
peut  être  recherchée  longtemps,  à  cause  des  contre-indications  spéciales 
fournies  par  Vétal  des  forces.  Depuis  longtemps  les  médecins  ont  reconnu 
que  l'asthénie  est  le  trait  dominant  dans  les  diverses  formes  de  la 
broncho-pneumonie  (de  la  Berge,  Legendrc,  etc.).  On  s'adresse  surtout  aux 
stimulants,  pour  la  combattre  :  parmi  les  stimulants  externes  on  prescrit 
surtout  les  onctions  chaudes  (axonge,  huile,  beurre  de  cacao),  les  for- 
mentations  vinaigrées,  les  sinapismes.  Le  marteau  de  Mayor,  l'inhalation 
de  vapeurs  d'ammoniaque,  sont  réservés  pour  les  cas  où  il  y  a  menace  de 
suffocation  et  d'asphyxie.  Les  sudorifiques,  la  chaleur,  les  boissons  chaudes 
aromatiques,  le  thé,  le  café,  seraient  d'une  grande  utilité,  mais  les  enfants 
ne  les  acceptent  souvent  qu'avec  les  plus  grandes  difficultés.  Les  sels  d'am- 
moniaque (chlorhydrate  ou  carbonate  d'ammoniaque,  20  centigr.  à  50 
centig. ,  acétate  d'ammoniaque)  répondent  à  une  double  indication,  en  modi- 
fiant les  sécrétions  bronchiques,  et  en  stimulant  l'énergie  des  malades.  On 
emploie  dans  le  même  but  l'acide  benzoïque,  ('20  à  40  centigr.),  l'infusion 
de  polygala  senega  (1  à  5  grammes);  le  musc  (20  à  40  centigr.  dans  un 
looeh). 

Mais  parmi  les  agents  delà  médication  stimulante,  les  alcooliques  sont 
ceux  dont  paraissent  résulter  les  meilleurs  effets;  la  potion  cordiale  du  Co- 
dex, les  vins  de  Malaga,  de  Xérès,  Bagnols,  Porto  (50  à  100  grammes  par 
jour)  sont  de  puissants  excitants  dans  les  cas  de  débilitation  profonde.  L'al- 
cool, le  rhum  (10  à  50  grammes, dans  une  infusion  aromatique),  le  punch 
léger,  Pélixir  de  Garus,  remplissent  les  mêmes  indications  et  combattent 
l'asphyxie  en  augmentant  l'énergie  des  efforts  respiratoires  :  il  en  est  de 
même  des  préparations  alcooliques,  du  quinquina  (teinture  de  quinquina, 
20  grammes).  Dans  les  cas  de  gangrène,  outre  les  stimulants,  on  prescrit 
encore  les  désinfectants  et  les  antiseptiques  (eau  de  Labarraque,  acide 
phénique,  eucalyptus,  térébenthine,  etc.,  etc.). 

Les  divers  alcooliques  répondent  à  la  nécessité  de  combattre  la  pro- 
stration qui  survient  si  fréquemment  dans  le  cours  de  la  broncho-pneu- 
monie. On  leur  adjoindra,  si  cela  est  possible,  une  alimentation  tonique, 
lait  de  vache  ou  d'ànesse,  bouillon  américain,  jus  de  viande,  jaunes 
d'œufs,  boissons  vineuses,  etc...  L'inappétence  absolue  des  enfants  ap- 
porte souvent  un  obstacle  invincible  à  l'ingestion  des  aliments;  les  alcoo- 
liques, les  préparations  de  quinquina,  sont  alors  les  ressources  les  plus 
puissantes  dont  nous  disposions  contre  la  débilitation. 

Pendant  la  convalescence,  on  a  encore  à  combattre  le  catarrhe  bron- 
chique qui  persiste  plus  ou  moins  longtemps  ;  les  expectorants,  le  tannin, 
les  balsamiques,  les  eaux  sulfureuses  naturelles  (Bonnes,  Cautercts,  etc.), 


590  PMiUMONIK.  —  iiiiomciio-i'.neumonik.  —  tkaitemekt. 

coupés  avec  le  lait,  peuvent  rendre  de  grands  services.  Une  surveillance! 
attentive  est  nécessaire  pour  prévenir  le  retour  des  rechutes  :  un  lon^l 
séjour  à  la  chambre  (deux  à  quatre  semaines)  doit  être  imposé  aux  en-! 
fants.  Pour  le  lever,  pour  l'alimentation,  il  est  souvent  sage  de  s'en  rap-l 
porter  à  leur  instinct  (II.  Roger).  On  ne  tardera  pas  à  leur  donner  une! 
alimentation  de  plus  en  plus  fortifiante  (potages, œufs,  viandes).  L'emploi 
de  l'huile  de  foie  de  morue,  de  l'iodure  de  fer,  du  phosphate  de  chaux, I 
les  cures  de  lait  de  chèvre,  sont  souvent  nécessaires  pour  comballre  l'a-  ; 
nérnie.  Le  rétablissement  des  forces  peut  être  complété  et  avancé  par  un! 
séjour  à  la  campagne,  dans  les  montagnes  ou  dans  une  station  marilimcjij 
ou  thermale  convenablement  choisie. 

Nous  ne  pouvons  entrer  ici  dans  de  longs  détails  sur  les  indication» 
spéciales  :  le  traitement  doit  être  modifié  suivant  les  causes,  les  formes,! 
les  périodes  de  la  maladie,  suivant  l'âge  des  sujets,  l'état  des  forces, I 
suivant   les  complications  (convulsions,  emphysème,  pleurésie,  gan-1 
grène,  etc.),  la  prédominance  de  certains  symptômes,  etc.,  etc..  Toutes! 
ces  indications  thérapeutiques,  variables  avec  chaque  malade,  sont  du  res- 
sort de  la  clinique  et  ne  peuvent  être  développées  dans  le  cadre  que  nous 
sommes  forcés  d'adopter  ici.  Nulle  ou  à  peu  près  dans  les  broncho-pneu 
monies  consécutives  au  croup,  la  thérapeutique  est  également  désarmée 
dans  celles  qui  sont  le  résultat  d'une  cachexie  profonde.  Les  toniques, 
les  stimulants,  sont  les  seules  ressources  qui  nous  restent  contre  les 
effets  de  la  maladie.  Dans  les  fièvres  éruptives,  dans  le  noma,  dans  la 
fièvre  typhoïde,  dans  la  coqueluche,  des  modifications  spéciales  sont 
nécessitées  dans  le  traitement  par  l'affection  primitive.  Mais  les  indication.' 
principales  sur  lesquelles  nous  avons  insisté  dominent  toujours  ;  on  doit 
toujours  s'opposer  aux  congestions  actives  et  passives  et  à  l'accumulation 
des  sécrétions  bronchiques,  en  agissant  soit  mécaniquement  au  moyen 
des  vomitifs,  soit  indirectement  par  les  stimulants,  les  révulsifs,  etc. 
Quelle  que  soit  la  maladie  primitive,  la  broncho-pneumonie  qui  vient  la 
compliquer  présente,  en  effet,  des  indications  constantes  tirées  delà  forme 
qu'elle  revêt,  de  la  prédominance  de  l'élément  bronchique  ou  de  l'élé- 
ment parenchymateux.  Dans  la  forme  suffocante,  bronchite  capillaire,  les 
vomitifs,  les  sédatifs,  les  révulsifs  cutanés  (ventouses,  sinapismes)  sont 
employéssurtout  pour  combattre  la  dyspnée, et  l'engouement  des  bronches. 
Dans  les  formes  parenchymatcuses,  on  peut  parfois,  au  début,  essayer  des 
antiphlogistiques  ;  mais  les  révulsifs  énergiques  (vésicatoires),  les  stimu- 
lants et  les  toniques  font  ordinairement  la  base  du  traitement. 

En  résumé,  au  début,  quand  prédomine  l'engouement  bronchique, 
on  peut  commencer  le  traitement  par  un  ou  deux  vomitifs;  puis  tout  en 
excitant  une  révulsion  cutanée  énergique  (sinapismes,  ventouses,  pédi- 
luves,  enveloppements  ouatés,  vésicatoires),  on  prescrira  les  modificateurs 
des  sécrétions  bronchiques  (kermès),  les  antiphlogistiques  et  les  modifica- 
teurs de  la  circulation  (digitale,  aconit,  etc.).  A  la  période  d'état,  lorsque 
le  parenchyme  pulmonaire  est  envahi,  les  révulsifs  doivent  encore  être 
prescrits,  et  de  plus,  les  toniques,  l'alcool,  le  quinquina,  etc....  Pendant 


PNEUMONIE.           BRONCHO-P.NKUMONIK.    BIBLIOGRAPHIE. 


59 1 


la  période  de  déclin,  les  toniques,  une  alimentation  plus  substantielle, 
les  balsamiques  et  les  sulfureux  sont  spécialement  indiqués. 

Consulter  les  traités  de  maladies  des  enfants,  RtLLlET  el Barthez,  IIahkier,  Bouchut,  West,  u'iis- 
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PNEUMUMK. 


  BRONCHO-PNEUMONIE.    IIIltl.lOGKAPHIE. 


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KODV.  DICT.  MÉD.  ET  CUIR. 


XXVIII—  58 


r»9 i  PNKUMONIIi.  —  pn.  chuomquk. 

pneumonie  i-iikonique.  —  Nous  ne  pouvons  nous  occuper,  dans  cel 
article,  (]iie  des  affections  inflammatoires  chroniques  du  poumon  consé- 
cutives à  des  affections  aiguës  de  même  ordre  en  quelque  sorte  sponta- 
nées. Nous  rejetons  de  notre  cadre  les  pneumonies  chroniques  partielles 
consécutives  à  des  lésions  de  natures  diverses  des  bronches  et  du  paren- 
chyme pulmonaire.  Ainsi,  on  trouve  presque  constamment  autour  des 
foyers  apoplectiques,  des  kystes  hyda tiques  et  des  diverses  tumeurs  du 
poumon,  des  lésions  inflammatoires  plus  ou  moins  étendues,  et  aboutis- 
sant à  la  formation  d'un  tissu  seléreux,  ardoisé  ou  fortement  pigmenté. 
Des  lésions  d'apparence  semblable  se  produisent  autour  des  tubercules 
et  des  cavernes.  Primitivement,  ces  pneumonies  pérituberculeuses  ne  pré- 
l>  sentent  rien  qui  leur  appartienne  essentiellement  en  propre;  elles  ne  dil- 

•^fl'èrent  point  de  celles  qui  caractérisent  la  broncho-pneumonie  (Charcot),. 

t*  et  aboutissent  dans  les  formes  chroniques  à  la  même  sclérose  du  tissu 
conjonctif,  aux  mêmes  transformations  granulo-graisseuses  des  épithéliums 
(Voyez  pour  la  discussion  de  la  pneumonie  caséeuse  l'article  Phthisie, 
t.  XXVII,  p.  277).  Les  pneumonies  consécutives  à  l'introduction  des  pous- 
sières dans  les  voies  aériennes  (pneumonokonioses)  sont  aussi  des  bron- 

,  ~  cho-pneumoiiies.  Nous  nous  bornons  à  les  rappeler  ici,  ainsi  que  la  pneu- 
Jlt»  monie  syphilitique  :  leur  description  viendra  aux  articles  PitoFtssjo.N  e! 
Jjfr  Syphilis. 

La  gangrène  et  les  abcès  du  poumon  peuvent  être  aussi  l'origine  de 
pneumonies  chroniques.  Le  processus  inflammatoire,  qui  se  développé 
à  leur  périphérie  et  qui  amène  la  cicatrisation  du  foyer,  s'étend  parfois 
au  poumon  tout  entier.  Nous  ne  donnerons  pas  de  ces  cas  une  description 
à  part;  ils  rentrent  le  plus  souvent  dans  les  variétés  communes,  sur 
lesquelles  nous  allons  maintenant  insister.  Les  pneumonies  chroniques 
peuvent  être  aujourd'hui  classées  en  un  certain  nombre  de  variétés  bien 
distinctes.  Nous  devons  dire  dès  à  présent  que,  dans  ses  leçons  professées 
.à  la  Faculté  de  médecine  en  1877-1878,  Charcot  a  plus  nettement 
encore  caractérisé  ces  divisions,  en  montrant  que  les  diverses  formes  de 
lésions  chroniques  peuvent  succéder  aux  affections  inflammatoires  aiguës 
des  bronches  et  du  parenchyme  pulmonaire.  Ces  lésions  ont  reçu  des 
auteurs  les  noms  de  cirrhose,  squirrhe  dit  poumon,  pneumonie  in- 
terstitielle, induration  pulmonaire,  sclérose  du  poumon,  phthisic 
fibroïde ,  etc.  Ces  dénominations,  comme  on  le  voit,  s'appliquent  à 
tous  les  cas  et  doivent  être  remplacées  par  des  termes  plus  caractéris- 
tiques. Nous  adopterons  ici  les  genres  décrits  par  Charcot,  et  qui  sont 
ndés  sur  l'étude  du  siège  primitif  et  de  la  marche  des  lésions.  Une  pre- 
nière  variété,  représentant  à  l'état  chronique  la  pneumonie  lobaire  aiguë, 
évolue  dans  le  parenchyme  pulmonaire  proprement  dit,  dans  les  alvéoles; 
deux  autres  variétés  sont  consécutives  aux  inflammations  des  bronches  et 
de  la  plèvre:  ce  sont  les  broncho-pneumonies  chroniques  et  les  pneu- 
monies chroniques  pleurogènes.  Il  faut  ajouter  qu'il  est  fréquent  de  voir 
coexister  les  lésions  de  ces  diverses  formes  ;  presque  toujours,  dans  les 
dernières  périodes,  le  parenchyme  pulmonaire,  la  plèvre  et  les  bronches. 


/ 


/A 


PNEUMONIE.    PiN.  CHRONIQUE.           P.  [.On.UHE  CHRONIQUE.  595 


participent  en  même  temps  aux  altérations.  Les  signes  sont  alors  ceux 
de  l'atrophie  seléreuse  ci  de  la  rétraction  du  poumon,  affaissement  du 
thorax,  déplacement  des  viscères  thoraeiques  et  abdominaux,  dilatation 
du  cœur,  etc.  C'est  surtout  par  l'examen  des  commémoratifs  et  de  la 
marche  de  la  maladie  que  l'on  peut  arriver  à  préciser  la  nature  de  l'af- 
fection. 

À.  Pneumonie  lobaire  chronique.  —  Celte  forme  de  pneumonie  chro- 
nique a  été  étudiée  surtout  en  France;  il  faut  citer  notamment  les  travaux 
d'Andral,  Grisolle,  Hardy  et  Bélucr,  la  thèse  d'agrégation  et  les  leçons 
de  Charcot.  Chez  les  auteurs  allemands,  nous  ne  trouvons  que  quelques 
passages  dans  les  leçons  de  Traube,  un  travail  assez  complet  publié 
par  Heschl  en  1 850.  Les  travaux  anglais  publiés  sur  la  pneumonie  chro- 
nique sont  plus  nombreux,  mais  visent  surtout  la  forme  broncho-pneu- 
monique.  Le  nombre  des  observations  de  pneumonie  lobaire  chronique 
véritablement  digne  de  ce  nom  est  donepeu  considérable,  lorsqu'on  a 
soin  d'éliminer,  comme  on  doit  le  faire,  les  pneumonies  aiguës  qui  af- 
fectent un  certain  caractère  de  chronicité  par  la  lenteur  de  leur  marche 

•  ou  de  leur  résolution.  I.a  persistance  des  exsudais  pneumoniques  dans 
Jes  alvéoles  se  manifeste  parfois  par  des  signes  physiques,  longtemps 
après  la  défervescence  et  le  retour  complet  à  la  santé.  Mais  ces  exsudats 
non  résorbés  persistent  ainsi  au  sein  du  parenchyme  pulmonaire,  sans 

i  qu'il  y  ait  coexistence  d'un  travail  inflammatoire  (Charcot).  Grisolle  a  vu 
.  ainsi  la  reslilulio  ad  integrum  n'être  complète  que  du  20e  au  55e  jour, 
'  66  fois  sur  105  cas.  Sur  26  cas  observés  par  Fox  à  ce  point  de  vue,  5  cas 
i  ue  se  terminèrent  qu'entre  le  20e  et  le  25e  jour,  1  cas  entre  le  25e  et  le 
'■  30"'  jour.  Andral  (cité  par  Fox,  p.  755)  a  vu  cette  prolongation  durer 
i  quatre  mois.  Des  faits  analogues  ont  été  publiés  par  Rayer  (Gaz.  médic, 
1846),  par   Raymond,  Àran,  Ilérard,  etc.   Ce  sont  là  des  exemples 

•  de  résolution  lente  ;  lorsqu'à  la  persistance  des  exsudats  vient  se  joindre 
un  processus  inflammatoire  du  côté  des  parois  alvéolaires  qui  les  con- 

:  tiennent,  la  pneumonie  chronique  se  trouve  constituée,  et  à  cette  exten- 

•  sion  nouvelle  du  processus  correspondent  des  phénomènes  pathologiques 
i  nouveaux  absents,  dans  la  résolution  lente,  laquelle  peut  s'opérer  avec 
l  toutes  les  apparences  de  la  santé  la  plus  parfaite  (Grisolle). 

Dans  les  cas  moins  heureux,  le  parenchyme  pulmonaire  devient  le  siège 
d'altérations  plus  ou  moins  profondes,  aboutissant  à  la  sclérose  du  pou- 
1  mon.  Celle-ci  peut  se  produire  de  deux  manières  différentes  :  1°  par  un 
i  processus  à  marche  continue,  progressive,  régulière,  succédant  à  une  pre- 
1  mière  attaque  de  pneumonie  aiguë;  2°  par  un  processus  à  phases  suc- 
cessives, à  évolution  interrompue,  qui  s'établit  à  la  suite  d'un  certain 
nombre  de  récidives  de  la  pneumonie  aiguë  dans  le  même  point.  Mais, 
que  les  phénomènes  inflammatoires  se  déroulent  d'une  manière  conti- 
l 'lue,  ou  qu'ils  se  succèdent,  pour  ainsi  dire,  en  plusieurs  actes,  les  lésions 
|  qui  en  résultent  sont  identiques  dans  les  deux  formes.  Celles-ci  présen- 
tent, en  réalité,  plus  d'intérêt  au  point  de  vue  clinique  qu'au  point  de 
v  'vue  anatomo-pathologique. 


596         PiNEUMONIK.  —  pn.  ciironiqui:.  —  anatomie  rATiioLOGiQDE. 

Anatomie  pathologique.  —  âvanl  d'étudier  les  types  variés  d'al- 
lérations  qu'on  observe  dans  la  pneumonie  lobaire  chronique,  il  importe 
de  bien  distinguer  les  lésions  qui  succèdent  à  la  résolution  lente  de  la 
pneumonie  aiguë.  Elles  sont  également  peu  connues  :  dans  un  cas  où  la 
mort  était  survenue  trente-cinq  jours  après  la  défervescence,  l'examen 
microscopique  montra  les  alvéoles  remplis  de  masses  muqueuses  englo- 
bant des  corps  granuleux,  des  leucocytes,  des  cellules  épilhélialcs  et  des 
granulations  graisseuses  libres.  Les  parois  alvéolaires  ne  présentaient 
aucune  modification  de  texture  appréciable  (Charcot).  Dans  un  autre  cas, 
d'une  durée  à  peu  près  égale,  observé  dans  le  service  deDuguet,  l'examen 
microscopique  fait  par  Pitres  révéla  également  la  présence  d'éléments 
granuleux  dans  les  cavités  alvéolaires  dont  les  parois  étaient  saines. 

Tout  porte  à  croire  que  ces  produits  inflammatoires  disparaissent  lors- 
que la  survie  est  assez  longue. 

Lorsque  le  processus  inflammatoire  envahit  la  paroi  alvéolaire  restée 
intacte  jusque-là.  une  nouvelle  série  d'altérations  se  produit,  présentant 
des  caractères  anatomo-pathologiqucs  variables  suivant  leur  degré  d'an- 
cienneté. C'est  un  processus  nouveau  qui  commence  et  qui  se  manifeste 
cliniquement  d'une  manière  spéciale. 

Induration  rouge.  —  Lorsque  le  malade  succombe  peu  de  temps 
après  le  passage  de  la  pneumonie  à  l'état  chronique,  l'aspect  du  poumon 
présente  un  ensemble  de  caractères  qui  se  rapprochent  de  ceux  de  l'état 
aigu  et  qui  ont  valu  à  la  lésion  les  noms  ^induration  rouge  (Amiral, 
Ilope,  Fôrster,  Charcot)  ou  d'hépatisation  indurée  (Lebert).  Le  lobe  qu'elle 
occupe  a  augmenté  de  volume  et  de  poids  :  son  tissu  est  rouge,  compacte, 
homogène,  non  crépitant,  granuleux  sur  la  coupe,  mais  moins  manifes- 
tement qu'à  l'état  aigu.  Le  parenchyme  est  devenu  plus  ferme,  plus  con- 
densé, plus  sec  que  dans  l'hépatisation  rouge;  il  est  aussi  plus  anémié 
et  plus  pâle.  Le  cloisonnement  interlobulaire  est  peu  marqué  ou  nul. 

De  plus,  il  existe  un  épaississement  de  la  plèvre,  au  niveau  des  parties 
indurées  ;  enfin,  signalons  un  Irait  particulier,  sur  lequel  a  insisté  tout 
spécialement  Charcot  :  c'est  Y  absence  de  dilatation  des  bronches. 

Les  recherches  histologiques  faites  autrefois  par  Lebert,  Fôrster  et 
lleschls  ont  été  complétées  dans  ces  derniers  temps  par  Charcot.  Dans 
lous  les  cas,  les  parois  alvéolaires  sont  épaissies  et  infiltrées  d'éléments 
jaunes,  ronds  et  fusiformes;  les  fibres  élastiques  restent  intactes.  Dans 
quelques  cas  le  contenu  fibrineux  persiste  encore  pendant  un  temps  assez, 
long  (Gougucnheini  et  Balzer)  :  ordinairement,  les  alvéoles  sont  rétrécis  et 
renferment  des  cellules  épithéliales  englobées  dans  un  magma  granulo- 
graisseux.  11  existe  souvent  des  corps  granuleux.  Les  cellules  épithéliales 
qui  persistent  sont  larges,  polygonales  ;  elles  contiennent  souvent  des 
cristaux  de  margarine.  11  n'y  a  pas  d  epilhéliums  cubiques  (Charcot). 

Ces  diverses  altérations  se  rencontrent  chez  les  individus  qui  succombent 
environ  un  mois  ou  six  semaines  après  le  début  de  la  pneumonie  chro- 
nique. Dans  quelques  cas  plus  rares,  l'aspect  macroscopique  de  la  lésion 
revêt  des  caractères  différents  qui  lui  ont  fait  donner  le  nom  d'indu- 


PNKUMONIK.  —  PN.  CIIROKIQRE.  —  ANATOMIE  PATHOLOGIQUE. 


597 


ration  jaune.  Celle-ci,  à  la  vérité,  ne  paraît  différer  de  l'induration  rouge 
que  par  la  couleur,  et  peut-être  aussi  par  l'abondance  des  exsudats,  qui  en 
comprimant  les  vaisseaux  anémient  le  parenchyme  induré  et  lui  donnent 
son  aspect  spécial.  L'analyse  liislologique  retrouve,  en  effet,  dans  ces 
cas,  les  mêmes  lésions  du  côté  des  alvéoles  que  dans  l'induration  rouge. 

Induration  grise.  —  Lorsque  la  pneumonie  chronique  atteint  une 
durée  qui  dépasse  plusieurs  mois,  les  altérations  du  parenchyme  pulmo- 
naire aboutissent  à  la  sclérose.  Mais  le  processus  présente  d'abord  une 
phase  intermédiaire  dans  laquelle  les  caractères  de  l'induration  rouge 
persistent  encore,  mêlés  à  ceux  de  l'induration  grise.  Au  bout  de  deux  ou 
(rois  mois,  le  poumon  présente  encore  des  granulations,  mais  déjà  beau- 
coup plus  petites  :  sa  coloration  est  brune  avec  des  plaques  ardoisées  ;  les 
travées  interlobulaires  se  dessinent  nettement.  Le  tissu  présente  à  la  coupe 
une  surface  plus  ferme,  plus  sèche  ;  les  bronches  ne  sont  pas  dilatées,  et 
pourtant  déjà  l'hyperplasie  du  tissu  conjonctif  est  assez  considérable  pour 
produire  la  rétraction  et  une  diminution  de  volume  du  poumon. 

Ces  divers  effets  sont  beaucoup  plus  accentués  lorsque  la  lésion  arrive 
à  la  deuxième  phase  de  l'induration  grise.  Le  tissu  pulmonaire  a  subi 
alors  véritablement  l'altération  que  Cruveilhier  désigne  sous  le  nom  de 
métamorphose  fibreuse.  11  faut  quatre,  cinq  mois,  une  année  ou  davan- 
tage, pour  que  le  tissu  fibreux  de  nouvelle  formation  envahisse  ainsi  tout 
l'ancien  foyer  de  pneumonie.  A  l'autopsie,  le  poumon  présente  une  con- 
sistance telle  que  le  doigt  ne  peut  le  pénétrer;  son  tissu  crie  sous  le 
scalpel.  Le  plus  souvent  il  ne  crépite  plus,  reste  imperméable  et  va  an 
fond  de  l'eau  ;  quelquefois  il  est  légèrement  spongieux.  Sa  surface  est 
lisse,  sans  granulations;  elle  présente  habituellement  une  coloration  ar- 
doisée ou  d'un  gris  cendré.  Mais  elle  peut  aussi  être  sillonnée  de  mar- 
brures violacées,  verdàtres  ou  noires. Les  travées  de  tissu  conjonctif  sont 
vaguement  dessinées  sur  la  coupe  qui  est  plane,  sèche,  ou  laisse  seulement 
sourdre  un  peu  de  sérosité  sanguinolente.  La  plèvre  est  épaissie  et  forme 
une  véritable  coque  fibreuse.  A  cette  période  ullime,  le  poumon  est  peu 
vasculaire,  il  est  rétracté,  ratatiné,  globuleux,  réduit  aux  deux  tiers,  à  la 
moitié,  ou  même  au  tiers  de  son  volume.  Mais  notons  toujours  que,  malgré 
ce  développement  considérable  du  tissu  conjonctif,  il  n  y  a  pas  de  dila- 
tation bronchique. 

L'étude  histologique  montre  les  alvéoles  envahis  par  le  tissu  fibreux 
à  tel  point  que  leur  nombre  a  considérablement  diminué  ;  on  voit,  dans 
quelques-uns,  des  productions  fibreuses  proéminer  sous  la  l'orme  de 
polypes  au  milieu  de  leur  cavité.  "  ~  ~~ 

Celle-ci  est  quelquefois  remplie  d'épilhéliums  polygonaux  ou  renferme 
des  corps  granuleux.  On  n'aperçoit  nulle  part  les  traces  d'un  travail 
de  caséilication.  Les  alvéoles  renferment  en  outre  des  cristaux  aciculés 
nombreux . 

Il  se  produit  cependant  un  travail  de  dégénération  spéciale;  cardans 
plusieurs  cas  on  a  noté  l'existence  d'excavations,  sculptées  au  sein  du 
parenchyme  pulmonaire.  Charcot  les  désigne  sous  le  nom  i'uleèrës  du 


598  PNEUMONIE.  —  pn.  chhomqiie.  —  symptômes. 

Vl  poumon  pour  les  distinguer  des  cavités  qui  succèdent  aux  abcès  de  1» 
fl  pneumonie  aiguë,  ou  des  cavernes  tuberculeuses.  Ces  excavations  sont 
ri  tapissées  d'un  revêtement  membraneux  :  elles  présentent  les  mêmes 
caractères  que  celles  qu'on  observe  dans  la  pneumonie  anthracosique. 

Symptômes.  —  Comme  nous  l'avons  déjà  vu,  révolution  clinique 
de  la  maladie  présente  deux  grandes  variétés,  suivant  son  mode  de  début 
et  sa  marche.  Dans  une  première  série  de  cas  se  rangent  les  pneumonies 
chroniques  qui  succèdent  à  courte  échéance  à  la  pneumonie  loba  ire  aigui 

Les  accidents  nouveaux  s'annoncent  souvent  de  la  manière  suivante  :  la 
pneumonie  a  évolué  régulièrement,  la  défervescence  et  l'amendement  de& 
symptômes  se  sont  produits  à  l'époque  ordinaire,  et  ont  été  suivis  du 
retour  de  l'appétit  et  d'une  amélioration  dans  le  fonctionnement  des  divers 
appareils.  Mais  les  changements  dans  l'élat  local  ne  correspondent  pas  à 
cette  disparition  des  phénomènes  généraux.  La  percussion  constate  une 
matité  d'une  certaine  étendue,  et  à  l'auscultation  on  rencontre  la  respiration 
bronchique,  la  bronchophonie  avec  des  râles  sous-crépitants  et  muqueux 
(Grisolle).  Jusqu'ici  rien  de  spécial  :  ces  symptômes  s'observent  égale- 
ment dans  la  résolution  lente.  Mais  au  bout  d'un  temps  plus  ou  moins 
long  la  fièvre  reparaît,  et  le  plus  souvent  revêt  d'emblée  le  caractère 
hectique,  avec  redoublements  vespéraux,  suivis  de  sueurs.  Souvent  alors 
i  \  l'ensemble  des  phénomènes  pathologiques  pourrait  faire  croire  à  Pévoltt- 
I  [tion  d'une  phthisie  galopante  (Charcot,  obs.  de  Monneret).  Outre  la  toux, 
■  la  dyspnée  et  la  fièvre  hectique  avec  sueurs,  on  constate,  en  effet,  un 
dépérissement  général,  une  cachexie  rapide,  accompagnée  dans  quelques 
cas  d'œdème  des  membres  inférieurs,  de  diarrhée.  Dans  d'autres  cas,  on 
voit  reparaître,  surtout  chez  les  vieillards,  les  symptômes  d'adynamie, 
l'état  typhoïde,  qui  sont  inséparables  chez  eux  de  l'évolution  de  la  pneu- 
monie. La  terminaison  fatale  peut  même  être  précédée  de  la  formation 
d'eschares. 

Les  symptômes  locaux  ne  sont  pas  tranchés  comme  dans  la  pneumonie 
lobairc  aiguë.  Le  point  de  côte,  la  dyspnée,  la  toux,  peuvent  manquer  ou 
être  très-peu  prononcés,  surtout  si  la  maladie  ne  revêt  pas  les  allures  de 
la  phthisie  galopante.  Les  crachais  sont,  muqueux  ou  muco-purulents, 
comme  dans  la  bronchite.  L'exploration  physique  donne  des  signes  variables 
suivant  l'ancienneté  de  la  maladie,  mais  qui  n'ont  rien  de  patbognomo- 
nique.  Dans  les  premières  périodes,  ce  sont  purement  et  simplement  ceux. 
0  de  l'induration  pulmonaire  :  vibrations  thoraciques  exagérées,  matité  abso- 
lue à  la  percussion,  râles  muqueux,  souffle  bronchique  el  bronchophonie. 
Quelquefois,  lorsque  l'induration  est  extrême,  le  souffle  devient  caverneux, 
(/  et  les  râles  peuvent  prendre  un  timbre  métallique.  Enfin,  dans  quelque? 
cas,  l'auscultation  a  pu  ne  donner  que  des  signes  négatifs,  absence  de 
souffle  el  de  râles,  tenant  sans  doute  à  l'obturation  momentanée  des 
bronches  par  les  produits  de  sécrétion  (Grisolle,  Charcot)  plus  ou  moins 
concrets. 

Lorsque  la  maladie  a  été  de  longue  durée,  ou  dans  certains  cas  à  foi  nie 
ulcéreuse,  des  symptômes  cavitaircs  peuvent  èlre  constatés  :  outre  le 


PNEUMONIE.  —  PN.  CHRONIQUE.  —  SYMPTÔMES. 


59(1 


souffle  el  les  râles  caverneux,  on  trouve  à  la  percussion  un  son  1  y  m  pa- 
nique, cl  dans  quelques  cas  un  bruit  de  pol  fêlé.  Ces  phénomènes  n'exis- 
tent que  dans  les  cas  où  l'excavation  est  superficielle  et  assez  considérable. 

Comme  on  le  voit,  les  symptômes  de  la  pneumonie  chronique  peuvent 
être  résumés  de  la  façon  suivante  :  symptômes  généraux,  hecticité,  con- 
somplion,  état  typhoïde;  symptômes  physiques,  ceux  de  l'induration  pul- 
monaire, dans  quelques  cas,  avec  phénomènes  cavitaires. 

Mais  il  cxisle  une  autre  catégorie  de  cas  qui  ne  présentent  pas  la  même 
marche  continue  et  régulière.  Au  lieu  de  succéder  à  courte  échéance  à  la 
pneumonie  aiguë  et  d'évoluer  ensuite  sans  interruption  marquée,  l'indu- 
ration pneumonique  ne  s'établit  qu'après  le  retour  d'un  certain  nombre 
d'altaques  de  pneumonie  aiguë  se  répétant  sur  le  même  poumon  et  dans 
le  même  point.  Le  nombre  de  ces  récurrences  lluxionnaires  peut  être  plus 
ou  moins  considérable,  el  il  ne  faut  pas  oublier  que  la  pneumonie  chro- 
nique n'en  est  pas  toujours  fatalement  la  conséquence.  Dans  la  pneumonie 
chronique  récurrente,  la  reslitulio  ad  inlcarum  n'est  pas  complète  après 
chaque  récidive  :  un  certain  degré  d'induration  persiste  dans  l'intervalle 
des  accès  qui  se  reproduisent  jusqu'à  ce  que  l'induration  et  la  sclérose  du 
poumon  soient  telles  que  l'exsudation  intra-alvéolaire  devienne  impos- 
sible. Quelquefois  alors,  la  maladie  se  termine  par  une  dernière  poussée 
de  pneumonie  aiguë  qui  atteint  l'autre  poumon.  Deux  cas  de  pneumonie 
lobaire  récurrente  ont  été  observés  à  la  Salpètrière  par  Charcot  :  le  pre- 
mier, chez  une  femme  morte  à  l'âge  de  soixante-seize  ans,  qui  eut  sa 
première  pneumonie  à  gauche  en  1861,  et  qui  mourut  en  1867,  après 
avoir  eu  sept  attaques  du  même  côté.  Elle  succomba  à  la  huitième,  qui 
eut  lieu  du  côté  droit.  Ces  diverses  récidives  furent  régulières  et  s'accompa- 
gnèrent des  signes  stélhoscopiques  et  des  crachats  rouillés  caractéris- 
tiques. Les  dernières  attaques  diminuaient  graduellement  d'intensité;  la 
résolution  était  toujours  très-lente,  une  respiration  rude  avec  râles  sous- 
Crépitants  persistait  du  côté  affecté,  en  même  temps  qu'un  peu  de  toux  et 
d'oppression. 

A  oici  l'histoire  résumée  de  la  seconde  malade,  qui  succomba  à  l'âge 
de  quatre-vingt-un  ans  : 

Poumon  droit.  Sommet. 

1RC3.  Novembre.  —  Première  attaque  connue;  courbe  régulière  avec  défervesccncc,  sortie 
trois  mois  après,  conservant  au  sommet  du  souille  et  des  râles  sous-crépitants. 

1804.  Novembre.  —  Deuxième  attaque,  même  siège;  courbe  régulière  avec  dél'ervescence, 
sortie,  un  mois  après,  ayant  toujours  du  soufllc. 

1805.  —  Troisième  attaque  au  sommet  gauclu.  — Décembre.  Sortie  un  mois  après,  ayant 
encore  du  souille.  On  ignore  si  elle  avait  déjà  une  pneumonie  de  ce  côté. 

1860.  —  Quatrième  attaque  avec  complication  de  pleurésie  enkystée  à  droite  qui  cause  la 
mort. —  Autopsie.  — Induration  ardoisée  du  sommet  droit.  —  Pleurésie  enkystée  du  même 
côté  au  niveau  du  lobe  inférieur.  —  Induration  fibreuse  du  sommet  du  poumon  gauche. 

Lorsque,  dans  les  cas  de  cette  nature,  l'induration  pulmonaire  se  trouve 
établie,  elle  présente  des  signes  semblables  à  ceux  que  nous  avons  déjà 
signalés.  L'évolution  et  la  marche  ne  diffèrent  que  dans  la  phase  eu 
quelque  sorte  préparatoire  de  la  pneumonie  chronique. 


000 


l'NI'XMUNIK 


  Pfi.  CII1IOMQUK.    SYMI'TÔMKS. 


Parmi  les  symptômes  rares  qu'elle  peut  présenter,  il  l'aul  citer  le  rétré- 
cissement tlioracique  sur  lequel  ont  insisté  Stokes,  Wunderlich,  etc.,  et  qui 
est  naturellement  expliqué  par  la  sclérose  atrophique  du  poumon.  Mais 
ce  signe  très-rationnel  ne  paraît  pas  avoir  été  observé  d'une  façon  aussi 
accusée  que  dans  les  autres  formes  de  pneumonie  chronique. 

L'expectoration,  dans  quelques  cas,  redevient  jaunâtre,  rouillée,  lors- 
qu'il se  produit  une  extension  nouvelle  du  travail  phlegmasique  aux  parties 
jusque-là  restées  saines.  Des  hémoptysies  se  sont  montrées  dans  plusieurs 
cas. 

La  durée  de  la  maladie  est  très-variable  :  indéterminée  dans  la  forme 
récurrente,  où  elle  est  subordonnée  au  nombre  et  à  l'intensité  des  pous- 
sées aiguës,  elle  est  plus  courte  lorsque  l'induration  succède  à  courte 
échéance  à  la  pneumonie  aiguë.  Elle  peut  durer,  dans  ces  cas,  de  deux  à 
cinq  mois;  quelquefois  cependant  la  maladie  se  prolonge  pendant  plus 
d'une  année.  L'évolution  clinique  de  la  maladie  présente  trois  phases 
dans  la  forme  commune  :  1°  une  phase  intermédiaire  succédant  à  la 
pneumonie  aiguë,  dans  laquelle,  la  fièvre  étant  tombée,  le  malade  semble 
devoir  guérir  complètement,  quelques  signes  locaux  seuls  persistent; 
2°  une  phase  d'activité  pendant  laquelle  le  processus  inflammatoire,  un 
moment  interrompu,  reprend  sa  marche  :  la  fièvre  reparaît,  des  râles  mu- 
queux  se  font  entendre  dans  la  poitrine,  des  signes  d'excavation  pulmo- 
naire peuvent  être  perçus;  5°  ces  phénomènes  s'accentuent  dans  h  phase 
terminale  caractérisée  par  la  cachexie  et  l'épuisement  des  forces,  et  dans 
laquelle  la  diarrhée,  les  sueurs  profuses,  se  déclarent  :  le  malade  succombe 
en  général  dans  le  dernier  degré  du  marasme.  Quelques  cas  de  guéiison 
ont  été  signalés  par  les  auteurs,  mais  on  peut  supposer  qu'ils  ont  eu 
affaire  à  des  résolutions  lentes  plutôt  qu'à  des  pneumonies  chroniques 
bien  avérées. 

La  terminaison  fatale  peut  être  parfois  précipitée  par  le  développement 
de  certaines  complications,  notamment  les  abcès  ou  la  gangrène  pulmo- 
naire. 

La  formation  d'abcès  est  annoncée  par  l'expectoration  soudaine  d'une 
quantité  plus  ou  moins  considérable  de  pus.  Les  phénomènes  généraux 
qui  précèdent  la  collection  purulente  sont  peu  connus  :  on  a  remarque 
cependant  que  dans  quelques  cas  la  majadie  avait  évolué  avec  une  tempé- 
rature peu  élevée  (Traubc,  Charcot).  Le  pus  est  couleur  lie  de  vin  ou  fran- 
chement phlegmoneux  :  il  peut  renfermer  des  débris  villeux,  dans  lesquels 
le  microscope  démontre  l'exislcnce  de  libres  élastiques.  Quelquefois  aussi 
les  crachats  offrent  une  couleur  vert  d'herbe  rappelant  les  crachats  colorés 
par  la  bile  (Traube),  dont  l'aspect  serait  dû  à  une  matière  colorante  parti- 
culière de  provenance  liématique.  Du  reste,  ces  crachats  n'appartiennent 
pas  exclusivement  aux  abcès  pulmonaires  :  Charcot  les  a  retrouvés  éga- 
lement dans  deux  cas  de  pneumonie  caséeuse  aiguë. 

La  gangrène  est  une  complicalion  beaucoup  plus  rare  encore,  et  les 
quelques  observations  qu'on  possède  n'établissent  pas  nettement  si  elle 
est  primitive  ou  consécutive  à  la  pneumonie.  C'est  encore  l'expectoration 


PNEUMOjSME.  —  pn.  ciiiiomque.  —  étiologie.  diagnostic.  601 


i  qui  en  décèle  ic  développement,  par  la  couleur  et  l'odeur  caractéristiques; 
il  peut  y  avoir  des  hémoptysies.  Enfin,  on  observe  en  même  temps  les 
symptômes  graves,  consécutifs  à  l'infection  putride  par  résorption  des 

i  débris  sphacélés. 

Étiologie.  —  L'influence  pathogénique  la  plus  importante  est,  sans 
contredit,  la  faiblesse  des  sujets,  quelle  qu'en  soil  d'ailleurs  la  cause.  Très- 
rare  dans  l'enfance,  c'est  dans  l'âge  moyen  de  la  vie  et  dans  la  vieillesse 
qu'on  observe  habituellement  la  pneumonie  chronique.  Les  maladies  qui 
amènent  un  dépérissement  profond  ou  la  cachexie  ont  une  certaine 
influence  sur  son  développement  :  telles  sont  l'intoxication  palustre 
(Ileschl,  «à  Cracovie),  l'albuminurie  (Bright).  Une  cause  plus  importante 
est  l'alcoolisme,  déjà  signalé  par  Magnus  Huss. 

Les  maladies  organiques  du  cœur  ont  été  également  incriminées,  mais 

•  sans  preuves  suffisantes. 

11  en  est  de  même  pour  la  syphilis;  les  lésions  scléreuses  qui  ont  été 
notées  dans  le  poumon  par  les  auteurs  ne  peuvent  être  rapportées  avec 

i  certitude  à  la  pneumonie  lobaire  chronique. 

Enfin,  comme  nous  l'avons  vu,  il  faut  tenir  grand  compte  du  nombre 

i  des  pneumonies  antérieures.  Lorsque  la  pneumonie  lobaire  se  résout  len- 
tement, elle  laisse  après  elle  une  lésion  permanente  des  parois  alvéo- 
laires. Il  s'établit  ainsi  une  prédisposition  aux  récurrences  ou  tout  au 
moins  une  cause  d'appel  propre  à  déterminer  leur  siège.  Des  pheno- 

i  mènes  analogues  se  passent  dans  le  cas  de  néo-membranes  pleurales,  ren- 
fermant des  vaisseaux  à  parois  embryonnaires,  et  qui  deviennent  facile- 

i  ment  le  siège  de  phlegmasies  à  répétition,  pouvant  se  traduire  chaque  fois 
par  la  formation  d'un  nouvel  exsudât  séro-fibrineux  (Paget,  Charcot). 

De  plus,  les  cliniciens  ont  depuis  longtemps  remarqué  que  quelques 
personnes  sont  sujettes  à  des  attaques  répétées  de  pneumonie  aigué 

'  (W.  Fox),  comme  s'il  existait  chez  elles  une  véritable  disposition  consti- 
tutionnelle. Le  même  poumon,  les  mêmes  parties  de  ce  poumon,  sont  le 

:  siège  de  ces  récurrences  fluxionnaires.  Sur  55  cas  de  pneumonie,  Grisolle 
a  vu  25  fois  la  maladie  se  reproduire  sur  le  poumon  d'abord  affecté. 
Andral  a  vu  un  malade  avoir  15  attaques  de  pneumonie  dans  l'espace  de 
11  ans;  Chomcl  a  cité  10  récidives,  Franck,  11,  Rulh,  28.  Un  enfant 

•  observé  par  Ziemssen  a  éprouvé  en  5  ans  4  attaques  de  pneumonie  ayant 
pour  siège  le  lobe  inférieur  gauche,  et  une  cinquième  occupant  le  lobe 

:  supérieur  droit.  Les  intervalles  des  récurrences  peuvent  être  plus  ou  moins 
longs  :  suivant  W.  Fox,  leur  durée  moyenne  serait  de  5  à  5  ans.  Les  atta- 
ques se  succèdent  plus  rapidement  à  mesure  qu'elles  deviennent  plus 

•  nombreuses.  Suivant  Charcot,  leur  fréquence  paraîtrait  encore  plus 

•  grande,  si  les  malades  n'étaient  pas  perdus  de  vue  :  l'observation  en  ville 
et  dans  les  hospices  est  plus  instructive,  à  cet  égard,  que  celle  des  hôpi- 

i  taux. 

Diagnostic.  —  Le  diagnostic  repose  principalement  sur  l'étude  des 
commémoratifs.  En  effet,  les  symptômes  physiques  n'offrent  rien  de  par- 
ticulier; la  matité,  la  résonnance  thoracique,  le  souffle  tubaire  ou  Gaver- 


002  PNEUMONIE.  —  vu.  chronique.  —  diagnostic. 

neux,  appartiennent  à  toutes  es  indurations  pulmonaires.  De  même,  les 
symptômes  généraux  :  amaigrissement,   fièvre  hectique,  sueurs,  diar 
rhée,  etc.,  se  retrouvent  dans  toutes  les  affections  pulmonaires  qui  con- 
duisent à  la  cachexie. 

C'est  surtout  avec  la  phthisie  que  la  confusion  est  facile  :  cependant 
la  pneumonie  siège  plutôt  dans  les  lobes  inférieurs;  elle  est  localisée 
dans  un  seul  côté,  et  dans  un  point  limité.  La  tuberculose,  bien  qu'il  ne 
soit  pas  rare  de  la  voir  prédominer  aux  bases  ou  d'un  seul  côté,  s'ob- 
serve plus  régulièrement  aux  sommets,  et  se  dissémine  dans  les  deux 
poumons.  Les  symptômes  généraux  et  l'évolution  de  la  maladie  ne  peu- 
vent servir  à  guider  le  clinicien  :  la  phthisie  lente  comme  la  phthisie 
rapide  peuvent  être  simulées  par  la  pneumonie  chronique  ulcéicuse.  Le 
diagnostic  devient  impossible,  lorsque  celle-ci  siège  au  sommet. 

Le  carcinome  primitif  et  unilatéral  du  poumon ,  surtout  quand  1? 
cachexie  n'est  pas  très-marquée  et  quand  l'infection  ganglionnaire  fail 
défaut,  ne  peut  guère  être  distingué  de  la  pneumonie  chronique.  Quel- 
ques signes  ont  une  certaine  valeur  :  l'intensité  de  la  douleur  et  de  U 
dyspnée,  de  la  toux,  les  crachats  sanguinolents,  les  symptômes  de  coin 
pression,  témoignent  quelquefois  de  l'existence  du  carcinome.  Mais  ce: 
symptômes  peuvent  manquer  également,  et  l'on  ne  peut  plus  guère  se 
baser  que  sur  les  antécédents  et  sur  la  fréquence  relative  des  deux  affec- 
tions! Dans  quelques  cas,  le  ramollissement  et  la  formation  de  cavernes 
dans  la  tumeur  viennent  encore  rendre  le  diagnostic  plus  obscur.  Ajou- 
tons que,  d'après  quelques  auteurs,  le  carcinome  primitif  s'observerail 
surtout  dans  l'âge  moyen,  à  partir  de  25  ans  (Carswell). 

C'est  surtout  à  l'aide  des  commémoratifs  que  la  pneumonie  lobair 
chronique  pourra  être  distinguée  des  autres  indurations  chronique; 
d'origine  inflammatoire.  Cependant  celles-ci  présentent  une  physionomi 
et  une  marche  spéciale,  et  l'on  pourra,  dans  certains  cas,  arriver  pa 
exclusion  au  diagnostic,  lorsque  celui-ci  n'a  plus  à  compter  qu'entre  le; 
diverses  variétés  de  pneumonie  chronique.  Bornons-nous  à  dire  que  I; 
pneumonie  diffère  de  la  broncho-pneumonie  chronique  par  son  origine 
elle  reconnaît  toujours  pour  cause  une  pneumonie  lobaire,  tandis  que  h 
broncho-pneumonie  chronique  a  succédé  à  une  broncho-pneumonie  aiguî 
ou  subaiguë  provoquée  par  diverses  maladies  générales  (rougeole,  coque 
luche,  fièvre  typhoïde,  etc.).  Au  point  de  vue  symptomatique,  si  elle  s'ei 
rapproché  par  les  symptômes  généraux,  elle  s'en  éloigne  par  les  signe: 
locaux  :  la  dilatation  bronchique,  qui  est  presque  la  règle  dans  la  hron 
cho-pneumonic  chronique,  fait  constamment  défaut  dans  la  pncumonii 
lobaire  chronique.  Il  est  vrai  que  celle-ci  s'accompagne  parfois  d'abcès 
d'excavations  ulcéreuses  dont  les  signes  ressemblent  beaucoup  à  ceux  di 
la  dilatation  des  bronches.  C'est,  en  somme,  comme  nous  l'avons  dil 
l'examen  des  commémoratifs  qui  peut  fixer  le  diagnostic,  car  l'induratfoi 
broncho-pneumonique  prédomine  habituellement  d'un  seul  côté,  connu 
la  pneumonie  lobaire,  et,  d'autre  part,  celle-ci  s'accompagne  souvent  de 
signes  d'une  bronchite  généralisée.  Nous  verrons  cependant  que  la  brOïi 


PNEUMONIE.           PN.  CHRONIQUE.           DIAGNOSTIC.           PRONOSTIC.  605 


eho-pncumonic  chronique  s'accompagne,  mais  seulement  vers  la  fin, 
d'une  atrophie  du  poumon,  d'une  déformation  de  la  poitrine  et  d'un 
déplacement  des  organes  thoraciques  et  abdominaux,  qui  n'ont  pas  été 
-  signalés  au  même  degré  dans  la  pneumonie  lobaire  chronique. 

Le  diagnostic  peut  présenter  les  mêmes  difficultés,  lorsqu'il  s'agit  de 
dilatations  des  bronches  survenues  à  la  suite  de  bronchites  répétées. 
Dans  la  majorité  des  cas,  l'état  satisfaisant  des  forces  et  de  l'embonpoint, 
l'expectoration  spéciale  (vomique  bronchique),  les  commémoralifs,  ne 
laissent  pas  place  au  douto.  Mais,  quand  la  fièvre  hectique  se  déclare, 
a  quand  il  existe  une  induration  pulmonaire  étendue  autour  des  bronches 
J  dilatées,  une  erreur  peut  être  commise,  en  l'absence  des  cominémora- 
[  tifs,  surtout  si  en  même  temps  les  symptômes  physiques  de  l'induration 
|i  pulmonaire  et  de  la  dilatation  bronchique  prédominent  d'un  seul  côté. 

Nous  n'insisterons  pas  sur  les  difficultés  que  peut  présenter  le  dia- 
i  iinostic  différentiel  de  la  pneumonie  chronique  et  de  la  pleurésie  cliro- 
yfiique  partielle.  La  matité,  l'absence  du  bruit  respiratoire,  se  rencontrent 
Jdans  les  deux  cas,  mais  dans  la  pneumonie  chrounnic,  les  vibrations  tho- 
raciques sont  consQrveH  ou  cxajggiges,  ct7i*7yhabilucllcment  du  souille 
eTdcfîaltnmcho^horrfê.  KnTTlcs  cascTabcès,  la  nature  et  la  quantité  de 
l'expectoration  serviront  à  établir  une  distinction  entre  la  vomique  pleu- 
rale et  la  vomique  pulmonaire. 

De  plus,  comme  le  fait  remarquer  Charcot,  les  symptômes  généraux 
.'Ont,  dans  la  pneumonie  chronique,  une  importance  et  un  caractère  de 
■gravité  tout  autres  que  dans  la  pleurésie  partielle. 

Mais,  si  le  diagnostic  peut  être  fait  dans  la  pleurésie  chronique  simple, 
ilil  rencontre  des  difficultés  presque  insurmontables,  lorsque  celle-ci  se 
complique  d'inflammation  chronique  du  parenchyme  pulmonaire  (pneu- 
iimonie  chronique  pleurogène).  La  pneumonie  lobaire  pouvant,  de  son 
côlé.  se  compliquer  d'épaississement  de  la  plèvre,  le  diagnostic  devient 
ii impossible  en  l'absence  des  commémoralifs. 

Les  renseignements  sur  les  antécédents  du  malade,  sur  sa  profession, 
suffisent  pour  faire  éliminer  les  indurations  chroniques  qui  se  dévelop- 
pant à  la  suite  de  l'introduction  de  poussières  de  natures  diverses  dans  le 
■poumon. 

Pronostic.  —  Toujours  très-grave,  d'autant  plus  que  la  pneumonie 
chronique  n'évolue  que  chez  les  individus  faibles  ou  épuisés  par  des  ma- 
ladies antérieures.  Le  pronostic  varie  donc  suivant  le  degré  de  conserva- 
tion des  forces  et  suivant  la  l'orme  de  la  maladie.  Le  type  à  marche  continue 
présente  évidemment  la  plus  grande  gravité,  tandis  que  la  pneumonie 
récurrente  ne  tue  qu'au  bout  d'un  certain  nombre  d'années.  Le  pronostic 
s'assombrit  encore  dans  le  cas  où  la  fièvre  hectique  se  déclare  de  bonne 
heure,  et  que  la  cachexie  s'établit,  cl  de  môme  lorsqu'on  voit  apparaître 
pdes  signes  d'ulcération,  de  suppuration  ou  de  gangrène  du  poumon. 
D'après  la  plupart  des  auteurs,  la  pneumonie  chronique  se  termine  régu- 
lièrement par  la  mort,  et  les  guérisons  citées  doivent  être  considérées 
comme  des  cas  de  résolution  lente. 


m  l'NKUMONIE.  —  PN.  CHRONIQUE.  —  TRAITEMENT. 

Traitement.  — Il  ne  peut  être  question  d'un  traitementeuratif  pour 
la  pneumonie  chronique.  Les  révulsifs  sont  impuissants  contre  la  sclérose. 
Us  sont,  au  contraire,  tout  à  fait  indiques  dans  la  phase  intermédiaire, 
(juisuit  la  pneumonie  aiguë,  et  l'on  doit  s'efforcer  de  hâter  la  résolution 
quand  il  s'agit  d'un  sujet  affaibli.  Les  larges  vésicatoires  doivent  alors  être 
appliqués  sur  le  côté  affecté.  On  pourrait  aussi  donner  le  tartre  stibié, 
mais  avec  ménagement,  et  tout  en  insistant  sur  une  médication  tonique 
et  reconstituante. 

La  prophylaxie  aura  également  un  rôle  important  à  jouer  chez  les  indi- 
vidus qui  ont  éprouvé  déjà  plusieurs  attaques  de  pneumonie.  Des  précau- 
tions hygiéniques  pourront  alors  avoir  les  meilleurs  effets,  en  prévenant 
l'apparition  de  nouveaux  accidents. 

Mais,  lorsque  l'état  chronique  est  constitué,  il  ne  reste  plus  à  remplir 
que  des  indications  symptomatiques,  et  il  faut  avant  tout  se  préoccupe! 
de  soutenir  les  forces  du  malade  et  de  combattre  la  cachexie.  Les  révul- 
sifs sont  cependant  encore  indiqués  à  cette  période  ;  lorsque  des  pous- 
sées congestives  se  déclarent,  l'usage  des  cautères,  duséton,  pourra  être 
de  quelque  utilité.  On  pourra  aussi  essayer  contre  la  fièvre  l'emploi,  du 
sulfate  de  quinine. 

Un  traitement  spécifique  sera  tenté,  lorsque  la  syphilis  aura  paru  in- 
fluencer la  maladie. 

Enfin  des  moyens  appropriés  seront  employés  pour  combattre  les  com- 
plications qui  peuvent  survenir,  notamment  les  abcès  et  la  gangrène. 

B.  Bboncho-pneumonie  subaiguë  et  chronique.  —  Maladie  toujours  se- 
condaire, retentissant  dès  son  début  sur  le  tissu  conjonctif  du  poumon, 
la  hroncho-pneumonie  présente  pour  ces  deux  raisons  une  tendance 
marquée  à  la  chronicité.  Aussi,  comme  nous  l'avons  vu,  il  n'est  pas  rare 
de  trouver  à  l'autopsie  d'enfants  qui  sont  morts  au  bout  de  quinze  à  vingt 
jours  de  maladie  des  lésions  profondes,  interstitielles,  qui  résultent  de 
l'organisation  des  exsudats.  Ces  lésions  se  rencontrent  même  dans  les  cas 
aigus  d'une  certaine  durée:  aussi  est-il  difficile  d'établir  un  classement 
rigoureux  et  précis  des  broncho-pneumonies,  dédire,  par  exemple  où  uni| 
la  broncho-pneumonie  aiguë  et  où  commence  la  broncho-pneumonie 
subaiguë.  A  cet  égard,  cependant,  la  distinction  est  plus  facile  en  analo- 
mie  pathologique  qu'en  clinique;  le  travail  exsudatif  correspond  évidem- 
ment aux  formes  aiguës,  le  travail  d'organisation  aux  formes  subaigues 
et  chroniques.  Celles-ci  constituent  une  des  formes  de  la  cirrhose  du  pou- 
mon, dont  la  phase  embryonnaire  représente  la  forme  subaiguë  de  la  bron- 
cho-pneumonie, et  dont  la  phase  atrophique  correspond  à  la  broncho- 
pneumonie décidément  chronique. 

Ces  deux  dernières  formes  seules  seront  décrites  dans  ce  chapitre,  mais 
pour  la  broncho-pneumonie  subaiguë  nous  ferons  dès  à  présent  remar- 
quer que  nous  insisterons  spécialement  sur  la  forme  pulmonaire,  dans  la- 
quelle domine  la  lésion  désignée  sous  le  nom  de  carnisation.  Bien  qtfe 
des  lésions  analogues  puissent  être  rencontrées  dans  la  forme  bronchique 
de  la  broncho-pneumonie  subaiguë,  c'est  la  suppuration  et  la  dilatation 


PNEUMONIE.  —  px.  chronique.  —  historique. 


005 


vacuolaire  des  bronches  qui  tiennent  la  plus  grande  place  dans  son  évo- 
lution, et  nous  avons  eu  occasion  d'insister  sur  ces  lésions  à  propos  des 
terminaisons  de  la  broncho-pneumonie  aiguë. 

Historique.  —  L'existence  des  formes  lentes  de  la  broncho-pneumonie 
a  été  reconnue  de  bonne  heure  :  Léger  décrit  dans  sa  thèse  sur  la  pneu- 
monie tics  enfants  une  forme  latente  chronique  dont  il  ne  donne  pas  nette- 
ment les  caractères anatomiques  (1825).  Berton  rapporte  dans  son  traité 
une  intéressante  observation  de  broncho-pneumonie  datant  de  deux  ans, 
recueillie  dans  le  service  de  Guersant,  lequel  avait  parfaitement  reconnu 
la  libation  des  accidents  survenus  à  la  suite  de  la  rougeole.  Cependant  la 
première  bonne  description  appartient  à  Legendre  et  Bailly  (1844),  qui 
donnèrent  aux  lésions  pulmonaires  le  nom  de  carnisation.  De  nouveaux 
faits  furent  publiés  bientôt  après  pai  Rilhct  et  Barthcz.  Les  auteurs  anglais 
ont  public  aussi  sur  ce  sujet  des  travaux  importants. 

En  1858,  Corrigan  a  nettement  indiqué  les  traits  principaux  de  la  car- 
nisation avancée  dans  son  célèbre  travail  sur  la  cirrhose  du  poumon.  Sutton 
(1805),  Wilson  Fox  et  Charlton  Baslian  (1871),  ont  rassemblé  dans  leurs 
mémoires  des  observations  nombreuses,  mais  disparates,  concernant 
tantôt  la  pneumonie  lohairc,  tantôt  la  pneumonie  lohulaire  chronique, 
souvent  la  tuberculose  pulmonaire.  Ces  deux  derniers  auteurs  croient,  en 
outre,  que  l'altération  des  alvéoles  qui  aboutit  à  la  cirrhose  est  indépen- 
dante de  l'inflammation.  Bastian  donne  au  processus  le  nom  de  substi- 
tution fibroïde. 

Parmi  les  travaux  allemands  les  plus  importants,  nous  citerons  ceux 
de  Ziemsscn,  Bartels,  Jùrgcnsen,  dont  les  observations  ont  démontré 
l'existence  d'une  broncho-pneumonie  subaiguë,  qui  dès  son  origine  tend 
à  la  chronicité,  ceux  de  Traube,  de  Bicrmcr  et  de  T rojanowsky,  dont  le  nom 
a  été  déjà  signalé  à  propos  de  la  dilatation  des  bronches. 

Tous  ces  divers  travaux  renferment  des  observations  et  des  recherches  tu, 
intéressantes,  mais  n'établissent  pas  de  démarcation  bien  nette  entre  les  JH 
diverses  variétés  de  cirrhose  pulmonaire.  Dans  ses  leçons  de  1877,  ré-  ' 
sumées  dans  notre  thèse  inaugurale  et  dans  la  Revue  mensuelle,  Char- 
cot  a  dégagé  d'une  manière  précise  cette  variété  de  pneumonie  chronique, 
dont  un  des  principaux  caractères  est  la  dilatation  des  bronches.  .L'examen 
microscopique  a  montré  l'épaississement  des  travées  conjonctives,  la 
sclérose  des  parois  alvéolaires,    la  prédominance  des  lésions  dans  le  voi- 
sinage de  la  bronche.  Charcot  a  pu  montrer  ainsi  les  relations  qui 
existent  entre  les  broncho-pneumonies  aiguë,  subaiguë  cl  chronique;  des 
lésions  pulmonaires  datant  de  plusieurs  années  ont  pu  de  cette  façon 
être  rapportées  à  une  broncho-pneumonie  survenue  dans  le  jeune  âge. 
Celte  interprétation  s'applique  à  un  certain  nombre  d'observations  publiées  i 
dans  divers  ouvrages  sous  le  nom  de  dilatation  des  bronches  (Laennec. 
Cayol,  Barth,  Fauvel,  Bucquoy,  etc.).  On  trouve  encore  dans  les  Bulletins 
de  la  Société  anatomique  deux  observations  intéressantes,  l'une  de  Rendu 
(1872),  l'autre  de  Nélalon  (1878),  concernant  une  broncho-pneumonie 
subaiguë  chez  l'adulte  cl  dont  nous  avons  fait  l'examen  microscopique. 


{506         PNEUMONIE.  —  pn.  chronique.  —  akatomib  pathologique. 

Anatomie  pathologique —  Dans  l&broncho-pneumonie  subaiguë, 
les  lésions  se  localisent  dans  les  points  où  siège  la  splénisation,  c'est-à-dire 
à  la  partie  postérieure  des  lobes  supérieurs  et  inférieurs.  On  retrouve  la 
même  symétrie,  mais  la  lésion  a  une  tendance  remarquable  à  se  fixer  sur 
un  seul  lobe,  sous  la  l'orme  pscudo-lobairc.  Une  coloration  rose  ou  violacée 
remplace  la  couleur  acajou  ou  bleu  violet  de  l'état  aigu.  La  consistance  au 
toucher  et  à  la  coupe  justifie  jusqu'il  un  certain  point  le  nom  de  carni- 
salion  de  Legendrc  et  Bailly,  el  la  comparaison  avec  la  chair  musculaire. 
Le  tissu  est  dense,  lisse  sur  la  coupe,  sec,  sans  granulations,  et  il 
s'écoule  à  peine  un  peu  de  sérosité  grisâtre.  Cet  aspect  uniforme  et  homo- 
gène contraste  avec  l'aspect  marbré  de  la  broncho-pneumonie  aiguë.  Les 
bronches  sont  plus  ou  moins  dilatées,  surtout  dans  les  lobes  inférieurs. 
Quelquefois  on  observe  un  aspect  aréolaire  qu'on  a  comparé  à  la  coupe 
d'un  fromage  de  Gruyère.  La  dilatation  est  fusiforme  ou  sacciforme,  les 
cavités  contiennent  un  muco-pus  plus  ou  moins  liquide  ou  caséeux.  La 
structure  lobulaire  du  poumon  est  très-accentuée,  grâce  à  l'épaississement 
du  tissu  conjontif.  Cet  épaississement  est  surtout  marqué  autour  des 
i  bronches  et  des  artères.  Par  suite  de  ce  développement  du  tissu  conjonctif. 
le  cloisonnement  interlobulaire,  surtout  chez  l'enfant,  se  trouve  aussi 
marqué  dans  la  broncho-pneumonie  que  dans  les  pneumonies  pleurogènes 
l  ou  dans  la  phlhisie  (ibroïde,  que  Charcot  considère  également  comme 
une  broncho-pneumonie.  Enfin,  malgré  l'aspect  planiforme  de  la  coupe, 
on  retrouve  autour  des  bronchioles  les  nodules  de  la  broncho-pneumonie 
aiguë,  qui  apparaissent  à  l'œil  nu  ou  armé  d'une  loupe  sous  la  forme  de 
grains  agglomérés,  parfois  saillants,  de  grappes  présentant  une  coloration 
grise  ou  jaunâtre,  et  qui  se  détachent  sur  le  fond  rosé  de  la  coupe.  Le 
plus  souvent,  la  bronchiole  se  dislingue  facilement  au  centre  du  nodule. 
Comme  on  le  voit,  les  principaux  traits  de  la  forme  aiguë  se  retrouvent 
ici;  mais,  autour  du  nodule,  le  fond  rosé  ou  violacé  qui  caractérise  la 
arnisation  a  remplacé  la  coloration  plus  foncée  de  la  splénisation.  La 
plèvre  est  habituellement  épaisse,  recouverte  de  fausses  membranes  :  il  y 
a  de  l'emphysème  des  parties  non  atteintes  et  les  ganglions  bronchiques 
sont  tuméfiés.  Ajoutons   que  dans  cette  période  il  n'y  a  pas  encore 
d'atrophie  du  poumon  et  que  l'insufflation  est  très-incomplète. 

L'analyse  bistologique  de  ces  cas  subaigus  a  été  faite  par  le  professeur 
Charcot.  Elle  démontre  l'existence  d'une  cirrhose  commençante  :  toutes 
les  parties  du  lobule  subissent  une  infiltration  de  cellules  embryonnaires, 
tandis  que  les  exsudais  intra-alvéolaires  aboutissent  à  la  désintégration 
granulo-graisscuse. 

1»  Bronches  el  nodules  përibronchiques .  —  Les  bronches  contiennent 
du  muco-pus,  leur  épithélium  est  conservé,  mais  tuméfié.  Leurs  parois 
sont  infiltrées  de  cellules  rondes  et  fusiformes,qui  détruisent  les  tuniqueS 
musculaire  et  élastique  (Trojanowsky).  Consécutivement  la  bronche  se 
déforme,  se  dilate  à  cause  de  la  deslruction  de  l'anneau  musculaire.  C4 
fait  primitif,  antérieur  à  l'atrophie  du  poumon,  réduit  à  néant  la  Ihéorie 
dcCorrigan,  qui  explique  la  dilatation  bronchique  par  l'atrophie  du  pou- 


PNKUMONIE.  —  p.n.  chronique.  —  anatomie  pathologique.  G07 


nion  et  la  rétraction  du  tissu  conjonclif.  Celle-ci  est  impuissante  à  produire 
celte  dilatation  lorsque  les  bronches,  sont  intactes  :  Charcot  en  donne 
comme  preuve  la  sclérose  pulmonaire  qui  succède  à  la  pneumonie  Iobaire 
chronique  et  dans  laquelle  les  bronches  conservent  leur  calibre  normal, 
malçré  la  rétractililé  du  tissu  fibreux  de  nouvelle  formation. 

L'artère  voisine  de  la  bronche  est  également  épaissie  par  suite  de  l'in- 
filtration île  sa  couche  externe  par  les  cellules  embryonnaires.  Celles-ci 
envahissent  de  même  les  cloisons  interlobulaires  et  interacineuses.  Le 
nodule  péribronchique  est  plus  ou  moins  nettement  reconnaissablc  : 
habituellement  les  alvéoles  sont  encore  remplis  d'cxsiulals  fibrineux  en- 
globant des  cellules  épithéliales  et  quelques  leucocytes.  Dans  les  cas  plus 
anciens,  les  lésions  des  alvéoles  sont  moins  licitement  distinctes  et  res- 
semblent beaucoup  à  celles  des  points  carnisés  du  lobule. 

2°  Parties  carnisées.  —  Dans  les  parties  lisses  et  roses,  correspondant 
à  la  spléniî-ation  de  l'état  aigu,  on  trouve  encore  de  la  pneumonie 
desquamative,  mais  avec  des  caractères  spéciaux  différents  :  les  alvéoles 
sont  aplalis,  déformés,  ainsi  que  les  conduits  alvéolaires,  et  leurs  parois 
renferment  de  nombreux  éléments  arrondis.  Leur  contenu  subit  plu- 
sieurs phases  de  transformation  :  les  cellules  épithéliales  sont  d'abord 
gonflées,  très-granuleuses  ;  plus  tard,  elles  se  fondent  en  un  magma 
granulo-graisceux,  il  y  a  des  gouttelettes  de  graisse  libre,  ou  bien  il  se 
produit  des  cristaux  disposés  en  éventail,  qui  sont  libres  ou  renfermés 
dans  les  cellules  et  offrent  les  réactions  caractéristiques  de  la  margarine. 
Tout  le  contenu  alvéolaire  peut  avoir  subi  à  divers  degrés  celte  dégéné- 
rescence graisseuse.  Enfin  dans  les  points  où  la  lésion  est  le  plus  avancée 
la  paroi  alvéolaire  est  revêtue  par  un  épilhélium  cubique. 

Ces  lésions  offrent  d'ailleurs  les  mêmes  variantes  que  dans  la  broncho- 
pneumonie aiguë.  Tantôt  le  nodule  péribronchique  est  nettement  circon- 
scrit, tantôt  il  se  confond  entièrement  avec  la  zone  de  carnisation  (hépa- 
itisation  lobulaire  généralisée).  Enfin,  la  composition  élémentaire  du 
'Contenu  des  alvéoles  en  fibrine,  globules  blancs,  cellules  épithéliales,  est 
i  également  très  variable  suivant  les  cas,  suivant  leur  ancienneté,  suivant 
la  nature  de  la  bronchite  génératrice.  Deux  grandes  classes  peuvent  être 
•  établies  :  1"  les  cas  dans  lesquels  prédominent  les  lésions  bronchiques, 
'Caractérisés  par  l'aspect  alvéolaire  sur  lequel  Corrigan  a  insisté;  2°  les 
<  cas  dans  lesquels  prédominent  les  lésions  du  parenchyme  pulmonaire, 
'  caractérisés  principalement  par  la  carnisation.  Nous  avons  rapporté  dans 
i  notre  thèse  deux  exemples  remarquables  de  cette  dernière  variété  (p.  71). 

Comme  l'a  fait  voir  Charcot,  l'élude  de  ces  cas  subaigus  permet  de 
i  mieux  interpréter  les  lésions  quand  il  s'agit  des  broncho-pneumonies 
'  chroniques.  Nous  savons  déjà  que  toutes  les  broncho-pneumonies 
I  tendent  à  la  chronicité  à  cause  de  leur  siège  de  prédilection  dans  le  tissu 
conjonclif.  Les  exsudations  diverses  dominent  dans  la  période  aiguë  ; 
I  la  période  subaigue  est  caractérisée  par  l'infiltration  de  coliulcs  em- 
'  bryonnaires  avec  tendance  à  l'organisation  ;  enfin,  lorsque  l'état  chro- 
nique s'est  établi,  les  lésions  aboutissent  à  la  sclérose.    Charcot  a 


G08         PNEUMONIE.  —  pn.  ciiromque.  —  anatomie  pathologique. 

constaté  la  succession  de  ces  lésions  dans  un  certain  nombre  de  cas 
considérés  à  des  époques  plus  ou  moins  éloignées  du  début  delà  maladie 
primitive.  11  est  quelquefois  possible  d'en  retrouver  la  série  complète 
dans  un  seul  cas  ;  la  lésion  la  plus  marquée  existe  alors  dans  les  lobes 
inférieurs,  tandis  qu'elle  est  encore  à  l'étal  subaigu  dans  les  parties 
supérieures  du  poumon. 

Tels  sont  les  cas  de  Rendu  (Bull,  de  la  Soc.  anal.,  1872,  p.  209), 
et  de  OUivier,  cités  dans  les  leçons  de  Charcot.  Dans  ce  dernier  cas,  le 
début  des  accidents  remontait  à  un  an  :  le  lobe  supérieur  encore  volumi- 
neux renfermait  des  nodules  distincts  et  des  bronebcs  peu  dilatées 
(2P?  degré  des  lésions,  état  subaigu)  ;  ies  lobes  inférieur  et  moyen 
confondus  étaient  atrophiés,  les  bronches  considérablement  dilatées, 
simulant  des  cavernes.  C'est  la  lésion  décrite  par  Corrigan,  avec  le  cloi- 
sonnement interlobulaire,  l'épaississemcnt  de  la  coque  fibreuse  pleurale, 
et  un  certain  degré  d'atrophie  du  poumon.  Cependant,  dit  Charcot, 
malgré  la  date  déjà  plus  ancienne  des  lésions,  les  caractères  hislolo- 
giques  sont,  dans  ce  cas,  les  mêmes  que  dans  la  broncho-pneumonie 
subaiguë,  avec  quelques  variantes  de  peu  d'importance. 

Enfin  l'évolution  chronique  se  termine  par  la  cirrhose  et  l'atrophie  du 
poumon.  Il  peut  être  réduit  au  volume  du  poing;  son  tissu  dur,  criant 
sous  le  scalpel,  est  comme  cartilagineux;  la  teinte  violacée  ou  rosée  de 
la  carnisation  est  remplacée  par  une  coloration  ardoisée  verdàtrc  ;  la 
surface  est  sèche,  lisse,  les  nodules  sont  effacés.  L'épaisseur  de  la  coque 
pleurale,  le  cloisonnement  du  poumon,  sont  de  plus  en  plus  accusés. 
Les  alvéoles  sont  affaissés  et  ont  subi  eux-mêmes  l'induration  fibreuse. 
Enfin,  il  y  a  dilatation  des  bronches,  toujours  plus  ou  moins  prononcée, 
caractère  important  qui  manque  dans  l'induration  grise  ardoisée  qui 
constitue  la  période  ultime  de  la  pneumonie  lohaire  chronique.  Ces 
lésions  ont  été  rencontrées  dans  les  cas  d'ancienne  date  comme  celui  de 
Jûrgensen. 

L'atrophie  scléreuse  et  la  rétraction  du  poumon  sont  suivies  de  lésions 
spéciales  du  côté  du  thorax  et  des  organes  intra-thoraciques.  Le  cœur 
est  entraîné  du  côté  du  poumon  rétracté,  à  gauche  vers  la  région  sous- 
claviculaire,  à  droite  et  en  haut  au  niveau  de  la  quatrième  côte  à  droite, 
du  sternum.  En  même  temps,  le  venlricule  droit  se  dilate  et  s'byportro- 
phie  (dix  lois  sur  trente,  Bastian),  d'où  résultentdes  hydropisies  notées 
dans  un  certain  nombre  d'observations,  l'oedème  des  membres  inférieurs, 
l'ascite.  Le  diaphragme  et  les  organes  abdominaux  sont  attirés  vers  la 
partie  supérieure  de  la  poitrine  (Traube).  Le  tborax  subit  la  déformation 
décrite  par  Lacnnec  et  consécutive  à  l'atrophie  pulmonaire  qui  suit  la 
pleurésie  chronique  :  aplatissement  dans  tous  les  sens,  rétrécissement 
des  espaces  intercostaux,  épaule  et  pointe  de  l'omoplate  abaissées. 
Comme  nous  le  verrons,  ces  déformations  sont  plus  accentuées  encore 
lorsque  la  plèvre  prend  une  part  importante  aux  altérations.  Nous  n'in- 
sistons pas  sur  les  lésions  des  autres  organes  qui  sont  évidemment  en 
rapport  avec  la  durée  de  la  maladie  et  avec  la  marche  qu'elle  a  suivie. 


PNEUMONIE.  —  Pit.  chronique;  —  symptômes.  6Ô9 

Nous  signalerons  senlement  une  complication  constatée  quatre  fois  par 
Biermer  :  les  abcès  du  cerveau,  qui  dans  deux  cas  parurent  de  nature 
gangreneuse. 

Symptômes.  —  La  maladie  confirmée  présente  toujours  à  peu  près  le 
même  tableau  :  elle  varie  seulement  à  son  début,  suivant  qu'elle  succède 
à  la  forme  aiguë  ou  qu'elle  se  montre  dès  l'origine  avec  son  caractère 
particulier.  Lesauieurs  ont  insisté  sur  les  rémissions  qu'on  peut  observer 
dans  les  cas  aigus  de  broncho-pneumonie,  principalement  quand  la  ma- 
ladie présente  une  certaine  durée.  Ces  rémissions  apparentes  sont  encore 
plus  marquées  lorsque  la  broncho-pneumonie  passe  à  l'état  subaigu. 
L'état  général  s'améliore,  la  soif  est  moins  vive,  l'appétit  reparait,  quelque- 
fois même  exagéré  (Legendre),  la  fièvre  se  modère  et  peut  même  cesser 
pendant  la  plus  grande  partie  de  la  journée.  La  respiration  est  plus  facile; 
la  toux  et  l'oppression  diminuent.  Mais  ce  bien-être  ne  dure  pas  :  le 
mouvement  fébrile  reparait  dans  la  soirée,  les  pommettes  des  joues  devien- 
nent rouges,  la  température  s'élève,  le  pouls  remonte  à  150  ou  140,  la 
dyspnée  et  la  toux  s'accentuent  de  nouveau.  L'accès  fébrile  est  suivi  de 
sueurs  abondantes.  Si  l'on  ajoute  à  ce  tableau  la  faiblesse  et  l'amaigris- 
sement qui  se  prononcent  de  plus  en  plus,  on  voit  que  la  maladie  revêt 
à  s'y  méprendre  les  allures  de  la  phthisie. 

Dans  les  cas  qui  prennent  dès  le  début  la  marche  subaiguë,  la  maladie 
se  comporte  à  peu  près  de  la  même  manière.  L'appareil  fébrile  est  pdu  in- 
tense (58,5  à  59°),  irrégulier,  sans  type.  Les  oscillations  de  la  courbe 
thermique  sont  très-prononcées;  la  fièvre  peut  manquer  chez  les  enfants 
très-faibles.  La  toux  et  la  dyspnée  augmentent  progressivement,  ainsi  que  la 
faiblesse  et  l'apathie;  les  malades  présentent  bientôt  l'habitus  phthisique. 
Le  faciès  est  amaigri,  pâle  ou  légèrement  cyanosé,  souvent  avec  un  teinte 
cachectique.  L'amaigrissement  augmente  rapidement,  la  peau  est  flasque, 
ridée;  l'appétit  nul,  quelquefois  exagéré  pendant  les  rémissions. 

Dans  les  premiers  temps,  les  symptômes  locaux  et  fonctionnels  sont 
ceux  de  la  bronchite.  Habituellement  la  douleur  thoracique  manque,  ou 
n'a  rien  de  fixe:  la  toux,  la  dyspnée,  sont  variables  suivant  l'intensité  de  la 
bronchite  génératrice.  Elles  sont  quelquefois  nulles  ou  peu  marquées  lors- 
que les  lésions  pulmonaires  s'établissent  lentement  dans  le  cours  d'une 
bronchite  chronique.  Elles  s'accentuent  davantage  dans  les  cas  où  la  ma- 
ladie évolue  plus  rapidement.  L'expectoration  peut  être  nulle,  ou  très-abon- 
dante, quelquefois  même  dès  les  commencements  de  la  maladie  (Legendre); 
à  la  suite  d'efforts,  de  secousses  violentes,  de  quintes  douloureuses,  une 
grande  quantité  de  liquide  muco-purulcnt  quelquefois  fétide  est  expec- 
torée. Dans  quelques  observations  l'expectoration  est  accompagnée  de 
vomissements.  Quelquefois  elle  est  simplement  muqueuse. 

L'examen  de  la  poitrine  donne  des  signes  en  rapport  avec  l'ancienneté 
et  la  forme  de  la  maladie.  Si  elle  succède  à  une  broncho-pneumonie  aiguë 
à  forme  parenchymateusc ,  les  signes  de  l'induration  pulmonaire  per- 
sistent à  la  percussion  et  à  l'auscultation.  Dans  les  formes  subaiguës  d'em- 
blée, la  percussion  ne  révèle  d'abord  rien  d'anormal  ;  à  l'auscultation  les 

DICT.  MÉD.   ET  ClIIR.  XXYI1I  —  39 


610  PNEUMONIE.  —  pn.  chronique.  —  symptômes. 

râles  de  bronchite  sont  disséminés  dans  les  deux  côtés  de  la  poitrine. 
Longtemps  ect  état  local  reste  stationnaire;  peu  à  peu  les  signes  tendent 
à  prédominer  d'un  seul  côté,  quelquefois  au  sommet,  plus  souvent  à  la 
base.  L'exploration  peut  alors  révéler  quelquefois  un  ensemble  de  signes 
propres  à  faire  soupçonner  le  passage  à  la  carnisation  (Legendre)  ;  c'est 
d'abord  une  matité  plus  grande,  un  souffle  plus  intense,  comme  caverneux, 
accompagné  de  gros  râles  muqueux  ou  même  de  véritables  gargouillements. 
Ces  divers  signes,  comme  on  le  voit,  sont  en  rapport  avec  l'induration  du 
tissu  pulmonaire  et  la  dilatation  des  bronches.  Mais  ces  lésions  sont  quel- 
quefois très-accusées,  sans  que  cependant  l'examen  les  fasse  nettement 
connaître. 

Les  symptômes  généraux  sont  ceux  de  la  fièvre  hectique,  surtout  dans 
les  dernières  périodes  de  la  maladie.  Le  contenu  purulent  et  fétide  des 
bronches  est  résorbé  et  donne  lieu  à  la  production  d'accès  fébriles  pseudo- 
intermittents. Des  sueurs  abondantes  affaiblissent  les  malades,  dont  la 
nutrition  ne  tarde  pas  à  souffrir.  L'amaigrissement  est  de  plus  en  plus 
accentué,  les  malades  ont  tout  à  fait  l'aspect  des  phthisiques,  la  face 
chez  les  enfants  devient  ridée,  ils  ressemblent  à  de  petits  vieillards; 
quelquefois  elle  est  bouffie,  des  œdèmes  cachectiques  apparaissent  aux 
pieds  et  aux  mains;  la  peau  sèche,  rugueuse,  se  recouvre  de  pustules 
d'ecthyma  en  différents  points  du  corps.  Quelquefois  les  enfants  en  se 
grattant  transforment  cette  éruption  insignifiante  en  ulcérations  rebelles 
qui  siègent  autour  du  nez  et  de  la  bouche  (Ziemssen).  Souvent  il  survient 
une  diarrhée  abondante  et  les  malades  finissent  par  s'éteindre,  parfois 
sans  agonie,  dans  le  dernier  degré  du  marasme. 

Dans  la  broncho-pneumonie  chronique  avec  cirrhose  et  atrophie  du 
poumon,  les  signes  fournis  par  l'auscultation  sont  ceux  de  la  dilatation 
des  bronches,  affaiblissement  ou  suppression  du  murmure  vésiculaire, 
souffle  rude,  caverneux,  gros  râles  humides,  gargouillements,  broncho- 
phonie  etc.  Mais,  tandis  que  dans  la  dilatation  qui  succède  aux  bron- 
chites chroniques  les  signes  fournis  par  la  percussion  se  réduisent  à  un 
peu  d'obscurité  ou  de  diminution  du  son  au  niveau  des  dilatations,  dans 
celle  qui  résulte  de  la  broncho-pneumonie  chronique  on  trouve  les  signes 
d'une  induration  plus  ou  moins  étendue,  matité,  exagération  des  vibra- 
tions thoraciques. 

Les  signes  d'induration  sont  plus  accusés  quand  la  maladie  remonte  à 
plusieurs  années,  quand  le  poumon  sclérosé  a  subi  une  atrophie  plus  ou 
moins  considérable.  Dans  cette  période  terminale,  la  lésion  bronclio- 
pueumonique  s'accompagne  de  troubles  de  voisinage  qui  peuvent  servir  à 
la  caractériser  au  point  de  vue  clinique.  L'atrophie  du  poumon  est  accom- 
pagnée de  gène  dans  la  circulation  cardio-pulmonaire,  et  de  l'hypertro- 
phie  avec  dilatation  du  ventricule  droit  qui  entraîne  l'œdème  des  membres 
inférieurs  cl  l'ascite. 

Le  cœur  se  dévie  plus  ou  moins  du  côté  de  la  lésion  pulmonaire  :  à 
gauche,  vers  la  région  sous-claviculaire  ;  à  droite  et  en  haut,  au  niveau 
de  la  quatrième  côte  à  droite  du  sternum.  Dans  ces  cas,  le  cœur  bat  en 


PNEUMONIE.  —  PN-  CHRONIQUE.    SYMPTÔMES. 


611 


quelque  sorte  à  nu  sous  la  paroi  thoracique,  cl.  l'impulsion  peut  être  sen- 
tie depuis  la  deuxième  jusqu'à  la  quatrième  côte  du  côté  de  l'aisselle 
(Peacock,  ReynokVs  System).  Le  retrait  du  poumon  entraîne  en  même 
temps  la  déformation  de  la  poitrine,  son  aplatissement  dans  tous  les  sens, 
le  rétrécissement  des  espaces  intercostaux  (Nothnagel  )  ;  l'épaule  et  la 
pointe  de  l'omoplate  sont  abaissées  ;  enlin  le  diaphragme  subit  la  même 
attraction  et  peut  remonter  jusqu'à  la  quatrième  côte  (Traube). 

Les  symptômes  rationnels  présentent  la  plus  grande  analogie  avec  ceux 
de  la  dilatation  des  bronches  :  dyspnée  exagérée  par  les  mouvements 
et  les  efforts,  toux  fréquente  venant  par  accès  suivis  d'une  expectoration 
très-abondante,  même  chez  les  jeunes  enfants,  muco-purulente  et  fétide. 

Les hémoplysies  ne  sont  pas  rares;  elles  ont  été  notées  seize  fois  sur 
trente-neuf  cas.  La  maladie  peut  être  fort  longue,  grâce  à  des  améliora 
tions  plus  ou  moins  marquées.  Cependant  elle  évolue  plus  rapidement 
que  dans  la  dilatation  des  bronches  consécutive  à  la  bronchite  chronique 
et  les  symptômes  généraux  sont  d'ailleurs  plus  accusés.  Il  y  a  des  accès 
de  fièvre  le  soir,  des  sueurs,  de  l'amaigrissement,  l'habitus  extérieur  est 
celui  de  la  phthisie  chronique  que  la  broncho-pneumonie  chronique  si- 
mule à  s'y  méprendre. 

Marche,  durée,  terminaison.  —  La  marche  de  la  maladie  pré- 
sente les  mêmes  caractères  dans  les  deux  formes  subaiguë  et  chronique,  et 
ne  diffère  que  par  la  rapidité  ou  la  lenteur  de  son  évolution.  A  la  suite  d'une 
broncho-pneumonie  survenue  pendant  la  rougeole,  la  coqueluche,  etc., 
ou  même  à  la  suite  d'une  bronchite  simple  intense  (Legendre),  on  voit 
des  symptômes  de  catarrhe  bronchique  persister  et  s'éterniser  avec  des 
allures  traînantes,  quelquefois  avec  des  améliorations  plus  ou  moins  lon- 
gues. Le  malade  tousse,  expectore  abondamment,  s'amaigrit,  a  des  sueurs 
nocturnes;  en  un  mot,  il  ne  tarde  pas  à  prendre  l'aspect  d'un  phthsique 
chez  lequel  la  maladie  revêt  tantôt  la  forme  galopante,  tantôt  la  forme 
chronique. 

Dans  le  premier  cas,  la  durée  de  la  maladie  peut  être  de  un,  deux  ou 
trois  mois  ;  les  rémissions  sont  moins  nombreuses  et  de  courte  durée,  la 
cachexie  terminale  s'établit  progressivement  malgré  l'intégrité  des  fooe- 
lions  digestives.  L'amaigrissement  est  extrême,  les  doigts  deviennent  hip- 
pocratiques;  la  peau,  habituellement  sèche,  écailleuse,  se  couvre  de 
sueurs  à  la  suite  des  accès  fébriles  du  soir;  une  diarrhée  persistante  ap- 
paraît cl  se  continue  jusqu'à  la  mort.  La  cachexie  se  traduit  encore  parle 
i  développement  de  certaines  complications,  telles  que  la  formation  d'es- 
i  chares  au  sacrum,  la  gangrène  de  la  bouche  (Legcndrc). 

Dans  la  forme  chronique,  la  durée  de  la  maladie  est  beaucoup  plus  lon- 
gue ;  la  terminaison  fatale  peut  n'arriver  qu'au  bout  d'une  année  ou 
i  même  de  plusieurs  années.  L'origine  de  la  maladie  est  plus  obscure  que 
'  dans  la  forme  subaiguë,  et,  si  l'on  peut  dans  quelques  cas  la  rattacher  à 
i  une  ancienne  phlegmasie  broncho-pulmonaire,  souvent  aussi  cette 
1  dernière  s'est  présentée  avec  des  caractères  assez  peu  tranchés  pour 
«  échapper  aux  investigations  du  médecin. 


G 12 


PNEUMONIE.  — 


PN.  CHRONIQUE. 


—  ÉTIOLOGIE 


Dans  ces  circonstances  c'est  à  une  bronchite  intense,  persistante,  revenant 
tous  les  hivers,  que  l'on  attribue  le  développement  de  la  dilatation  des  bron- 
ches et  l'atrophie  du  poumon.  Dans  ces  cas  à  évolution  extrêmement  lente, 
les  commémoratifs  manquent  de  précision,  mais  Barlh  fait  remarquer  que 
le  plus  souvent  on  peut  cependant  s'assurer  que  ce  catarrhe  pulmonaire 
est  rarement  idiopatbique  et  persiste  comme  reliquat  d'un  état  phleg- 
masique  du  poumon  et  de  la  plèvre.  Dans  les  premiers  temps,  les  amé- 
liorations sont  de  longue  durée,  surtout  pendant  la  belle  saison  ;  plus 
tard,  la  maladie,  qui  peut  rester  stationnaire  pendant  des  années  entières, 
ne  présente  plus  que  des  rémissions  sans  importance. 

Elle  se  complique  de  l'emphysème  des  parties  saines  du  poumon,  de  la 
dilatation  du  cœur  droit. 

Dans  quelques  observations  la  mort  a  été  causée  par  un  retour  à  l'état 
aigu,  par  une  nouvelle  broncho-pneumonie  avec  noyaux  de  pneumonie 
lobulaire,  splénisation  et  congestion  plus  ou  moins  étendue.  Dans  d'autres 
cas,  la  pneumonie  a  été  lobaire.  Le  plus  souvent,  la  mort  arrive  par  les 
progrès  de  l'épuisement  et  de  la  cachexie  :  l'expectoration  purulente  e 
fétide  devient  tous  les  jours  plus  abondante,  s'accompagnanl  parfois  d'hét 
moptysies.  La  physionomie  s'altère  et  l'amaigrissement  fait  des  progrès 
rapides.  Les  fonctions  digestives  se  troublent  ;  l'appétit  disparaît,  une 
diarrhée  abondante  achève  d'épuiser  le  malade,  la  respiration  devient  de 
plus  en  plus  pénible  et  embarrassée.  Il  succombe  avec  de  l'œdème  des 
extrémités,  quelquefois  des  eschares  au  sacrum. 

Étiologie.  —  La  broncho-pneumonie  subaiguë  et  la  broncho-pneumonie 
chronique  ont  les  mêmes  origines  que  la  broncho-pneumonie  aiguë.  Elles 
peuvent  se  présenter  après  un  catarrhe  aigu  ou  chronique;  Bartels  les  a 
observées  plusieurs  fois  dans  la  rougeole,  mais  c'est  surtout  la  coqueluche 
qui  les  détermine  le  plus  souvent  (Ziemssen).  Elles  ont  été  observées 
également  pendant  la  lièvre  typhoïde,  à  la  suite  des  affections  cardiaques. 
On  a  peu  signalé  la  forme  subaiguë  chez  les  nouveau-nés  ;  elle  se 
développe  plutôt  chez  les  enfants  qui  ont  dépassé  l'âge  de  trois  ans. 

Elle  est  puissamment  favorisée  par  toutes  les  causes  de  débilitation  : 
alimentation  vicieuse,  encombrement  et  viciation  de  l'air,  par  l'affaiblis- 
sement qui  résulte  de  maladies  antérieures,  de  diarrhées  chroniques,  du 
rachitisme,  du  décubitus  dorsal  prolongé.  Dans  deux  cas,  nous  l'avons 
vue  survenir  à  la  suite  de  la  diphthérie,  chez  des  enfants  qui  avaient  subi 
l'opération  de  la  trachéotomie.  La  forme  subaiguë  avec  carnisation  peut 
également  se  montrer  pendant  l'adolescence  :  elle  devient  rare  après 
l'âge  de  vingt  ans,  et  c'est  plutôt  les  formes  chroniques  avec  sclérose  et 
atrophie  qu'on  observe. 

Chez  l'adulte  et  le  vieillard,  la  dilatation  bronchique  succède  aux  bron- 
chites simples  répétées,  souvfjnt  de  nature  diathésique.  Nous  n'avons  pas 
à  insister  ici  sur  ces  cas  qui  se  rattachent  à  l'histoire  de  la  dilatation  des  » 
bronches.  Nous  ne  nous  occupons  que  des  cas  qui  reconnaissent  pour 
origine  une  phle^masic  broncho-pulmonaire.  Nous  croyons  néanmoins  que  i 
ce  sont  là  les  faits  les  plus  nombreux.  11  est  diflicile,  à  cause  de  l'insuffl-  " 


PNEUMONIE.  —  pn.  ciinoMQur:.  —  diagnostic.  bla 

sauce  des  commémoratifs  ou  de  l'ancienneté  de  la  maladie,  de  remonter 
à  leur  véritable  origine,  d'autant  plus  que  des  rémissions  parfois  très- 
prolongées  ont  pu  l'aire  croire  à  la  guérison  complète  de  la  broncho- 
•  pneumonie  primitive.  Mais  les  données  de  l'anatomic  pathologique  et 
même  de  la  clinique  ne  permettent  pas  de  méconnaître  cette  cause  dans 
un  grand  nombre  de  cas.  Enfin,  il  ne  faut  pas  oublier  qu'il  existe  tou- 
jours un  certain  degré  de  sclérose  pulmonaire,  même  dans  les  cas  où  le 
catarrhe  chronique  simple  paraît  devoir  être  reconnu  comme  étant  la 
seule  cause  de  la  dilatation  bronchique. 

Diagnostic.  —  Pour  comprendre  les  difficultés  qui  entourent  le  dia- 
gnostic de  la  broncho -pneumonie  subaiguë,  il  suffit  de  grouper  ses  prin- 
cipaux symptômes  locaux  et  généraux.  Les  premiers  se  rapportent  à  l'in- 
duration pulmonaire,  à  l'inflammation  des  bronches  avec  dilatation.  Les 
symptômes  de  ces  deux  lésions  se  rencontrent  dans  toutes  les  maladies 
du  poumon  qui  s'accompagnent  d'une  condensation  et  d'une  destruction 
partielle  de  son  tissu,  d'où  résulte  la  formation  de  cavités  communiquant 
avec  les  bronches.  Les  symptômes  généraux  ne  sont  pas  plus  caractéris- 
tiques, ils  sont  entièrement  liés  aux  progrès  de  la  consomption  et  de  la 
cachexie.  Aussi,  dans  la  grande  majorité  des  cas,  le  diagnostic  est-il  im- 
possible entre  la  broncho-pneumonie  subaiguë  et  les  formes  rapides  de 
la  tuberculose  pulmonaire.  Elles  naissent  dans  les  mêmes  circonstances, 
.  à  la  suite  de  la  rougeole,  de  la  coqueluche,  chez  des  enfants  affaiblis  par 
diverses  maladies.  L'une  et  l'autre  peuvent  présenter  un  début  aigu,  ou 
au  contraire  se  développer  lentement  avec  les  signes  d'un  catarrhe  bron- 
chique et  d'un  dépérissement  progressif.  On  pourra  cependant  incliner 
de  préférence  vers  la  broncho-pneumonie  simple,  si  elle  est  survenue  à  la 
suite  d'une  fièvre  typhoïde,  ou  même  d'une  diphthérie,  ou  au  contraire 
vers  la  broncho-pneumonie  tuberculeuseï  si  la  tuberculose  est  héréditaire 
idans  la  famille  de  l'enfant,  ou  s'il  existe  des  symptômes  concomitanls  de 
:  scrofule.  L'examen  de  la  poitrine  donne  des  renseignements  importants, 
mais  non  caractéristiques  :  la  broncho-pneumonie  siège  plus  habituelle- 
iment  à  la  base  et  d'un  seul  côté,  la  tuberculose  aux  deux  sommets.  Mais 
i  cette  disposition  n'est  pas  constante,  et  la  tuberculose  peut  avoir  les 
i  mêmes  localisations  que  la  broncho-pneumonie,  surtout  chez  l'enfant.  La 
ipalpation,  la  percussion,  l'auscultation,  révèlent  dans  les  deux  maladies 
I  l'existence  de  la  bronchite  et  de  l'induration  pulmonaire.  D'autre  part,  la 
i  dyspnée,  la  toux,  n'ont  rien  de  spécial  :  l'expectoration,  quand  elle  existe, 
I  pourrait  avoir  de  l'importance  en  révélant  la  présence  ou  l'absence  des 
I  fibres  élastiques  :  ce  signe  même  ne  serait  pas  pathognomonique,  car  il 
I  pourrait  se  rencontrer  dans  les  cas  d'abcès,  dans  la  broncho-pneumonie. 

Quant  aux  symptômes  généraux,  la  fièvre,  les  sueurs,  l'amaigrissement, 
'quant  au  faciès,  à  l'habitus  des  malades,  ils  sont  identiques  dans  les 
(  deux  maladies.  Il  en  est  de  même  de  la  diarrhée,  des  œdèmes,  etc.  Nous  ne 
I  trouvons  pas  davantage  de  caractère  différentiel  important  dans  la  marche 
iet  la  durée  des  deux  affections.  Quelquefois  la  tuberculose  concomitante 
ides  organes  abdominaux  ou  des  méninges  vient  aider  au  diagnostic;  mais 


au 


PNEUMONIE. 


—  PN.  ClfROMQIH:.  —  DIAGNOSTIC. 


ces  complications  peuvent  rester  latentes,  et  d'ailleurs  ne  se  produisent 
habituellement  que  dans  les  périodes  ultimes.  En  somme,  eYsl  surtout 
sur  la  considération  des  antécédents  que  se  base  le  diagnostic,  et  l'obscu- 
rité dont  il  est  enveloppé  ne  doit  pas  étonner,  si  l'on  songe  qu'il  s'agit,  en 
réalité,  de  deux  maladies  qui  ne  diffèrent  que  par  la  nature  du  terrain 
sur  lequel  elles  évoluent,  de  deux  broncho-pneumonies  qui  doivent 
l'analogie  de  leurs  allures  aux  mêmes  causes  produisant  les  mêmes 
effets,  savoir  des  lésions  des  bronches  et  du  lobule  aboutissant  dans  les 
deux  cas  à  la  destruction  de  leurs  éléments  par  ramollissement  ou  par 
suppuration,  et  la  stagnation  des  produits  putrides  au  milieu  du  paren- 
chyme pulmonaire. 

La  pneumonie  chrôiliqUe  présente,  comme  nous  l'avons  vu,  les  mêmes 
ressemblances  avec  la  phthisie  pulmonaire,  surtout  quand  elle  évolue 
rapidement.  Mais  les  considérations  tirées  du  début  des  accideuts,  de 
l'âge  des  malades,  empêcheront  toute  confusion  avec  la  broncho-pneu- 
monie chronique.  De  même,  pour  les  scléroses  pulmonaires  qui  succèdent 
à  l'introduction  des  poussières,  l'examen  de  la  profession  met  prompte- 
ment  sur  la  voie. 

Le  diagnostic,  en  ce  qui  concerne  les  pneumonies  interstitielles  pleu- 
rogènes,  peut  offrir  quelques  difficultés,  mais  seulement  dans  les 
dernières  périodes  de  la  maladie.  Les  commémoratifs  seront  alors 
d'une  grande  utilité,  car  la  déformation  de  la  poitrine,  les  signes  d'atro- 
phie pulmonaire,  peuvent  être  les  mêmes  que  dans  la  sclérose  terminale  de 
la  broncho-pneumonie  chronique.  Il  faut  ajouter  que  celle-ci  s'accom- 
pagne des  symptômes  de  la  dilatation  des  bronches,  et  particulièrement 
de  l'expectoration  caractéristique  qui  manquent  dans  la  pneumonie  inter- 
stitielle pleurogène.  Mais  il  faut  reconnaître  que  les  difficultés  seraient 
insurmontables  dans  le  cas  où  il  existerait  une  vomique  pleurale  en 
même  temps  que  cette  dernière.  N'oublions  pas  enfin  que  la  plèvre  par- 
ticipe aux  lésions  du  tissu  pulmonaire  et  s'épaissit  considérablement  dans 
la  broncho-pneumonie  chronique. 

En  résumé,  les  diverses  scléroses  du  poumon  présentent  un  ensemble 
symptomatique  qui  leur  est  commun  à  toutes,  et  qui,  pour  les  symptômes 
locaux,  est  sous  la  dépendance  de  l'induration  'et  de  l'atrophie  du  poumon  : 
pour  les  symptômes  généraux,  de  l'asphyxie  et  de  la  cachexie  progressives. 
Le  diagnostic  se  basera  donc  moins  sur  les  renseignements  fournis  par 
l'examen  du  malade  que  sur  les  considérations  tirées  de  l'âge,  de  la  pro- 
fession, des  causes,  et  surtout  du  début  et  de  la  marche  de  la  maladie.  La 
cirrhose  du  poumon  est  le  résultat  auquel  aboutissent  des  processus  in- 
flammatoires qui  ont  eu  pour  lieu  d'origine  les  bronches,  la  plèvre,  le  pa- 
renchyme pulmonaire  ;  c'est  par  l'étude  attentive  de  leur  marche  et  à  l'aide 
des  renseignements  commémoratifs  que  le  diagnostic  pourra  être  établi. 

La  broncho-pneumonie  chronique  et  la  bronchite  chronique  avec  dila- 
tation des  bronches  seront  distinguées  de  la  même  manière.  Mais  il  ne 
faut  pas  oublier  que  le  plus  grand  nombre  des  cas  de  dilatation  bron- 
chique se  rattachent  par  leur  origine  â  la  broncho-pneumonie,  et  que  le 


PNEUMONIE.  —  PN.  CHRONIQUE.  —  PRONOSTIC.  615 

tissu  pulmonaire  finit  généralement  par  s'indurcr,  même  dans  la  dilata- 
tion bronchique  simple,  qui  peut  être  alors,  en  réalité,  considérée  comme 
une  véritable  broncho-pneumonie  chronique  limitée  aux  grands  espaces. 

Cette  dernière  diffère  cependant,  au  point  de  vue  clinique,  de  la  broncho- 
pneumonie chronique,  par  l'absence  des  signes  de  cirrhose  et  d'atrophie 
pulmonaire  que  nous  avons  mentionnés,  et  surtout  par  la  conservation 
des  forces  et  de  l'embonpoint. 

Dans  quelques  cas  cependant,  cette  forme  conduit  également  à  la  con- 
somption, et  le  diagnostic  ne  peut  plus  guère  être  basé  que  sur  l'âge  des 
malades  et  l'ancienneté  des  accidents,  la  broncho-pneumonie  chronique 
étant  plutôt  une  maladie  des  jeunes  sujets,  qui  présente  rarement  la  longue 
durée  de  la  dilatation  simple  des  bronches. 

Nous  n'insisterons  pas  sur  le  diagnostic  différentiel  de  la  broncho-pneu- 
monie chronique  et  de  la  phthisie  chronique.  Les  mêmes  difficultés 
presque  insurmontables  que  nous  avons  signalées  pour  la  broncho-pneu- 
monie subaiguë  et  la  phthisie  galopante  se  rencontrent  ici  de  nouveau.  Il 
ne  suffit  pas  de  pouvoir  rapporter  la  maladie  à  une  broncho-pneumonie 
survenue  autrefois  dans  le  cours  d'une  rougeole  ou  d'une  coqueluche,  car 
c'est  souvent  à  la  suite  de  ces  maladies  que  la  phthisie  apparaît.  On  se 
basera  surtout  sur  l'abondance  des  crachats  muco-purulents,  sur  les 
signes  de  l'induration  habituellement  moins  accentués  dans  la  phthisie 
et  siégeant  plus  souvent  aux  deux  sommets,  et  non  à  la  base  et  d'un  seul 
côté.  La  rétraction  du  poumon  et  la  déformation  de  la  poitrine  sont 
encore  de  bons  signes  de  la  broncho-pneumonie  chronique,  ainsi  que 
l'hypertrophie  et  la  dilatation  du  cœur  droit.  Mais  le  diagnostic  devient 
impossible  lorsque  la  lésion  siège  au  sommet;  et  les  mêmes  difficultés  se 
rencontrent  parfois  d'ailleurs  dans  les  cas  de  dilatation  simple  des 
bronches  :  il  peut  y  avoir,  comme  nous  l'avons  vu,  identité  absolue  des 
symptômes  locaux  et  des  symptômes  généraux.  Lebert  signale  comme  un 
bon  signe  l'absence  de  raucité  de  la  voix  dans  la  sclérose  broncho-pulmo- 
naire. 

Pronostic.  —  Pour  mettre  en  évidence  toute  la  gravité  du  pronostic, 
il  suffit  de  rappeler  que  la  broncho-pneumonie  subaiguë  s'accompagne  de 
lésions  destructives  qui  compromettent  ou  anéantissent  la  contractilité 
des  muscles  bronchiques.  Il  en  résulte  la  dilatation  des  bronches  et  la  sta- 
gnation dans  leur  cavité  de  la  sécrétion  muco-purulente.  L'abondance  et  la 
fétidité  des  crachats  sont  deux  signes  de  cette  lésion  dont  l'importance 
pronostique  ne  doit  point  échapper  chez  les  sujets  débiles,  rachitiques, 
affaiblis  par  un  décubitus  dorsal  prolongé,  ou  par  une  maladie  aiguë 
antérieure  (rougeole,  coqueluche,  etc.).  La  fièvre  hectique  avec  exacer- 
bations  irrégulières,  les  sueurs,  l'amaigrissement,  les  hémoptysies,  l'ap- 
parition de  la  cachexie  (diarrhée,  ecthyma,  gangrènes  locales),  avertis- 
sent également  de  la  gravité  du  mal,  et  sont  déjà  les  indices  d'une  mort 
prochaine. 

Dans  les  cas  chroniques,  il  y  a  des  rémissions  plus  ou  moins  longues, 
mais  la  reslitulio  ad  integrum  ne  peut  plus  se  produire,  le  tissu  em- 


610  PNEUMONIE.  —  rx.  chronique.  —  traitement. 

bi'yonnairc  qui  a  infiltré  les  bronches,  le  tissu  conjonctif  et  les  parois  des 
alvéoles,  s'organise  lentement.  Les  signes  de  la  dilatation  des  bronches  êt 
de  la  sclérose  du  poumon  sont  de  plus  en  plus  accusés  ;  l'organisme,  après 
avoir  longtemps  lutté,  finit  par  être  affaibli  par  suite  des  exacerbai  ions  de 
plus  en  plus  rapprochées  qui  se  produisent  dans  la  marche  de  la  maladie. 
Le  pronostic,  réservé  jusque-là,  s'assombrit  à  mesure  que  l'amaigrisse- 
ment et  la  cachexie  font  des  progrès. 

Traitement.  —  Faire  une  bonne  aération  dans  les  chambres  des 
malades,  éviter  l'encombrement,  le  décubitus  trop  prolongé,  telles  sont 
les  mesures  prophylactiques  qu'il  est  urgent  de  ne  pas  négliger  et  qui 
ne  diffèrent  pas  de  celles  qu'on  doit  prendre  contre  la  broncho-pneumo- 
nie aiguë.  Il  faut  se  méfier  chez  les  enfants  débiles,  rachitiques  ou  con- 
valescents d'une  maladie  aiguë,  de  ces  bronchites  insidieuses,  qui  con- 
duisent à  un  engorgement  progressif  des  bronches  :  les  vomitifs,  le 
kermès,  les  stimulants  diffusibles,  devront  être  prescrits  dans  ces  cas. 

Au  début,  il  est  le  plus  souvent  impossible  de  prévoir  à  quelle  forme 
de  broncho-pneumonie  l'on  aura  affaire;  nous  n'insisterons  pas  sur  ie 
traitement  dans  cette  phase  où  il  ne  se  présente  pas  d'indications  diffé- 
rentes de  celles  de  la  broncho-pneumonie  aiguë. 

Plus  tard,  il  y  a  des  rémissions  plus  ou  moins  longues,  la  fièvre  tombe, 
l'appétit  renaît  :  la  médication  tonique  est  alors  indiquée,  et  l'on  doit 
insister  sur  l'emploi  d'un  régime  fortifiant,  bouillons,  viande  crue  ou 
rôtie,  vins  généreux,  alcool  au  besoin,  changement  de  résidence  et  séjour 
à  la  campagne,  si  l'état  des  forces  permet  un  déplacement.  Les  vomitifs 
administrés  de  temps  à  autre  sont  utiles  pour  combattre  la  suffocation 
et  la  stagnation  du  muco-pus  dans  les  bronches.  C'est  dans  le  même  but 
que  l'on  prescrit  le  kermès  à  doses  modérées,  les  résineux,  les  balsa- 
miques, qui  facilitent  et  modifient  l'expectoration.  Gerhardt  recommande 
dans  ce  but  la  compression  méthodique  du  thorax.  Les  stimulants  diffu- 
sibles, le  chlorhydrate  et  le  carbonate  d'ammoniaque,  agissent  dans  le 
même  sens  et  de  plus  combattent  l'apathie  et  la  dépression.  Les  bains 
tièdes,  sulfureux  ou  aromatiques,  les  sinapismes,  les  fomentations  vinai- 
grées, répondent  aux  mêmes  indications.  Il  faut  ajouter  à  ces  stimulants 
l'alcool,  qui  est  le  plus  puissant  de  tous  et  qu'on  prescrit  en  potion  de 
Todd,  ou  sous  forme  de  rhum  ou  de  vin  de  Porto. 

Les  révulsifs  et  spécialement  les  vésicatoires  doivent  être  réserves  aux 
premières  phases  de  la  maladie.  Plus  tard,  lorsque  les  forces  ont  diminué, 
la  vitalité  de  la  peau  s'amoindrit  et  leur  emploi  pourrait  présenter  plus 
d'inconvénients  que  d'avantages. 

Dans  quelques  cas,  la  fièvre  procède  par  accès  pseudo-intermittents 
contre  lesquels  on  pourra  employer  le  sulfate  de  quinine  à  l'exemple  de 
Rilliet  et  Barthez  qui  le  prescrivent  en  lavements.  Enfin  dans  les  der- 
nières périodes  de  la  maladie,  lorsque  la  cachexie  survient,  il  ne  reste 
plus  qu'à  prévenir  la  formation  des  eschares,  à  combattre  la  diarrhée, 
à  soutenir  les  forces  par  une  alimentation  convenable  à  l'aide  du  lait, 
des  tuniques  divers,  de  l'alcool,  etc. 


PNEUMONIE.  - 


PN.   CHRONIQUE.           PN.   CHRONIQUE  PI.EUROGÈNE. 


017 


Dans  la  broncho-pneumonie  chronique  nous  retrouvons  des  indica- 
tions analogues  à  celles  que  nous  venons  de  passer  en  revue  dans  la 
broncho-pneumonie  subaiguë.  La  prophylaxie  consiste  à  combattre  les 
catarrhes  bronchiques  rebelles,  les  broncho-pneumonies  aiguës  dont  la 
résolution  se  fait  péniblement.  Nous  n'insisterons  pas  sur  le  traitement 
de  la  première  période  de  la  maladie,  celle  dans  laquelle  les  lésions 
sont  encore  à  l'état  embryonnaire  et  qui  correspond,  par  conséquent,  à  la 
broncho-pneumonie  subaiguë.  Plus  tard,  la  dilatation  des  bronches  et  la 
sclérose  du  poumon  avec  atrophie  sont  les  deux  lésions  dont  il  s'agit  de 
combattre  les  conséquences  et  les  progrès.  Pour  agir  sur  l'élément  bron- 
chique on  prescrira  les  vomitifs,  le  kermès,  qui  faciliteront  l'expectora- 
tion et  combattront  l'engorgement  des  bronches.  Aux  efforts  de  toux  qui 
aggravent  la  situation  du  malade  en  le  fatiguant,  en  l'empêchant  de 
dormir,  et  qui  favorisent  dans  une  certaine  mesure  la  formation  des 
ectasies  bronchiques,  on  opposera  les  opiacés,  le  chloral,  les  antispas- 
modiques divers,  etc.  On  devra  surtout  s'adresser  aux  agents  modifi- 
cateurs de  la  muqueuse  et  des  sécrétions  bronchiques,  aux  balsamiques, 
à  la  térébenthine,  au  goudron,  etc.  Le  traitement  sulfureux  en  boissons, 
en  pulvérisations,  en  inhalations,  pourra  rendre  dans  ces  cas  de  grands 
services. 

Les  mêmes  moyens  agissent  indirectement  sur  l'élément  pulmonaire, 
contre  lequel  on  peut  prescrire  les  révulsifs,  les  frictions  d'huile  de 
croton  et  surtout  les  vésicatoires. 

Enfin  l'état  des  forces  doit  être  incessamment  surveillé  et  entretenu 
à  l'aide  des  toniques,  d'une  alimentation  fortifiante.  Les  mesures  hygié- 
niques que  commande  la  susceptibilité  extrême  des  bronches  et  le/danger 
des  poussées  aiguës  ne  doivent  pas  être  négligées  :  le  malade  portera  de 
la  flanelle,  évitera  le  froid,  la  poussière,  toutes  les  causes  d'irritation 
des  voies  aériennes.  Le  séjour  à  la  campagne  dans  un  endroit  bien  abrité, 
l'émigration  dans  le  Midi  pendant  l'hiver,  devront  être  recommandés 
autant  que  possible. 

Les  autres  indications  sont  purement  symptomatiques  ;  elles  se  rap- 
portent à  la  fièvre,  qui  sera  avantageusement  combattue  par  le  sulfate  de 
quinine  quand  elle  prend  le  caractère  rémittent  ;  aux  hémoptysies,  à  la 
dilatation  cardiaque,  aux  complications  diverses  auxquelles  on  opposera 
des  moyens  appropriés.  Enfin  les  accidents  terminaux  sont  habituelle- 
ment sous  la  dépendance  de  la  cachexie  et  ne  réclament  plus  que  le 
traitement  palliatif  sur  lequel  nous  n'avons  pas  besoin  d'insister  de 
nouveau. 

G.  Pneumonie  chronique  pleurogène.  —  Les  lésions  du  poumon  s'étendent 
souvent  à  la  plèvre  à  cause  des  connexions  vasculaires  qui  les  unissent. 
L'artère  pulmonaire  fournit  le  réseau  capillaire  des  acini  et  en  même 
temps  des  rameaux  qui  se  rendent  dans  l'épaisseur  de  la  plèvre 
(Reissessen,  Kolliker,  Rindfleisch).  Celle-ci  reçoit  en  outre  des  vaisseaux 
issus  des  artères  bronchiques,  en  sorte  que  les  altérations  des  bronches 
et  du  poumon  retentissent  facilement  sur  elle; 


018     PNEUMONIE.  —  pn.  chronique.  —  pn.  ohboihqdb  pi.eurogène. 

Inversement,  les  lésions  de  la  plèvre  retentissent  sur  le  poumon,  et, 
d'après  Rindllcisch,  il  est  commun  de  voir,  dans  la  pleurésie  séro-fibri- 
neuse,  les  alvéoles  superficiels  se  remplir  d'exsudat  fibrineux. 

Les  lésions  de  la  plèvre  peuvent  encore  retentir  sur  le  poumon  par  la 
voie  des  lymphatiques.  L'inflammation  reste  en  général  confinée  dans  le 
lymphatique,  mais  elle  peut  se  propager  au  tissu  conjonctif  voisin  inter- 
lobulaire  ou  sous-pleural. 

Certaines  pleurésies,  en  général  de  mauvaise  nature,  et  sur  lesquelles 
Moxon  a  l'un  des  premiers  appelé  l'attention,  s'accompagnent  d'une 
angioleucite  pulmonaire  généralisée.  Il  en  est  de  même  pour  les  pleurésies 
puerpérales  (Heiberg,  Quinquaud,  Longuet),  pour  le  carcinome  pulmo- 
naire consécutif  au  carcinome  du  sein  et  de  la  plèvre  (Charcot  et  Debove). 
Enfin,  l'expérimentation  a  également  montré  ces  relations  (angioleucite 
pulmonaire  consécutive  à  l'injection  de  produits  tuberculeux  dans  la 
plèvre),  et  il  résulte  dés  recherches  histologiques  de  Ranvier  et  de  Dyb- 
kowsky,  précédés  dans  cette  voie  par  Bichat,  qu'il  existe  des  orifices 
réservés  entre  les  cellules  épithéliales,  et  qui  font  communiquer  directe- 
ment la  cavité  séreuse  avec  les  réseaux  lymphatiques  superficiels  en  cer- 
tains points,  orifices  qu'on  retrouve  chez  l'homme  aussi  bien  que  chez  les 
animaux  (Wagner,  Arch.  der  Heilkunde,  1870) .  Cet  auteur  a  mèmevu  dans 
la  pleurésie  fibrineuse  aiguë  ou  chronique  les  lymphatiques  superficiels 
contenir  de  la  fibrine  se  continuant  immédiatement  avec  le  dépôt  fibri- 
neux de  la  fausse  membrane.  Cornil  et  Ranvier  ont  vu  les  lympbatiques 
superficiels  distendus  par  l'exsudat  fibrineux.  Ces  auteurs  ont  fait  leurs 
observations  sur  la  plèvre  pariétale,  mais  elles  ont  été  répétées  depuis 
par  Klein  sur  la  plèvre  pulmonaire,  et  Troisier  a  vu  les  injections  de 
carmin  faites  dans  la  plèvre  pénétrer  jusque  dans  les  lymphatiques  sous- 
pleuraux. 

Moxon  a  montré  que  la  pleurésie  purulente  peut  être  suivie  de  véri- 
tables pneumonies  interstitielles  aiguës.  Une  véritable  suppuration  inter- 
lobulaire  se  produit  en  pareil  cas.  Rindfleiseh,  Hayem,  ont  cité  des  faits 
analogues  à  propos  de  la  pneumonie  disséquante  dans  laquelle  un  ou 
plusieurs  lobules  se  trouvent  comme  séquestrés,  séparés  du  reste  de 
l'organe.  Mais  il  s'agit  là  d'une  phase  aiguë  sur  laquelle  nous  n'avons  pas 
à  insister. 

L'extension  du  processus  par  la  voie  des  lympbatiques  peut  conduire  à 
la  formation  d'une  pneumonie  fîbroïde  cloisonnée.  On  peut  désigner 
sous  le  nom  de  pleurogènes  ces  pneumonies  interlobulaircs  chroniques 
consécutives  à  la  pleurésie.  Divers  auteurs  les  ont  signalées,  en  particu- 
lier W.  Fox  (ReijnohV s  System,  art.  Pneumonie  chronique)  et  Rrouardel 
(Bull,  de  la  Soc.  des  hôpitaux,  1872,  p.  168),  Charcot  en  rapporte 
dans  ses  leçons  deux  observations  qui  lui  ont  été  communiquées  par 
Tapret,  alors  interne  de  Oulmont.  Les  faits,  comme  on  le  voit,  sont  encore 
trop  peu  nombreux  pour  qu'on  puisse  faire  une  description  complèle 
de  cette  forme.  Nous  devons  ajouter  que  cette  pénurie  d'observations 
ne  doit  pas  nous  surprendre,  car  le  plus  souvent  les  bronches  cl  le  pa- 


PNEUMONIE.           PN.  CHRONIQUE.           PN.  CHRONIQUE  PI,EUROGÈNE.  619 

rcnchymc  pulmonaire  d'emblée  participent  au  processus  ;  dès  le  début, 
ce  sont  des  pleuro-pneumonies  ou  des  broncho-pueumonies  (Voy.  les 
observations  de  Bartli).  Les  congestions  pulmonaires,  si  fréquentes  dans 
la  pleurésie,  favorisent  aussi  sans  doute  le  développement  de  ces  lésions 
interstitielles. 

A  l'autopsie  des  individus  qui  succombent  à  ces  pneumonies  pleuro- 
gènes  on  trouve,  ordinairement  d'un  seul  côté,  la  plèvre  entièrement 
épaissie,  formant  une  véritable  coque  fibreuse  qui  coiffe  tout  le  poumon 
qu'on  ne  peut  détacher  de  la  paroi  costale  qu'avec  les  plus  grandes  diffi- 
cultés. Des  adhérences  interlobaires  existent. en  même  temps  que  cette 
coque,  qui  présente  habituellement  à  leur  niveau  et  au  sommet  du  pou- 
mon sa  plus  grande  épaisseur.  Le  poumon  est  traversé  par  des  cloisons 
interlobulaires  d'épaisseur  variable,  constituées  par  du  tissu  conjonctif 
embryonnaire,  ou  déjà  fibreux.  Le  parenchyme  des  lobules  peut  participer 
aux  lésions  ;  il  a  été  trouvé  à  peine  altéré  dans  les  deux  observations  de 
Tapret.  Il  faut  noter  que  ce  travail  s'accomplit  parfois  avec  une  grande 
rapidité;  en  quelques  semaines,  les  néo-membranes  s'organisent,  devien- 
nent fibreuses  et  rétractiles,  et  le  poumon,  dont  les  espaces  interlobulaires 
participent  au  même  processus,  devient  incapable  de  se  dilater.  Les 
bronches  sont  saines  ou  présentent  une  dilatation  cylindrique  peu  mar- 
quée. Nous  croyons  que  cette  dilatation  ne  devient  plus  considérable  que 
lorsque  la  maladie  se  complique,  comme  c'est  souvent  le  cas,  d'une  bron- 
chite chronique.  L'altération  de  la  paroi  bronchique  permet  alors  à  la 
rétraction  modulaire  du  tissu  inflammatoire  de  produire  sa  déformation. 
Les  lésions  concomitantes  sont  en  rapport  avec  la  sclérose  et  la  rétraction 
du  poumon  :  déformation  spéciale  de  la  paroi  thoracique  correspondante, 
laquelle  est  déprimée  et  affaissée  ;  emphysème  compensateur  de  l'autre 
poumon  ;  hypertrophie  avec  dilatation  du  cœur  droit  ;  congestion  des 
viscères. 

Au  point  de  vue  clinique,  les  choses  se  passent  habituellement  de  In 
façon  suivante  :  Un  individu  atteint  de  pleurésie  chronique  conserve, 
après  la  disparition  de  l'épanchement,  de  la  dyspnée  et  de  l'oppression, 
souvent  aussi  des  douleurs  de  côté  plus  ou  moins  intenses.  Il  y  a  parfois 
des  accès  de  fièvre  qu'on  attribue  à  tort  à  la  reproduction  de  l'épanche- 
ment. Bientôt  la  poitrine  se  déforme,  les  côtes  s'affaissent  et  s'immobili- 
sent dans  une  moitié  du  thorax,  l'épaule  du  même  côté  s'abaisse  ;  la  colonne 
vertébrale  subit  une  incurvation  plus  ou  moins  marquée,  le  grand  pectoral 
s'atrophie,  l'angle  inférieur  de  l'omoplate  s'écarte  de  la  paroi  costale 
(Stokes).  A  l'inspection  età  la  mensuration,  il  existe  une  notable  différence 
entre  les  deux  moitiés  de  la  poitrine  ;  les  viscères  abdominaux  tendent 
à  se  déplacer  par  suite  de  l'élévation  du  diaphragme.  A  l'auscultation,  la 
respiration  est  soufflante  ;  il  peut  y  avoir  aussi  du  souffle  bronchique 
ou  caverneux;  fréquemment,  on  entend  des  râles  muqueux  en  rapport 
avec  la  bronchite  concomitante.  L'oppression  est  constante,  mais  elle 
se  produit  aussi  parfois  sous  forme  d'accès,  s'accompagnant  de  palpita- 
tions, surtout  dans  les  dernières  périodes  de  la  maladie.  Les  signes  de  la 


G20 


IW'l'IMiiMi:. 


  PN.  CHRONIQUE.   


BIBLIOGRAPHIE. 


dilatation  et  de  l'insulfisance  du  cœur  droit  ne  tardent  pus  alors  à  se 
montrer.  Le  deuxième  bruit  du  cœur  est  accentué;  suivant  Traube,  par 
suite  du  déplacement  du  cœur  à  droite  dans  certains  cas,  on  peut  perce- 
cevoir  dans  le  deuxième  espace  intercostal  un  soulèvement  systolique  dû 
à  la  dilatation  de  la  portion  initiale  de  l'artère  pulmonaire,  et  un  soulè- 
vement diastolique  consécutif  correspondant  à  l'occlusion  des  valvules 
sigmoïdes  de  ce  vaisseau;  ces  phénomènes  sont  en  rapport  avec  l'aug- 
mentation de  la  pression  dans  l'artère  pulmonaire  et  avec  la  rétraction  du 
tissu  qui  recouvre  l'artère  à  l'état  normal.  L'œdème,  commençant  aux 
membres  inférieurs,  se  généralise.  Les  malades  succombent  aux  progrès 
de  l'asphyxie.  Dans  une  observation  de  Tapret,  la  mort  fut  déterminée 
par  une  pneumonie  survenue  dans  le  poumon  opposé.  Le  pronostic  est 
grave,  d'autant  plus  que  les  cas  publiés  jusqu'à  ce  jour  ont  présenté  une 
marche  assez  rapide  (Brouardel,  Tapret,  Nothnagel). 

Le  traitement  comporte  d'abord  des  indications  prophylactiques  im- 
portantes :  Brouardel  recommande  de  vider  la  plèvre  de  bonne  heure, 
alors  que  le  poumon  peut  reprendre  son  volume  normal  avant  que  les 
fausses  membranes  et  les  cloisons  conjonctives  ne  soient  épaissies  et 
rétractées.  Plus  tard,  les  révulsifs  (teinture  d'iode,  huile  de  croton,  ven- 
touses, vésicatoires)  doivent  être  prescrits  pour  empêcher  les  progrès 
des  lésions.  Ces  divers  moyens,  ainsi  que  la  dérivation  intestinale,  sont 
surtout  utiles  lorsque  des  poussées  congestives  se  produisent  du  côté  du 
poumon.  Il  faut,  en  outre,  faire  fonctionner  le  poumon,  dont  le  pai -en- 
chyme  est  peu  altéré  :  l'aérothérapie,  l'exercice  modéré,  le  séjour  à  la 
campagne,  répondent  à  cette  indication.  L'attention  doit  être  toujours 
portée  sur  l'état  des  forces,  qu'il  faut  améliorer  autant  que  possible;  des 
mesures  hygiéniques  rigoureuses  doivent  être  prises  pour  éviter  les  refroi- 
dissements et  les  bronchites  qui  en  sont  souvent  la  suite  et  constituent 
une  des  complications  les  plus  dangereuses.  Enfin,  dans  la  dernière 
période,  on  devra  recourir  à  la  digitale  et  aux  divers  moyens  qui  peuvent 
relever  l'action  du  cœur. 

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POITRINE  (pectus,  Owpa;,  ail.  Brust,  angl.  breast,  it.  pecto,  esp. 
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viscérale  limitée  en  haut  par  le  cou,  en  bas  par  l'abdomen,  qui  ren- 
ferme les  organes  centraux  de  la  respiration  et  de  la  circulation,  mais 


622 


POITIUNE.    ANATOMIK.   THORAX  OSSEUX. 


encore  les  parois  qui  la  constituent.  L'expression  de  thorax,  par  laquelle 
on  désigne  quelquefois  la  cage  osseuse  de  la  poitrine,  est  le  plus  souvent 
employée  comme  synonyme  de  ce  dernier  mot  ;  le  nom  de  cavité  thora* 
cique  s'applique,  avec  plus  de  précision,  à  la  cavité  viscérale,  abstraction 
faite  de  ses  parois. 

Envisagée  à  ce  dernier  point  de  vue,  la  poitrine  forme  une  des  divi- 
sions naturelles  du  corps,  chez  l'homme  comme  chez  tous  les  mammi- 
fères. Ses  limites  extérieures  sont,  au  contraire,  plus  difticiles  à  établir. 
La  ligne  de  démarcation  entre  les  parois  thoraciques  proprement  dites  et 
la  paroi  abdominable,  dans  la  région  des  hypochondres,  est  purement 
fictive.  Il  en  est  de  même  au  voisinage  de  l'épaule,  où  les  attaclies  du 
membre  supérieur  se  superposent  à  la  paroi  latérale  de  la  poitrine  et  en 
modifient  la  partie  supérieure.  Enfin  la  paroi  thoracique  postérieure  se 
confond,  en  grande  partie,  avec  la  portion  dorsale  des  régions  rachi- 
diennes,  dont  l'ensemble  forme  une  division  naturelle,  étudiée  séparé- 
ment dans  la  plupart  des  traités  d'anatomie  chirurgicale. 

Il  n'est  donc  pas  facile  d'établir  extérieurement  les  limites  exactes  des 
régions  thoraciques,  et  il  en  résulte,,  comme  nous  le  verrons  plus  loin, 
quelques  inconvénients  au  point  de  vue  des  déductions  pratiques. 

Cette  difficulté  n'existe  pas  quand  on  considère  le  squelette,  où  le  thorax 
forme  une  sorte  de  cage  osseuse,  constituée  en  avant  par  le  sternum, 
en  arrière  par  l'ensemble  des  vertèbres  dorsales,  de  chaque  côté  par  la 
série  des  douze  côtes.  Si,  par  la  pensée,  on  revêt  ces  pièces  osseuses  des 
parties  molles  qui  y  adhèrent  directement  en  dedans  et  en  dehors,  e'. 
qu'on  introduise  la  voûte  du  diaphragme  dans  l'espace  circonscrit  par  la 
circonférence  inférieure,  on  a  une  idée  assez  exacte  de  la  cavité  et  de  ses 
parois  propres. 

Au  lieu  donc  de  procéder,  dans  la  description  de  la  poitrine,  de  l'exté- 
rieur vers  l'intérieur,  comme  pour  les  autres  régions,  il  nous  semble 
préférable  de  suivre  l'ordre  inverse ,  c'est-à-dire ,  d'étudier  successive- 
ment :  1°  Le  thorax  osseux.  2°  Les  diverses  couches  de  parties  molles 
qui  revêtent  ou  complètent  les  parois  osseuses.  5°  La  cavité  qui  en  résulte. 

I.  Thorax  osseux.  —  Il  représente  un  tronc  de  cône  droit  constitué 
par  : 

1°  Une  partie  postérieure,  médiane  et  fixe,  qui  soutient  les  autres,  co- 
lonne dorsale  ; 

2°  Deux  parties  latérales  représentant  chacune,  suivant  une  expression 
heureuse  de  Sappey,  un  large  éventail  dont  les  pièces  se  rapprochent  et 
s'éloignent  alternativement,  ce  sont  les  côtes; 

5°  Une  colonne  antérieure,  sternum,  à  laquelle  les  pièces  précédentes 
viennent  se  fixer  et  qui  les  suit  dans  leurs  mouvements. 

Les  éléments  constituants  de  la  cage  osseuse  thoracique  ont  été  déjà  ou 
seront  décrits  séparément  dans  d'autres  parties  du  Dictionnaire  (Voy. 
Côte,  Rachis,  Sternum).  Nous  devons  donc  nous  borner  à  l'envisager  ici 
dans  son  ensemble. 

Bien  qu'on  ait  l'habitude  de  la  comparer  à  un  cône  droit,  dont  le 


POITRINE.    ANATOMIE.  THORAX  OSSEUX. 


623 


sommet  serait  tronqué,  elle  est  loin  de  présenter  la  régularité  d'une 
figure  de  géométrie.  Ainsi  la  paroi  postérieure  forme  une  courbe  à  con- 
cavité antérieure  ;  la  paroi  antérieure,  qui  est  plane,  est  oblique  en  bas 
et  en  avant  ;  chacune  des  moitiés  latérales  forme  une  surface  convexe 
oblique  de  haut  en  bas  et  de  dedans  en  dehors;  mais  l'accroissement  qui 
en  résulte  pour  les  divers  diamètres  transverses  de  la  cavité  manque  de 
régularité.  Ainsi,  le  cône  s'élargit  rapidement  de  la  lre  côte  à  la  5"  ou  4", 
puis  lentement  et  progressivement  de  celle-ci  à  la  8e  ou  9e,  et  se  ré- 
trécit ensuite,  mais  d'une  manière  insensible,  au  niveau  des  dernières 
côtes. 

La  paroi  antérieure  est  constituée  par  le  sternum,  la  série  des  articu- 
lations chondro-sternales,  les  cartilages  costaux,  les  articulations  des 
cartilages  et  des  côtes,  et  enfin  l'extrémité  antérieure  de  ces  dernières. 
La  ceinture  osseuse  de  l'épaule  prend  son  point  d'appui  sur  l'extrémité 
supérieure  de  la  paroi  (articulation  sterno-claviculaire,  ligament  costo- 
claviculaire). 

Vue  à  l'extérieur,  la  paroi  postérieure  présente,  sur  la  ligne  médiane, 
les  apophyses  épineuses  des  vertèbres  dorsales,  de  chaque  côté,  la  gout- 
tière vertébrale,  la  série  des  apophyses  transverses  qui  limitent  cette 
gouttière  en  dehors,  le  col  et  la  tubérosité  des  côtes,  leur  partie  dorsale 
et  leur  angle,  qui  sépare  la  région  postérieure  des  régions  latérales. 

Du  côté  de  la  cavité,  l'aspect  est  un  peu  différent.  La  colonne  dorsale 
forme,  en  effet,  dans  l'intérieur  de  cette  cavité,  une  colonne  proémi- 
nente, concave  de  haut  en  bas,  convexe  transversalement,  qui  constitue 
de  chaque  côté,  avec  la  partie  initiale  des  côtes,  une  gouttière  profonde 
où  est  reçu  le  bord  postérieur  du  poumon. 

Les  parois  latérales  sont  formées  uniquement  par  la  partie  moyenne 
des  côtes,  toutes  obliques  de  haut  en  bas  et  à  peu  près  parallèles,  mais 
séparées  par  des  espaces  inégaux  (espaces  intercostaux)  qui  vont  en 
diminuant  du  1er  au  8°,  et  s'accroissent  ensuite  progressivement  à  partir 
de  ce  dernier,  de  telle  sorte  que  les  moyens,  qui  sont  les  plus  petits,  ont 
environ  12mm.  L'obliquité  des  côtes  et  des  espaces  intercostaux  est  telle 
que  leur  extrémité  antérieure  s'abaisse,  en  moyenne,  de  trois  vertèbres 
au-dessous  de  leur  extrémité  postérieure. 

Vues  en  dedans,  les  parois  latérales  présentent  une  concavité  corres- 
pondant à  la  convexité  de  leur  surface  externe  ;  elles  répondent  à  la  face 
externe  des  poumons,  dont  elles  sont  séparées  par  la  plèvre  pariétale. 

La  circonférence  de  la  base  du  thorax  osseux  est  formée,  en  avant, 
par  l'appendice  xiphoïde,  en  arrière  par  le  bord  inférieur  des  douzièmes 
côtes,  de  chaque  côté  par  les  rebords  cartilagineux  résultant  de  la  super- 
position des  7%  8",  9°  et  10°  cartilages  costaux.  Ce  contour  se  trouve 
interrompu  au  niveau  des  deux  dernières  côtes  (côtes  flottantes). 

Le  sommet  du  thorax  se  présente  sous  la  forme  d'un  orifice  elliptique, 
circonscrit  en  avant  par  l'extrémité  supérieure  du  sternum,  en  arrière 
par  le  corps  de  la  première  vertèbre  dorsale,  sur  les  côtés  par  les  pre- 
mières côtes.  Le  grand  axe  de  l'ellipse  est  transversal  ;  le  plan  de  l'on- 


f)l24  POITRINE    —  ANATOMIK.  THORAX  OSSEUX. 

lice  se  dirige  en  bas  et  en  avant,  l'extrémité  du  sternum  répondant  au 
corps  de  la  2e  vertèbre  dorsale. 

Les  dimensions  du  thorax  osseux  ont  une  importance  réelle,  car  elles 
correspondent  assez  exactement,  sauf  les  modifications  qu'y  apporte  la 
présence  des  parties  molles,  aux  dimensions  intérieures  de  la  cavité 
tboracique.  Elles  présentent,  d'ailleurs,  môme  à  l'état  physiologique,  des 
différences  individuelles  nombreuses,  sans  compter  les  variations  impor- 
tantes qui  résultent  de  certains  états  pathologiques.  Aussi  les  évaluations 
fournies  par  les  anatomistes  offrent-elles  des  divergences  sensibles.  Nous 
nous  bornerons  donc  ici  à  signaler  les  chiffres  moyens  généralement 
admis,  renvoyant  à  la  description  de  la  cavité  tboracique  (Voy.  p.  655) 
les  détails  complémentaires  qui  y  trouveront  mieux  leur  place,  et  au 
chapitre  des  Anomalies  les  variations  qui  ont  un  caractère  patholo- 
gique. 

Les  mensurations  pratiquées  sur  la  cage  thoracique  ont  pour  but  la 
détermination  des  trois  diamètres  vertical,  transverse  et  antéro-pos- 
térieur. 

Or,  le  diamètre  vertical  ne  peut  être  apprécié  d'une  manière  satisfai- 
sante que  lorsque  la  cage  osseuse  est  complétée  par  le  diaphragme  qui 
en  obture  l'orifice  inférieur  et  par  la  plèvre  qui  se  réfléchit  de  la  paroi 
costale  sur  les  bords  du  muscle  en  formant  le  sinus  costo-diaphragma- 
tique.  Les  dimensions  du  thorax  osseux  n'ont  donc,  à  ce  point  de  vue, 
qu'une  valeur  relative.  La  paroi  antérieure  représentée  par  toute  la  lon- 
gueur du  sternum  a  environ  0m,20  ;  mais,  comme  cet  os  forme  avec 
l'horizon  un  angle  d'environ  70°,  et  qu'en  outre  le  diaphragme  s'insère 
à  la  base  de  l'appendice  xiphoïde,  le  diamètre  vertical  correspondant  se 
réduit  à  0m,15  ou  0m,16.  La  paroi  postérieure,  formée  par  la  colonne  dor- 
sale, a  une  hauteur  verticale  moyenne  de  01U,25.  Enfin,  la  distance  qui 
sépare  le  bord  interne  de  la  1"  côte  du  bord  inférieur  de  la  12°  sur  une 
ligne  passant  par  le  mamelon  mesure  en  moyenne  0,u,29. 

Les  diamètres  transverse  et  anléro-postérieur  ont  plus  de  valeur  parce 
qu'ils  répondent  d'une  manière  plus  précise  à  ceux  de  la  cavité  vis- 
cérale. 

Nous  savons  déjà  que  le  diamètre  transverse  va  en  augmentant  de  haut 
en  bas  jusque  vers  la  8e  ou  la  9e  côte,  et  qu'il  diminue  ensuite  légère- 
ment. Chez  un  adulte  de  taille  moyenne  et  bien  constitué,  il  présente 
les  chiffres  moyens  suivants  :  0"',U  au  niveau  de  l'orifice  supérieur, 
0m26  au  niveau  des  8e  et  9°  côtes,  0,n,22  au  niveau  de  la  12e.  Chez  la 
femme,  les  deux  dernières  moyennes  doivent  être  abaissées  de  plusieurs 
centimètres.  La  prédominance  du  diamètre  transverse  est  généralement 
en  rapport  avec  la  vigueur  do  la  constitution  et  le  développement  de 
l'appareil  respiratoire.  Nous  verrons  plus  loin  qu'il  augmente  et  diminue 
alternativement  sous  l'influence  des  mouvements  que  la  respiration 
imprime  aux  parois  thoraciques. 

Le  diamètre  antéro-postérieur  augmente  également  de  haut  on  ba> 
à  cause  de  l'obliquité  du  sternum.  Sur  le  plan  médian  où  ses  dimensions 


POITRINE. 


  ANATOMIE. 


  PAnTIES  MOLLES  DES  PAROIS. 


625 


sonl  réduites  par  la  saillie  du  corps  des  vertèbres,  il  s'accroît  progressi- 
vement depuis  0"\045  (au  niveau  de  la  fourchette  sternalc)  jusqu'à  0"',115 
(au  niveau  de  l'appendice  xiphoïde).  Mesuré  sur  les  côtés,  c'est-à-dire, 
du  sternum  aux  gouttières  costales,  il  acquiert  environ  0"',025  de  plus. 
Il  subit,  par  le  fait  de  la  respiration,  des  variations  moins  étendues  que 
celles  des  diamètres  tranverse  et  vertical. 

II.  Parties  molles  des  parois.  —  Le  cône  formé  par  la  cage  thoracique 
est  tapissé  à  sa  surface  intérieure  par  une  membrane  séreuse,  la  plèvre, 
qui  facilile  le  glissement  des  organes  qu'il  contient. 

Le  vide  des  espaces  intercostaux  est  comblé  par  deux  plans  musculaires 
et  aponévrotiques,  muscles  intercostaux,  auxquels  s'ajoutent,  sur  cer- 
tains points,  des  faisceaux  accessoires  (muscle  triangulaire  du  sternum, 
sur-costaux  et  sous-costaux). 

Enfin,  sur  tout  le  pourtour  intérieur  de  la  circonférence  inférieure  du 
thorax  s'insère  une  lame  musculaire  qui  s'élève  à  la  manière  d'une 
voûte  et  forme,  à  la  fois,  la  paroi  inférieure  de  la  cavité  thoracique  et  la 
paroi  supérieure  de  l'abdomen. 

Telles  sonl,  à  proprement  parler,  les  parties  molles  intrinsèques  des 
parois  thoraciques.  Si  la  peau,  doublée  de  sa  couche  conjonctive,  s'ap- 
pliquait immédiatement  sur  elles,  la  forme  des  régions  extérieures  de  la 
poitrine  reproduirait  exactement  celle  du  thorax  osseux.  Mais  il  n'en  est 
pas  ainsi.  A  ces  parties  essentielles  se  superposent  des  muscles,  des  os, 
et,  chez  la  femme,  un  organe  glandulaire,  qui  modifient  profondément 
l'aspect  et  la  composition  des  parois.  Ce  sont,  pour  ainsi  dire,  les  parties 
extrinsèques. 

La  superposition  de  ces  éléments  extrinsèques  aux  parois  thoraciques, 
proprement  dites,  entraîne  les  conséquences  suivantes  : 

1°  Au  point  de  vue  de  la  forme.  —  Tandis  que  le  cône  représenté  par 
le  thorax  osseux  a  son  sommet  en  haut,  la  poitrine  revêtue  de  ses  parties 
molles,  le  bras  étant  supposé  détaché  au  niveau  de  l'articulation  scapulo- 
humérale,  présente  ses  plus  grandes  dimensions  en  haut  et  forme  un 
cône  à  base  supérieure. 

2°  Au  point  de  vue  de  la  protection  des  organes  thoraciques.  —  L'iné- 
galité d'épaisseur  et  de  composition  des  parois  produit  des  différences 
considérables  relativement  au  degré  de  vulnérabilité  de  telle  ou  telle 
partie. 

5°  Au  point  de  vue  fonctionnel.  —  Par  suite  de  la  solidarité  des  mou- 
vements du  sternum  et  des  côtes,  tous  les  faisceaux  musculaires  qu 
viennent  se  fixer  à  l'un  de  ces  os  exercent,  soit  dans  l'état  ordinaire, 
soit  d'une  manière  exceptionnelle,  leur  influence  sur  les  mouvements 
des  parois  thoraciques,  lorsqu'ils  prennent  leur  point  fixe  sur  l'insertion 
opposée.  Inversement,  lorsque  la  poitrine  est  dilatée,  et  que  l'air  con- 
tenu dans  l'appareil  respiratoire  y  est  maintenu  par  l'occlusion  de  la 
glotte,  tous  les  muscles  extrinsèques  des  parois  thoraciques  prenant  alors 
leur  point  fixe,  soit  sur  le  sternum,  soit  sur  les  côtes,  peuvent  concourir 
aux  actions  les  plus  variées 

nou?.  dict.  méd.  et  cnin.  XXVIII  —  40 


626  POITRINE.  —  anatomik.  —  parties  houes  uks  parois. 


Pour  nous  conformer  à  l'ordre  que  nous  avons  adopté,  nous  décrirons 
d'abord  les  muscles  intrinsèques,  qui  complètent  et  ferment  le  thorax 
osseux;  nous  énumérerons  ensuite  les  diverses  couches  qui  se  surajoutent 
aux  parois  antérieure,  postérieure  et  latérale  de  ce  dernier. 

a.  Muscles  inlrinsèques  des  parois  Lhoraciques. 

Intercostaux.  —  Gomme  leur  nom  l'indique,  les  muscles  intercostaux 
remplissent  les  espaces  qui  séparent  les  côtes.  Au  nombre  de  deux  pour 
chaque  espace,  ils  sont  désignés  par  les  noms  d'externes  et  d'internes. 
Ils  représentent  deux  lames  musculaires  minces,  superposées  dans  la  plus 
grande  partie  de  leur  étendue,  qui  mesurent  exactement  la  largeur  des 
espaces  auxquels  elles  correspondent.  Elles  en  mesurent  aussi  la  lon- 
gueur, avec  cette  restriction,  toutefois,  que  les  intercostaux  externes 
sont  étendus  depuis  les  articulations  costo-vertébrales  en  arrière  jus- 
qu'au niveau  de  l'union  des  cartilages  et  des  côtes  en  avant,  tandis  que 
les  intercostaux  internes  ne  commencent,  en  arrière,  qu'aux  angles  des 
côtes  et  finissent,  en  avant,  au  sternum.  Dans  la  partie,  soit  antérieure, 
soit  postérieure,  de  l'espace  intercostal,  où  l'un  des  deux  plans  muscu- 
laires fait  défaut,  il  est  remplacé  par  une  lame  aponévrotique  résistante. 
Insérés  par  de  courtes  fibres  aponévrotiques  aux  bords  opposés  des  deux 
côtes  correspondantes,  l'un  à  la  lèvre  externe,  l'autre  à  la  lèvre  interne 
de  ces  bords,  les  muscles  intercostaux  ont  une  direction  oblique,  mais 
croisée,  l'intercostal  externe  se  dirigeant  en  bas  et  en  avant,  l'interne, 
en  bas  et  en  arrière,  de  telle  sorte  que  cet  entrecroisement,  d'une  part, 
et  l'abondance  des  fibres  aponévrotiques,  de  l'autre,  donnent  à  ces  deux 
plans  si  minces  une  grande  force  de  résistance. 

Vers  l'extrémité  postérieure  des  espaces  intercostaux,  la  couche  précé- 
dente est  renforcée  par  des  faisceaux  accessoires  qui  portent  le  nom  de 
sous-costaux  et  sur-costaux. 

Muscles  sous-costaux.  —  Ce  sont  de  petites  languettes  musculaires 
et  aponévrotiques,  variables  pour  le  nombre  et  la  longueur,  étendues  de 
la  face  interne  de  la  côte  qui  est  au-dessus  à  la  face  interne  de  celle  qui 
est  au-dessous,  et,  quelquefois,  des  deux  suivantes.  Ces  languettes  pré- 
sentent, le  plus  souvent,  une  obliquité  analogue  à  celle  des  intercostaux 
internes  dont  elles  peuvent  être  considérées  comme  une  dépendance. 

Muscles  sur-costaux.  —  Ceux-ci,  au  contraire,  situés  à  l'extérieur  du 
thorax,  représentent  de  petits  muscles  triangulaires,  insérés,  d'une  part, 
au  sommet  de  l'apophyse  transverse  d'une  vertèbre  dorsale,  et,  de  l'autre 
part,  au  bord  supérieur  et  à  la  face  externe  de  la  côte  qui  est  au-dessous. 
Les  fibres  de  ces  muscles  ont  la  même  obliquité  que  celles  des  inter- 
costaux externes,  dont  ils  peuvent  être  considérés  comme  des  dépen- 
dances. 

Triangulaire  du  sternum.  —  A  la  partie  antérieure  des  espaces  inter- 
costaux, le  plan  des  intercostaux  internes  est  renforcé  par  des  languettes 
musculaires,  dont  la  direction  rappelle  celle  des  sur-costaux,  tandis  que 
leur  situation  à  l'intérieur  du  thorax  rappelle  celle  des  sous-costaux. 
L'insertion  fixe  de  çcs  languettes  a  lieu  sur  les  parties  latérales  de  la  face 


POITUINK. 


  ANATOMIE.   


PARTIES  MOLLES  DES  PAROIS. 


027 


postérieure  du  sternum,  au  voisinage  de  l'union  de  l'appendice  xiphoïde 
et  des  cartilages  costaux  correspondants.  Le  faisceau  rayonné  qui  en  ré- 
sulte (muscle  triangulaire  du  sternum),  s'attache  par  de  petites  digita- 
lions,  à  la  face  postérieure  et  aux  bords  des  cartilages  des  côtes,  depuis 
la  6L  jusqu'à  la  5e,  et,  quelquefois,  jusqu'à  la  2e. 

Diaphragme.  —  Ce  muscle  ayant  déjà  fait,  dans  ce  dictionnaire,  l'objet 
d'un  article  spécial  {Voy.  t.  XI,  p.  341),  nous  nous  bornerons  à  rappeler 
que  la  voûte  aponévrotique  et  musculaire  qu'il  représente,  indépendam- 
ment des  deux  piliers  volumineux  qui  prennent  leur  point  d'appui  sur  les 
corps  et  les  disques  de  la  2%  de  la  5e  et  souvent  de  la  4e  vertèbre  lom- 
baire, s'insère,  par  son  pourtour,  à  la  face  postérieure  du  sternum,  au 
niveau  de  la  base  de  l'appendice  xiphoïde,  à  la  face  postérieure  et  au  bord 
supérieur  des  cartilages  des  six  dernières  côtes  et  à  la  portion  osseuse  à 
laquelle  les  cartilages  font  suite. 

h.  Couches  extrinsèques  des  parois  thoraciques.  —  Nous  conserve- 
rons ici  la  division,  l'ordre  et  les  délimitations  précédemment  adoptés 
pour  la  description  des  parois  osseuses  du  thorax  ;  nous  étudierons  donc 
successivement  la  région  antérieure,  la  région  postérieure  et  les  régions 
latérales. 

Région  antérieure  ou  slernale. —  Limitée,  en  haut,  par  le  bord  supé- 
rieur du  sternum,  la  clavicule  et  la  première  côte,  elle  se  termine,  en 
bas,  sur  la  ligne  médiane,  à  l'appendice  xiphoïde,  sur  les  côtés,  au  relief 
des  fausses  côtes  et  aux  insertions  costales  du  diaphragme.  Ses  limites 
latérales,  forcément  arbitraires,  peuvent  être  représentées  par  une  ligne 
verticale  menée,  de  chaque  côté,  immédiatement  en  dehors  de  la  ma- 
melle. 

La  peau,  plus  dense  et  moins  mobile  sur  le  sternum  que  sur  les  parties 
latérales,  présente,  chez  la  femme,  une  finesse  excessive  au  niveau  de  la 
mamelle,  dont  le  relief  convertit  en  une  sorte  de  gouttière  la  portion 
médiane  delà  région.  Chez  l'homme,  la  profondeur  de  celte  gouttière 
est  déterminée  par  la  saillie  plus  ou  moins  accusée  des  muscles  grands 
pectoraux. 

La  peau  est  doublée  d'une  couche  de  tissu  conjonctif  graisseux,  d'une 
épaisseur  très-variable  suivant  les  sujets,  mais  toujours  inoindre  sur  la 
ligne  médiane  que  sur  les  côtés. 

Le  fascia  superficialis  forme,  chez  l'homme,  une  couche  simple,  con- 
tinue avec  celle  des  régions  voisines  ;  chez  la  femme,  il  se  dédouble  et 
comprend  entre  ses  deux  feuillets  la  glande  mammaire  et  l'atmosphère 
graisseuse  qui  l'entoure.  Cette  glande  qui  reste,  chez  l'homme,  à  l'état 
rudimentaire  pendant  toute  la  vie,  et  qui  l'est  également  chez  la  femme 
jusqu'à  la  puberté,  acquiert,  à  partir  de  cette  époque,  une  importance 
physiologique  et  pathologique  telle  qu'elle  mérite  d'être  étudiée  à  pari. 
Nous  renverrons  donc,  pour  tout  ce  qui  s'y  rattache,  à  l'article  Mamelle, 
t.  XXI,  p.  517. 

Au-dessous,  on  rencontre  l'aponévrose  du  grand  pectoral,  qui  s'insère 
■en  haut  au  bord  inférieur  de  la  clavicule,  se  continue  en  bas  avec  la 


028  POITRINE.    AHATOMIK.   —  PARTIES  MOLLES   DES  PAROIS. 

gaine  du  grand  droit  de  l'abdomen,  et,  en  dehors,  avec  les  aponévroses 
delloïdionne  el  brachiale,  tandis  qu'en  dedans  elle  se  confond  avec  le 
périoste  du  sternum. 

Le  muscle  volumineux  et  puissant  qui  est  situé  au-dessous,  recouvre 
la  presque  totalité  de  la  région,  sauf  en  dedans  et  en  bas  ;  le  large 


Fig  5b.  —  Région  antérieure  de  la  poitrine.  —  Plan  profond. 

A,  slcmo-niastoïdien  ;  Ii,  trapèze  ;  F,  grande  corne  de  l'os  hyoïde  ;  G,  artère  faciale  ;  E,  carotide  pn 
mitivo  ;  1J,  veine  jugulaire  interne  ;  D,  corps  thyroïde  ;  I,  nerfs  du  pleins  brachial  ;  J,  artère  axillairc  - 
K,  veine  axillairc  j  M,  apophyse  coracoïde  ;  N,  tète  de  l'humérus  ;  P,  coraco-huinéral  ;  R,  insertion  du; 
petit  pectoral;  X,  brachial  antérieur;  C,  trachée  ;  L,  clavicule;  Q,  artère  cl  veine  acromio-thoracique  ; 
S,  tendon  du  grand  pectoral;  U,  muscle  grand  dentelé;  T,  biceps;  V,  muscle  grand  droit  de  l'abdo- 
men ;  ZZ,  intercostal  externe  (Asgeii,  Nouveaux  éléments  d'Analomic  chirurgicale). 

éventail  qu'il  représente  se  détache,  en  dehors,  de  la  paroi  costale  pour 
former  la  paroi  antérieure  de  l'aisselle. 

Le  petit  pectoral  n'appartient  à  la  région  que  par  ses  insertions  cos- 
tales. Le  corps  du  muscle  se  rattache  plutôt  à  la  région  de  l'aisselle. 
Signalons,  pour  mémoire,  la  clavicule  et  son  muscle  sous-clavier  qui 
surmontent  la  région  et  recouvrent  la  première  côte,  l'aponévrose  pro- 
fonde (clavi-axillaire)  qui  part  de  la  gaine  du  sous-clavier,  embrasse  le 


POITRINE. 


  A  NATO  M 110.   


PARTIES  MOLLES  DES  PAROIS. 


petit  pectoral  dans  son  dédoublement  et  va  s'implanter  sur  la  face  pro- 
fonde de  la  peau  de  l'aisselle,  en  bas,  les  insertions  supérieures  du  grand 
droit  de  l'abdomen,  enfin,  sur  les  limites  de  la  région,  celles  du  grand 


J.B.  LÈVE/LU.  C£L  eiM.';D£i.SC, 


Fig.  3G.  —  Région  postérieure  de  la  poilrine. 

I,  muscle  storno-cléido-masloïdien  ;]  2,  Bplénius;  3,  angulaire  do  l'omoplate;  I,  scnlènc  postérieur; 
o,  sus-épineux  ;  G,  sous-épineux;  8,  trapèze  ;  9,  grand  dorsal  ;  10,  petit  rond  ;  11,  deltoïde  ;  i%  vaste 
externe  du  triceps  bracliial  ;  13,  nerf  du  trepèze  ;  14,  artères  cervicales  transverses  ;  15,  artères  sca- 
pulaires  supérieures;  16,  branches  postérieures  de  la  cervicale  iransverse  ;  17,  artères,  veines  ci 
nerfs  circonflexes  ;  18,  numérale  profonde;  10,  artères  du  grand  dentelé;  20,  aponévrose  qui  recouvre 
les  muscles  profonds  des  gouttières  vertébrales  (AsGBn). 

dentelé  et  du  grand  oblique,  qui  se  rattaclient  bien  mieux  aux  régions 
latérales  (fig.  35). 

Les  artères  superficielles  de  la  région  antérieure  proviennent  de  plu- 
sieurs sources.  La  thoracique  supérieure,  branche  de  l'axillairc,  fournit 
en  liant  quelques    rameaux;   sur  les  côtés  du  sternum,    de  petites 


650 


POITRINE. 


  ANATOMIE.   


PARTIES  MOLLES  DES  PAROIS. 


brandies  tic  la  mammaire  interne  se  dirigent  de  dedans  en  dehors  ;  on 
trouve,  enfin,  sur  toute  la  surface  de  la  région  des  rameaux  superficiels 
venus  des  intercostales.  Dans  la  couche  moyenne,  nous  devons  signaler 
le  tronc  plus  important  de  la  thoracique  supérieure  qui  chemine  entre 
le  grand  et  le  petit  pectoral.  Dans  le  plan  profond,  on  rencontre  la 
mammaire  interne  qui  a  une  importance  réelle.  Née  de  la  sous-clavière,. 
un  peu  au-dessus  de  l'orifice  supérieur  du  thorax,  elle  se  porte  en  bas 
derrière  la  clavicule,  puis  derrière  le  premier  cartilage  costal  et  descend 
verticalement  le  long  du  bord  du  sternum  contre  lequel  elle  s'applique, 
en  haut,  tandis  qu'en  bas,  elle  en  est  séparée  par  un  intervalle  de  8  ou 
10  millimètres.  Elle  fournit,  en  dehors,  des  rameaux  qui  vont  s'anasto- 
moser avec  les  intercostales,  et  s'anastomose  elle-même,  par  sa  branche 
terminale  interne  avec  les  rameaux  de  l'épigastrique  dans  l'épaisseur  du 
muscle  grand  droit  de  l'abdomen.  Sa  situation  profonde  derrière  les  car- 
tilages costaux  la  soustrait,  en  partie,  à  l'action  des  violences  exté- 
rieures ;  mais,  dans  les  espaces  intercostaux,  où  elle  n'est  recouverte 
que  par  une  faible  épaisseur  de  parties  molles,  elle  est  susceptible  d'être 
lésée  et  de  fournir,  vu  son  calibre,  une  hémorrhagie  grave.  (Nous- 
omettons  à  dessein  rénumération  des  veines,  des  lymphatiques  et  des 
nerfs  de  la  région  qui  ne  peuvent  donner  lieu  à  aucune  déduction  pra- 
tique intéressante.) 

Région  postérieure  ou  rachidienne.  —  Elle  s'étend  verticalement  de 
la  lro  vertèbre  dorsale  à  la  lro  vertèbre  lombaire;  de  chaque  côté,  elle 
est  limitée  profondément  par  l'angle  postérieur  des  côtes.  Chez  les  sujets 
doués  d'un  certain  embonpoint,  cette  limite  latérale  est  assez  difficile 
à  déterminer;  de  plus,  à  la  partie  supérieure,  le  bord  spinal  de  l'omo- 
plate empiète  sur  la  région  postérieure  et  la  recouvre  en  partie. 

La  ligne  médiane  présente  un  sillon  vertical,  plus  ou  moins  profond 
suivani  le  degré  de  saillie  des  muscles  spinaux,  au  fond  duquel  on  aper- 
çoit, chez  les  sujets  maigres,  une  crête  festonnée  formée  par  la  série  des- 
apophyses épineuses.  Les  saillies  latérales  comprises  entre  ces  éminences- 
et  l'angle  postérieur  des  côtes  sont  masquées  par  les  divers  plans  mus- 
culaires que  nous  énumérerons  plus  loin. 

La  peau  de  la  région,  dense,  épaisse,  est  douée  d'une  certaine  mobi- 
lité sur  les  côtés,  mais  elle  est  fixée,  sur  la  ligne  médiane,  par  des 
lamelles  fibreuses  qui,  de  la  face  profonde  du  derme,  vont  s'insérer  aux 
apophyses  épineuses. 

Le  tissu  adipeux  est  quelquefois  très  abondant  sur  les  côtés;  il  est 
toujours  moins  épais  au  milieu. 

Le  fascia  superficialis  et  l'aponévrose  d'enveloppe  qui  se  confondent 
sur  plusieurs  points,  adhèrent,  sur  la  ligne  médiane,  aux  apophyses 
épineuses  et  se  continuent,  sur  les  côtés,  avec  les  couches  analogues  de 
la  région  voisine. 

Le  plan  musculaire  superficiel  est  constitué  par  le  trapèze  et  le  grand 
dorsal  qui  occupent  toute  la  hauteur  de  la  région  (fig.  56). 

Au-dessous  du  trapèze,  on  rencontre  le  rhomboïde,  qui  affecte  la 


POITRINE.    ANATOMIE.   —  PARTIES  MOLLES  DES  PAROIS.  631 


forme  (l'un  parallélogramme,  obliquement  étendu  de  l'épine  dorsale  au 
bord  spinal  de  l'omoplate,  l'extrémité  inférieure  du  splénius  et  le  petit 
dentelé  supérieur  ;  au-dessous  du  grand  dorsal ,  le  petit  dentelé 
inférieur. 

La  couche  musculaire  profonde  est  formée  par  les  muscles  des  gout- 
tières vertébrales  (fig.  56),  ainsi  nommés  parce  qu'ils  sont  situés  dans 
une  loge  fermée  en  avant  par  les  lames  vertébrales,  les  apophyses  trans- 
verses et  les  articulations  costo-vertébrales,  en  arrière  par  une  forte 
aponévrose  fixée,  d'une  part,  aux  apophyses  épineuses,  d'autre  part, 
à  l'angle  des  côtes.  Ces  deux  loges  ne  communiquent  pas  entre  elles; 
elles  sont  séparées  par  les  apophyses  épineuses  et  les  ligaments  inter- 
épineux. 

Les  vaisseaux  superficiels  de  la  région  ne  présentent  que  peu  d'in- 
térêt, au  point  de  vue  chirurgical  ;  ce  sont  des  rameaux  de  la  scapulaire 
postérieure,  de  la  scapulaire  inférieure  et  de  la  branche  dorso-spinale 
des  intercostales  aortiques,  dont  la  lésion  serait  sans  gravité.  La  branche 
terminale  de  la  scapulaire  postérieure,  qui  a  un  volume  assez  considé- 
rable, est  protégée  par  le  bord  spinal  de  l'omoplate.  Profondément,  dans 
la  partie  des  espaces  intercostaux  comprise  entre  les  corps  vertébraux  et 
l'angle  postérieur  des  côtes,  on  rencontre  le  tronc  lui-même  des  intercos- 
tales, qui  n'est  pas  protégé,  comme  il  le  sera  plus  loin,  par  la  gouttière 
du  bord  inférieur  des  côtes,  et  dont  la  présence  contre-indique  le  choix 
de  cette  région  pour  la  pratique  de  l'opération  de  l'empyème. 

Régions  latérales  ou  costales.  —  Elles  correspondent  à  toute  cette 
partie  des  parois  thoraciques  qui  est  comprise  entre  les  deux  régions 
précédentes  ;  la  limite  supérieure  en  est  masquée  par  les  régions  de 
l'épaule;  la  limite  inférieure  est  représentée  par  une  ligne  courbe 
étendue  de  l'appendice  xiphoïde  à  la  12e  vertèbre  dorsale  et  correspondant 
à  la  série  des  insertions  costales  du  diaphragme. 

La  clavicule,  l'omoplate  et  la  tète  de  l'humérus,  les  muscles  de  l'é- 
paule, ceux  qui  se  rendent  des  régions  thoraciques  antérieure  et  posté- 
rieure à  la  racine  du  membre  supérieur  forment  une  masse  épaisse  et 
résistante,  qui,  dans  la  position  normale  de  ce  membre  supérieur,  re- 
couvre et  protège  la  partie  supérieure  de  la  région  thoracique  latérale. 
Celle-ci  forme  la  paroi  interne  du  creux  de  l'aisselle.  Lorsque  le  bras  est 
relevé  horizontalement,  elle  devient  accessible  aux  agents  vulnérants, 
dans  l'intervalle  compris  entre  les  deux  reliefs  puissants  formés  par  le 
grand  pectoral  et  le  grand  dorsal.  Dans  la  partie  inférieure  de  la  région, 
la  paroi  costale  devient  superficielle. 

Au-dessous  de  la  peau,  doublée  d'une  couche  graisseuse  d'épaisseur 
variable  et  d'un  fascia  superficialis  lamelleux  qui  facilite  son  glissement, 
la  couche  musculaire  superficielle  est  constituée,  en  haut  par  le  grand 
dentelé,  dont  les  faisceaux  divergents  s'étendent  du  bord  spinal  de  l'omo- 
plate à  la  face  externe  des  9  ou  10  premières  côtes,  en  bas  par  le  grand 
oblique  de  l'abdomen,  dont  les  digitations  s'entre-croisent  sur  la  face 
externe  des  8  dernières  côtes  avec  celles  du  grand  dorsal  et  du  grand 


652 


POITRINE.  — 


ANATOMII-:.   


PARTIES  IfOlXÉS  DES  PAnois. 


Fio.  57.  —  Itégion  tliorarique  latérale. 

I,  clavicule;  2,  sterno- mastoïdien  ;  ô,  scnlène  antérieur;  4,5,  sralèno  postérieur;  fi,  omo-liyoïdieii  ; 
7,  angulaire  de  l'omoplate  ;  8,  lioril  spinal  de  l'omoplate  (l'omoplate  a  été  enlevée,  à  l'exception  d'une 
bande  osseuse  tris  étroite  longeant  le  bôvi  spinal);  10,  angle  inférieur  de  l'omoplate;  11,  digitations 
supérieures  du  grand  dentelé;  12,  ses  digilations  moyennes;  13,  U,  ses  digitalions  inférieures;  1j, 
intercostaux  externes;  IG,  intercostaux  internes;  17,  grand  oblique  de  l'abdomen  ;  18,  petit  dentelé 
postérieur  et  inférieur;  19,  crête  iliaque  (BtiUius  et  BoBCtUno). 


POITRINE.    ANATOMIE.    CAVITÉ  THOIUC1QUE. 


655 


dentelé,  et  enfin  par  les  insertions  costales  du  petit  dentelé  postérieur  et 
inférieur  (fig.  37). 

Le  troisième  plan  est  formé  par  les  côtes  et  les  muscles  intercostaux 
précédemment  décrits. 

Bien  que  le  faisceau  vasculo-nerveux  qui  traverse  le  creux  axillaire  soit 
en  rapport  avec  les  deux  premières  côtes,  nous  ne  le  signalerons  ici  que 
pour  mémoire,  car  il  n'appartient  pas  à  la  région  costale,  avec  laquelle  il 
n'a  que  des  rapports  de  voisinage  peu  étendus. 

Les  artères  superficielles  de  la  région  sont,  la  plupart,  des  branches 
peu  importantes  de  la  thoracique  supérieure,  des  intercostales,  et  de  la 
scapulaire  inférieure;  le  tronc  de  celte  dernière  est  protégé  par  le  bord 
axillaire  de  l'omoplate  ;  mais  il  n'en  est  pas  de  même  de  la  thoracique 
longue  ou  mammaire  externe  qui  dercend  verticalement  sur  les  parties 
latérales  du  thorax,  appliquée  sur  le  grand  dentelé,  et  qui,  recouverte  en 
haut  par  le  grand  pectoral,  devient  assez  superficielle  au-dessous  de  ce 
muscle. 

Les  artères  propres  de  la  région  sont  les  intercostales.  Ces  artères 
proviennent,  les  unes,  de  la  sous-clavière,  le  plus  grand  nombre  de 
l'aorte  thoracique;  l'intercostale  supérieure  fournit  aux  deux  ou  trois 
premiers  espaces,  et  les  intercostales  aortiques,  à  tous  les  autres.  A  par- 
tir de  l'angle  postérieur  des  côtes,  l'artère  que  nous  avons  vue  occuper 
jusque-là  le  milieu  de  l'espace  intercostal,  se  loge  dans  la  gouttière 
longitudinale  que  présente  le  bord  inférieur  de  la  côte  supérieure  et  la 
parcourt  jusqu'au  niveau  de  l'angle  antérieur  où  elle  se  replace  à  égale 
distance  des  deux  côtes  pour  se  terminer  en  s'anastomosant  avec  les  bran- 
ches externes  de  la  mammaire  interne.  Les  artères  intercostales  sont 
accompagnées  d'une  ou  deux  veines  collatérales,  et  des  nerfs  intercostaux 
que  nous  devons  signaler  à  cause  des  névralgies  si  douloureuses  dont  ils 
sont  parfois  le  siège. 

L'étude  de  la  paroi  thoracique  inférieure  et  des  parties  molles  qui 
remplissent  l'orifice  supérieur  du  thorax  nous  paraît  se  rattacher  de  pré- 
férence à  la  description  de  la  cavité. 

III.  Cavité  thoracique.  —  Vue  à  l'intérieur,  la  cavité  thoracique  repré- 
sente un  tronc  de  cône  droit,  légèrement  aplati  dans  le  sens  antéro-pos- 
térieur,  dont  le  sommet  communique  avec  la  région  cervicale,  dont  la 
base  est  formée  par  la  surface  courbe  musculo-aponévrotique  du  dia- 
phragme. Nous  savons  déjà  qu'à  l'intérieur  du  cône  thoracique  proéminc 
la  saillie  des  corps  vertébraux,  ce  qui  donne  aux  coupes  transversales  de 
la  cavité  la  forme  d'un  cœur  de  carte  à  jouer. 

La  paroi  inférieure  ou  base  y  proéminc  aussi,  mais  d'une  manière  iné- 
gale, plus  à  droite  qu'à  gauche,  par  suite  de  la  position  du  foie. 

Nous  avons  signalé  plus  haut  les  insertions  du  diaphragme  à  la  circon- 
férence de  la  base  du  thorax;  la  ligne  courbe  qu'elles  décrivent  est  donc 
oblique  en  bas  et  en  arrière,  sa  partie  antérieure  correspondant  à  l'ap- 
pendice xiphoïde,  tandis  que  son  extrémité  postérieure  répond  à  la  12e 
vertèbre  dorsale. 


634  POITRINE.  —  anatomie.  —  cavité  tiioiuciqi  i  . 

Il  suit  tic  là  que,  sur  son  pourtour  inférieur,  la  civile  thoracique  est 
séparée  de  l'abdomen  par  une  rigole  circulaire  très-peu  accusée  en  avant, 
mais  assez  profonde  sur  les  côtés  et  un  peu  en  arrière.  Sauf  celte  inégalité 
de  profondeur,  on  a  pu  comparer  celle  disposition  à  celle  de  la  partie  in- 
férieure des  bouteilles  dont  le  fond  est  refoulé  à  l'intérieur.  Les  deux 
cavités  thoracique  et  abdominale  se  pénètrent  donc  réciproquement  en 
arrière  et  sur  les  côlés. 

La  face  supérieure  du  diaphragme  est  en  rapport,  au  milieu  et  un  peu 
à  gauche,  par  sa  portion  aponévrotique  ou  centre  phrénique,  avec  le  péri- 
carde qui  y  adhère  intimement,  sur  les  côtés  avec  la  plèvre  pariétale 
qui,  à  l'état  sain,  peut  s'en  détacher  au  contraire  assez  facilement. 

La  partie  périphérique  du  muscle  s'applique  aux  parois  correspondantes 
du  thorax,  de  telle  sorle  que  la  cavité  pleurale  se  trouve  effacée  à  droite 
et  à  gauche  dans  une  hauteur  de  plusieurs  centimètres.  Il  en  résulte, 
ainsi  que  nous  le  verrons  plus  loin,  que  ce  n'est  que  dans  les  grandes 
inspirations  qu'on  voit  les  poumons  séparer  cetle  partie  périphérique  des 
parois  latérales  et  postérieures  du  thorax  en  s'insinuant  entre  le  muscle 
et  les  côtes.  Il  en  résulte  aussi  que  les  parois  extérieures  de  la  poitrine 
sont  loin  de  correspondre  dans  toute  leur  hauteur  aux  organes  thoraciques, 
et  que,  dans  la  région  des  hypochondres,une  partie  des  viscères  de  l'abdo- 
men, le  foie,  l'estomac,  la  rate,  le  colon  transverse,  le  pancréas,  le 
duodénum  sont  cachés  sous  le  thorax. 

Derrière  l'appendice  xiphoïde.  une  petite  portion  du  muscle  n'est 
recouverte  ni  par  la  péricarde  ni  par  la  plèvre,  et  se  trouve  immédiate- 
ment en  rapport  avec  le  tissu  cellulaire  du  médiastin.  D  autre  part,  il 
existe,  presque  toujours,  dans  un  écartement  des  fibres  qui  s'insèrent  au 
sternum  et  au  cartilage  de  la  7e  côte,  un  petit  intervalle  celluleux,  par 
lequel  le  tissu  conjonctif  du  médiastin  communique  avec  le  tissu  con- 
jonctif sous-péritonéal.  C'est  par  cetle  voie  que  certains  abcès  du  médias- 
lin  ont  pu  venir  s'ouvrir  à  la  face  antérieure  de  l'abdomen. 

Le  diaphragme  est  percé  de  plusieurs  ouvertures  destinées  à  donner 
passage  aux  organes  qui  se  portent  de  la  cavilé  thoracique  à  la  cavité  ab- 
dominale, veine  cave  inférieure,  aorte,  canal  thoracique,  veine  azygos, 
œsophage,  nerfs  pneumo-gastriques.  {Voy.  Diaphragme,  t.  XI,  p.  541  et 
lig.  20.) 

La  cavilé  thoracique  n'a  pas  de  paroi  supérieure;  son  orifice  supérieur 
n'est  obturé  par  aucun  plan  fibreux  ni  musculaire;  il  existe  donc  une 
libre  communication  entre  le  tissu  conjonctif  de  la  base  du  cou  et  celui 
du  médiastin,  autour  des  organes  qui  traversent  cet  orifice.  Ces  organes 
sont  :  en  avant  la  trachée,  en  arrière  l'œsophage,  sur  les  côtés  les 
troncs  artériels  et  veineux  de  la  tète  et  du  membre  supérieur.  Enfin,  le 
sommet  des  poumons  et  des  plèvres  déborde  la  première  côte  d'un  tra- 
vers de  doigt  environ.  Toutes  ces  parties  sont  séparées  de  l'extérieur,  en 
avant  et  sur  les  côtés,  par  les  diverses  couches  qu'on  rencontre  à  la  base 
des  régions  sous-hyoïdienne  et  sus-claviculaire  qui  ne  leur  fournissent, 
d'ailleurs,  qu'une  protection  fort  incomplète.  (l 'oy.  Cou,  t.  IX.  p.  657.) 


POITRINE.  — 


AiNATOMIE.   


CAVITÉ  THORACIQUE. 


655 


Les  dimensions  antéro-postérieures  et  transversales  de  la  cavité  thora- 
cique  nous  sont  déjà  connues.  Elles  sont  sensiblement  les  mêmes  que  les 
dimensions  intérieures  du  thorax  osseux.  (Voy.  p.  624.)  Elles  présentent, 
par  suite,  des  différences  individuelles  très-étendues  et  subissent,  en 
outre,  dans  l'acte  de  la  respiration,  des  variations  alternatives  qui  se  rat- 
tachent à  l'étude  des  phénomènes  mécaniques  de  cette  fonction.  (Foj/.Res- 

l'UUTION.) 

Le  diamètre  vertical  ou  mieux  les  divers  diamètres  verticaux  présentent 
des  variations  bien  plus  considérables  encore.  lien  est  un  pourtant  qui, 
sur  le  même  individu,  présente  une  fixité  relative;  c'est  celui  qui  passe 
par  le  centre]  phrénique,  lequel,  occupant  le  sommet  de  la  voûte  dia- 
phragmatique,  et  étant  maintenu  par  le  péricarde  auquel  il  adhère,  jouit 
d'une  sorte  d'immobilité.  Le  nombre  moyen  de  0m,15  ou  Om,lG  que  nous 
avons  adopté,  comme  représentant  le  diamètre  vertical  antérieur  du  tho- 
rax, correspond  assez  bien  à  ce  point.  Sur  les  côtés  et  en  arrière,  au  con- 
traire, le  diamètre  vertical  varie  à  chaque  instant.  Ainsi,  tandis  qu'il  aug- 
mente pendant  l'inspiration,  par  suite  de  l'abaissement  du  diaphragme, 
il  diminue  pendant  l'expiration,  le  muscle  remontant  alors  jusqu'à  la 
6e  côte,  et  même  quelquefois,  du  cùlé  droit,  jusqu'à  la  4e.  La  différence 
de  niveau  entre  le  maximum  d'élévation  et  le  maximum  d'abaissement 
peut  aller  jusqu'à  0,n,d5  d'après  J.  Cloquet  et  Malgaigne,  jusqu'à  0"\07 
seulement,  d'après  Sappey.  Il  est  vrai  que  les  diamètres  de  la  cavité  pleu- 
rale, mesurés  du  cul-de-sac  supérieur  de  celte  membrane  aux  divers  points 
du  cul-de-sac  inférieur  ne  présentent  pas  de  pareilles  oscillations;  mais, 
comme  les  poumons  ne  descendent  jamais  jusqu'au  fond  du  cul-de-sac  in- 
férieur, la  détermination  exacte  des  diamètres  verticaux  de  la  cavilé  Iho- 
racique  présente,  comme  ou  voit,  de  sérieuses  difficultés.  Nous  y  revien- 
drons plus  loin,  à  l'occasion  de  la  description  de  la  plèvre. 

La  cavité  thoracique  ne  représente  pas  une  cavité  simple,  uniloculaire; 
elle  est  cloisonnée  par  la  plèvre  qui  la  divise  en  trois  parties  principales, 
savoir,  deux  cavités  latérales  ou  pleuro-pulmonaireset  une  cavité  moyenne 
ou  médiaslin  qu'on  divise,  pour  la  commodité  de  la  description,  soit  en 
loges  supérieure  et  inférieure,  soit  en  loges  antérieure  et  postérieure. 

La  plèvre,  comme  loutes  les  membranes  séreuses,  enveloppe  les  pou- 
mons sans  les  contenir  dans  sa  cavité;  un  de  ses  feuillets  s'applique  sur 
ces  organes,  tandis  que  l'autre  revêt,  presque  en  totalité,  les  parois  tlio- 
raciques. 

Pour  se  rendre  un  compte  exact  de  la  disposition  de  ces  deux  feuillets, 
il  faut,  sur  une  série  découpes  verticales  et  transversales  de  la  poitrine, 
suivre  le  trajet  de  la  plèvre  clans  les  divers  points  de  son  étendue. 

On  voit  ainsi,  d'abord,  qu'elle  recouvre  toute  la  paroi  latérale  du  tho- 
rax sur  la  face  profonde  des  côtes  et  des  espaces  intercostaux  (feuillet 
pariétal).  En  bas,  où  elle  rencontre  les  insertions  costales  du  diaphragme, 
elle  se  réfléchit  sur  ce  muscle  et  coiffe,  en  quelque  sorte,  sa  face  supérieure, 
à  l'exception,  toutefois,  du  centre  phrénique  qui  adhère  au  péricarde  et 
au  niveau  duquel  la  plèvre  diaphragmatiqne  se  réfléchit  de  bas  en  haut 


656 


POITRINE. 


ANATOH 1    CAVITK  THORACIQUE. 


pour  se  continuer  avec  la  plèvre  médiastine.  Au  niveau  de  l'ouverture  su- 
périeure du  thorax,  la  plèvre  se  moule  sur  le  sommet  de  charme  poumon 
et  forme  ainsi  deux  culs-de-sacs  séparés  qui  déhordent  la  première  côte 


Fig.  58.  —  Coupe  de  la  poitrine  passant  ou^'éSjsôilS  du  cartilage  de  la  trtnTsîèntë  cote. 

La  coupe  des  poumons  a  été  opérée  de  telle  façon  que  la  surface  de  section  forme  un  plan  oblique 
un  bas  et  en  arrière,  elle  est  destinée  à  montrer  les  lésions  que  produirait  un  poignard  introduit  dans 
enc  direction  quelconque.  Les  viscères,  cœur,  aorte,  etc.,  ont  été  coupés  sur  place,  mais  selon  différents 
plans,  de  manière  que  le  rapport  des  organes  soit  saisi  avec  facilité  et  sans  déplacement. 

A,  poumon  droit  ;  R,  poumon  gauche  ;  C,  cavité  du  ventricule  gauche;  I),  ravité  du  ventricule  droit  ; 
K  cloison  inlcrveiilrieulaire;  0,  liord  droit  du  cœur  ;  I,  oreillette  droite;  II,  œsophage;  E,  aorte;  (., 
canal  thoracique;  F,  véine  azygos ;  P.,  coupe  du  sternum  ;  M,  tissu  cellulaire  du  médiaslin  antérieur; 
S,  L,  artères  mammaires  internes  ;  X,  X,  coupe  du  grand  dorsal  ;  a,  n,  artères  intercostales  ;  I.  i  coupa 
du  grand  pectoral  droit  et  gauche;  5,  i,  coupe  du  grand  dentelé  droit  et  gauche:  les  cotes  du  cote 
gauche  portent  leur  numéro  d'ordre  depuis  la  troisième  jusqu'à  la  douzième  (Anger,  Plaiei  péné- 
trantes de  poitrine,  thèse  d'agrégation,  Paris,  18GG.) 

d'un  travers  de  doigt  environ.  En  avant  et  en  arrière,  au  niveau  du  ster- 
num et  de  la  colonne  vertébrale,  le  feuillet  pariétal  qui  a  tapissé  la  paroi 
latérale,  abandonne  cette  paroi,  se  réfléchit  en  s'écartant  de  son  congénère 


POITRINE.    ANATOM1E.    CAVITÉ  T1IOKACIQUE. 


657 


et  se  dirige,  d'avant  en  arrière  ou  d'arrière  en  avant,  vers  la  racine  du 
poumon  correspondant,  pour  s'appliquer  ensuite  sur  cet  organe  et  lui  for- 
mer une  enveloppe  immédiate  qui  adhère  intimement  à  sa  surface  ex- 
térieure et  pénètre  dans  les  scissures  interlobaires  dont  elle  revêt  tout  le 
pourtour  (feuillet  viscéral).  (Voy.  fig.  58.)  Il  existe,  donc,  en  réalité, 
deux  plèvres  et  deux  sacs  pleuro-pulmonaires.  L'intervalle  qui  les  sépare 
en  avant  et  en  arrière,  au-dessus  et  au-dessous  du  pédicule  pulmonaire, 
constitue,  dans  l'intérieur  du  thorax,  une  cavité  intermédiaire  qui  n'est 
autre  que  le  médiaslin. 

Telle  est  l'idée  d'ensemble  qu'on  peut  se  faire  de  la  configuration  de 
la  plèvre.  Nous  devons,  maintenant,  entrer  dans  quelques  détails  pour 
indiquer  les  particularités  qu'elle  présente  sur  divers  points  de  son  éten- 
due, et  spécialement  au  niveau  de  ses  lieux  de  réflexion. 

Faisons  remarquer  d'abord  que  l'expression,  communément  employée, 
de  cavité  pleurale,  s'applique  à  l'espace  virtuel  compris  entre  le  feuillet 
pariétal  et  le  feuillet  viscéral  de  la  plèvre.  A  l'état  normal,  il  n'y  a  pas  de 
cavité  proprement  dite;  les  deux  feuillets  sont  accolés  l'un  à  l'autre,  et 
c'est  même  la  cause  pour  laquelle  le  poumon,  malgré  sa  rétractilité,  suit 
les  mouvements  d'ampliation  de  laçage  tboracique;  il  ne  se  forme  de  ca- 
vité réelle  que  lorsqu'un  épancliement  gazeux  ou  liquide  s'interpose 
entre  les  deux  feuillets. 

Les  rapports  de  la  plèvre  pariétale  avec  les  diverses  parties  de  la  ca- 
vité thoiacique,  l'ont  fait  diviser  en  trois  portions  :  costale,  diaphragma- 
tique,  médiastinc. 

La  première,  qui  offre  le  plus  d'intérêt  au  point  de  vue  chirurgical, 
est  remarquable  par  son  épaisseur  et  son  peu  d'adhérence  aux  parties  sous- 
jacentes.  Au-dessous  d'elle  existe  une  couche  de  tissu  cellulo-graisseux 
(tissu  conjonctif  sous-pleural).  Enfin,  entre  cette  couche  et  les  intercostaux 
internes,  on  trouve  une  lame  de  tissu  fibreux  qui  semble  la  continuation 
du  périoste  de  la  face  interne  des  côtes. 

Un  point  important  à  signaler,  c'est  l'intervalle  triangulaire,  à  base  su- 
périeure, qui  sépare  la  paroi  costale  de  la  face  externe  et  supérieure  du 
diaphragme  et  qui  a  reçu  le  nom  de  sinus  coslo-diaphragmatique.  Ce  cul- 
de-sac  part  de  la  base  de  l'appendice  xiphoïde  et  suit,  à  partir  de  ce  point, 
comme  les  insertions  costales  du  diaphragme,  un  trajet  oblique  en  bas 
et  en  arrière  jusqu'à  la  12e  côte.  C'est  lui  qui  ferme  en  bas  la  cavité  tho- 
racique  et  en  forme  la  limite  réelle.  Il  est  tapissé  dans  toute  son  étendue 
par  le  feuillet  pariétal  de  la  plèvre  qui,  de  la  paroi  costale,  se  réfléchit  sur 
le  diaphragme.  La  distance  verticale  qui  sépare  le  fond  du  cul-de-sac  in- 
férieur du  sommet  du  sac  pleural,  correspond  au  diamètre  vertical  maxi- 
mum de  la  cavité  thoracique;  elle  est,  en  moyenne,  de  0n',29. 

11  faut  remarquer,  toutefois,  que  le  poumon  n'occupe  jamais  la  tota- 
lité du  cul-de-sac  en  question,  de  sorte  que  les  plèvres  costale  et  dia- 
phragmatique  sont  en  contact  dans  une  certaine  hauteur  qui  varie  aux 
divers  moments  de  l'acte  respiratoire.  Ainsi,  pendant  l'inspiration,  à 
mesure  que  le  diaphragme  s'abaisse,  le  poumon  descend  d'une  certaine 


(138  POEEMNB,  —  ANATOMIK.          CAVITÉ  tiiouacique. 

quantité  ;  pendant  l'expiration,  le  poumon  remonte,  à  mesure  que 
le  diaphragme  s'élève  ;  le  sinus  devient  vide  et  les  deux  plèvres 
frottent  l'une  contre  l'autre.  La  hauteur  maximum  à  laquelle,  dans 
une  expiration  forcée,  le  poumon  peut  remonter  au-dessus  du  point  de 
réflexion,  varie,  suivant  les  évaluations  des  divers  auteurs,  de  0"',U7 
à  0"',  13. 

Sappey,  qui  a  adopté  le  premier  de  ces  deux  chiffres  et  qui  trouve 
^e  deuxième  beaucoup  trop  élevé,  a  conclu  de  ses  recherches  :  i°  que, 
dans  l'expiration,  les  poumons  ne  remontent  pas  en  arrière  au  delà  du 
bord  inférieur  de  la  10°  côte,  et  en  avant,  au  delà  du  bord  inférieur  de 
la  5e  à  droite,  et  du  bord  supérieur  de  la  6';  à  gauche  ;  2°  que,  dans  l'ins- 
piration, il  descend  au-dessous  de  cette  limite  extrême,  d'une  quantité 
variable,  mais  encore  mal  déterminée. 

Il  résulte  de  cette  disposition  qu'une  plaie  pénétrante  de  la  poitrine,  qui 
a  son  siège  dans  les  cinq  derniers  espaces  intercostaux,  peut,  suivant 
que  la  blessure  a  coïncidé  avec  le  moment  de  l'inspiration  ou  de  l'expi- 
ration, perforer  la  cavité  pleurale  et  le  diaphragme,  atteindre  un  ou 
plusieurs  des  viscères  abdominaux  avec  ou  sans  lésion  concomitante  du 
poumon. 

Nous  avons  vu,  plus  haut,  qu'au  niveau  de  l'orifice  supérieur  du 
thorax,  le  sommet  du  sac  pleural  et  du  poumon  déborde  légèrement  le 
plan  de  la  lre  côte  et  de  l'orifice.  Cette  disposition  doit  être  présente  à 
l'esprit  du  chirurgien  qui  pratique  la  ligature  de  la  sous-clavière  en 
dehors  des  scalènes.  Dans  le  dernier  temps  de  l'opération,  les  recherches 
doivent  être  dirigées  sans  abandonner  la  surface  de  la  première  cote, 
si  on  ne  veut  pas  s'exposer  à  déchirer  la  plèvre  et  à  ouvrir  la  cavité 
pleurale. 

Pour  compléter  la  description  des  rapports  de  la  plèvre  avec  les  parois 
du  thorax,  il  nous  resterait  encore  à  examiner  la  situation  relative  du 
cul-de-sac  antérieur  des  plèvres  droite  et  gauche,  c'est-à-dire  du  bord  au 
niveau  duquel  la  plèvre  pariétale  se  réfléchit  pour  se  continuer  avec  la 
plèvre  médiastine.  Cette  étude  ayant  été  déjà  faite  d'une  manière  très- 
complète  dans  l'article  Péiiicarde  (Voy.  t.  XXYI,  p.  568),  nous  ne  pouvons 
qu'y  renvoyer  le  lecteur. 

La  région  du  médiastin,  eu  égard  aux  organes  qu'elle  renferme, 
offrirait,  au  point  de  vue  chirurgical,  un  intérêt  bien  supérieur  à  celui 
des  régions  pleuro-pulmonaires,  si  elle  n'était  protégée,  en  arrière  par 
la  colonne  vertébrale,  en  avant  par  le  sternum,  sur  les  côtés  par  toute 
l'épaisseur  des  poumons. 

Cette  région  ayant  déjà  fait  l'objet  d'un  article  spécial  [Voy.  Médiastin. 
t.  XXII,  p.  1),  nous  ne  ferons  que  rappeler  succinctement  les  organes 
qu'elle  contient.  Ce  sont  : 

l"Dans  la  loge  antérieure,  limitée  en  avant  par  le  sternum,  en  arrière 
par  un  plan  vertical  qui  passerait  par  le  bile  des  deux  poumons,  le  péri- 
carde et  le  cœur,  les  nerfs  phréniques,  l'artère  pulmonaire,  la  crosse  de 
l'aorlc,  la  veine  cave  supérieure.  Pendant  la  vie  intra-utérine  et  peu- 


POITRINE. 


  ANATOMIE. 


  CAVITÉ  TIIORACIQUE. 


059 


1 

i 


Kig.  50.  —  liégion  du  médiastiu. 

1,  cœur  ;  2,  poumons  ;  5,  péricarde  ouvert;  4,  artère  pulmonaire  ;  5,  aorte  ;  6,  veine  cave  supérieure; 
*i,  noue  hrachio-céphalique  ;  8,  carotide  primitive  gauche;  0,  sous-clavière  gauche  ;  10;  mammaire 
interne  coupée;  11,  diaphragmalique  supérieure;  12,  coronaire  cardiaque  antérieure;  15,  coronaire 
cardiaque  postérieure;  U,  nerf  phréuique  ;  15,  nerf  pneumogastrique  (Bsabnis  et  Boccuaiid). 


tiiO  POITRLNIi.  —  anatomie.  —  cavité  thoiiaciquk. 

dant  les  premières  années  qui  suivent  la  naissance,  il  faut  y  joindre  le 
thymus  (fig.  59). 

2°  Dans  le  plan  vertical  mentionné  ci-dessus,  le  pédicule  des  poumons, 
formé  par  la  terminaison  de  la  trachée,  les  bronches,  les  artères  et  les 
veines  pulmonaires. 

5°  Dans  la  loge  postérieure  comprise  entre  Je  même  plan  et  la  colonne 
vertébrale,  l'aorte  thoracique,  l'œsophage,  les  veines  azygos,  le  canal 
thoracique,  du  tissu  conjonctif,  des  ganglions  lymphatiques,  des  ra- 
meaux du  grand  sympathique  et  les  nerfs  pneumo-gastriques. 

Tous  ces  organes  sont  plongés,  le  cœur  excepté,  dans  un  tissu  conjonclil 
nréolaire,  dont  la  présence  assure  à  certains  d'entre  eux,  tels  que  la 
trachée  et  l'œsophage,  la  mobilité  dont  ils  avaient  besoin  pour  l'accom- 
plissement de  leurs  fonctions.  Ce  tissu  conjonctif  se  continue  avec  celui  du 
cou,  de  sorte  que  l'inflammation  peut  se  propager  facilement  de  la  ré- 
gion cervicale  à  toute  la  hauteur  du  médiastin  et,  même,  se  communi- 
quer au  tissu  cellulaire  sous-péritoncal  par  l'ouverture  signalée  plus  haut 
derrière  l'appendice  xiphoïde.'  Si  cette  communication  est  possible  en 
avant,  elle  est  encore  plus  facile  en  arrière,  où  le  tiss.u  conjonctif  qui 
entoure  l'œsophage  se  continue  en  bas  avec  celui  de  l'abdomen  par 
l'orifice  aortiquê  du  diaphragme,  latéralement  avec  celui  des  espaces 
intercostaux  par  la  gaîne  celluleuse  qui  entoure  les  artères  et  veines  in- 
tercostales, d'où  les  abcès  par  congestion  qui  se  forment  quelque- 
fois sur  les  parois  latérales  du  thorax  à  la  suite  de  la  carie  du  corps  d'une 
vertèbre  dorsale. 

De  même,  il  est  peu  de  régions  qui  présentent  une  aussi  grande 
quantité  de  ganglions  lymphatiques.  Ils  se  groupent  autour  de  la  racine 
des  bronches,  de  l'œsophage  et  des  gros  vaisseaux.  Lorsque  ces  ganglions 
se  tuméfient,  soit  primitivement,  soit  par  suite  de  maladies  des  organes 
voisins,  ils  déterminent  des  compressions  redoutables  et  quelquefois 
mortelles. 

Les  auteurs  d'anatomie  descriptive  et  d'anatomie  topographique  se 
sont  attachés,  avec  un  soin  que  justifie  l'importance  des  déductions  pra- 
tiques qui  en  découlent,  à  établir,  d'une  manière  précise,  les  rapports  des 
organes  du  médiastin  avec  la  paroi  thoracique.  Le  but  poursuivi  consiste, 
comme  l'a  fait  Sappey,  à  chercher  la  solution  des  deux  problèmes  sui- 
vants, dont  la  connexion  est  évidente  :  1°  étant  donné  un  point  quel- 
conque de  la  paroi  antérieure  du  thorax,  indiquer  l'organe  qui  lui  corres- 
pond ;  2°  étant  données  une  plaie  pénétrante  du  médiastin  antérieur  et 
la  direction  suivie  par  l'instrument  vulnérant,  indiquer  l'organe  qui  a 
été  lésé. 

Pour  éviter  des  répétitions  inutiles,  nous  ne  referons  pas  1  cnuméra- 
tion  de  ces  rapports  qui  ont  été  groupés  dans  l'article  Médiastin  (Voy. 
t.  XXII,  p.  2),  et  qui  ont,  en  outre,  leur  place  marquée  dans  les  articles 
spéciaux  consacrés  aux  divers  organes.  La  fig.  40,  empruntée  aux  Nou- 
veaux éléments  d'anatomie  descriptive  de  Beaunis  et  Bouchard^  en 
donne  une  idée  très-exacte. 


— r? 

Fie  40.  —  Rapports  do  la  région  médiaslinc  aven  les  autres  régions  llioraciques  et  celles  de  l'abdomen . 

1,  situation  de  l'orifice  pulmonaire;  2,  orifice  de  l'aorte;  3,  orifice  auriculo-ventricùlaire  gauche  ; 
i,  orifice  auriculo-ventricùlaire  droit  ;  S,  pylore;  G,  position  du  cardia  ;  7,  ombilic;  8,  mamelon;  !), 
épine  iliaque  antérieure  et  supérieure;  10,  symphyse  du  pubis;  11,  oreillette  droite  ;  12,  auricule  droilc, 
15,  bord  droit  du  cœur;  14,  bord  gauche  du  cœur;  1o,  auricule  gauche  ;  16,  artère  pulmonaire;  I", 
veine  cave  supérieure  ;  18,  tronc  veineux  brachio-céphalique  droit;  ltt,  tronc  veineux  brachio-cépha- 
liquc  gauche  ;  20,  21,  aorte  ascendante  ;  22,  aorte  descendante  ;  25,  crosse  de  l'aorte  ;  21,  carotide  pri- 
mitive droite  ;  25,  artère  sous-clavière  droilc  ;  20,  limite  supérieure  du  diaphragme  à  gauche  dans  l'é- 
tat d'expiration  complète  ;  27,  sa  limite  à  droite  ;  28,  cul-dc-sac  supérieur  gauche  de  la  plèvre  ;  29,  li- 
mite atteinte  par  le  bord  antérieur  et  le  bord  inférieur  du  poumon  gauche  dans  l'expiration  complète  . 
50,  prolongement  cardiaque  du  poumon  gauche  ;  51,  cul  de  sac  supérieur  du  poumon  droit  ;  52,  limité 
atteinte  par  le  poumon  droit  dans  l'inspiration  complète  ;  55,  limite  atteinte  par  le  poumon  gauche  d;ms 
rsouv.  mer.  sied,  et  ciint.  XXVIII  —  41 


642  POITRINE.  —  pkvbi.oppkiie.nt. 

l'inspiration  ;  31,  limite  ni  teinta  par  le  poumon  droit  dans  l'inspiration  ;  55,  56,  57,  limites  de  la  plèvre 
•rinclie  ;  38,  39,  limites  île  la  plèvre  droite  ;  40,  grande  courbure  de.  l'estomac  ;  11,  petit* courbure  ;  iï 
duodénum  ;  43,  terminaison  de  l'inlcstinigréle  ;  44,  crecum  ;  45,  côlon  ascendant  ;  1 10,  côlon  transverse  •  I" 
côlon  descendant  ;  18.  siliaque;  19,  rectum  ;  50,  foie  ;  51,  bord  antérieur  du  foie  ;  52,  vésicule  biliaire!-' 
55,  pancréas  ;  54,  limite  inférieure  de  la  raie  ;  55,  limite  inférieure  du  rein  ;  56,  vessie.  Nota.  L'es- 
pace compris  entre  29  et  35  à  gauche,  et  52  et  54  à  droite,  espace  rempli  par  de-  lignes  obliques  en  lias 
et  à  droite,  indique  l'étendue  dans  laquelle  se  fait  lu  locomotion  du  poumon  entre  l'expiration  et  l'ins- 
piration forcées  ;  l'espace  noir  compris  entre  55  et  55  a  gauebe,  et  54  et  38  à  droite  indique  l'espace 
occupé  par  la  plèvre,  mais  dans  lequel  n'arrivent  pas  les  poumons,  même  dans  l'inspiration  foiréc. 

(Beaums  et  Bouchaiid.  Nouveaux  éléments  d'anatomu;  descriptive  et  ^embryologie  5-  édition 
Paris,  1880). 


Développement.  —  La  cage  thoiaciquc  se  forme,  chez  l'embryon,  par 
le  développement  d'appendices  membraneux  qui  partent  de  la  colonne 
•vertébrale  et  passent,  vers  le  deuxième  mois,  à  l'état  cartilagineux.  Ces 
appendices,  qui  sont  les  premiers  rudiments  des  côtes,  s'accroissent, 
peu  à  peu,  dans  les  parois  ventrales  et  circonscrivent  une  cavité  vicé- 
rale  commune,  tboraco-abdominale.  A  la  (in  du  premier  mois,  la  partie 
supérieure  de  la  cavité,  où  sont  contenus  le  cœur,  l'œsophage  et  les  deux 
petits  sacs  pyriformes,  qui  seront  plus  tard  les  poumons,  se  sépare  des 
corps  de  Woll'f,  du  foie  et  de  l'estomac,  par  une  mince  membrane,  ébauche 
du  diaphragme.  D'après  des  travaux  récents,  celui-ci  serait  formé  primi- 
tivement d'une  substance  glutineuse  répandue  autour  des  conduits  qui 
le  traverseront  plus  tard  ;  il  s'étale,  ensuite,  sous  la  forme  de  deux  demi- 
éventails  triangulaires  dont  le  sommet  est  placé  au  pilier  correspondant, 
dont  la  base,  tournée  en  avant,  se  développe  progressivement  du  sternum 
à  la  dernière  côte  et  finit  par  constituer  la  cloison  thoraco-abdominale. 
En  même  temps,  les  deux  poumons,  situés  primitivement  au-dessous  du 
cœur,  remontent  peu  à  peu,  s'entourent  d'un  sac  pleural,  distinct 
pour  chacun  d'eux,  et  acquièrent  bientôt  leur  forme  et  leur  position 
normales. 

Pendant  que  l'évolution  précédente  s'accomplit  à  l'intérieur  de  la  ca- 
vité, les  côtes  cartilagineuses  s'accroissent  dans  les  parois  ventrales  de 
l'embryon.  Les  six  premières,  dont  le  développement  est  plus  rapide,  se 
réunissent  par  leur  extrémité  antérieure,  avant  d'atteindre  la  ligne  mé- 
diane; la  lame  verticale,  qui  résulte  de  cette  soudure,  constitue  une  moi- 
tié du  sternum  cartilagineux  ;  ces  deux  moitiés,  d'abord  séparées  par  une 
fissure  verticale  médiane,  se  soudent  bientôt  entre  elles,  de  haut  en  bas, 
pour  former  le  sternum. 

Les  côtes  s'ossifient  par  un  seul  point  d'ossification  primitif,  qui  paraît 
du  40"  au  45e  jour  et  par  deux  points  épiphysaires  (tète  et  lubérosité), 
qui  n'apparaissent  que  très-tard,  vers  l'âge  de  16  à  17  ans.  L'ossifica- 
tion n'est  complète  qu'à  l'âge  de  22  à  25  ans. 

Au  6''  mois,  le  sternum  présente  un  premier  point  d'ossification,  à 
^'extrémité  supérieure.  Le  corps  se  développe  plus  tard  soit  par  4,  soit 
par  8  points  d'ossification  (disposés,  dans  ce  dernier  cas,  par  paires),  d'où 
résultent  les  4  pièces  osseuses  qui  le  constituent  et  dont  la  soudure  se 
fait  tardivement,  de  25  à  50  ans.  La  réunion  de  la  poignée  à  la  pre- 
mière pièce  du  corps  de  l'os  n'a  lieu  que  dans  la  vieillesse. 

Le  thorax  du  fœtus  présente  un  ensemble  de  caractères  qui  sont  dus  à 


POITRINE.  —  DÉVELOPPEMENT.  615 

l'état  d'affaissement  des  poumons,  au  développement  rapide  du  cœur  et 
du  thymus,  au  volume  considérable  du  foie.  Si  on  y  pratique  une  coupe 
transversale,  cette  coupe  présente  la  forme  d'une  surface  quadrangulairc 
dont  la  moitié  antérieure  a  plus  de  largeur  que  la  moitié  postérieure. 
Les  cartilages  costaux  des  côtes  sternales  ont  une  direction  presque  hori- 
zontale et  une  forme  aplatie.  Les  côtes  présentent  une  très-faible  cour 
bure,  les  gouttières  costo-vertébrales  font  défaut,  d'où  l'absence  de  sail- 
lies latérales  et  la  proéminence,  à  l'extérieur,  de  la  colonne  vertébrale, 
qui  rappelle  la  disposition  du  thorax  des  mammifères.  Le  diamètre  ver- 
tical est  court  sur  les  parties  latérales,  le  diamètre  antéro-postérieur 
l'emporte  sur  le  diamètre  transverse;  la  base  s'évase  largement  au  niveau 
des  viscères  abdominaux. 

Après  la  naissance,  il  se  fait  une  ampliation  subite  dans  l'étendue  de 
la  poitrine,  parce  que  l'accès  de  l'air  augmente  du  double  ou  du  triple 
le  volume  des  poumons  jusque-là  resserrés  sur  eux-mêmes.  Ces  organes 
qui  étaient  débordés  et  masqués  par  le  cœur,  se  développent,  des  deux 
côtés,  d'arrière  en  avant,  et  finissent  par  le  déborder  à  leur  tour.  Par 
suite  de  ce  mouvement  d'expansion  latéral,  les  parois  antérieure  et  pos- 
térieure de  la  cavité  thoracique  s'élargissent  et  se  rapprochent;  la  poi- 
trine, primitivement  aplatie  d'un  côté  à  l'autre,  s'arrondit  d:abord, 
devient  cylindrique,  puis  s'aplatit  un  peu  plus  tard  dans  le  sens  diamé 
tralement  opposé  ;  en  même  temps,  l'angle  des  côtes  se  forme,  les  gout- 
tières postérieures  se  dessinent  et  la  colonne  dorsale,  rectiligne  chez  le 
fœtus,  commence  à  s'infléchir.  Toutes  les  modifications  qui  précèdent 
sont  rendues  faciles  par  l'extrême  flexibilité  des  côtes  et  l'état  presque 
entièrement  cartilagineux  du  sternum. 

Un  accroissement  rapide  du  thorax  se  produit  à  l'époque  de  la  puberté  ; 
c'est  aussi  à  ce  moment  de  la  vie  que  se  manifestent,  le  plus  souvent,  les 
déformations  de  la  cavité. 

Vers  15  ou  18  ans,  la  poitrine  qui  s'est  rétrécie  peu  à  peu  à  sa  base, 
acquiert  sa  forme  définitive  ;  mais  sa  capacité  continue  à  croître  jusqu'à 
22  ou  25  ans  chez  la  femme,  jusqu'à  50  ou  55  chez  l'homme. 

Dans  l'âge  adulte,  les  parties  constituantes  du  sternum  se  soudent 
entre  elles;  la  poignée  et  le  corps  de  l'os  restent  seuls  indépendants;  les 
articulations  chondro-sternales  commencent  à  se  souder  et  perdent  de  leur 
mobilité  primitive. 

Pendant  la  vieillesse,  les  cartilages  costaux  deviennent  jaunâtres,  plus 
épais,  plus  rigides,  et  finissent  par  s'ossifier,  en  même  temps  qu'ils  se 
soudent  définitivement  au  sternum.  Les  côtes  et  le  sternum  finissent  par 
se  mouvoir  sur  le  rachis  comme  une  seule  pièce,  et  dans  une  étendue  de 
plus  en  plus  limitée,  à  cause  delà  rigidité  qu'acquièrent  les  articulations 
costo-vertébrales.  Les  parois  thoraciques  perdant  progressivement  leur 
élasticité,  la  cavité  devient  de  moins  en  moins  dilatable  dans  ses  dia- 
mètres antéro-postérieur  et  transverse,  et  la  respiration  tend  à  devenir, 
peu  à  peu,  presque  exclusivement  diaphragmatique. 

Anomalies  et  vices  de  conformation.  —  Nous  ne  devons  nous  occuper 


644 


I'OITMNK. 


  ANOMALIES   KT  VICES  DE  CONFORMATION. 


ici  que  des  anomalies  qui  peuvent  s'observer  dans  les  parois  du  lliorax, 
celles  qui  portent  sur  les  organes  intra-lhoraciques  se  rattachant  natu- 
rellement à  l'étude  particulière  de  chacun  de  ces  organes. 

Le  nombre  des  côtes  peut  varier  en  plus  ou  en  moins,  et  dans  ce  cas, 
il  existe  généralement  une  anomalie  concordante  dans  le  nombre  des  ver- 
tèbres dorsales.  11  n'en  est  pourtant  pas  toujours  ainsi.  Quand  il  n'existe 
que  onze  paires  de  côtes,  c'est  toujours  la  dernière  côte  ilottante  qui  fait 
défaut.  D'autres  fois,  au  contraire,  on  trouve  une  treizième  côte  qui  se 
fixe  tantôt  à  la  première  vertèbre  lombaire,  tantôt  à  la  dernière  vertèbre 
cervicale.  Dans  le  premier  cas,  la  côte  surnuméraire  est  libre  et  flottante 
comme  une  fausse  côte;  dans  le  deuxième  cas,  elle  s'unit  ordinairement 
à  la  première  côte  dorsale,  vers  son  extrémité  antérieure,  ou  se  fixe  sur 
le  premier  cartilage  sternal. 

Les  anomalies  numériques  qui  portent  sur  les  côtes  intermédiaires 
sont  beaucoup  plus  rares;  on  a  pourtant  observé  exceptionnellement  des 
cas  dans  lesquels  il  y  avait  augmentation  du  nombre  des  côtes  avec  in- 
sertion de  plusieurs  de  ces  os  sur  une  même  vertèbre  dorsale. 

On  sait  qu'à  la  suite  de  lésions  traumatiques  ou  spontanées,  la  paroi 
thoracique  peut  présenter  des  brèches  plus  ou  moins  larges,  dans  les- 
quelles la  plèvre  ou  le  péricarde  s'engage  et  n'est  séparé  de  l'extérieur 
que  par  la  peau.  On  rencontre  quelquefois  des  dispositions  congénitales 
analogues.  Elles  s'observent  rarement  au  niveau  des  côtes;  elles  sont 
plus  fréquentes  au  niveau  du  sternum,  où  elles  doivent  être  rattachées  à 
des  arrêts  de  développement.  La  scissure  est  par  conséquent  médiane, 
raremement  complète,  le  plus  souvent  partielle.  La  bifidité  inférieure 
est  la  plus  fréquente;  elle  s'accompagne,  ou  non,  de  hernie  du  cœur. 

Pour  compléter  ce  qui  a  rapport  aux  anomalies  des  parois  thoraciques, 
il  nous  reste  à  dire  un  mot  des  hernies  diaphragmatiques  congénitales, 
qui  paraissent  dues  également  à  un  arrêt  de  développement.  Nous  avons 
vu  plus  haut  comment,  d'après  les  travaux  récents,  se  forme  le  dia- 
phragme et  comment  se  complète  la  cloison  de  séparation  des  cavités 
thoracique  et  abdominale.  Qu'une  cause  quelconque  arrête,  à  un  moment 
donné,  le  développement  centrifuge  du  muscle,  le  cloisonnement  s'ar- 
rête aussi  et  ne  s'achève  pas.  Alors  devient  permanent  un  élnl  qui  n'était 
que  transitoire,  mais  normal,  chez  le  fœtus;  il  persiste,  dans  un  point  de 
son  étendue,  une  perforation  par  laquelle  les  intestins,  le  foie,  la  rate 
peuvent  pénétrer  dans  la  cavité  thoracique.  Les  anomalies  de  cetle  na- 
ture sont  généralement  incompatibles  avec  la  vie,  par  suite  de  la  com- 
pression que  les  viscères  de  l'abdomen  exercent  sur  le  cœur  et  les  pou- 
mons. (Voy.  pour  les  détails  [Diaphhagmatiques]  IIkrmes,  t.  XI.  p.  565). 

Nous  laisserons  de  côté,  comme  dépourvues  de  tout  intérêt  pratique, 
les  anomalies  plus  graves,  plus  étendues,  qui  coïncident  avec  d'autres 
déviations  organiques  d'un  caractère  général  et  se  rattachent  aux  mon- 
struosités,. (Voy.  ce  mot  t.  XXI11,  p.  8). 

Il  nous  reste  à  parler  d'un  dernier  ordre  de  faits  dont  la  connaissance 
présente,  au  contraire,  une  importance  réelle,  au  point  de  vue  des  applij 


poitrin;:. 


—  ANOMALIES  ET  VICES  DE  CO.NFOnMATlOX. 


calions  pratiques.  Ce  sont  les  altérations  complexes  et  variables  de  la 
l'orme,  des  diamètres  et,  par  suite,  de  la  capacité  du  thorax,  qui  consti- 
tuent les  vices  de  conformation  proprement  dits.  Rarement  congéni- 
taux, le  plus  souvent  acquis,  tantôt  ils  sont  sans  inlluencc  appréciable 
sur  l'étal  de  santé  tic  l'individu,  tantôt  ils  sont  la  manifestation  de  trou- 
bles pathologiques  divers  ,  ou  représentent  les  stigmates  indélébiles  de 
maladies  antérieures  locales  ou  générales.  Dans  les  deux  cas,  leur  étude 
est  étroitement  liée  à  la  séinéiologie  générale  et  particulière  des  affections 
thoraciques.  (Voy.  Poitrine,  Séinéiologie). 

Ce  qu'il  importe,  avant  tout,  de  connaître,  pour  se  rendre  un  compte 
exact  de  ces  variations  tant  physiologiques  que  pathologiques,  ce  sont  les 
caractères  essentiels  d'une  bonne  conformation  du  thorax.  L'énumération 
de  ces  caractères  appartient,  en  réalité,  à  la  description  analomiquc,  et, 
à  ce  titre,  aurait  dû  être  déjà  laite  ;  il  nous  a  semblé,  néanmoins,  qu'il 
était  plus  utile  de  la  rapprocher  de  l'élude  des  déformations  qui  sont 
compatibles  avec  l'étal  de  santé  ou  qui  se  rattachent  aux  diverses 
maladies. 

Un  thorax  d'adulte  bien  conformé  remplit  les  conditions  suivantes  : 

1°  II  présente  la  forme  d'un  cône  dont  le  sommet  est  en  haut,  si  Von 
[ait  abstraction  de  ce  qui  appartient  aux  membres  supérieurs  ; 

2°  11  est  un  peu  aplali  d'avant  en  arrière,  de  telle  sorte  que  le  diamè- 
tre transverse  l'emporte  sur  le  diamètre  antéro-postérieur  ; 

5°  Quand  on  pratique  la  mensuration  circonférentielle  suivant  un  plan 
horizontal  qui  passe  par  les  mamelons,  on  obtient  un  périmètre  moyen 
(|ui  dépasse  de  plusieurs  centimètres  la  demi-taille  de  l'individu  (d'après 
W  alshe,  le  chiffre  de  0"',858  peut  être  considéré  comme  une  assez  bonne 
moyenne  pour  l'âge  adulte). 

Dans  les  circonstances  ordinaires,  la  constatation  de  ces  divers  carac- 
tères peut  se  faire  avec  des  moyens  très-simples,  un  compas  d'épaisseur 
pour  la  mesure  des  diamètres  de  la  partie  supérieure,  un  ruban  métrique 
pour  les  mensurations  circonfércntielles  pratiquées  au-dessous  des  ais- 
selles. On  conçoit,  en  effet,  que  les  mensurations  circonférenlicllcs  sont 
impraticables  dans  la  partie  supérieure,  où  le  relief  des  épaules  donne  au 
sommet  du  thorax  une  forme  absolument  opposée  à  celle  qu'il  a  en  réa- 
lité. Avec  le  compas  d'épaisseur  qui  permet  de  faire  abstraction  des  mem- 
bres supérieurs,  notamment  quand  on  l'applique  contre  la  paroi  interne 
des  aisselles,  on  reconnaît  que  les  diamètres  supérieurs  d'un  thorax  bien 
conformé,  sont  toujours  moindres  que  les  diamètres  inférieurs.  Cette 
supériorité  des  diamètres  inférieurs  du  thorax  sur  les  supérieurs  existe 
chez  tous  les  sujets  ;  mais  elle  est  d'autant  plus  marquée  que  les 
individus  sont  plus  robustes,  et  coïncide  ainsi  avec  le  développement 
plus  ou  moins  grand  qu'acquiert  la  base  des  poumons.  Il  semble, 
au  premier  abord,  difficile  de  concilier  ce  lait  avec  cette  proposition  vul- 
gaire également  vraie,  à  savoir  que  le  développement  de  la  poitrine  se 
révèle  par  la  largeur  des  épaides.  La  contradiction  n'est  pourtant 
•  qu'apparente,  ainsi  que  le  l'ait  justement  remarquer  Richet.  11  suffit 


646  I'OITMM:.    ANOMALIES  ET  VICES  DK  CONFORMATION. 

pour  s'en  rendre  compté,  de  réfléchir  à  ce  fait  bien  connu  que  l'ampli- 
tude de  la  respiration  s'accompagne  toujours  d'un  développement  propor- 
tionnel du  système  musculaire  ;  or,  comme  la  partie  supérieure  dus 
membres  thoraciques  y  parlicipe  à  l'égal  des  Autres  régions,  il  s'ensuit 
que  le  diamètre  bi-acromial  doit  présenter,  chez  les  sujets  vi»oureux  et 
bien  musclés,  un  élargissement  proportionnel,  d'aulant  plus  notable  que 
la  base  du  thorax,  recouverte  d'une  mim  e-  couche  musculaire,  ne  subit 
jamais,  sous  ce  rapport,  de  grands  changements. 

Le  compas  de  Baudelocque  et  le  ruban  métrique  ne  suffisent  pas,  dans 
certains  cas  pathologiques  où  il  c^t  nécessaire  d'opérer'des  mensura- 
tions précises  ;  il  faut  recourir  alors  aux  méthodes  et  aux  instruments 
perfectionnés  dont  il  sera  question  dans  l'étude  séméiologique  de  la 
poitrine. 

Aux  caractères  essentiels,  énumérés  ci-dessus,  qui  représentent  les  con- 
ditions fondamentales  d'une  conformation  normale  de  la  poitrine,  Walshe 
en  joint  certains]  autres,  qui,  bien  qu'étant  d'une  importance  moindre, 
n'en  sont  pas  moins  intéressants  à  connaître.  Réunis  chez  le  même  indi- 
vidu, ils  constituent  l'idéal,  rarement  réalisé,  d'une  conformation  absolu- 
ment régulière.  Dans  les  cas  de  ce  genre,  les  deux  côtés  de  la  poitrine 
sont  symétriques  dans  leur  ensemble  et  dans  leurs  diverses  régions;  les 
régions  sous-claviculaires  présentent  une  légère  convexité;  la  région  ster- 
nale  inférieure  est  creuse  dans  une  mesure  qui  varie  avec  la  vigueur  indi- 
viduelle ;  les  angles  formés  par  l'union  des  fausses  côtes  à  l'axe  antérieur 
sont  sensiblement  égaux;  les  plans  latéraux  sont  à  égale  distance  de  l'axe 
médian  vertical;  les  mamelons  sont  à  la  même  hauteur,  c'est-à-dire  au 
niveau  de  la  quatrième  côte  ou  du  quatrième  espace  intercostal.  Si  l'on 
examine  la  poitrine  par  derrière,  on  constate  que  les  épaules  sont  sur  le 
même  niveau;  la  colonne  vertébrale  est  parfaitement  droite  ou  offre,  vers 
son  milieu,  une  légère  inclinaison  vers  le  côté  droit;  enfin  le  sillon  verté- 
bral est  modérément  concave  de  haut  en  bas,  ut  il  est  plus  ou  moins  creux 
suivant  que  l'individu  est  maigre  ou  chargé  d'embonpoint. 

Comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  il  est  assez  rare  de  trouver  une 
poitrine  qui  réunisse  tous  ces  caractères.  L'absence  de  quelques-uns  de 
ceux  que  nous  venons  d'énumérer  ne  constitue  pas  un  vice  de  conformation 
proprement  dit.  Aussi  n'est-il  pas  facile  de  déterminer  exactement  le  point 
où  celui-ci  commence.  Pour  les  uns,  c'est  un<-.  question  de  degré,  tandis  que 
les  autres  invoquent  la  présence  ou  l'absence  de  troubles  concomitants  de 
la  santé.  Ainsi,  dès  1858,  Woillez  qui,  l'un  des  premiers,  avait  approfondi 
la  question,  divisait  les  hétéromovpliies  de  la  poitrine  en  physiologiques 
et  pathologiques  ;  les  premières  étant,  pour  lui,  de  simples  particularités 
de  conformation  qui  rendent  la  poitrine  insymétrique  sans  compromettre 
en  jrien  la  santé,  les  autres  se  rattachant,  au  contraire,  manifestement  à 
l'état  morbide.  L'importance  pratique  d'une  pareille  distinction  est  incon- 
testable ;  mais,  quand  on  voit  que  des  déformations  thoraciques  considé- 
rables, consécutives  «à  des  déviations  vertébrales,  par  exemple,  coïncident 
souvent  avec  une  santé  générale  satisfaisante,  ouest  obligé  de  reconnaître 


PdlTIUNIi. 


—  ANOMALIES   ET  VICES  DE  CONFORMATION. 


647 


que  la  pathologie  fournit  ici  une  base  peu  solide  aux  classifications  anato- 
miques. 

Considérées  en  elles-mêmes,  et  abstraction  l'aile  de  leur  valeur  sérnéio- 
tique,  les  déformations  du  thorax  présentent  une  infinie  variété.  Tantôt 
on  remarque  une  dilatation  générale  de  l'un  des  côtés  ou  une  saillie 
plus  ou  moins  prononcée  d'une  région  circonscrite.  Tantôt  on  observe  des 
étals  entièrement  opposés  aux  précédents  :  rétraction  plus  ou  moins 
étendue  d'une  moitié  ou  dépression  partielle.  D'autres  fois,  on  ne  cons- 
tate qu'une  élévation  ou  un  abaissement  anormal  de  l'omoplate,  de  cer 
taines  côtes  ou  du  mamelon.  Les  changements  de  courbures  et,  à  for 
tiori,  les  distorsions  constituent  un  groupe  de  déviations  beaucoup  plus 
accusées.  Enfin,  certaines  altérations  communes  ont  reçu  des  noms  par- 
ticuliers; telles  sont,  par  exemple,  les  poitrines  dites  de  poulet,  de  pige  on 
on  en  bréchet,  caractérisées  par  un  aplatissement  des  deux  plans  la  té- 
raux  avec  saillie  prononcée  du  sternum  en  avant. 

11  est  bien  rare  que  les  altérations  de  la  forme  du  thorax  soient  c  ongé- 
nitales;  elles  peuvent  apparaître  à  toutes  les  époques  de  l'exislence; 
mais,  en  dehors  de  l'état  de  maladie,  elles  se  produisent  surtout  pendant 
la  période  du  développement  où  les  parties  osseuses  subissent  si  facile- 
ment des  modifications  de  tout  genre.  En  dehors  du  contingent  qu'y 
apportent  les  maladies,  bien  d'autres  causes  entrent  en  action  ;  les  habi- 
tudes ordinaires  de  la  vie,  les  vêlements,  les  professions,  les  attitudes 
vicieuses,  etc.,  tels  sont,  pour  la  production  des  déformations  thoraci- 
ques,  les  facteurs  multiples  dnnt  les  effets  souvent  combinés  semblent, 
dans  beaucoup  de  cas,  compatibles  avec  l'intégrité  au  moins  apparente  de 
la  santé. 

Ainsi,  la  prépondérance  d'usage  du  membre  supérieur  droit  coïncide 
avec  une  prédominance  très-fréquente  du  développement  du  côté  corres- 
pondant du  thorax.  Cette  asymélrie,  sur  laquelle  Woillcz  a,  le  premier, 
attiré  l'attention,  se  rencontre  si  souvent  <|u'on  a  fini  par  la  considérer 
comme  l'état  normal.  11  en  résulte  que,  dans  l'état  de  maladie,  si  l'on 
compare  les  deux  moitiés  du  périmètre  thoracique,  une  différence  do 
quelques  centimètres  constatée  en  faveur  du  côté  droit  aura  (sauf  le  cas 
où  l'individu  serait  gaucher),  une  valeur  diagnostique  infiniment  moindre 
qu'une  différence,  même  très-peu  accusée,  en  faveur  du  côté  gauche. 

Les  pressions  variées,  qui,  dans  certaines  professions,  s'exercent  sur 
tel  ou  tel  point  des  parois  thorneiques,  y  impriment,  en  quelque  sorte, 
leurs  traces  ;  de  là  des  déformations  particulières  qui  peuvent  fournir 
quelques  données  à  la  médecine  légale. 

Chez  la  femme,  il  n'est,  peut-cire,  pas  de  cause  qui  joue  un  rôle  aussi 
important  que  l'usage  abusif  d'un  corset  trop  serré.  Cette  partie  du  véte- 
;  ment  scmhle  avoir  pour  but  de  lutter  contre  la  forme  naturelle  du  tho- 
rax. Disposé  et  serré  de  manière  à  arrondir  la  taille  et  à  la  faire  aussi  fine 
i  que  possible,  le  corset  lend,  en  effet,  à  rendre  le  diamètre  transverse  de 
la  poitrine  égal  au  diamètre  antéro-postérieu'  et  à  réduire  sa  partie 
naturellement  la  plus  évasée.  Les  entraves  qu'il  apporte  au  jeu  régulier 


648  POITRINE.  —  physiologie. 

des  agents  mécaniques  de  la  respiration  peuvent  rester  longtemps  inaper- 
çues; il  n'en  résulte  pus  moins  une  altération  lente  et  peu  à  peu  perma 
nente  de  la  l'orme  des  parois  et  des  organes  eux-mêmes,  et  souvent,  des 
troubles  réels  des  fonctions  de  circulation  et  de  respiration  dont  il  faut 
tenir  compte. 

Les  déformations  d'origine  pathologique  constituent  deux  groupes 
principaux. 

Les  unes  proviennent  d'affections  propres  des  organes  tlioraciques  ou 
des  parois.  A  ce  groupe  appartiennent  la  voussure  précordiale,  caractéris- 
tique de  certaines  affections  du  péricarde  ou  du  cœur;  les  voussures  par 
usure  ou  perforation  de  la  paroi,  dues  au  développement  d'un  anévrysme 
de  l'aorte  thoracique  ou  du  tronc  brachio-céphalique  ;  la  dilatation  géné- 
rale du  thorax  progressivement  amenée  par  l'emphysème  vésiculaire  ; 
l'ampliation  de  l'une  des  cavités  pleurales  par  les  épanchements  de  toute 
sorte  et  la  rétraction  caractéristique  qui  peut  en  être  la  conséquence,  etc., 
etc.  On  peut  y  ranger  encore  les  tumeurs  de  toute  nature,  solides  et  li- 
quides qui  ont  leur  siège  dans  les  parois,  les  saillies  que  viennent  faire,  à 
l'extérieur,  les  tumeurs  du  médiastin,  sans  compter  les  affections  propres 
de  la  mamelle  qui  constituent  une  catégorie  à  part. 

On  peut  faire  un  deuxième  groupe  des  déformations  tlioraciques,  d'un 
caractère  plus  général,  qui  ont  leur  point  de  départ  soit  dans  les  dévia- 
tions de  la  colonne  vertébrale,  soit  clans  l'une  de  ces  diathèses  dont  l'in- 
fluence s'exerce  sur  l'ensemble  du  système  osseux.  (Voy.  Ostéomalacie, 
Rachitisme,  Rachis.) 

Nous  devons  nous  borner  ici  à  une  simple  énumération.  La  descrip- 
tion des  divers  ordres  d'hétéromorphies  que  nous  venons  de  men- 
tionner appartient  soit  à  la  séméiologie  de  la  poitrine,  soit  aux  articles 
spéciaux  consacrés  à  certaines  maladies  ou  à  la  pathologie  de  chaque 
organe. 

Physiologie.  —  Le  thorax  a  des  usages  multiples  :  1°  il  protège 
contre  les  violences  extérieures  les  organes  contenus  dans  sa  cavité; 
1"  il  est  le  siège  des  mouvements  alternatifs  de  dilatation  et  de  resserre- 
ment qui  produisent  le  renouvellement  incessant  de  l'air  dans  les  pou- 
mons; 5°  il  sert  de  point  d'appui,  lorsqu'il  réalise  certaines  conditions 
de  fixité  relative,  à  des  groupes  musculaires  nombreux  qui  concourent  à 
des  mouvements  très-variés  mais  régis  par  un  mécanisme  commun,  qu'on 
désigne  sous  le  nom  d'effoiH. 

Les  deux  derniers  ordres  de  faits  ont  un  point  de  contact;  ils  se  rat- 
tachent, les  uns  et  les  autres,  à  la  fonction  de  la  respiration.  Les  mou- 
vements de  dilatation  et  de  retrait  du  thorax  appartiennent  aux  phéno- 
mènes mécaniques  de  la  respiration,  cl  seront  naturellement  étudiés 
avec  cette  fonction  envisagée  dans  son  ensemble.  (Voy.  Résiliation).  Les 
mouvements  extrinsèques  auxquels  concourent  les  muscles  qui  prennent 
leur  point  fixe  sur  le  thorax,  exigent,  comme  condition  initiale,  une  mo- 
dification spéciale  des  mouvements  respiratoires,  et  c'est  ainsi  qu'ils  se 
rattachent  à  ces  derniers.  Il  en  résulte  que,  tout  en  prenant  part  à  des 


POITRINE.  —  piiysiologik.  649 

fonctions  très-variées ,  ils  présentent  des  caractères  communs,  dont 
l'étude  a  l'ail  l'ohjet  d'un  article  spécial  (Voy:.  Effort,  t.  XII,  p.  425.) 

jN'ous  n'avons  donc,  ici,  à  examiner  le  thorax  qu'au  point  de  vue  de  la 
protection  qu'il  fournit  aux  organes  contenus  dans  sa  cavité,  c'est-à-dire, 
dans  ses  conditions  de  résistance  aux  agents  vulnérants.  Les  condi- 
tions varient  suivant  la  nature  de  ces  derniers.  S'il  s'agit  d'instru- 
ments piquants  ou  tranchants,  doués  d'une  faible  quantité  de  mou- 
vement, ils  rencontrent  dans  le  sternum,  les  côtes  et  surtout  les  vertèbres 
dorsales,  une  résistance  suffisante  pour  prévenir  leur  pénétration  dans  la 
cavité;  les  espaces  intercostaux,  au  contraire,  leur  ouvrent  une  voie  fa- 
cile. Lorsque  la  quantité  de  mouvement  joue  le  rôle  prépondérant,  soit 
qu'il  s'agisse  d'un  choc  ou  d'une  chute,  le  thorax  oppose,  par  la  multi- 
plicité des  pièces  qui  le  composent,  par  leur  élasticité,  par  leur  dispo- 
sition arciforme,  et  grâce  enfin  au  voisinage  des  membres  supérieurs, 
des  conditions  de  résistance  et  de  solidité  qui  varient,  d'ailleurs,  dans  ses 
diverses  parois.  Il  est,  à  peine,  besoin  d'insister  sur  les  éléments  de  pro- 
tection que  nous  venons  d'énumérer.  La  multiplicité  des  pièces  osseuses 
et  de  leurs  articulations  décompose  les  chocs  subis  par  les  parois  et  en 
affaiblit  l'intensité  ;  l'élasticité  des  parties  leur  permet  de  céder  dans 
une  certaine  mesure  sans  se  rompre  ;  leur  disposition  arciforme  les  fait 
résister,  à  la  manière  des  voûtes;  la  clavicule  garantit  le  sommet  du  tho- 
rax en  avant;  l'omoplate  et  les  masses  musculaires  voisines  protègent  le 
plan  postérieur  ;  le  bras,  dans  la  position  verticale,  couvre  une  partie 
du  plan  latéral,  l'avanl-hras  demi-lléchi,  une  partie  du  plan  antérieur; 
enfin,  dans  certains  cas,  le  membre  tout  entier  entre  en  action  pour  dé- 
tourner les  agents  vulnérants. 

11  suit  nécessairement  de  là  que  les  divers  points  des  parois  thora- 
ciques  offriront  des  degrés  de  résistance  inégaux,  dus  à  leurs  différences 
de  structure.  Ainsi,  la  paroi  postérieure  l'emporte  sur  les  autres,  grâce 
à  la  présence  des  vertèbres,  à  la  solidité  des  articulations  coslo-vcrté- 
brales  et  enfin  à  la  protection  fournie  par  l'omoplate  elles  muscles  delà 
région.  En  avant,  le  sternum  résiste  aux  pressions  extérieures,  à  la  ma- 
nière d'une  voûte  soutenue  par  quatorze  arcs-boutants  représentés  par 
les  côtes  sternales  et  les  cartilages  correspondants.  Les  parois  latérales 
agissent  par  le  même  mécanisme.  Elles  forment  aussi  une  sorte  de  voûte 
dont  toutes  les  pièces  s'appuient  en  arrière  sur  le  raehis,  en  avant  sur 
le  sternum.  Tout  choc  qui  porte  sur  une  certaine  étendue  de  la  paroi 
latérale  y  rencontre  donc  une  résistance  équivalente  à  celle  que  lui  op- 
poserait la  paroi  slcrnale;  mais,  si  l'effort  se  concentre  sur  un  petit 
nombre  d'arcades,  et,  à  plus  forte  raison,  sur  une  seule,  il  produit  un 
redressement  brusque  de  la  courbure  des  cotes,  et,  lorsque  la  limite 
d'élasticité  de  ces  dernières  est  dépassée,  il  en  résulte  une  fracture.  Les 
pressions  qui  s'exercent  sur  le  sternum  se  répartissent  généralement,  au 
contraire,  sur  l'ensemble  des  piliers  de  la  voûte  dont  il  peut  être  consi- 
déré comme  la  clef.  Dans  l'un  comme  dans  l'autre  cas,  l'inclinaison  des 
côtes  et  leur  mobilité  constituent  deux  conditions  défavorables  à  l'éncr- 


630  POITRINE.  —  séméiologie. 

gie  de  la  résistance;  pour  que  celle-ci  soil  efficace,  il  faut  que  les  arcs 
osseux  soient  relevés  et  maintenus  lixes.  Ce  rôle  appartient  aux  muscles 
inspirateurs  que,  pour  ce  motif,  on  a  considérés  comme  des  arcs-bou- 
tants  actifs.  11  suffit,  pour  vérifier  le  fait,  île  s'observer  soi-même  et  de 
remarquer  l'attitude  instinctive  que  nous  donnons  aux  parois  thoraci- 
ques  lorsqu'une  violence  extérieure  les  menace. 

L.  Merlin. 

Séméiologie.  —  La  poitrine  offre  un  intérêt  exceptionnel  smis  le 
rapport  séméiologique.  C'est  pour  la  poitrine  qu'on  a  imaginé  une  foule 
de  procédés  d'exploration,  tels  que  V  nu  seul  talion,  la  percussion,  ln 
spir'ométrie,  la  cardiographie,  etc.,  etc.  (Voy.  ces  mots,  t.  IV,  VI  et 
XXVI),  qui  jouent  un  si  grand  rôle  dans  la  clinique  de  notre  temps.  Nous 
diviserons,  d'ailleurs,  notre  sujet  de  la  manière  suivante  :  1°  des  règles 
à  suivre  dans  l'examen  clinique  de  la  poitrine;  2°  de  l'examen  clinique 
île  la  poitrine  considéré  en  lui-même  ;  5°  revue  séméiologique  ries  affec- 
tions de.  la  poitrine. 

I.  Des  hegi.es  a  suivre  dans  l'examen  clinique  de  la  poitrine.  —  Il 
existe  des  règles  qui  sont  applicables  à  toutes  les  méthodes  d'exploration 
de  la  poitrine,  et  d'autres  pour  chacune  d'elles  en  particulier  :  les  pre- 
mières vont  seules  nous  occuper,  les  secondes  étant  mieux  à  leur  place 
dans  le  cas  échéant. 

L'attention  du  médecin  étant  ordinairement  appelée  du  côté  de  la  poi- 
trine par  quelque  sensation  douloureuse  qu'accuse  le  malade,  son  pre- 
mier soin  sera  de  bien  préciser  le  siège  de  la  douleur  :  c'est  là  un  com- 
mencement de  localisation,  idée  qui  devra  dominer  tout  l'examen  clinique 
de  la  région.  Nous  ferons  la  part  de  cet  élément  dans  nos  recherches  ulté- 
rieures. 

Le  précepte  suivant  conduit  à  Yinspeclion  de  la  poitrine,  qui  exige  la  mise 
à  nu  de  la  partie,  pour  l'explorer  dans  son  ensemble  et  dans  ses  détails, 
pour  déterminer  les  rapports  de  ses  divisions  topographiques,  pour  ana- 
lyser [ses  mouvements  normaux  ou  anormaux,  etc.  Cette  nécessité  s'im- 
pose, non-seulement  pour  la  simple  inspection  en  elle-même,  mais  encore 
pour  la  palpation,  la  mensuration,  la  percussion,  et  même  l'auscultation. 
Si  quelque  concession  peut  être  faite  à  cet  égard,  c'est  uniquement  en 
faveur  de  certaines  répugnances  individuelles,  parmi  lesquelles  il  Faul 
surtout  citer  celle  de  Laenncc,  qui  fut  si  opiniâtre;  pour  pratiquer 
l'examen  du  malade  plutôt  que  les  convenances,  malgré  l'interposition 
d'un  vêtement*  La  dignité  du  médecin  et  la  pureté  de  ses  intentions 
devront  faire  taire  les  objections  de  la  pudeur  dans  les  cas  où  celle-ci 
suscite  quelque  résistance. 

Maintenant  le  problème  à  résoudre  consiste  à  lire  au  travers  des  parois 
de  la  poitrine,  et  à  rapporter  la  lésion  probable  de  l'organe  inclus  a 
quelque  point  de  repère  choisi  sur  la  surface  extérieure.  Cette  préoccu- 
pation topographique  a  exercé  dès  longtemps  certains  esprits.  11  faut  voir 
dans  les  lignes  plessimélriques  de  Piorry  une  première  tentative  de  ce 


POITRINE. 


—  SÉMÉIOLOGIE. 


genre  de  localisalion,  et  l'une  des  plus  rigoureuses,  puisque  ce  sont  des  sail- 
lies peu  susceptibles  de  variations  de  siège  qui  servent  de  base  au  système 
organograpbique  de  notre  auteur.  Il  n'est  pas  jusqu'aux  dénominations 
adoptées  pour  désigner  ces  lignes,  qui  ne  puissent  nous  servir,  car  elles 
sont  exprimées  par  les  points  extrêmes  entre  lesquels  elles  sont  tirées. 
Or,  toute  localisation  se  trouve  définie  par  ses  rapports  avec  deux  de  ces 
lignes,  susceptibles  de  s'entrecroiser,  l'une  comme  ordonnée,  et  l'autre 
comme  abscisse.  Nous  verrons  comment  ce  procédé  a  été  utilisé. 

On  a  également  recherché  quels  étaient,  dans  les  conditions  normales, 
les  rapports  des  organes  thoraciques  avec  les  parois  de  la  cavité  qui  les 
renferme,  afin  de  mieux  se  rendre  compte  du  point  affecté  dans  l'état 
morbide.  Francis  Sibson  (1848)  a  établi  avec  le  plus  grand  soin  cette 
topograpbie  de  la  poitrine  et  des  viscères  qu'elle  recouvre.  Il  note  d'abord 
les  saillies  et  les  dépressions  qui  se  voient  chez  un  homme  robuste  et 
bien  portant;  puis  il  recherche  comment  ces  saillies  et  ces  dépressions 
peuvent  guider  dans  la  détermination  des  organes  qui  sont  au-dessous. 
Voici  quelques-uns  des  résultais  qui  lui  paraissent  acquis  : 

«  Le  sternum  est  la  clef  de  la  position  des  poumons  et  du  cœur;  il  est 
le  centre  vers  lequel  convergent  les  principales  côtes. 

«  Si  l'on  place  le  doigt  sur  l'extrémité  inférieure  du  sternum,  on  se 
trouve  exactement  au-dessus  du  bord  inférieur  du  poumon  droit  et  des 
limites  inférieures  du  cœur. 

«  Si  l'on  tire  une  ligne  perpendiculaire  sur  le  milieu  du  sternum, 
cette  ligne  laisse,  à  droite,  le  poumon  droit  tout  entier,  et  à  gauche,  le 
poumon  gauche  et  la  portion  du  cœur  qui  n'est  pas  couverte  par  ce 
poumon. 

«  Enfin,  si  l'on  place  le  doigt  sur  le  quatrième  cartilage  du  côté 
gauche,  le  poumon  gauche  est  au-dessus  du  doigt  et  la  portion  du  cœur 
non  recouverte  par  le  poumon  au-dessous. 

«  Étant  donnée  l'extrémité  inférieure  du  sternum,  le  poumon  droites! 
au-dessus  et  adroite;  le  cœur,  au-dessus  et  à  gauche  de  ce  point,  pendant 
que  le  foie  est  au-dessous  et  à  droite,  et  au-dessous  et  à  gauche,  mais  à 
une  plus  grande  profondeur,  l'orifice  cardiaque  de  l'estomac.  »  (Sibson, 
Londotl  médical  Gazelle,  1848>  uew  séries,  vol.  Vf,  p.  558.) 

Ce  même  auteur,  que  nous  ne  suivrons  pas  dans  tous  les  détails  d'ana- 
tomie  topographique  qu'il  aborde,  propose  une  nouvelle  classification  des 
régions  de  la  poitrine,  basée  précisément  sur  les  rapports  des  organes 
intérieurs  avec  les  parois.  Il  admet  trois  régions  simples  et  cinq  régions 
composées.  Les  régions  simples  comprennent  les  deux  régions  pulmo- 
naires et  la  région  cardiaque.  Les  régions  composées  sont  celles  dans 
lesquelles  les  organes  sont  superposés;  ce  sont  :  la  région  pulmo-hépa- 
tique,  la  légion  pulmo-gastrique,  les  deux  régions  pulmo-cardiaques. 
droite  et  gauche,  et  la  région  pulmo-vasculaire,  où  les  gros  vaisseaux 
sont  cachés  par  le  poumon.  Nous  n'avons  pas  à  donner  les  limites  exactes 
et  les  rapports  de  ces  diverses  régions  :  l'anatomie  nous  les  enseigne  à 
l'état  normal  ;  et,  si  la  maladie  est  susceptible  d'en  modifier  les  conditions 


652 


l'OlïKINE.    SÉMÉIOLOGIK. 


dans  une  certaine  mesure,  on  ne  doit  pas  perdre  de  vue  ce  qui  esL  acquis 
olie/.  l'homme  sain,  pour  se  diriger  au  lil  du  malade. 

La  forme  et  les  dimensions  de  la  poitrine  ont  été  appréciées  par  la 
plupart  des  observateurs  qui  ont  écrit  sur  les  affections  des  organes  tho- 
raciques. Parmi  eux  nous  citerons  tout  particulièrement  Walter  H.  Walshe 
(1870),  qui  a  étudié  le  sujet  parallèlement  dans  l'état  de  santé  et  dans 
l'état  de  maladie;  puis  suivant  les  âges,  les  sexes,  les  professions,  etc. 
Les  résultats  sont  acquis  avec  les  divers  modes  d'exploration  en  usage  : 
la  palpation,  la  percussion,  l'auscultation,  la  mensuration,  etc.;  et  aussi 
en  se  mettant  au  point  de  vue  du  jeu  de  la  respiration,  dont  il  analyse  le 
rhythme  et  la  force.  Nous  aurons  à  utiliser  ces  faits. 

Le  complément  naturel  de  ces  données  anati -niques  et  physiologiques 
se  trouve  dans  une  méthode  plus  ou  moins  rigoureuse  de  localisation  des 
lésions  et  des  phénomènes  thoraciques,  qui  nous  est  fournie  par  A.  Ran- 
some  (1870),  et  qui  sert  de  hase  à  tout  unensemhle  de  recherches  stétho- 
métriques.  Ce  n'est  pas  la  première  fois,  dit  l'auteur,  qu'on  a  tenté  de 
rapporter  les  diverses  particularités,  relevées  dans  l'examen  de  la  poitrine, 
à  certains  points  de  repère  ou  de  convention  visihles  à  l'extérieur  de  celte 
cavité;  et  tout  le  premier,  il  indique  le  diagram-figure  de  Fairbank, 
comme  pouvant  recevoir  cette  application.  L'instrument  consiste  en  une 
petite  plaque  de  cuivre  découpée  de  façon  à  figurer  le  tronc,  et  qui  permet 
d'en  reproduire  la  figure  sur  le  papier  en  suivant  ses  contours  avec  un 
crayon.  On  obtient  ainsi  une  sorte  de  schéma  sur  lequel  on  inscrit,  au 
double  point  de  vue  du  siège  et  de  l'étendue,  le  détail  séméiologique, 
dont  on  peut  ensuite  contrôler  les  transformations  en  plus  ou  en  moins. 

L'instrument  de  A.  Ransome  s'appelle  le  Chesl-rule  (règle  de  poitrine). 
Il  consiste  en  un  fil  d'acier  mince  et  étroit,  disposé  en  parallélogramme 
rectangulaire,  de  G  pouces  de  long  sur  5  de  large  (mesure  anglaise),  et 
divisé  en  18  carrés  ayant  juste  1  pouce  de  côté.  En  raison  de  sa  flexibilité, 
on  peut  facilement  l'appliquer  et  le  mouler  sur  la  surface  de  la  poitrine. 
Comme  point  de  repère,  dans  le  sens  transversal,  on  prend,  en  avant,  la 
ligne  médiane  du  sternum,  et,  en  arrière,  la  colonne  vertébrale;  tandis 
que,  de  haut  en  bas,  on  l'applique  successivement  autant  de  fois  que  cela 
est  nécessaire.  Quant  au  phénomène  à  noter,  on  le  rapporte  à  tel 'ou  tel 
carré  désigné  par  un  numéro;  ou  bien  à  l'intersection  de  deux  lignes, 
horizontale  et  verticale,  correspondantes.  Le  cliest-ntle  parait  surtout 
utile  pour  fixer  le  siège  des  bruits  du  cœur  et  les  points  où  on  les  entend 
à  leur  maximum.  11  sert  aussi  à  déterminer  le  point  de  départ  des  ané- 
vrysmes  thoraciques,  les  limites  des  signes  physiques  dans  la  phlhisie, 
dans  la  pleurésie,  etc. 

On  doit  également  à  Lasègue  (1870)  un  procédé  de  topographie  pour 
l'auscultation  de  la  poitrine,  et  qui  peut  aussi  servir  à  fixer  les  autres 
détails  d'exploration.  Ce  sont  deux  ligures  schématiques  tracées  par 
Vigroux,  et  représentant,  l'une  la  partie  antérieure,  l'autre  la  partie  pos- 
térieure du  thorax.  Les  points  de  repère  essentiels  y  sont  indiqués,  et 
l'origine  des  côtes  est  marquée  de  manière  à  pouvoir  en  faire  le  décompte. 


POITRINE.  —  séméiologie.  G55 

Les  phénomènes  d'auscultation  et  de  percussion  seront  notés,  les  premiers 
avec  le  crayon  bleu,  les  seconds  avec  le  crayon  rouge.  Lasèguc  compare 
avec  raison  ces  figures  à  des  cartes  muettes  sur  lesquelles  on  doit  non- 
seulement  inscrire  par  un  signe  le  point  maximum  des  bruits  anormaux; 
mais,  à  l'aide  de  teintes  plus  ou  moins  foncées,  en  rappeler  l'étendue  et 
la  décroissance  ou  la  brusque  cessation. 

On  conçoit  d'autres  systèmes  de  localisation  tboracique  ;  et  chacun  peut 
à  cet  égard  s'en  créer  quelqu'un  qui  soit  conforme  à  ses  habitudes.  Pour 
notre  part,  celui  que  nous  avons  adopté,  et  qui  nous  semble  le  plus  com- 
mode, n'est  autre  que  celui  des  divisions  superficielles,  qui  partagent 
extérieurement  la  poitrine  en  autant  de  régions  distinctes,  et  qui  se 
trouvent  énumérées  dans  la  partie  anatomique  de  cet  article.  Et  l'on  peut 
toujours  être  compris,  lorsqu'on  dit  que  tel  bruit  se  fait  entendre  sous  la 
clavicule,  dans  l'une  des  lbsses  sus  ou  sous-épineuses,  dans  l'espace 
scapulo-vertébral,  dans  le  creux  axilaire,  sous  le  mamelon  droit  ou 
gauche,  etc.  Quant  à  la  topographie  du  cœur,  elle  ne  saurait  cire  établie 
dans  ses  détails  qu'après  avoir  préalablement  déterminé  les  rapports  géné- 
raux de  l'organe;  alors  les  bruits  normaux  et  anormaux  sont  rattachés 
soit  à  la  pointe,  soit  à  la  base,  et  ne  reçoivent  de  signification  précise  que 
lorsqu'on  est  parvenu  à  reconnaître  ces  relations. 

Il  est  facile  de  comprendre  que  V attitude  du  sujet  joue  un  certain  rôle 
dans  l'exploration  que  l'on  fait  de  sa  poitrine,  et  que  l'on  peut  par  ce 
moyen  aider  au  résultat  cherché.  Pour  ce  qui  est  des  poumons,  on  doit  à 
J.-M.  Corson  (1859)  un  travail  sur  les  diverses  positions  qu'il  est  bon  de 
donner  aux  épaules  pour  faciliter  l'examen.  Voici  les  cinq  positions  prin- 
cipales qu'il  distingue  : 

Première  position.  —  L'un  des  avant-bras  est  porté  sur  le  dos,  l'autre 
pendant  le  long  du  corps.  Dans  ces  conditions,  le  son  de  percussion  est 
augmenté  sous  la  clavicule  du  côté  qui  est  tendu  antérieurement. 

Deuxième  position.  —  Le  poignet  gauche  est  tenu  de  la  main  droile 
derrière  les  reins.  La  résonnance  à  la  percussion  est  augmentée  dans 
toute  la  partie  antérieure  de  la  poitrine. 

Troisième  position.  —  Les  bras  sont  portés  derrière  la  téte,  les  mains 
les  saisissant  près  des  coudes.  Les  omoplates  sont  élevées  de  cette  façon, 
et  les  muscles  sont  amincis.  On  reconnaîtrait  ainsi  plus  facilement  une 
pleurésie  diaphragmatique. 

Quatrième  position.  — On  croise  les  bras  en  avant,  on  se  penche  légè- 
rement en  avant  ;  on  accroche  les  mains  près  des  fausses  côtes,  et  on  fait 
un  effort  pour  élever  les  côtes.  Les  épaules  s'écartent  en  arrière,  les 
muscles  s'amincissent,  et  l'oreille  entend  mieux  ce  qui  se  passe  au  sommet 
du  ponmon. 

Cinquième  position.  —  On  croise  ses  bras  en  avant,  et  on  saisit  de 
chaque  main  le  moignon  de  l'épaule  du  côté  opposé  pour  le  tirer  forte- 
ment en  avant.  L'intensité  des  bruits  respiratoires  normaux  se  trouverait 
augmentée  du  double. 

Les  conditions  d'altitude  pour  l'exploration  du  cœur  sont  assez  con- 


654  POITRINE.  —  sésibiouigib. 

nues.  Il  suffît  de  consulter  à  cet  égard  les  articles  d'auscultation  et  de 
percussion;  et  de  bien  se  pénétrer  de  ce  fait,  que  le  cœur  se  porte  dans 
le  sens  vers  lequel  on  se  penche.  Pour  la  palpation,  comme  pour  l'auscul- 
tation, la  position  la  plus  favorable  est  celle  dans  laquelle  le  malade  est 
■sur  son  séant,  légèrement  penebé  en  avant.  Le  décubitus  dorsal  est  iné- 
vitable pour  pratiquer  la  percussion  du  cœur;  cl  ce  n'est  pas  l'une  des 
raisons  les  moins  importantes,  qui  enlève  à  ce  genre  d'examen  pour  le 
cas  actuel  Loute  précision  et  toute  valeur.  (Voy.  Percussion,  p.  537.) 

Dans  ce  qui  précède,  l'exploration  de  la  poitrine  est  faite  au  point  de 
vue  statique;  mais  il  y  a  lieu  également  de  voir  ce  qui  se  passe,  lorsque 
les  fonctions  sont  en  jeu,  et  que  la  cage  tboracique  est  en  mouvement  ;  cl 
comment  on  doit  s'y  prendre  pour  apprécier  les  phénomènes  dynamiques 
propres  à  cette  région. 

Tantôt,  en  effet,  on  se  contente  d'observer  passivement  les  actes  Blé- 
paniques  dont  on  est  témoin  ;  et  tantôt  on  intervient  pour  les  varier,  les 
mesurer,  ou  les  inscrire,  etc. 

Dans  le  premier  cas,  par  exemple,  on  analyse  les  mouvements  respira- 
toires, on  les  compte,  on  détermine  leur  rhylhme,  on  apprécie  leur 
ampleur.  On  peut  même,  appliquant  l'oreille  sur  la  poitrine,  entendre  les 
bruits  qui  les  accompagnent,  sans  sortir  de  l'état  de  passivité  :  c'est  faire 
de  l'auscultation.  De  même,  pour  le  cœur,  on  reconnaît  l'impulsion  qu'il 
communique  autour  de  lui,  par  la  vue,  le  toucher  et  l'ouïe  ;  on  mesure  le 
rhythme  de  ses  battements  et  la  fréquence  de  leur  retour;  on  entend  les 
bruits  normaux,  et  aussi  les  bruits  anormaux  qui  couvrent  parfois  les 
premiers  ou  les  remplacent. 

Dans  l'autre  cas,  on  fait  acte  d'intervention,  lorsqu'on  dit  au  malade 
d'accélérer  sa  respiration,  d'en  accoître  la  profondeur,  pour  amplifier 
certains  phénomènes  morbides;  et  même  quand  on  la  fait  suspendre, 
pour  que  ses  bruits  ne  viennent  plus  masquer  d'autres  bruits  :  ceux  du 
cœur,  par  exemple.  De  même  on  est  actif,  dans  le  fait  de  changer  la  situa- 
tion du  malade  pour  voir  si  le  niveau  d'un  épanchement  pleurétique  se 
déplace  en  même  temps  :  surtout  lorsqu'on  pratique  la  succussion  hippo- 
cratique;  et  encore,  lorsqu'on  opère  la  mensuration  circonférenlielle  do 
la  poitrine,  qu'on  mesure  la  quantité  de  l'air  en  circulation,  la  force  avec 
laquelle  il  se  meut;  et  enfin  quand  on  enregistre  avec  un  appareil  ad  lioc 
les  mouvements  thoraciques,  ou  ceux  de  la  colonne  d'air  inspiré  et  expiré. 

On  mesure  et  on  enregistre  de  même  les  mouvements  apparents  du 
«œur,  soit  presque  immédiatement  (cardiographie),  soit  médiatement  par 
l'étude  de  la  pulsation  artérielle  [sphygmographie).  Mais  il  faut,  chez 
l'homme  du  moins,  renoncer  à  recueillir  les  mouvements  du  sang  dans 
les  cavités  où  il  circule.  On  doit  en  juger  par  une  analyse  minutieuse  des 
tracés  obtenus  à  l'aide  de  quelqu'un  des  procédés  mentionnés  ci-dessus. 

Nous  compléterons  ce  sujet  en  disant  que  les  conditions  de  l'explora- 
tion de  la  poitrine  ont  été  réalisées  schématiquemenl  par  des  appareils, 
tels  que  le  Pneumonoscope  de  Collongues,  par  exemple  :  sorte  de  manne- 
quin destiné  à  faciliter  aux  élèves  l'étude  de  l'auscultation,  dont  il  peut 


POITIUNE.  —  sihiÉioi.oGiK.  655 

reproduire  les  principaux  phénomènes,  tout  en  en  révélant  le  mécanisme. 

H.  De  l'exames  clinique  de  la  poitrine  considéré  en  lui-même.  —  Cet 
examen  est  basé  sur  un  certain  nombre  en  méthodes  d'exploration  qu'on 
met  successivement  en  usage,  et  dont  l'énumération  doit  être  notre  pre- 
mier soin.  Il  comprend  :  l'appréciation  de  la  douleur  thoraçique,  de  la 
toux,  de  V expectoration,  l'inspection  de  la  poitrine,  la  palpation,  la 
percussion,  la  succussion,  V auscultation,  la  mensuration  circonfëren- 
iielle,  la  spiromélrie,  et  enfin  l'emploi  des  procèdes  graphiques,  imaginés 
surtout  au  point  de  vue  actuel. 

Parmi  ces  procédés  séméiologiques,  il  en  est  qui  appartiennent  à  des 
articles  distincts,  comme  Y  auscultation,  la  percussion,  la  cardiographie, 
l'examen  des  crachats,  V expectoration,  etc.  (Voy.  ces  mots),  et  dont  la 
description  se  trouve  faite  par  conséquent  :  nous  n'aurons  cà  y  faire  que 
de  rapides  allusions.  Quant  à  ceux  qui  ne  doivent  pas  être  l'objet  d'une 
«tude  séparée,  ils  vont  recevoir  les  développements  que  nécessite  leur  plus 
ou  moins  d'importance. 

\°  De  la  douleur  thoraçique,  ou  point  de  côté.  —  La  douleur,  loca- 
lisée sur  une  partie  quelconque  de  la  paroi  thoraçique,  est  l'un  des  sym- 
ptômes les  plus  fréquents  de  la  pathologie  ;  sa  signification  est  des  plus 
variées;  et  enfin  elle  n'est  pas  sans  avoir  par  elle-même  une  importance 
assez  grande  en  raison  des  troubles  fonctionnels  qu'elle  détermine.  Exami- 
nons-la dans  ses  causes,  dans  son  expression  et  dans  ses  résultats. 

Le  point  de  côté  se  montre  non-seulement  dans  les  maladies  propres 
<le  la  poitrine,  mais  encore  dans  certaines  affections  étrangères  à  cette 
région.  En  premier  lieu,  il  appartient  aux  contusions  du  thorax,  aux 
fractures  de  côtes,  à  la  névralgie  intercostale,  au  rhumatisme  musculaire 
(pleurodynie),  au  zona,  à  la  pleurésie  ;  à  la  pneumonie,  à  la  péricarditc, 
à  l'angine  de  poitrine,  aux  anévrysmes  de  l'aorte,  aux  diverses  dégéné- 
rescences soit  des  parois,  soit  des  organes  inclus,  etc.  Pour  ce  qui  est  des 
laits  de  la  seconde  catégorie,  mentionnons  les  douleurs  pariétales  de  la 
gastralgie,  de  l'ulcère  simple  de  l'estomac,  de  la  gastrite,  de  la  colique 
hépatique,  du  cancer  épigaslrique,  des  péritonites  localisées  de  la  partie 
supérieure  de  Palidomen,  etc.  Il  est  tout  naturel,  en  effet,  que  par  suite 
de  leur  proximité  les  viscères  thoraciques  et  abdominaux  confondent  sur 
les  mêmes  points  les  sensations  douloureuses  qu'éveillent  leurs  maladies  : 
de  là  résultent  des  difficultés  diagnostiques  que  nous  aurons  à  résoudre 
par  la  suite. 

Quant  à  l'expression  de  point  de  côté,  elle  n'implique  pas  forcément  que 
la  douleur  soit  latérale,  bien  que  ce  soit  le  cas  le  plus  ordinaire  de  beau- 
coup ;  elle  peut  aussi  se  faire  sentir  en  avant,  comme  le  point  épigas- 
trique,  par  exemple  ;  et  en  arrière,  sur  les  masses  musculaires  des 
gouttières  vertébrales,  et  sur  le  sommet  même  des  apophyses  épineuses. 
Mais,  il  faut  bien  le  dire,  la  douleur  ainsi  localisée  prend  ordinairement 
une  signification  précise;  et  le  vrai  point  de  côté  persiste  dans  sa  physio- 
nomie un  peu  banale  que  lui  valent  son  siège  réellement  latéralisé  et  son 
extrême  fréquence. 


056  POITRINE.  —  séméiologie. 

La  douleur  de  côté  apparaît  à  des  hauteurs  variables  sur  les  parois  de 
la  poitrine,  depuis  le  creux  sous-claviculaire  et  le  creux  axillaire,  en 
haut,  jusque  dans  l'épaisseur  des  parois  abdominales,  qui  ne  sont,  en 
somme,  que  le  prolongement  des  premières  par  tous  les  éléments  dont 
elles  sont  formées.  Elle  se  définit  ordinairement  par  le  rang  de  l'espace 
intercostal  auquel  on  peut  la  rapporler,  et  appartient  plutôt  au  segmenl 
antérieur  qu'au  segment  postérieur  du  thorax.  Du  reste  elle  peut  être 
multiple,  et  former  plusieurs  loyers  soit  dans  le  sens  vertical,  soit  sur  le 
trajet  intercostal.  Tantôt  le  mal  est  d'origine  musculaire,  comme  dans  la 
pleurodynie  proprement  dite;  tantôt  il  réside  dans  un  nerf,  qu'il  y  ail 
névrite  ou  névralgie.  Dans  le  premier  cas,  la  douleur  occupe  des  limites 
mal  définies  et  n'a  point  de  siège  fixe;  les  mouvements  et  la  pression  la 
rendent  intolérable.  Dans  la  névralgie,  au  contraire,  la  douleur  suit  for- 
cément le  trajet  déterminé  du  nerf  intercostal,  et  forme  certains  foyers 
connus,  l'un  en  arrière,  l'autre  latéral  et  le  troisième  en  avant.  Sur  ces 
points  seuls,  la  pression  exaspère  le  mal,  sans  que  les  mouvements  res- 
piratoires y  aient  aucune  pari. 

11  est  tout  naturel  qu'à  toute  affection  locale  des  parois,  corresponde 
une  douleur  fixée  au  même  niveau.  Il  faut  savoir  cependant  que,  lors- 
qu'il s'agit  d'un  cordon  nerveux  pris  dans  un  foyer  inflammatoire  ou  de 
dégénérescence  organique,  la  douleur  se  fait  d'abord  sentir  en  cette  par- 
tie, et  aussi  sur  quelques  points  définis  de  son  parcours  et  notammen- 
vers  sa  terminaison.  Telle  est  l'explication  du  point  de  côté  dans  la  pleu- 
résie, que  Beau,  entre  autres,  a  mis  sur  le  compte  d'une  névrite  intercostale 
sous-pleurale,  et  qui  apparaît  surtout  en  avant,  bien  que  le  nerf  lui-même 
ne  puisse  être  affecté  et  participer  à  l'inflammation  de  la  plèvre,  que  dans 
sa  partie  postérieure,  et  sur  un  plan  toujours  plus  élevé  que  le  lieu  de  son 
épanouissement.  Le  point  de  côté  de  la  pneumonie  dépond  bien  plutôt 
d'une  pleurésie  partielle  concomitante  que  du  poumon  lui-même,  dont  la 
sensibilité  à  la  douleur  est  peu  développée,  et  reçoit  par  conséquent  une 
interprétation  analogue. 

Si  l'on  cherche  à  classer  la  douleur  de  côté  ou  thoracique  en  général, 
d'après  ses  origines,  on  trouve,  d'abord,  le  point  àecàtèsy diplomatique, 
qui  est  en  rapport  direct  avec  tout  mal  localisé:  son  type  serait  dans  la 
fracture  de  côte.  Ensuite  vient  le  point  de  côté  sympathique,  qui  révèle 
une  affection  plus  ou  moins  éloignée  de  l'endroit  où  il  se  l'ail  sentir. 
Exemple  :  le  point  de  côté  de  la  pleurésie  et  aussi  ces  nombreux  points 
pariétaux  provoqués  par  les  diverses  maladies  des  viscères  thoraciques  et 
abdominaux,  et  qui  annoncent  longtemps  à  l'avance  l'origine  obscure  et 
le  développement  insidieux  des  dégénérescences  organiques.  L'interpré- 
tation clinique  de  ces  points  est  l'un  des  problèmes  les  plus  délicals  de  la 
séméiologic.  Enfin  une  troisième  catégorie  comprend  certains  pointa 
spéciaux,  sur  lesquels  nous  allons  donner  quelques  détails. 

L'un  d'eux  est  le  point  sus-claviculaire  qu'on  localise,  ave,-  plus  ou 
moins  de  raison,  sur  le  trajet  du  nerf  phrénique,  vers  la  racine  du  cou,  et 
qu'on  rapporte  par  voie  sympathique  ascendante  à  la  pleurésie  diaphrag- 


POITRINE.  —  sémiologie.  657 

matique.  Ici  le  mal  est  puisé  à  la  périphérie,  et  vient  affecter  le  nciT  dans 
sa  continuité.  Ce  point  phrénique  doit  ordinairement  être  recherché;  il 
se  montre  indépendamment  du  véritable  point  de  côté  qui,  dans  la  ma- 
ladie actuelle,  prend  une  intensité  toute  particulière,  et  provoque  à 
chaque  inspiration  de  l'anxiété,  des  sanglots,  de  l'agitation  :  c'est  la 
phréttésie  des  anciens. 

Un  autre  point,  occupant  vaguement  la 'région  de  l'épaule  droite  et 
difficile  à  préciser,  est  le  point  scapulaire,  qu'on  rattache  volontiers  à 
l'affection  calculeusc  du  foie  et  aux  différentes  maladies  de  cet  onnuie.  Il 
paraît  être  une  irradiation  des  coli(jues  dites  hépatiques ,  et  il  résul- 
terait des  anastomoses  ascendantes  du  pneumogastrique  avec  le  '.spinal , 
qui  d'autre  part  envoie  des  ramifications  à  certains  muscles  de  l'épaule. 
La  valeur  séméiologique  de  ce  symptôme  n'est  pas  à  dédaigner. 

Le  point  apophysaire  peut  recevoir  diverses  interprétations;  tantôt 
il  représente  le  point  postérieur  ou  récurrent  de  la  névralgie  intercostale; 
tantôt  il  est  en  rapport  avec  le  point  épigastrùjue  de  l'ulcère  simple  de 
l'estomac:  tantôt  encore  il  appartient  à  cette  affection  mal  définie  que  les 
Anglais  appellent  Yirritalion  spinale,  et  qui  est  de  l'ordre  des  maladies 
d'épuisement;  tantôt  enfin  il  rentre  dans  la  catégorie  de  ces  points  verté- 
braux sur  lesquels  Cruveilhier  a  appelé  l'attention,  et  qui  occupent  tou- 
jours une  situation  dominante  par  rapport  aux  organes  affectés  des  diffé- 
rentes cavités  viscérales  du  tronc  et  du  bassin.  Le  siège  du  point 
apophysaire  est  donc  assez  variable  ;  d'autre  part,  il  n'est  souvent  reconnu 
que  par  la  recherche  qu'on  en  fait,  et  par  la  pression  qu'on  exerce  sur  le 
sommet  mémo  de  l'apophyse  épineuse  à  laquelle  il  appartient. 

Nous  devons,'  à  ce  propos,  rappeler  que  nous  avons  signalé  le  point 
apophysaire  cervical  comme  un  indice  assez  précoce  de  la  phlhisie  pul- 
monaire (1870). 

Le  dernier  point  à  mentionner  est  celui  de  V angine  de  poitrine,  re- 
marquable par  son  siège  vers  la  région  cardiaque,  par  ses  irradiations  au 
côté  gauche  du  cou  cl  au  brds  gauche,  et  enfin  par  l'angoisse  qu'il  déter- 
mine. Il  n'est  pas  constant,  mais  revient  périodiquement,  et  par  son  in- 
tensité seule  il  peut  amener  une  mort  rapide.  On  connaît  assez  bien 
aujourd'hui  les  conditions  étiologiques  de  l'angine  de  poitrine  (Voy.  ce 
mot),  dont  toute  la  symptomatologie  est  comprise  dans  les  phénomènes 
<pie  nous  venons  de  rapporter.  L'innervation  du  cœur  et  les  anastomoses 
que  les  propres  nerfs  cardiaques  affectent  avec  les  nerfs  intercostaux 
expliquent  d'ailleurs  la  nature  de  ces  phénomènes,  et  la  prompte  issue 
qu'ils  peuvent  recevoir.  Nous  n'avons  pas  à  y  insister. 

Le  point  de  côté,  envisagé  dans  les  effets  qu'il  est  susceptible  de  pro- 
duire, agit  comme  toute  douleur  intense;  mais  par  son  siège  il  peut  avoir 
des  inconvénients  spéciaux.  En  réalité,  la  douleur  qui  résulte  des  mouve- 
ments respiratoires  tend  à  ralentir  et  à  supprimer  ces  mouvements  du 
côté  où  elle  existe.  Tantôt  ce  sont  les  côtes  qui  s'immobilisent,  tantôt  le 
diaphragma  :  d'où  gène  respiratoire,  dyspnée,  etc.  L'auscultation  prouve 
bien  que  l'air  ne  pénètre  pas  jusqu'aux  vésicules  pulmonaires,  car  il  y  a 

NOUV.  DICT.   M  ÉD.  ET  CUIR.  XXVIII  —  42 


658  POITRINE.  —  séméiologie. 

absence  plus  ou  moins  complète  du  murmure  vésiculaire.  De  plus,  le 
malade  affecte  un  décubitus  en  rapport  avec  la  souffrance  qu'il  éprouve. 
Il  évite  autant  (pue  possible  de  se  coucher  du  côté  où  est  le  point  doulou 
reux;  mais,  d'autre  part,  comme  il  ne  doit  pas  entraver  le  jeu  de  la  respi- 
ration dans  la  moitié  saine  du  thorax,  il  ne  tarde  pas  à  se  reporter  vens 
le  premier  coté,  dès  que  le  mal  devient  tolérahle.  C'est  ce  qui  se  voit  dans 
la  pleurésie,  et  successivement  dans  les  deux  périodes  de  douleur  prédo- 
minante et  d'épanchement  accompli.  Enfin,  comme  dernier  résultat  du 
point  de  côté,  nous  signalerons  les  relations  existant  entre  la  névralgie 
intercostale  et  l'éruption  du  zona;  entre  la  douleur  térébrante  de  la 
paroi  thoracique  et  l'apparition  extérieure  d'un  anëvrijsme  de  l'aorte 
pectorale,  etc. 

2°  De  la  toux,  de  V expectoration  et  des  crachats.  —  Les  affections 
des  organes  renfermés  dans  le  thorax,  indépendamment  de  leurs  signes 
directs,  se  traduisent  par  certains  phénomènes  extrinsèques  qui  n'ont  pas 
une  valeur  moindre.  C'est  ainsi  que  l'on  peut  juger  d'une  maladie  du 
cœur  par  le  trouble  de  la  circulation  périphérique,  et  notamment  par 
l'étude  du  pouls.  De  même  les  lésions  pulmonaires  s'annoncent  à  l'ex- 
térieur par  les  produits  de  l'expectoration  et  par  la  toux  qui  la  précède. 
L'examen  approfondi  de  cette  toux,  de  Y  expectoration  et  des  crachats 
jouait  un  grand  rôle  autrefois  en  séméiologie;  mais  la  découverte  de  la 
percussion  et  de  l'auscultation,  en  somme  toute  moderne,  a  relégué  ces 
symptômes  sur  le  second  plan.  Ce  serait  cependant  ici  le  lieu  de  nous  en 
occuper,  si  leur  histoire  n'appartenait  pas  à  des  articles  séparés.  Nous 
renvoyons  donc  le  lecteur  au  mot  Crachats  (t.  X,  1869),  traité  par  notre 
collaborateur  L.  Martineau,  et  qui  comprend  en  même  temps  le  mot  Ex- 
pectoration. Quant  au  mot  Toux,  il  sera  l'objet  d'une  description  ulté- 
rieure. 

5°  De  V inspection  de  la  poitrine.  —  Lorsque  l'attention  est  attirée  du 
côté  du  thorax  par  quelque  circonstance  qui  peut  faire  croire  à  un  état 
pathologique  de  cette  région,  il  faut  procéder  à  une  inspection  immédiate, 
après  s'être  mis  dans  les  conditions  les  meilleures  pour  un  examen  effi- 
cace, et  notamment  en  plaçant  le  malade  dans  une  attitude  parfaitement 
symétrique,  assis  sur  son  séant,  et  à  découvert.  La  connaissance  préa- 
lable de  la  conformation  normale  de  la  poitrine  est  de  rigueur  en  tenant 
compte  aussi  des  irrégularités  qui  ne  sortent  pas  de  l'état  physiologique, 
et  qui  dépendent  de  l'âge,  de  certaines  professions  ou  habitudes. 

Parmi  les  auteurs  qui  ont  le  plus  approfondi  le  sujet,  nous  devons  ci- 
ter E.  J.  Woillez  (1855-1879),  dont  toute  la  vie  scientifique,  on  peut  le 
dire,  a  été  consacrée  aux  questions  se  rapportant  à  la  séméiologie  de  la 
poitrine,  et  qui  vient  de  la  couronner  par  la  publication  d'un  Traité  com- 
plet d'auscultation  et  de  percussion.  11  distingue  naturellement  les  faits 
physiologiques  et  les  faits  pathologiques.  En  premier  lieu,  il  faut  recon- 
naître qu'une  conformation  parfaite  de  la  poitrine  est  rare.  Sur  197  su- 
jets sains,  examinés  à  ce  point  de  vue.  il  n'y  en  a  que  41  qui  puissent 
être  considérés  comme  régulièrement  conformés;  les  152  autres  présen- 


POITRINE.    SICMÉ10I.OGIK. 


659 


lent  toujours  quelques  dépressions  ou  snillics.  Chez  les  41  sujets  normaux, 
il  y  a  encore  à  distinguer  :  36  fois  le  côlé  droit  l'emporte  en  développe- 
ment sur  le  coté  gauche,  de  1  à  5  centimètres;  cela  paraît  être  la  règle; 
tandis  que  chez  les  cinq  derniers,  il  y  a  égalité  entre  les  deux  côtés.  Dans 
tous  les  cas,  la  ligne  des  mamelons  correspond  à  la  quatrième  côte.  Les 
irrégularités  observées  sur  les  132  individus  mis  à  part  consistent  dans 
les  cas  suivants  :  saillie  sternaire  transversale,  à  l'union  des  deux  pièces 
supérieures;  dépression  sternaire  inférieure,  par  l'enfoncement  de  l'ap- 
pendice xiphoïde;  voussure  cardiaque  normale  (20  fois  sur  100)  ;  saillie 
postérieure  à  droite,  formant  la  contre-partie  de  la  voussure  antérieure 
gauche  (20  fois  sur  1 00) .  La  mensuration  viendra  plus  tard  compléter 
cette  élude. 

Les  faits  pathologiques  sont  ainsi  exposés  :  Dans  la  bronchite  aiguë,  ou 
n'observe  rien  de  particulier  à  l'inspection;  dans  ''hépatisatiou  les  résul- 
tats sont  douteux;  l'emphysème  se  signale  par  une  voussure  des  espaces 
intercostaux;  l'hypertrophie  du  cœur  n'est  pas  apparente  à  l'extérieur; 
celle  du  !'oie  donne  lieu  à  une  ampliation  de  l'hypochondre  correspon- 
dant; celle  de  la  rate  n'est  appréciable  qu'à  la  mensuration;  le  inéléorisme 
de  la  partie  supérieure  do  l'abdomen  provoque  une  dilatation  de  la  base 
du  thorax,  qui  apparaît  rapidement  et  disparaît  de  même. 

Nous  compléterons  cette  revue  par  l'examen  particulier  de  quelques  cas 
offrant  une  certaine  importance. 

Dans  la  pleurésie  avec  épanchement,  l'inspection  simple  de  la  poitrine 
apporte  un  contingent  notable  au  diagnostic.  Sous  l'inlluence  du  point 
de  côlé,  la  partie  correspondante  du  thorax  reste  à  peu  près  immobile  : 
ce  qui  contraste  avec  la  mobilité  de  la  partie  opposée.  Si  répanchement 
est  formé,  et  s'ii  est  considérable,  on  voit  les  espaces  intercostaux  élargis, 
effacés,  les  côtes  relevées  de  leur  inclinaison  à  l'état  de  repos  ;  en  un  mot, 
tout  le  côté  malade  est  amplifié  et  sans  mouvement.  Plus  tard  encore, 
lorsque  l'épanchement  est  en  voie  de  résolution,  et  qu'il  a  tout  à  fait 
disparu,  la  paroi  thoracique  parait  suivre  ce  retrait,  comme  pour  aller  à 
la  rencontre  du  poumon.  Et  enfin,  lorsque  des  adhérences  ont  rendu  ce 
contact  définitif,  la  rétraction  ne  cesse  pas  pour  cela  :  on  reconnaît  tou- 
jours le  côté  qui  a  été  alîoclé  de  pleurésie,  par  son  affaissement,  en  oppo- 
sition avec  la  dilatation  normale  du  côté  sain.  Ce  fait  de  la  rétraction  de 
la  paroi  thoracique,  dans  ses  rapports  avec  une  maladie  du  poumon  ou  de 
la  plèvre  plus  ou  moins  guérie,  peut  être  érigé  en  loi.  Dans  ce  cas,  la  poi 
trine  obéit  à  une  sorlc  de  force,  que  Woillez  qualifie  de  force  concen- 
trique, et  qui  l'associe  aux  mouvements  organiques  des  parties  qu'elle  re- 
couvre. Le  retrait  est,  du  reste,  quelquefois  partiel,  comme  lorsqu'il 
s'agit  d'une  pleurésie  locale  enkystée,  ou  dans  le  cas  d'une  caverne  pul- 
monaire évacuée  et  tendant  à  la  cicatrisation. 

Il  existe  un  genre  de  rétraction  totale  de  la  poilrine,  dont  la  cause  est 
en  dehors  de  cette  cavité  :  c'est  celle  qui  se  montre  à  la  suite  de  l'hyper- 
trophie chronique  des  amygdales.  Dupuytren  le  premier  (1828)  a  si- 
gnalé celle  coïncidence,  en  reconnaissant,  d'une  part,  la  dépression  plus 


POITRINE.  —  séhSiolôgie. 


ou  moins  grande  des  côtés  de  la  poitrine,  avec  une  saillie  proportionnelle 
du  sternum  et  du  ventre,  en  avant,  et  de  la  colonne  vertébrale,  en  ar- 
rière; et,  d'antre  part  un  gonflement  notable  des  amygdales.  Ces  laits 
ont  été  confirmés  par  J.  Nasoiî  Warin  (de  Boston,  1839),  qui  a  publié  un 
mémoire  sur  Pbypertropbie  des  amygdales  accompagnée  de  certaines  dif- 
lormités  de  la  poitrine.  Il  s'agit  ordinairement  de  très-jeunes  enfants. 
Les  symptômes  sont  :  l'haleine  courte,  la  difficulté  à  téter,  la  bouche 
tenue  béante,  la  respiration  bruyante,  des  songes  effrayants,  des  cris,  etc. 
Le  mécanisme  de  la  dépression  thoracique  s'explique  facilement,  par  le 
peu  de  résistance  de  la  cage  cliondro-costale,  qui  cède  sous  la  pression  at- 
mosphérique, lorsque  l'air  ne  pénètre  pas  largement  par  ses  voies  natu- 
relles. L'indication  principale  consiste  dans  l'ablation  des  amygdales. 

Aux  rétractions  partielles  de  la  poitrine,  il  faut  opposer  les  saillies  ou 
voussures  également  localisées.  Comme  exemple,  citons  la  voussure  de 
la  péricardite,  sur  laquelle  Fr.  Sibson  (1849)  à  donné  des  détails  précis  : 
«  Elle  s'étend,  dit-il,  à  la  moitié  ou  aux  deux  tiers  inférieurs  du  sternum, 
aux  cartilages  sterno-costaux  gauches,  à  partir  du  second,  et  avec  disten- 
sion des  espaces  intercostaux,  aux  cartilages  costaux  situes  à  droite  de 
l'extrémité  inférieure  du  sternum,  aux  côtes  gauches,  dans  le  voisinage  et 
en  dehors  du  mamelon,  depuis  la  cinquième  ou  la  sixième  jusqu'à  la 
septième  ou  la  huitième;  enfin  au  cartilage  xiphoïde,  à  l'épigastre  et  aux 
cartilages  costaux  des  septième  et  huitième  côtes.  »  C'est  là  la  cause  la 
mieux  démontrée  des  voussures  précordiales;  après  quoi  on  ne  trouve 
plus  guère,  mais  avec  des  limites  moins  bien  définies  et  un  siège  plus  va- 
riable, que  les  saillies  dues  aux  anévrysme  de  la  crosse  de  l'aorte  qui  se 
portent  vers  l'extérieur.  On  signale  encore  les  voussures  partielles  dues  à 
la  pleurésie  enkystée  (Bouilly,  1876).  Enfin,  pour  ce  qui  est  de  l'eut* 
physème  vésiculaire  du  poumon,  il  faut  savoir  que  les  voussures  locales 
sont  très-contestées  dans  celte  maladie  :  on  a  dû  les  confondre  plus  d'une 
lois  avec  les  saillies  normales  dont  nous  avons  parlé  plus  haut.  En  réa- 
lité, dans  l'emphysème,  on  observe  plutôt  une  amplialion  générale  de  la 
cage  thoracique,  qui  prend  une  forme  globuleuse  très-remarquable,  au 
point  que  le  malade  semble  affecté  d'une  gibbosité  antérieure  et  d'une 
gibbosité  postérieure.  Les  autres  signes  de  cette  maladie  sont  d'ailleurs 
peu  équivoques. 

Parmi  les  déformations  que  révèle  l'inspection  de  la  poitrine,  nous  de- 
vons encore  mentionner,  chez  les  sujets  maigres  et  déjà  en  proie  à  la 
phthisic,  l'écarlemcnt  des  omoplates,  qui  semblent  se  détacher  des  pa- 
rois thoraciques  comme  des  ailes  (Scapulœ  alatœ).  Cette  apparence  dé- 
pend non-seulement  de  l'amaigrissement  du  sujet,  mais  aussi  témoigne 
d'une  rétraction  déjà  très-notable  du  sommet  du  cône  thoracique.  Quant 
à  ce  retrait  en  lui-même,  il  est  très-réel;  il  se  manifeste  dès  les  premiers 
temps  de  la  phthisic  pulmonaire,  en  raison  de  ce  que  l'air  cesse  déjà  dé 
pénétrer  vers  le  sommet  du  poumon.  Il  en  résulte  un  signe  précoce  pour 
cette  maladie,  à  savoir  rabaissement  de  l'extrémité  externe  de  la  clavi- 
cule et  la  chute  des  épaules  (Aufrechl-IIacnish,  1878).  On  sait  qu'à  l'étal 


POITRINE.  —  SÉMÉIOLOGIE. 


061 


normal  l'extrémité  externe  de  la  clavicule  est  sur  un  plan  supérieur  àl'cx- 
trémité  interne.  Lorsque  le  lobe  supérieur  du  poumon,  envahi  par  les  gra- 
nulations tuberculeuses,  ne  se  dilate  plus  autant,  l'extrémité  externe  de  la 
clavicule  s'abaisse  d'abord  au  niveau  de  l'interne,  puis  bientôt  elle  tombe 
encore  plus  bas  :  d'où  les  apparences  signalées  plus  haut,  et  que  complète 
le  fait  des  omoplates  ailées. 

En  résumé,  l'inspection  de  la  poitrine  montre,  comme  faits  séniéiolo- 
giques  principaux,  indépendamment  de  la  coloration  et  des  manifesta- 
tions cutanées,  des  déformations  consistant  en  saillies  ou  en  dépressions; 
tantôt  ces  déformations  sont  totales,  tantôt  elles  sont  partielles.  Les  unes 
sont  physiologiques,  d'autres  pathologiques,  Chacune  d'elles  présente 
quelque  particularité  qui  la  distingue  des  autres,  et  l'élève  à  la  hauteur 
d'un  signe  diagnostique.  Enfin,  on  constate  certains  autres  phénomènes 
qui  ne  peuvent  se  classer  parmi  les  déformations  précédentes;  tels  sont  : 
l'abaissement  das  clavicules  en  dehors,  la  chute  des  épaules,  les  scapulœ 
alatœ,  et,  pour  être  complet,  les  tumeurs  formées  par  le  poumon  hernié, 
par  un  abcès  migrateur,  par  un  anévrysme  diffus,  par  l'emphysème  cel- 
lulaire :  mise  à  part  la  région  mammaire. 

Au  point  de  vue  dynamique,  l'inspection  de  la  poitrine  est  utile  pour 
apprécier  la  fréquence  et  le  rhylhme  des  mouvements  respiratoires,  les 
battements  du  cœur,  le  tirage  de  l'épigastre  en  cas  de  dyspnée  laryn- 
gée, le  retrait  des  côtes  par  les  adhérences  costo-diaphragmatiques  (Jac- 
coud,  1879),  etc.  L'étude  de  la  plupart  de  ces  symptômes  appartient  sur- 
tout à  l'auscultation,  qui  en  rend  mieux  compte  d'ailleurs  (Voy.  ce  mot). 

4°  Palpalion.  —  L'apposition  de  la  main  sur  la  poitrine  éveille  cer- 
taines sensations  qui  sont  spéciales  au  toucher,  et  qui  peuvent  se  traduire 
en  signes  cliniques.  Passons  rapidement  sur  ce  qui  se  rapporte  :  à  la 
température  de  la  peau,  qui  n'est  autre,  en  général,  que  celle  du  reste 
du  corps,  (réserves  faites  pour  les  recherches  de  Péter  sur  les  tempéra- 
tures locales,  1878)  ;  à  la  crépitation  d'une  fracture  de  côte,  d'une  bosse 
sanguine,  de  l'emphysème  cellulaire,  du  poumon  hernié  ;  à  la  fluctuation 
d'un  abcès  pariétal  ;  à  V inégale  résistance  des  parties  molles  et  des  par- 
ties dures,  à  la  détermination  d'un  foyer  douloureux,  etc.  ;  pour  arriver 
aux  faits  cjui  doivent  plus  particulièrement  nous  intéresser. 

Du  côté  de  l'appareil  respiratoire,  on  observe  par  le  palper  de  la  paroi 
thoracique,  chez  un  individu  qui  parle,  à  l'état. normal,  un  léger  frémis- 
sement vibratoire,  dont  les  modilications,  à  l'état  pathologique,  acquièrent 
une  certaine  valeur  séniéiologiqiie.  Ces  vibrations  tactiles  sont  peu 
susceptibles  d'augmentation;  cependant  par  le  fait  des  indurations  pulmo- 
naires, hépat'sation,  tumeurs,  etc.,  cette  sensation  devient  plus  vive, 
surtout  par  comparaison,  en  se  reportant  au  côté  sain.  Par  contre,  un 
épanchement  pleural,  qui  efface  les  vésicules  pulmonaires  et  qui  par  sa 
nature  est  peu  apte  à  vibrer,  diminue  cl  supprime,  suivant  son  épaisseur, 
toute  vibration  au  toucher.  C'est  l'un  des  signes  les  plus  utiles  pour  dis- 
tinguer une  pneumonie  d'une  pleurésie  dans  les  cas  douteux  [Voy.  Per- 
cussion, p.  555). 


(562  MÏÏMNIi.  —  iéu&QiXïm: 

L'analyse  de  ce  phénomène  a  clé  portée  encore  plus  loin,  et  a  permis  à 
Jaccoud  (1870)  de  reconnaître  les  épanchcnients  pleuréliqucs  mullilocu- 
laires,  en  suivant,  pour  ainsi  dire,  et  d'après  la  conservation  des  vibra* 
tions  thoraciques,  les  cloisonnements  delà  cavité  pleurale.  On  peut  savoir, 
ainsi,  en  quels  points  la  thoracentèse  doit  être  pratiquée,  et  s'il  laut  l'aire 
une  ou  plusieurs  ponctions. 

Le  palper  fait  encore  reconnaître  le  frottement  pleural,  soit  au  début 
de  la  pleurésie,  soit  dans  la  période  de  retour  de  celte  maladie;  mais 
c'est  un  phénomène  qui  appartient  plutôt  à  l'auscultation.  (Voyi  ce  mol, 
p.  142.)  De  même,  se  révèle  au  touclier  un  râle  vibrant  (Laënnec),  le 
gargouillement  d'une  caverne  tuberculeuse,  les  bruits  humides  et  serrés 
du  catarrhe  suffocant,  et  enfin  la  fluctuation  thoracique  de  l'hydro* 
pneumo-péricarde,  etc.  Ces  différents  signes  sont  tellement  nets  par  eux- 
mêmes,  ils  concordent  avec  d'autres  symptômes  si  peu  équivoques,  qu'il 
est  superflu  de  nous  appesantir  à  leur  propos. 

Au  niveau  de  la  région  précordiale,  le  palper  fait  sentir  les  battements 
de  cœur,  dont  il  peut  apprécier  le  siège,  l'énergie,  l'étendue,  le  rbyllime. 
les  altérations  pathologiques,  etc.  Ce  genre  d'exploration  a  presque  la 
même  importance  que  l'examen  du  pouls;  il  comporte  autant  de  détails 
et  de  délicatesse;  on  aurait  bien  tort  de  le  négliger.  Il  n'est  pas  jusqu'aux 
bruits  anormaux,  souilles  rudes,  bruits  musicaux,  qui  ne  se  traduisent 
au  toucher  par  la  sensation  du  frémissement  cataire,  susceptible 
d'une  détermination  aussi  précise  que  les  pbénomènes  auditifs  de  l'aus- 
cultation, sous  le  rapport  du  siège  et  de  l'interprétation  clinique.  Cepen- 
dant il  sera  toujours  nécessaire  de  cliercher  en  auscultant  la  confirmation 
d'une  idée  éveillée  par  la  simple  et  rapide  apposition  de  la  main  sur  la 
région  du  cœur  :  celle-ci  eût-elle  des  résultats  négatifs  ;  car  on  sait  que  les 
souilles  doux  cardiaques,  pas  plus  que  le  souffle  glottique  de  la  respira- 
tion, ne  se  dispersent  au  loin  sous  forme  de  vibrations  tactiles.  Il  n  y  a 
(juc  la  voix  laryngée,  et  que  les  bruits  rudes  ou  musicaux  du  cœur,  qui 
donnent  naissance  à  ces  frémissements  de  voisinage.  Les  bruits  produits 
au  niveau  des  ane'vrysmes  tboraciques  sont  dans  le  même  cas;  et  le  fré- 
missement cataire,  uni  à  la  pulsation  anëvrysmale,  suppose  un  souille 
rude  engendré  à  l'orifice  d'enlrée  de  l'anévrysme.  Ces  pliénomèiu  s  liés  à 
la  systole  ventriculaire  en  reproduisent  l'intermittence  et  la  périodicité. 
Quant  à  l'anévrysme  arlérioso-veineux,  le  susurras  perçu  par  I  oreille  et 
le  frémissement  senti  au  touclier  qui  l'accompagne,  affectent  un  autre 
rbytbnic  (Voy.  Aoute,  p.  789.)  Enfin,  mentionnons  \'lujdro-})neumn-jH:ri- 
carde,  qui  sous  la  main  l'ail  éprouver  des  mouvements  de  clapotement, 
de  remous,  de  roue  de  moulin,  bien  en  rapport  avec  les  bruits  singuliers 
que  l'auscultation  nous  révèle  {Voy.  ce  mol,  p.  183). 

5?  Succussion  kippocra tique.  —  11  s'agit  ici  d'un  procédé  bien 
anciennement  connu,  puisqu'on  voit  à  qui  on  peut  en  reporter  l'origine, 
cl  destiné  à  agiter,  par  une  brusque  secousse,  des  gaz  et  des  liquides 
contenus  dans  une  même  cavité  thoracique.  [.'hydro-jmcumo-thorax 
réalise  en  clinique  les  conditions  matérielles  du  phénomènes  Souvent 


POITRINE.  —  séhéiolo&iéI  665 

c'ést  le  malade  lui-même  qui  s'aperçoit  des  mouvements  et  des  bruits 
résultant  des  diverses  attitudes  qu'il  prend;  mais  le  médecin  prévenu 
peut  reproduire  les  mêmes  effets,  en  saisissant  le  malade  par  les  épaules 
et  en  le  remuant  brusquement.  On  sent  à  la  main  et  on  entend  surtout 
avec  l'oreille  appliquée  sur  la  poitrine  des  glous-ylous,  des  gargouille- 
menls,  analogues  à  ceux  qu'on  obtient  en  agitant  une  carafe  à  deini- 
rcmplie.  11  se  passe  quelque  ebose  de  semblable  dans  l'estomac  presqu'à 
l'état  normal,  mais  principalement  dans  la  dyspepsie  dite  llatulente.  On 
ne  confondra  pas  au  lit  du  malade  cette  dernière  affection  avec  l'hydro- 
pneumo-tborax  ;  car  toutes  les  circonstances  étiologiques,  topogra- 
phiques, sont  différentes  dans  les  deux  cas.  Terminons  en  disant  qu'une 
caverne  spacieuse  pourrait  exceptionnellement  reproduire  les  conditions 
physiques  de  la  fluctuation  thoracique,  déterminée  elle-même  par  la 
succussion  hippocratique.  On  voit  alors  la  sensation  de  gargouillement 
sous  la  main  atteindre  le  degré  des  phénomènes  que  nous  venons  de 
décrire  (Voy.  Auscultation,  p.  144). 

6°  Percussion.  —  Par  là  percussion  de  la  poitrine,  on  obtient  la 
perception  simultanée  d'impressions  tactiles  et  auditives,  conformément 
aux  principes  que  nous  avons  largement  exposés  d'autre  part  (Voy.  Peh- 
cussion  ;  p.  551).  C'est  une  véritable  transition  de  la  palpation  à  l'aus- 
cultation ;  et  les  résultats  de  ce  genre  d'exploration  sont  aussi  considé- 
rables que  ceux  des  deux  autres.  Nous  renvoyons  tout  naturellement 
a  l'article  indiqué;  et  cela  d'autant  mieux  que  nous  en  sommes  l'auteur. 
Comme  fait  général  se  dégageant  de  cette  élude,  nous  voyons  que  si, 
pour  l'abdomen,  la  percussion  unie  à  la  palpation  affecte  une  suprématie 
marquée  sur  l'auscultation,  elle  lui  cède  en  importance  à  son  tour  lors- 
qu'il s'agit  de  l'examen  clinique  de  la  poitrine. 

7°  Auscultation.  —  L'auscultation  est  la  méthode  par  excellence 
pour  l'exploration  de  la  poitrine  ;  car  c'est  là,  en  effet,  que  se  présentent 
surtout  les  phénomènes  sonores  que  l'oreille  doit  recueillir.  C'est  pour 
la  poitrine  principalement  que  Lacnnec  a  créé  ce  genre  d'examen  qui 
immortalisera  son  nom;  et  l'instrument  qu'il  a  imaginé  à  ce  propos, 
le  stéthoscope,  rappelle  celle  de  ses  applications  qui  efface  pour  ainsi 
dire  toutes  les  autres.  Insister  sur  ces  détails  serait  superflu  ;  et  nous 
devons  plutôt  renvoyer  le  lecteur  à  l'article  Auscultation  (t.  IV,  1865). 
Nous  avons  par-dessus  tout  cherché  à  mettre  la  question  au  courant  de 
la  science,  sous  le  double  rapport  de  l'érudition  et  des  explications 
techniques.  Nous  avons,  en  outre,  introduit  une  classification  des  phé- 
nomènes propres  à  l'auscultation,  qui  en  simplifie  l'élude,  en  dispensant 
de  répétitions  fastidieuses  et  inutiles.  Enfin  nous  revendiquons  le  faible 
mérite  d'avoir  sauvé  l'école  française  du  reproche  de  s'être  immobilisée 
dans  ses  premiers  succès,  en  restant  étrangère  aux  progrès  que  compor- 
tait la  découverte  de  Laënnec.  Depuis  l'année  1865,  époque  de  l'appari- 
tion de  notre  travail,  il  ne  s'est  produit  aucun  fait  important,  en  ce  qui 
concerne  l'auscultation  de  la  poitrine  :  cœur,  vaisseaux  et  poumons. 
Aucune  théorie  nouvelle,  relative  à  l'origine  des  bruits  Ihoraciqucs,  n'a 


604  POITRINE,  —  sémkiologie. 

été  proposée  ;  et  la  séméiologie  clans  ce  sens  ne  s'est  perfectionnée  que 
par  quelques  points  de  détail,  Irop  spéciaux  pour  que  nous  y  insistions 
■  •H  ce  moment. 

Nous  voulons,  cependant,  poser  un  principe  qui  réduise  à  leurs  justes 
proportions  des  procédés  d'exploration  sur  lesquels  on  parait  un  peu 
trop  compter.  Que  l'on  sache  donc  qu'il  ne  faut  qu'une  certaine  portion 
déterminée  de  parenchyme  pulmonaire  pour  éteindre  ou  amortir  un 
bruit  quelconque,  local  ou  transmis.  De  sorte  que  l'auscultation  et  la 
percussion  ne  donnent  jamais  de  certitude  absolue  sur  l'état  matériel  du 
poumon  ;  et  qu'une  lésion  notable  peut  exister,  sans  qu'aucun  signe 
physique  l'ait  encore  révélée.  Il  est  positif  que  certains  troubles  fonc- 
tionnels sont  plus  précoces,  pour  annoncer  la  phthisic,  que  les  manifes- 
tations auditives;  lorsque  celles-ci  apparaissent  à  leur  tour,  le  mal  est 
déjà  irréparable.  Voilà  qui  atténue  quelque  peu  la  valeur  pratique  des 
méthodes  dont  nous  venons  de  parler. 

8°  Mensuration.  —  L'idée  de  mesure  ([j.ÉTpov)  se  présente  en  séméiolo- 
gie thoraeique  sous  plusieurs  aspects  différents,  et  comporte  toujours 
la  précision  et  la  comparaison.  On  peut,  d'abord,  apprécier  les  mouve- 
ments du  cœur  et  de  la  respiration  dans  leur  nombre  absolu  pendant 
l'unité  de  temps,  dans  leur  étendue  et  leur  intensité,  et  dans  les  rap- 
ports qu'affectent  entre  eux  les  mouvements  alternatifs  de  systole  et  de 
diastole,  d'inspiration  et  d'expiration.  Ensuite,  il  y  a  lieu  de  mesurer 
circonférentiellement  la  poitrine,  pour  en  avoir  premièrement  le  péri- 
mètre total,  et  aussi  pour  comparer  entre  elles  les  deux  moitiés  dont  la 
symétrie  n'est  souvent  qu'apparente.  On  détermine  encore,  par  la  per- 
cussion, ou  par  tout  autre  moyen  exact,  les  dimensions  linéaires  des 
organes  intrathoraciques  ;  c'est  ainsi  que  l'on  obtient  le  diamètre  du 
cœur,  et  qu'on  juge  de  son  volume.  Les  lignes  plessimétriques  de  Piorry 
et  son  plessimètre  gradué  avaient  surtout  pour  but  de  créer  une  organo- 
graphie  de  précision.  Enfin,  il  existe  des  procédés  qui  donnent  la  capa- 
cité pulmonaire,  qui  mesurent  la  force  de  la  colonne  d'air  en  circulation, 
et  montrent  les  rapports  de  quantité  entre  l'air  inspiré  et  Pair  expiré. 
Pour  le  cœur,  il  n'est  pas  possible  d'établir  de  données  manomélriques  ; 
mais,  par  l'étude  du  pouls,  par  l'emploi  des  procédés  cardiographiques, 
on  arrive  à  des  résultats  tout  aussi  exacts  que  si  l'on  avait  eu  recours 
à  l'exploration  directe. 

Nous  n'insisterons  pas  ici  sur  les  questions  de  nombre,  de  rhyllnnc, 
d'intensité,  etc.,  en  ce  qui  concerne  la  respiration  cl  la  circulation  cen- 
trale. Ces  recherches  appartiennent  à  l'auscultation  ;  du  moins  elles  ont 
été  traitées  à  celte  occasion.  Nous  laisserons  également  de  côté  la  ples- 
simétrie  organographique,  qui  se  trouve  exposée  à  propos  de  la  percus- 
sion. Quant  à  l'emploi  des  procédés  graphiques,  qui  doivent  remplacer 
la  mensuration  directe  pour  l'appareil  central  de  la  circulation,  il  on 
sera  fait  mention  tout  à  l'heure.  Nous  allons  donc  nous  borner  à  l'étude 
de  la  mensuration  circonfêrentielle  et  diamétrale  de  la  poitrine  et  de 
la  spiromelrie,  qui  n'ont  pas  de  description  séparée  dans  ce  Dictionnaire. 


POITMNK.  —  sÉMÉioLOGiE.  665 

a.  Mensuration  circonférenlielle  et  diamétrale.  On  peut  juger  du 
volume  de  la  poitrine,  soit  en  mesurant  son  périmètre  à  différents 
niveaux,  soit  en  déterminant  ses  diamètres  à  l'aide  d'instruments  appro- 
priés. Les  données  que  l'on  obtient  ainsi  conduisent  à  plusieurs  résul- 
tats :  tantôt  il  s'agit  de  connaître,  d'après  le  développement  du  thorax, 
quelle  est  la  force  de  la  constitution  du  sujet;  tantôt  on  trouve,  dans  le 
retrait  de  certaines  parties  de  la  poitrine,  surtout  du  sommet,  un  signe 
précoce  de  phthisie  pulmonaire;  tantôt  enfin  on  compare  l'une  à  l'autre 
les  deux  moitiés  de  la  cage  thoracique,  qui  à  l'état  normal  sont  sensible- 
ment symétriques. 

Le  procédé  le  plus  usuel,  pour  apprécier  le  périmètre  de  la  poitrine, 
est  celui  du  ruban,  que  Laënnec  mettait  déjà  en  pratique,  tout  en  lui 
reconnaissant  peu  d'utiiité.  On  en  comprend  facilement  l'application  : 
Un  cordon  métrique  est  passé  tout  autour  du  thorax,  suivant  un  plan 
horizontal,  à  différentes  hauteurs,  et  donne  immédiatement  la  mesure 
circonférentielle  de  la  section  au  niveau  de  laquelle  on  opère.  Tour 
terme  de  comparaison,  d'un  individu  à  l'autre,  on  peut  adopter,  chez 
l'homme,  la  ligne  des  mamelons  ;  ou  bien,  dans  les  deux  sexes,  la  ligne 
sous-mammaire,  ou  encore  le  bord  inférieur  de  l'aisselle,  qui  est  le 
point  le  plus  élevé  qu'on  saurait  atteindre. 

L  emploi  le  plus  direct  de  ?ce  procédé  de  mensuration  est  pour 
l'examen  des  conscrits.  D'après  une  instruction  ministérielle  du  5  avril 
1875,  le  périmètre  thoracique  doit  atteindre  au  minimum  0"',784. 
Or,  sur  400  jeunes  gens  de  la  classe  1874,  le  périmètre  moyen 
fut  trouvé  de  0"',857.  La  taille  moyenne  étant  de  lm,092,  avec  l'",540 
pour  mini-  mum,  le  périmètre  moyen  dépasse  donc  de  0m,ll  la  demi- 
taille  moyenne.  Cependant  ces  données  n'ont  pas  paru  définitives,  et 
elles  sont  aujourd'hui  infirmées  par  la  pratique  (J.  Arnould ,  1874). 
Ce  genre  de  recherches  est  beaucoup  suivi  en  Allemagne;  et  nous  cite- 
rons à  ce  propos  les  études  de  C.  Told  (1875)  sur  l'anatomie  topogra- 
phique de  la  poitrine,  et  sur  sa  mensuration  au  point  de  vue  du  recru- 
tement. 

Nous  indiquerons  ensuite,  comme  fait  d'application  de  la  méthode 
du  ruban  en  pathologie,  le  retrait  du  sommet  de  la  poitrine  dès  le  début 
de  la  phthisie  pulmonaire,  qui  a  pour  corrélatif  l'abaissement  de  l'extré- 
mité externe  de  la  clavicule,  dont  il  a  été  question  plus  haut  (llaenish, 
1878).  On  sait  qu'à  l'état  normal  la  circonférence  de  la  partie  supé- 
rieure de  la  poitrine  l'emporte  sensiblement  sur  celle  de  la  base  ;  mais, 
par  le  reliait  progressif  du  sommet  du  thorax,  elle  perd  peu  à  peu  de 
sa  prépondérance,  et  les  rapports  entre  les  deux  périmètres  finissent  par 
être  intervertis. 

Le  même  ruban  divisé  peut  encore  convenir  dans  les  épancheinenls 
plcurétiques,  pour  en  indiquer  soit  l'accroissement,  soit  la  rétrocession. 
Pour  cela,  après  avoir  entouré  la  poitrine  avec  le  ruban,  sur  un  niveau 
déterminé,  on  marque  sur  le  cordon,  en  avant  et  en  arrière,  un  point 
qui  corresponde  au  milieu  apparent  de  chacune  des  deux  faces  :  l'apo- 


660     .  l'OlTMNli.  —  sÉiiÉîbiôoiBi 

physe  épineuse  en  arrière  et  la  partie  médiane  du  sternum  en  avant. 
Puis,  comparant  l'une  à  l'autre  les  deux  portions  de  rubans  séparées 
par  les  traits  qu'on  y  a  imprimés,  on  juge  des  différences  niEConféren- 
tielles  entre  les  deux  côtés  du  thorax  :  on  voit  la  prédominance  du  côté 
où  existe  Pépanchement  se  transformer,  après  la  guérison,  en  une  rétrac- 
tion qui  ne  s'efface  jamais. 

Ces  mesures  sont  prises  avec  plus  de  précision  encore,  grâce  au 
cyrtomètre.  Voij.  t.  X,  p.  656. 

La  détermination  du  diamètre  antéro-postérieur  de  la  poitrine  a  été 
faite  à  un  autre  point  de  vue,  et  par  un  procédé  différent.  Dès  1848, 
f'rancis  Sibson  a  imaginé  un  instrument  liès-ingénicnx,  leGhest  measurer, 
(ftg.  42),  comme  moyen  de  mensuration  tout  particulier.  C'est  une  sorte 
de  compas  d'épaisseur,  analogue  à  l'un  de  ces  instruments  qui  servent 
à  relever  les  diamètres  du  bassin,  et  dont  l'une  des  branches  est  mobile; 
un  index  et  un  cadran,  fixés  à  cette  branche,  accusent  les  moindres 
changements  survenus  dans  ce  diamètre  anléropostérieur  de  la  poitrine. 
Voici  maintenant  à  quels  résultats  pratiques  conduit  ce  mode  de  mensu- 
ration. En  somme,  il  ne  peut  constater  que  l'écart  entre  le  temps  d'ins- 
piration et  le  temps  d'expiration;  et,  de  tous  les  faits  observés,  Walshe 
dégage  la  loi  suivante  :  «  Quand  l'amplitude  du  jeu  respiratoire  n'atteint 
pas  0U1,065,  l'existence  d'une  maladie  gênant  la  respiration  est  très-pro- 
bable; et,  lorsque  l'ampliLude  obtenue  égale  ou  dépasse  celle  qui  convient 
à  la  santé,  si  les  deux  côtés  ne  se  la  partagent  pas  par  parties  égales, 
c'est  qu'il  existe  une  maladie  qui  entrave  l'action  respiratoire  d'un  coté 
et  l'exagère  de  l'autre.  »  (Walshe,  traduit  par  Fonssagrives.  page  32.) 

D'autres  procédés  de  mensuration  périmé  trique  ont  encore  été 
employés;  mais,  en  raison  des  mouvements  qu'ils  doivent  en  même 
temps  recueillir,  ils  se  rattachent  plutôt  à  la  méthode  graphique,  qui 
nous  occupera  par  la  suite.  Citons,  par  exemple,  le  three  plane  slelho- 
mêler  d'Arthur  Ransome,  le  stéthographe  de  Gibbon,  etc. 

b.  Spiromélrie.  — La  mesure  extérieure  du  thorax,  tout  en  se  recom- 
mandant par  la  facilité  de  son  application,  ne  saurait  avoir  la  précision 
des  moyens  manométriques,  qui  permettent  de  déterminer  directement 
la  quantité  d'air  mise  en  mouvement  par  la  respiration,  la  force  «m 
laquelle  se  meut  la  colonne  fluide,  et  jusqu'aux  rapports  existant  entre 
les  deux  temps  de  l'inspiration  et  de  l'expiration.  Ces  nouvelles  recher- 
ches constituent  la  spiromélrie ,  dont  la  mise  en  œuvre  est  de  date 
récente.' 

Les  premiers  travaux  sur  ce  sujet  sont  dus  à  Hcrhsl  (de  Greltinguc),  et 
remontent  à  l'année  1828.  Cet  observateur  prétendait  déterminer  la  capa- 
cité des  poumons  dans  l'étal  de  santé  et  de  maladie,  en  se  servant,  à  cet 
effet,  du  pneumonomèlre  de  Kentish.  L'instrument  était  des  plus  sim- 
ples, et  consistait  en  une  cloche  de  verre  graduée,  renversée  sur  l'eau  ; 
une  embouchure  tubulée  et  munie  d'un  robinet  permettait  l'entrée  et  la 
sortie  des  gaz  à  mesurer.  Lorsqu'on  voulait  apprécier  Le  quantité  d'air 
prise  à  chaque  inspiration,  on  notait  à  quelle  hauteur  l'eau  s'était  élevée 


POlTRlNi;.  —  SBWÉIOLOfilE. 


667 


Fig.  41  el  42.  —  Chest-Measurer  de  Sibson. 
Cet  instrument  est  destiné  à  apprécier  l'étendue  des  mouvements  anléro-poslérieurs  de  la  poitrine. 
Il  se  compose  d'une  lige  graduée  ronde  D  (lig.  41j  divisée  en  pouces  et  en  dixièmes  de  pouce.  A  l'extré- 
mité inférieure  de  celte  tipe  est  articulée,  pouvant  s'ouvrir  jusqu'à  l'angle  droit,  une  plaque  de  lailon 
recouverte  de  soie  A.  Sur  celle  lige  graduée  se  meut  à  frottement  un  curseur  ('.  qui  peut  aussi  lournor 
autour  d'elle.  Ce  curseur  est  muni  d'une  brandie  horizontale  CD  pouvant  s'allonger  ou  se  raccourcir,  a 
l'extrémité  de  laquelle  est  un  cadran  gradué  à  aiguille  que  commande  une  crémaillère  verticale  D. 

A  l'état  du. repos  de  l'instrument,  l'aiguille  est  au  zéro  du  cadran  et  la  crémaillère  abaissée  jusqu'à 
son  dernier  cran  au-dessous  du  centre  du  cadran,  position  dans  laquelle  elle  est  maintenue  par  un  res- 
sort très-doux.  Un  tour  complet  du  cadran  correspond  à  un  pouce  (0"'02oô)  de  mouvement  exécuté  par 
la  poitrine.  Chaque  division  est  d'un  centième  de  pouce  (0"' 01)023). 

On  applique  cet  instrument  sur  le  malade  dans  le  décubilus  horizontal  el  dépouillé  de  tous  vêlements 
(fig.  42):  on  glisse  sous  son  dos  la  plaque  de  lailon;  on  ordonne  une  expiration  forcée  ou  naturelle.  A 
la  fin  de  cette  expiration,  on  abaisse  le  cursi  ur  jusqu'au  contact  de  l'extrémité  inférieure  de  la  crémail- 
lère avec  la  peau  du  malade  et  de  tell  i  façon  que  l'aiguille  ne  dévie  pas  du  zéro.  On  ordonne  l'inspira- 
tion et  on  lit  sur  le  cadran  le  degré  le  plus  élevé  qu'y  atteint  l'aiguille.  Ce  degré  indique  L'amplitude 
du  mouvement.  (Sibson,  ttêdico-cMritrgical,  Trantaetiotùi,  voUXXXî,  p.  iil  et  52. 


POITRINE 


—  SÉHÉIOLOGIE. 


dans  la  cloche,  à  la  suite  d'une  inspiration  pratiquée  au  travers  de  la 
tubulure;  et,  dons  le  cas  contraire,  on  faisait  d'abord  monter  l'eau  dans 
la  cloche  jusqu'à  un  certain  niveau ,  et  l'on  voyait  de  combien  de  divi- 
sions elle  s'abaissait  pendant  l'expiration  poussée  dans  l'intérieur  de 
ladite  cloche.  Voici  quelques  résultats  obtenus  à  l'aide  de  cet  ap- 
pareil. 

1"  La  quantité  d'air  inspirée  et  expirée  dans  la  respiration  calme  et 
naturelle,  chez  un  homme  adulte  de  taille  ordinaire,  est  de  '20  à  25 
pouces  cubes;  tandis  qu'elle  s'abaisse  à  18  et  16  pouces  cubes  chez  l'in- 
vidu  de  petite  taille. 

2°  La  capacité  des  [tournons  chez  l'homme  sain  est  nécessairement 
variable,  suivant  certaines  circonstances.  Elle  s'apprécie  par  la  quantité 
d'air  que  les  poumons  peuvent  admettre  après  une  expiration  aussi  Forte 
que  possible,  et  par  la  quantité  qu'ils  peuvent  expulser  après  une  inspi- 
ration profonde.  Cette  épreuve  donne  jusqu'à  un  certain  point  la  mesure 
de  la  constitution  du  sujet  ;  mais  il  faut  tenir  compte  de  sa  taille,  de 
son  âge,  de  son  sexe,  de  ses  habitudes,  de  sa  profession,  etc.  On  vête- 
ment  serré  gène  la  respiration  et  diminue  considérablement  la  capacité 
des  poumons.  Les  personnes  replètes  offrent  une  capacité  moindre  qu'on 
n'en  peut  juger  par  l'apparence.  La  capacité  des  poumons  est  beaucoup 
plus  faible  comparativement  chez  les  enfants  que  chez  les  adultes.  11  en 
est  de  même  pour  la  femme  opposée  à  l'homme.  Enfin,  chez  les  animaux, 
la  capacité  pulmonaire  est  plus  grande  que  chez  l'homme,  eu  égard  au 
poids  du  corps. 

Quant  à  l'état  maladif,  il  s'accuse  presque  toujours  par  une  différence 
en  moins  de  la  capacité  respiratoire,  surtout  quand  c'est  le  poumon  lui- 
même  qui  est  affecté.  Herbst  cite  des  exemples  relatifs  à  la  phthisie  pul- 
monaire, à  l'angine  de  poitrine,  etc.  :  mais  c'est  surtout  pour  le  diagnostic 
et  le  pronostic  de  la  première  de  ces  maladies,  que  la  méthode  actuelle 
peut  rendre  des  services.  Nous  la  verrons  bientôt  appliquée  sous  une 
forme  plus  exacte. 

Comme  conclusion  générale,  Herbst  admet  que  la  capacité  totale  des 
poumons  chez  l'homme  adulte,  de  force  moyenne,  varie  entre  220  et  280 
pouces  cubes;  moyenne:  250  pouces  cubes,  tout  en  tenant  compte  des 
40  pouces  cubes  qui  restent  toujours  dans  l'arbre  aérien,  même  après  La 
plus  forte  expiration  (Davy). 

Les  recherches  du  docteur  John  Iiulchinson  (1846),  sur  la  spirométrie, 
sont  encore  plus  importantes,  et  ont  acquis  plus  de  notoriété.  11  dis- 
lingue entre  la  capacité  respiratoire  et  la  puissance  respiratoire.  La 
première,  qu'il  qualifie  encore  de  capacité  vitale,  donne  l'écart  depuis 
l'expiration  la  plus  profonde  jusqu'à  l'inspiration  la  plus  complète.  Elle 
s'apprécie  à  l'aide  d'un  simple  gazomètre,  dans  lequel  l'individu  en  expé- 
rience chasse  l'air  de  trois  expirations  qui  ont  succédé  à  trois  grandes 
inspirations.  Quant  à  la  puissance  respiratoire,  elle  se  mesure  avec,  un 
tube  barométrique  pourvu  d'une  planchette  graduée.  Ce  tube  baromé- 
trique est  recourbé  de  façon  à  pouvoir  s'adaplcr  par  sa  courte  branche  à 


POITRINE.  —  sÉsiihoi.oGiE.  fiG9 

l'une  des  narines,  l'autre  demeurant  fermée.  Il  n'y  a  plus  dès  lors  qu'à 
constater  de  combien  de  divisions  le  mercure  s'élève  ou  s'abaisse  à  chacun 
des  deux  mouvements  respiratoires.  Les  observations  de  J.  Hiitchinson 
portent  sur  2 150  sujets  différents  par  la  taille,  le  poids,  l'âge,  etc.,  et 
forment  des  tableaux  comparatifs,  faciles  à  consulter.  Il  note  encore  l'in- 
fluence du  type  respiratoire,  de  la  profession,  de  la  volonté,  etc.  Une  de 
ses  conclusions  les  plus  importantes  est  celle-ci  :  le  volume  de  la  poitrine 
et  la  quantité  d'air  qu'un  homme  peut  introduire  dans  ses  poumons  ne 
sont  nullement  en  relation  l'un  avec  l'autre.  Il  ajoute  aussi  :  la  circonfé- 
rence de  la  poitrine  n'a  non  plus  aucune  relation  avec  la  capacité  vitale; 
mais  elle  est  en  rapport  exact  avec  le  poids  de  l'individu;  elle  augmente 
de  1  pouce  cube  pour  10  livres. 

Dans  l'ordre  pathologique,  J.  Ilulchinson  admet  en  principe  que  toutes 
les  fois  qu'il  y  a  dans  le  poumon  une  altération  organique,  quelle  qu'en 
soit  d'ailleurs  la  nature,  mettant  obstacle  à  la  pénétration  de  l'air  dans  les 
vésicules  aériennes,  il  doit  y  avoir  une  diminution  dans  la  capacité  vitale 
ou  respiratoire.  Les  applications  les  plus  larges  de  la  méthode  sont  pour 
la  phthisie  pulmonaire,  dont  l'étendue  est  pour  ainsi  dire  mesurée  pas  à 
pas  de  cette  façon.  Voici  un  exemple  :  Un  géant  américain,  venu  en  An- 
gleterre en  1842,  paraissait  alors  en  plein  état  de  santé;  capacité  vitale, 
454  pouces  cubes  ;  taille,  6  pieds  M  pouces  un  quart;  poids  271  livres; 
circonférence  de  la  poitrine,  47  pouces;  puissance  inspiratoirc,  5  pouces  ; 
puissance  expiralrice,  6,5  pouces.  Deux  ans  après,  en  1844,  la  capacité 
vitale  était  descendue  à  590  pouces  cubes,  et  même  bientôt  après  à  540  ; 
diminution  de  20  pour  100-  La  puissance  respiratoire  avait  décru  de 
1  cinquième  et  son  poids  de  28  livres.  Rien  à  ce  moment  n'indiquait 
encore  de  maladie  organique  chez  cet  homme.  Un  an  après  il  succombait 
avec  tous  les  signes  de  la  phthisie  confirmée;  il  ne  pesait  plus  que  140 
livres;  sa  taille  même  avait  diminué. 

Parmi  les  travaux  parus  depuis  lors  sur  la  spirométrie,  nous  signale- 
rons ceux  de  Wintrich  (1854),  de  Schneevogl  (1854)  et  de  Hecht 
(1855),  qui  ont  été  mentionnés  et  analysés  par  Ch.  Lasègue  (1856),  dans 
les  Archives  générales  de  médecine.  Ils  confirment  la  plupart  des  résul- 
tats acquis,  et  entre  autres  conclusions  nouvelles,  nous  citerons  les  sui- 
vantes :  «  La  spirométrie  est  d'un  secours  utile  pour  diagnostiquer  les  affec- 
tions organiques  du  poumon  à  leur  début,  et  devrait  être  employée  par  les 
conseil-  de  révision ,  les  Sociétés  d'assurances  sur  la  vie,  etc.  —  El  le  découvre 
la  tuberculisation  à  une  époque  où  aucun  autre  procédé  de  diagnostic  ne 
la  révèle.  —  Elle  assure  le  diagnostic  de  la  phthisie  confirmée,  elle  sert 
à  en  mesurer  l'étendue,  la  marche,  les  progrès,  l'amélioration.  — La  spi- 
rométrie rend  un  signalé  service  quand  elle  dissipe  la  crainte  d'une  tu- 
berculisation commençante.  »  Mais  il  faut  savoir  que  ces  affirmations  sont 
sujettes  à  contestation,  et  Ch.  Lasègue  et  P.  Gultmann  ont  à  ce  propos 
conseillé  de  faire  certaines  réserves,  dictées  par  des  données  contradic- 
toires. Dans  tous  les  cas,  si  l'on  voulait  mettre  à  répreuve  la  méthode 
présente,  il  faudrait  pour  un  sujet  déterminé,  consulter  les  tableaux  dres- 


070  POITRINE.  —  sbiiéiologie. 

ses  par  les  observateurs  que  nous  avons  nommés,  et  y  chercher  les  termes 
de  comparaison  voulus. 

La  mesure  de  la  pression  respiratoire  semblerait  en  dernier  lieu  con- 
duire à  des  résultats  plus  précis,  et  la  pneumatomélrie  est  devenue 
entre  les  mains  de  Waldenburg  (cité  pari'.  Gutlmami),  un  moyen  sérieux 
de  diagnostic.  L'instrument,  mis  en  usage,  est  toujours  plus  ou  moins 
imité  des  manomètres,  et  il  fait  reconnaître  une  pression  expiratoire 
positive  et  une  pression  inspiraloire  positive.  La  valeur  numérique 
correspondant  à  une  inspiration  profonde,  chez  un  homme  adulte  et  bien 
portant,  oscille  entre  70  et  100  millimètres;  pour  une  expiration  pro- 
fonde, elle  est  de  80  à  120  millimètres.  Chez  la  femme,  l'inspiration 
profonde  donne  de  30  à  80  millimètres,  et  l'expiration  40  à  90  milli- 
mètres. L'avantage  est  toujours  à  l'expiration,  et  même,  dans  une  respi- 
ration calme,  elle  l'emporte  de  5  à  50  millimètres.  Il  n'y  a  aucun  rapport 
entre  les  résultats  de  la  spirométrie  et  ceux  de  la  pneuniométrie ;  les 
valeurs  données  par  celle-ci  étant  relativement  élevées  quand  la  capacité 
pulmonaire  est  faible,  et  réciproquement.  Les  faits  pathologiques,  consta- 
tés par  Waldenburg  et  confirmés  parEichhorst  (1875),  se  résument  ainsi  : 
«  La  pression  expiratoire  est  toujours  diminuée  dans  l'emphysème  pul- 
monaire, dans  le  catarrhe  chronique  des  bronches,  dans  l'asthme  bronchi- 
que, dans  la  grossesse,  et  les  tumeurs  et  les  exsudais  de  la  cavité  abdo- 
minale. —  Dans  la  phthisie,  il  y  a  insuffisance  de  l'inspiration  au  début, 
insuffisance  de  l'expiration  plus  tard;  dans  la  pneumonie  et  la  pleurésie, 
il  y  a  insuffisance  à  la  fois  de  l'inspiration  et  de  l'expiration  »  (P.  Gutt- 
mann). 

Nous  allons  retrouver  ce  même  ordre  de  recherches  complété,  et 
jusqu'à  un  certain  point  perfectionné,  par  la  méthode  graphique. 

9°  Emploi  des  procédés  graphiques.  —  Avec  ces  moyens,  dont  le 
principe  a  été  emprunté  aux  sciences  physiques,  a  commencé  une  ère 
nouvelle  pour  la  physiologie  et  la  séméiologie ,  et  la  précision  en 
quelque  sorte  automatique  s'est  substituée  aux  incertitudes  et  aux  appro- 
ximations des  observateurs.  On  sait  comment  la  méthode  s'est  introduite 
dans  la  médecine,  et  comment  grâce  aux  efforts  de  J.  Marey  elle  a  pris 
une  forme  pratique,  et  est  devenue  accessible  à  tous.  Les  travaux  de 
Marey  onteuun  retentissement  universel,  et  nous  pouvons  d'autant  mieux 
le  proclamer  que  nous  en  avons  fait  nous-mêmes  une  large  application 
dans  nos  articles  Auscultation,  CiiiclxatioiN,  Cœur.  De  son  Côté,  le  regret- 
table Lorain  s'est  fait  le  prosélyte  ardent  de  ces  études,  soit  au  mot  Car- 
diographie de  ce  Dictionnaire,  soit  dans  une  publication  distincte  (1878), 
qui  a  procédé  sa  mort  de  très-peu,  et  qui  a  été  comme  le  couronnement 
d'une  carrière  brillamment  parcourue  et  trop  tôt  brisée.  Nous  ne  revien- 
drons pas  sur  la  cardiographie,  que  complétera  un  article  sur  le  pouls, 
et  nous  nous  bornerons  aux  recherches  graphiques  laites  eu  vue  de 
l'appareil  respiratoire. 

Les  tracés  expriment  toujours  un  mouvement;  ce  sont  donc  les  mouve- 
ments de  la  respiration  qu'il  y  a  à  enregistrer,  soit  les  mouvements 


POITRINE.  SÉHÉfOLOÉÏKl  671 

extérieurs  du  thorax,  soit  ceux  de  la  colonne  d'air  inspiré  et  expiré.  Les 
appareils  destinés  à  recueillir  le  premier  genre  de  mouvements  sont  de 
beaucoup  les  plus  nombreux;  ils  nous  occuperont  d'abord. 

D'après  P.  Guttmann,  Vierordt  et  Ludwig  se  servaient  d'un  levier  coudé, 
dont  le  plus  petit  bras  reposait  par  son  extrémité  sur  la  face  abdominale 
du  diaphragme,  tandis  que  le  long  bras  inscrivait  au  moyen  d'un  pinceau 
sur  un  papier  en  mouvement  les  excursions  du  diaphragme.  La  plupart 
des  autres  instruments  enregistreurs  des  mouvements  extrinsèques  de  la 
respiration  sont  fondés  sur  le  même  principe  ;  tels  sont  :  le  phënographe 
de  Rosenthal,  le  stéthographe  de  Gerhardt,  le  stéthographe  double  de 
Riégel,  le  lliree  plane  stelhomeler  de  Ransome.  Le  pneutnographe  de 
Marey  (1865)  est  tout  différent;  c'est  une  ceinture  qui  s'applique  au- 
tour de  la  poitrine,  et  qui  est  interrompue  sur  une  partie  de  sa  longueur 
par  un  cylindre  élastique  rempli  d'air.  Ce  cylindre,  rigoureusement  appli- 
qué sur  la  paroi  thoracique,  subit  différentes  déformations  en  longueur 
et  en  diamètre,  sous  l'influence  des  mouvements  de  la  cage  thoracique. 
Pendant  l'inspiration,  l'air  contenu  dans  le  cylindre  éprouve  une  tension 
plus  forte,  par  la  diminution  de  capacité  de  ce  réservoir  ;  le  contraire  a 
lieu  durant  l'expiration.  Ces  variations  de  pression  sont  transmises  par 
un  tube  à  l'ampoule  de  l'appareil  enregistreur,  et  s'inscrivent  sur  le 
papier  du  polygraphe. 

On  peut  aussi,  avons-nous  dit,  recueillir  les  oscillations  de  l'air  inspiré 
et  expiré.  Marey  avait  eu  déjà  l'idée  de  respirer  dans  un  grand  réservoir 
de  500  à  400  litres,  et  de  noter  à  l'aide  de  la  méthode  graphique 
les  variations  de  pression  que  déterminent  dans  cet  espace  les  mouve- 
ments alternatifs  d'inspiration  et  d'expiration.  Il  est  assez  remarquable 
qu'on  obtienne  dans  cette  expérience  un  tracé  tout  à  fait  comparable  à 
celui  que  donne  le  cylindre  élastique  du  pneumographe.  Nous  signalerons 
encore  un  autre  appareil  imaginé  par  Marey,  et  qu'il  appelle  un  tube 
branché.  Il  consiste  en  un  tube  assez  large,  dans  lequel  on  peut  respirer 
librement  ;  ce  tube  porte  sur  un  point  un  tube  beaucoup  plus  fin  qui 
aboutit  d'autre  part  au  tambour  de  l'enregistreur.  Il  résulte  de  cette  dis- 
position que,  sans  que  la  respiration  soit  en  rien  gênée,  les  moindres 
variation  de  pression  peuvent  néanmoins  se  faire  sentir  dans  le  tambour 
de  l'enregistreur  et  s'inscrire  sur  le  polygraphe.  De  son  côté,  Chauveau 
a  recueilli  chez  le  cheval  des  tracés  respiratoires,  en  introduisant,  à  l'aide 
d'une  incision,  dans  la  trachée  de  cet  animal,  l'ampoule  du  cardiographe 
qui  se  trouvait  ainsi  soumise  aux  pressions  de  l'air  en  circulation.  Enfin, 
sur  ces  données  et  sur  une  connaissance  approfondie  du  sphygmographe, 
Bergeon  et  Kastus  (1869)  ont  établi  Yanapnographe,  qui  semble  avoir 
une  valeur  clinique  aussi  grande,  et  sur  lequel  nous  allons  nous  arrêter 
un  moment,  en  posant  à  eette  occasion  des  conclusions  qui  résumeront 
toute  cette  étude. 

L'anapnographe  (àvaTcvcv),  respiration),  dont  nous  ne  prétendons  donner 
ici  qu'une  idée  générale,  consiste  essentiellement  en  une  sorte  de  trachée 
artificielle,  assez  large,  et  qui  porte  à  l'intérieur  une  valve  mobile  autour 


072  POITRINE.  —  sémeioiogie. 

d'un  axe  horizontal.  Cctle  valve,  mise  en  mouvement  sous  l'action  du 
courant  respiratoire,  tantôt  dans-  un  sens,  tantôt  dans  l'autre,  transmet 
ses  oscillations  à  un  levier  léger  qui,  d'autre  part,  va  les  inscrire,  à  l'aide 
d'une  plume,  sur  un  papier  qu'un  mécanisme  d'horlogerie  déplace 
devant  lui.  Sans  nous  appesantir  sur  les  détails  de  la  construction  de  cet 
appareil,  nous  analyserons  le  tracé  qu'on  obtient  grâce  à  lui. 

Ce  tracé,  comme  celui  du  pouls,  représente  une  courbe  sinueuse,  dont 
les  éléments  se  groupent  au-dessus  et  au-dessous  d'une  ligne  neutre, 
qu'on  qualifie  de  ligne  des  zéros.  L'anse  négative  correspond  au  temps 
d'inspiration,  et  l'anse  positive  à  celui  d'expiration.  Dans  sa  continuité, 
la  courbe  offre  une  partie  ascendante  plus  ou  moins  oblique,  un  plateau 
assez  étendu  et  légèrement  incliné,  et  enfin  une  portion  descendante, 
brusque  d'abord,  puis  plus  allongée,  et  pourvue  comme  les  autres  sections 
de  soubresauts  secondaires.  Voici  maintenant  l'interprétation  de  ces  don- 
nées graphiques  : 

1°  La  distance  horizontale,  parcourue  sur  la  ligne  des  zéros  peudanl 
l'unité  de  temps,  indique  la  vitesse  ou  la  fréquence  de  la  respiration.  En 
comparant  la  longueur  de  chacun  des  deux  temps  respiratoires,  on  ob- 
tient leur  valeur  proportionnelle,  c'est-à-dire  le  rhylhme  de  la  respi- 
ration. 

2°  La  distance  verticale,  entre  le  point  le  plus  élevé  de  la  courbe  et  le 
point  le  plus  inférieur,  par  rapporta  la  ligne  des  Zéros,  donne  la  mesure 
des  puissances  inspiratrice  et  expiratrice,  dans  leurs  degrés  extrêmes. 
A  cet  effet,  on  dispose  l'appareil  de  sorte  que  la  résistance  de  la  valve  soit 
augmentée,  et  que  le  tracé  ne  dépasse  pas  les  limites  de  la  bande  de 
papier.  On  n'obtient  ainsi  qu'un  rapport,  et  non  pas  des  chiffres  absolus. 
De  plus,  ces  maxima  et  ces  minima  ne  correspondent  qu'à  la  respiration 
par  le  nez,  qui  est,  il  est  vrai,  l'état  normal;  avec  la  bouche,  ils  seraient 
différents  :  les  excursions  étant  plus  étendues. 

5°  La  surface  inscrite  dans  la  courbe  est  proportionnelle  aux  volumes 
d'air  déplacés.  Cette  proposition  résulte  d'une  certaine  conformation  de 
l'instrument,  par  laquelle  le  débit  de  l'air  respiré  est  uniforme,  c'est-à- 
dire  toujours  le  même  pour  le  même  temps.  On  sait,  par  expérience, 
que  dans  les  limites  de  la  respiration  naturelle  seize  carrés  du  papier  gra- 
phique représentent  un  demi-litre  d'air.  L'anapnographe  se  trouve  ainsi 
transformé  en  un  véritable  spiromètre. 

4°  Les  ondrdalions  secondaires,  apparentes  principalement  sur  l'anse 
expiratoire,  traduisent  Vinfluence  des  battements  du  cœur,  qui  se  fait 
sentir  sur  la  colonne  d'air  en  mouvement.  On  peut  voir  réciproquement, 
sur  un  tracé  sphygmographique  assez  long,  l'action  de  la  respiration  par 
laquelle  la  ligne  du  pouls  ondule  largement.  Ces  effets  alternatifs  sont 
plus  marqués  dans  le  second  cas  que  dans  le  premier,  et  nous  les  avons 
étudiés,  d'après  Potain,  à  l'article  (Caoru,  I.  Mil.  p.  l2!)9). 

Les  recherches  de  Dergeon,  faites  à  l'aide  de  l'anapnographe.  n'ont  pas 
encore  été  étendues  dans  le  domaine  de  la  pathologie;  mais  les  résultais 
d'ordre  physiologique  étant  acquis,  on  peut  prévoir  dès  à  présent  l'utilité 


POITRINE.  —  sÉMÉiOEOGiÉ.  075 

de .ceÇ  instrument  pour  la  clinique; 'et  désormais  les  questions  tic  fré- 
quence et  de  rhythme  pour  les  mouvements  respiratoires,  de  quantité  cl 
de  force  pour  l'air  mis  en  jeu  dans  l'acte  de  la  respiration,  pourront  être 
aussi  facilement  appréciés,  au  lit  des  malades,  avec  l'ànapno'graphe;  que 
les  détails  relatifs  au  pouls,  grâce  au  sphygmographe.  La  démonstration 
de  ces  avantages  est  à  faire,  sans  doute;  mais  elle  mérite  d'être  entreprise, 
car  on  manquait  d'un  instrument  de  précision,  commode  et  usuel,  pour 
aborder  avec  chance  de  succès  le  problème  si  complique  des  maladies  de 
poitrine  ;  tandis  que  maintenant  on  peut  en  fixer  les  signes  matériels 
d'une  manière  frappante  et  durable,  et  baser  sur  eux  un  diagnostic  certain 
et  un  traitement  approprié. 

10"  Signes  extrinsèques.  —  Les  affections  thoraciques  ne  se  manifes- 
tent pas  seulement  par  des  signes  locaux  ou  intrinsèques  ;  mais  aussi  par 
certains  autres  phénomènes  éloignés  ou  extrinsèques,  sur  lesquels  nous 
allons  dire  quelques  mots. 

Pour  ce  qui  est  du  cœur,  on  comprend  tout  de  suite  comment  il  tra- 
duit son  état  de  souffrance  [>ar  les  perturbations  du  pouls,  par  le  reflux  du 
sang  dans  le  système  veineux  (pouls  veineux),  par  des  bruits  de  souille 
vasculaires,  par  des  congestions  viscérales,  de  Vœdèmë,  des  épanche- 
menls  séreux,  par  le  goitre  exophlhalmique  (maladie  de  Basedow),  par 
['albuminurie,  par  la  cachexie  dite  cardiaque,  etc. 

Un  anévrysme  de  la  crosse  de  V aorte  déterminera,  en  comprimant  le 
nerf  récurrent,  de  l'aphonie;  la  branche  ascendante  du  grand  sympa- 
thique, la  contraction  permanente  de  l'une  des  pupilles  (Vog.  Aorte, 
p.  769),  etc. 

Quant  aux  maladies  de  l'appareil  respiratoire,  elles  s'annoncent  assez 
souvent,  indépendamment  de  la  dgspnéc  et  des  signes  propres  à  Vas- 
phgxie,  par  quelques  caractères  spéciaux,  tels  que  la  rougeur  des  pom- 
melles (A.  Gubler,  1857),  les  doigts  hippocra  tiques,  etc.  Parlerons-nous 
de  l'herpès  labialis,  qui  se  montre  du  quatrième  au  cinquième  jour  de 
la  pneumonie  franche,  à  titre  de  phénomène  critique,  cl  qui,  apparais- 
sant quelquefois  seul,  accompagné  ou  non  de  fièvre  et  de  point  de  côté, 
fait  songer  aux  cas  frustes  de  celte  affection?  Est-il  nécessaire  de  men- 
tionner les  sueurs  nocturnes  des  plitliisiqucs? 

Inversement  ne  voyons-nous  pas  s'éveiller  l'idée  de  certaines  affections 
thoraciques,  alors  que  le  loyer  primitif  du  mal  est  ailleurs  qu'à  la  poi- 
trine? Telle  est  la  signification  de  la  toux  gastrique,  de  la  toux  vermi- 
neuse,  de  la  phlhisie  secondaire  dans  l'ulcère  simple  de  l'estomac,  à  la 
suite  des  tumeurs  blanches  suppurées,  etc.  Enfin,  n'existe-t-il  pas  un  acci- 
dent de  la  plus  extrême  fréquence,  qui  se  montre  comme  fait  terminal 
dans  la  plupart  des  maladies  auxquelles  l'homme  succombe?  Nous  vou- 
lons dire  le  catarrhe  suffocant,  sur  lequel  nous  avons,  d'autre  part,  donné 
tous  les  détails  désirables  (Vog.  t.  V,  p.  553). 

Nous  n'abandonnerons  pas  ce  sujet  sans  mentionner  les  rapports  qui 
peuvent  s'établir  entre  le  larynx' et  le  reste  des  voies  respiratoires  et  par 
là  on  comprend  comment  l'emploi  du  laryngoscope  est  utile  pdur  éluci- 

NODV.  DICT.  Mtll.  El   Clllli.  XXVIII    —  VJ 


674  POITRINE.  —  séméiolouii;. 

dcr  le  diagnostic  de  certaines  alTections  thoraciques.  Il  montre,  par  la 
paralysie  de  l'une  ou  de  l'autre  des  cordes  vocales,  s'il  y  a  compression 
du  nerf  récurrent  correspondant;  ou  bien  si  les  lésions  du  larynx  sont  de 
nature  à  faire  redouter  quelque  complication  du  côté  du  parenchyme  pul- 
monaire :  c'est  ce  qui  a  lieu,  en  effet,  pour  certains  cas  de  phthisic  tuber- 
culeuse, qui  débutent  par  la  phthisie  laryngée. 

III.  Revue  séméiologique  des  affections  de  la  poitiune.  —  Les  différents 
signes  d'ordre  pathologique  que  nous  venons  d'étudier,  se  groupent  en 
plus  ou  moins  grand  nombre  et  de  diverses  manières,  pour  constituer  l'étal 
morbide  des  organes  thoraciques.  Sans  prétendre  exposer  ici  toute  la 
symptomatologie  de  cette  région  compliquée  qu'on  appelle  la  poitrine, 
nous  allons,  d'un  coup  d'œil  rapide,  parcourir  les  principaux  groupes 
symptomatiques  fournis  par  les  méthodes  dont  il  a  été  question  plus  haut, 
et  tels  qu'ils  se  manifestent  au  lit  des  malades. 

Laissant  de  côté  les  affections  rares  qui  peuvent  atteindre  les  organes 
secondaires  contenus  dans  le  thorax,  tels  que  l'œsophage,  le  canal  thora- 
cique,  les  vaisseaux  et  les  nerfs,  qui  ne  font,  du  reste,  que  le  traverser, 
nous  aurons  surtout  égard  aux  deux  grands  appareils  de  la  circulation  et 
de  la  respiration. 

Le  premier  de  ces  appareils  comprend  lui-même  le  cœur  et  les  gros 
vaisseaux  qui  y  aboutissent  :  d'où  une  division  importante  à  établir. 

Les  maladies  du  centre  circulatoire  ont  des  caractères  qui  leur  sont 
communs,  et  d'autres  qui  les  distinguent  les  unes  des  autres.  Au  groupe 
des  signes  communs  se  rattachent  :  l'impulsion  précordiale,  qui  fixe  les 
idées  sur  le  véritable  siège  du  cœur,  cette  impulsion  étant  d'ailleurs  aug- 
mentée ou  diminuée  suivant  le  cas.  L'inspection  de  la  région  cardiaque 
fait  voir  s'il  existe  ou  non  une  voussure  précordiale.  Une  matité  à  la  per- 
cussion lui  correspond,  et  montre  si  le  volume  de  l'organe  est  au-dessus 
ou  au-dessous  de  l'état  normal.  L'application  de  la  main  permet  de  sentir 
s'il  y  a  ou  non  du  frémissement  cataire  ;  et  les  rapports  de  ce  frémisse- 
ment, quand  il  se  produit,  avec  la  systole  ou  la  diastole,  éclairent  déjà  la 
question  des  lésions  d'orifices  et  de  valvules.  L'auscultation  vient  à  son 
tour  donner  de  la  précision  à  ce  premier  soupçon,  ou  bien  révèle  d'em- 
blée l'existence  des  bruits  anormaux,  leurs  maxima,  leurs  relations  avec 
tel  ou  tel  temps  de  la  révolution  du  cœur,  leur  force,  leur  prolonge 
ment,  etc.;  mais  déjà  elle  avait  indiqué  les  altérations  des  bruits  normaux, 
dans  leur  netteté,  dans  leur  intensité,  dans  leur  fréquence  et  dans  leur 
rhythme.  Enfin  les  signes  extrinsèques,  exceptionnellement  importants 
ici,  résultent  de  l'auscultation  des  vaisseaux,  de  l'examen  du  pouls  par  le 
doigt  ou  avec  le  sphygmographe.  Puis  tout  cela  aboutit  à  une  perturba- 
tion complète  de  la  fonction  cardiaque,  à  Vltàjjslolie,  groupe  des  phéno- 
mènes ultimes  par  lesquels  s'achèvent  les  maladies  du  cœur,  en  général. 
Au  milieu  de  tous  ces  désordres,  il  importe  assez  peu  de  savoir  à  quelle 
lésion  d'orifice  ou  de  valvule  on  a  affaire.  En  dehors  de  telle  ou  telle  par- 
ticularité acecessoire,  il  existe  une  maladie  type  du  cœur  qui  les  résume 
toutes;  et  ce  qu'il  importe  avant  tout  de  savoir  au  point  de  vue  thérapeu- 


POITRINE.  —  siÔMiîioi.oGiE.  HT.'. 

tique,  et  cela  d'après  Stokes  principalement,  c'est  l'état  de  la  libre  muscu- 
laire cardiaque,  le  degré  de  son  épuisement  et  la  nature  de  son  altération. 
Parmi  les  cas  spéciaux  de  l'affection  cardiaque,  on  voit  se  dégager  deux 
affections  :  la  péricardite  et  l'insuffisance  aortique.  Elles  seules  sont  assez 
caractérisées  pour  mériter  un  diagnostic  à  part,  et  comportent  des  indica- 
tions particulières.  La  première  se  reconnaît  à  la  vaste  étendue  de  la  ma- 
tité  précordiale,  à  la  voussure  qui  y  correspond;  en  même  temps  que  les 
bruits  du  cœur  s'éloignent  et  s'éteignent.  Quant  à  la  seconde,  qui  entraîne 
aussi  un  certain  degré  de  voussure,  elle  est  suffisamment  spécifiée  par  le 
souille  diastolique  et  le  double  souille  intermittent  crural,  en  rapport 
assez  naturel  avec  la  qualité  du  pouls  constatée.  Mais  les  détails  cliniques 
de  ces  deux  maladies  seront  mieux  à  leur  place  dans  les  articles  où  l'on 
traite  des  maladies  du  cœur,  et  on  devra  les  y  rechercher. 

Les  affections  les  plus  remarquables  des  gros  vaisseaux  sont  les  ané- 
vrysmes  de  l'aorte  thoracique.  Bornons-nous  au  tableau  symptomatique 
de  ce  genre  de  lésion  :  il  nous  servira  de  type.  On  sent  dans  la  poitrine 
comme  un  second  cœur  (Stokes),  c'est-à-dire  qu'il  y  existe  un  autre  centre 
d'impulsion  que  le  cœur.  A  ce  niveau,  tumeur  délimitée  par  la  percus- 
sion, frémissement  cataire,  souffle  systolique;  puis  voussure  par  perfora- 
tion de  la  paroi  thoracique,  précédée  ordinairement  de  phénomènes  de 
compression  sur  les  organes  circonvoisins,  acquérant  parfois  une  signi- 
fication très-précise,  et  éclairant  le  diagnostic  d'un  jour  tout  nouveau 
(Voy.  Aorte,  p.  757).  Puis  arrivent  les  différents  cas  de  rupture,  parmi 
lesquels  le  plus  remarquable  amène  la  formation  d'un  auévrysme  arté- 
rioso-veineux  (Aorte,  p.  776).  Enfin  nous  ne  serions  pas  complet  si, 
aux  anévrysmes  de  l'aorte,  nous  n'opposions  pas  ceux  du  tronc  brachio- 
céphalique  artériel  :  ce  qui  constitue  un  cas  de  diagnostic  très-intéressant 
(loc.  cit.,  p.  780). 

L'appareil  respiratoire  se  partage  en  trois  départements  bien  distincts, 
ayant  leurs  maladies  propres;  à  savoir  :  les  bronches,  le  parenchyme 
pulmonaire  et  la  plèvre. 

Les  affections  des  bronches  se  caractérisent  par  la  conservation  du 
murmure  vésiculaire  et  de  la  sonorité  thoracique  à  la  percussion,  phéno- 
mènes négatifs;  et,  comme  phénomènes  positifs,  par  des*bruits  tout  à 
fait  anormaux,  qu'on  appelle  des  râles,  qui  sont  secs  ou  humides,  qui 
sont  gros,  moyens  ou  fins,  qui  sont  confluents  ou  discrets  {Voy.  Auscul- 
tation, p.  135)  ;  par  de  la  toux,  par  une  expectoration  successivement 
muqueuse,  muco-purulente,  ou  bien  séreuse,  ou  bien  hémoptoïque,  etc.; 
par  une  dyspnée  modérée,  sauf  dans  ce  de<n-é  extrême  qui  constitue  le 
catarrhe  suffocant.  (Voy.  ce  mot,  p.  554).  Ces  signes  se  rapportent  sur- 
tout à  la  catégorie  si  nombreuse  des  bronchites;  ils  se  compliquent 
bientôt  de  ceux  qui  annoncent  une  altération  plus  avancée  des  conduits 
aériens;  tels  que  la  dilatation,  l'emphysème  vésiculaire,  etc.  On  constate 
alors  des  phénomènes  qui  sont  en  rapport  avec  l'existence,  au  sein  du  pou- 
mou,  de  cavités  plus  ou  moins  spacieuses  (cavernes)  ;  ou  avec  la  perte  de 
l'élasticité  des  bronchioles  et  des  cellules  pulmonaires  (ampliation  du 


11711  l'OlTHlNE.  —  SKHÉIOI.OCIK. 

thorax,  expiration  prolongée,  etc.).  L'expectoration  se  modifie  suivant  les 
circonstances,  et  la  respiration  s'aliectt;  juscju'à  revêtir  les  apparences  de 
['àsthfne. 

Tour  le  parenchyme  propre  du  poumon,  il  se  présente  comme  lésion 
deux  cas  principaux  :  Y  ëngoueme'nt  et  Y  induration. 

V engouement,  ou  hypérémie  pulmonaire,  se  montre  au  début  du  pro- 
cessus inllaminatoire  (pneumonie),  autour  des  noyaux  apoplectiques  et 
néoplastiques,  clans  la  lluxion  œdémateuse,  et  dans  l'état  dit  hyposta- 
tique.  Un  signe  décisif  le  caractérise,  le  râle  crépitant,  plus  ou  moins 
lin  et  humide.  Au  même  moment,  la  percussion  ne  fournit  encore  que 
des  résultats  négatifs. 

U  induration  s'appelle  hépalisalion  dans  la  pneumonie;  dans  les 
autres  cas,  elle  est  constituée  par  des  néoplasmes  variés.  Ses  caractères 
sont  :  la  suppression  du  bruit  normal  de  la  respiration,  son  remplacement 
par  du  souffle  tubaire;  de  même  le  retentissement  habituel  de  la  voix  tho- 
racique  devient  de  la  bronchophonie  ;  la  percussion  donne  ordinairement 
de  la  matité,  mais  avec  persistance  d'une  certaine  élasticité  sous  le  doigt; 
les  vibrations  thoraciqucs  sont  plutôt  augmentées.  L'expectoration  varie  : 
dans  la  pneumonie,  elle  est  pathognomonique.  Exceptionnellement,  au 
niveau  de  certains  noyaux  d'induration  placés  près  de  la  surface  du  pou- 
mon, et  établissant  la  continuité  entre  les  bronches  encore  béantes  et  la 
paroi  pectorale,  on  entend  les  bruits  d'auscultation  et  de  percussion 
propres  aux  excavations  et  même  à  l'amphorisme  {Voy.  AuscrjLTATiOH, 
p.  125,  et  Peuccssion,  p.  559  et  564).  Les  phénomènes  extrinsèques  sont 
trop  inconstants  pour  qu'on  puisse  les  mentionner  dans  une  étude  géné- 
rale. 

Au  milieu  de  ces  affections  de  parenchyme  se  dislingue  la  tuberculose, 
remarquable  par  les  deux  phases  qu'elle  présente  dans  son  évolution  :  se 
manifestant  par  les  signes  de  l'induration  durant  la  première,  et  par  ceux 
des  excavations  dans  la  période  suivante.  De  plus,  les  troubles  de  l'en- 
semble de  l'organisme  acquièrent  ici  leur  maximum  d'intensité. 

Pour  la  plèvre,  il  se  rencontre  deux  cas,  suivant  que  le  mal  aboutit  à  un 
épanchement  liquide,  ou  bien  à  un  épanchement  gazeux.  Ajoutons  à  cela 
(pie  les  deux  sortes  d'épanchement  peuvent  se  montrer  réunis.  En  dehors 
de  ces  circonstances,  où  un  fluide  amène  l'écartement  des  feuillets  pleu- 
raux, les  lésions  de  la  séreuse  s'annoncent  par  un  frottement  perceptible 
au  toucher  et  à  l'ouïe  :  tel  est  le  frottement  qu'on  remarque  au  début  et 
à  la  Gn  de  la  pleurésie  aiguë,  et  qui  se  termine  par  une  adhérence  défi- 
nitive entre  les  deux  surfaces  adjacentes. 

L' épanchement.  liquide  a  pour  caractères  :  l'extinction  progressive  du 
murmure  respiratoire,  l'apparition  dans  l'expiration  d'abord  d'un  bruit 
de  souffle  doux,  le  retentissement  égophonc  de  la  voix  llioraciquc  sur 
une  limite  variable,  en  attendant  qu'elle  se  supprime  tout  à  fait;  une 
matité  décisive  sans  élasticité  à  la  percussion  ;  la  disparition  des  vibra- 
tions de  la  voix  thoracique  ;  l'ampliation  de  la  cavité  pleurale  correspon- 
dante, récartement  des  espaces  intercostaux,  l'accroissement  du  périmètre 


POITlilXK.  —  SÉMÉIOI.OGIE. 


077 


de  la  poitrine  à  la  mensuration  ;  puis  comme  signes  accessoires  :  le  point 
de  côté  intense,  le  décubitus  latéral,  et  successivement  sur  le  côté  sain 
et  sur  le  côté  malade.  A  la  période  de  progrès  de  l'affection  succède  une 
période  de  retour,  marquée  par  la  résorption  de  l'épanchement,  la  néap^ 
parition  du  frottement  pleural,  et  définitivement  la  rétraction  de  tout  le 
côté  affecté,  qui  reste  comme  une  marque  indélébile  du  mal  primitif, 
et  coinpromel  à  jamais  l'intégrité  de  la  fonction,  Exceptionnellement 
encore  apparaissent,  dans  certains  épancheincnls  qui  n'ont  pas  tout  à  fait 
effacé  les  cavités  bronchiques,  les  souffles  pseudo-caverneux  et  pseudo- 
amphorique,  et  surtout  le  bruit  de  pot  fêlé  (bruit  de  Skoda),  vers  les 
parties  où  le  poumon  est  en  quelque  sorte  réfugié. 

La  distinction  entre  les  divers  épanchements  liquides,  séreux,  séro- 
purulents,  purulents  et  hémorrhagiques,  rentre  dans  le  cadre  des  traités 
spéciaux  de  pathologie. 

Quant  aux  épanchements  gazeux,  ils  sont  habituellement  mixtes, 
liquides  et  gazeux,  et  ont  leur  type  dans  V  hgdropneumothorax  par  fistule 
broncho-pleurale.  Ici  se  font  entendre  les  bruits  les  plus  intenses  de 
l'auscultation  et  de  la  percussion,  remarquables  surtout  par  leur  timbre 
métallique  :  souille,  voix,  toux,  râles,  bruits  du  cœur,  bruits  de  déglu- 
tition, choc  à  la  percussion,  etc.,  tout  retentit  ampboriquement,  avec  un 
écho  argentin;  et  le  phénomène  apparaît  plus  éclatant  encore,  si  c'est 
possible,  par  la  succussion  hippocratique,  qui  suscite  tout  un  Ilot  do 
vibrations  sonores,  dont  la  perception  au  sein  de  l'organisme  semble  tou- 
jours si  singulière. 

A  la.  suite  de  ces  affections  d'un  organe  déterminé  de  la  poitrine,  il 
nous  reste  à  mentionner  certains  groupes  symptomatiques  dont  le  point 
de  départ  et  le  siège  ne  sont  plus  aussi  bien  définis.  Nous  citerons  parti- 
culièrement :  la  pleurodynie,  Vdsthme,  Vangine  de  poitrine,  et  enfin 
les  tumeurs  du  médiaslin. 

La  pleurodynie  parait  au  premier  abord  un  cas  assez  distinct,  en  tant 
que  douleur  de  côté  et  manifestation  rhumatismale  sur  les  muscles  inter- 
costaux. De  plus,  elle  fait  souvent  partie  d'un  groupe  symploniatique, 
assez  remarquable  par  sa  physionomie  et  par  sa  fréquence  :  fièvre,  pleu- 
rodynie ou  point  de  côté,  herpès  labialis;  n'est-ce  pas  là  une  petite 
maladie  de  tous  les  jours,  qui  laisse  peu  de  place  à  l'inconnu?  Cependant, 
en  allant  au  fond  des  choses,  on  trouverait  peut-être  un  autre  sens  à  celle 
expression  morbide.  Sans  compter  les  cas  frustes  de  pneumonie  franche  qui 
affectent  une  pareille  allure,  il  faut  encore  songer  à  la  possibilité  de  petites 
pleurésies  partielles,  simplement  adhésives;  à  des  péricardites  également 
limitées  et  fugaces,  et  môme  à  des  endocardites  entièrement  latentes  et 
méconnues.  C'est  ainsi  que  Cruveilhier  rendait  compte  de  ces  adhérences 
multiples,  qu'on  rencontre  dans  mainte  autopsie  d'individus  qui  sem- 
blaient n'avoir  eu  aucune  pleurésie  dans  le  cours  de  leur  existence.  On 
comprend  aussi  pourquoi  il  y  a  si  peu  de  cœurs  qui  ne  présentent  pas 
à  leur  surface  des  plaques  laiteuses,  comme,  traces  d'anciennes  péricar- 
dites ;  et  comment,  en  un  mol,  il  est  si  rare  d'observer  un  centre  circula- 


078 


POITRINE:  —  sÉMÉioLociÉ. 


ÏOÎfe  loul  à  fait  intact  chez  l'homme  qui  a  dépassé  l'âge  moyen  de  la  vie, 
et  même  plus  jeune  encore.  De  telle  sorte  que  la  plus  légère  affection 
a  frirjore,  accusée  par  du  frisson,  du  malaise,  de  la  courbature,  avec 
douleur  sous-costale  ou  précordiale,  et  suivie  ou  non  d'une  crise  appa- 
rente, correspondrait  toujours  à  quelque  pleurésie  ou  erido-péricàrdite, 
si  insignifiante  qu'on  voudra  le  supposer,  mais  d'une  réalité  indiscutable. 
Le  pronostic  de  ces  petites  indispositions,  qui  se  montrent  et  disparaissent 
si  vite,  change  donc  du  tout  au  tout ,  et  engage  l'avenir  plus  qu'on  ne  le 
croit. 

V asthme  est  également  une  de  ces  affections  dont  le  sens  est  multiple 
(Voij.  ce  mot).  Caractérisé  par  une  dyspnée  d'une  grande  violence  et 
intermittente,  il  apparaît  aussi  bien  comme  l'expression  d'un  trouble  car- 
diaque qu'à  titre  de  maladie  des  voies  respiratoires.  Du  reste,  au  point  de 
vue  pathogénique,  il  est  tantôt  primitif  et  tantôt  secondaire,  par  rapport 
à  chacune  de  ces  deux  grandes  fonctions  qu'on  appelle  la  respiration  et  la 
circulation.  D'une  part,  la  gène  à  la  circulation  intra-cardiaque,  dans  les 
lésions  de  valvules  et  d'orilices,  provoque  le  désordre  convulsif  des  mou- 
vements respiratoires  ;  et,  d'autre  part,  la  perversion  de  l'acte  de  la  res- 
piration entraîne  réciproquement  des  modifications  graves  dans  le  fonction- 
nement du  cœur.  De  toute  façon,  ce  sont  les  dérangements  de  l'appareil 
pulmonaire  qui  dominent  dans  l'asthme  ;  ce  trouble,  simplement  phvsio- 
logique  d'abord,  aboutit  en  dernier  lieu  au  relâchement  et  à  l'arnpliation 
des  conduits  de  l'air  et  des  vésicules  qui  les  terminent,  et  s'accompagne 
bientôt  d'un  catarrhe  soit  sec,  soit  pituiteux.  Sous  d'autres  noms,  c'esl  là 
l'emphysème  pulmonaire  et  la  bronchite  à  râles  vibrants  ou  humides, 
suivant  le  cas  ou  la  période  de  la  maladie.  Si  le  mal  s'était  plus  particu- 
lièrement fixé  sur  le  cœur,  nous  aurions  eu  l'hypertrophie  comme  pre- 
mier terme,  et  l'asystolie  pour  aboutissant.  Inutile  d'ailleurs  d'insister 
sur  la  symptomatologie  de  l'asthme  ;  il  a  son  histoire  particulière  à  l'en- 
droit indiqué. 

De  même  X angine  de  poitrine  n'a  point  tout  d'abord  de  siège  anatomi- 
que  parfaitement  déterminé.  Simple  trouble  fonctionnel  au  départ,  elle 
apparaît  à  l'arrivée  comme  expression  symplomatique  des  lésions  du  cen- 
tre circulatoire  les  plus  évidentes  et  les  plus  graves  :  dégénérescence  de 
la  fibre  cardiaque,  opacités  et  indurations  valvulaires,  dilatations  et  alhé- 
rornes  de  l'aorte  à  son  origine,  adhérences  partielles  des  deux  feuillets  du 
péricarde,  etc.  :  tout  est  possible,  sans  être  inévitable  au  fond,  puisqu'il 
y  a  des  angines  de  poitrine  en  dehors  de  toute  altération  matérielle  re- 
connue. La  révélation  clinique  de  la  maladie  est  tout  entière  dans  le 
siège,  l'intensité  et  la  nature  d'une  certaine  douleur,  dans  ses  irradiations 
définies,  dans  la  dyspnée  et  l'angoisse  qui  s'ensuivent,  et  dans  une 
brusque  terminaison  par  la  mort  [Voyi  Angine  de  POITRINE). 

Les  tumeurs  du  médiastin  méritent  de  nous  occuper,  moins  par  elles- 
mêmes  que  par  les  causes  d'erreur  qu'elles  provoquent,  en  donnant 
l'idée  de  certaines  maladies  thoraciques  qu'elles  simulent  et  qui  n'exis- 
tent pas.  Tantôt,  sous  la  forme  d'adénopathie  péri-bronchique,  elles  dé- 


POITRliNK.  —  SÉMÉIOI.OGIE. 


(579 


terminent  des  phénomènes  de  compression  sur  les  bronches  elles-mêmos, 
sur  les  nerfs  qui  les  avoisinent,  sur  les  gros  troncs  veineux  qui  se  rendent 
au  cœur,  etc.,  et  font  croire  à  des  anévrysmes  de  la  crosse  de  l'aorte  et 
de  l'aorte  descendante.  Tantôt,  à  titre  d'encéphaloïde  du  rhédiastin  an- 
térieur, agissant  sur  la  paroi  thoracique  et  lui  transmettant  les  battements 
du  cœur,  elles  éveillent  l'idée  d'affections  cardiaques  propres  et  encore 
d'anévrysmes  aortiques.  Les  abcès  rétro-sternaux  rentrent  dans  le  même 
cas,  et  apportent  aussi  leur  contingent  de  difficultés.  iMais  le  diagnostic 
est  à  peu  près  assuré,  par  céla  même  que  l'attention  est  fixée  sur  ce  point, 
les  caractères  différentiels  étant  suffisamment  tranchés  entre  tous  ces  cas. 

Nous  ne  serions  pas  complet,  si  nous  ne  tenions  pas  compte  d'affec- 
tions d'organes  extra-thoraciques,  qui  retentissent  secondairement  sur  les 
fonctions  intra-tboraciques.  Ainsi,  les  maladies  du  larijnx,  surtout  les 
occlusions  de  la  glotte,  altèrent  le  murmure  vésiculaire  jusqu'à  le  sup- 
primer :  l'aphonie  ne  permettant  pas  non  plus  de  reconnaître  certains 
bruits  d'auscultation  fournis  par  la  voix  propagée  au  travers  de  la  poi- 
trine, etc.  (Voy.  Auscultation,  p.  148).  Du  côté  de  l'abdomen,  nous 
voyons  le  tympanisme  poussé  à  l'extrême,  les  epanchemenls  périio- 
néaux  considérables,  les  vastes  tumeurs  émanées  du  bas-ventre,  etc., 
refouler  le  diapbragme  vers  le  haut,  et  troubler  l'action  du  cœur  et  des 
poumons.  Le  fait  le  plus  constant  est  une  dyspnée,  qui  est  souvent  exces- 
sive et  même  parfois  mortelle.  Le  rhythme  des  mouvements  respiratoires 
est  également  influencé  ;  l'expiration  perd  peu  à  peu  de  sa  prédominance, 
et  il  arrive  même  que  dans  la  péritonite  elle  devient  plus  courte  que 
l'inspiration  (Fr.  Sibson,  1848).  Cette  dyspnée  abdominale  est  de  nature 
à  susciter  des  indications  urgentes,  lorsque  l'on  voit,  par  exemple,  chez 
les  animaux  herbivores,  le  météorisme  amener  des  accidents  si  fréquents 
et  si  graves.  Pour  ce  qui  est  de  l'homme,  il  y  a  lieu,  dans  le  cours  de 
certaines  fièvres  typhoïdes,  de  conjurer  un  danger  du  même  ordre,  et  par 
le  moyen  très-simple  de  la  ponction  capillaire  :  nous  parlons  ici  d'après 
notre  expérience  personnelle. 

Enfin,  et  d'une  façon  bien  plus  indirecte  encore,  il  existe  des  maladies 
qui  provoquent  des  troubles  fâcheux,  soit  de  la  circulation,  soit  de  la  res- 
piration, par  la  voie  nerveuse.  C'est  ainsi  que  se  produit  parfois  la  syn- 
cope, et  que  dans  d'autres  circonstances  le  rhythme  respiratoire  se  trouve 
entièrement  bouleversé  :  le  rapport  entre  l'inspiration  et  l'expiration  se 
renversant  de  5  :  1  dans  V  hystérie,  et  même  de  9  :  1  dans  la  chorée  ; 
lorsqu'on  sait  qu'à  l'état  normal  ce  rapport  est  de  1  :  4,  et  que  dans  la 
pneumonie  il  ne  s'abaisse  pas  au-dessous  de  1  :  1,25  (W.  Walshe,  1870). 

Mais,  à  cette  limite,  nous  touchons  aux  détails  delà  pathologie  spéciale, 
et  nous  devons  nous  arrêter  là  où  finissent  les  généralités  de  notre  sujet. 

Nota.  —  Consultez  la  bibliographie  des  articles  :  Aorte,  Auscultation,"  Cardiographie,  Cu:ur, 
Crachats,  Percussion,  Pleurésie,  Plèvres,  Poumons,  elc' 

M.  G.,  Dictionnaire  des  sciences  médicales,  Article:  Poitrine,  t.  XLIV,  1820. 
Dupuvtren,  Mémoire  sur  la  dépression  congénitale  lutérale  delà  poitrine  et  son  traitement (Hr'per- 
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l'OITIlINK. 


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ladies des  organes  tlioraciques,  thèse  de  Paris,  1835,  n°  119.—  Recherches  pratiques  sur 
l'inspection  et  la  mensuration  de  la  poitrine  considérées  comme  moyens  diagnostiques  complé- 
mentaires de  la  percussion  et  de  l'auscultation,  Paris,  1837.  (Examen  par  Valleix,  in  Arch. 
gr'ii.  de  méd.,  3e  série,  t.  III,  185x,  p.  73).  — Sur  les  variations  de  la  capacité  thoracique  dans 
les  maladies  aiguës  (Mémoires  de  la  Soc.  méd.  d'observ.  Paris,  1830,  t.  III,  p.  129).  —  Ar- 
ticle Poitrine,  in  Dictionnaire  du  diagnostic  médical  Pans,  1802,  p.  7 il.  —  Traité  de 
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suivies  de  quelques  applications  à  la  pathologie  et  au  diagnostic  [London  médical  Gazette, 
mars,  avril,  mai,  1848,  vol.  VI).  —  Sur  les  mouvements  de  la  respiration  dans  les  maladies  et  sur 
l'emploi  d'un  mesureur  de  la  poitrine,  [The  Laurel,  juin  1848,  p.  011).  —  Médico-chirur- 
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POITRINE.  —  LÉSIONS  TRAUMATIQUES .  681 

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A.  Luton. 

Pathologie  chirurgicale.  —  Les  affections  chirurgicales  des  or- 
ganes contenus  dans  la  cavité  thoracique  (poumons,  cœur,  aorte,  œso- 
phage) appartiennent  à  la  pathologie  spéciale  de  ces  organes  ;  elles  sont 
décrites,  par  suite,  dans  les  articles  consacrés  à  chacun  d'eux,  à  côté  des 
maladies  qui  sont  du  domaine  de  la  pathologie  médicale.  Il  en  est  de 
même  de  celles  qui  ont  leur  siège  dans  le  diaphragme,  le  sternum,  les 
côtes  et  les  mamelles.  Nous  nous  bornerons  donc  ici  à  envisager  les  lé- 
sions traumatiques  et  les  maladies  chirurgicales  de  la  poitrine  au  point 
de  vue  de  leurs  caractères  généraux  et  des  principales  variétés  cliniques 
qu'elles  peuvent  offrir,  en  insistant  uniquement  sur  les  détails  qui  n'ont 
pu  trouver  leur  place  dans  l'étude  particulière  des  organes. 

[.  Lésions  traumatiques .  —  Ce  qui  donne  aux  lésions  traumaliques  des 
parois  de  la  poitrine  leur  physionomie  propre,  c'est  la  nature  des  organes 
que  ces  parois  abritent.  Il  en  est  tellement  ainsi  que  les  plaies  non  péné^ 
Irqntes  ne  diffèrent  des  plaies  des  autres  régions  que  par  un  petit  nombre 
de  caractères  d'une  importance  restreinte.  Le  fait  seul  de  la  pénétration 
entraîne,  au  contraire,  des  conséquences  dont  la  moindre  présente  une 
gravité  incontestable.  Un  épanchement  d'air  ou  de  sang  dans  la  cavité 
pleurale,  dans  le  péricarde  ou  dans  le  médiastin,  la  blessure,  ordinaire- 
ment concomitante,  du  poumon  ou  du  cœur,  la  lésion  de  l'œsophage 
ou  de  l'un  des  gros  troncs  vasculairës,  constituent  des  complications  tou- 
jours sérieuses,  quelques-unes  promptement  mortelles.  De  même,  sans 
qu'il  y  ait  plaie  extérieure,  une  fracture  décote  présentera  plus  ou  moins 
de  gravité  suivant  que  la  plèvre  sera  ou  non  déchirée. 

Cette  distinction  fondamentale  qui  établit  une  sorte  de  dualisme  entre 
les  lésions  traumatiques  de  la  poitrine,  doit  toujours  être  présente;  ;'i 
l'esprit,  même  lorsqu'il  s'agit  d'une  simple  contusion.  Le  hasard  a  uns 
récemment  sous  nos  yeux  un  fait  exceptionnel  qui  nous  semble  traduire 
celte  distinction  d'une  manière  saisissante.  Un  soldat  du  28"  régiment  du 
train  d'artillerie,  qui  conduisait  une  prolonge  lourdement  chargée,  dont 
le  poids  dépassait  un  millier  de  kilogrammes,  ayant  voulu  serrer  le  frein, 
avait  glissé  sur  le  sol,  et,  dnns  sa  chute,  avait  eu  la  poitrine  engagée  sous 
une  des  roues  de  l'avant-train.  La  trace  de  la  roue  qui  avait  pris  le  tronc 
m  écharpe  était  indiquée  par  une  traînée  rouge  qui  s'étcndaitde  la  partie 
latérale  gauche  du  thorax,  un  peu  au-dessous  de  l'aisselle,  à  l'hypo- 


POITRINE. 


  LÉSIONS  THAIIMaTIQUKS.  CONTUSION. 


chondre  droit.  A  jyriori,  on  pouvait  admettre,  comme  vraisemblables, 
malgré  le  peu  de  gravité  de  la  blessure  extérieure,  les  diverses  lé- 
sions des  organes  internes  qui  ont  été  signalées  dans  des  cas  analogues; 
la  notion  seule  de  la  cause  vulnérante  était  suffisante  pour  justifier  un 
pronostic  très-grave.  Il  n'en  lui  rien  néanmoins.  Le  blessé  éprouva,  pen- 
dant quelques  jours,  des  douleurs  assez  vives  localisées  dans  la  paroi 
thoracique,  et  exaspérées  par  les  mouvements  respiratoires.  Ces  douleurs 
s'amendèrent  progressivement  ;  l'ecchymose,  qui  était  très-étendue,  se 
termina  par  résolution,  et,  après  une  dizaine  de  jours  de  traitement,  le 
malade  quittait  l'hôpital  dans  un  état  satisfaisant.  La  contusion  de  la  paroi 
thoracique  n'avait  pas  été  pénétrante,  s'il  nous  est  permis  d'étendre  ainsi 
l'acception  ordinaire  de  ce  mot. 

Dans  la  pratique,  le  problème  qui  se  pose,  en  présence  d'une  blessure 
de  la  poitrine,  peut  donc  se  formuler  de  la  manière  suivante  :  étant  donné 
le  siège  de  la  blessure,  étant  supposés  connus  la  nature  et  le  degré  de 
puissance  de  l'agent  vulnérant,  ainsi  que  la  direction  suivant  laquelle  il 
a  agi,  déterminer:  1°  les  lésions  qu'il  a  produites  dans  les  parties  molles 
de  la  paroi,  dans  le  thorax  osseux,  dans  les  organes  de  la  cavité  ;  2°  les 
conséquences  probables  qui  peuvent  en  résulter;  5°  la  conduite  à  tenir. 

Lésions  des  parties  molles  des  régions  thoraciques,  lésions  du  thorax 
osseux,  lésions  des  organes  de  la  cavité,  tels  sont,  en  résumé,  les  trois 
groupes  de  faits  dont'  les  combinaisons  multiples  constituent  les  variétés 
cliniques  des  blessures  de  la  poitrine. 

Les  nécessités  de  l'ordre  alphabétique  ne  permettent  pas,  dans  un  dic- 
tionnaire, d'embrasser  tous  ces  laits  dans  une  description  d'ensemble, 
comme  peut  le  l'aire  un  traité  didactique;  ils  sont,  au  contraire,  par  la 
force  des  choses,  disséminés  dans  un  grand  nombre  d'articles  spéciaux. 
Il  nous  reste  donc  uniquement  à  montrer  le  lien  qui  les  unit,  à  en  pré- 
senter une  sorte  de  tableau  synthétique,  en  prenant  comme  point  de  dé- 
part les  lésions  des  parties  molles  des  parois,  dont  la  description  trouve 
ici  naturellement  sa  place,  et  en  y  rattachant,  à  titre  de  complications, 
les  divers  ordres  de  lésions  dont  le  lectenr  trouvera  la  description  séparée 
dans  les  articles  suivants  :  Aorte,  t.  II  ;  Cœur,  t.  VIII  ;  Côtes,  t.  IX  : 
Diaphragme,  t.  XI;  Emphysème,  t.  XII;  Médustln.  t.  XXII;  Œsophage. 
t.  XXIV;  Péricarde,  t.  XXVII;  Plèvre,  t.  XXX  III  ;  Toemon,  Sternum. 

A.  Contusion.  — Ce  terme  général  s'applique  à  des  lésions  très- 
variées  qui  peuvent  offrir  tous  les  degrés  de  gravité,  depuis  la  simple 
ecchymose  des  parties  molles  jusqu'à  la  désorganisation  profonde  et 
presque  instantanément  mortelle  des  organes  thoraciques. 

Tantôt,  en  effet,  l'action  de  la  cause  vulnérante  s'épuise  sur  les  parties 
molles  extérieures  ;  tantôt  elle  produit,  en  même  temps,  des  fractures  et 
plus  rarement  des  luxations  des  pièces  osseuses;  d'autres  fois,  enlin, 
alors  que  les  parois  restent  intactes,  le  cœur,  les  poumons,  le  diaphragme 
peuvent  être  déchirés,  rompus,  broyés,  et  la  vie  s'éteint,  soit  par  la  ces- 
sation de  leur  action,  soit  par  suite  de  la  production  d'une  hémorihayie 
interne  cl  d'un  vaste  épancheinenl. 


POITRINE.    LÉSIONS  TRAUMATIQUES.  CONTUSION. 


Les  causes  si  variées  qui  peuvent  produire  ces  effets  ont  deux  modes 
d'action  principaux:  elles  agissent  par  choc  ou  par  compression.  Au  pre- 
mier de  ces  deux  modes  se  rattachent  les  projectiles  de  tout  genre,  et, 
d'une  manière  générale,  les  objets  extérieurs  animés  d'une  certaine  vitesse, 
la  propulsion  de  uotre  propre  corps  contre  ces  objets,  les  chutes  d'un  lieu 
plus  ou  moins  élevé,  etc.  Dans  le  deuxième  se  rangent  les  éboulemcnts  de 
terrain,  le  passage  d'une  roue  de  voiture,  les  écrasements  au  milieu  des 
foules,  le  rapprochement  de  deux  wagons,  etc.  11  est  facile  de  se  rendre 
compte  de  la  puissance  d'action  de  quelques-unes  de  ces  causes  et  des 
conséquences  si  graves  qu'elles  produisent.  Ce  qu'il  est  moins  aisé  de 
comprendre,  c'est  que  certaines  lésions  profondes  puissent  coïncider  avec 
l'intégrité,  au  moins  apparente,  des  parties  molles  extérieures  et  des  par- 
ties osseuses  sous-jacentes.  Les  faits  de  ce  genre,  qui  présentent  la  plus 
grande  analogie  avec  ce  qui  se  passe  parfois  du  côté  de  l'abdomen, 
avaient  frappé  les  anciens  qui,  dans  l'impossibilité  d'en  donner  une  expli- 
cation satisfaisante,  avaient  édifié  là-dessus  la  théorie  si  connue  du  venl 
du  boulet.  On  sait  que  les  nécropsies  ont  mis  à  néant  cette  hypothèse 
spécieuse  et  que,  d'ailleurs,  les  observations  recueillies  en  dehors  de  la 
chirurgie  d'armée  ont  rendu  à  tous  les  faits  du  même  genre  leur  véritable 
interprétation.  La  seule  explication  qu'on  puisse  en  donner  repose  tout 
entière  sur  l'extrême  élasticité  de  la  peau  et  des  parois  osseuses  du  thorax, 
qui  se  dérobent,  pour  ainsi  dire,  en  cédant  à  la  pression  du  corps  vul- 
nérant,  et  la  transmettent  aux  parties  profondes. 

11  existe  enfin  une  dernière  catégorie  de  faits  dont  l'interprétation 
laisse  encore  plus  à  désirer;  ce  sont  ceux  dans  lesquels  on  observe  une 
disproportion  énorme  entre  l'énergie  de  la  cause  vulnérante  et  l'insigni- 
liance  des  lésions  produites.  Nous  en  avons  cité  plus  haut  un  cas  remar 
quable;  certains  exemples  de  chutes  faites  d'une  assez  grande  hauteur, 
sans  être  suivies  d'accidents  graves,  ont  donné  lieu  à  des  observations 
analogues.  Dans  le  cas  spécial  d'une  voiture  à  quatre  roues  dont  l'une 
passe  impunément,  pour  ainsi  dire,  sur  la  poitrine  d'un  individu  couché 
à  terre,  il  semblerait  que,  dans  certaines  conditions  (d'égalité  du  sol 
peut-être),  la  charge  tout  entière  se  répartit  sur  les  trois  autres  roues, 
(suffisantes  pour  maintenir  la  -voiture  en  équilibre),  de  façon  que  la  qua- 
trième roue,  soulevée  par  la  résistance  du  corps  qu'elle  rencontre,  n'agit 
plus  sur  ce  dernier  que  par  son  propre  poids.  A  l'appui  de  cette  hypothèse, 
nous  pourrions  invoquer  le  cas  d'un  autre  blessé,  qui  avait  été  renversé 
par  un  omnibus,  et  sur  le  bras  duquel  une  des  roues  avait  passé,  en  y 
produisant  une  violente  contusion  des  parties  molles  sans  fracture. 

Quoi  qu'il  en  soit,  la  conclusion  qui  ressort  de  ces  divers  faits,  c'est 
qu'il  est  impossible,  à  priori,  d'établir  une  relation  exacte  entre  l'inten- 
sité de  la  cause  vulnérante  et  les  lésions  produites.  La  notion  de  la  cause, 
quelle  qu'elle  soit,  ne  peut  fournir  que  des  présomptions;  l'observation 
des  symptômes  locaux  et  généraux,  la  marche  ultérieure  de  la  blessure 
sont,  en  définitive,  les  vrais  éléments  du  diagnostic. 

A  l'élat  simple,  la  contusion  des  parties  molles  du  thorax  présente 


68-4  POlTIWiNE.  —  LÉSIONS  thaumatiqijes.  contusion. 

peu  d'intérêt.  Klle  ne  se  distingue  des  lésions  analogues  des  autres 
régions  que  par  un  certain  degré  de  gêne  respiratoire  et  par  une  dou- 
leur constante,  plus  ou  moins  vive,  qu'exaspèrent  toujours  les  mouve- 
ments du  thorax.  Cette  douleur  peut,  dans  certains  cas,  rendre  le  dia- 
gnostic incertain;  elle  éveille  l'idée,  soit  d'une  lésion  interne,  soit  d'une 
fracture  de  côte,  dont  la  constatation  n'est  pas  toujours  facile,  chez  les 
sujets  chargés  d'embonpoint,  par  exemple.  L'incertitude  n'est  pourtant 
pas  de  longue  durée;  la  douleur  qui  reconnaît  pour  cause  unique  la 
contusion  s'amende  promptement  sous  l'influence  du  traitement,  ou 
parce  que  le  blessé  s'habitue  peu  à  peu  à  immobiliser  d'instinct  la  paroi 
thoracique. 

L'ecchymose,  primitivement  localisée  à  la  région  blessée,  s'étend 
généralement  au  delà,  par  suite  de  la  disposition  lamelleuse  des  parties 
molles  du  thorax.  Elle  se  termine  ordinairement  par  résolution  ;  excep- 
tionnellement, elle  peut  être  le  point  de  départ  d'un  phlegmon;  mais 
presque  toujours,  dans  ce  cas,  il  existe  une  lésion  concomitante  de  la 
paroi  osseuse,  une  périostite  ou  une  ostéite,  dont  l'évolution  se  fait  avec 
lenteur. 

Les  indications  thérapeutiques  se  résument  dans  l'emploi  des  résolu- 
tifs, des  émollients  et,  quelquefois,  des  antiphlogistiques  locaux,  mais 
surtout  dans  le  repos,  aidé  d'une  légère  compression  et  de  l'immobili- 
sation du  thorax.  Un  des  moyens  les  plus  pratiques  d'obtenir  cette  immo- 
bilisation consiste  dans  l'application  de  larges  bandelettes  de  diachylum 
assez  longues  pour  faire  plusieurs  fois  le  tour  de  la  poitrine,  qu'on 
enroule  autour  de  la  partie  contusionnée  et  qu'on  fixe  à  leur  extrémité 
terminale  par  des  épingles,  comme  on  le  ferait  d'une  bande  ordinaire. 
On  peut,  en  outre,  soutenir  ce  pansement  par  quelques  tours  de  bande 
dextrinée  ou  silicalée.  Ce  moyen  a  l'avantage  de  convenir  également 
dans  le  cas  où  l'on  soupçonnerait  une  fracture  de  côte  simple,  dont  le 
diagnostic  n'aurait  pu  être  établi  d'une  manière  certaine. 

Lorsqu'il  y  a  une  fracture  manifeste  d'une  ou  de  plusieurs  côtes  ou 
du  sternum,  la  contusion  du  thorax  devient  l'élément  accessoire,  et  son 
traitement  se  confond  avec  celui  de  la  fracture  et  des  complications  que 
celle-ci  peut  entraîner.  (Voy.  Côtes,  fractures),  t.  IX,  pages  536,  et 
Sternum). 

Il  en  est  de  même,  à  fortiori,  lorsque  la  nature  de  la  cause  trauma- 
tique  et  surtout  l'apparition  de  certains  symptômes  (emphysème,  hémo- 
ptysie, collapsus  général,  dyspnée  intense,  etc.)  font  soupçonner  l'exis- 
tence d'une  de  ces  lésions  internes  si  graves  dont  nous  avons  parlé  plus 
haut.  Là  contusion  des  parties  molles  s'efface  alors,  d'une  manière 
absolue,  devant  la  lésion  principale;  c'est  celle-ci  qu'il  s'agit  de  recon- 
naître d'abord,  dans  les  cas  qui  ne  sont  pas  promptement  mortels;  c'est 
elle  également  qui  devient  la  source  des  indications  thérapeutiques 
(Voi/.  Cœvr,  ruptures,  t.  VIII,  p.  542:  Diaphragme,  déchirures,  t.  M. 
p.  562,  et  Poumons,  pathologie  chirurgicale). 

Il  est  néanmoins  une  remarque  à  faire  à  ce  sujet.  Certains  individus, 


POITRINE.  — 


PLAIKS  NON  PÉNÉTRANTES. 


G85 


prédisposés  à  la  syncope,  peuvent,  dans  un  cas  de  simple  contusion  du 
thorax-,  sous  l'influence  du  choc  reçu  et  de  l'émotion,  présenter,  au 
moment  même  de  l'accident,  des  symptômes  (pâleur,  petitesse  du  pouls, 
refroidissement,  perle  de  connaissance)  susceptibles  d'en  imposer  et  de 
l'aire  croire  à  l'existence  d'une  lésion  grave.  Il  suffit  d'être  prévenu  de  la 
possibilité  d'une  confusion  de  ce  genre  pour  l'éviter.  D'ailleurs,  les  phé- 
nomènes de  syncope  s'amendent  rapidement  sous  l'influence  des  moyens 
communément  usités,  tandis  que  les  accidents  dus  aux  lésions  internes 
vont  généralement  s'aggravant  et  se  caractérisant  de  plus  en  plus. 

B.  Plaies  non  pénétrantes.  —  Le  plus  ordinairement,  ces  plaies  ont 
un  caractère  de  simplicité  qui  exclurait  presque  la  pensée  d'une  des- 
cription particulière  ;  d'autres  fois,  cependant,  elles  présentent  certaines 
complications  ou,  tout  au  moins,  quelques  phénomènes  particuliers  qui 
méritent  d'être  signalés. 

Pour  s'en  rendre  compte,  il  est  utile  d'avoir  présentes  à  l'esprit  cer- 
taines notions  relatives  à  la  constitution  anatomique  et  aux  usages  des 
parois  de  la  poitrine.  Ainsi  la  l'orme  convexe  des  surfaces  explique  la 
facilité  avec  laquelle  les  corps  vulnérants,  dirigés  obliquement,  glissent 
dans  l'épaisseur  des  parois;  de  là  résultent  des  plaies  d'une  gravité  rela- 
tive moindre,  qui  gagnent  en  surface  ce  qu'elles  perdent  en  profondeur. 
La  disposition  lamelleuse  des  couches  molles  permet  la  diffusion  du  sang 
épanché  et  des  produits  de  l'inflammation.  La  situation  superficielle  du 
squelette  sur  une  assez  grande  étendue  rend  compte  de  la  fréquence  des 
lésions  osseuses  concomitantes.  La  mobilité  des  parois,  enfin,  indépen- 
damment du  rètard  qu'elle  apporte  souvent  à  la  marche  de  la  cicatrisa- 
tion, peut  être  la  source  de  quelques  complications  susceptibles 
d'embarrasser  le  diagnostic  (douleurs  exagérées,  défaut  du  parallélisme 
des  diverses  couches,  emphysème,  etc.). 

Les  plaies  cutanées  ressemblent  le  plus  souvent  à  celles  des  autres 
régions  et  ne  méritent  pas  de  mention  particulière. 

Quand  la  solution  de  continuité,  tout  en  restant  superficielle,  atteint 
en  même  temps  une  certaine  épaisseur  des  muscles  si  puissants  qui 
s'attachent  au  membre  supérieur,  il  en  résulte  un  écartement  notable  de 
ses  bords,  la  difficulté  de  maintenir  une  réunion  convenable,  l'éventualité 
d'une  suppuration  prolongée  et  d'une  cicatrice  adhérente  qui  peut  devenir 
une  cause  de  gène  dans  les  mouvements. 

Lorsqu'un  instrument  piquant  ou  un  projectile  arrondi  frappe  oblique- 
ment la  paroi,  il  glisse  fréquemment  soit  sous  la  peau,  soit  sous  les 
muscles,  et  produit  une  plaie  dite  en  sëlon,  dont  les  ouvertures  d'entrée 
et  de  sortie  peuvent  être  séparées  par  un  intervalle  considérable.  Ces 
sortes  de  plaies  n'ont  pas  de  disposition  à  se  réunir  par  première  inten- 
tion ;  ici  la  suppuration  est  la  règle  et  la  cicatrisation  s'opère  généralement 
avec  une  extrême  lenteur. 

Les  plaies  par  instruments  piquants,  même  celles  qui  s'accompagnent 
d'un  écoulement  de  sang  médiocre,  donnent  souvent  lieu,  par  suite  de  la 
mobilité  des  parois  et  du  défaut  de  parallélisme  consécutif,  à  un  thrombus 


686 


l'OlTUINE.    l'I.AIES   MIN  l'KMh'lïA.NTKS. 


([lie  facilite  la  disposition  lamclleuse  des  parties  molles.  Dans  les  cas 
ordinaires,  l'épancliement  sanguin  se  résorbe  peu  à  peu;  mais,  dans 
certaines  conditions  défavorables,  il  peut  être  le  point  de  départ  d'un 
phlegmon  simple  ou  diffus  qui  exige  une  prompte  intervention  chirur- 
gicale. 

L'inflammation  phlegmoneuse  est  encore  plus  à  craindre  quand  il 
s'agit  de  plaies  contuses  et  surtout  de  plaies  par  armes  à  feu.  Si  l'on  m: 
se  hâte  d'en  limiter  la  propagation  par  les  moyens  qne  nous  indiquerons 
plus  loin,  il  en  résulte  des  fusées  purulentes  et  des  décollements  étendus 
qui  constituent  des  accidents  sérieux. 

Les  phénomènes  que  nous  venons  de  signaler  représentent  les  compli- 
cations consécutives  qui  peuvent  entraver  la  marche  régulière  de  la  plaie 
la  plus  simple  en  apparence.  Il  est,  en  outre,  des  complicatious  pri- 
mitives qui  peuvent,  ainsi  que  leur  nom  l'indique,  être  observées  dès  le 
début. 

Nous  ne  mentionnerons  que  pour  mémoire  la  douleur,  dont  il  a  été  déjà 
question  ;  car  elle  est  un  accident  commun  à  la  plupart  des  lésions  trau- 
matiques  du  thorax,  et  n'a  pas,  en  conséquence,  à  moins  de  présenter  une 
intensité  excessive,  la  valeur  diagnostique  qu'on  serait  tenté  de  lui  attri- 
buer relativement  à  la  profondeur  de  la  lésion. 

1°  L'emphysème  a  été  signalé  par  la  plupart  des  auteurs  qui,  depuis 
J.-L.  Petit,  l'attribuent  à  l'infiltration  de  l'air  extérieur  aspiré,  en  quelque 
sorte,  par  les  bords  de  la  plaie  dans  les  mouvements  qu'exécute  le 
thorax.  Quelques-uns,  cependant,  ont  nié  la  possibilité  de  sa  production 
dans  les  plaies  non  pénétrantes,  et  paraissent  admettre  plus  volontiers, 
dans  ces  cas,  une  erreur  de  diagnostic.  Il  est  évident  que  l'emphysème  ne 
se  produit  ordinairement  pas  dans  les  plaies  non  pénétrantes  largement 
ouvertes;  mais  l'explication  de  J.-L.  Petit  est  parfaitement  salisfaisante, 
lorsque  (  l'ouverture  est  étroite,  soit  primitivement,  soit  par  le  fait  du 
gonflement  inflammatoire,  et  que  le  trajet  est  oblique  ou  sinueux.  A  chaque 
inspiration,  les  muscles  superficiels  s'écartent  des  côtes,  'et  il  en  résulte 
une  sorte  de  vide  qui  attire  l'air  extérieur  si  l'ouverture  est  restée  béante. 
L'expiration  qui  suit  tend  à  l'expulser;  mais  si  l'étroitesse  de  la  plaie, 
l'obliquité  du  trajetet  le  défaut  de  parallélisme  s'opposentà  la  sortie  de  l'air, 
celui-ci  s'infiltre  de  proche  en  proche  dans  le  tissu  conjonctif,  si  facile- 
ment perméable  aux  liquides  et  aux  gaz,  qui  remplit  les  espaces  intermus- 
culaires. Il  suffit,  d'ailleurs,  pour  en  arrêter  la  propagation,  d'exercer 
une  certaine  compression  aux  environs  de  la  plaie,  ou  même  de  fermer 
celle-ci.  L'emphysème  n'en  constitue  pas  moins  une  complication  sérieuse, 
moins  par  lui-même,  car  il  est  généralement  dénué  de  gravité,  que  par 
les  doutes  qu'il  inspire  au  sujet  de  la  non-pénétratioja  de  la  plaie. 

2°  Lhémorrhaçiie  atteint  rarement  des  proportions  inquiétantes,  sauf 
dans  les  plaies  qui  avoisinent  l'aisselle.  Il  faul  distinguer,  d'ailleurs, 
entre  la  cavité  proprement  dite  et  les  régions  environnantes  ;  car,  bien  que 
les  vaisseaux  axillaircs  et  les  troncs  d'origine  de  quelques-unes  des 
branches  qui  en  émanent  soient  en  rapport  avec  les  premiers  espaces 


POlTlïINK.  —  PLAI15S  NON  PKNliTRAKTISS.  087 

intercostaux,  leurs  lésions  font  partie  de  la  pathologie  chirurgicale  de 
l'aisselle  et  ne  sauraient  rentrer  dans  notre  cadre.  Quelques  rameaux  des 
branches  thoraciques  et  scapulaires  peuvent  seuls  être  considérés  comme 
appartenant  aux  parois  de  la  poitrine.  Or,  dans  le  voisinage  de  l'aisselle, 
plusieurs  de  ces  rameaux  ont  encore  un  calibre  assez  important.  Il  faut  y 
ajouter  le  tronc  lui-même  de  l'artère  thoracique  longue  ou  mammaire 
externe,  qui  appartient  à  la  région  latérale,  et  qui  serait  susceptible  de 
fournir  une  hémorrhagie  sérieuse. 

En  dehors  de  la  perte  sanguine,  les  lésions  de  ce  genre  prédisposent, 
pour  les  motifs  déjà  signalés,  aux  anévrysmes  diffus  et  à  toutes  leurs 
conséquences. 

Quant  aux  artères  intercostales,  on  conçoit  théoriquement  qu'elles 
puissent  être  lésées,  dans  la  région  dorsale,  par  exemple*  sans  ouverture 
de  la  cavité  pleurale.  Mais,  comme  elles  sont  immédiatement  adjacentes 
à  la  plèvre  et  qu'en  outre,  dans  la  plus  grande  partie  de  leur  trajet,  elles 
ne  peuvent  guère  être  atteintes  sans  qu'il  y  ait  fracture  de  la  côte  qui  les 
protège,  ce  qui  entraine  presque  fatalement  la  déchirure  de  la  séreuse, 
leur  lésion  se  rattache  plus  naturellement  à  l'étude  des  plaies  péné- 
trantes. 

5°  Des  lésions  osseuses  diverses  peuvent  encore  compliquer  les  plaies 
non  pénétrantes.  Ainsi,  le  sternum,  les  cartilages  costaux,  les  côtes  peu- 
vent être  alieints  soit  dans  leurs  parties  superficielles,  soit  dans  toute  leur 
épaisseur.  De  là  des  ostéites  et  des  périostiles  qui  sont  une  des  causes  les 
plus  fréquentes  des  abcès  des  parois  thoraciques  et  des  fistules  qui  leur 
succèdent.  La  plaie  peut  s'ulcérer  et  devenir  listuleuse,  même  sans  qu'il 
y  ait  eu  abcès.  Toutes  ces  inflammations  osseuses  ont  une  évolution  très- 
lenlc  ;  les  plaies  qui  intéressent  les  cartilages,  moins  graves  en  apparence 
<pie  les  plaies  compliquées  de  lésion  osseuse,  mettent  généralement  plus 
de  temps  encore  à  se  cicatriser.  Enfin  les  conditions  s'aggravent  naturel- 
lement quand  il  existe  une  fracture  ;  mais  celle-ci,  dans  le  cas  de  plaie 
extérieure,  est  rarement  simple  et  s'accompagne,  le  plus  ordinairement, 
d'ouverture  de  la  cavité  pleurale.  Quant  aux  fractures  du  sternum,  nous 
verrons  plus  loin  qu'elles  sont  fréquemment  le  point  de  départ  d'un 
abcès  du  médias  tin. 

4°  Il  n'est  pas  rare  de  voir  les  plaies  non  pénétrantes  compliquées  de 
la  présence  de  corps  étrangers,  tels  que  :  aiguilles  implantées  ou  perdues 
dans  les  chairs,  pointes  d'instruments  piquants  qui  se  sont  brisés  contre 
les  os,  projectiles  ayant  contourné  une  partie  de  la  paroi  ou  enclavés  soit 
dans  le  sternum,  soit  entre  deux  côtes,  débris  de  vêtements  repoussés 
par  ces  derniers,  sans  compter,  enfin,  les  esquilles  osseuses  qui  jouent  le 
rôle  de  véritables  corps  étrangers.  Ils  sont,  comme  dans  toute  autre  ré- 
gion, plus  ou  moins  mal  tolérés,  suivant  leur  nature  et  leur  forme,  par 
les  tissus  où  ils  se  sont  ar  rêtés  ;  les  indications  que  leur  présence  en- 
traîne sont  les  mêmes  que  partout  ailleurs  ;  nous  n'aurions  donc  rien  de 
particulier  à  ajouter  ici  si  nous  n'avions  à  signaler  une  l'ois  de  plus  le 
long  trajet  que  des  projectiles  arrondis  peuvent  suivre,  en  contournant 


CNN 


POITRINE.  —  PI.AIUS  NON  PÉNÉTRÀKTBS, 


les  parois,  et  les  difficultés  qui  en  résultent  soil  pour  les  recherches  ,  soit 
pour  l'extraction,  surtout  dans  les  cas  où  le  corps  étranger  vient  se  loger 
entre  l'omoplate  et  la  paroi  thoracique. 

5°  Enfin,  pour  rendre  aussi  complet  (jue  possihle  cet  exposé  sommaire 
des  diverses  variétés  que  peuvent  présenter  les  plaies  non  pénétrantes  de 
la  poitrine,  nous  mentionnerons,  pour  mémoire,  les  lésions  d'organes 
internes.  11  est  évident,  en  effet,  qu'une  plaie  contuse  pourra,  sans  être 
pénétrante,  offrir  à  ce  point  de  vue  les  caractères  de  simplicité  ou  de 
complication  que  nous  avons  signalés  à  l'occasion  des  contusions  du 
thorax. 

Le  diagnostic,  le  pronostic,  les  indications  et  le  traitement  des  plaies 
non  pénétrantes  découlent,  en  grande  partie,  des  considérations  que  nous 
venons  d'exposer.  La  première  question  qui  se  pose  estévidemment  celle-ci  : 
La  plaie  est-elle  pénétrante  ou  non?  Comme  nous  aurons  à  étudier  plus 
loin  les  caractères  plus  ou  moins  nets,  plus  ou  moins  obscurs,  suivant 
les  cas,  de  la  pénétration,  nous  supposerons,  pour  le  moment,  la  question 
résolue  dans  le  sens  négatif.  Faisons  remarquer,  d'ailleurs,  que  dans  les 
cas  où  il  y  a  doute,  ce  point  spécial  n'a  pas  une  importance  pratique  con- 
sidérable, puisqu'il  est  généralement  prescrit  d'agir  comme  si  la  plaie 
était  pénétrante. 

Ce  qu'il  est  plus  intéressant  d'établir,  après  celte  première  constata- 
tion sommaire,  c'est  l'état  de  simplicité  ou  de  complication  de  la  plaie. 
L'arrêt  de  l'hémorrhagie,  la  recherche  et  l'extraction  des  corps  étrangers 
fournissent,  comme  dans  toute  lésion  traumatique,  les  indications  les 
plus  urgentes. 

Le  sang  peut  s'écouler  à  l'extérieur  ou  s'épancher  entre  les  couches 
musculaires,  soit  d'emblée,  soit  à  la  suite  d'une  compression  provisoire 
qui  a  obturé  l'ouverture  de  la  plaie.  Lorsque  le  siège  de  la  blessure,  la 
quantité  de  sang  qui  s'écoule  ou  le  peu  de  volume  de  l'épanchement  et 
la  lenteur  avec  laquelle  il  s'est  produit,  permettent  de  croire  que  le  vais- 
seau lésé  est  peu  considérable,  on  peut  se  borner  à  établir  une  compres- 
sion sur  la  plaie.  Dans  le  cas  contraire,  il  faut  lier  les  deux  bouts  du 
vaisseau,  après  avoir  élargi  et  débridé  la  plaie,  s'il  est  nécessaire. 

La  situation  devient  plus  grave  lorsque  la  blessure  siège  au  voisinage 
de  l'aisselle.  D'une  part,  leshémorrhagies  y  sont  plus  abondantes,  et  d'autre 
part,  la  recherche  et  la  ligature  du  vaisseau  lésé  y  présentent  de  sérieuses 
difficultés.  Pour  obvier  au  danger  immédiat  que  court  le  blessé,  on  esl 
souvent  réduit  à  suspendre  le  cours  du  sang  par  la  compression  de  la 
sous-clavière  sur  la  première  côte,  en  arrière  de  la  clavicule,  et  à  limiter 
par  la  compression  exercée  en  même  temps  aux  environs  de  la  plaie, 
sans  pouvoir  l'empêcher  totalement,  la  formation  d'un  anévrysme  diffus, 
dont  les  conséquences,  toujours  graves,  se  développeront  ultérieurement. 

La  recherche  et  l'extraction  des  corps  étrangers  rencontrent  sou\cnt 
aussi  de  sérieuses  difficultés.  Les  cas  sont  trop  variés  pour  qu'on  puisse 
songer  à  poser  des  règles  de  conduite  précises;  tout  au  plus  est-il  possible 
d'en  signaler  un  certain  nombre  à  litre  d'exemples. 


POITRINE.  —  PLAIES  NON   PÉNÉTRANTES.  689 

Ainsi,  il  est  un  genre  d'accident  qui  se  produit  assez  fréquemment, 
surtout  chez  les  femmes  et  les  enfants  ;  c'est  l'implantation  d'une  aiguille 
à  coudre  dans  la  paroi  thoracique.  Dans  les  premiers  moments  qui  suivent 
la  blessure,  le  corps  étranger,  même  lorsqu'il  a  totalement  disparu, 
fait  sous  les  téguments  une  saillie  suffisante  pour  que  l'extraction  puisse 
en  être  opérée  sans  trop  de  difficulté  ;  mais  lorsqu'il  s'est  écoulé  un 
certain  temps,  ce  qui  est  le  cas  ordinaire,  et  surtout  lorsqu'on  s'est  déjà 
livré  à  des  tentatives  infructueuses,  il  n'en  est  plus  ainsi.  L'aiguille,  dans 
ce  cas,  a  subi  le  plus  souvent  un  mouvement  de  bascule  et  s'est  perdue 
dans  l'épaisseur  des  parties  molles.  L'exploration  la  plus  minutieuse  ne 
fournit  alors  que  des  présomptions  incertaines  sur  sa  situation  exacte,  et 
si  on  veut  l'extraire,  on  est  conduit  à  pratiquer  une  véritable  dissection 
des  tissus  qui  exige  l'emploi  du  chloroforme.  Le  plus  souvent,  en  pa- 
reille circonstance,  l'abstention  est  imposée  au  chirurgien  ;  elle  ne  pré- 
sente pas,  généralement,  d'inconvénienls  sérieux.  Tantôt  le  corps  étranger 
est  toléré  indéfiniment  par  les  tissus  où  il  subit  une  sorte  d'enkystement  ; 
tantôt  il  se  déplace  peu  à  peu  et,  après  avoir  suivi  un  de  ces  longs  trajets 
dont  on  a  signalé  des  exemples  bizarres,  il  finit,  au  bout  d'un  temps  va- 
riable, par  soulever  la  peau  dans  une  région  plus  ou  moins  éloignée. 

Les  pointes  d'instruments  piquants  qui  se  sont  brisés  dans  un  os  de  la 
paroi  thoracique  n'offrent  généralement  pas  de  prise  à  l'extérieur.  Lors- 
qu'il s'agit  du  sternum,  où  la  trépanation  est  facile  à  pratiquer  et  n'offre 
pas  plus  d'inconvénient  que  le  séjour  prolongé  du  corps  étranger  lui- 
même,  on  conseille  généralement  d'enlever  ce  dernier  avec  la  virole 
osseuse,  dans  laquelle  il  est  implanté  On  peut  hésiter,  au  contraire, 
quand  il  s'agit  d'une  côte,  et  il  est  peut-être  préférable,  d'attendre,  en 
maintenant  la  plaie  ouverte,  que  le  corps  ait  été  mobilisé  par  suite  de 
l'ostéite  que  provoque  sa  présence. 

Ce  sont  surtout  les  plaies  par  armes  à  feu  qui  sont  compliquées  de  la 
présence  de  corps  étrangers.  Il  faut  donc  ici  se  livrer  à  une  exploration 
d'autant  plus  minutieuse  que  le  trajet  parcouru  par  le  projectile  ou  par- 
les autres  corps  qu'il  a  entraînés  est  souvent  très  étendu.  Dans  ce  cas, 
il  n'existe  ordinairement  qu'une  seule  plaie,  et  il  est  nécessaire  de  pra- 
tiquer une  contre-ouverture  sur  le  point  où  la  palpation,  combinée 
avec  l'exploration  par  la  plaie,  révèle  la  présence  du  corps  étranger. 

Un  fait  spécial  à  la  région  thoracique,  c'est  l'enclavement  possible 
d'une  balle  entre  deux  côtes.  Pour  en  pratiquer  l'extraction,  il  faut 
choisir  le  moment  d'une  forte  inspiration  qui  agrandit  l'espace  intercos- 
tal. On  se  sert  d'un  élévatoire  ou  de  l'extrémité  forte  d'une  spatule  qu'on 
introduit  avec  précaution  en  arrière  du  projectile  de  manière  a  ne  pas 
s'exposer  à  léser  la  plèvre.  Quelquefois  les  projectiles  sont  perdus  dans 
les  muscles  du  dos,  ou  sous  l'omoplate,  ou  enlin  dans  la  profondeur  de 
l'aisselle.  Dans  ces  divers  cas,  les  recherches  et  les  manœuvres  d'extrac- 
tion deviennent  encore  plus  laborieuses,  et,  lorsqu'il  s'agit  de  l'aisselle, 
on  doit  redoubler  de  prudence,  afin  de  ménager  les  organes  si  importants 
de  cette  région.  Deux  faits  relatés  par  Legouest,  à  titre  exceptionnel,  il 

NOUV.  DICT.  MÉD.  ET  CHII1.  XX Vil I  —  H 


690  POITRINE.  —  plaies  pénétrantes. 

est  vrai,  monlrcnt  bien  avec  quelle  facilité  des  corps  d'un  médiocre  volume 
peuvent  se  loger  dans  ces  parties  :  dans  l'un,  il  s'agit  d'un  fragment  de 
bombe  pesant  2  kilog,.  700,  qui  s'était  fixé  entre  la  colonne  vertébrale 
et  l'omoplate;  dans  l'autre,  un  petit  boulet,  qui  avait  pénétré  au-dessous 
de  la  clavicule,  s'était  logé  tout  entier  dans  la  profondeur  de  l'aisselle 
(Legouest,  Chirurgie  d'armée  \>.  223.) 

Lorsque  la  plaie  est  primitivement  simple  ou  que  les  complications 
ont  été  écartées,  il  l'aut  procéder  au  pansement.  Le  précepte  qui  domine 
ici,  c'est  l'occlusion  de  la  plaie;  seuls,  les  modes  d'application  varient 
suivant  les  cas. 

Dans  les  plaies  par  instruments  piquants,  un  morceau  de  baudruche 
collodionnée  est  suffisant. 

Dans  les  plaies  par  instruments  tranchants,  les  bords  doivent  être 
affrontés  au  contact,  soit  au  moyen  des  agglutinatifs,  soit  par  les  divers 
procédés  de  suture  sèche  ou  sanglante.  On  a  reproché  à  la  suture  de 
produire  des  tiraillements  pénibles  par  suite  des  mouvements  incessants 
du  thorax.  On  peut  obvier  à  cet  inconvénient  en  immobilisant  le  thorax 
à  l'aide  d'un  bandage. compressif  qui  est,  en  même  temps,  le  meilleur 
moyen  de  combattre  la  douleur. 

La  suture  est  encore  plus  indiquée  quand  on  a  affaire  à  une  plaie  à 
lambeau  ou  quand  la  solution  de  continuité  intéresse  des  fibres  muscu- 
laires; elle  doit  être  profonde,  dans  ce  dernier  cas,  et  affronter  les  por- 
tions de  muscle  divisées. 

Dans  les  plaies  trcs-conluses  où  la  réunion  par  première  intention  doit 
fatalement  échouer,  les  bords  doivent  être,  non  pas  amenés  au  contact, 
mais  rapprochés.  On  exerce,  en  même  temps,  une  légère  compression 
dans  les  environs  de  la  plaie  pour  en  réduire  l'étendue  et  empêcher  la 
pénétration  de  l'air.  Un  pansement  simple  exactement  appliqué  complète 
l'occlusion,  surtout  dans  le  cas  où  l'on  ne  serait  pas  entièrement  fixé  sur 
le  fait  de  la  non-pénétration. 

Lorsque  la  plaie  suppure,  s'ulcère'  ou  devient  fistuleusc,  ou  qu'il  se 
forme  un  abcès,  la  lésion  première  n'a  plus  alors  qu'une  valeur  étiolo- 
ijique,  et  l'on  a  affaire  à  une  de  ces  affections  chirurgicales  des  parois 
thoraciques  dont  il  sera  question  plus  loin. 

C.  Plaies  pénétrantes. —  Une  plaie  de  poitrine  est  pénétrante  lorsqu'elle 
intéresse  toute  l'épaisseur  d'un  point  quelconque  des  parois  thoraciques. 
et  qu'elle  établit  une  communication  accidentelle  entre  l'extérieur  et  la 
cavité.  A  peine  est-il  besoin  d'ajouter  qu'on  a  renoncé  à  faire  de  l'ouver- 
ture de  la  cavité  pleurale  la  condition  essentielle  de  la  pénétration,  et  à 
considérer  comme  plaie  non  pénétrante  celle  que  ferait,  par  exemple, 
une  épée  qui,  perforant  un  espace  intercostal  le  long  du  sternum,  tra- 
verserait toute  la  profondeur  du  médiaslin  jusqu'à  la  colonne  vertébrale.  Ce 
nn  est  vrai,  c'est  que  l'ouverture  de  la  cavité  pleurale  est  à  la  fois  le  fait 
le  plus  fréquent  et  une  source  de  complications  sérieuses  dans  les  plaies 
pénétrantes  de  la  poitrine;  mais,  d'autre  part,  les  plaies  du  médiastin 
présentent  très-souvent  une  gravite  qui  ne  le  cède  en  rien  aux  accidents 


l'OITflINi:.  — 


PLAIES  PÉNÉTRANTES.  DIAGNOSTIC. 


691 


dont  la  perforation  de  la  plèvre  est  le  point  de  départ. 

Ainsi,  d'une  manière  générale,  le  l'ait  seul  de  la  pénétration  constitue, 
pour  les  plaies  de  poitrine,  une  condition  essentiellement  aggravante,  et 
bien  qu'on  ait  pu  observer  quelques  rares  exemples  de  plaies  pénétrantes 
simples,  l'existence  d'une  ou  de  plusieurs  complications  l'orme  la  règle. 

Dans  l'exposé  qui  va  suivre  nous  nous  occuperons  donc  successive 
ment  :  1°  du  diagnostic  de  la  pénétration,  2°  des  caractères  et  du  traite- 
ment des  plaies  pénétrantes  simples, 

5°  des  complications. 

Diagnostic.  —  Il  est  des  cas  dans  lesquels  le  fait  de  la  pénétration  est 
évident:  ce  sont  ceux  dans  lesquels  il  existe  une  plaie  large,  directe,  que 
l'œil  et  le  doigt  peuvent  explorer,  ou  bien  ceux  dans  lesquels  on  constate 
à  chaque  mouvement  respiratoire  l'entrée  et  l'issue  alternatives  de  l'air 
qui  s'accompagnent  même  fréquemment  d'un  sifflement  caractéristique. 
Il  en  est  d'autres  dans  lesquels  la  pénétration  est  probable  sans  être 
absolument  certaine  :  c'est  lorsque,  avec  une  plaie  étroite  et  sinueuse, 
où  les  caractères  précédents  l'ont  défaut,  on  observe  une  dyspnée  exces- 
sive, de  l'empbysème  sous-cutané,  de  l'hémoptysie,  une  liémorrbagie 
extérieure  abondante  ou  les  signes  rationnels  d'une  liémorrbagie  interne. 
Il  en  est  d'autres  enfin  où  le  fait  est  absolument  douteux,  c'est  lorsque 
la  plupart  des  accidents  précédents  manquent  ou  présentent  une  très- 
faible  intensité. 

C'est  pour  ces  derniers  cas  que  les  anciens  chirurgiens,  attachant  une 
importance  exagéréeà  établir  un  diagnostic  précis, avaicnt'proposé  divers 
moyens  d'exploration  :  ainsi,  ils  introduisaient  des  sondes  dans  le  trajet 
de  la  plaie,  ils  pratiquaient  des  injections  d'eau,  ou  bien  encore,  fermant 
la  bouche  et  le  nez  du  blessé,  ils  rengageaient  à  faire  une  forte  expiration, 
afin  de  voir  si  une  certaine  quantité  d'air  était  expulsée  au  dehors. 
Ona  renoncé,  d'une  manière  générale,  à  toutes  ces  pratiques  qui  n'étaient 
pas  sans  danger,  et  l'exploration  directe  de  la  blessure  est  réservée  pour 
les  cas  où  il  s'agit  d'aller  à  la  recherche  d'un  corps  étranger.  Sauf  cette 
circonstance,  on  cherche  les  éléments  du  diagnostic  dans  la  relation  des 
circonstances  au  milieu  desquelles  la  blessure  s'est  produite,  dans  l'exa- 
men du  corps  vulnérant,  s'il  y  a  lieu,  du  siège  et  de  la  direction  de  la 
plaie,  et  surtout  dans  l'interprétation  des  signes  extérieurs  ou  rationnels 
susceptibles  d'être  rapportés  à  toile  ou  telle  complication  prévue.  Enfin 
lorsque,  malgré  tout,  le  doute  subsiste,  on  se  conduit  comme  si  la  plaie 
était  pénétrante. 

Plaies  pénétrantes  simples.  —  Les  exemples  de  ce  genre  de  plaies 
sont  excessivement  rares,  et  il  est  facile  de  le  comprendre  en  réfléchis- 
sant aux  rapports  intimes  de  la  face  interne  des  parois  thoraciques  avec 
les  organes  contenus  dans  la  cavité.  Il  existe,  néanmoins,  au  niveau  du 
médiastin,  dans  l'espace  compris  entre  les  deux  sacs  pleuraux  antérieurs, 
derrière  le  sternum,  une  couche  de  tissu  conjonclif  d'épaisseur  variable 
qui  sépare  cet  os  des  organes  sous-jacenls.  Ou  peut  donc  admettre,  à  la 
rigueur,  que  la  cause  vuluérante  épuise  son  action  sur  le  sternum,  le 


002 


l'UiTMNE.  — 


I'I.AIKS  l'ÉNlÏTIlANTI'.S.  DIAGNOSTIC. 


fracture  dans  toute  son  épaisseur,  et  respecte  les  parties  situées  en 
arrière.  Si  l'accident  ne  s'accompagne  pas  d'hémorrhagie,  s'il  ne  se  fait 
pas  un  épanchement  sanguin  dans  le  tissu  conjonclif  rélro-sternal,  la 
plaie  pourra  être  dite  simple  ;  elle  aura  la  plus  grande  analogie  avec  les 
opérations  de  trépanation  du  sternum.  Et  néanmoins  la  simplicité  n'est 
ici  qu'apparente;  les  accidents  ne  sont  pas  immédiats,  il  est  vrai,  mais 
l'inflammation  consécutive  du  tissu  conjonclif  est  imminente,  et  le  blessé 
est  exposé  à  tous  les  dangers  qu'entraînent  lessuppurations  du  médiastin. 
C'est  la  marche  qu'ont  suivie,  d'ailleurs,  les  faits  de  ce  genre  qui  ont  été 
signalés. 

Jl  est  encore  plus  difficile  de  concevoir  qu'un  corps  vulnérant  puisse 
perforer  le  feuillet  pariétal  de  la  plèvre  sans  atteindre,  soit  le  poumon 
dont  il  n'est  séparé  que  par  un  intervalle  virtuel,  soit  le  diaphragme  qui 
lui  est  également  accolé  au  niveau  du  sinus  coslo-diaphragmatique.  La 
thoracentèse  représenle  le  type  d'une  plaie  pénétrante  simple  de  la  cavité 
pleurale  ;  mais  il  laut  remarquer  que  cette  opération  se  pratique  dans  des 
conditions  toutes  spéciales,  savoir  :  1°  l'interposition  d'une  couche  liquide 
entre  la  plèvre  et  le  poumon,  2°  le  soin  extrême  avec  lequel  on  s'efforce 
de  prévenir  la  pénétration  de  Pair  dans  la  cavité.  Le  hasard  peut  réaliser, 
dans  un  cas  de  blessure,  des  conditions  à  peu  près  semblables,  c'est-à-dire, 
d'un  côté  l'existence  de  fausses  membranes  éprisses,  résistantes,  liées  à 
une  pleurésie  chronique,  affection  qui  est  loin  d'être  rare;  de  l'autre  une 
plaie  étroite,  sinueuse,  qui  ne  dépasse  pas  la  profondeur  de  celte  couche. 
Celle  réunion  de  circonstances  spéciales  ne  peut  évidemment  se  produire 
que  d'une  manière  exceptionnelle  ;  aussi  est-il  absolument  rare  de  voir 
signaler  une  plaie  pénétrante  de  la  plèvre  qui  ne  soit  pas  accompagnée 
d'un  pneumo-tliorax,  d'un  épanchement  sanguin,  ou  d'une  lésion  soit  du 
poumon,  soit  du  diaphragme  et  en  même  temps  de  l'un  des  viscères  abdo- 
minaux. Le  seul  fait  cité  par  Larrey  d'une  plaie  de  ce  genre  produite  par 
un  fleuret  démoucheté  {Journal  complément,  juillet  1820.)  a  été  con- 
testé quant  au  diagnostic.  Les  mêmes  doutes  ont  été  émis  au  sujet  du 
blessé  de  Letenneur,  qui  n'a  guéri  qu'après  une  longue  série  d'accidents. 

Par  le  seul  fait,  en  effet,  que  le  caractère  essentiel  des  plaies  péné- 
trantes simples  est  de  n'offrir  aucune  complication  immédiate,  on  conçoit 
combien  le  diagnostic  doit  en  être  difficile  à  établir,  sans  avoir  recours 
aux  divers  procédés  d'exploration  directe  qui  sont  aujourd'hui  .universel- 
lement rejetés.  Le  diagnostic  ne  peut  donc  se  faire  que  par  exclusion, 
c'est-à-dire  qu'on  est  amené  à  admettre  que  la  plaie  est  probablement, 
simple,  parce  qu'on  ne  constate  aucun  symptôme  actuel  se  rapportant  à 
l'une  des  lésions  possibles.  .Mais  les  organes  du  médiastin  peuvent,  de 
même  que  le  poumon  et  le  diaphragme,  être  atteints  sans  que  leur  lésion 
se  manifeste  par  aucun  signe  immédiat.  De  là  résultent  deux  consé- 
quences :  la  première,  c'est  qu'on  est  tenté  de  croire,  dans  les  cas  de  ce 
genre,  qu'on  a  peut-être  affaire  à  une  plaie  non  pénétrante;  la  deuxième, 
qu'il  faut  apporter  une  grande  réserve  dans  son  appréciation. 

La  même  réserve  doit  être  observée  au  point  de  vue  du  pronostic.  iXous 


POITRINE.  —  PLAIES  PÉNÉTRANTES.  COMPLICNTIONS.  G9Ô 

avons  signalé  déjà  les  accidents  ultérieurs  qui  peuvent' Se' développer  à  la 
suite  des  plaies  du  médiastin.  Dans  les  plaies  pleurales,  il  faut  tenir 
compte  à  la  fois  de  la  possibilité  d'une  lésion  pulmonaire  latente  et  de 
la  pleurésie  traumatique  qui  est  imminente. 

Le  traitement  ne  saurait  cire  douteux.  Il  consiste  à  pratiquer,  le  plus 
tôt  possible,  l'occlusion  exacte  de  la  plaie,  à  surveiller  l'apparition  des- 
accidents, à  prévenir  ou  modérer  par  un  régime  et  des  soins  appropriés 
l'inflammation  qui  peut  survenir. 

Complications  en  gémirai.  —  Comme  nous  l'avons  dit  précédemment, 
il  est  rare  qu'une  plaie  pénétrante  de  la  poitrine  ne  présente  pas  de 
complication,  et  c'est  à  cette  circonstance  qu'est  due  l'extrême  gravité 
qu'offre  le  plus  souvent  ce  genre  de  blessures.  La  pratique  civile  ne 
fournit,  sur  ce  point,  que  des  données  fort  restreintes;  mais  les  résultats 
empruntés  à  la  chirurgie  des  armées  y  suppléent  largement.  Sans 
remonter  bien  loin  clans  cet  ordre  de  recherebes,  il  suffit  de  jeter  un  coup 
d'œil  sur  les  statistiques  auxquelles  ont  donné  lieu  les  guerres  contempo- 
raines. Ainsi,  sur  474  cas  de  plaies  de  la  poitrine  qui  ont  été  observés 
dans  l'armée  française  pendant  la  guerre  de  Crimée  et  qui  ont  fourni 
155  décès,  164  ont  été  compliquées  de  lésion  du  poumon  cl  ont  donné 
150  décès.  Les  1052  cas  de  blessures  de  tout  genre  du  thorax  relevés 
par  Cbcnu  dans  sa  statistique  de  la  guerre  d'itilic  ont  fourni  199  décès. 
Il  est  à  remarquer,  en  outre,  que  clans  ces  chiffres  ne  sont  pas  compris 
les  hommes  tués  sur  le  champ  de  bataille;  or,  il  est  admis  que,  pour 
ces  derniers,  les  plaies  de  poitrine  ligurent  pour  un  tiers  suivant  les  uns, 
pour  moitié  suivant  d'autres,  dans  le  total  des  blessures  constatées. 
Signalons  enfin,  à  cause  de  leur  extrême  importance,  les  chiffres  suivants 
empruntés  à  la  relation  chirurgicale  de  la  guerre  de  la  Sécession.  Les 
lésions  traumnliqucs  du  thorax  y  ont  atteint  le  chiffre  considérable  de 
20607,  dont  5404  décès.  Sur  ce  nombre  total,  les  plaies  pénétrantes 
par  armes  à  fou  ligurent  pour  le  chiffre  de  8715  et  ont  fourni  5260 
décès.  Les  moyennes  signalées  dans  les  relations  partielles  qui  ont  été 
publiées  à  la  suite  de  la  dernière  guerre  franco-allemande  concordent 
avec  les  données  précédentes. 

En  résumé,  il  résulte  de  toutes  les  statistiques  recueillies  par  la  chi- 
rurgie contemporaine,  que  la  fréquence  relative  des  blessures  de  la 
poitrine  dans  le  nombre  total  des  blessures  de  guerre  est  de  un  douzième 
environ,  soit  8,5  pour  100,  et  que  le  chiffre  delà  mortalité  des  plaies 
pénétrantes  de  poitrine  est  d'environ  60  pour  100. 

Parmi  les  complications  qui  produisent  de  pareils  désastres,  les  unes 
sont  immédiates  ou  primitives,  les  autres  secondaires  ou  consécutives;  les 
unes  sont  particulières  à  tel  ou  tel  organe,  les  autres  ont  un  caractère  plus 
général. 

Nous  laisserons  de  côté  les  cas  dans  lesquels  un  projectile  emporte 
une  partie  plus  ou  moins  considérable  de  la  poitrine.  Les  plaies  de  ce 
genre  rentrent  dans  ta  catégorie  des  mutilations  irrégulières  ou  broiements 
suivis  de  mort  presque  instantanée. 


694 


POITRINE. 


—  PLAIES  PÉNÉTRANTES.  COMPLICATIONS. 


En  dehors  de  ces  blessures  qui  échappent  à  l'intervention  chirurgicale, 
la  clinique  nous  apprend  que  les  blessés  atteints  de  plaie  pénétrante 
succombent  le  plus  souvent  à  l'hémorrhagie.  C'est  d'abord  la  cause  de 
mort  la  plus  fréquente  sur  le  champ  de  bataille:  c'est,  en  outre,  un 
accident  menaçant  chez  les  blessés  qui  ont  pu  être  relevés.  Ainsi,  sur 
.les  8715  cas  de  plaies  pénélrantes  de  la  poitrine  signalés  pendant  la 
guerre  de  la  Sécession,  on  cite  546  cas  d'hémorrhagie  grave,  dont  157  sui- 
vis  de  mort.  Tantôt  l'hémorrhagic  se  fait  à  l'extérieur,  par  la  plaie  ou 
par  les  voies  broncho-pulmonaires  (hémoptysie),  tantôt  elle  est  interne  et 
s'accompagne  alors  d'un  épanchement  sanguin. 

Lorsque  la  mort  n'est  pas  immédiate,  l'air  pénètre  le  plus  souvent 
dans  la  cavité  et  y  forme  un  épanchement  (pneumo-thorax,  pneumo-péri- 
carde)  ou  s'infiltre  dans  le  tissu  cellulaire  soit  des  parois,  soit  du  médiastin 
(emphysème  sous-cutané,  emphysème  du  médiastin). 

D'autres  fois  au  contraire,  mais  plus  rarement,  le  poumon  s'engage 
dans  la  plaie  et  forme  une  hernie  qui  en  obture  l'orifice  (pneumocèle). 
Lorsque  la  plaie  siège  dans  les  espaces  intercostaux  inférieurs  et  que  le 
diaphragme  est  lésé,  on  a  observé,  quoique  d'une  manière  exceptionnelle, 
l'issue  de  l'épiploon  (épiplocèle). 

Enfin,  tantôt  l'instrument  vulnérant  ou  le  projectile  est  sorti  de  la 
plaie,  tantôt  il  demeure  dans  la  profondeur  des  tissus,  et  la  plaie  se  com- 
plique de  la  présence  d'un  corps  étranger. 

Quand  le  blessé  a  échappé  aux  premiers  accidents,  il  est  encore  exposé 
à  tous  les  danirers  que  lui  font  courir  les  hémorrbagies  secondaires,  les 
phlegmasies  du  poumon,  de  la  plèvre,  du  péricarde,  du  cœur,  du  tissu 
conjonctif  du  médiastin,  les  épanchements  purulents,  les  phlegmons  aigus 
ou  chroniques,  etc. 

Tel  est  l'ensemble  des  complications  que  peuvent  offrir  les  plaies 
pénétrantes  de  la  poitrine  envisagées  en  général.  Ce  tableau  serait  incom- 
plet si  nous  ne  signalions,  au  moins  pour  mémoire,  les  lésions  des  organes 
qui  sont  elles-mêmes  l'origine  de  la  plupart  des  accidenls  que  nous  venons 
d'énumérer. 

Il  est  rare,  en  effet,  que  l'agent  vulnérant,  après  avoir  traversé  la 
paroi,  ne  lèse  pas  un  des  organes.  Ces  lésions  atteignent,  par  ordre  de 
fréquence  :  les  poumons,  le  péricarde  et  le  cœur,  l'aorte  et  les  autres 
troncs  vasculaires  importants,  le  diaphragme  et  les  viscères  abdominaux, 
et  enfin  l'œsophage  et  le  canal  thoracique.  Bien  qu'elles  jouent  le  rôle 
prépondérant  dans  la  symptomalologie  générale  des  plaies  de  poitrine, 
dans  la  genèse  des  accidents  signalés  plus  haut,  dans  la  marche  et  la 
terminaison  de  la  blessure,  nous  nous  abstiendrons  de  les  décrire  isolé- 
ment pour  ne  pas  tomber  dans  des  redites  oiseuses,  et  nous  n'en  parlerons 
ici  qu'au  point  de  vue  de  leurs  relations  avec  les  complications  générales 
primitives.  (Voy.,  pour  les  détails,  la  pathologie  chirurgicale  des  articles 
Aoiitk,  Cœur,  Diaphragme,  Œsophage,  Péricarde,  Poi  uon.) 

Nous  nous  bornerons  donc  à  une  étude  sommaire  de  ces  complications 
primitives  en  suivant  l'ordre  dans  lequel  elles  ont  été  enumérées  : 


P01TIUNE.  —  PLAIES  PÉNÉTRANTES.  COMPLICATIONS. 


cor. 


1°  Hémorrhagie  et  épanchements  sanguins; 
2°  Accidents  dus  à  la  pénétration  de  l'air; 
5°  Hernies  du  poumon  et  de  l'cpiploon; 
46  Corps  étrangers. 

Quant  aux  complications  secondaires,  les  unes,  telles  que  les  phlegma- 
sies  viscérales  et  les  épanchements  purulents  qui  les  accompagnent 
souvent,  relèvent  de  la  pathologie  interne,  les  autres,  telles  que  les  abcès, 
appartiennent  aux  affections  chirurgicales  du  thorax  dont  nous  nous 
occuperons  plus  loin. 

Hémorrhagie.  —  11  est  facile  de  comprendre  que  les  plaies  d'une 
cavité  qui  contient  le  cœur  et  les  gros  vaisseaux  qui  en  partent  ou  qui  s'y 
rendent  (aorte,  artère  et  veines  pulmonaires,  veines  caves),  ainsi  que  des 
organes  vasculaires,  comme  les  poumons,  soient  fréquemment  compli- 
quées d'hémorrhagie.  Notons,  en  outre,  qu'à  ces  sources  importantes 
d'hémorrhagic  viennent  se  joindre  les  lésions  des  vaisseaux  des  parois. 

Trois  cas  peuvent  se  présenter  :  1°  l'hémorrhagie  se  fait  toute  à  l'exté- 
rieur, c'est  le  cas  le  plus  rare  quand  il  s'agit  d'une  plaie  pénétrante; 
2°  l'hémorrhagie  est  purement  interne;  5°  elle  se  fait  à  la  fois  à  l'intérieur 
et  à  l'extérieur,  c'est  le  cas  le  plus  fréquent. 

Celte  complication  compromet  lesjours  du  blessé  de  plusieurs  manières  : 
immédiatement,  par  le  fait  même  de  la  perte  de  sang  ou  par  les  effets 
de  compression  qu'entraîne  l'accumulation  de  ce  liquide  dans  l'intérieur 
de  la  cavité,  consécutivement;  parles  accidents  qu'amènent  le  séjour  et 
l'altération  du  liquide  épanché. 

La  première  indication  que  présente  une  plaie  pénétrante  de  la  poitrine 
consiste  donc  à  rechercher  s'il  y  a  hémorrhagie  et  quelle  en  est  la  source. 

Lorsque  l'écoulement  du  sang  se  fait  à  l'extérieur  par  un  jet  isochrone 
aux  battements  du  pouls  et  que  le  sang  a  l'aspect  rutilant  du  sang  arté- 
riel, il  est  probable  qu'on  a  affaire  à  une  lésion  des  vaisseaux  superficiels 
de  la  paroi.  Ce  cas,  assez  rare  du  reste,  rentre  dans  celui  des  plaies  non 
pénétrantes. 

Lorsque,  à  la  suite  d'une  plaie  étroite  et  qu'on  peut  supposer  profonde, 
il  ne  se  produit  pas  d'hémorrhagie  extérieure,  on  doit  rechercher  avec 
soin  les  signes  qui  indiquent  l'accumulation  de  ce  liquide  dans  la  cavité. 
Ces  signes  sont  de  deux  sortes  :  les  uns  se  rattachent  à  la  perte  sanguine 
(pâleur,  refroidissement  des  extrémités,  petitesse  du  pouls,  tendance  à  la 
syncope),  les  autres  sont  dus  à  la  compression  que  le  liquide  épanché 
exerce  sur  les  organes  thoraciques  et  représentent  tous  les  degrés  possibles 
de  dyspnée  ;  c'est  donc  à  la  percussion  et  à  l'auscultation  de  vérifier  les 
présomptions  que  peuvent  fournir,  sous  ce  rapport,  la  nature  et  le  siège 
de  la  blessure.  Lorsqu'aux  signes  précédents  se  joint  l'hémoptysie,  on 
doit  songer  soit  à  une  lésion  pulmonaire,  soit  à  l'ouverture  d'un  gros 
vaisseau  dans  les  bronches. 

Le  cas  le  plus  fréquent  est,  avons-nous  dit,  la  coexistence  d'un  écou- 
lement sanguin  extérieur  avec  les  signes  plus  ou  moins  accusés  de  l'hé- 
morrhagie interne.  La  question  qui  se  pose  alors  est  d'une  extrême  impor- 


096 


l'omuM'] 


  PI..\l!:s   I'É.SKTI!ASTi:S,  COMPLICATIONS'. 


tance.  11  s'agit  de  savoir,  en  effet,  si  l'écoulement  extérieur  est  unique- 
ment le  résultat  d'une  sorte  de  trop-plein  de  la  cavité,  ou  bien  si  l'bémor- 
rhagie  a  sa  source  dans  la  lésion  d'un  vaisseau  profond  de  la  paroi  dont 
le  sang  se  déverse  à  la  l'ois  à  l'intérieur  et  à  l'extérieur.  Les  lésions  de  ce 
genre  sont  une  source  d'indications  immédiates  et  méritent,  par  consé- 
quent, de  nous  arrêter  tout  d'abord. 

On  peut,  suivant  le  siège  de  la  blessure,  avoir  affaire  à  la  lésion  de 
l'une  des  intercostales  ou  de  la  mammaire  interne. 

11  a  été  longuement  discuté  sur  le  plus  ou  inoins  de  fréquence  de  la 
blessure  des  intercostales,  et  c'est  devenu  un  lieu  commun  dans  les  traités 
de  cbirurgie,  de  répéter  que  les  procédés  inventés  pour  combattre  cette 
complication  étaient  plus  nombreux  que  les  cas  où  l'on  avait  eu  l'occasion 
de  l'observer.  Il  y  a  là,  tout  au  moins,  une  exagération  ;  Martin,  dans  sa 
dissertation  inaugurale,  publiée  en  4  855,  a  pu  en  réunir  28  cas,  et  dans 
Y  Histoire  de  la  guerre  de  Se'cession  cette  lésion  a  élé  signalée  L5  fois. 
Sa  rareté  relative  provient  de  la  protection  que  l'artère  intercostale  trouve 
dans  la  gouttière  de  la  côte,  là  où  précisément  elle  a  un  calibre  suflisant 
pour  produire  une  bémorrbagie  sérieuse  ;  la  lésion  du  vaisseau  dans  ce 
point  est  donc  ordinairement  liée  à  la  fracture  de  la  côte,  sans  que  cette 
dernière  en  soit  cependant  une  condition  nécessaire,  dans  les  plaies  très 
obliques,  par  exemple. 

Les  conditions  changent  dans  le  tiers  antérieur  et  vers  l'extrémité  pos- 
térieure de  l'espace  intercostal,  où  l'artère  occupe  le  milieu  de  l'espace. 
Une  plaie  pénétrante,  dans  ces  deux  points,  un  coup  d"épéc  par  exemple, 
peut  être  suivie  d'hémorrhagie.  Eu  avant,  il  est  vrai,  l'artère  a  un  si  mince 
volume  que  sa  blessure  offrirait  bien  peu  de  gravité  ;  il  n'en  est  pas  de 
même  en  arrière  où  elle  pourrait  fournil'  une  bémorrbagie  abondante. 
Mais  ici  surgit  une  grave  difficulté;  l'épaisseur  des  parties  molles  est 
considérable,  l'artère  est  donc  profondément  située,  l'écoulement  du  sang 
se  fait  en  bavant  et  non  par  un  jet  saccadé,  ce  liquide  est  ordinairement 
mélangé  de  bulles  d'air  par  suite  du  pneumo-thorax  ou  de  la  lésion  pul- 
monaire concomitante,  et  le  plus  souvent  il  est  très-difficile  de  distinguer 
si  l'hémoirhagie  provient  de  l'artère,  du  poumon  ou  de  l'un  des  vaisseaux 
du  médiaslin  postérieur.  11  n'y  a  d'exception  que  pour  le  cas  où  la  bles- 
sure est  assez  large  et  où,  en  déblayant  les  caillots,  on  peut,  voir  battre 
dans  le  fond  de  la  plaie  l'orifice  ouvert,  sur  lequel  on  doit  s'empresser, 
dans  ce  cas,  de  jeter  une  ligature  ou  de  pratiquer  la  torsion.  Si  1  une  et 
l'autre  de  ces  opérations  sont  impossibles  et  si  la  blessure  c4,  sinon  cer- 
taine, au  moins  probable,  c'est  à  un  tamponnement  méthodique  pratiqué 
comme  il  sera  dit  plus  loin,  qu'il  faudra  recourir;  on  remplira  ainsi  la 
double  indication  d'obturer  la  plaie  de  la  paroi  et  de  tarir  la  source  de 
l'hémorrhagie. 

Lorsque  l'artère  a  pu  être  lésée  dans  la  partie  moyenne  de  son  trajet, 
on  a  proposé  pour  vérifier  les  présomptions  tirées  du  siège  de  la  blessure, 
si  la  largeur  de  la  plaie  le  permet,  l'exploration  digitale  cl  le  procédé 
dit  de  la  carte,  l.c  doigt  étant  porté  dans  la  plaie,  sa  face  palmaire 


POITMNE.  — 


PLAIES  PÉNÉTRANTES.  COMPLICATIONS. 


G97 


tournée  en  haut  et  appliquée  contre  la  gouttière  costale  recevra  le 
choc  d'une  colonne  de  liquide  chaud,  si  le  sang  provient  réellement 
de  la  lésion  de  l'intercostale  et  suspendra  l'hémorrhagie  en  exerçant  une 
légère  compression  sur  le  l'ond  de  la  gouttière.  Quant  au  procédé  de  la 
carte,  il  consiste  à  introduire  dans  la  plaie  une  carte  pliée  en  l'orme  de 
gouttière  et  regardant  par  sa  concavité  la  côte  supérieure  ;  si  le  sang  coule 
dans  celte  gouttière,  il  est  à  présumer  qu  il  vient  de  l'intercostale;  s'il 
s'échappe  au-dessous  de  la  carte,  c'est  qu'il  vient  du  poumon  ou  de  la 
plèvre.  Tous  ces  moyens  de  diagnostic  peuvent  être  utilisés;  ils  sont  mal- 
heureusement impraticables,  dans  les  cas  où  précisément  le  diagnostic  est 
le  plus  difficile,  c'est-à-dire  lorsqu'il  s'agit  d'une  plaie  étroite,  oblique  ou 
anfractueuse,  dans  laquelle  l'inspection  visuelle  fait  défaut. 

La  ligature  est  évidemment,  quand  elle  est  possible,  le  mode  de  traite- 
ment le  plus  rationnel  et  le  plus  sûr  à  opposer  aux  plaies  de  l'intercos- 
tale; mais  elle  présente  plus  d'une  difficulté.  En  premier  lieu,  non-seule- 
ment l'artère  est  située  profondément,  mais  encore  elle  est  cachée  dans  la 
gputlière  de  la  côte.  L'opération  peut  nécessiter,  en  outre,  des  débride- 
ments  plus  ou  moins  élendus  qui  augmentent  les  chances  d'introduction 
de  l'air  dans  le  thorax.  Enfin,  comme  il  est  le  plus  souvent  nécessaire  de 
lier  les  deux  bouts  du  vaisseau,  on  peut  être  obligé  de  laisser  l'opération 
inachevée.  On  a  donc  conseillé  des  procédés  et  des  instruments  particu- 
liers ;  parmi  ces  derniers,  nous  ne  mentionnerons  que  l'aiguille-crochet 
articulée  de  Rcybard  destinée  à  contourner  l'artère,  sans  embrasser  la 
côte,  à  l'opposé  des  procédés  de  Gérard  cl  de  Goulard  qui  tiennent  au 
moins  autant  de  la  compression  que  de  la  ligature. 

Les  moyens  de  compression  qui  ont  été  appliqués  ou  proposés  sont  très 
variés.  ÎN'ous  ne  ferons  que  citer  le  jeton  deQuesnay,  la  plaque  de  Lottcri, 
l'appareil  de  bcllocq.  Les  procédés  modernes  sont  plus  pratiques  cl  plus 
laciles  à  improviser  ;  ils  peuvent  d'ailleurs  se  résumer  en  ceci  qu'ils  con- 
sistent à  pratiquer  un  tamponnement  régulier  de  la  plaie.  C'est  ainsi  que 
Bupuytren,  adoptant  le  mode  qui  avait  été  conseillé  par  Uesault,  intro- 
duisit d'abord  dans  la  plaie  une  pièce  de  toile  déprimée  en  cul-de-sac,  la 
bourra  de  charpie,  puis  la  retira  à  lui  de  façon  à  exercer  une  compression 
de  dedans  en  dehors.  Le  procédé  de  Sabaticr  consiste  à.  introduire  jusque 
dans  la  cavité  pleurale  un  gros  hourdonnet  de  charpie,  muni  d'un  lil 
douhle,  qu'on  amène  ensuite  et  qu'on  maintient  au  contact  de  l'orifice 
mterne  de  la  plaie,  en  nouant  les  deux  chefs  du  fil  douhle  autour  d'un 
rouleau  de  diachylum  placé  à  l'extérieur.  A  ces  moyens,  très-efficaces  sans 
doute,  mais  qui  présentent  certains  inconvénients,  on  préfère  avec  raison, 
de  nos  jours,  les  compresseurs  à  air  ou  même  un  simple  sac  de  baudruche 
qu'on  introduirait  vide  et  qu'on  gonflerait  ensuite. 

La  lésion  de  la  mammaire  interne  offre,  au  moins,  autant  de  gravité 
que  celle  d'une  intercostale.  Ici  encore,  la  situation  profonde  du  vaisseau 
entraîne,  le  plus  souvent,  une  hémorrhagie  à  la  fois  interne  et  externe,  et, 
comme  conséquence,  la  production  d'un  épanchement  sanguin  qui  se 
fera  dans  la  plèvre  correspondante  ou  dans  le  rnédiastin,  suivant  la  hau- 


♦598  POITRINE.  -  plaies  J'ékétiiaktks.  complications. 

tcur  à  laquelle  le  vaisseau  aura  été  divisé.  Le  diagnostic  présentera  donc 
encore  certaines  difficultés',  d'autant  plus  que  la  blessure  de  l'artère 
coïncide  souvent  avec  des  lésions  profondes  encore  plus  graves  ;  néan- 
moins, les  rapports  bien  connus  de  l'artère  avec  le  bord  du  sternum 
fournissent  un  point  de  repère  d'une  assez  grande  précision. 

Le  meilleur  procédé  à  suivre,  pour  arrêter  une  hémorrhagie  de  ce 
genre,  consiste,  quand  la  chose  est  possible,  à  lier  dans  la  plaie  les  bouts 
du  vaisseau  divisé;  on  se  met  ainsi  en  garde  contre  le  retour  de  l'hémor- 
rhagie  par  le  bout  inférieur,  accident  auquel  expose  l'anastomose  de  la 
mammaire  et  de  l'épigaslrique.  Mais  cette  règle,  excellente  en  principe, 
présente  parfois  dans  l'application  des  difficultés  insurmontables,  surtout 
si  le  sang  a  séjourné  quelque  temps  dans  le  tissu  conjonclif  qui  environne 
l'artère.  Un  peut  alors  recourir  soit  aux  divers  modes  de  tamponnement 
que  nous  avons  signalés  pour  les  intercostales,  soit  à  la  ligature  pratiquée 
au-dessus  de  la  lésion.  Le  lieu  d'élection  est  au  2°  ou  5e  espace  inter- 
costal, parce  que  ces  deux  espaces  présentent  plus  de  largeur  que  tous 
les  autres.  L'incision  sera  dirigée  horizontalement,  de  façon  que  son  milieu 
corresponde  à  8  ou  10  millimètres  du  bord  du  sternum.  On  divisera 
successivement  la  peau,  le  grand  pectoral,  l'aponévrose  qui  fait  suite  aux 
intercostaux  externes.  Le  plan  charnu  des  intercostaux  internes  sera 
ensuite  sectionné  sur  la  sonde  cannelée  afin  de  ménager  la  plèvre  et  le 
vaisseau  lui-même.  Ce  dernier  sera  enfin  dégagé  du  tissu  conjonclif  à 
l'aide  de  l'extrémité  mousse  du  même  instrument. 

Nous  avons  dit  plus  haut  que,  lorsque  Fbémorrhagie se  fait  à  l'intérieur 
du  thorax,  elle  donne  lieu  à  deux  ordres  d'accidents  :  1°  ceux  qui  résul- 
tent de  la  perte  sanguine  elle-même,  et  qu'il  faut  ne  pas  confondre  avec 
les  phénomènes  purement  syncopaux  qui  accompagnent  beaucoup  de 
lésions  du  thorax;  2"  ceux  qui  sont  dus  à  l'accumulation  du  liquide  dans 
l'une  des  parties  de  la  cavité.  Ce  sont  ces  derniers  qu'il  nous  reste  à 
décrire 

Épanchements  sanguins  inlra-lhoraciques.  —  Qu'il  soit  dû  à  la 
lésion  d'un  organe  ou  de  l'un  des  vaisseaux  soit  de  la  paroi,  soit  delà 
cavité,  l'épanchement  peut  se  faire  : 

Dans  le  lissu  cellulaire  du  médiaslin, 

Dans  la  cavité  du  péricarde, 

Ou  dans  la  cavité  pleurale  (c'est  à  cette  dernière  variété,  la  plus  fré- 
quente de  toutes,  que  s'applique,  dans  la  pratique,  l'expression  de 
hémothorax). 

L'épanchement  traumatique  de  sang  dans  le  médiaslin,  qui  coïncide 
souvent  du  reste  avec  un  épanebement  péricardique,  ne  peut  guère  cire 
que  soupçonné,  lorsque  les  données  tirées  du  siège  de  la  blessure  con- 
cordent avec  les  signes  de  l'béinorrbagie  interne  et  avec  une  dyspnée  plus 
ou  moins  intense,  accompagnée  d'une  petite  toux  sèche  cl  surtout  d  une 
sensation  particulière  de  pesanteur  en  arrière  du  sternum.  La  percussion 
et  l'auscultation  fournissent  aussi,  naturellement,  leur  contingent  de  pro- 
babilités. 


l'OITIUN'li.  — 


PLAIES    PÉNÉTRANTES.  COMPLICATIONS. 


699 


Si  L'épancbement  n'est  pas  assez  abondant  pour  entraîner  une  mort 
prompte,  il  se  produit  assez  fréquemment,  dans  les  jours  cpii  suivent  la 
blessure,  une  rémission  notable  duc  à  une  sorte  d'assuélude  des  organes 
à  la  compression  qu'ils  subissent. 

Celte  rémission  s'accentue  déplus  en  plus  si  l'épancbement  se  termine 
par  résolution;  elle  représente  au  contraire  un  état  passager,  si,  ce  qui 
est  le  cas  le  plus  fréquent,  le  sang  épanché  devient  le  point  de  départ 
d'un  abcès  du  médiastin.  Il  fout  être  prévenu  de  ce  l'ait  pour  ne  pas  se 
livrer  trop  tôt  aux  illusions  d'une  fausse  sécurité,  que  les  événements 
viendraient  démentir.  On  voit,  en  effet,  après  quelques  jours  d'amélio- 
ration, se  développer  des  accidents  inflammatoires  qui  aboutissent  géné- 
ralement à  la  suppuration.  Les  fractures  ou  même  les  simples  contusions 
du  sternum,  la  présence  d'esquilles  osseuses  ou  de  corps  étrangers,  la 
simple  pénétration  de  l'air  dans  le  foyer  sanguin,  sont  les  causes  détermi- 
nantes de  cette  inflammation. 

Quelle  est  la  conduite  à  tenir  en  présence  d'un  épanchement  sanguin 
du  médiastin?  Faut-il,  comme  on  L'a  conseillé,  favoriser  l'issue  du  sang 
pour  prévenir  les  effets  de  son  accumulation?  Faut-il,  au  contraire, 
lorsqu'on  s'est  assuré  que  l'hémorrhàgie  ne  provient  pas  d'un  vaisseau 
de  la  paroi,  obturer  la  plaie?  C'est  cette  dernière  pratique  qui  est  géné- 
ralement adoptée;  c'est  celle,  en  effet,  qui  donne  les  meilleures  chances 
de  voir  l'hémorrhàgie  s'arrêter  par  le  fait  même  de  l'accumulation  du 
liquide  épanché;  elle  offre,  en  outre,  l'avantage  d'intercepter  la  com- 
munication entre  l'épanchenicnt  sanguin  et  l'air  extérieur  qui  est  une 
causé. d'inflammation.  Après  avoir  pratiqué  l'occlusion  de  la  plaie,  on  fait 
des  applications  réfrigérantes  sur  la  région  et,  si  les  symptômes  généraux 
l'indiquent,  on  recourt  aux  moyens  employés  d'ordinaire  contre  les 
hémorrhagies  internes.  Nous  verrons  plus  loin  le  traitement  que  l'on 
devra  instituer  lorsque  l'inflammation  s'empare  du  foyer  sanguin. 

L'épancbement  sanguin  du  péricarde  ou  hémo-péricarde  est  une  com- 
plication très-fréquente  des  plaies  du  cœur,  dont  le  degré  d'importance 
varie  suivant  qu'il  s'agit  d'une  plaie  pénétrante  de  cet  organe,  d'une 
pluie  non  pénétrante  ou  d'une  rupture.  Dans  le  premier  cas,  il  constitue 
un  simple  épiphénomène  dont  les  symptômes  et  les  indications  se  confon- 
dent avec  ceux  de  la  lésion  principale.  Dans  les  deux  derniers  cas,  au 
contraire,  il  devient  un  accident  primitif  de  premier  ordre  ;  mais  néan- 
moins son  histoire  ne  saurait  être  séparée  de  celle  des  lésions  traumati- 
ques  du  cœur.  (Voy.  Cœur,  plaies,  t.  VIII,  p.  525.) 

L'héinolhorax  traumatique  ou  épanchement  sanguin  de  la  plèvre  pré- 
sente une  fréquence  et  une  gravité  en  rapport  avec  l'étendue  du  dévelop- 
pement de  cette  séreuse  sur  les  parois  du  thorax.  Il  peut  être  la  consé- 
quence de  lésions  très-variées  (plaies  du  poumon,  plaies  du  cœur,  ouverture 
des  gros  vaisseaux,  lésion  désaltères  profondes  de  la  paroi).  Variable  en 
abondance  et  en  rapidité  selon  le  volume  et  le  nombre  des  vaisseaux 
lésés,  suivant  qu'il  se  fait  dans  une  plèvre  libre  d'adhérences  ou  dans 
une  partie  de  cette  séreuse  circonscrite  par  des  adhérences  anciennes, 


700  POITIUNE.           PIAÏES  PÉNÉTRANTES.  COMH.TCAT10NS 

répanchemcnt  se  produit  tout  d'un  coupel  remplit  la  cavité  pleurale,  ou 
bien  s'effectue  lentement  en  s'accompagnanl  d'un  écoulement  de  sang 
extérieur.  Le  plus  souvent,  dans  ce  cas,  l'air  pénètre  en  mémo  temps 
dans  la  cavité  pleurale,  et  il  se  produit  un  hémo-pneumothorax. 

Lorsque  l'épanchcment  est  rapide  et  considérable,  le  blessé  périt  pres- 
que immédiatement  par  suite  de  l'bémorrliagie  et  de  la  suffocation  ;  l'in- 
tervention chirurgicale  est,  dans  ce  cas,  absolument  inutile. 

Lorsque,  au  contraire,  répanchemcnt  se  fait  par  degrés  et  lentement, 
on  observe  deux  ordres  de  symptômes,  les  uns  rationnels,  les  autres 
physiques. 

Les  symptômes  rationnels  sont,  on  premier  lieu,  ceux  qui  se  ratta- 
chent à  l'hémorrhagie  elle-même,  et,  en  outre,  ceux  qui  résultent  de  la 
compression  du  poumon  par  le  sang  épanché  (dyspnée  souvent  portée  à 
un  très-haut  degré,  respiration  courte,  laborieuse  et  fréquente,  anxiété  et 
agilation  continuelles,  conslriction  et  pesanteur  à  la  base  du  thorax, 
orthopnéc  ou  décubitus  sur  le  dos,  la  tête  et  les  épaules  étant  élevées  et 
les  cuisses  fléchies,  d'autres  l'ois,  au  contraire,  décubitus  sur  le  côté 
atteint,  etc.). 

Les  signes  physiques  sont  absolument  analogues  à  ceux  que  fournis- 
sent tous  les  épanchemenls  de  la  plèvre  qui  s'accomplissent  en  un  temps 
très-court  (écartement  des  côtes,  augmentation  de  volume  et  immobilité 
.  du  côté  malade,  saillie  de  l'hypochondre  correspondant,  matité  plus  ou 
moins  étendue  à  la  percussion,  absence  du  bruit  respiratoire,  etc.;. 

Lorsqu'il  existe  des  adhérences  pleurales  anciennes  dans  le  voisinage 
de  la  blessure,  l'épanchcment  se  circonscrit  et  les  signes  sthétoscopiques 
traduisent  cotte  disposition  particulière. 

Enfin  la  coexistence  d'un  pneumo-thorax  (ce  qui  est  le  cas  ordinaire) 
se  traduit  par  les  modifications  habituelles  que  le  mélange  ou  la  super- 
position des  deux  fluides  imprime  aux  résultats  de  la  percussion  et  de 
l'auscultation. 

On  retrouve,  en  un  mot,  sauf  la  nature  spéciale  de  la  cause,  toutes  les 
conditions,  toutes  les  variétés  qu'on  a  coutume  d'observer  dans  les  épan- 
chements  liés  à  la  pleurésie  ou  à  d'autres  affections  de  la  plèvre  (Voy. 
Pleurésie,  et  Plèvre,  patholoçjie). 

Il  est  un  signe,  enfin,  dont  la  valeur  a  été  diversement  interprétée, 
c'est  l'apparition  d'une  ecchymose  à  la  région  lombaire,  signalée  par 
Vâlentin.  Celle  ecchymose,  qui  apparaît  quelques  jours  après  la  blessure 
et  qu'il  faut  bien  distinguer  de  l'infiltration  sanguine  qui  pourrait  se  faire 
au  voisinage  de  la  plaie,  serait  duc  à  la  transsudation  du  sang  à  travers 
la  plèvre  et  à  l'imbihition  progressive  des  tissus  interposés  entre  cette 
membrane  et  les  léguments  de  la  région  lombaire.  Bien  que  ce  signe 
n'ait  peut-être  pas  la  valeur  pathognomonique  qu'on  a  voulu  lui  attri- 
buer, il  n'en  présente  pas  moins,  quand  il  est  associé  avec  d'autres,  une 
certaine  importance. 

Le  sang  épanché  dans  la  plèvre  se  prend  rapidement  en  caillots  dans  la 
partie  la  plus  déclive  de  la  cavité.  Ce  fait  a  été  parfaitement  mis  en 


POITRINE.  —  PLAIES  PÉNÉTRANTES  .COMPLICATIONS.  701 

lumière  non-seulement  par  les  autopsies,  mais  encore  par  les  expériences 
fie  Trousseau  et  Leblanc  sur  les  chevaux.  On  est  assez,  d'accord  aujour- 
d'hui pour  attribuer  cette  rapidité  exceptionnelle  de  coagulation  à  L'in- 
lluence  exercée  sur  le  sang  épanché  par  la  sérosité  qui  lubrifie  normale- 
ment la  surface  interne  de  la  plèvre.  Quoi  qu'il  en  soit,  au  bout  de  peu 
de  temps,  cette  coagulation  est  suivie  delà  mise  en  liberté  de  la  sérosité 
emprisonnée  dans  les  mailles  du  coagulum  sanguin,  laquelle  surnage  en 
entraînant  avec  elle  un  grand  nombre  de  globules.  A  cette  sérosité  se  mêle 
celle  qui  est  sécrétée  par  la  plèvre,  sous  l'influence  de  l'irritation  que 
produisent  le  traumatisme  et  la  présence  des  caillots  jouant  le  rôle  de 
corps  étrangers.  Le  mélange  des  deux  liquides  qui  concourent  tous  deux  à 
dissoudre  le  caillot,  augmente,  dans  des  proportions  notables,  le  volume 
de  la  collection  primitivement  formée.  C'est  le  liquide  ainsi  coloré  qui 
s'échappe  de  la  plaie  dans  les  mouvements  d'expiration,  lorsqu'il  n'existe 
pas  de  lésion  vasculaire  de  la  paroi  et  que  l'hémorrhagie,  de  source 
interne,  s'est  effectuée  lentement. 

La  marche  de  l'épauchcmcnt  varie  dans  les  divers  cas.  S'il  est  peu  con- 
sidérable et  si,  en  même  temps,  il  y  a  peu  d'air  dans  la  cavité,  la  résorption 
graduelle  du  sang  peut  s'effectuer  au  bout  d'un  temps  plus  ou  moins  long. 
Il  en  est  souvent  de  même  lorsqu'il  se  trouve  circonscrit  dans  un  espace 
limité  par  des  adhérences  anciennes  de  la  plèvre.  Par  contre,  la  présence 
d'une  grande  quantité  de  sang,  surtout  lorsqu'elle  est  accompagnée  d'air, 
détermine  une  inflammation  violente  de  la  séreuse  qui  s'accompagne 
d'une  fièvre  intense  et  détermine  la  décomposition  putride  du  liquide. 
L'épanchement  devient  purulent,  et  l'on  se  trouve  en  présence  de  tous 
les  accidents  qu'entraînent  les  collections  de  cette  nature,  quelle  qu'en 
soit  la  cause  déterminante,  accidents  aggravés  de  plus  ici  par  la  libre  com- 
munication qui  existe  entre  la  cavité  et  l'air  extérieur. 

Lorsque  l'hémorrhagie  n'a  pu  être  arrêtée  et  que  l'épanchement  san- 
guin est  en  voie  de  formation,  quelle  est  la  conduite  à  tenir?  La  réponse 
à  cette  question  est  d'autant  plus  embarrassante  qu'on  se  trouve  en  pré- 
sence de  deux  écucils  :  la  persistance  de  l'hémorrhagie  si  l'on  ne  ferme 
pas  la  plaie,  ou,  si  l'on  pratique  l'occlusion  de  cette  dernière,  l'asphyxie 
qui  peut  résulter  de  l'accumulation  du  sang. 

Néanmoins,  comme  les  ressources  thérapeutiques  sont  bien  précaires 
en  présence  d'une  hémorrhagie  interne  un  peu  abondante  ;  comme  le 
blessé  court,  de  ce  chef,  un  danger  immédiat  qu'on  peut  espérer  conjurer 
par  la  compression  qu'exerce  le  liquide  épanché,  l'occlusion  de  la  plaie 
est  aujourd'hui  généralement  passée  dans  la  pratique.  C'est  donc,  d'une 
manière  générale,  la  première  indication  qu'on  remplit,  concurremment 
avec  l'emploi  des  moyens  usités  contre  l'hémorrhagie  interne  :  révulsifs 
cutanés,  ligature  des  membres,  élévation  du  tronc,  ingestion  de  petits 
fragments  de  glace,  potions  astringentes,  applications  réfrigérantes  sur  le 
lieu  de  la  blessure,  etc.  Cela  fait,  on  surveille  attentivement  les  sym- 
ptômes ultérieurs. 

Si  l'hémorrhagie  interne  s'arrête,  il  se  produit  une  amélioration  légère, 


'02  P01TR1NIÎ.           PLAIES  PÉNÉTRANTES.  COMPLICATIONS. 

au  moins  dans  l'état  général  (relèvement  du  pouls  et  retour  de  la  cha- 
leur). Les  premiers  accidents  sont  conjurés  et  l'on  n'a  plus  à  s'occuper 
que  de  la  marche  ultérieure  de  l'épanchement.  Si,  au  contraire,  l'fié» 
morrhagic  continue,  l'épanchement  augmente,  et  aux  symptômes  précé- 
demment signalés  se  joignent  bientôt  les  signes  d'une  asphyxie  immi- 
nente. La  pratique  conseillée  par  Legouest  dans  les  cas  de  ce  genre  est  la 
suivante  :  il  faut  rouvrir  la  plaie,  si  elle  est  large  et  si  elle  a  été  réunie, 
l'agrandir,  si  elle  est  étroite,  et  chercher  à  débarrasser  la  poitrine.  Si 
l'écoulement  du  sang  par  la  plaie  ne  soulage  pas  le  blessé  et  ne  fait 
qu'augmenter  la  faiblesse,  on  tente  de  nouveau  l'occlusion.  Lorsque,  au 
contraire,  l'écoulement  du  sang  amène  du  soulagement  tout  en  produi- 
sant un  accroissement  de  faiblesse,  on  referme  et  l'on  rouvre  alternative- 
ment la  blessure;  on  insiste  sur  les  révulsifs  cutanés  les  plus  énergiques 
et  les  applications  locales  réfrigérantes;  on  fait  coucher  le  malade  sur  le 
côté  affecté,  on  modère  les  mouvements  de  la  respiration  et  surtout  l'élé- 
vation des  côtes  par  un  bandage  de  corps  serré  ;  on  cherche,  en  un  mot, 
à  gagner  du  temps  et  à  éloigner  le  danger  le  plus  pressant. 

Lorsque  les  efforts  précédents  ont  été  couronnés  de  succès  et  les  pre- 
miers accidents  conjurés,  on  se  trouve  en  présence  d'un  épanchemenl 
sanguin  définitivement  accompli,  et  la  conduite  à  tenir,  dans  les  jours 
qui  suivent  la  blessure,  présente  encore  de  nombreuses  difficultés.  Le 
but  à  poursuivre  est  évidemment  d'obtenir,  s'il  est  possible,  la  résor- 
ption du  sang  épanché  et  de  prévenir,  par  un  traitement  approprié,  les 
complications  inllammatoires.  Mais  celte  heureuse  solution  ne  peut  être 
obtenue  que  dans  deux  conditions  qui  sont  rarement  réalisées  :  un  épan- 
chement  de  médiocre  abondance,  l'absence  à  peu  près  complète  de 
pneumo-thorax.  Dans  le  cas  contraire,  le  blessé  se  trouve  fatalement  sous 
l'imminence  d'une  pleurésie  et  de  la  transformation  de  l'épanchement 
sanguin  en  épanchement  séro-purulent. 

C'est  encore  à  Legouest  que  nous  emprunterons  les  préceptes  à  suivre 
dans  le  but  de  modérer,  sinon  de  prévenir  les  accidents  qui  menacent 
ultérieurement  la  vie  du  blessé. 

Lorsque  la  plaie  est  encore  béante,  qu'elle  a  été  rouverte  ou  qu'elle 
n'est  pas  encore  cicalrisée,  elle  peut  donner  issue  au  sang  épanché  :  il 
convient  alors  de  favoriser  cette  évacuation,  eu  donnant  à  la  partie  une 
position  convenable. 

Si  la  plaie  est  trop  étroite  ou  située  de  telle  sorte  qu'elle  ne  puisse  per- 
mettre la  sortie  du  sang,  il  faut,  dans  le  cas  d'épanchement  abondant, 
dès  qu'on  peut  être  sûr  que  l'hémorrhagie  interne  est  arrêtée,  pratiquer 
une  contre-ouverture  à  la  partie  la  plus  déclive  du  foyer.  Ici  encore,  deux 
cas  se  présentent.  Si  l'auscultation  démontre  qu'il  existe,  en  même  temps 
(pic  L'épanchement  sanguin,  un  épanchement  notable  d'air,  il  faut  ouvrir 
la  poitrine  par  une  incision,  sans  se  préoccuper  de  l'introduction  d  une 
nouvelle  quantité  d'air  dans  la  plèvre  ;  une  mèche  de  linge  el'lilé  est  mise 
entre  les  lèvres  de  la  plaie,  pour  en  empêcher  la  réunion,  cl  le  malade 
est  placé  dans  une  position  propre  à  faciliter  la  sorlie  du  sang  épanché. 


POITRINE.  —  PLAIES  PÉNÉTRANTES.  COMPLICATIONS 


705 


Lorsqu'au  contraire,  il  y  a  doute  au  sujet  de  la  quantité  d'air  épanché,  on 
peut  tenter  d'abord  la  ponction,  soit  à  l'aide  d'un  trocart  garni  de  bau- 
druche, soit  au  moyen  d'un  appareil  aspirateur.  Si  le  liquide  se  repro- 
duit, on  a  recours  à  de  nouvelles  ponctions  ;  mais  il  est  rare  que  le 
liquide  extrait  conserve  longtemps  les  qualités  du  sang;  il  prend  peu  à 
peu  l'aspect  d'un  liquide  roussàtre,  mêlé  à  une  certaine  quantité  de  pus, 
et,  plus  tard,  d'un  pus  séreux  où  flottent  des  fausses  membranes.  On  se 
trouve  eu  présence  d'un  épaneliement  purulent  de  la  plèvre  qui  entraîne 
de  nouvelles  indications  dont  nous  n'avons  pas  à  nous  occuper  ici  (Voy. 
Pleurésie)  . 

Accidents  dus  à  la  pénétration  de  Vair.  —  Les  phénomènes  qui  ré- 
sultent de  l'épanchement  ou  de  l'infiltration  de  l'air  soit  dans  la  cavité 
thoracique,  soit  dans  ses  parois,  offrent  une  extrême  variété.  L'air  peut, 
en  effet,  provenir  de  deux  sources  :  de  l'extérieur  ou  des  voies  respira- 
toires ;  lorsque  l'accès  Lui  est  ouvert,  il  peut  se  propager  suivant  des  voies 
différentes  :  dans  la  cavité  pleurale,  dans  le  péricarde,  dans  le  tissu  con- 
jonctif  sous-cutané  ou  dans  celui  du  médiastin.  Ces  diverses  variétés 
peuvent  se  combiner  entre  elles  et  donner  lieu  à  des  phénomènes  com- 
plexes dont  l'analyse  physiologique  présente  de  réelles  difficultés. 

Pneumo-lhorax.  —  Le  cas  le  plus  important  est  celui  dans  lequel  il 
se  fait  une  accumulation  d'air  dans  la  cavité  pleurale,  un  pneumo-lhorax 
traumatique.  Le  fait  peut  se  produire  dans  les  trois  conditions  principales 
suivantes  : 

1°  Dans  le  cas  de  plaie  pénétrante  simple  sans  lésion  du  poumon.  — 
C'est  là  une  variété  plutôt  théorique  que  réellement  clinique,  vu  l'extrême 
rareté  de  ce  genre  de  plaie;  nous  verrons  même  plus  loin  qu'il  peut  se 
produire,  dans  ce  cas,  un  phénomène,  absolument  inverse  à  celui  de  l'en- 
trée de  l'air,  c'est-à-dire  l'issue  extérieure,  la  hernie  du  poumon.  Mais, 
s'il  est  rare  dans  la  pratique,  le  cas  sus-énoncé  a  été  produit  expérimen- 
talement un  très-grand  nombre  de  fois  chez  les  animaux  et  a  permis  d'ob- 
server ce  qui  se  passe  alors  du  côté  du  poumon  et  dans  la  cavité.  Lorsque 
la  plaie  est  large  et  directe,  l'air  extérieur  est  attiré,  au  moment  de  ['in- 
spiration, dans  la  cavité  pleurale  par  suite  de  son  excès  de  pression  sur 
l'air  que  contient  le  sac  pulmonaire  et  de  la  rétraclilité  de  l'organe,  qui 
ne  parvient  jamais  à  se  satisfaire  dans  les  conditions  normales  de  la  res- 
piration. L'air  extérieur  pénètre  donc  dans  la  poitrine  avec  un  sifflement 
caractéristique;  l'expiration  qui  suit  chasse  une  partie  du  gaz  au  dehors; 
une  autre  inspiration  appelle  une  nouvelle  quantité  d'air,  et  ainsi  de 
suite.  C'est  là  le  phénomène  réellement  palhognornonique  des  plaies  pé- 
nétrantes, celui  qu'on  désigne  sous  le  nom  de  traumatopnée.  Au  bout 
de  quelque  temps,  une  sorte  d'équilibre  s'établit  entre  l'air  extérieur  et 
celui  de  la  cavité;  le  poumon  reste  affaissé  contre  la  colonne  vertébrale, 
et  l'air  épanché  prend  sa  place  dans  la  cavité.  Dans  les  cas  plus  ou  moins 
analogues  au  fait  expérimental  précédent,  l'étroitesse  et  l'obliquité  de  la 
plaie  extérieure,  le  défaut  de  parallélisme,  l'interposition  d'une  certaine 
quantité  de  sang,  le  gonflement  des  parties  apportent  à  la  marche  des 


704  PCHTMNE.  —  hlaies  PÉSôrftiKïÉs.  complications. 

phénomènes  une  foule  de  modifications  qui  ne  présentent  pas  un  intérêt 
pratique  sullisant  pour  y  insister. 

2°  Dans  le  cas  d'une  plaie  extérieure  largement  ouverte,  avec  lésion 
concomitante  du  poumon.  —  Dans  ce  cas,  l'excès  de  pression  de  l'air  exté- 
rieur et  la  rétraction  pulmonaire  appellent  l'air  dans  la  plèvre  à  la  fois 
par  la  plaie  extérieure  et  par  la  solution  de  continuité  des  conduits  aériens. 
L'air  qui  arrive  des  deux  côtés  à  la  fois  et  qui  n'est  expulsé  que  partielle- 
ment pendant  l'expiration,  finit  par  occuper  la  cavité  à  la  place  du 
pou  mon  rétracté. 

5°  Dans  le  cas  d'une  plaie  extérieure  étroite  ou  très-oblique,  avec 
lésion  pulmonaire.  —  Si  la  plaie  pariétale  est  telle  que  l'air  ne  puisse  la 
traverser  de  dehors  en  dedans  (élroitesse,  obliquité,  perte  du  parallé- 
lisme), la  plaie  pulmonaire  est  alors  la  source  unique  du  pneumo-lhorax. 
On  a  vu  une  simple  piqûre  du  poumon,  difficile  même  quelquefois  à 
retrouver  dans  l'examen  nécropsique,  donner  lieu  à  un  épanchement 
gazeux  considérable.  L'air  est,  en  effet,  versé  dans  la  cavité  aussi  bien  pen- 
dant l'expiration  qu'au  moment  de  l'inspiration,  l'air  de  l'inspiration 
venant  du  dehors,  l'air  de  l'expiration  passant  du  poumon  sain  dans  le 
poumon  affaissé.  La  disposition  de  la  plaie  extérieure  ne  permettant  pas 
l'issue  facile  de  ce  fluide  au  dehors,  il  s'épanche  dans  la  cavité  pleurale; 
mais,  pendant  l'expiration,  une  certaine  quantité  s'engage  entre  les  lèvres 
de  la  plaie  et  s'infiltre  dans  le  tissu  conjonctif  circonvoisin  (emphysème 
sous-cutané).  Le  pneumo-thorax  et  l'emphysème,  surtout  ce  dernier,  con- 
tinueraient à  s'accroître  indéfiniment,  s'il  ne  se  produisait  assez  promp- 
tement  des  modifications  favorables  dans  l'état  de  la  plaie  pulmonaire  : 
celle-ci,  à  moins  qu'elle  n'ait  des  dimensions  considérables,  s'oblitère 
sous  l'influence  de  la.  rétractilité  propre  de  l'organe  et  de  la  compression 
produite  par  l'épanchement  sanguin  concomitant,  de  sorte  que  le  pneumo- 
thorax et  l'emphysème  Unissent  par  se  limiter. 

4°  Une  quatrième  variété  de  pneumo-thorax  traumatique  est  celle  qui 
est  la  conséquence  d'une  lésion  du  poumon  par  suite  d'une  fracture  de 
côte  ou  d'une  violente  contusion  de  la  paroi  sans  plaie  extérieure;  nous 
ne  la  rappelons  que  pour  mémoire,  car  elle  n'appartient  pas  à  notre 
cadre.  {Voy.  Poumon,  lésions  traumaliques). 

Des  adhérences  pleurales  anciennes  ont  pour  effet  d'empêcher,  dans 
certains  cas,  ou  au  moins  d'entraver  la  formation  du  pneumo-lhorax,  en 
s'opposant  au  retrait  du  poumon  après  l'ouverture  de  la  poitrine  ;  s'il  se 
produit  un  épanchement  d'air,  dans  ces  circonstances,  il  est  au  moins 
très-circonscrit,  mais  le  mécanisme  reste  le  même. 

Quelles  que  soient  les  conditions  dans  lesquelles  le  pneumo-lhorax  trau- 
matique s'est  produit,  une  fois  constitué,  il  offre,  dans  ses  symptômes, 
dans  sa  marche,  dans  les  indications  qu'il  fait  naîlrc,  la  plus  grande  ana- 
logie avec  le  pneumo-thorax  d'origine  interne.  Nous  ne  pouvons  donc 
que  renvoyer  le  lecteur  à  ce  qui  a  été  dit  précédemment  à  ce  sujet.  (Voij. 
art.  Plèvre,  pneumo-lhorax,  p.  2t>8.) 

Il  est  cependant  une  distinction  importante  à  faire  entre  les  deux  es- 


POITRINE.  —  plaiks  im':ni';tiiantes.  complications. 


705 


pèces  â''accidents  ;  elle  porte  sur  les  points  suivants  :  1°  dans  le  pneu- 
mo-thorax  d'origine  interne,  l'air  provient  d'une  seule  source;  dans  le 
pneimio-thorax  Iraumatiquc,  il  en  a  souvent  deux  :  le  poumon  et  l'exté- 
rieur. De  ces  deux  sources,  une  seule  est  accessible  à  nos  moyens  d'action  ; 
il  y  a  donc  tout  avantage  à  la  supprimer,  et  c'est  ce  epic  l'on  fait  en  pra- 
tiquant, à  inoins  de  contre-indication  spéciale,  l'occlusion  de  la  plaie  par 
l'un  des  moyens  précédemment  indiqués.  En  même  temps,  on  exerce  une 
compression  méthodique  tout  autour  pour  empêcher  l'extension  de  l'em- 
physème; 2°  dans  le  pneumo-thorax  traumatique,  l'air  occupe  rarement 
seul  la  cavité  pleurale.  Il  s'épanche  très-fréquemment  une  certaine  quan- 
tité de  sang  qui  provient  des  couches  profondes  de  la  paroi  et  surtout  de  la 
lésion  pulmonaire;  il  y  a  hémo-pneumothorax.  Si  l'air  se  renouvelle  au 
contact  d'un  liquide  aussi  altérable  que  le  sang,  la  pleurésie  purulente 
est  imminente,  et  c'est  encore,  pour  essayer  de  prévenir  cette  complica- 
tion, l'occlusion  de  la  plaie  extérieure  qui  donne  les  meilleurs  résultats, 
quand  l'hémorrhagie  ne  provient  pas  exclusivement  d'un  vaisseau  de  la 
paroi,  qu'il  faudrait  oblitérer  avant  tout. 

Pneumo-péricarde .  —  Nous  ne  ferons  que  mentionner  ici  cette  com- 
plication, relativement  secondaire,  des  plaies  du  cœur  et  du  péricarde  qui 
a  déjà  fait  l'objet  d'une  description  spéciale.  {Voy.  Péricarde,  pneumo- 
péricarde,  t.  XXVI,  p.  670.) 

Nous  devons  signaler  néanmoins,  à  ce  sujet,  pour  les  cas  d'épanche- 
ments  à  la  fois  liquides  et  gazeux  (ce  qui  est  la  règle  à  la  suite  du 
traumatisme),  un  travail  récent  dans  lequel  les  données  de  l'auscultation 
ont  été  étudiées  avec  une  nouvelle  précision.  Il  s'agit  du  bruit  de  moulin, 
indiqué  déjà  par  Morel  Lavallée,  quelque  peu  oublié  depuis,  et  dont  l'im- 
portance, au  point  de  vue  du  diagnostic  et  du  pronostic,  vient  d'être 
remise  en  lumière  dans  la  thèse  inaugurale  de  Reynier  (1880).  Ce  sym- 
ptôme qui,  comme  son  nom  l'indique, rappelle  le  bruit  produit  par  le 
clapotement  de  L'eau  avec  une  palette,  est  indépendant  des  mouvements 
respiratoires  ;  il  coïncide  avec  la  systole  cardiaque  et  paraît  dû  au  choc 
du  cœur  contre  un  épanchement  aéro-liquide,  soit  du  péricarde,  soit  du 
tissu  conjonctif  environnant.  D'une  signification  pronostique  grave  dans 
le  premier  cas,  il  serait,  dans  le  second,  l'indice  d'une  lésion  relative- 
ment béniime. 

Emphysème  sous-cutané.  —  Nous  en  dirons  autant  pour  l'emphysème 
sous-cutané  dont  nous  venons  de  signaler  l'une  des  causes  les  plus  fré- 
quentes et  qui  a  été  l'objet  d'un  article  spécial  dans  ce  Dictionnaire.  {Voij. 
Emphysème  thaumatique,  t.  XII,  p.  725.)  Nous  dirons  seulement  ici  que, 
sans  avoir  la  valeur  palhognomonique  de  la  traumatopnée,  l'emphysème 
est  généralement  un  signe  de  la  pénétration  de  la  plaie. 

Emphysème  du  médiaslin.  —  On  voit  quelquefois,  à  la  suite  d'une 
plaie  pénétrante  de  la  poitrine,  apparaître  dans  le  tissu  conjonctif  de 
la  base  du  cou,  loin  par  conséquent  du  siège  de  la  blessure,  un  gon- 
flement emphysémateux  qui  s'étend  dans  les  parties  voisines  et  peut 
atteindre  des  proportions  considérables.  Cette  complication  est  généra- 

NOUV.  UICT.  MÉD.  ET  Clllll.  XXVIII  —  45 


70G 


'  POITRINE.           PLAIES  PÉNÉTRANTES.  COMPLICATIONS. 


leincnt  la  conséquence  d'une  lésion  pulmonaire  qui  siège  dans  le  voisi- 
nage du  hile  de  l'organe.  L'air  qui  s'échappe  des  lobules  divisés  peut 
s'infiltrer  dans  le  tissu  conjonctif  qui  les  entoure  et  parvenir  ainsi,  de 
proche  en  proche,  jusqu'au  tissu  cellulaire  du  médiastin  d'où  il  g^gije 
la  base  du  cou.  L'extension  considérable  que  prend  quelquefois  l'em- 
physème dans  ces  cas  provient  de  ce  fait,  déjà  signalé  à  l'occasion  d'une 
des  variétés  du  pneumo-thorax  traumatique,  que  l'air  est  déversé  dans  le 
tissu  conjonctif  aussi  bien  pendant  l'expiration  que  pendant  l'inspiration, 
jusqu'à  ce  que  la  solution  de  continuité  du  poumon  s'oblitère. 

L'infiltration  aérienne  peut  être  également  la  conséquence  d'une  plaie 
pénétrante  simple  du  médiastin.  L'air  extérieur  est  attiré  dans  le  mé- 
diastin par  les  mouvements  d'expansion  du  thorax,  et  si,  lorsque  l'expi- 
ration tend  à  l'expulser  au  dehors,  il  ne  trouve  pas  une  issue  facile,  il 
s'infiltre  dans  le  tissu  conjonctif  qui  entoure  le  cœur  et  les  gros  vaisseaux. 
Théoriquement,  il  pourrait,  comme  dans  le  cas  précédent,  gagner  la  base 
du  cou  et  s'étendre  plus  loin;  mais  ici,  la  source  de  l'air  étant  extérieure, 
si  la  sortie  du  gaz  est  entravée  par  la  disposition  de  la  plaie,  il  est  pro- 
bable que  sa  pénétration  le  sera  également  dans  une  certaine  mesure  ; 
l'infiltration  reste  donc,  en  général,  très-limitée  et  ne  donne  lieu  à 
aucun  symptôme  spécial. 

Hernie  traumatique  du  poumon.  —  Les  plaies  pénétrantes  de  la 
poitrine  peuvent  s'accompagner  d'un  accident,  assez  rare  du  reste,  qui 
est  pour  ainsi  dire  l'opposé  de  ceux  que  nous  venons  de  décrire  ;  c'est 
l'issue  d'une  portion  plus  ou  moins  considérable  du  poumon  à  travers  la 
plaie  pariétale.  Il  résulte,  en  effet,  des  considérations  précédemment 
exposées  qu'un  pareil  accident  est  théoriquement  imposible,  dès  qu'une 
certaine  quantité  d'air  s'est  épanchée  dans  la  cavité  pleurale  et  a  produit 
un  certain  degré  d'affaissement  du  poumon.  Les  observations  recueillies 
sont  d'accord  avec  la  théorie;  elles  montrent  que  la  hernie  du  poumon  a 
lieu  le  plus  souvent  immédiatement  après  la  blessure,  comme  si  l'organe 
suivait  la  retraite  de  l'instrument  vulnérant  â  travers  la  plaie  extérieure. 
La  condition  essentielle  de  la  production  du  phénomène  parait  résider 
dans  la  coïncidence  d'une  expiration  brusque  et  énergique  due  à  l'effort 
instinctif  que  fait  le  blessé  pour  se  soustraire  à  la  cause  vulnéranle  ;  à  ce 
moment,  en  effet,  le  poumon  se  trouve  fortement  appliqué  contre  la 
paroi  costale.  Dans  quelques  cas  cependant  l'issue  du  poumon  semble 
avoir  eu  lieu  quelque  temps  après  l'accident  (Tulpius,  Larrcy).  Le  lait 
ne  paraît  possible  qu'en  admettant,  au  moins  pour  les  cas  de  ce  genre, 
le  mécanisme  suivant,  proposé  par  Malgaigne  :  «  Si,  dit-il,  une  cavité 
pleurale  a  été  ouverte  sans  lésion  du  poumon,  et  celui-ci  affaissé  par  la 
pénétration  de  l'air,  l'expiration  tendra  à  chasser  l'air  contenu  dans  le 
poumon  resté  sain  :  si  cet  air  rencontre  un  obstacle  du  côté  de  la  glotte, 
dans  un  effort  par  exemple,  il  refluera  dans  le  poumon  vide.  l'on 
aura  le  singulier  phénomène  que  le  poumon  sain  se  videra  et  que  celui 
du  côté  blessé  se  remplira.  Cela  aurait  lieu,  même  quand  celui-ci 
aurait  été  compris  dans  la  blessure  ;  en  effet  l'air  'qui  y  pénètre  par  les 


POITRINE. 


—  PUIES  PÉNÉTRANTES.  COMPLICATIONS. 


707 


bronches  se  répand  également  dans  tous  leurs  rameaux,  tandis  que  la 
plaie  ne  saurait  en  intéresser  que  quelques-uns.  Si  l'expiration  est 
brusque,  saccadée,  l'expansion  du  poumon  blessé  se  fera  aussi  brus- 
quement et  par  saccades  ;  c'est  alors  qu'on  le  voit  sauter  pour  ainsi 
dire  dans  la  poitrine,  se  présenter  à  la  plaie,  enfin  faire  hernie  au  travers  : 
et  telle  est  la  théorie  des  hernies  pulmonaires  qu'il  est  facile  de  pro- 
duire chez  les  animaux  vivants  par  des  expériences  directes.  » 

Ainsi,  même  lorsque  la  hernie  du  poumon  n'est  pas  immédiate,  c'est 
toujours  un  elfort  subit,  une  expiration  brusque  et  énergique  qui  en  est 
la  cause  déterminante.  Dans  le  cas  de  Larrey  le  viscère  se  hernia  quelques 
heures  après  l'accident,  lors  d'une  chute  que  lit  le  blessé  pendant  qu'on 
le  conduisait  à  l'ambulance.  De  même,  l'observation  a  démontré  que 
l'existence  d'une  plaie  du  poumon  n'est  pas  un  obstacle  à  la  production 
d'une  hernie  de  l'organe,  à  la  condition  cependant  que  la  plaie  pulmo- 
naire ne  soit  pas  assez  considérable  pour  permettre  la  formation  brusque 
d'un  pnoumo-thorax  abondant  et  par  suite  la  rétraction  complète  du 
viscère. 

La  hernie  traumatique  du  poumon  se  présente  sous  l'aspect  d'une 
tumeur  lisse,  de  grosseur  variable,  étranglée  et  pédiculée  par  les  bords 
de  la  plaie  qui  lui  a  donné  issue.  Sa  coloration,  qui  est  d'abord  celle  de 
l'état  normal,  se  modifie  peu  à  peu  à  mesure  qu'on  s'éloigne  du  moment 
de  la  blessure;  elle  devient  promptement  livide  et  gangréneuse  sous 
l'influence  de  la  constriction  subie  par  le  pédicule.  La  couleur  ardoisée 
n'est  cependant  pas  toujours  le  signe  d'une  gangrène  véritable  ;  pour 
(pie  celle-ci  soit  certaine,  il  faut  un  autre  caractère,  la  flétrissure  de  la 
partie  herniée. 

Nous  verrons  plus  loin  à  quels  signes  on  peut  distinguer  une  hernie 
pulmonaire  de  la  seule  complication  avec  laquelle  on  pourrait  la  con- 
fondre, c'est-à-dire  de  la  hernie  de  l'épiploon. 

Tant  que  le  poumon  hernié  est  sain,  on  conseille  d'en  pratiquer  la 
réduction,  eu  débridant  la  plaie,  s'il  est  nécessaire.  Il  faut,  dans  ce  cas, 
immédiatement  après  la  rentrée  de  l'organe,  obturer  la  plaie  avec  les 
doigts  pour  prévenir  la  formation  d'un  pneumo-tliorax,  puis  en  faire 
l'occlusion  exacte.  Lorsque  la  tumeur  est  sphacélée,  on  peut  soit  en 
abandonner  l'élimination  aux  ressources  de  la  nature,  soit  l'exciser  après 
avoir  jeté  une  ligature  sur  le  pédicule.  On  songe  ensuite  à  prévenir  ou 
combattre  l'inflammation  ;  celle-ci  est  d'ailleurs,  le  plus  souvent,  modérée, 
car  la  plupart  des  cas  qui  ont  été  publiés  ont  été  suivis  de  guérison. 

Hernie  de  l'épiploon.  —  Il  est  un  autre  genre  de  complication,  encore 
plus  rare,  que  nous  croyons  devoir  rapprocher  du  précédent,  parce  qu'on 
les  a  confondus  -quelquefois  l'un  avec  l'autre  et  qu'ils  présentent  plus 
d'une  analogie;  c'est  la  hernie  de  l'épiploon,  laquelle  peut  être  le  ré- 
sultat d'une  lésion  atteignant  à  la  fois  la  paroi  thoracique  et  le  dia 
phragme. 

I'our  se  rendre  compte  de  ce  qui  se  passe  dans  ce  cas,  il  faut  avoir 
présents  à  l'esprit  les  rapports  qui  existent  entre  les  parties  latérales  du 


708  POITiUNE.           PLAIHS  1'ÉMIÎTIIA.HTES.  COMPLICATIONS. 

diaphragme  et  la  paroi  costale.  Nous  avons  vu  (page  058)  que,  pendant  le 
mouvement  d'expiralion,  ctsurtoutdans  une  expiration  forcée,  les  deuxsur- 
l'aces  sont  adossées  dans  une  hauteur  qui  peut  s'étendre  jusqu'à  la  5''  côte  à 
droite  et  jusqu  a  la  6e  à  gauche,  tandis  que,  pendant  l'inspiration,  le  pou- 
mon s'interpose  entre  elles,  dans  une  étendue  variahle,  sans  jamais  atteindre 
néanmoins  le  fond  du  sinus  coslo-diaphragmalique.  La  paroi  thoracique  et 
le  diaphragme  se  confondant,  pour  ainsi  dire,  pendant  un  mouvement  d'ex- 
piration énergique,  tel  que  celui  qui  accompagne  l'effort,  un  instrument 
vulnérant  pénétrant  à  ce  moment  par  l'un  des  5  ou  G  derniers  espaces 
intercostaux  arrivera  directement  dans  la  cavité  abdominale.  Or  les 
parois  de  l'abdomen  se  trouvent  par  le  fait  des  mêmes  circonstances 
(effort)  dans  un  état  de  tension  exagérée,  d'où  résulte  une  pression  éner- 
gique sur  les  viscères  qu'il  contient,  et  une  prédisposition  favorable  à  la 
formation  d'une  hernie.  11  pourra  donc  se  faire  que,  sous  l'influence  de 
la  pression  à  laquelle  il  est  soumis,  l'épiploon  suive  le  retrait  de  l'instru- 
ment et  se  fasse  jour  au  dehors  à  travers  l'orifice  pratiqué  par  ce  dernier. 
Ici,  plus  encore  que  dans  la  production  d'une  hernie  du  poumon,  on 
retrouve,  dans  les  observations  recueillies,  le  fait  essentiel  de  la  simulta- 
néité dans  la  sortie  de  l'instrument  vulnérant  et  de  l'organe  hernié.  On 
peut  concevoir  théoriquement  qu'une  anse  intestinale  qui  se  trouveniil 
dans  la  sphère  d'action  de  l'instrument,  s'engageât  également  dans  la 
plaie  extérieure,  mais  le  fait  n'a  pas  élé  signalé,  à  notre  connaissance; 
quant  aux  autres  organes  abdominaux,  tels  que  le  foie,  la  rate  et  l'esto- 
mac, dont  la  lésion  accompagne  souvent  les  blessures  du  diaphragme, 
comme  ils  sont  doués  d'une  mobilité  infiniment  moindre,  ils  peuvent  bien 
sortir  de  l'abdomen,  mais  leur  hernie  se  fait  dans  la  cavité  thoracique,  et 
c'est  là  le  cas  ordinaire  des  hernies  diaphragmatiques.  (Voy.  t.  XL 
p.  565.)  On  trouve  néanmoins  signalé  dans  Y  Histoire  de  la  guerre  de 
sécession  un  fait  très-remarquable  de  hernie  simultanée  du  foie,  de 
l'épiploon  et  du  poumon,  suivi  de  guéri^n. 

.  La  conséquence  des  rapports  anatomicjues  rappelés  ci-dessus  c'est  que, 
suivant  le  degré  d'énergie  du  mouvement  expiratoire  qui  aura  coïncidé 
avec  le  moment  de  la  blessure,  une  plaie  pénétrante  du  5%  du  6e  ou 
du  7e  espace  intercostal  pourra  être  compliquée  soit  de  hernie  pulmonaire, 
soit  de  hernie  épip.loïque.  De  là,  entre  les  deux  espèces  d'accident  une 
confusion  possible  dont  on  trouve  un  exemple  parmi  les  faits  rassemblés 
dans  la  thèse  de  Veyron -Lacroix. 

L'épiplocèle  traumalique  forme,  au  début,  une  tumeur  irrégulière, 
bosselée,  molle,  graisseuse,  rougeàtre,  ne  donnant  pas  de  sensation  de 
crépilalio7i  sous  la  pression  des  doigts.  Elle  est  irréductible  et  étranglée 
à  sa  base  par  les  bords  de  la  plaie;  il  en  résulte  promptement  un  état 
de  congestion  prononcé  et  une  tendance  à  la  gangrène.  Le  blessé  éprouve 
au  niveau  du  point  lésé  un  sentiment  de  tension  et  de  gène,  de  plus  en 
plus  douloureux,  qui  s'irradie  clans  tout  l'hypocliondre.  Ces  phénomènes 
locaux  s'accompagnent  ordinairement  de  symptômes  généraux  d  un  ca- 
ractère dépressif  (pâleur,  concentration  du  pouls,  sueurs  froides,  etc). 


POITRINE.           PLAIES  PÉNIÎTIIANTES.  COMPLICATIONS. 


700 


Là  marche  des  symptômes  ultérieurs  est  généralement  lente.  Lorsqu'on 
abandonne  aux  seuls  elïorts  de  la  nature  l'élimination  de  la  tumeur,  celle- 
ci  s'engorge  de  plus  en  plus  et  prend  quelquefois  la  l'orme  d'une  énorme 
Ibngosité  qui  rappelle  l'aspect  d'un  fragment  de  placenta.  Puis,  l'inflam- 
mation suppurative  s'établit;  la  tumeur  diminue  peu  à  peu,  se  couvre  de 
bourgeons  charnus,  et  après  une  suppuration  plus  ou  moins  prolongée 
il  s'établit  dans  les  cas  heureux  une  cicatrice  adhérente  qui  se  confond 
avec  celle  des  téguments.  Aux  phénomènes  précédents  s'ajoutent  néces- 
sairement les  signes  et  les  effets  d'une  péritonite  localisée  qui  joue  son 
rôle  dans  la  production  des  adhérence  finales. 

Si,  au  lieu  de  marcher  vers  la  guérison,  la  maladie  tend  vers  une  issue 
fatale,  on  voit  se  développer  les  accidents  d'une  péritonite  généralisée 
ou  des  complications  qui  se  sont  produites  dans  la  cavité  pleurale. 

Il  semble,  au  premier  abord,  que  le  diagnostic  d'une  pareille  lésion  ne 
doive  présenter  aucune  incertitude,  et  cependant,  comme  nous  l'avons 
déjà  dit,  on  peut  hésiter,  dans  certains  cas  douteux,  entre  une  hernie 
pulmonaire  et  une  épiplocèle.  Dans  les  moments  qui  suivent  la  bles- 
sure, il  est  un  signe  pathognomonique  de  la  hernie  du  poumon  qui  per- 
mettra d'éviter  l'erreur,  c'est  la  crépitation  sous  la  pression  des  doigts  ; 
mais,  au  bout  de  quelque  temps,  ce  signe  peut  manquer,  dans  le  cas  par 
exemple  où  la  partie  herniée  est  le  siège  d'une  plaie  qui  a  pu  laisser 
échapper  l'air  contenu,  et,  alors  on  sera  réduit  à  se  laisser  guider  par  un 
ensemble  symptômatique  qui,  dans  les  premiers  jours,  présente,  des  deux 
côtés,  assez  d'analogie.  Plus  tard,  la  marche  des  accidents  rend  le  dia- 
gnostic plus  facile. 

Le  pronostic,  malgré  les  résultais  favorables  de  quelques  faits  connus, 
est  nécessairement  grave,  les  complications  pouvant  venir  soit  de  la  poi- 
trine, soit  de  l'abdomen,  soit  des  deux  simultanément. 

Le  traitement  général  est  subordonné  à  l'intensité  des  phénomènes 
inflammatoires.  Quant  au  traitement  local,  l'excision,  la  ligature,  la  cau- 
térisation ont  été  tour  à  tour  conseillées.  Lorsque  la  tumeur  est  de  petit 
volume  et  les  accidents  locaux  peu  intenses,  on  peut  abandonnera  la  na- 
ture le  soin  du  travail  éliminatoire.  Les  heureux  résultats  qu'a  fournis 
souvent  cette  pratique  dans  les  cas  de  plaies  abdominales  compliquées 
d'épiplocèle,  autorisent  à  essayer  également  l'expectation  quand  il  s'agit 
d'épiplocèles  thoraciques.  Toute  tentative  de  réduction  doit  être,  au 
contraire,  proscrite,  vu  l'impossibilité  de  faire  rentrer  l'épiploon  dans 
l'abdomen  par  l'ouverture  diaphragmatique  et  les  inconvénients  graves 
de  son  séjour  dans  la  cavité  pleurale. 

Corps  étrang&rs.  —  Les  plaies  pénétrantes  de  la  poitrine  peuvent  être 
compliquées  de  la  présence  des  diverses  sortes  de  corps  étrangers  dont 
nous  avons  fait  l'énumération  à  l'occasion  des  plaies  non-pénétrantes.  Ce 
sont  encore  les  plaies  par  armes  à  feu  qui  présentent  le  plus  souvent 
celte  complication.  H  n'est  pas  un  des  points  de  la  cavité  où  ces  corps  ne 
puissent  être  rencontrés;  quelquefois  un  seul  organe  est  atteint;  d'autres 
l'ois,  au  contraire,  plusieurs  organes  sont  lésés  en  même  temps  par  la 


POITRINE.  — 


PLAIES  PÉNÉTRANTES.  COMPLICATIONS. 


corps  vulnérant  et  les  accidents  qui  en  résultent  présentent  une  complexité 
embarrassante. 

Leur  siège  le  plus  fréquent  est  dans  le  cœur  et  les  poumons  ;  à  ce 
litre,  leur  étude  se  rattache  à  celle  des  lésions  traumatiques  de  ces  or- 
ganes et  ne  doit  nous  occuper  qu'incidemment.  Mais  on  les  rencontre 
aussi  dans  les  cavités  pleurales  ou  dans  le  méiliastin,  et  c'est  par  là  que 
leur  histoire  appartient  aussi  à  l'étude  générale  des  plaies  pénétrantes  du 
thorax. 

Quelle  que  soit  leur  variété,  on  peut  les  grouper  en  deux  catégories  : 
1°  les  instruments  piquants  ou  à  la  fois  piquants  et  tranchants  (aiguilles, 
couteaux,  épées,  baïonnettes,  poignards,  etc.)  ;  2°  les  projectiles  lancés 
par  les  armes  à  feu  et  les  éclats  ou  débris  de  toute  sorte  qu'ils  entraî- 
nent avec  eux. 

Cette  division  est  surtout  fondée  sur  les  indications  et  les  manœuvres 
opératoires  que  comportent  les  deux  espèces  de  corps  précédents.  Tandis 
(jue  les  corps  étrangers  de  la  première  catégorie,  après  avoir  pénétré 
plus  ou  moins  profondément,  restent  souvent  implantés  dans  la  paroi,  en 
s'y  brisant  quelquefois,  ceux  de  la  deuxième  sont  généralement  perdus 
dans  la  cavité  et  rien  à  l'extérieur  ne  trahit  leur  présence.  De  même,  la 
perforation  d'un  gros  tronc  vasculaire  par  une  épée  qui  se  brise  dans  la 
plaie  et  forme  une  sorte  de  bouchon  aux  parties  divisées,  produira  des 
accidents  immédiats  moins  graves  qu'une  lésion  du  même  genre  résul- 
tant d'un  coup  de  feu.  A  ces  divers  points  de  vue,  il  y  a  donc  un  in- 
térêt pratique  à  ne  pas  confondre  les  deux  espèces  de  corps. 

1°  Instruments  piquants.  —  Les  traités  classiques  et  les  mémoires 
originaux  renferment  des  exemples  bien  remarquables  de  blessures  compli- 
quées de  la  présence  de  fragments  de  ces  instruments,  à  la  suite  desquelles 
le  blessé  a  pu  survivre  plus  ou  moins  longtemps.  L'un  des  plus  curieux 
est  celui  du  forçat  décédé  à  l'hôpital  de  Rochefort,  dont  l'observation 
relatée  parVelpeau  a  été,  plus  tard,  reprise  et  rectifiée  par  Berchon  (Gaz. 
hebd.  1861.)  Cet  homme,  qui  avait  été  blessé  quinze  ans  auparavant, 
portait  dans  son  thorax,  sans  que  rien,  avant  l'autopsie,  en  eût  fait 
soupçonner  la  présence,  un  fragment  de  fleuret  d'une  longueur  de 
85  millimètres,  fixé  en  haut  à  la  face  inférieure  de  la  première  côte  par 
des  ostéophytes  et  en  bas  à  l'apophyse  transversc  de  la  quatrième  ver- 
tèbre dorsale.  La  partie  moyenne  de  l'instrument,  logée  dans  le  poumon, 
était  entourée  de  concrétions  calcaires.  Un  autre  fait,  du  même  genre,  dans 
lequel  la  blessure  remontait  également  à  une  quinzaine  d'années  environ, 
a  été  signalé  par  Manec  à  la  Société  anatomique  (18*29)  :  une  lame  de 
1er  traversait  le  poumon  dans  toute  sa  hauteur  ;  le  tissu  de  l'organe  était 
sain  et  formait  au  corps  étranger  une  sorte  de  canal  à  parois  lisses.  Néan- 
moins, ces  exemples  de  survie  prolongée  sont  rares  et,  en  général,  les 
blessés  succombent,  soit  immédiatement,  soit  au  bout  de  peu  de  jours. 
Tel  fut  le  cas  de  cet  officier  de  la  garde  nationale  de  Paris,  à  l'occasion 
duquel  Velpcau  fit  construire  par  Charrière  un  instrument  d'extraction  spé- 
cial qu'on  trouve  aujourd'hui  dans  la  plupart  des  arsenaux  de  chirurgie. 


POITRINE.  —  PLAIES  PÉNÉTRANTES.    COMPLICATIONS.  711 

Cet  officier,  étant  à  l'exercice,  avait  eu  la  poitrine  traversée  d'arrière  en 
avant  par  une  baguette  de  fusil,  qui  restait  saillante  à  l'extérieur  et  qui  ré- 
sista à  des  tractions  énergiques  faites  parplusieurs  personnes  vigoureuses. 
Le  blessé  succomba  le  quatrième  jour,  avant  qu'on  eût  pu  appliquer  le 
nouvel  instrument;  l'autopsie  démontra  que  la  baguette  avait  traversé  une 
des  vertèbres  dorsales  à  une  ligne  en  avant  du  canal  rachidien,  puis,  qu'en 
rasant  la  veine  cave  inférieure  et  passant  sous  la  base  du  cœur,  elle  était 
venue  embrocher  le  poumon  pour  arriver  entre  les  côtes  sous  la  mamelle 
droite  où  elle  était  encore.  Les  gros  vaisseaux  et  le  cœur  étaient  intacts  ; 
le  poumon,  légèrement  engoué,  n'était  pas  encore  enflammé  ;  la  mort  fut 
attribuée  à  l'épanchement  d'une  certaine  quantité  de  sang  dans  les  bron- 
ches ouvertes  sur  le  trajet  de  la  baguette.  Paulet  a  signalé,  dans  son 
Traité  d'anatomie  topographique,  un  cas  extrêmement  curieux  à  cause 
du  trajet  suivi  par  l'instrument  vulnérant.  Dans  un  duel,  un  homme, 
ivre  de  fureur,  s'était  précipité  tête  baissée  sur  son  adversaire  et  lui  avait 
enfoncé  de  toute  sa  force  un  fleuret  dans  la  poitrine.  Le  blessé  n'était 
pas  en  garde,  il  ne  prévoyait  pas  l'attaque  et  se  présentait  complètement 
de  face  ;  il  tomba  et  mourut  immédiatement  sans  pousser  un  cri.  Voici 
ce  qu'on  trouva  à  l'autopsie  :  le  fleuret  avait  pénétré  dans  le  manche  du 
sternum,  et  sa  pointe,  après  avoir  traversé  la  poitrine,  s'était  solidement 
fixée  dans  la  quatrième  vertèbre;  la  lame  s'était  brisée  au  niveau  de  la 
peau,  et  l'on  ne  voyait  en  ce  point  qu'une  petite  tache  ecchymotique. 
Mais  ce  qu'il  y  avait  surtout  de  remarquable,  c'est  que  la  tige  d'acier 
restée  dans  le  thorax  occupait  juste  la  ligne  médiane  et  divisait  la  cavité 
de  la  poitrine  en  deux  moitiés  parfaitement  symétriques  ;  l'arme  avait 
embroché  d'avant  en  arrière  le  tronc  veineux  brachio-céphalique  gauche, 
le  tronc  innommé,  la  trachée,  l'œsophage,  le  corps  de  la  quatrième  ver- 
tèbre dorsale  ;  elle  avait  ensuite  pénétré  dans  le  canal  rachidien,  traversé 
la  moelle,  et  sa  pointe  était  restée  implantée  dans  l'angle  de  réunion  des 
lames  vertébrales,  à  l'origine  de  l'apophyse  épineuse. 

Dans  la  pratique,  on  se  trouve  donc  en  présence  de  l'un  ou  de  l'autre 
des  deux  cas  suivants  :  ou  l'arme  restée  dans  la  plaie  fait  saillie  à  l'exté- 
rieur ;  dans  ce  cas  le  diagnostic  se  fait  de  lui-même  et  il  est,  en  outre, 
possible  de  déterminer  d'une  façon  exactement  mathématique  les  diverses 
couches  qui  ont  été  traversées;  ou  bien,  l'instrument  s'est  brisé  au  ras  de 
la  plaie  et,  pour  peu  que  le  parallélisme  des  couches  superficielles  se  soit 
détruit  ou  qu'il  y  ait  déjà  du  gonflement,  on  peut  avoir  des  doutes  sur  la 
présence  du  corps  étranger.  Dans  ce  dernier  cas,  les  symptômes  rationnels, 
tels  que  la  douleur,  la  toux,  la  tuméfaction  du  voisinage  de  la  plaie,  etc., 
ne  peuvent  fournir  que  des  présomptions  ;  les  renseignements  procu- 
rés par  les  assistants  et  surtout  l'examen  de  la  partie  restante  de  l'ins- 
trument, quand  il  est  possible,  sont  des  données  plus  sûres  et  d'après 
lesquelles  on  ferme  la  plaie,  si  elles  sont  négatives,  on  la  dilate  au 
contraire,  si  elles  sont  affirmatives,  pour  aller  à  la  recherche  du  corps 
étranger. 

La  présence  de  l'instrument  une  fois  constatée,  l'indication  générale 


715 


PWTMNE.  — 


l'I.AIKS  PÉNÉTRA  KTKS.  COS1IT.ir.ATIO.NS. 


eal  de  l'extraire.  Il  est  un  cas  cependant  où  L'hésitation  est  permise',  c'est 
Lopsqu'il  s'agit  de  ces  corps  étrangers  de  forme  allongée  qui  traversent  la 
poitrine  de  paît  en  pant  et  sonL  parfois  solidement  implantés  dans  le 
squelette,  comme  dans  les  exemples  que  nous  venons  de  citer.  D'une 
part,  comme  nous  l'avons  vu,  il  existe  des  faits  remarquables  de  tolérance 
de  la  part  de  l'organisme,  vis-à-vis  de  semblables  lésions,  et  d'autre  part, 
on  peut  se  demander  si  l'extraction  de  l'arme,  qui  fait  provisoirement 
office  de  bouchon,  n'entraînera  pas  une  hémprrhagie  immédiate  mortelle. 
Aussi  les  auteurs  ne  sont-ils  pas  d'accord  sur  la  conduite  à  tenir  dans  ce 
cas,  de  sorte  qu'il  est  impossible  de  tracer  des  règles  absolues  à  ce  sujet. 
La  base  du  jugement  à  établir  repose  presque  tout  entière  sur  la  connais- 
sance anatomique  parfaite  des  parties  traversées  ;  on  doit  s'inspirer,  en 
outre,  de  l'examen  des  accidents  immédiats  observés  ;  on  pèse  enfin  les 
conséquences  diverses  que  peuvent  entraîner  pour  le  blessé,  d'un  côté 
l'expeetation,  de  l'autre,  une  prompte  intervention  chirurgicale. 

En  dehors  de  ces  faits  exceptionnels,  l'extraction  immédiate  doit  êlrc 
la  règle.  Elle  est  facile  à  pratiquer,  quand  il  s'agit  de  portions  d'instru- 
ments engagées  dans  les  parties  molles  et  susceptibles  d'être  saisies  avec 
les  doigts  ou  des  pinces  ;  si  la  saillie  est  insuffisante,  on  peut  y  obvier 
par  un  débridement.  Si  le  corps  étranger  est  engagé  dans  un  os  et  fait 
encore  saillie  à  l'extérieur,  l'extraction  peut  se  faire  avec  de  fortes  pinces 
à  longues  branches  et  à  mors  très  courts  qu'on  garnirait,  au  besoin,  d'un 
ruban  de  fil  pour  les  empêcher  de  glisser  sur  le  métal,  ou  avec  des 
tenailles,  un  étau  à  main  et  tout  autre  instrument  analogue.  Lorsque  le 
corps  étranger  a  été  brisé  au  ras  d'une  surface  osseuse,  les  difficultés 
augmentent  ;  s'il  s'agit  du  sternum,  dont  le  .tissu  est  facile  à  entamer,  on 
pourra  le  dégager  d'abord  avec  une  gouge,  et  au  besoin,  à  l'aide  d'une 
application  de  trépan  ;  si  la  pointe  d'une  épée  ou  d'un  fleuret  se  brisait 
contre  une  vertèbre  et  restait  profondément  cachée  dans  la  poitrine, 
Legouest  conseille  d'aller  à  sa  recherche  par  une  incision  et  d'en  faire 
l'extraction,  à  l'imitation  de  Percy  ;  enfin,  si  l'instrument  était  implanté 
dans  une  côte,  on  se  souviendrait  du  procédé  ingénieux  de  Gérard  (17  15) 
qui  a  donné  lieu  à  tant  de  controverses.  Ce  chirurgien,  ne  pouvant 
faire  usage  de  ses  pinces  pour  extraire  un  bout  de  lame  de  couteau,  qui, 
brisé  au  milieu  et  presque  au  niveau  de  la  face, externe  d'une  côte,  la 
dépassait  d'un  pouce  à  l'intérieur  de  la  cavité,  eut  l'idée  d'armer  son 
doigt  d'un  dé  à  coudre  pour  repousser  la  lame  de  dedans  en  dehors,  en 
pressant  avec  force  sur  la  pointe  ;  celte  opération  eut  un  plein  succès. 
On  a  reproché  avec  raison  à  ce  procédé  son  extrême  difficulté  et  l'obli- 
gation qu'il  impose  d'ouvrir  un  espace  intercostal;  mais  ces  innui- 
vénients  sont  encore  moindres  que  l'abandon  du  corps  étranger,  pour  peu 
qu'il  fasse  saillie  à  l'intérieur;  on  pourrait,  d'ailleurs,  au  préalable, 
ainsi  que  le  conseille  Legouest,  tenter  de  pratiquer  une  abrasion  de  la 
face  externe  de  la  côte  au  voisinage  de  l'extrémité  brisée  de  l'arme  qui,  se 
trouvant  ainsi  assez  dégagée,  serait  ensuite  saisie  par  un  instrument 
approprié.  (Legouest,  Chirurgie  d'armée,  p.  550.) 


POITRINE.  —  PI.AIKS  PÉNÉTRANTES.  COMn.ir.ATIi'>-. 


715 


2°  Projectiles.  Une  des  différences  essentielles,  avons-nous  d'il  pins  haut, 
qui  distingue  cette  catégorie  de  corps  étrangers  des  précédents  est  que, 
d'une  manière  générale,  ils  ne  l'ont  aucune  saillie  extérieure  et  qu'ils 
sont  totalement  perdus  dans  la  cavité  même. 

Le  cas  le  plus  simple  est  celui  où  ils  se  logent  dans  les  couches  super- 
ficielles du  poumon  ;  l'exploration  directe  avec  le  doigt  ou  la  sonde  dite 
de  poitrine  permet  de  les  reconnaître,  et  leur  extraction  se  fait  avec  des 
pinces  ordinaires. 

.Mais  les  balles  cylindro-coniques  des  nouvelles  armes  à  feu,  qui  ont 
une  puissance  de  pénétration  supérieure  aux  anciennes  balles  rondes, 
s'arrêtent  rarement  à  ce  niveau.  Quand  elles  rencontrent  le  poumon,  ellc-i 
le  traversent  souvent  de  part  en  part  ou  bien  s'y  plongent  profondément, 
et  là,  tantôt  sont  tolérées  et  s'enkystent,  ce  qui  est  rare,  tantôt  au  con- 
traire, donnent  lieu  aux  accidents  de  la  pneumonie  traumalique,  ce  qui 
est  le  cas  ordinaire. 

On  peut  les  rencontrer  dans  le  cul  de  sac  inférieur  de  la  plèvre;  d'au- 
tres fois,  elles  se  logent  dans  le  cœur,  ou  produisent  des  désordres 
promptement  mortels  soit  dans  l'œsophage,  soit  surtout  dans  les  gros 
vaisseaux  de  la  cavité;  dans  des  cas  rares,  enfin,  elles  peuvent  respecter 
la  plèvre,  le  péricarde,  les  troncs  vasculaires,  et  se  perdre  dans  le  tissu 
cellulaire  du  médiastin. 

Laissant  de  côté  ce  qui  a  trait  aux  corps  étrangers  du  poumon  et  du 
cœur,  dont  on  trouvera  la  description  à  la  place  appropriée,  nous  nous 
bornerons  à  examiner  ici  ce  qui  concerne  les  corps  étrangers  de  la  plèvre 
et  du  médiastin. 

Les  projectiles  et  autres  corps  étrangers  qu'on  rencontre  dans  la  plèvre 
peuvent  y  parvenir  de  diverses  manières  :  tantôt,  mais  rarement,  après 
avoir  franchi  la  paroi,  ils  ont  perdu  leur  impulsion  primitive,  et  comme 
le  poumon  cède  devant  eux  dans  une  certaine  mesure  en  vertu  de  son 
élasticité,  ils  tombent  dans  la  cavité  pleurale  correspondante;  tantôt, 
après  avoir  traversé  le  poumon,  ils  vont  s'arrêter  dans  la  cavité  opposée 
au  lieu  de  leur  pénétration;  d'autres  fois  enfin,  après  avoir  séjourné 
quelque  temps  dans  le  poumon,  ils  sont  mobilisés  par  la  suppuration  que 
détermine  leur  présence  et  tombent  dans  la  plèvre  par  leur  propre  poids. 

Lorsqu'il  a  pénétré  dans  la  cavité  pleurale,  le  corps  étranger  a  une 
tendance  naturelle  à  gagner  la  partie  la  plus  déclive  de  cette  cavité,  c'est- 
à-dire  la  partie  du  sinus  costo-diaphragmatique  voisine  de  la  colonne 
vertébrale.  Il  en  est  ainsi  surtout  pour  les  corps  de  petit  volume,  lourds 
et  arrondis,  comme  les  balles,  et  lorsque  la  plèvre  est  libre  d'adhérences 
anciennes;  le  contraire  a  lieu  naturellement  dans  les  conditions  opposée-. 
Quel  que  soit,  d'ailleurs,  le  point  où  le  corps  s'est  fixé,  les  phénomènes 
consécutifs  sont  variables.  Ainsi,  il  est  rare  qu'une  balle  reste  libre  et 
mobile  dans  la  cavité  sans  y  déterminer  d'accident,  malgré  les  exemples 
invoqués  parPercy.  Dans  certains  cas  heureux,  il  se  produit  une  pleurésie 
localisée  et,  à  la  suite,  une  sorte  d'enkystement  du  projectile  par  des 
fausses  membranes.  Le  plus  souvent,  la  pleurésie  s'accompagne  d'épan- 


714 


POITRINE;  — 


PLAIES  PÉNKTIUNTES.  COMPLICATIONS. 


chement  purulent,  et  alors,  tantôt  il  se  forme  un  abcès  pariétal  qui  donne 
issue  au  corps  étranger  ou  facilite  les  recherches  ultérieures,  tantôt 
l'affection  prend  une  allure  chronique,  et  il  s'établit  une  ouverture  fistu- 
leusc  qui  fournit  un  suintement  permanent. 

Le  diagnostic  est  souvent  difficile  à  établir  d'une  manière  exacte.  Les 
commémoratifs  n'ont  généralement  ici  qu'une  importance  secondaire,  et 
c'est  à  un  examen  minutieux  de  la  blessure  qu'il  s'agit  de  procéder  avant 
tout,  en  ayant  présent  à  l'esprit  ce  fait  important,  que  la  plaie  peut  ren- 
fermer non-seulement  un  projectile  mais  encore  des  débris  de  toute 
nature  entraînés  par  ce  dernier.  Le  premier  point  qu'il  faut  vérifier  est  à 
savoir  si  la  plaie  a  un  ou  deux  orifices.  Dans  le  cas  d'une  plaie  pénétrante 
par  coup  de  feu  avec  une  seule  ouverture,  la  présence  du  corps  étranger 
dans  la  cavité  thoracique  est  évidemment  la  règle  la  plus  générale; 
pour  que  le  contraire  ait  lieu,  il  faut  un  concours  de  circonstances 
assez  exceptionnel  ;  il  faut,  par  exemple,  que  les  vêtements  aient  été 
refoulés  en  doigt  de  gant  par  la  balle  sans  être  perforés,  et  que  le  fait  de 
la  pénétration  de  la  pla*ie  soit  le  résultat  d'une  fracture  osseuse  avec 
esquilles  et  non  de  l'action  directe  du  corps  vulnérant.  Il  suffit,  du  reste, 
que  la  chose  soit  possible,  pour  qu'il  soit  toujours  prudent  d'examiner 
les  vêtements  qui  recouvraient  le  lieu  de  la  blessure. 

L'existence  de  deux  ouvertures  faites  à  la  poitrine  par  une  balle  donne 
de  grandes  présomptions  pour  croire  que  le  projectile  est  sorti  ;  mais  la 
balle  a  pu  se  diviser  et  laisser  un  de  ses  fragments  dans  la  plaie,  ou  bien 
des  portions  de  vêtement  ou  des  esquilles  osseuses  ont  pu  être  entraînées 
et  abandonnées  dans  le  trajet.  En  résumé,  l'examen  de  visu  est  générale- 
ment insuffisant,  il  doit  être  complété  par  l'exploration  directe  de  la 
blessure,  toutes  les  fois  du  moins  que  l'état  général  du  blessé  le  permet. 

Contrairement  à  l'opinion  de  Dupuytren  qui  condamnait  formellement 
ce  genre  d'examen,  la  plupart  des  chirurgiens  d'armée  en  font  une 
obligation  ;  la  recherche  d'un  corps  étranger  est  même  pour  eux  la  cir- 
constance à  peu  près  unique  qui  autorise  le  cathétérisme  d'une  plaie  de 
poitrine.  Toutes  les  fois  que  cette  exploration  pourra  être  pratiquée  avec 
le  doigt,  on  devra  employer  ce  mode  d'investigation  comme  étant  le  plus 
inoffensif  et  le  plus  propre  à  fournir  des  renseignements  précis.  Dans  le 
cas  contraire,  on  se  servira  d'abord  d'instruments  flexibles,  de  sondes  en 
gomme,  qui  prennent  d'elles-mêmes  toutes  les  courbures  nécessaires  et  qui 
présentent  encore  l'avantage  d'une  innocuité  suffisante,  mais  ont  souvent, 
par  contre,  l'inconvénient  de  fournir  des  données  incertaines;  on  peut  y 
remédier,  du  reste,  en  les  garnissant,  à  l'extrémité,  d'un  petit  bouton 
métallique  ou  d'une  olive  de  porcelaine  non  émailléo.  à  l'imitation  du 
stylet  de  Nélaton.  Les  sondes  rigides  seront  réservées  pour  des  cas  parti- 
culiers;-on  peut,  d'ailleurs,  en  atténuer  les  inconvénients  en  employant 
les  sondes  de  Béniquié  qu'on  peut  courber  à  volonté  dans  tous  les  sens.  ' 

Les  recherches  doivent  être  dirigées,  soit  vers  les  points  où  le  malade 
accuse  de  la  douleur,  soit  vers  la  partie  postérieure  du  sinus  costo-dia- 
pbragnialique  où  les  projectiles  vont  souvent  se  loger.  Lorsque  l'explo- 


POITRINE. 


  PLAIES  PÉNÉTRANTES.  COMPLICATIONS. 


715 


ration  reste  infructueuse,  on  recommande  de  coucher  le  blessé  sur  le 
côté  malade,  dans  l'espoir  que  cette  situation,  si  la  balle  est  flottante, 
l'amènera  vers  l'ouverture.  Cette  pratique  peut  réussir  dans  quelques  cas 
et  permettre  à  la  fois  la  reconnaissance  et  l'extraction  du  projectile  ;  mais 
elle  ne  peut  être  d'aucune  utilité  si  la  balle  n'est  pas  libre  dans  le  côté 
blessé  ou  si  elle  est  passée  soit  dans  le  côté  opposé,  soit  dans  le  médiastin. 

Il  résulte  évidemment  de  tout  ce  qui  précède  que  les  circonstances  qui 
accompagnent  l'entrée  d'un  corps  étranger  dans  la  cavité  thoracique  peu- 
vent varier  à  l'infini,  et  qu'il  est  impossible  de  tracer  des  règles  absolues 
au  sujet  de  la  conduite  à  tenir  en  présence  de  cette  complication.  On  peut 
dire  cependant,  d'une  manière  générale,  qu'à  notre  époque  l'opinion  pré- 
dominante des  chirurgiens  est  favorable  à  l'extraction  du  projectile, 
toutes  les  fois  qu'elle  est  possible,  avec  cette  réserve  que  le  moment  de 
l'opération  sera  plus  ou  moins  différé,  suivant  le  cas. 

Ainsi,  dans  les  instants  qui  suivent  la  blessure,  l'expectation  sera  indi- 
quée dans  les  cas  suivants  :  1°  s'il  existe  en  même  temps  une  autre 
complication  d'une  gravité  immédiate,  telle  que  l'hémorrhagie  ;  2°  si  l'ex- 
ploration demeure  infructueuse  et  que  l'on  conserve  des  doutes  sur  la  pré- 
sence même  du  corps  étranger  ;  5°  si  la  plaie  siège  dans  les  régions  supé- 
rieures du  thorax  et  que  le  corps  étranger  n'ait  pas  été  retenu  dans  le 
voisinage  par  des  circonstances  fortuites,  telles  que  des  adhérences 
anciennes. 

Lorsque  la  plaie  a  son  siège  à  la  partie  inférieure  du  thorax  ou  au 
niveau  d'une  cavité  accidentelle  de  la  plèvre,  circonscrite  par  des  adhé- 
rences', et  que  la  présence  du  corps  a  été  constatée,  l'extraction  est 
aujourd'hui  la  règle.  La  plaie  ayant  été  débridée,  s'il  est  nécessaire,  on 
cherchera  à  introduire  le  doigt  d'abord,  puis  sur  ce  dernier,  les  pinces 
destinées  à  saisir  le  corps. 

Si  l'extraction  directe  est  impossible,  on  pratique  une  contre-ouverture, 
soit  au  lieu  de  nécessité,  s'il  s'agit  d'une  loge  pleurale  accidentelle,  soit 
au  lieu  d'élection,  c'est-à-dire  dans  le  onzième  espace  intercostal,  quand  la 
cavité  pleurale  est  libre. 

Lorsqu'on  a  dû  différer  les  tentatives  d'extraction,  s'il  se  forme  un 
abcès  pariétal  ou  un  épanchement  purulent  de  la  plèvre,  l'ouverture  de 
la  collection  purulente  devient  le  premier  temps  de  l'opération;  la  recher- 
che à  fond  du  corps  étranger  et  son  extraction  viennent  ensuite. 

Quand  on  ouvre  le  onzième  espace  intercostal,  la  mobilité  des  côtes  qui 
le  forment  est  assez  grande  pour  qu'il  soit  en  général  possible  de  les 
maintenir  écartées  et  de  se  ménager  ainsi  une  ouverture  suffisante  pour 
l'introduction  du  doigt  et  des  pinces.  C'est  là  un  avantage  qui  s'ajoute  à 
ceux  qui  résultent  de  la  déclivité  de  la  plaie.  Quand  on  pratique  une 
contre-ouverture  au  lieu  de  nécessité,  ou  lorsqu'on  a  ouvert  un  abcès 
pariétal,  on  peut,  après  avoir  saisi  le  corps  étranger,  se  trouver  arrêté  par 
l'impossibilité  de  lui  faire  franchir  l'espace  intercostal.  On  essaie  d'abord, 
dans  ce  cas,  d'agrandir  l'intervalle  en  faisant  fléchir  le  tronc  vers  le  côté 
opposé  à  la  blessure,  puis  en  agissant  directement  sur  les  deux  côtes  voi- 


711)  POITRINE.           PLAIES   PKNÉTIIANTHS.  COMPLICATIONS. 

sines  à  t'aide  d'écartèurs  ou  d'un  coin  mousse  :  si  ces  moyens  échouent'oii 
p(Wt  être  conduit  soit  à  échancrer  le  bord  supérieur  de  la  côte  inférieure 
avec  un  couteau  lenticulaire  (Larrey],  suit,  à  pratiquer  line  résection  par- 
tielle de  l'une  des  côtes  au  moyen  de  la  scie  à  chaîne.  (Legouest,  p.  558.) 

Les  manœuvres  nécessitées  par  la  recherche  et  l'extraction  d'un  corps 
étranger  rendent  généralement  illusoires  les  tentatives  d'occlusion  ulté- 
rieure de  la  plaie.  Néanmoins,  si  l'extraction  a  pu  être  opérée  avant  que  la 
pleurésie  ait  eu  le  temps  de  se  déclarer  ou  de  passer  à  l'état  purulent,  on 
fera  tout  ce  qu'il  est  possible  pour  empêcher  la  pénétration  ultérieure  de 
l'air.  Lorsque,  au  contraire,  la  suppuration  est  établie,  on  devra  maintenir 
la  plaie  béante,  en  y  tixant  à  demeure  une  sonde  molle,  afin  d'assurer 
l'écoulement  continu  des  liquides  pleuraux  et  de  pouvoir  pratiquer  des 
injections  détersives  dans  la  cavité. 

Il  arrive  enfin  des  cas  oû  l'on  est  à  peu  près  certain  qu'il  existe  un 
corps  étranger,  et  où  ce  corps  est,  néanmoins,  absolument  introuvable. 
Il  se  forme  généralement,  dans  ce  cas,  un  abcès  pariétal  dont  l'ouverture 
devient  fistulcuse.  Si  de  nouvelles  recherches  pratiquées  à  ce  moment 
n'amènent  pas  la  découverte  du  corps,  la  fistule  résiste  à  tous  les  moyens 
chirurgicaux  mis  en  œuvre  pour  en  obtenir  la  guérison.  Il  y  a  même  plus; 
si  elle  s'obture  temporairement,  il  se  produit  bientôt  une  poussée  milans 
matoire  et  des  accidents  divers  qui  ne  cessent  que  quand  l'ouverture  se 
reforme  ;  de  là,  l'obligation  de  la  maintenir  constamment  béante.  Moyen- 
nant cette  précaution,  les  sujets  atteints  d'une  pareille  infirmité  peuvent 
prolonger  pendant- longtemps  une  existence  passable. 

Il  peut  se  faire,  comme  nous  l'avons  dit  au  début  de  ces  considérations 
sur  les  corps  étrangers  de  la  poitrine,  qu'une  plaie  pénétrante  du  médias- 
tin  soit  compliquée  de  la  présence  d'un  corps  étranger,  sans  être  accom- 
pagnée en  même  temps  de  ces  lésions  viscérales  ou  vasculaires  dont  l'ex- 
trême gravité  rend  toute  intervention  chirurgicale  inutile. 

Le  cas  le  plus  favorable,  et  le  plus  rare  aussi,  est  celui  dans  lequel  le 
corps  étranger  est  toléré  par  le  tissu  conjonctif,  y  subit  une  sorte  d'enkys- 
tement  et  demeure  indéfiniment  inoffensif. 

Le  cas  ordinaire  est  la  formation  d'un  abcès  rétro-stcrnal  avec  toutes  ses 
conséquences  dont  il  sera  question  plus  loin. 

Accidentellement,  il  peut  se  former,  en  outre,  une  péricardile  ou  une 
pleurésie  de  voisinage  ;  l'inflammation  ulcérative  peut  gagner  également 
un  des  vaisseaux  voisins  et  devenir,  comme  dans  le  cas  observé  par 
Huguier,  le  point  de  déport  d'un  anévrysme. 

Lorsqu'il  existe  quelque  présomption  pouvant  faire  croire  à  la  présence 
d'un  corps  étranger,  dans  le  médiastin,  la  conduite  à  tenir  sera  différente 
suivant  qu'il  existera,  ou  non,  des  accidents  graves.  Ainsi,  dans  le  cas 
d'Iiémorrhagic,  on  s'abstiendra  provisoirement  de  toute  recherche.  En 
l'absence,  au  contraire,  de  phénomènes  primitifs  inquiétants,  mieux  vaut 
procéder  immédiatement  à  la  recherche  et  à  l'extraction  du  corps  étran- 
ger, afin  de  prévenu1  les  conséquences  de  son  séjour.  A  cet  effet,  la  plaie 
sera  explorée  avec  les  précautions  précédemment  indiquées  au  sujet  de 


POITUINK,  — 


ABCÈS.   DKS   PAROIS  TIIOUACIQUUS. 


717 


la  cavité  pleurale  ;  on  dilatera  l'ouverture  autant  qu'il  sera  nécessaire  par 
une  incision,  et  au  besoin  on  appliquera  une  couronne  de  trépan.  Quand 
la  présence  et  la  position  du  corps  ont  été  constatées,  on  doit  redoubler  de 
prudence  au  moment  où  on  le  saisit  avec  les  pinces,  dans  la  crainte  de 
l'enfoncer  davantage.  Si  les  premières  tentatives  échouent,  on  a  même 
conseillé  d'y  renoncer  provisoirement,  dans  l'espoir  que  rétablissement 
de  la  suppuration  mobilisera  le  corps  peu  à  peu,  qu'il  se  présentera  de 
lui-même  au  bout  de  quelques  jours  à  l'ouverture  de  la  plaie,  ainsi  que  le 
l'ait  a  été  constaté,  ou  qu'on  se  trouvera  dans  de  meilleures  conditions 
pour  reprendre  les  manœuvres  d'extraction. 

Lorsque  le  corps  étranger  séjourne  dans  le  médiastin  et  donne  lieu  à  la 
formation  d'un  abcès  rétro-sternal,  on  se  trouve  dans  le  même  cas  que 
pour  les  abcès  pariétaux  de  la  paroi  costale.  Il  est  formellement  indiqué, 
après  l'ouverture  de  l'abcès,  si  le  corps  étranger  ne  se  présente  pas  de 
lui-même,  d'aller  à  sa  recherche  et  de  l'extraire. 

11.  Abcès.  —  Les  collections  purulentes  de  la  poitrine  appartiennent  à 
deux  catégories  distinctes  :  les  unes  ont  leur  siège  dans  les  cavilés 
séreuses  de  la  plèvre  et  du  péricarde,  et  portent  le  nom  àlépanchements; 
elles  ont  été  décrites  à  la  suite  des  maladies  qui  leur  donnent  naissance. 
(Voy.  Péricarde,  Pleuhésie,  Plèvres)  ;  les  autres  se  développent  soit  dans 
les  parties  molles  des  parois,  soit  dans  le  tissu  conjonclif  du  médiastin,  et 
sont  désignées  sous  le  nom  générique  à' abcès;  ce  sont  les  seules  dont 
nous  ayons  à  nous  occuper. 

La  distinction  entre  les  deux  espèces  de  collections  est  généralement 
nette  et  facile,  et  cependant  il  est  des  cas  particuliers  dans  lesquels  elles 
ont  d'abord  des  rapports  étroits  de  voisinage,  entrent  ensuite  en  commu- 
nication, et  enfin  paraissent  se.  confondre.  Dans  le  cas,  par  exemple,  où 
un  épanebement  purulent  de  la  plèvre  est  le  point  de  départ  d'un  abcès 
de  voisinage  dans  le  tissu  conjonclif  sous-pleural,  les  deux  collections 
peuvent  rester  longtemps  distinctes,  grâce  à  la  barrière  représentée  par 
les  fausses  membranes  qui  les  séparent;  mais  il  peut  se  faire  qu'une  com- 
munication s'établisse  entre  elles,  qu'elles  s'ouvrent,  en  outre,  toutes 
deux  à  l'extérieur,  et  alors,  la  ligne  de  démarcation  devient,  en  quelque 
sorte,  fictive.  Mais,  il  faut  bien  le  dire,  ce  sont  là  des  cas  exceptionnels 
qui  n'infirment  en  rien  la  valeur  de  la  classification  adoptée. 

Les  abcès  des  parois  thoraciques  et  ceux  du  médiastin  constituent  eux- 
mêmes  deux  groupes  distincts,  parce  qu'au  milieu  de  caractères  communs 
qui  appartiennent  aux  inflammations  suppuratives  du  tissu  conjonctif  en 
général,  ils  présentent  certains  caractères  particuliers  qui  méritent  une 
description  séparée. 

Abcès  des  parois  thoraciques.  —  Ce  premier  groupe  renferme  toutes 
les  variétés  d'abcès  qu'on  peut  rencontrer  dans  les  autres  régions  de  l'or- 
ganisme :  les  uns  à  marche  aiguë,  tels  que  le  phlegmon  simple,  le  phlegmon 
diffus,  l'érysipèle  phlegmoneux;  les  autres,  au  contraire,  à  marche 
chronique,  abcès  froids,  abcès  osléopathiques,  abcès  par  congestion. 
Chacune  de  ces  variétés  se  trouvant  déjà  décrite  dans  des  articles  spéciaux 


7 1 S  POIÎKINK.    AIICÈS.    DES  PAROIS  TIIOIUCIQUES. 

de  l'ouvrage,  nous  nous  bornerons  à  signaler  ce  qu'elle  offre  de  particulier 
au  point  de  vue  de  l'étiologie,  de  la  marche,  des  complications  et  du  trai- 
tement quand  elle  se  développe  dans  l'épaisseur  des  parois  tboraciques. 

Phlegmon  simple  ou  circonscrit.  —  Nous  retrouvons  ici  l'étiologie 
banale  signalée  pour  les  autres  régions  (contusions  et  épanchements  san- 
guins, plaies  ayant  subi  une  cause  quelconque  d'irritation,  corps  étrangers, 
convalescence  des  Gèvres  éruptives  et  des  fièvres  graves,  etc.).  Lorsque 
l'abcès  est  sous-cutané,  il  ne  présente  rien  qui  soit  spécial  à  la  région  ; 
tandis  que  les  phlegmons,  même  circonscrits,  qui  ont  leur  siège  soit  sous 
les  muscles  pectoraux,  soit  dans  le  tissu  conjonctif  sous-pleural,  ont  toujours 
un  certain  caractère  de  gravité.  Ils  méritent  par  conséquent  de  nous 
arrêter. 

La  présence  de  l'aponévrose  clavi-coraco-axillaire  exerce  une  influence 
bien  connue  sur  la  marche  des  abcès  qui  siègent  sous  les  muscles  pecto- 
raux. Ceux  qui  se  forment  entre  le  grand  et  le  petit  pectoral  l'ont  saillie 
en  avant,  soulèvent  le  grand  pectoral  et  viennent  s'ouvrir  soit  en  bas, 
soit  dans  le  sillon  qui  sépare  ce  muscle  du  deltoïde;  mais  lorsque  l'abcès 
est  en  arrière  du  petit  pectoral,  le  pus  bridé  par  l'aponévrose  n'a  pas  de 
tendance  à  se  porter  en  avant  ;  il  envahit  la  masse  cellulo-graisseusc,  qui 
entoure  le  paquet  vasculo-nerveux  et  décolle  la  paroi  thoracique  au  niveau 
des  premiers  espaces  intercostaux.  Il  peut  survenir  alors  une  pleurésie 
purulente,  par  voisinage  ou  par  perforation,  et  les  deux  foyers,  l'un 
pleural,  l'autre  extra-thoracique  peuvent,  dans  certains  cas,  communi- 
quer entre  eux.  On  conçoit  aisément  pourquoi  ces  abcès  sont  presque 
toujours  mortels,  surtout  si  de  larges  ouvertures  n'ont  pas  été  pratiquées 
de  bonne  heure.  Nous  n'insisterons  pas  davantage  sur  cette  question  qui 
appartient  plus  spécialement  à  la  pathologie  de  I'àisselle.  {Voy.  t.  I, 
p.  488.) 

Quant  aux  abcès  sous-pleuraux,  ils  affectent  généralement  une  marcha 
chronique,  ainsi  que  nous  le  verrons  plus  loin  ;  néanmoins,  dans  quel- 
ques cas,  l'inflammation  du  tissu  conjonctif  sous-pleural  prend  un  carac- 
tère aigu  et  se  propage  vers  l'extérieur  de  la  paroi,  à  la  manière  d'un 
véritable  phlegmon.  Boyer  avait,  le  premier,  signalé  ce  fait;  mais  il  a  été 
remis  en  lumière,  à  notre  époque,  par  les  recherches  de  Leplat,  >\  inder- 
lich,  Billroth,  et,  plus  récemment  encore,  de  Bartels.  Faut-il  admettre, 
dans  certains  cas,  avec  quelques-uns  de  ces  observateurs,  une  péripleu- 
rite  aiguë  spontanée,  essentielle?  Ou  bien  faut-il  toujours,  ainsi  que 
Leplat  s'est  attaché  à  le  démontrer,  rapporter  l'origine  de  ces  abcès  à 
une  pleurésie  aiguë  ou  même  chronique?  La  question  ne  semble  pas 
encore  définitivement  tranchée;  toujours  est-il  qu'à  l'autopsie  on  a 
souvent  relevé,  dans  ces  cas,  la  présence  d'un  épanchement  pleurétique 
concomitant,  et  c'est  là  le  fait  qui,  en  dehors  de  toute  interprétation 
doctrinale,  justifie  la  gravité  du  pronostic  attaché  à  cette  variété  des 
phlegmons  des  parois  tboraciques. 

Phlegmon  diffus  et  érysipèle  phlegmoneux.  —  Nous  sommes  obligé 
de  réunir  resdeux  dénominations,  parce  que  la  ligne  de  démarcation  établie 


POITRINE.  —  ABCÈS.  DES  PAROIS  T1IOHAC IQUES. 


primitivement  entre  les  deux  ordres  d'états  morbides  qn'elles  étaient 
destinées  à  représenter,  s'efface  de  plus  en  plus  et  qu'il  existe  une  leiiT- 
dance  fâcheuse  à  confondre  sous  l'expression  générale  de  phlegmon 
diffus  des  faits  dénature  dissemblable.  Dans  les  uns,  en  effet,  l'affection, 
tout  en  se  propageant  loin  de  son  foyer  primitif,  conserve  un  caractère 
franchement  inflammatoire;  dans  d'autres,  au  contraire,  elle  a  un  carac- 
tère infectieux  qui  lui  donne  un  cachet  de  gravité  exceptionnelle. 

En  ce  qui  touche  au  fait  général  de  la  diffusion  ou  de  la  propaga- 
tion à  distance  de  l'inflammation  suppurative,  les  parois  thoraciques 
présentent,  dans  leur  disposition  anatomique,  des  conditions  malheureu- 
sement favorables.  Un  fascia  superficialis  presque  partout  lamelleux,  de 
larges  muscles  étalés  sur  de  grandes  surfaces,  des  aponévroses,  tantôt 
engainantes  dans  une  longue  étendue,  tantôt  simplement  celluleuses,  et 
enfin  la  déclivité  naturelle  des  parties  dans  la  position  assise  ou  demi- 
assise  qu'un  certain  degré  de  gêne  respiratoire  impose  souvent  au  ma- 
lade, telles  sont  les  principales  circonstances  qui  rendent  compte  de  la 
marche  souvent  envahissante  de  l'inflammation.  Tantôt  le  phlegmon 
demeure  sous-cutané;  tantôt  il  fran'ehit  la  faible  barrière  que  lui  oppose 
l'aponévrose  superficielle,  et  alors,  le  pus,  arrivé  au  contact  de  larges 
couches  musculaires,  peut  fuser  jusqu'à  leurs  attaches  au  squelette.  Lors- 
que le  pus  se  forme  primitivement  ou  pénètre,  à  un  moment  donné,  au 
milieu  du  tissu  conjonctif  lâche  qui  remplit  les  espaces  intermusculaires, 
l'inflammation  se  propage  parfois  à  des  distances  considérables.  On  a  vu 
le  grand  dorsal,  le  grand  dentelé,  le  rhomboïde  complètement  décollés 
par  d'énormes  collections  purulentes.  D'autres  fois,  ce  sont  des  suppura- 
lions  profondes  du  cou  qui,  fusant  au-dessous  de  la  clavicule,  envahis- 
sent l'aisselle,  s'étalent  sur  la  face  externe  du  grand  dentelé,  ou  même, 
suivant  le  bord  supérieur  de  ce  muscle,  s'étendent,  sous  le  trapèze  et  le 
rhomboïde,  jusqu'à  l'angle  de  l'omoplate. 

Le  traitement  chirurgical  à  opposer  à  cette  marche  envahissante  ne 
saurait  être  hésitant.  Il  faut  non-seulement  inciser  de  bonne  heure  et 
inciser  largement  pour  ouvrir  une  voie  facile  à  l'écoulement  du  pus, 
mais  encore  poursuivre  les  décollements  un  à  un  et  établir  autant  de 
contre-ouvertures  qu'il  peut  être  nécessaire.  Lorsque  la  suppuration  s'est 
limitée,  le  drainage,  les  injections  détersives  et  modificatrices,  la  com- 
pression, en  dernier  lieu,  viennent  en  aide  au  travail  de  la  réparation. 

En  dehors  du  traumatisme,  il  est  souvent  difficile  d'assigner  une  ori- 
gine rationnelle  à  ces  phlegmons  étendus.  On  est  obligé  d'invoquer  alors 
une  influence  générale  représentée  par  cet  ensemble  de  conditions  hygié- 
niques défectueuses  qui  amène  l'état  désigné  communément  sous  le  nom 
de  misère  physiologique.  Les  faits  de  ce  genre,  qui  semblent  avoir  long- 
temps passé  inaperçus,  ont  éveillé  l'attention  dans  ces  dernières  années  ; 
on  en  trouve  des  exemples  remarquables  dans  les  thèses  récentes  de 
Demartial  et  de  Serez.  Les  symptômes  initiaux  sont  tout  à  la  fois  graves 
et  insidieux;  ce  sont  ceux  qui  annoncent  d'ordinaire  le  début  d'un  état 
typhoïde;  au  bout  de  quelques  jours,  il  se  manifeste  sur  un  des  points 


720  POITRINE.  —  aucks.  dks  parois  tuoeaciques. 

du  tlforax  une  douleur  vive  qui  a  été  rapportée,  dans  plusieurs  cas',  à 
l'invasion  d'une  phlegmasie  viscérale;  l'examen  de  la  poitrine,  pratiqué 
justement  dans  le  but  de  vérifier  le  diagnostic  précédent,  met  nécessaire- 
ment sur  la  voie,  en  montrant  qu'il  existe  sur  une  partie  de  la  paroi  un 
empâtement  douloureux  accompagné  d'une  coloration  caractéristique. 
Dans  la  plupart  des  observations  relevées,  le  pblegmon  ou  mieux  l'é- 
rysipèle  phlegmoneux  occupait  la  paroi  latérale,  s'étendant  progressive- 
ment de  l'aisselle  à  la  base  du  tborax  et  même  au  delà.  L'incision  des 
parties  donne  rarement  issue  à  du  pus  phlegmoneux  colligé  ou  en  nappe; 
c'est  plutôt  cette  infiltration  louche,  grisâtre,  qui  précède  la  mortification 
du  tissu  conjonctif.  Quoi  qu'on  fasse,  le  sphacèle  se  produit,  en  même 
temps  que  les  symptômes  généraux  s'aggravent,  et  on  assiste  à  la  suc- 
cession des  phénomènes  qui  caractérisent  l'évolution  du  phlegmon  diffus 
le  plus  grave.  (Voy.  Phlegmon,  t.  XXVII,  p.  158.) 

Comme  dans  tous  les  cas  de  ce  genre,  il  faut  intervenir  avec  énergie 
et  promptement.  Dès  que  le  diagnostic  est  certain,  on  pratique  des  débri- 
dements  multiples  qui  doivent  comprendre  toute  l'épaisseur  de  la  peau  et 
du  fascia  jusqu'à  l'aponévrose  exclusivement.  Le  butest  à  la  fois  de  donner 
issue  aux  produits  altérés  dont  le  tissu  conjonctif  est  engorgé  à  la  manière 
d'une  éponge,  et  d'entraver,  s'il  est,  possible,  la  marche  envahissante  de 
l'afleclion.  Quelques  chirurgiens  font  précéder  les  incisions  de  larges  et 
profondes  applications  de  caustique  de  Vienne  qui  semblent,  dans  certains 
cas,  contribuer  à  la  délimitation  du  processus  gangréneux.  On  doit  insti- 
tuer en  même  temps  un  traitement  interne  aussi  tonique  que  possible  et 
prescrire  une  alimentation  substantielle,  à  cause  du  fond  adynamique  des 
accidents.  Une  fois  les  escharres  éliminées  et  la  suppuration  établie,  on  se 
conduit  comme  pour  les  phlegmons  étendus. 

Abcès  froids  des  parties  molles.  —  Nous  rangeons  dans  cette  caté- 
gorie tous  les  abcès  à  marche  chronique  qui  ont  leur  siège  soit  dans  les 
parties  molles  extérieures,  soit  dans  le  tissu  conjonctif  sous-pleural  et 
qui  ne  se  rattachent  pas  à  une  lésion  primitive  du  périoste  ou  des  os. 
Ceux  qui  se  forment  d'emblée  à  l'extérieur  de  la  paroi  costale  ne  présen- 
tent rien  de  particulier  qui  les  distingue  des  abcès  froids  des  autres 
régions.  Ceux,  au  contraire,  qui  se  développent  primitivement  dans  le 
tissu  conjonctif  sous-pleural  ont  quelques  caractères  propres  qui  ont 
fixé  l'attention  des  observateurs  contemporains. 

Ces  abcès  se  montrent  sous  deux  aspects  différents  :  tantôt  ils  forment 
une  poche  unique,  irrégulière,  anfractueusc,  qui  répond  d'une  part  à  la 
plèvre  généralement  épaissie  et  altérée,  d'autre  part  à  la  face  interne 
des  côtes  ;  tantôt  ils  se  composent  de  deux  loges,  l'une  sous-costale, 
l'autre  sus-costale,  communiquant  ensemble  par  une  ou  plusieurs  ouver- 
tures qui  traversent  un  espace  intercostal.  Du  côté  de  la  plèvre  et  du 
poumon,  on  rencontre  généralement  des  lésions  diverses  plus  ou  moins 
graves.  Ce  sont  tantôt  des  tubercules  pulmonaires,  tantôt  les  lésions 
propres  de  la  pleurésie  aiguë  ou  chronique  ;  parfois  c'est  le  poumon  lui- 
même,  doublé  de  lausscs  membranes  épaisses,  qui  constitue  la  paroi 


POITRINE.  —  abcès. 


721 


interne  de  l'abcès.  Le  tissu  osseux,  proprement  dit,  des  côtes  voisines  de 
l'abcès,  est  généralement  sain;  par  contre,  le  périoste  est  souvent  épaissi 
et  fongueux,  mais  seulement  dans  ses  couches  superficielles  ;  lorsque  la 
maladie  se  prolonge  longtemps,  ces  lésions  gagnent  en  profondeur  ;  on 
trouve,  dans  certains  cas,  le  périoste  ramolli,  décollé  ;  l'os  sous-jacent 
est  injecté,  moins  résistant  qu'à  l'état  normal  ;  mais  toutes  ces  altéra- 
lions  qui  n'aboutissent  d'ordinaire  ni  à  la  carie,  ni  à  la  nécrose,  conser- 
vent les  caractères  de  lésions  consécutives. 

Tant  que  l'abcès  demeure  sous-costal  et  qu'il  conserve  un  petit 
volume,  il  n'apporte  par  lui-même  aucun  surcroît  de  gène  dans  l'accom- 
plissement des  phénomènes  mécaniques  de  la  respiration,  et,  s'il  existe 
en  même  temps,  comme  c'est  le  cas  ordinaire,  une  affection  chronique  de 
la  plèvre  ou  du  poumon,  les  signes  qui  pourraient  faire  soupçonner  la 
présence  d'une  collection  purulente  s'effacent  sous  ceux  de  l'affection 
principale.  Ce  n'est  donc  qu'à  l'autopsie  qu'on  rencontre  généralement 
cette  variété  d'abcès. 

Lorsque  la  maladie  se  prolonge,  la  collection  purulente  augmente  de 
volume  et  tend  à  se  frayer  une  issue.  Si  elle  est  en  contact  avec  le  pou- 
mon, par  suite  de  l'adhérence  des  feuillets  pariétal  et  viscéral  de  la 
plèvre,  et  que  ces  feuillets  n'aient  pas  acquis  une  trop  grande  résistance 
par  le  développement  de  fausses  membranes  épaisses,  elle  pourra  se  vider 
par  les  bronches. 

Lorsque,  au  contraire,  la  plèvre  est  le  siège  d'une  inflammation  chro- 
nique qui  a  amené  le  dépôt  de  couches  successives  de  fausses  membranes, 
l'abcès  a  une  tendance  très-prononcée  à  se  porter  vers  l'extérieur.  Deux 
cas  peuvent  alors  se  présenter  :  Si  la  collection  primitive  s'est  formée  en 
arrière,  dans  le  tissu  sous- séreux  de  la  gouttière  vertébrale,  le  pus  s'en- 
gage entre  les  deux  plans  des  muscles  intercostaux,  suit  le  trajet  des 
vaisseaux  et  des  nerfs,  et  vient  former  une  tumeur  sur  un  point  quelcon- 
que de  la  circonférence  du  thorax;  mais,  si  l'abcès  a  pris  naissance  vers 
la  partie  moyenne  de  l'espace  intercostal,  comme  il  se  trouve  com- 
pris entre  deux  barrières  résistantes,  les  fausses  membranes  pleurales 
d'un  côté,  le  plan  musculaire  et  aponévrotique  des  intercostaux  de  l'autre, 
il  est  plus  difficile  de  comprendre  pourquoi  il  est  arrêté  par  la  première, 
tandis  qu'il  parvient  à  franchir  la  seconde.  D'après  certains  faits  observés 
par  Leplat,  cette  évolution  vers  l'extérieur  se  ferait  en  deux  temps  :  dans 
une  première  période,  le  pus  étalé  entre  la  plèvre  et  la  face  interne  des 
côtes  déterminerait  peu  à  peu  par  son  contact  une  inflammation  subai-=- 
guë  du  périoste  costal,  et  ce  serait  là  l'origine  des  lésions  secondaires  de 
cette  membrane  qu'on  retrouve  à  l'autopsie;  dans  une  deuxième  période, 
le  périoste  enflammé  et  épaissi  sur  toute  sa  circonférence  deviendrait  à 
son  tour  un  centre  de  rayonnement  et  le  point  de  départ  de  la  formation 
d'un  abcès  extérieur,  dont  la  communication  avec  l'abcès  primitif  ne 
s'établirait  qu'ultérieurement.  C'est  ainsi  que  se  formeraient  souvent  cer- 
tains phlegmons  sous-musculaires  dont  l'origine  est  parfois  si  obscure, 
ces  collections  purulentes  étendues  qui  prennent  naissance,  sans  cause 

NOUV.  D1CT.  HÉD.  ET  CIIIB.  XXVIII  —  4G 


7  "2  2 


POITRINE.  -  abcès. 


appréciable,  sous  les  pectoraux,  le  grand  dentelé,  le  grand  dorsal,  le  tra- 
pèze, le  rhomboïde,  etc.,  et  qui,  avant  d'arriver  sous  la  peau,  ont  encore 
une  dernière  étape  à  franchir,  celle  de  l'aponévrose  superficielle,  qu'elles 
usent  et  perforent  à  la  longue. 

Enfin,  dans  une  dernière  catégorie  de  faits,  la  moins  fréquente,  il  est 
vrai,  il  peut  y  avoir  communication  entre  un  épanchcmenl  purulent  de 
La  plèvre  et  un  abcès  de  la  paroi  qui  s'ouvrent  ensuite  tous  îleux,  soit  à 
l'extérieur,  soit  à  la  fois  dans  les  bronches  et  au  dehors  de  la  cavité 
(Toi/.  Pleurésie,  p.  211). 

Tels  sont  les  faits  qui  ont  été  observés  à  notre  époque;  ils  jettent  un 
jour  nouveau  sur  la  pathogénie  d'un  certain  nombre  d'abcès  froids  des 
parois  thoraciques  qu'on  rapportait  autrefois,  d'une  manière  banale,  à  des 
affections  osseuses  dont  l'existence  n'était  pas  toujours  démontrée.  Le 
seul  point  qui  n'ait  pas  encore  été  éclairci  d'une  manière  bien  satisfaisante, 
c'est  la  question  d'origine.  Sans  doute,  Leplat  a  fait  faire  un  grand  pas 
à  la  question  en  démontrant  que,  dans  le  plus  grand  nombre  des  cas,  les 
abcès  froids  des  parois  thoraciques  sont  le  résultat  d'une  pleurésie  anté- 
rieure. Celte  interprétation  s'est  substituée  avantageusement  aux  explica- 
tions fort  hypothétiques  proposées  soit  par  Larrey  et  Sédillot  pour  les 
jeunes  soldats,  soit,  dans  un  autre  ordre  d'idées,  par  Ménière,  et  qui 
avaient  en  outre  l'inconvénient  de  ne  s'appliquer  qu'à  certains  cas  parti- 
culiers. Mais,  même  après  les  travaux  de  Leplat,  de  Billroth,  de  Barlels, 
etc.,  il  reste  encore  une  catégorie  de  faits  dont  l'interprétation  est  obscure]; 
ce  sont  ceux  dans  lesquels  un  abcès  froid  se  développe  chez  un  sujet 
n'ayant  jamais  eu  de  pleurésie  et  ne  portant  aucune  trace  de  lésion  pleu- 
rale.—  Duplay  et  Choné,  qui  en  ont  observé  des  exemples  incontestables, 
admettent,  comme  cause  initiale  probable,  l'existence  d'une  inflammation 
spontanée  de  la  lame  externe  du  périoste,  qui  se  développerait  lentement 
chez  les  sujets  jeunes,  anémiques,  affaiblis  par  les  fatigues,  la  misère  ou 
les  maladies,  et  qui  se  manifesterait  ensuite  accidentellement  à  l'extérieur, 
soit  sous  une  forme  aiguë,  soit  sous  une  forme  chronique,  sous  l'influence 
de  causes  externes  quelquefois  légères.  Pour  consacrer  ce  mode  particulier 
d'origine,  on  donnerait  à  cette  catégorie  d'abcès  le  nom  d'abcès  perios- 
liques. 

Quel  que  soit  le  point  de  départ  de  la  maladie,  lorsque  l'abcès  est 
développé  dans  la  paroi  thoracique,  le  diagnostic  absolu  en  est  généra- 
lement facile,  grâce  à  l'apparition  rapide  de  la  fluctuation.  Ce  qui  laisse 
des  doutes,  souvent  prolongés,  c'est  la  détermination  de  la  variété  à 
laquelle  on  a  affaire.  On  peut  bien,  après  un  examen  attentif,  écarter 
l'hypothèse  d'un  abcès  ossillucnt  venu  soit  de  la  colonne  vertébrale,  soit 
d'un  point  plus  ou  moins  éloigné  de  la  paroi  costale  ;  mais,  faute  de 
caractères  distinctifs  suffisamment  nets,  on  peut  hésiter  longtemps  entre 
un  simple  abcès  froid  du  tissu  cellulaire,  un  abcès  périoslique,  un  abcès 
symptomatique  d'une  lésion  osseuse  ou  enfin  un  abcès  du  tissu  sous- 
pleural.  Ce  n'est,  le  plus  souvent,  qu'après  l'ouverture  de  la  collection 
purulente,  que  l'exploration  pratiquée  à  l'aide  du  doigt  ou  des  instruments 


POITRINE.  —  abcès. 


723 


appropriés  permettra  d'établir  un  diagnostic  définitif.  Le  pronostic  est 
lié  à  l'état  de  gravité  plus  ou  moins  avancé  des  complications  pleuro- 
pulmonaires  qui  coexistent  si  fréquemment.  11  est,  par  suite,  infiniment 
moins  sévère  dans  la  variété  désignée  plus  haut  sous  le  nom  d'abcès 
périostiqucs.  Mais,  même  dans  les  cas  les  plus  favorables,  il  faut  s'attendre 
à  une  évolution  d'une  extrême  lenteur  et  à  la  formation  de  fistules  per- 
sistantes. Le  traitement  doit  être  à  la  fois  interne  et  chirurgical.  Nous 
croyons  inutile  d'entrer  dans  le  détail  des  indications  particulières  qui 
ressortcnt  d'elles-mêmes  de  la  série  des  faits  que  nous  venons  d'exposer. 

Abcès  ostèopathiques.  —  Ces  abcès,  qu'on  désigne  aussi  quelquefois 
simplement  du  nom  d'abcès  sy Diplomatiques,  sont  liés  à  une  affection 
osseuse  des  côtes  ou  du  sternum.  Ils  constituent  donc  un  groupe  bien 
distinct,  dont  le  diagnostic  cependant  ne  peut,  souvent,  être  définitive- 
ment établi  que  par  une  exploration  directe,  après  l'ouverture  spontanée 
ou  chirurgicale  delà  collection  purulente.  Ils  naissent  sous  l'influence  de 
trois  causes  principales  :  le  traumatisme,  la  diathèse  scrofuleuse,  la 
syphilis.  Nous  n'entrerons  dans  aucun  détail  à  leur  sujet  ;  leur  histoire 
se  rattache  tout  entière  à  la  pathologie  des  Côtes  et  du  Sternum  (Voij. 
ces  mots). 

Abcès  ossijluenls,  migrateurs,  par  congestion.  —  A  côté  des  abcès 
précédents  se  placent,  sans  se  confondre  avec  eux,  ceux  qui  ont  pour 
point  de  départ  une  affection  soit  des  vertèbres  cervicales  ou  dorsales, 
soit  des  côtes  elles-mêmes,  et  qui  viennent  faire  saillie  sur  un  point  de  la 
paroi  thoracique  plus  ou  moins  éloigné  de  leur  lieu  d'origine.  Il  ne  nous 
appartient  pas  non  plus  d'en  faire  la  description  ;  nous  nous  bornerons 
à  signaler  une  particularité  de  leur  histoire  qui  rentre  dans  notre 
sujet. 

Nous  voulons  parler  du  trajet  que  suivent  les  abcès  venus  du  rachis 
avant  de  proéminer  sur  la  paroi  thoracique.  Ils  longent  d'abord  la  face 
antérieure  de  la  colonne  vertébrale  et  traversent  une  étendue  plus  ou 
moins  grande  du  médiastin  postérieur,  constituant  ainsi  une  des  variétés 
de  collections  purulentes  de  cette  cavité.  Puis,  au  lieu  de  franchir  les 
ouvertures  du  diaphragme  et  de  pénétrer  dans  la  cavité  abdominale, 
comme  il  arrive  fréquemment,  ils  peuvent  être  arrêtés  par  un  obstacle 
quelconque,  se  dévier  et  suivre  un  des  espaces  intercostaux.  Là  ils  rencon- 
trent le  tissu  conjonctif  délicat  interposé  aux  deux  muscles  intercostaux, 
qui  n'oppose  aucune  résistance  à  leur  progression,  et  c'est  ainsi  que, 
longeant  l'espace  intercostal  dans  une  étendue  plus  ou  moins  grande,  ils 
viennent  se  frayer  une  issue  sur  un  point  quelconque  à  travers  le  muscle 
intercostal  externe. 

C'est  également  la  voie  que  peuvent  suivre  les  abcès  qui  proviennent 
d'une  carie  de  la  partie  postérieure  des  côtes.  La  conséquence  qui  en 
découle,  c'est  qu'après  l'ouverture  d'un  abcès  froid  de  la  paroi  il  ne  faut 
pas  se  bâter  de  conclure  du  résultat  négatif  des  premières  explorations 
que  l'abcès  n'a  pas  une  origine  osseuse.  Il  faut,  au  contraire,  explorer 
dans  tous  les  sens  les  décollements  que  peut  présenter  la  cavité  de  l'abcès 


724 


POITRINE.  —  abcès. 


une  fois  ouvert,  combiner  ces  recherches  avec  l'examen  extérieur  des 
divers  points  de  la  paroi,  et  c'est  ainsi  qu'on  arrivera  à  établir  le  véri- 
table point  de  départ  de  la  maladie. 

Abcès  du  médias™. —  Nous  avons  eu,  diverses  fois,  dans  le  cours  de 
cet  article,  l'occasion  de  signaler  les  causes  traumatiques  qui  peuvent 
amener  l'inflammation  suppurative  du  tissu  conjonctif  du  médiastin.  Tels 
sont,  entre  autres,  les  épanchements  sanguins,  surtout  lorsqu'ils  sont 
compliqués  de  pénétration  de  l'air  extérieur,  les  esquilles  osseuses  pro- 
venant d'une  fracture  des  côtes  ou  du  sternum,  les  corps  étrangers,  pro- 
jectiles et  autres  venus  du  dehors,  etc.  On  peut  y  joindre,  comme  pré- 
sentant avec  les  cas  précédents  une  grande  analogie,  les  déchirures  de 
l'œsophage  suivies  du  passage  dans  le  médiastin  postérieur  des  matières 
alimentaires  ou  des  corps  étrangers  venus  par  ce  conduit. 

Les  abcès  du  médiastin  reconnaissent,  en  outre,  d'autres  causes,  dont 
les  unes  ont  été  démontrées  par  l'observation,  tandis  que  les  autres  pré- 
sentent un  caractère  encore  hypothétique.  Parmi  les  premières,  celles  qui 
agissent  le  plus  fréquemment  sont,  sans  contredit,  les  affections  des  côtes 
ou  du  sternum,  soit  que  les  lésions  osseuses  résultent  d'un  traumatisme, 
soit  qu'elles  se  développent  sous  l'influence  d'une  diathèse  (scrofule  ou 
syphilis). 

Viennent  ensuite  les  collections  purulentes  qui,  provenant  de  régions 
ou  d'organes  voisins,  envahissent  le  médiastin,  et  provoquent,  à  leur  tour, 
par  leur  présence,  l'inflammation  du  tissu  conjonctif  de  cette  cavité.  Nous 
avons  vu  plus  haut  que  les  abcès  ossifluents  d'origine  rachidienne  occu- 
pent fréquemment  le  médiastin  postérieur.  Il  est  très-rare,  au  contraire, 
de  voir  des  abcès  profonds  du  cou,  situés  en  avant  de  l'aponévrose  cervi- 
cale profonde,  se  porter  en  arrière  et  suivre  l'œsophage.  Le  pus,  dans  ce 
cas,  longe  ordinairement  la  gaîne  des  vaisseaux  ou  la  trachée,  et  se  trouve 
ainsi  conduit  en  avant  dans  une  loge  dont  les  expansions  terminales  de 
l'aponévrose  cervicale  profonde  et  le  péricarde  forment  la  paroi  posté- 
rieure, et  dont  la  paroi  antérieure  est  constituée  par  le  sternum.  A  côté  de 
ces  cas  se  placent  ceux  dans  lesquels  le  pus  provient  d'un  épanchement 
de  la  plèvre  ou  d'un  abcès  du  poumon.  Bien  que  le  mémoire  de  Lamarti- 
nière  renferme  trois  observations  de  ce  genre,  le  fait  doit  être  assez  rare, 
à  cause  de  la  résistance  opposée  par  les  fausses  membranes  pleurales. 
Enfin,  les  adénopathies,  tuberculeuses  et  autres,  des  nombreux  ganglions 
qui  occupent  le  médiastin,  peuvent  provoquer  l'inflammation  suppurative 
du  tissu  conjonctif  circonvoisin. 

Parmi  les  causes  obscures  ou  contestées  des  abcès  du  médiastin,  il 
faut  placer  en  première  ligne  la  médiastinite  essentielle,  spontanée, 
dont  Daudé  s'est  efforcé  de  démontrer  l'existence,  en  s'appuyant  sur  ses 
propres  observations  et  surtout  sur  celles  qu'il  a  empruntées  à  C.untner. 
ainsi  que  certains  faits  de  métastase  rhumatismale  dont  le  premier  de 
ces  deux  observateurs  a  publié  un  cas  intéressant. 

Quel  que  soit  le  point  de  départ  des  accidents  inflammatoires  qui  pré- 
cèdent la  formation  de  l'abcès,  les  symptômes  du  début  présentent  une 


POITRINE.  —  adcès. 


725 


obscurité  facile  à  comprendre.  Après  avoir  éprouvé,  pendant  quelques 
jours,  du  malaise,  de  la  courbature,  les  malades  sont  pris  d'une  fièvre 
plus  ou  moins  intense  ;  en  même  temps,  ils  accusent  derrière  le  sternum 
«  une  douleur  fixe,  profonde,  généralement  sourde,  continue,  rarement 
lancinante,  exceptionnellement  très-aigue;  parfois  elle  traverse  la  poi- 
trine de  part  en  part  du  sternum  à  la  colonne  vertébrale  »  (Duplay). 

En  même  temps  se  développent,  avec  une  intensité  naturellement  très- 
variable  suivant  les  cas,  les  divers  signes  physiques  ou  rationnels  com- 
muns à  la  plupart  des  affections  dont  le  médiastin  peut  être  le  siège  et  qui 
ne  sont  au  fond  que  les  manifestations  variées  d'un  fait  primordial,  la 
compression.  Le  tableau  en  a  été  tracé  dans  un  autre  article,  à  l'occa- 
sion de  la  pathologie  générale  du  médiastin  (Voy.  Médiastin,  t.  XXII, 
p.  4).  Nous  nous  contenterons  donc  de  reproduire  ici  le  résumé  qui  le 
termine  : 

1°  Voussure  et  déformation  de  la  région  sternale  (symptôme  rare  dans 
les  cas  d  abcès; 

2°  Compression  des  vaisseaux,  surtout  de  la  veine  cave  supérieure,  et 
consécutivement  circulation  complémentaire,  œdème  de  la  face  et  des 
parties  supérieures  du  tronc; 

5°  Compression  de  la  trachée  et  des  bronches,  et  consécutivement 
dyspnée,  cornage  inspiratoire,  diminution  du  murmure  vésiculaire,  em- 
physème : 

4°  Compression  ou  irritation  des  nerfs  pneumo-gastriques,  récurrents, 
phréniques,  grands  sympathiques,  etc.,  et  consécutivement  toux,  dysp- 
née, intermittences  particulières,  altérations  de  la  voix,  spasmes  de  la 
glotte,  inégalités  des  pupilles,  névralgies  multiples; 

5°  Compression  de  l'œsophage  et  dysphagie. 

Il  est  à  peine  besoin  d'ajouter  que  l'apparition  de  ces  divers  groupes  de 
symptômes  est  liée  au  siège  particulier  de  l'inflammation,  que  certains 
d'entre  eut  peuvent  manquer  ou  passer  inaperçus,  que,  dans  les  cas 
notamment  où  l'affection  a  une  marche  chronique,  comme  dans  certains 
abcès  symptomatiques  de  la  carie  du  sternum,  son  développement  peut- 
être  absolument  insidieux. 

Dans  tous  les  cas,  quelles  que  soient  la  violence  èt  la  soudaineté  des  ac- 
cidents, il  n'esl  pas  un  des  symptômes  énumérés  ci-dessus,  y  compris  la 
douleur,  qui  soit  pathognomonique  de  la  formation  d'un  abcès  du  mé- 
diastin, et  le  diagnostic  reste  forcément  incertain  jusqu'au  moment  de 
l'apparition  d'une  tumeur  à  l'extérieur. 

Cette  tumeur  se  montre  presque  subitement,  plus  ou  moins  longtemps 
après  l'invasion  des  premiers  symptômes,  soit  au  niveau  de  la  fourchette 
sternale,  soit  près  de  l'appendice  xiphoïde,  soit  au  milieu  du  sternum 
(dans  les  cas  d'affection  primitive  de  cet  os),  soit  enfin  le  plus  souvent 
sur  ses  bords  et  particulièrement  le  long  du  bord  gauche,  vers  le  deuxième 
ou  troisième  espace  intercostal  (Cuntner). 

Dès  qu'elle  a  franchi  la  paroi  thoracique,  la  tumeur  prend  de  l'exten- 
sion ;  elle  est  molle,  fluctuante,  réductible  par  la  compression,  tendue  au 


72G  POITRINE.  —  tumeurs  des  parois  tiioraciquics. 

contraire  dans  les  efforts  de  la  toux,  quelquefois  animée  de  mouvements 
communiques  par  les  vaisseaux  sous-jacents,  mais  ne  donnant  aucun  bruit 
particulier  à  l'auscultation. 

Abandonnée  à  elle-même,  la  poche  s'amincit  progressivement,  puis 
s'ouvre  et  livre  passage  à  une  masse  de  pus  généralement  dispropor- 
tionnée avec  son  volume.  Si  le  diagnostic  n'a  pu  être  fait  jusque-là  d'une 
manière  complète,  il  est  facile  alors  de  s'assurer  que  le  pus  vient  de  l'in- 
térieur de  la  cavité.  Lorsque  la  suppuration  est  établie,  elle  se  prolonge 
longtemps,  comme  dans  tous  les  trajets  anfractucux,  irréguliers,  à  cla- 
piers sinueux  ;  il  est  difficile  que,  dans  de  pareilles  conditions,  le 
travail  de  réparation  s'accomplisse  d'une  manière  satisfaisante:  aussi  la 
guérison,  ou  mieux  une  guérison  relative,  n'est-elle  souvent  obtenue 
qu'au  prix  d'une  fistule  permanente.  Quant  à  la  terminaison  fatale,  qui 
est  loin  d'être  rare,  elle  est  due  soit  à  l'abondance  de  la  suppuration  et 
au  développement  d'une  fièvre  hectique,  soit  à  des  accidents  de  septicé- 
mie aiguë. 

Le  traitement  doit  avoir  pour  but  :  1°  de  modérer  les  accidents  pri- 
mitifs qui  accompagnent  la  formation  de  l'abcès,  2°  d'ouvrir  une  large 
voie  à  l'écoulement  du  pus,  5°  d'en  tarir  la  source,  s'il  est  possible. 

Pour  remplir  la  première  indication,  les  antiphlogistiques,  les  sédatifsT 
les  révulsifs,  doivent  être  employés  avec  une  énergie  proportionnée  à  l'in- 
tensité des  symptômes. 

Lorsque  l'abcès  se'montre  à  l'extérieur,  il  faut  l'ouvrir  largement  et  de 
bonne  heure,  recourir  ensuite  aux  injections  antiseptiques  pour  prévenir 
ou  combattre  l'altération  du  liquide  morbide. 

Si  l'ouverture  est  trop  élevée,  si  le  pus  s'écoule  mal,  et  que  des  accidents 
de  septicémie  se  manifestent,  il  peut  être  nécessaire  de  pratiquer  une 
contre-ouverture,  à  travers  le  sternum  lui-même,  au  point  le  plus  déclive 
du  foyer.  Depuis  La  Martinière,  qui  l'a  préconisée,  la  trépanation  du  ster- 
num a  été  pratiquée  plusieurs  fois  pour  rémédier  à  des  accidents  de  ce 
genre.  L'opération  est  simple  et  inoffensive,  si  l'on  se  met  à  l'abri  des 
inconvénients  qui  pourraient  résulter  de  l'ouverture  de  la  plèvre  ou  de  la 
lésion  de  la  mammaire  interne;  il  suffit  pour  cela  de  se  tenir  sur  la  ligne 
médiane. 

Si  la  formation  de  l'abcès  tient  à  la  présence  d'un  corps  étranger,  il 
faut  s'efforcer  de  l'extraire  (Voy.  p.  717). 

Lorsqu'il  s'agit  d'ostéite,  de  carie,  de  nécrose  du  sternum,  l'interven- 
tion chirurgicale  doit,  par  les  moyens  usités,  s'attaquer  à  la  cause  initiale 
de  l'abcès.  {Voy.  Sternum). 

III.  Tumeurs.  —  Les  tumeurs  de  la  poitrine  se  divisent,  comme  les 
abcès,  en  deux  grandes  catégories:  1°.  celles  qui  se  développent  primiti- 
vement dans  les  parois  thoraciques,  2°  celles  qui  ont  leur  siège  dans  le 
médiaslin. 

Tumeurs  des  parois  thoraciques.  —  Elles  forment  elles-mêmes  trois 
groupes  distincts:  1°  tumeurs  du  sein,  2°  tumeurs  dépendant  des  autres 
parties  molles,  5°  tumeurs  dépendant  du  squelette.  Les  tumeurs  du  sein 


POITRINE.    TUMEURS  DU  SIKDIASTIN. 


727 


constituent  une  classe  à  part  dont  la  description  a  été  faite  à  l'article 
Mamelles  (Voy.  ce  mot,  t.  XXI,  p.  540).  Pour  les  tumeurs  qui  dépendent 
du  squelette  (fibromes,  enchondroines,  exostoses,  cancer),  voir  les  ar- 
ticles Côtes  (t.  IX,  p.  581)  etSTEnixuM.  Restent  les  tumeurs  du  deuxième 
groupe,  qui  n'ont  qu'une  importance  très-secondaire,  sauf  le  lipome,  qui 
se  développe  assez  fréquemment  dans  la  région  dorsale  et  peut  y  acquérir 
des  proportions  considérables.  La  plaie  qui  résulte  de  l'ablation  de  ces 
tumeurs  voliuninéuses  a  peu  de  tendance  à  se  cicatriser  promptement  ; 
les  conditions  anatomiques  dont  il  a  été  déjà  question  la  prédisposent, 
au  contraire,  aux  décollements,  aux  fusées  purulentes  et,  par  suite,  aux 
suppurations  prolongées.  Viennent  ensuite  les  tumeurs  érectiles,  qui 
n'offrent  aucune  particularité  à  signaler,  puis  les  kystes  de  toute  nature, 
sébacés,  mélicériques,  séreux,  hydatiques.  Ces  derniers  ont  quelquefois 
pour  siège  le  tissu  conjonclif  sous-pleural  et  forment,  à  la  longue,  des 
tumeurs  qui  font  saillie  à  la  fois  à  l'intérieur  et  à  l'extérieur  du  thorax. 

Il  est  une  variété  de  tumeur  thoracique  qui  doit  èlre  entièrement  dis- 
tinguée des  précédentes  parce  qu'elle  constitue  une  sorte  de  Noli  me  lan- 
(jere  qui  ne  comporte  que  l'emploi  de  moyens  purement  palliatifs.  C'est 
la  pneumocèle,  qui  diffère  autant  de  la  hernie  traumatique  du  poumon 
décrite  plus  haut  (page  706)  qu'une  hernie  abdominale  diffère  d'une  éven- 
tration  par  suite  de  traumatisme.  Sa  mollesse  élastique,  sa  sonorité,  et 
enfin  les  signes  stéthoscopiques  qu'elle  fournit,  la  différencient  suffi- 
samment des  tumeurs  liquides  avec  lesquelles  un  examen  superficiel 
pourrait  la  faire  confondre  (Voy.  Poumon,  pathologie). 

Tumeurs  dl'  mémastin.  —  Au  premier  rang  des  tumeurs  intra-thora- 
ciques  se  placent  les  ane'vrysmes  de  l'aorte,  qui  forment  une  sorte  de 
transition  entre  les  tumeurs  de  la  paroi  et  celles  de  la  cavité,  par  suite 
de  leur  tendance  à  faire  saillie  au  dehors,  après  avoir  usé  lentement  les 
parois  thoraciques.  Us  ne  sauraient,  néanmoins,  rentrer  dans  le  cadre  de 
cet  article,  l'étude  en  ayant  été  faite  complètement  ailleurs  (Voy.  Aorte, 
ane'vrysmes  ,  t.  II,  p.  752).  H  en  est  de  même  des  tumeurs  et  des  dé- 
générescences dont  l'œsophage  peut  être  le  siège  (Voy.  Œsophage,  t.  XXIV, 
p.  581),  à  fortiori  des  anévrysmes  et  des  hypertrophies  du  Cœur  (Voy. 
t.  VIII,  p.  475),  et  enfin  des  tumeurs  diverses  qui,  ayant  pris  naissance 
dans  la  Plèvre  ou  dans  le  Poumon,  envahissent  ultérieurement  la  cavité 
du  médiastin.  Pour  délimiter  exactement  notre  sujet,  nous  devrions  y 
comprendre  uniquement  les  tumeurs  qui  se  développent  primitivement 
dans  le  tissu  conjonclif  du  médiastin,  et  en  exclure  toutes  celles  qui  se 
localisent  d'abord  dans  les  organes  qu'il  entoure.  11  est  cependant  une 
exception  que  commande  l'état  actuel  de  la  science  sur  un  point  spécial 
de  la  question  ;  il  s'agit  de  la  relation  intime  qui,  d'après  certaines  don- 
nées nouvelles,  rattacherait  à  la  dégénérésccncc  des  ganglions  lympha- 
tiques, si  nombreux  dans  cette  région,  un  grand  nombre  de  tumeurs  mé- 
diastines  dont  la  patliogénic  avait  échappé  jusqu'ici  à  une  explication 
satisfaisante.  Ce  n'est  pas  qu'on  ait  méconnu,  avant  notre  époque,  l'in- 
fluence incontestable  que  les  affections  des  ganglions  thoraciques  devaient 


728  POITRINE.  —  tumeurs  du  médiastin. 

avoir  sur  le  lissu  conjonctif  environnant;  tous  les  auteurs  l'avaient,  au 
contraire,  signalée  et  l'expression  de  périadénite,  prise  dans  son  sens  le 
plus  général,  est  employée  depuis  longtemps  pour  traduire  cette  idée  de 
propagation.  Or,  du  moment  que  le  l'ait  était  reconnu  dans  les  cas  d'adé- 
nite, d'hypertrophie  ou  de  dégénérescence  tuberculeuse,  il  était  à  for- 
tiori naturel  de  l'admettre  pour  les  néoplasies  à  marche  envahissante  qui 
trouvent  dans  le  tissu  conjonclif  un  terrain  si  favorable  à  leur  développe- 
ment. Ce  n'était  là  néanmoins  qu'une  conception  théorique  qui  ne  s'ap- 
puyait que  sur  un  petit  nombre  de  fails  douteux;  l'examen  histologique 
est  venu  lui  donner  sa  consécration  définitive,  en  démontrant  que  bon 
nombre  de  tumeurs  cancéreuses  du  médiastin  sont  en  réalité  des  lympha- 
dénomes,  et,  comme  la  distinction  clinique  entre  les  deux  espèces  de 
tumeurs  est  à  peu  près  impossible  à  établir,  on  est  réduit  à  les  confondre 
dans  la  description. 

11  y  a  peu  d'années  encore,  la  littérature  médicale  était  assez  pauvre 
en  ce  qui  concerne  les  tumeurs  du  médiastin,  et  le  court  chapitre  qu'y  a 
consacré  Nélaton  représentait  à  peu  près  le  bilan  de  nos  connaissances 
sur  ce  sujet.  Les  observations  se  sont  multipliées  à  notre  époque,  des 
communications  intéressantes  ont  été  adressées  aux  sociétés  scientifiques, 
des  mémoires  originaux  et  des  travaux  analytiques  auxquels  s'attachent 
les  noms  de  Bennet,  Daudé,  Siebert,  Eger,  Rendu,  etc.,  ont  été  publiés, 
et,  si  la  thérapeutique  continue  à  rester  fatalement  désarmée,  les  ques- 
tions du  diagnostic  et  du  pronostic  commencent  au  moins  à  sortir  de  leur 
ancienne  obscurité. 

En  dehors  des  tumeurs  malignes  qui  sont  de  beaucoup  celles  qui  ont 
été  observées  le  plus  souvent,  on  rencontre  dans  les  auteurs  quelques 
exemples  de  tumeurs  d'autre  nature.  Ainsi,  on  trouve  citée  partout  l'ob- 
servation, recueillie  par  le  docteur  Gordon,  d'une  tumeur  épigén&ique, 
contenant  de  la  matière  sébacée,  des  poils,  un  fragment  d'os  ressemblant 
à  un  maxillaire  et  sept  dents.  Daudé  a  rassemblé  plusieurs  cas  de  tumeurs 
graisseuses,  qui  étaient  épars  dans  diverses  publications,  et  qui,  consta- 
tés seulement  à  l'autopsie,  auraient  été  caractérisés  pendant  la  vie  par 
des  accidents  d'asthme,  de  dyspnée,  d'angine  de  poitrine.  Il  fait  remar- 
quer, avec  raison,  que  de  pareilles  tumeurs  s'accompagnant  d'habitude 
d'une  surcharge  graisseuse  du  péricarde,  du  cœur  et  d'autres  organes, 
c'est  aux  lésions  concomitanles,  plutôt  qu'à  la  tumeur  elle-même,  qu'il 
faut  attribuer  la  plus  grande  part  dans  les  symptômes  observés  et  dans  la 
terminaison  fatale. 

On  a  signalé  aussi  dans  le  médiastin  des  kystes  de  diverse  nature 
qui  s'étaient  formés  soit  sur  les  parois  de  cette  cavité,  soit  dans  la  cavité 
elle-même.  C'est  pour  des  cas  de  ce  genre  que  Dcsault  et  Larrey  ouvrirent 
la  poitrine,  croyant  ponctionner  un  épanchement  du  péricarde  ;  le  dic- 
tionnaire en  GO  volumes  renferme  l'observation  remarquable  d'un  sujet 
chez  lequel  on  trouva,  à  l'autopsie,  deux  vastes  kystes  lii/daliqucs  placés 
de  chaque  côte  de  la  poitrine,  depuis  son  sommet  jusqu'au  diaphragme, 
repoussant  le  cœur  en  bas  jusqu'à  l'épigastrc,  comprimant  les  poumons, 


POITRINE. 


  TUMEURS  DU  MÉDIASTIN. 


729 


qui  se  trouvaient  réduits  à  un  feuillet  très-mince,  aplatis  et  relégués  à  la 
partie  antérieure  de  la  poitrine,  sous  les  cartilages  des  eûtes. 

Daudé  a  relevé  dans  les  Essais  et  observations  de  la  Société  de  méde- 
cine d 'Edimbourg  le  cas  d'un  énorme  kyste  à  parois  fibreuses  occupant 
une  grande  partie  de  la  cavité  de  la  poitrine,  passant  avec  l'œsophage 
au  travers  du  diaphragme,  et  se  prolongeant  le  long  de  la  petite  courbure 
de  l'estomac  ;  la  tumeur  renfermait,  dans  des  loges  séparées,  des  matières 
mélicériques,  stéatomateuscs,  athéromateuses  et  purulentes. 

Daniel  Mollière,  faisant  l'aulopsie  d'un  sujet  inconnu,  a  trouvé  égale- 
ment, dans  le  médiastin,  un  kyste  à  éebinococques.  D'autres  observa- 
tions ont  été  publiées  ;  ce  sont  des  analyses  exactes,  souvent  minu- 
tieuses, de  faits  extrêmement  curieux;  mais  il  n'en  est  pas  moins  vrai 
qu'une  histoire  synthétique  des  kystes  du  médiastin  est  entièrement  à 
faire,  surtout  au  point  de  vue  clinique. 

Nous  signalerons  enfin,  pour  mémoire,  les  cas  de  tumeurs  formées  par 
des  ganglions  lymphatiques  atteints  d'hypertrophie  ou  d'infiltration 
tuberculeuse.  Ces  lésions  des  ganglions,  qui  acquièrent  parfois  une  telle 
importance  qu'on  a  créé,  pour  en  désigner  l'évolution,  l'expression  de 
phtliisie  ganglionaire ,  se  trouvent  décrites  ailleurs  dans  le  Dictionnaire 
(Voy.  Lymphatique  (système),  altérations  bénignes,  t.  XXI,  p.  81,  néo- 
plasmes, p.  88  ;  Voy.  aussi  Phthisie,  adénopathie  Irachéo -bronchique, 
t.  XXVII,  p.  290  et  432). 

Après  ces  éliminations  successives,  il  ne  nous  reste  plus  à  nous  occu- 
per que  des  tumeurs  malignes,  qui  sont  celles  qui  ont,  de  tout  temps, 
plus  spécialement  fixé  l'attention. 

En  parcourant  les  diverses  observations  recueillies,  on  trouve  signalés, 
d'une  manière  un  peu  vague,  il  est  vrai,  et  le  plus  souvent  sans  la  ga- 
rantie de  l'examen  histologique,  des  tumeurs  colloïdes,  des  fibromes,  des 
sarcomes,  des  carcinomes.  Jusqu'ici  c'était  la  forme  encéphaloïde  qui 
était  considérée  comme  prédominante  ;  dans  ces  dernières  années,  des 
observations  microscopiques  plus  exactes  ont  semblé  démontrer  que  le 
plus  grand  nombre  des  tumeurs  malignes  du  médiastin  ne  sont  en  réa- 
lité que  des  lymphadénomes.  Cette  manière  de  voir  se  concilie  parfaite- 
ment avec  un  fait  depuis  longtemps  signalé,  mais  dont  Rendu  a,  le  pre- 
mier, fait  ressortir  l'importance.  Tandis,  en  effet,  que  dans  les  autre* 
régions  le  cancer  ne  se  manifeste  généralement  qu'à  un  âge  avancé  de  la 
vie,  les  tumeurs  du  médiastin  apparaissent  de  bien  meilleure  heure.  C'est 
chez  des  personnes  jeunes,  en  pleine  santé,  la  plupart  du  temps  sans  an- 
técédents héréditaires  et  sans  causes  provocatrices,  que  la  maladie  éclate; 
la  plupart  des  sujets  ont  de  vingt-cinq  à  trente-cinq  ans,  quelques-uns 
n'ont  pas  encore  atteint  cet  âge,  aucun  n'a  dépassé  soixante  ans.  Or  les 
lymphadénomes  affectent  de  préférence  les  sujets  encore  jeunes #  les  gan- 
glions, dans  celte  forme  de  cancer,  sont  souvent  seuls  affectés,  et  presque 
toujours  ils  le  sont  primitivement,  à  l'inverse  de  ce  qui  a  lieu  pour  les 
autres  néoplasies  malignes;  enfin,  les  relations  qui  existent  souvent  entre 
les  tumeurs  du  médiastin  et  des  lésions  concomitantes  analogues  du  sys- 


750 


POITRINE. 


  TUMEURS  DU  MÉDIASTIN. 


lèmc  lymphatique  général  constituent  une  présomption  de  plus  en  fa- 
veur de  leur  structure  lymphoïde.  La  conclusion  de  ces  nouvelles  données, 
qui  reposent  à  la  l'ois  sur  la  question  de  l'âge,  sur  les  caractères  extérieurs 
et  sur  l'examen  hislologique,  conduit  à  considérer  un  grand  nombre,  au 
moins,  des  tumeurs  du  médiastin,  comme  ayant  leur  point  de  départ  dans 
les  ganglions  intra-lhoraciques.  On  est  donc  loin  aujourd'hui  de  l'opi- 
nion, émise  autrefois,  qui  tendait  à  ne  voir  dans  ces  tumeurs  que  désaf- 
fections secondaires  liées  à  l'altération  primitive  des  organes  voisins,  opi- 
nion réfutée  du  reste  par  des  faits  bien  établis  dans  lesquels  les  organes 
thoraciques  ont  été  trouvés  parfaitement  sains,  malgré  la  présence  d'un 
cancer  dans  le  médiastin.  Le  plus  souvent,  il  est  vrai,  l'affection  franchit 
ses  premières  limites,  et  on  trouve  mentionnée  'simultanément,  dans  la 
plupart  des  observations,  la  dégénérescence  de  la  plèvre,  du  poumon  ou 
du  péricarde,  ce  qui  devient,  pour  le  diagnostic,  une  source  de  confu- 
sion facile  à  comprendre. 

Après  avoir  pris  naissance  dans  le  médiastin,  la  tumeur  s'accroît  dans 
tous  les  sens  et  surtout  suivant  l'axe  vertical  de  la  poitrine  ;  elle  amène 
quelquefois  des  déformations  et  des  voussures  de  la  paroi,  mais  plus 
souvent  elle  refoule  le  coeur  en  arrière  et  s'insinue  dans  le  tissu  conjonctif 
des  espaces  intervasculaires. 

Lorsqu'elle  a  acquis  un  certain  volume,  le  poumon,  les  bronches,  la 
trachée,  le  cœur,  se  trouvent  comprimés  et  gênés  dans  leurs  fonctions.  On 
a  trouvé  le  cœur  atrophié,  ses  parois  flasques  et  amincies  ;  presque 
toujours  une  partie  plus  ou  moins  grande  du  poumon  est  aplatie,  indurée, 
imperméable  à  l'air.  Enfin,  dans  d'autres  cas,  l'œsophage,  le  pneumo 
trique,  le  grand  sympathique,  se  trouvent  englobés  dans  le  tissu  morbide, 
et  le  fait  de  leur  compression  devient  la  source  d'accidents  caractéris- 
tiques. 

La  masse  cancéreuse  continuant  à  s'accroître  tend  enfin  à  s'échapper 
hors  de  la  poitrine  ;  le  plus  souvent  elle  passe  à  travers  les  espaces  inter- 
costaux et  vient  faire  saillie  sous  les  insertions  du  grand  pectoral  qu'elle 
repousse  en  avant;  d'autres  fois,  elle  sort  de  la  poitrine  par  sa  partie  supé- 
rieure et  vient  se  porter  au-dessus  de  la  fourchette  sternale  à  la  partie 
inférieure  du  cou. 

Un  fait  remarquable  et  bien  des  fois  signalé,  c'est  la  manière  différente 
dont  les  deux  ordres  de  vaisseaux  sanguins  de  la  cavité  thoracique  su- 
bissent l'action  du  tissu  morbide  qui  les  enserre.  Les  parois  des  artères 
résistent  à  la  destruction  ;  la  masse  cancéreuse  semble  se  mouler  sur  elles 
et  leur  fournit  une  sorte  de  canal  proportionné  à  leur  calibre,  de  telle 
sorte  que  ces  vaisseaux  paraissent  échapper  à  la  compression.  Les  veines, 
au  contraire,  sont  souvent  détruites  dans  une  partie  de  leur  étendue,  et 
laissent  passer  dans  leur  intérieur  le  tissu  morbide  qui  est  en  contact 
immédiat  avec  le  courant  sanguin.  La  production  cancéreuse  semble  alors 
se  propager  avec  facilité  dans  la  cavité  veineuse,  et  on  l'a  vue  s'étendre 
jusque  dans  l'oreillette  droite,  ou  remonter  vers  le  cou  jusque  dans  les 
veines  sous-clavière  et  jugulaire  interne. 


l'OITRINE.  —  TUMEURS  DU  MÉDIASTIN.  751 

C'est  sans  doute  par  la  voie  des  veines  que  se  dissémine  l'élément 
cancéreux  dans  un  certain  nombre  des  cas,  assez  rares  d'ailleurs,  où  l'on 
voit  l'affection,  au  lieu  de  rester  confinée  dans  le  thorax,  se  généraliser 
à  la  façon  des  tumeurs  les  plus  malignes.  Ainsi,  dans  certaines  obser- 
vations d'Eger  et  de  Bennelt,  on  a  trouvé  des  noyaux  cancéreux  répandus 
dans  le  foie  et  dans  les  reins,  sans  que  les  ganglions  des  régions  corres- 
pondantes fussent  intéressés.  D'autres  fois,  au  contraire,  ce  sont  les 
lymphatiques  qui  semblent  avoir  été  la  voie  de  Iransmision  :  tel  est, 
par  exemple,  le  fait  recueilli  par  Mauriac,  où  les  ganglions  sus-clavicu- 
laires,  cervicaux,  axillaires  et  mésentériques,  étaient  envahis  à  l'exclusion 
de  tout  autre  organe. 

Avant  de  se  manifester  par  des  accidents  sérieux,  le  développement 
d'une  tumeur  du  médiastin  s'accomplit  le  plus  souvent  d'une  manière 
insidieuse,  et  au  milieu  de  simples  prodromes  susceptibles  d'égarer 
l'attention.  Ainsi,  pendant  des  mois,  les  malades  se  plaignent  d'une 
oppression  légère  et  de  quelques  palpitations;  on  songe  à  une  affection  du 
poumon  ou  à  des  troubles  cardiaques,  et  rien  ne  mettrait,  à  ce  moment, 
sur  la  voie  de  la  vérité,  s'il  n'apparaissait  bien  souvent  en  même  temps 
une  douleur  fixe,  continue,  bien  limitée,  plutôt  constrictive  que  lanci- 
nante, qui  a  son  siège,  d'ordinaire,  en  arrière  du  sternum,  vers  son  tiers 
supérieur.  Lorsqu'on  est  prévenu,  cette  douleur  doit  éveiller  l'idée  soit 
d'une  affection  de  l'os,  soit  de  la  formation  d'un  abcès,  d'un  anévrysme 
ou  d'une  tumeur  quelconque. 

Si  l'affection  retentit  rapidement  sur  les  ganglions  des  régions  voisines, 
avec  engorgement  des  veines  du  cou  et  œdème  de  la  face,  l'ensemble  des 
symptômes  est  plus  caractéristique. 

D'autres  fois,  c'est  l'oppression  qui  fait  des  progrès  rapides,  sans  que 
l'auscultation  du  poumon  et  du  cœur  rende  suffisamment  compte  de 
l'intensité  des  accidents. 

Enfin,  après  des  prodromes  plus  ou  moins  vagues,  la  maladie  peut, 
dans  certains  cas,  se  manifester  tout  d'un  coup  par  des  douleurs  intercos- 
tales et  brachiales  lancinantes,  qui  tiennent  tantôt  à  des  irradiations  né- 
vralgiques, tantôt  à  une  invasion  subite  de  la  plèvre  par  le  néoplasme. 

En  résumé,  rien  n'est  plus  variable  que  le  mode  d'invasion  des  acci- 
dents, et  l'on  n'a  pas  lieu  d'être  surpris  des  erreurs  de  diagnostic  qui  ont 
été  si  souvent  commises. 

Il  arrive  enfin  un  moment  où  se  manifestent,  du  côté  des  organes  et 
des  appareils  en  contact  avec  la  tumeur,  ces  phénomènes  si  variés  de 
compression  dont  le  tableau  d'ensemble  a  été  Iracé  dans  l'article  auquel 
nous  avons  déjà  renvoyé  à  l'occasion  des  abcès  delà  région  (Voij.  Médias- 
tin, t.  XXII,  p.  4).  Les  gros  troncs  veineux,  les  bronches,  la  trachée,  les 
nerfs  phrénique,  pneumo-gastrique  ,  grand  sympathique  ,  l'œsophage, 
peuvent  ensemble  ou  isolément  être  comprimés,  irrités,  altérés  :  de  là 
des  troubles  fonctionnels  variables  dont  l'interprétation  fournit  des 
données  précieuses  sur  le  siège  et  le  volume  de  la  tumeur.  La  percussion 
et  l'auscultation  apportent,  de  leur  côte,  leur  contingent  de  signes  phy- 


732 


POITlUiNE.    TUMEURS  DU  MÉDIASTIN. 


siques  ;  toutefois  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  l'existence  si  fréquente  des 
lésions  concomitantes  de  la  plèvre,  du  poumon,  du  péricarde,  ni  rapporter 
à  la  tumeur  elle-même  ce  qui  est  le  fait  de  ces  complications.  Le  diagnostic 
de  chaque  cas  pris  en  particulier  devient  ainsi  une  sorte  de  problème 
très-complexe  dont  la  solution  présente  souvent  les  plus  grandes  dilli- 
cultés. 

Les  troubles  circulatoires  résultant  de  la  compression  et  de  l'oblité- 
ration partielle  ou  totale  de  certains  vaisseaux  sont  ceux  qui  se  montrent 
d'ordinaire  les  premiers  et  qui  ont  le  plus  frappé  l'esprit  des  observa- 
teurs. L'œdème  de  la  partie  supérieure  du  corps,  le  développement  d'une 
circulation  collatérale  complémentaire,  la  cyanose  enfin,  peuvent  s'expli- 
quer ainsi  d'une  manière  assez  rationnelle.  Mais  il  est  une  autre  catégorie 
d'accidents,  à  forme  souvent  paroxystique,  qu'il  est  plus  difficile  d'inter- 
préter en  admettant  banalement,  comme  on  l'a  fait  jusqu'ici,  une  seule 
cause  pathogénique,  la  compression  :  tels  sont  les  accès  de  dyspnée  qui 
vont  jusqu'à  produire  le  phénomène  du  cornage,  les  irrégularités  qui  se 
manifestent  dans  la  circulation  cardiaque,  les  syncopes,  les  phénomènes 
ooulo-pupillaires  et  enfin  la  dysphagie.  Dans  un  travail  de  revue  critique 
récemment  paru  et  qui  représente  fidèlement   l'état   actuel   de  la 
science,  Rendu  a  fait  ressortir  le  caractère  nerveux  de  la  plupart  de  ces 
phénomènes  et  l'impossibilité  de  les  rattacher  au  fait  unique  de  la 
compression.   L'interprétation  de  cet  ordre  de  faits  laisse  encore  à 
désirer  et  appelle  de  nouvelles  recherches  pour  lesquelles  devront  être 
utilisées,  concurremment  avec  les  données  d'une  analyse  physiologique 
rigoureuse  des  symptômes  observés,  les  connaissances  récemment  acqui- 
ses sur  l'innervation  du  cœur  et  du  poumon,  sur  le  rôle  du  pneumo-gas- 
trique  et  du  grand  sympathique.  Ce  qui  semble  acquis  dès  à  présent, 
c'est  que,  dans  le  plus  grand  nombre  des  cas,  l'invasion  des  troubles 
nerveux  correspond  à  une  période  déjà  avancée  de  la  maladie,  qu'elle  a 
une  signification  pronostique  très-grave,  et  doit  faire  craindre  l'immi- 
nence d'une  terminaison  subite. 

Comparée  à  la  marche  des  affections  cancéreuses  des  autres  régions, 
celle  des  tumeurs  du  médiastin  est  généralement  assez  rapide,  et  les 
sujets  sont  enlevés  avant  d'atteindre  la  période  où  la  cachexie  se  mani- 
feste. Il  n'est  pas  rare  de  voir  les  malades  succomber  trois  ou  quatre 
mois  après  l'apparition  des  premiers  accidents  ;  une  durée  de  vingt  mois 
est  un  maximum  qui  n'a  été  constaté  jusqu'ici  qu'une  seule  fois. 

La  terminaison  nécessairement  fatale  peut  se  produire  de  deux  maniè- 
res :  tantôt  par  asphyxie  lente,  tantôt  dans  uo  accès  de  suffocation  ou  dans 
une  syncope.  Le  premier  mode  de  terminaison  est  le  mode  ordinaire, 
quand  la  tumeur  siège  sous  le  sternum  et  comprime  graduellement  les 
vaisseaux  du  médiastin.  Le  malade  s'asphyxie  peu  à  peu  :  l'hématose 
faisant  de  plus  en  plus  défaut,  la  cyanose  augmente  graduellement,  la  sen- 
sibilité des  bronches  s'émousse,  les  mucosités  s'y  accumulent  et  la  mort 
survient  lentement,  sans  accès  de  suffocation.  Lorsque  la  tumeur 
comprime  la  trachée ,  ou  qu'il  se  forme  rapidement  un  épanchement 


POITRINE.  —  BIBLIOGRAPHIE. 


735 


dans  le  péricarde  ou  dans  la  plèvre,  les  accès  de  suffocation  se  répètent 
à  des  intervalles  de  plus  en  plus  rapprochés,  et  le  malade  succombe 
dans  un  de  ces  accès.  Quelques-uns  meurent  subitement  sans  que  l'autop- 
sie puisse  toujours  expliquer  d'une  manière  satisfaisante  cette  cessation 
brusque  de  l'existence;  on  invoque  alors  la  syncope  qu'on  attribue  soit  à 
la  formation  d'une  embolie,  soit  à  une  perturbation  fonctionnelle  des 
nerfs  cardiaques,  d'autant  mieux  que  dans  un  certain  nombre  de  ces  cas 
on  a  trouvé  à  l'autopsie  le  pneumo-gastrique  et  le  grand  sympathique 
englobés  dans  la  tumeur.  Enfin,  mais  d'une  manière  exceptionnelle, 
lorsque  la  tumeur  a  fait  issue  au  dehors,  le  malade  peut  mourir  épuisé 
par  la  douleur,  les  hémorrhagies  externes  et  les  pertes  sanieuses  qu'en- 
traîne un  ulcère  cancéreux. 

Il  est  à  peine  besoin  d'ajouter  que  l'art  chirurgical  reste  absolument 
impuissant  en  présence  de  pareilles  affections.  L'exemple  de  Richerand 
n'a  pas  trouvé  d'imitateurs  ;  l'incertitude  où  l'on  est  toujours  sur  les  li- 
mites profondes  de  la  dégénérescence  constitue,  pour  les  opérateurs  même 
les  plus  hardis,  une  contre-indication  formelle. 

Les  considérations  qui  précèdent  s'appliquent  aux  tumeurs  malignes  du 
médiastin,  les  seules  qui  généralement  aient  été  soupçonnées  ou  reconnues 
pendant  la  vie. 

Les  autres  sont  d'ordinaire  ignorées,  et  c'est  l'autopsie  seule  qui  les  fait 
découvrir  ;  il  est  évident  néanmoins  que,  si  un  kyste  venait  faire  saillie 
au-dessus  de  la  fourchette  sternale  et  que  le  diagnostic  pût  en  être  établi 
d'une  manière  convenable,  rien  ne  s'opposerait  à  ce  qu'il  fut  traité  par 
la  ponction  et  les  injections  iodées,  grâce  surtout  aux  conditions  de 
sécurité  que  présentent  les  appareils  aspirateurs. 

Indépendamment  des  traités  généraux  d'anatomie  topograghique  et  de.  pathologie  chirurgicale , 
consulter  la  bibliographie  particulière  des  articles  :  Aohte,  Cœur,  Côtes,  Diaphragme,  Emphy- 
sème, Mamelles,  Médiastix,  Œsophage,  Péricarde,  Plèvre,  Poumon-,  Sternum. 

Consulter,  en  outre,  pour  la  période  antérieure  a  1842,  l'art.  Poitrine  (t.  XXV,  p.  550),  du 
Dictionnaire  de  médecine  en  50  vol.  * 

Sidsox  (Fr.),  Iiechcrchcs  sur  la  situation  des  organes  intérieurs,  et  en  particulier  des  organes 
thoraciques,  considérés  dans  leurs  rapports  entre  eux  et  avec  les  parois  des  cavités  viscé- 
rales, suivies  de  quelques  applications  à  la  pathologie  et  au  diagnostic  (London  médical 
Gazelle,  mars,  avril,  mai  1848). 

Martin,  Des  lésions  des  artères  intercostales,  thèse  de  Paris,  1855. 

Veïrox-Lacroix,  Plaies  de  poitrine  avec  hernie  de  l'épiploon,  thèse  de  Montpellier,  1858. 
Fraser,  Trealise  upou  penetrating  wounds  of  the  Chcst,  London,  1859. 
Guntneh,  Sur  les  abcès  du  médiastin  (QEslcrrcich.  Zeilschrift  fiir'pvakt.  Heilkunde,  1859). 
Dolbeau,  De  l'Emphysème  traumalique,  thèse  de  concours,  Paris,  1800. 

Trousseau,  Epanchemcnts  traumatiques  de  sang  dans  la  plèvre,  in  Clinique  médicale  de  l'Hôlel- 

Dieu,  t.  I,  p.  692,  1"  édition,  Paris,  1801.  5«  édition  1877,  t.  t. 
Dehciiox,  Un  chapitre  des  lacunes,  erreurs  et  imperfections  de  la  littérature  médicale  [Gaz. 

hebdom.,  1801). 

Woillez  (E.  J.),  Article  Poitrine,  in  Dictionnaire  du  diagnostic  médical,  Paris,  1862.  —  Traité 

de  percussion  et  d'auscultation,  Paris,  1879. 
Legouest,  Traité  de  chirurgie  d'armée,  Paris,  1865.  —  2°  édition,  1872. 
Mohel  Lavallee,  Rupture  du  péricarde,  bruit  de  roue  hydraulique,  bruit  de  moulin  (Gaz.  mc'd. 

de  Paris,  1804). 

Mazade,  Observation  de  pleurésie  avec  épancheinent  et  abcès  phlegmoneux  des  parois  de  la  poi- 
trine (Bulletin  de  thérap.,  1865,  t.  XXIX,  p.  150). 


754  POITRINE.  —  tiioiiacektèse. 

Lei>lat,  Dos  abcès  de  voisinage  dans  la  pleurésie,  pathogénie  cl  étude  clini(|ue  des  abcès  des 
parois  thoraci<|ucs  (Arch.  gén.  de  mcd.,  1805,  0°  série,  t.  V,  p.  403). 

Am;er  (Ucnj.),  Des  plaies  pénélrantes  de  poitrine,  thèse  de  concours,  Paris,  1800. 

Smith,  Du  collapsus  ou  de  l'absence  de  collapsus  pulmonaire  dans  les  plaies  pénétrantes  de  poi- 
trine, {Mcd.  Record,  1800,  analysé  in  Gaz.  hebd.  de  mêd.  cl  de  dur.,  1870,  2e  série  t.  VII 
p.  00.  ' 

Hisdon  Dexnett,  Lumleian  Lectures  on  tlie  natural  history  and  diagnosis  of  inlralhoracic  cancer 
(Brilish  med.  Journ.,  1870). 

YVai.siie  (H.  Vf.),  Traité  clinique  des  maladies  de  la  poitrine,  trad.  et  ann.  par  Fonssagrives, 
Paris,  1870. 

Daidé  (J.),  Essai  pratique  sur  les  affections  du  médiastin  (Montpellier  médical,  1871,  t.  XXVI 
cl  XXYI1). 

SiHuiiiiT,  Quelques  considérations  sur  les  tumeurs  du  médiastin,  thèse  de  Paris,  1872. 

Egeii,  Zur  pathologie  der  mcdiastinal  Tumoren,  Breslau,  1872.  —  Ueber  mediastinal  Tumorcn 
(Arch.  fur  klinische  Chirurgie,  1875). 

Ciioné,  Etude  sur  une  variété  d'abcès  froids  thoraciques,  thèse  de  Paris,  1873. 

Dolac,  De  la  blessure  des  artères  intercostales  dans  les  plaies  de  poitrine,  et  particulièrement 
dans  la  paracentèse,  thèse  de  Paris,  1874. 

Lasècde  et  Duplay,  La  guerre  de  sécession  aux  Étals-Unis  au  point  de  vue  médical  et  chirur- 
gical (Arch.  gén.  de  médecine,  1874,  0"  série,  t.  XXIII,  p.  OS). 

Bahtels  (de  Kiel),  Élude  sur  les  abcès  péripleuraux  (Gaz.  hubd.  de  mcd.  cl  de  chir.,  1874, 
2e  série,  t.  XI,  p.  517). 

Arnoold  (J.),  Considérations  sur  le  degré  d'aptitude  physique  du  recrutement  de  l'École  spéciale 
militaire  pour  l'année  1874-75  (Rec.  de  mém.  de  mêd.  mil.,  t.  XXXI,  p.  1). 

Demartial,  Contribution  à  l'étude  des  abcès  des  parois  latérales  du  thorax,  thèse  de  Paris,  1875. 

Serez,  Quelques  considérations  sur  trois  cas  de  phlegmon  diffus  des  parois  du  thorax,  thèse  de 
Paris,  1875. 

Rendu  (II.),  Des  tumeurs  malignes  du  médiastin  (Arch.  gén.  de  méd-,  0e  série,  t.  XXVI,  p.  445 
et  715). 

Legrand,  Des  abcès  des  parois  du  thorax,  causes  ou  conséquences  de  lésions  des  organes  thora- 
ciques, thèse  de  Paris,  1870. 

Duplay,  Des  abcès  chroniques  des  parois  thoraciques  (Progrès  médical ,  1870). 

Guttmakn  (P.),  Traité  du  diagnostic  des  maladies  des  organes  thoraciques  et  abdominaux,  trad. 
sur  la  deuxième  édition  par  ILuix,  Paris,  1877. 

PiEïnier,  Recherches  cliniques  et  expérimentales  sur  le  bruit  de  moulin  dans  les  traumalismes 
de  la  poitrine,  thèse  de  Paris,  1880. 

L.  Merlin. 

OPÉRATIONS  QUI  SE  PRATIQUENT  SUR  LA  POITRINE. 

Thoracentèse.  —  La  thoracentèse  ou  thoracocentèse  est  la  ponc- 
tion de  la  poitrine.  Je  ne  crois  pas  utile^de  revenir  ici  sur  YKistoriqui 
de  cette  question,  historique  qui  a  été  retracé  en  détail  par  Bricheteau 
dans  son  rapport  à  l'Académie  en  1847,  par  Trousseau  dans  ses  leçons 
cliniques,  par  Bouchut  dans  un  intéressant  mémoire  publié  en  1872. 

Je  reprends  la  question  en  1845  et  1844,  époque  à  laquelle  Trousseau 
fit  ses  premières  communications  à  l'Académie  de  médecine  sur  l'oppor- 
tunité de  la  thoracentèse  dans  la  pleurésie  aigùe. 

Trousseau,  il  faut  le  dire,  rencontra  pendant  plusieurs  années  une 
vive  résistance,  mais,  persévérant  et  convaincu,  il  dota  définitivement  la 
médecine  de  l'opération  de  la  thoracentèse. 

Avant  lui,  en  effet,  la  ponction  de  la  poitrine,  si  souvent  reprise  et 
délaissée  depuis  llippocrate,  ne  s'était,  pour  ainsi  dire,  adressée  qu'aux 
épanchements  purulents,  et,  d'autre  part,  les  travaux  contradictoires  de 
Schuh  et  de  Hopc  avaient  à  peine  ébauché,  sans  la  résoudre,  la  question 
des  épanchements  séreux  ;  de  sorte  que  la  thoracentèse  abandonnée, 
discréditée,  sévèrement  blâmée  par  la  plupart,  serait  peut-être  encore 


POITRINE.  — 


THORACBNTÈSE.  INDICATIONS. 


735 


clans  l'oubli,  si  Trousseau  ne  l'avait  patronnée  de  sa  puissante  autorité,  et, 
pour  ainsi  dire,  imposée  par  ses  succès. 

Dans  cette  grande  question  de  la  thoracentèse  nous  aurons  trois  points 
à  étudier  : 

1°  Les  indications  de  l'opération  ; 

2°  Le  manuel  opératoire  ; 

5°  Les  accidents  consécutifs. 

1°  Indications  de  la  tiiokacentèse.  —  Ici  plusieurs  questions  se  pré- 
sentent :  Peut-on  opérer  malgré  la  fièvre,  ou  attendre  la  déferves- 
cence?  faut-il  appliquer  la  thoracentèse  aux  épancliements  moyens  ou 
l'appliquer  seulement  aux  épancliements  considérables  ?  dans  quelle 
mesure  enfin  doit-on  se  préoccuper  des  complications  qui  peuvent  accom- 
pagner l'opération  ? 

Toutes  ces  questions  souvent  débattues  et  diversement  jugées  se  résu- 
ment, il  me  semble,  à  la  proposition  suivante  :  Etant  donné  une  pleu- 
résie avec  épanchement,  deux  cas  peuvent  se  présenter  :  dans  l'un  la 
thoracentèse  est  urgente,  dans  Vautre  elle  est  discutable.  Uuand  est-elle 
urgente  et  quand  est-elle  discutable?  tel  est  le  terrain  sur  lequel  doit 
s'engager  la  discussion. 

L'urgence  de  la  thoracentèse  ne  peut  et  ne  doit  être  basée  que  sur 
l'évaluation  de  la  quantité  du  liquide  épanché.  Que  le  malade  ait  la 
fièvre  ou  ne  l'ait  pas,  qu'il  soit  ou  ne  soit  pas  oppressé,  ce  sont  là  des 
considérations  de  second  ordre,  il  faut  avant  tout  consulter  la  quantité 
du  liquide  épanché. 

II  faut  bien  se  garder  de  s'en  rapporter  à  la  dyspnée  ;  car  la  dyspnée  est 
un  guide  infidèle  et  trompeur;  on  voit  souvent  des  épanchements  consi- 
dérables qui  sont  associés  à  une  oppression  insignifiante;  et  je  pourrais 
citer  une  quantité  de  faits  qui  prouveraient  que  bien  des  malades  mar- 
chent et  se  promènent  avec  deux  et  trois  litres  de  liquide  dans  leur  plèvre 
sans  que  leur  respiration  soit  notablement  compromise.  Telle  était  la 
malade  dont  parle  Trousseau,  qui  vint  à  pied,  portant  son  enfant  avec 
elle,  de  la  pointe  Saint-Eustache  à  l'hôpital  Nccker,  malgré  un  épanche- 
ment si  considérable  que  la  thoracentèse  pratiquée  séance  tenante  donna 
issue  à  deux  litres  et  demi  de  liquide.  Andral,  Landouzy,  et  beaucoup 
d'autres  observateurs,  citent  des  faits  analogues  ;  j'en  ai  souvent  observé, 
et  j'ai  pratiqué  la  thoracentèse  il  y  a  deux  ans  chez  un  étudiant  de  mon 
service,  qui  venait  régulièrement  à  l'hôpital  et  qui  n'éprouvait  qu'une 
gène  insignifiante,  malgré  les  deux  litres  de  liquide  qu'il  avait  dans  sa 
plèvre.  Je  crois  inutile  de  multiplier  ces  exemples,  la  dyspnée  est  un 
guide  si  trompeur,  qu'attendre  pour  évacuer  un  épanchement  que  le 
pleurélique  soit  atteint  de  dyspnée,  c'est  attendre  que  l'épanchement  ait 
pris  de  telles  proportions  que  la  vie  du  malade  est  depuis  longtemps  en 
danger  quand  on  arrive  à  cette  décision. 

Si  on  connaissait,  si  on  publiait  tous  les  cas  de  morts  subites  ou  de 
morts  rapides  provoqués  par  les  grands  épanchements,  on  serait  peut- 
être  moins  sévère  pour  la  thoracentèse.  Trousseau  en  rapporte  trois 


750  POITRINE.  —  tiioiucgntèsf,.  indications. 

observations  ;  dans  l'une  d'elles,  le  malade  était  si  peu  oppressé  que 
l'opération  fut  renvoyée  au  lendemain,  mais  le  lendemain  le  malade 
expirait.  C'est  dans  un  cas  analogue  que  Lasègue  voyait  mourir  sous  ses 
yeux  un  jeune  médecin  atteint  de  pleurésie,  au  moment  même  où  il  se 
préparait  à  ponctionner  la  plèvre. 

La  mort  subite  et  la  mort  rapide  reconnaissent  des  causes  multiples  ; 
tantôt  ce  sont  des  caillots  (thrombose  ou  embolie)  qui  se  forment  dans  le 
cœur,  dans  les  gros  vaisseaux,  ou  dans  le  parenchyme  même  du  poumon. 
Ces  caillots  deviennent  la  cause  d'accidents  divers.  Si  le  caillot  se  forme 
dans  les  grosses  veines  pulmonaires,  ou  dans  le  cœur  gauche,  il  déter- 
mine une  embolie  souvent  cérébrale  avec  toutes  ses  conséquences  :  l'apo- 
plexie, l'hémiplégie,  l'aphasie  (Vallin,  Potain).  Si  le  caillot  se  forme 
dans  le  cœur  droit  ou  dans  l'artère  pulmonaire,  il  peut  produire  l'as- 
phyxie rapide  et  la  mort  (Paget,  Smitli,  Blachez). 

Louis  s'était  donc  mépris  en  disant  que  la  pleurésie  n'entraîne  pas  la 
mort  immédiate.  On  peut  mourir  subitement  par  le  fait  d'un  épan- 
chement  pleurétique  ;  la  mort  est  imputable  à  la  quantité  de  l'épan- 
chement:  c'est  donc  je  le  répète,  la  quantité  du  liquide  épanché  qui 
seule  doit  régler  l'urgence  de  la  thoracentèse. 

Je  prévois  la  question.  On  demandera  à  quel  moment  s'impose  l'ur- 
gence; est-ce  quand  l'épanchement  atteint  un,  deux  ou  trois  litres?  et 
d'ailleurs  comment  pourra- t-on  évaluer  la  quantité  du  liquide  épanché, 
comment  savoir  qu'il  y  en  a  1,500  grammes  ou  deux  litres  et  demi  ? 

D'abord,  pour  ce  qui  est  de  savoir  à  quel  moment  le  liquide,  par  sa 
quantité,  devient  une  indication  pressante  de  thoracentèse,  je  dirai  que. 
d'après  les  travaux  que  j'ai  consultés,  la  mort  n'a  jamais  été  provoquée 
par  un  épanchement  inférieur  à  deux  litres  ;  une  fois  seulement  (Blachez) 
la  plèvre  contenait  1,500  grammes  de  sérosité.  Ce  cas  exceptionnel  ne 
doit  pas  nous  servir  de  base,  et  j'estime  que  dans  les  pleurésies  simples 
et  chez  un  adulte  bien  conformé,  c'est  lorsque  l'épanchement  atteint 
deux  litres  environ  que  l'urgence  de  la  thoracentèse  doit  être  déclarée. 

Mais  alors  se  présente  cette  autre  question  :  Comment  évaluer,  à 
quelques  cents  grammes  près,  la  quantité  du  liquide  épanché  ;  d'après 
quels  signes  et  quels  symptômes  ?  J'avais  dressé,  à  ce  sujet,  une  sorte  de 
table  comparative  des  épanchements  pleuraux,  afin  de  graduer  à  peu 
près  la  cavité  thoracique,  me  disant,  par  exemple,  que,  si  un  épan- 
chement qui  atteint  le  sixième  espace  intercostal  correspond  à  1,200  gr. 
de  liquide  ,  un  autre  qui  atteindrait  le  troisième  espace  devrait  être 
évalué  à  2,000  grammes,  et  ainsi  de  suite.  Mais  il  était  à  prévoir  qu'on 
rencontrerait  des  écarts  considérables  dans  l'évaluation  du  liquide 
épanché,  car  il  faut  tenir  compte  de  la  taille  et  du  sexe  du  malade,  de 
la  conformation  de  son  thorax,  du  déplacement  des  organes  voisins,  du 
refoulement  du  cœur,  de  l'abaissement  du  diaphragme,  ce  qui  revient 
à  dire  que  l'évaluation  du  liquide  épanché  varie  avec  chaque  cas  par- 
ticulier. 

Comment  alors  arriver  à  cette  évaluation?  Dans  les  petits  épan- 


POITRINE.  —  THORACENTÈSE.  757 

chements  le  souffle  est  voilé  et  limité  à  l'expiration  ;  dans  les  épanche- 
ments  moyens  (1,000  à  1,500  grammes),  le  souffle  prend  un  timbre 
bronchique  et  s'entend  aux  deux  temps  de  la  respiration  ;  dans  les  forts 
épanchements  (2  à  3  litres  et  au  delà),  les  bruits  normaux  et  anormaux 
disparaissent  ou  bien  font  place  à  un  souille  caverneux  et  amphoriquc; 
tout  cela  est  vrai,  mais  ces  données  de  l'auscultation  sont  variables, 
et  par  conséquent  insuffisantes  pour  évaluer  la  quantité  du  liquide 
épanché.  J'en  dirai  autant  de  la  mensuration  de  la  poitrine  au  cyrto- 
mètre  (Woillez),  moyen  parfois  excellent,  mais  souvent  en  défaut. 
Force  est  donc  d'associer  les  signes  précédents  à  d'autres  signes  plus 
certains  qui  sont  fournis  par  l'étendue  de  la  matité,  par  le  déplace- 
ment des  organes  et  notamment  par  la  déviation  du  cœur  dans  la  pleu- 
résie gauche. 

Ainsi,  lorsque  la  matité  remonte  en  arrière  jusqu'à  l'épine  de  l'omo- 
plate et  que  l'obscurité  du  son  remplace  dans  la  région  claviculaire  la 
tonalité  élevée  de  son  skodique,  lorsque  enfin,  la  pleurésie  siégeant 
à  gauche,  la  pointe  du  cœur  vient  battre  entre  le  sternum  et  le  sein 
droit,  bien  qu'à  ce  moment  la  cavité  pleurale  ne  soit  pas  remplie  au 
maximum,  de  tels  signes  chez  un  adulte  dénotent  que  l'épanchement 
atteint  deux  litres  :  il  faut  opérer,  et  ne  pas  oublier  que  renvoyer 
au  lendemain  est  une  formule  malheureuse,  qui  coûte  la  vie  aux  ma- 
lades. 

Jusqu'ici  la  discussion  sur  l'opportunité  de  la  thoracentèse  n'a  visé 
que  la  pleurésie  simple  ;  mais  les  mêmes  préceptes  sont  applicables  aux 
pleurésies  compliquées.  Les  complications  directes  ou  indirectes  de  la 
pleurésie ,  adhérences  anciennes  ,  altérations  valvulaires  du  cœur , 
péricardite,  pneumonie,  en  un  mot,  toutes  les  lésions  qui  entravent  la 
circulation  pulmonaire  ou  qui  rétrécissent  le  champ  de  l'hématose,  ne 
sont  pas  une  contre-indication  de  la  thoracentèse  ;  elles  l'imposent  au 
contraire  dès  que  la  quantité  du  liquide  épanché  atteint  de  fortes  pro- 
portions :  seulement  l'évacuation  du  liquide  exige  en  pareil  cas  des  pré- 
cautions qui  seront  indiquées  plus  loin. 

Telle  est  la  thoracentèse  d'urgence  dont  le  guide  le  plus  certain  est, 
je  le  répète,  la  quantité  du  liquide  épanché.  En  toute  autre  circonstance, 
la  thoracentèse  est  discutable:  les  uns  l'admettent,  les  autres  la  rejettent, 
et  certains  la  considèrent  même  comme  nuisible.  Discutons  ces  diverses 
opinions.  Tant  que  la  température  du  malade  est  élevée,  c'est-à-dire  tant 
que  la  phase  aïgue  de  la  pleurésie  n'est  pas  terminée,  il  vaut  mieux  ne 
prendre  une  décision  qu'après  la  défervescence. 

Si  la  décroissance  de  l'épanchement  se  fait  naturellement,  et  si  sa 
résorption  paraît  devoir  être  rapide,  il  est  inutile  d'intervenir.  Mais,  si  le 
liquide  épanché  reste  stationnaire,  ou  si  sa  résorption  paraît  devoir  être 
lente,  il  faut  opérer.  Ce  n'est  pas  impunément  qu'un  liquide  séjourne 
longtemps  dans  la  plèvre;  les  organes  déplacés  s'immobilisent,  le  poumon 
respire  mal,  deux  des  principales  fondions  de  l'économie,  l'hématose  et 
la  respiration,  sont  compromises,  sans  compter,  chez  les  individus 

.NOUV.  D1CT.  MÉD.  El  CBIB.  XXYM  —  47 


758 


POITRINE.  —  tiiouacentèse. 


prédisposés,  le  passage  de  la  pleurésie  à  la  chronicité  cl  à  la  pu- 
rulence (Trousseau).  La  Ihoracenlèse  pratiquée  au  moment  voulu  peut 
faire  tomber  le  reliquat  de  fièvre  qui  accompagne  souvent  les  épan- 
chements,  elle  peut  abréger  de  plusieurs  semaines  la  durée  de  la  ma- 
ladie. 

2°  Manuel  opératoire  de  la  thoracentèse.  —  Jusqu'en  18G9  un  seul 
procédé  était  en  usage,  c'est  celui  que  Trousseau  nous  a  légué.  Trousseau 
pratiquait  la  ponction  dans  le  sixième  ou  le  septième  espace  intercostal 
en  comptant  de  haut  en  bas,  à  4  ou  5  centimètres  du  bord  externe  du 
muscle  grand  pectoral,  c'est-à-dire  dans  la  région  axillaire.  Il  faisait  d'a- 
bord une  petite  incision  à  la  peau  afin  de  frayer  la  route  au  trocart,  puis, 
par  un  coup  sec,  il  pénétrait  dans  la  poitrine  au  moyen  du  trocart  de 
Reybard.  Le  pavillon  de  ce  trocart  était  armé  d'une  baudruche  qui,  par 
son  rôle  de  soupape,  s'opposait  à  l'entrée  de  l'air  dans  la  poitrine  au 
moment  de  l'inspiration.  Le  liquide  pleural  s'échappait  de  la  poitrine 
d'abord  par  saccades  puis  en  bavant,  et  au  cours  de  l'opération  le  malade 
était  généralement  pris  d'une  toux  quinteuse  pénible,  parfois  «  violente, 
invincible,  très-douloureuse  »,  que  Trousseau  considérait  comme  utile  pour 
favoriser  l'issue  du  liquide  au  dehors  et  qui  chez  certains  malades  se  pro- 
longeait une  partie  de  la  journée.  Ajoutons  qu'il  n'était  pas  rare,  vers  la 
fin  de  l'opération,  que  le  liquide  fût  coloré  en  rouge  par  son  mélange 
avec  le  sang. 

Ainsi  faite,  la  thoracentèse  de  la  poitrine,  sans  être  une  opération 
bien  difficile,  demandait  quelque  habileté  de  la  part  du  chirurgien  et 
quelque  résignation  de  la  part  du  malade  :  aussi  était-elle  réservée  pour 
les  cas  urgents  et  pratiquée  par  un  nombre  relativement  restreint  de 
médecins. 

Lorsque  j'appliquai  la  méthode  d'aspiration  aux  épanchements 
pleuraux,  le  trocart,  la  baudruche  et  l'incision  préalable  furent  rem- 
placés par  une  piqûre  d'aiguille  si  ingnifiante  que,  l'opération  ter- 
minée, il  n'en  restait,  pour  ainsi  dire,  pas  vestige.  Yoici  comment  je 
procède  : 

Le  malade  est  assis  sur  son  lit,  les  deux  bras  tendus  en  avant;  et  l'on 
marque  sur  la  peau  le  point  où  doit  porter  la  piqûre.  Ce  point  est  le 
huitième  espace  intercostal,  sur  le  prolongement  de  l'angle  inférieur  de 
l'omoplate. 

La  thoracentèse  doit  être  faite  avec  l'aiguille  n°  2  et  non  pas  avec  une 
aiguille  ou  un  trocart  d'un  diamètre  supérieur.  On  met  l'aiguille  en 
communication  avec  l'aspirateur  au  moyen  du  tube  de  caoutchouc,  le 
vide  préalable  est  fait  dans  l'appareil,  et  on  pratique  la  ponction.  Pour 
cela,  l'opérateur  recherche  avec  l'index  de  la  main  gauche  l'espace  inter- 
costal de  manière  à  limiter  la  côte  de  dessus  avec  le  rebord  supérieur  de 
l'index  et  la  côte  de  dessous  avec  son  rebord  inférieur.  L'aiguille  introduite 
dans  l'espace  intercostal  est  poussée  à  deux  ou  trois  centimètres  de  pro- 
fondeur, le  robinet  correspondant  de  l'aspirateur  est  ouvert,  et  le  liquide 
traversant  l'index  en  cristal  jaillit  dans  l'appareil. 


POITRINE. 


  THOIIACENTÈSE.   MANUEL  OPÉltATOInE. 


759 


Fio.  4b. —  Aspirateur  à  encoche  de  G.  Dieulafoy. 

D,  Robinet  à  triple  effet.  II,  est  l'encoche  qui  s'engrène  quand  le  piston  est  en  haut  de  sa  course,  ce 
qui  transforme  l'aspirateur  en  une  véritable  machine  pneumatique.  FFF,  aiguilles  et  trocart. 

L'aiguille  du  robinet  D  indique  toujours  la  direction  de  l'ouverture  ou  du  courant. 

Pour  faire  le  vide  dans  l'aspirateur  on  agit  de  la  façon  suivante  :  1°  On  ferme  le  robinet  en  plaçant 
l'aiguille  de  trois  quarts  en  B;  2°  On  attire  le  piston  dans  le  haut  de  sa  course,  et  on  l'y  fixe  en  lui 
imprimant  un  léger  mouvement  de  rotation  de  gauche  à  droite  (sans  quoi  le  piston  descendrait  de  lui- 
même)  ;  5*  L'aiguille  est  mise  en  communication  avec  l'aspirateur  au  moyen  d'un  tube  de  caoutchouc  E 
adapte  au  robinet.  Dès  que  l'aiguille  a  pénétré  dans  l'intérieur  des  tissus  à  explorer,  on  ouvre  le  robinet 
en  A,  dans  le  sens  longitudinal,  et  le  vide  se  fait  par  conséquent  dans  l'aiguille,  qui  devient  aspira- 
trlce,  i'  Pour  expulser  le  liquide  contenu  dans  l'aspirateur,  on  tourne  le  robinet  en  C  dans  la  direction 
transversale,  on  dégage  le  pistou  en  lui  faisant  exécuter  uu  mouvement  de  droite  à  gauche,  et  le 
liquide  est  refoulé  par  le  piston. 

Cul  aspirateur  contient  60  grammes  de  liquide  [Traité  de  l'aspiration,  p.  471). 


740 


POITRINE.  — 


THOIUCENTÈSE.    MANUEL  OPÉRATOIRE. 


L'aspirateur  une  fois  rempli,  on  le  vide,  et  cet  arrêt  de  quelques  in- 
stants dans  l'aspiration  du' liquide  est  un  bienfait  pour  le  poumon,  qui 
n'est  pas  sollicité  à  se  déplisser  trop  rapidement.  On  recommence  cette 
manœuvre  plusieurs  fois  suivant  la  capacité  de  l'aspirateur,  en  ayant  soin 
de  ne  jamais  retirer  plus  d'un  litre  en  une  séance. 

Quand  l'opération  est  méthodiquement  faite,  le  malade  ne  doit  éprou- 
ver ni  quinte  de  toux,  ni  douleur,  ni  malaise.  Si  le  malade  accuse  pen- 


Fig.  Ai.  —  Aspirateur  à  crémaillère  de  G.  Dieulafoy. 

Voici  comment  on  fait  usage  de  cet  appareil  :  1°  On  ferme  les  robinets  R  U'  R"  en  les  plaçant  à  angle 
droit,  c'est-à-dire  perpendiculaire  au  jet  du  liquide  ;  2'  On  remonte  le  piston  jusqu'en  haut  de  *a 
course  au  moyeu  d'une  crémaillère,  et  ou  le  retient  en  place  eu  abaissant  le  cliquet  C  :  dès  lors  le 
vide  est  fait  dans  l'aspirateur;  ô°  On  ajuste  l'aiguille  dont  ou  veut  faire  usage  sur  le  tube  de  caoutchouc  T, 
qui  est  lui-même  mis  en  communication  avec  l'aspirateur  par  le  robinet  R  ;  4"  Dès  que  l'aiguille  est 
introduite  dans  les  tissus  à  explorer,  on  ouvre  le  robinet  correspondant  de  l'aspirateur  R,  et  le  vide 
se  fait  par  conséquent  dans  l'aiguille,  puis  on  pousse  lentement  cette  aiguille  dans  les  tissus  i  la 
recherche  du  liquide.  Dès  que  l'aiguille  rencontre  le  liquide,  celui-ci  se  précipite  dtns  l'aspirateur  et 
trahit  aussitôt  sa  présence  eu  traversant  l'index  de  cristal  situé  sur  le  trajet  du  tube  de  caoutchouc  ; 
5*  Quand  on  veut  expulser  le  liquide  contenu  dans  l'aspirateur,  on  ferme  le  robinet  R,  on  ouvre  le 
robinet  R',  on  dégage  la  crémaillère  de  son  point  d'arrêt,  en  attirant  le  cliquet  C  hors  de  sou 
encoche,  et  on  chasse  le  liquide  au  moyen  du  piston  que  l'on  fait  descendre  dans  le  corps  de  pompe  ; 
C  Si  l'on  désire  injecter  un  liquide  médicamenteux,  ou  laver  la  cavité  morbide  qu'on  vient  de  vider, 
ou  fait  avec  l'aspirateur  une  manœuvre  inverse  de  celle  que  nous  venons  de  décrire.  Par  le  tube 
médian  on  aspire  le  liquide  à  injecter,  et  c'est  par  le  tube  muni  de  l'aiguille  ou  du  trocart  qu'on 
pousse  l'injection  dans  la  cavité. 

L'aspirateur  étant  gradué,  on  sait  très-exactement,  à  quelques  grammes  près,  quelle  est  la  qu  anlité  de 
liquide  mise  eu  mouvement  ;  ou  peut  connaître  la  capacité  de  la  cavité  morbide  dans  laquelle  on  pratique 
les  injections,  et  suivre  le  retrait  de  cette  cavité  et  sa  marche^vers  la  guérison  [fruité  de  l'aspiration, 
p.  475). 

dant  l'opération  une  sensation  de  douleur  et  de  déchirement  à  l'intérieur 
de  la  poitrine,  il  faut  aussitôt  suspendre  l'écoulement. 

Si  l'épanchcment  est  très-considérable,  on  retire  le  lendemain  ou  le 
surlendemain  un  nouveau  litre  de  liquide,  et  ainsi  de  suite  jusqu'à  épui- 
sement complet  de  la  pleurésie. 

Certains  médecins  vident  rèpanchement  jusqu'à  la  dernière  goutte,  ce 
qui  détermine  quelquefois  une  coloration  rosée  du  liquide  et  de  vio- 


POITRINE.    TIIORACENTÈSE.  MANUEL  OPÉRATOIRE. 


741 


lentes  quintes  de  toux.  Cette  pratique  est  inutile  et  mauvaise  ; 
lorsqu'on  voit  que  l'écoulement  tire  à  sa  fin,  on  arrête  l'opération, 
sans  se  soucier  des  150  à  200  grammes  qui  peuvent  rester  dans  la  cavité 
pleurale. 

Pour  pratiquer  la  tlioracentèse,  le  choix  de  l'aspirateur  est  indifférent; 
ce  qui  importe,  c'est  le  choix  de  l'aiguille,  et  je  recommande  exclusi- 
vement l'aiguille  n°  2,  dont  lecalibrene  mesure  que  lmm,2  de  diamètre. 


y.  a 


Fie.  43.  —  Aspirateur  tic  M.  Potain. 


Dans  le  goulol  d'un  vase  quelconque  vient  s'ailapter  un  bouchon  en  caoutchouc,  traversé  au  centre 
par  une  tige  creuse  métallique  à  douille  conduit  communiquant  avec  le  récipient.  A  sa  partie  supérieure, 
elle  se  bifurque  en  deux  branches  munies  chacune  d'un  robinet  E  et  D  q'ii,  suivant  la  direction  qu'on  leur 
donne,  permettent  à  l'air  d'être  extrait  par  la  pompe  A,  et  au  liquide  d'entrer  dans  le  récipient  par  le 
robinet  B,  qui  communique  avec  le  trocart  au  moyen  d'un  tube  en  caoutchouc  dont  l'extrémité  est 
munie  d'un  ajoutage  de  verre  F  qui  permet  de  reconnaître  la  nature  du  liquide  aspiré.  Le  trocart  pré- 
sente quelques  particularités  a  noter.  —  L'extrémité  de  la  canule  est  séparée  en  deux  parties  égales 
formant  ressort,  et  comme  le  poinçon  est  muni  d'une  petite  encoche  en  arrière  de  la  pointe,  il  s'ensuit 
que  lorsque  l'on  fait  pénétrer  le  trocart  dans  son  fourreau,  le  bout  de  la  canule,  formant  pince,  se 
place  dans  la  partie  déprimée  du  poinçon,  en  sorte  que  la  canule  ne  fait  aucune  saillie  et  présente 
avec  la  pointe  du  trocart  un  calibre  uniforme.  —  En  outre  la  partie  inférieure  est  munie  d'un  petit  tube 
latéral  qui  s'ajuste  avec  le  tube  F  et  d'un  robinet  qui  intercepte  l'entrée  de  l'air  et  permet  de  débou- 
cher la  canule  lorsqu'elle  est  obstruée,  sans  que  l'air  extérieur  puisse  y  pénétrer. 

Manuel  opératoire.  —  1°  L'appareil  monté  comme  le  représente  la  figure,  on  ferme  le  robinet  E  et 
l'on  ouvre  le  robinet  I);  2°  On  fait  fonctionner  la  pompe  A  plus  ou  moins,  selon  la  force  qu'on  veut 
donner  au  vide  pratiqué  de  cette  manière  dans  le  flacon  F  ;  5°  Une  fois  le  vide  opéré,  on  Terme  le  robinet 
D,  on  pratique  la  ponction  avec  le  trocart,  on  retire  le  poinçon,  ou  ferme  le  robinet  du  trocart , 
on  ouvre  le  robinet  E,  et  le  liquide  se  précipite  dans  le  flacon. 

Pendant  que  l'aspiration  a  lieu,  on  peut  augmenter  la  force  du  vide  en  faisant  fonctionner  la  pompe, 
après  avoir  ouvert  le  robinet  I). 

Plusieurs  objections  ont  été  faites  à  cette  aiguille  :  on  a  dit  qu'elle  ne 
permet  qu'un  lent  écoulement  du  liquide;  tant  mieux  !  car  la  lenteur  de 
l'écoulement  permet  au  poumon  de  se  déplisser  sans  secousses  et  sans 
quintes  de  toux.  On  a  prétendu  que  le  poumon  peut,  dans  son  mouvement 
d'expansion,  rencontrer  la  pointe  de  l'aiguille,  et,  pour  parer  à  cet  incon- 
vénient, Castiaux  a  imaginé  un  trocart  à  pointe  cachée. 
Je  n'ai  jamais  vu  pareil  accident,  et,  du  reste,  il  y  a  une  petite  manœu- 


712 


rOITRINE. 


  THOIUCEKTÈSE.   ACCIDENTS  CONSÉCUTIFS 


vrc  qui  met  à  l'abri  de  toute  éventualité  ;  il  suffit  de  retirer  graduellement 
l'aiguille  à  mesure  que  le  liquide  s'écoule  et  de  la  faire  basculer  de  façon 
à  la  rendre  parallèle  à  la  paroi  intercostale. 

5"  Accidents  consécutifs  a  la  tiioiiacentèse.  —  Congestion  et  œdème  pul- 
monaire, expectoration  albumincuse,  asphyxie  lente  ou  brusque,  syncope, 
hémiplégie,  apoplexie,  mort  plus  ou  moins  rapide,  transformation  puru- 
lente de  l'épanchement,  tels  sont  les  accidents  qui  ont  été  observés  à  la 
suite  de  la  thoracenlèse  et  qui  ont  été  mis  sur  le  compte,  soit  de  l'aspira- 
tion, soit  de  l'opération  par  le  trocart  de  Reybard.  Analysons  ces  accidents 
et  discutons-en  la  valeur. 

A.  Expectoration  albumineuse,  asphijxie.  —  Dans  un  premier  groupe 
je  réunis  les  accidents  dyspnéiques  et  asphyxiques  qui  peuvent  succéder 
à  la  thoracentèse.  Aussitôt  ou  peu  après  la  ponction,  le  malade  est  pris 


Laboulbène  a  modifié  l'aspirateur 
de  Potain  en  faisant  mettre  sur  les 
deux  branches  du  bouchon,  deux  ro- 
binets de  formes  différentes  :  l'un  est 
carré,  placé  du  .côté  du  malade  et  en 
rapport  avec  le  trocart;  l'autre  robi- 
net est  arrondi  et  communiquant 
avec  la  pompe  à  air.  11  est  impossible 
de  la  sorte,  de  faire  une  fausse  ma- 
nœuvre et  d'envoyer  de  l'air  dans  la 
poitrine  du  malade. 

De  plus,  Laboulbène  a  modifié 
l'extrémité  de  la  gaine  ou  canule  d  u 
trocart.  Cette  canule  n'est  pourvue 
que  d'une  seule  fente,  mais  présen- 
tant des  yeux  latéraux  qui  permet- 
tent toujours  l'écoulement  facile  du 
liquide  pleural. 


Fig.  46.  —  Aspirateur  modifié  de  Laboulbène. 

En  haut  est  le  trocart  ou  lame,  muni  à  la  base  de  sa  boite  à  cuir  où  «lisse  à  frottement  le  trocart, 
et  terminé  par  la  pointe  suivie  du  renflement.  Au-dessous,  le  trocart  est  dans  sa  gaine  ou  canule  ;  on  voit, 
à  gauche,  la  pointe  qui  déborde  et  la  fonte  latérale  pourvue  d'yeux,  placée  J  l'extrémité  de  la  canule. 
En  bas,  se  trouve  le  bouchon  à  deux  robinets  :  celui  qui  est  carré  est  toujours  du  côté  du  malade, 
celui  qui  est  arrondi  communique  avec  la  pompe  à  air.  (Bull.dc  thérapeutique,  1S78). 

de  toux,  d'oppression,  d'expectoration  albumineuse,  et  on  entend  à  l'aus- 
cultation des  râles  fins  d'œdème  pulmonaire;  puis,  graduellement,  la 
toux  cesse,  la  respiration  se  rétablit,  et  l'accident  est  terminé.  Dans 
d'autres  cas,  l'intensité  de  la  dyspnée,  la  durée  et  la  quantité  de  l'expec- 
toration, sont  plus  fortes,  et  ce  n'est  qu'après  une  demi-journée  ou  une 
journée  que  le  malade  revient  à  son  état  normal.  Enfin,  dans  quelques 
circonstances ,  heureusement  exceptionnelles ,  ces  accidents  ont  ete 
mortels. 

Les  accidents  dyspnéiques  et  l'expectoration  albumineuse  ont  été 
diversement  interprétés.  Je  me  rallie  à  l'opinion  de  Hérard,  qui  les 
attribue  à  une  congestion  pulmonaire  rapide,  à  un  œdème  aigu  du 
poumon. 

Reste  à  expliquer  la  cause  de  cet  œdème  aigu.  On  a  accusé  la  méthode 
aspiratrice,  bien  à  tort,  car  en  analysant  les  observations  de  la  thèse  de 


POITRINE. 


—  THORACENTÈSE.   ACCIDENTS  CONSÉCUTIFS. 


745 


Terrillon  on  voit  précisément  que  sur  16  cas  d'expectoration  albu- 
mincuse  la  thoracentèse  avait  été  faite  douze  fois  avec  le  trocart  et  la 
baudruche  sans  aspiration  et  quatre  fois  seulement  par  aspiration.  Sur 
6  cas  qui  se  sont  terminés  par  la  mort,  l'aspiration  n'avait  été  employée 
que  trois  fois.  Les  accidents  n'ont,  par  conséquent,  rien  à  voir  avec  le 
procédé  opératoire  ;  et  en  analysant  les  observations  on  voit  qu'ils  ont 
toujours  été  associés  soit  à  l'issue  immédiate  d'une  grande  quantité  de 
liquide,  soit  à  des  complications  de  la  pleurésie  et,  le  jAus  souvent,  à  ces 
deux  causes  réunies. 

Néanmoins,  il  y  a  dans  l'aspiration  mal  dirigée  un  inconvénient  réel, 
mais  ce  n'est  pas  affaire  de  qualité  du  vide,  c'est  affaire  de  quantité.  Ce 
n'est  pas  parce  que  l'on  aura  tiré  1,000  grammes  de  liquide  avec  un 
vide  bien  fait  que  les  accidents  pourront  survenir,  mais  c'est  parce  que 
l'on  en  aura  retiré  5,000  même  avec  un  vide  incomplet,  même  sans 
vide  du  tout. 

Ce  qui  est  mauvais,  qu'on  le  sache  bien,  ce  n'est  pas  l'aspiration, 
mais  c'est  la  façon  dont  on  en  fait  usage,  c'est  l'aspiration  prolongée 
outre  mesure,  c'est  l'emploi  de  trocarts  trop  volumineux,  c'est,  en  un 
mot,  la  manœuvre  mal  comprise,  qui,  sans  tenir  un  compte  suffisant  de 
la  nature  de  la  pleurésie,  de  son  ancienneté,  de  ses  complications,  per- 
met à  un  épanchement  considérable  de  sortir  complètement  et  trop  rapi- 
dement de  la  cavité  thoracique. 

B.  Syncope  précoce  ou  tardive.  —  Dans  quelques  cas  les  malades 
opérés  sont  morts  le  jour  même,  le  lendemain  ou  le  surlendemain,  à  la 
suite  de  syncope.  L'analyse  de  ces  observations  montre  que  les  acci- 
dents ont  été  produits  par  des  causes  diverses,  et  dans  tous  les  cas 
indépendantes  de  la  thoracentèse  :  caillot  cardiaque  (Vergely),  caillot 
pulmonaire  (Guyot),  phlébite  et  trombose  (Chaillou  de]Tourny,  Gaz.  des 
hôp.,  1872),  gangrène  pleurale  (Ernest  Besnier). 

C.  Transformation  purulente.  —  On  a  prétendu  que  la  thoracentèse 
peut  transformer  la  pleurésie  simple  en  pleurésie  purulente.  Cette  accusa- 
tion ne  me  paraît  pas  fondée.  Je  ne  parle  pas  des  cas,  et  il  en  existe,  où 
la  ponction  a  été  faite  avec  des  aiguilles  sales  ayant  servi  à  vider  quelque 
temps  auparavant  quelques  collections  purulentes,  mais  je  parle  delà  tho- 
racentèse pratiquée  dansde  bonnes  conditions,  et  celle-là,  je  le  crois,  est 
absolument  innocente  de  la  transformation  purulente  des  liqurdes  pleu- 
raux. Des  observations  souvent  répétées  m'ont  permis  de  croire  que  telle 
pleurésie  qui  sera  plus  tard  purulente  commence  par  être  une  pleurésie 
histologiqucment  hémorrhagique.  On  trouve  au  microscope  plusieurs 
milliers  de  globules  rouges  par  millimètre  cube.  Et,  si  on  n'a  pas  eu  soin 
de  pratiquer  l'étude  histologique  du  liquide  (qui  à  simple  vue  me  parait 
un  liquide  de  bonne  nature),  on  croit  avoir  transformé  une  pleurésie  sim- 
ple en  pleurésie  purulente,  alors  qu'on  a  seulement  ponctionné  la  pleu- 
résie aux  deux  phases  de  son  évolution. 

Quant  à  la  pleurésie  purulente,  qui  nécessite  une  application  spéciale 
de  la  thoracentèse,  voyez  p.  220. 


744 


POIVRE.    RÉCOLTE.    COMPOSITION  CHIMIQUE. 


On  consullera  la  bibliographie  de  l'article  Pleurésie,  p.  234  à  239. 

Je  rappellerai  seulement  mon  mémoire  sur  la  thoracentèse  par  aspiration  dans  la  pleurésie 
aiguë,  Paris,  1878,  et  j'ajouterai  les  indications  suivantes  : 

IIéhahd,  Thoracentlièse  [Huit.  de  UAcad.  deméd.,  30  avril,  4  juin  1872  et  30  juillet  1872) . 
Yehgei.y,  Bordeaux  médical,  1873  — Pleuro-pneumonie ;  épaneb.  pur.,  tlioracocentèse-  mort 

subite  (Gaz.  hebd  ,  1877,  p.  377). 
Besnieii  (Ern.),  Cas  de  mort  subite  pendant  la  thoracer.tèse  (Bull,  et  Wém.  Soc.  méd.  des 

hôp.,  25  juin  1875,  2»  série,  t.  XII,  p.  24). 
Ravnaud  (Maurice),  Des  morts  inopinées  pendant  ou  après  la  thoracentèse,  et  des  convulsions 

épilcpti  (ormes  à  la  suite  des  injections  pleurales  (Bull.  clUèm.  Soc.  méd.  des  hôp.  1875, 

2"  série,  t.  VI,  p.  96). 

Vai.lin  (E.),  Convulsions  éclamptiques  à  la  suite  de  la  thoracentèse  (Union  médicale,  1875,  et 

Bull,  de  la  Soc.  méd.  des  hôp.,  2e  série,  t.  VI,  p.  115). 
YVidal,  Etude  clinique  sur  le  traitement  des   épanchements  pleurétiques  par  la  ponction 

aspiratrice,  Paris,  1876. 
TnoussiiM,  De    la    thoracentèse  dans    la  pleurésie  franche,  thèse  de  doctorat,  Paris, 

26  mars  1878,  n°  109. 

Châtelain  (Ch.),  Etude  clinique  sur  la  thoracentèse  dans  les  pleurésies  séreuses,  thèse  de 
doctorat,  Taris,  1880. 

Paracenthcse  du  péricarde,  Voy.  Péricarde,  t.  XXVI,  p.  655. 

Georges  Dieclafot. 

POIVRE.  — Piper  nigrum  L.,  Famille  des  Pipéritées  ou  Pipéracées. 

Le  poivrier  est  un  arbuste  vivace,  sa  tige  volubile  est  articulée,  et  les 
nœuds  produisent  des  racines  adventives  qui  servent  à  fixer  le  végétal. 
Les  fleurs  sont  disposées  en  épis  pédonculés,  longs  de  8  à  12  centimètres 
environ.  Les  fruits  sont  charnus  et  sessiles. 

Il  est  originaire  de  la  côte  de  Malabar  (Travancore),  d'où  il  est  passé 
dans  l'archipel  malais,  à  Siam  et  aux  Philippines. 

La  partie  commerciale  ou  poivre  en  grains  est  le  fruit  de  l'arbuste. 
C'est  l'une  des  espèces  dont  l'usage  remonte  à  la  plus  haute  antiquité,  et 
le  poivre  a  été  longtemps  le  principal  et  presque  le  seul  objet  d'échange 
existant  entre  ce  qui  est  devenu  l'Europe  et  l'Inde  ancienne. 

Aussi  Théophrastc,  quatre  siècles  avant  Jésus-Christ,  connaît-il  déjà  deux 
sortes  de  poivre.  Dioscoride  et  Pline  le  décrivent  longuement,  et  à  cette 
époque  les  navires  allaient  le  prendre  au  port  de  Baraké,  situé  au  Malabar, 
entre  Mangalore  et  Calicut. 

Au  moyen  âge,  le  poivre,  toujours  très-recherché,  était  surtout  importé 
en  Europe  par  les  Génois  et  les  Vénitiens.  Il  servait  même  parfois  d'étalon 
monétaire,  et  parmi  les  redevances  que  les  tenanciers  étaient  tenus  de 
fournira  leur  seigneur  on  voit  fréquemment  figurer  une  livre  de  poivre. 

Récolte.  —  La  récolte  se  fait  en  juin-juillet,  dès  que  les  baies  de  la 
partie  inférieure  de  l'épi  se  colorent  en  rouge  ;  au  bout  de  quelques  jours 
elles  se  détachent  de  l'épi,  et  il  n'y  a  plus  qu'à  faire  sécher  le  produit, 
qui  est  devenu  brun  ou  noir. 

Par  suite  de  la  dessiccation,  la  couche  moyenne  du  péricarpe  se  con- 
tracte et  produit  les  rides  bien  connues  de  la  surface  du  grain  de  poivre, 
qui  reste  marqué  d'une  tache  peu  apparente  correspondant  à  l'insertion 
du  pédoncule. 

Composition  chimique.  —  Tout  le  monde  connaît  l'odeur  et  la 
saveur  du  poivre. 


POIVRE.           COMPOSITION  CHIMIQUE. 


745 


La  saveur  est  due  principalement  à  une  substance  résineuse  qui  existe 
dans  le  produit  ;  quant  à  l'odeur,  il  faut  l'attribuer  à  une  huile  essentielle 
lévogyre  (Flucluger  et  Hanbury)  dont  la  composition  et  le  point  d'ébulli- 
tion  sont  voisins  de  ceux  de  l'essence  de  térébenthine.  La  quantité  de 
cette  essence  varie  de  1,5  à  2  pour  100. 

Pipéi^ine  ou  Pipérin.  —  Mais  la  substance  la  plus  intéressante  et  la 
mieux  connue  qui  se  rencontre  dans  le  poivre  est  celle  qui  a  été  décou- 
verte en  1819  par  Œrsted,  la  pipérine,  qu'on  désigne  également  sous  le 
nom  de  pipérin. 

On  l'obtient  par  des  traitements  alcooliques  répétés. 

C'est  un  corps  nettement  cristallisé,  insoluble  dans  l'eau  froide,  peu 
soluble.  dans  l'éther,  soluble  dans  l'alcool,  surtout  bouillant.  Sa  for- 
mule Cr,vHI0AzOG  en  fait  un  isomère  de  la  morphine,  ce  qui  est  déjà  curieux. 
Mais  la  suite  montrera  qu'il  n'y  a  là  rien  autre  chose  qu'une  composition 
équivalente  au  point  de  vue  centésimal. 

C'est  un  alcaloïde  (?)  bien  faible,  ne  bleuissant  pas  le  tournesol. 

Les  sels  de  pipérine  sont  généralement  instables,  décomposables  par 
l'eau  ;  l'acide  sulfurique  concentré  la  colore  en  rouge  de  sang. 

Ces  caractères  la  rapprochent  de  la  narcotine  et  des  substances  sem- 
blables, et  les  analogies  sont  encore  plus  frappantes  quand  on  considère 
le  mode  de  dédoublement.  Sous  l'influence  de  la  potasse  alcoolique,  la 
pipérine  se  dédouble  en  acide  pipérique  et  pipéridine  (Babo,  Keller  et 
Sirecker)  : 

C3lH,0AzO°  +  KHœ  =  C10H"Az  -+-  C24IPK08 

Pipérine.  Polasse.       Pipéridine.    Pipérate  de  potasse. 

De  môme  que  la  narcotine  se  dédouble  en  hydrocotarnine  et  acide 
opianique  (Wright  et  Beckett)  : 

CwHtsAxOw  -f-  EPO'    :  C^IFAzO8  +  C!0H,n010 

ftarcotine.  Eau.        Hydiocotarnine.     Acide  opianique. 

Le  parallèle  se  poursuit  encore  plus  loin,  car  on  sait  que  l'acide  opia- 
nique et  la  méconine  se  rattachent  à  l'acide  protocatéebique,  dont  ils 
représentent  des  dérivés  méthylés. 

V acide  pipérique  C-nIl1008  est  dans  le  même  cas,  et  même  il  n'est  pas 
besoin  de  recourir  à  la  potasse  fondante  pour  remonter  à  l'acide  protoca- 
téebique. 

Par  simple  oxydation  de  l'acide  pipérique  (Fillig,  Remscn,  Mielch),  on 
obtient  en  effet  l'aldéhyde  pipèronylique  C'IFO",  Yacide  pipèronylique 
C'IPO8,  et  par  hydrogénation  Y  alcool  pipèronylique  C'IPO0,  tous  dérivés 
méthylés  de  l'acide  protocatéebique. 

La  synthèse  de  l'acide  pipèronylique  a  même  été  réalisée  en  chauffant 
ensemble  de  l'acide  protocatéebique,  de  l'éther  iodhydrique  et  de  la 
potasse  (Fittig). 

Pipéridine.  —  Venons  maintenant  à  l'examen  de  la  seconde  portion  du 
dédoublement  de  la  pipérine,  à  savoir  :  l'alcali  exempt  d'oxygène,  la 
pipéridine  C10II"Az. 


746 


POIVRE.    USAGES.  FALSIFICATIONS. 


La  majeure  partie  de  son  histoire  chimique  a  été  faite  par  Cahours. 

On  l'obtient  en  distillant  de  la  pipérine  en  présence  de  la  chaux  potas- 
sée. Le  produit  contient  deux  alcaloïdes  volatils,  qu'on  sépare  en  trans- 
formant en  chlorhydrates,  et  reprenant  par  l'alcool  absolu,  qui  ne  dissout 
que  le  sel  de  pipéridine. 

C'est  un  corps  liquide,  caustique,  très-alcalin,  bouillant  à  -h  106°. 

Au  point  de  vue  théorique,  elle  doit  être  considérée  comme  une  aminé 
secondaire,  puisqu'il  est  possible  de  fixer  sur  elle  deux  molécules  alcoo- 
liques au  moyen  des  éthers  iodhydriques.  Sa  formule  serait  : 

(Cl0Hlo)"{HAz  (Cahours). 

Les  propriétés  se  rapprochent  beaucoup  de  celles  de  l'ammoniaque. 

On  connaît  enfin  différents  sels  de  pipéridine,  une  nilrosylpipéri- 
dine  (Wertheim),  une  pipérylurée,  ainsi  qu'une  mctlujlpipëridine,  une 
éthylpipéridine,  une  amylpipéridine,  etc. 

Usages.  —  Considéré  comme  épice,  l'usage  du  poivre  est  très-répandu 
et  la  consommation  annuelle  en  Europe  atteint  environ  12  à  15  millions 
de  kilogrammes. 

En  thérapeutique,  on  n'emploie  guère  le  poivre  directement  et  à  l'état 
isolé.  On  peut  noter  cependant  le  cataplasme  rubéfiant  et  les  applications 
de  poivre  en  poudre,  préconisées  contre  la  teigne. 

Il  entre  dans  la  composition  des  pilules  asiatiques.  Les  Arabes  s'en  ser- 
vent comme  aphrodisiaque,  etc. 

Falsifications.  —  Le  poivre  en  grains  ne  peut  pour  ainsi  dire  pas 
être  falsifié,  tandis  que  le  poivre  en  poudre  est  presque  constamment  mé- 
langé avec  des  résidus  de  fécules  (pommes  de  terre,  céréales,  sagou,  etc.). 
poudre  de  moutarde,  de  lin,  de  piment,  fraudes  que  ne  parviennent  pas  à 
empêcher  les  amendes  très-élevées  dont  sont  frappés  les  vendeurs  de 
poivre  falsifié,  en  Angleterre,  par  exemple,  où  l'amende  atteint  2,500  fr. 
(100  livres  sterling). 

La  fraude  est  facile  à  reconnaître  au  microscope,  mais  pour  la  prévenir 
le  mieux  serait  évidemment  de  propager  l'habitude  déjà  très-répandue  de 
pulvériser  soi-même  le  poivre  en  grains  au  moyen  de  petits  moulins  ap- 
propriés. 

Poivre  blanc.  —  Ce  n'est  autre  chose  que  le  poivre  noir  dépouillé  de  son 
écorce  noirâtre,  ce  qui  lui  enlève  une  partie  de  sa  saveur  brûlante.  Sur  les 
lieux  de  production,  quand  on  veut  avoir  du  poivre  blanc,  ou  laisse  mûrir 
les  fruits  au  lieu  de  les  recueillir  prématurément.  On  fait  sécher  les 
grappes  pendant  quelques  jours,  et  il  suffit  alors  de  les  frotter  entre  les 
mains  pour  enlever  la  couche  noire  extérieure  du  péricarpe.  Les  grains 
sont  naturellement  un  peu  plus  gros  que  la  partie  blanche  du  poivre 
ordinaire  qui  a  été  récolté  avant  maturité. 

Les  Chinois  consomment  presque  exclusivement  le  poivre  blanc.  Les 
Européens  préfèrent  le  poivre  noir. 

La  dénomination  de  poivre  est  un  terme  générique  qui  comprend  un 


POIVRE.  —  ACTION  PHYSIOLOGIQUE.   USAGES.  747 

grand  nombre  d'espèces  employées  le  plus  souvent  comme  condi- 
ments. 

Nous  citerons  seulement  : 

Le  Bétel  (Piper  bétel),  dont  les  feuilles  sont  employées  comme  masti- 
catoire en  Orient. 

Le  bétel  sert  à  colorer  les  dents  en  rose,  embaume  l'haleine  et  stimule 
l'appétit. 

Le  poivre  long  (Piper  longum) ,  moins  aromatique  que  le  Piper 
nigrum,  mais  dont  la  composition  chimique  est  très-voisine. 

Le  poivre  Cubèbe  (Voy.  ce  mot,  t.  X,  p.  457). 

Le  Matico  (Voy.  ce  mot,  t.  XXI,  p.  772). 

Le  poivre  Lowong.  —  Le  piper  Libesioïdes,  etc. 

Enfin  le  poivre  enivrant,  Piper  melhysticum,  dans  lequel  Cuzent  a 
découvert  la  Kawaine,  principe  analogue  à  la  pipérine  que  Morson,  puis 
Gobley,  ont  successivement  étudié  depuis  sous  le  nom  de  mélhyslicine. 

L.  Prunier. 

Action  physiologique.  —  Le  poivre  noir,  dont  nous  nous  occupe- 
rons presque  exclusivement  ici,  exerce  sur  nos  tissus  une  action  topique 
irritante,  plus  ou  moins  énergique  suivant  la  quantité  employée  et  la 
durée  de  l'application.  A  la  peau,  il  détermine  de  la  chaleur,  de  la  rubé- 
faction et  même  des  phlyetènes  comme  le  fait  un  emplâtre  vésicant.  In- 
Iroduit  dans  la  bouche  et  avalé  en  petite  quantité,  il  donne  lieu  à  une 
impression  gustative  acre  en  même  temps  qu'aromatique,  accompagnée 
d'une  sensation  de  chaleur  qui  se  ressent  jusque  dans  l'estomac,  et  il 
imprime  aux  glandes  de  ces  organes  une  activité  sécrétoire  favorable  à 
la  digestion.  Si  la  dose  ingérée,  en  une  seule  ou  en  plusieurs  fois,  a  été 
forte,  les  effets  se  montrent  plus  intenses  :  la  chaleur  devient  brûlante, 
une  soif  vive  s'allume,  la  circulation  s'accélère  et  il  peut  se  produire  une 
véritable  gastrite. 

Les  effets  généraux  sont  stimulants  :  ils  se  traduisent  par  l'accroisse- 
ment de  la  température,  par  la  fréquence  du  pouls  et  la  sueur,  c'est-à-dire 
par  de  la  fièvre;  et  cette  fièvre  s'accompagne  de  phénomènes  dénotant 
l'irriialion  de  l'appareil  uro-génital,  tels  que  douleurs  lombaires,  urines 
ardentes,  probablement  d'albuminurie  et  d'hématurie,  dit  Gubler,  et  par- 
fois d'inflammation  des  voies  génito-urinaircs.  Les  principes  actifs  du 
poivre  s'éliminent  aussi  par  d'autres  émonctoires  :  du  côté  de  la  peau, 
cette  élimination  peut  amener  des  éruptions  exanthématiques,  comme  le 
font  le  cubèbe  et  surtout  le  copahu. 

Usages.  —  On  sait  les  qualités  du  poivre  comme  condiment.  Son 
emploi  à  ce  titre,  justifié  par  l'impression  qu'en  reçoit  l'appareil  digestif, 
était  déjà  connu  dans  les  temps  anciens,  et  l'on  y  a  recours  sous  toutes 
les  latitudes.  Mais,  tandis  que  dans  les  contrées  équatoriales,  où  l'excès 
de  la  température  entraîne  la  débilité  des  forces  digestives,  on  en  fait  un 
usage  qui  très-souvent  va  jusqu'à  l'abus,  dans  nos  climats  on  en  use  avec 
plus  de  modération.  Il  est  surtout  indiqué  pour  assaisonner  les  aliments. 


748 


POIVRE.  —  USAGES. 


lois  que  les  viandes  grasses  comme  celle  du  porc,  les  végétaux  froids, 
aqueux,  peu  sapides,  afin  d'en  relever  la  saveur  et  d'en  rendre  la 
digestion  plus  facile.  Il  l'est  encore  toutes  les  fois  que,  soit  par  le  fait  des 
conditions  extérieures,  soit  en  raison  du  tempérament  et  de  la  constitu- 
tion, les  fonctions  gastriques  sont  en  quelque  sorte  paresseuses,  chez  les 
sujets  mous,  lymphatiques,  chez  certains  convalescents.  Au  contraire,  il 
ne  convient  pas  aux  personnes  d'un  tempérament  irritable  et  dont  les  or- 
ganes digestifs  sont  sujets  à  l'inflammation. 

Au  point  de  vue  de  la  thérapeutique,  ce  que  nous  avons  à  dire  de  ses 
usages  doit  se  réduire  presque  à  un  simple  historique,  le  poivre 
n'étant  plus  guère  employé  de  nos  jours  dans  le  traitement  des  ma- 
ladies. 

A  l'intérieur,  il  a  été  administré  dès  l'antiquité  contre  l'anorexie,  les 
flatuosités,  la  pituite,  la  migraine,  et,  en  tant  que  ces  affections  peuvent 
se  trouver  liées  à  un  état  atonique  des  voies  digestives,  les  bons  effets 
qu'on  lui  a  attribués  dans  ces  sortes  de  cas  pourraient  s'expliquer  par  ses 
vertus  condimentaires.  On  y  a  eu  recours  aussi  dans  les  cas  d'helminthiase 
intestinale,  dans  les  écoulements  uréthraux  ;  les  peuples  orientaux  l'em- 
ploient comme  aphrodisiaque.  Mais  son  application  la  plus  importante 
est  celle  qui  a  été  faite  dans  le  traitement  des  fièvres  intermittentes. 
Dioscoride  dit  que  le  poivre  est  bon  «  aux  fièvres  qui  ne  sont  pas  conti- 
nues. »  Celse  a  exprimé  une  opinion  semblable,  et,  à  leur  tour,  Muller, 
Rivière,  Bartholin,  ont  confirmé  cette  propriété,  tandis  que  Van  Swieten, 
Murray  et  d'autres,  se  sont  élevés  contre  une  telle  pratique  en  raison 
d'accidents  inflammatoires  graves  dont  ils  avaient  été  témoins.  Plus  près 
de  nous,  cet  emploi  du  poivre  a  été  repris  et  préconisé  par  Louis  Franck, 
ainsi  que  par  d'autres  médecins  étrangers  à  son  exemple,  et  les  faits  nom- 
breux qu'ils  ont  rapportés  ne  permettent  pas  de  douter  de  l'efficacité  de 
cet  agent  dans  les  fièvres  d'accès.  Depuis  la  découverte  d'Œrsted,  on  a 
proposé  de  remplacer  le  poivre,  pour  le  traitement  de  ces  fièvres,  par  la 
pipérine,  qui  en  renferme  les  principes  actifs  :  Meli,  à  Ravenne,  Gordini, 
à  Livourne,  et  d'autres  médecins  italiens,  se  sont  loués  des  effets  qu'ils 
avaient  ainsi  obtenus.  Cependant,  malgré  les  succès  proclamés  par  eux, 
leur  exemple  n'a  pas  été  suivi  et  le  quinquina  est  resté,  aux  yeux  de  tous, 
le  médicament  par  excellence  à  opposer  à  la  maladie  en  question.  Disons, 
en  terminant,  qu'elle  n'est  pas  la  seule  contre  laquelle  on  ait  voulu  em- 
ployer la  piperine  :  Magendie'a  proposé  de  substituer  cette  substance  au 
poivre  cubèbe  dans  le  traitement  de  la  blcnnonhagie. 

A  l'extérieur,  on  s'est  servi  et  l'on  peut  se  servir  de  la  poudre  du 
poivre  noir  pour  saupoudrer  les  cataplasmes,  afin  de  les  rendre  rubéfiants, 
ou  l'appliquer  seule  à  la  manière  d'un  sinapisme,  mais  en  prenant  soin 
de  ne  pas  prolonger  aussi  longtemps  l'application,  à  cause  de  son  activité 
plus  grande.  On  en  a  mis  dans  les  cheveux  pour  tuer  les  poux;  on  en  a 
rempli  des  cavités  dentaires  suite  de  carie,  afin  d'engourdir  la  douleur. 
On  l'a  employée  pour  obtenir  des  effets  astrictifs  sur  la  luette  relâchée, 
etc.,  etc. 


POIX. 


749 


Le  poivre  long,  dont  les  effets  physiologiques  sont  analogues  à  ceux  du 
poivre  noir,  mais  moins  énergiques,  peut  servir  aux  mômes  usages.  En 
Europe,  il  n'est  employé  que  comme  condiment,  mais  dans  l'Inde  on  y 
recourt  aussi  pour  des  usages  médicinaux.  Nous  ne  croyons  devoir 
entrer  dans  aucun  détail  à  cet  égard.  A.  Gadchet. 

POIX.  —  Le  Codex  fait  mention  de  trois  espèces  de  poix  qui  servent 
en  pharmacie  à  confectionner  un  assez  grand  nombre  de  masses  em- 
plastiques  dont  l'emploi  devient  de  plus  en  plus  restreint.  Ce  sont  :  la 
poix  jaune  dite  poix  de  Bourgogne,  la  poix  noire  et  la  poix  résine. 

Poix  de  Bourgogne.  —  La  Poix  jaune  est  une  véritable  térébenthine 
qui  découle  d'incisions  faites  au  tronc  de  VAbies  excelsa  (D.C.),  vulgaire- 
ment nommé  Pesse,  Epicéa,  Faux  Sapin,  et  que  Linné  appelait  à  tort 
Pinus  abies.  Ce  bel  arbre  atteint  jusqu'à  50  mètres  de  hauteur  :  on  le 
rencontre  abondamment  dans  les  régions  montagneuses  du  Centre  de 
l'Europe  et  surtout  dans  les  forêts  du  Nord.  Il  est  principalement  exploité 
en  Finlande,  en  Suisse,  en  Autriche  et  dans  la  Forêt-Noire.  On  le  trouve 
aussi  en  Bourgogne,  mais  cette  province  n'a  jamais  fourni  de  poix,  et  il  est 
probable  que  ce  nom  a  été  donné  à  la  poix  jaune  lorsqu'elle  arrivait  d'Al- 
sace par  la  voie  de  la  Franche-Comté  ou  Comté  de  Bourgogne.  On  la  ré- 
colte en  faisant  au  tronc  de  grandes  entailles  longitudinales,  mais  peu 
profondes  (2  à  4  centimètres),  car,  contrairement  à  ce  qui  existe  chez  le 
Pinus  sUvestris,  les  canaux  sécréteurs  de  l'Abies  sont  surtout  répandus 
dans  le  parenchyme  cortical,  tandis  que  le  liber  et  le  bois  n'en  contiennent 
pas.  La  résine  qui  s'écoule  est  recueillie  sur  Farbrc  au  moyen  d'un  instru- 
ment spécial,  on  la  purifie  grossièrement  en  la  fondant  avec  de  l'eau  dans 
une  chaudière,  ou  bien  au  contact  de  la  vapeur  d'eau,  puis  en  la  soumet- 
tant à  la  presse. 

La  véritable  poix  de  Bourgogne  est  d'un  jaune  foncé,  solide  et  cassante 
à  froid  ;  malgré  sa  dureté  elle  se  moule  dans  les  vases  qui  la  contiennent  ; 
elle  possède  une  odeur  aromatique  particulière  et  agréable  qui  se  déve- 
loppe par  la  chaleur,  et  une  saveur  douce,  parfumée,  non  amère 
(Guibourg).  Elle  est  incomplètement  soluble  dans  l'alcool  à  80°  avec 
lequel  elle  donne  une  solution  rougeâtre  et  amère  ;  elle  se  dissout  plus 
facilement  dans  l'alcool  absolu,  l'acétone  et  l'acide  acétique  crislalli- 
sable. 

Elle  retient  une  quantité  plus  ou  moins  grande  d'huile  essentielle 
formée  par  un  carbure  d'hydrogène  C-°  II10  qui  est  accompagné  d'une 
petite  proportion  d*un  corps  oxygéné  analogue  au  camphre.  La  partie 
solide  est  constituée  par  une  résine  amorphe  qui  donne  par  hydratation 
de  l'acide  abiétique  comme  toutes  les  résines  des  conifères. 

La  plupart  du  temps  on  substitue  à  la  poix  de  Bourgogne  naturelle  un 
produit  artificiel,  désigné  sous  le  nom  de  poix  blanche,  obtenu  en  fon- 
dant et  brassant  sous  l'eau  un  mélange  de  galipot  et  de  térébenthine,  ou 
en  battant  avec  de  l'eau  de  la  colophane  fondue  et  de  l'huile  de  palme. 
L'eau  interposée  rend  le  mélange  opaque;  cette  poix  factice  est  livrée  au 


750 


POIX. 


commerce  dans  des  vessies.  Elle  a  une  saveur  amère  et  une  odeur  de 
térébenthine  ;  elle  est  moins  active  que  la  véritable. 

La  poix  de  Bourgogne  adhère  fortement  à  la  peau  ;  en  couche  un  peu 
épaisse  elle  s'étend  en  dehors  du  point  d'application  ;  ce  défaut  disparail 
quand  on  l'additionne  d'un  quart  de  son  poids  de  cire  jaune.  C'est  ce  mé- 
lange qui  constitue  l'emplâtre  de  poix  de  Bourgogne.  Cette  masse  em- 
plastique  étendue  sur  une  peau  ou  sur  du  sparadrap  est  souvent  em- 
ployée dans  la  médecine  populaire  contre  les  douleurs  rhumatismales 
musculaires;  elle  n'agit  qu'avec  lenteur,  mais  finit  par  provoquer  de 
vives  démangeaisons  et  finalement  une  légère  éruption  vésiculeuse.  On 
obtient  un  révulsif  énergique  qui  n'est  même  pas  sans  danger,  à  cause 
des  cicatrices  qu'il  peut  laisser,  en  recouvrant  sa  surface  d'une  quantité 
de  poudre  d'émétique  qui  varie  de  0,50  à  1  gramme  suivant  la  gran- 
deur; c'est  là  l'emplâtre  de  poix  de  Bourgogne  stibié.  Bans  sa  prépara- 
tion il  est  important  de  fixer  la  poudre  à  la  surface  de  l'emplâtre  en 
ramollissant  la  surface  de  celui-ci  avec  quelques  gouttes  d'essence  de 
térébenthine  dans  laquelle  on  a  délayé  l'émétique,  ou  bien  en  y  passant 
une  légère  couche  d'axonge. 

La  poix  jaune  entre  dans  la  confection  des  emplâtres  agglutinalif, 
à' acétate  de  cuivre,  céroëne,  de  ciguë  et  de  diachylon  gommé. 

Poix  noire.  —  Lorsqu'on  brûle  incomplètement,  dans  un  four  spé- 
cial non  ventilé,  la  paille  qui  a  servi  à  filtrer  et  à  purifier  la  térében- 
thine et  le  galipot,  ou,  d'une  façon  générale,  tous  les  résidus  de  la  fabri- 
cation de  l'essence  de  térébenthine,  on  obtient  un  goudron  épais  qui, 
abandonné  à  lui-même,  se  sépare  en  deux  couches:  la  supérieure,  liquide, 
constitue  l'huile  de  poix  ;  l'autre,  presque  solide,  est  portée  à  l'ébullition 
jusqu'à  ce  qu'elle  devienne  cassante  après  refroidissement  ;  c'est  cette 
dernière  matière  qui  constitue  la  poix  noire. 

Dans  la  Finlande  et  le  nord  de  la  Bussie  on  soumet  maintenant  les 
racines  et  les  parties  inférieures  du  tronc  des  Pins  à  une  distillation  sèche 
dans  d'énormes  alambics  en  tôle  épaisse.  Cette  opération  fournit  une 
grande  quantité  d'essence  de  térébenthine,  d'acide  pyroligneux  et  do 
goudron  végétal.  Ce  dernier  donne  à  la  distillation  de  l'huile  de  goudron 
et  un  résidu  de  poix  noire.  La  poix  noire  est  donc  chimiquement  consti- 
tuée par  les  produits  les  moins  volatils  du  goudron  ;  soumise  elle-même 
à  la  distillation  sèche,  elle  donne  de  la  naphtaline,  de  Panthracène  et  de 
la  paraffine. 

Elle  possède  une  odeur  particulière  et  désagréable,  très-différente  de 
celle  du  goudron  ;  sa  saveur  est  à  peu  près  nulle  ;  elle  se  dissout  dans  les 
alcalis  caustiques  et  dans  l'alcool  en  donnant  avec  ce  dernier  une  solu- 
tion foncée  qui  rougit  franchement  le  papier  de  tournesol.  Celte  réaction 
acide  ne  permet  pas  de  la  confondre  avec  le  brai  retiré  du  goudron  de 
houille.  Nous  ne  croyons  pas  du  reste  à  la  possibilité  de  substituer  com- 
mercialement celte  sorte  à  la  poix  noire  véritable. 

Cette  poix  entre  dans  la  formule  de  l'onguent  basilicum,  de  Vemphîlrc 
céroëne  et  de  l'onguent  brun,  vulgairement  appelé  onguent  de  la  mère. 


POIX. 


751 


Poix-résine.  —  La  térébenthine  distillée  à  feu  nu  donne  de  l'essence 
et  laisse  comme  résidu  de  la  colophane.  Si,  au  lieu  de  soutirer  simple- 
ment celle-ci,  on  la  brasse  fortement  avec  de  l'eau,  on  obtient  un  pro- 
duit opaque  d'une  couleur  jaune  sale  qui  porte  le  nom  de  poix-résine 
ou  résine  jaune.  Une  autre  sorte  de  poix-résine  se  prépare  en  fondant 
ensemble  trois  parties  de  galipot  et  une  de  colophane. 

La  résine  jaune  fait  partie  des  substances  qui  servent  à  préparer  Y  onguent 
(VAlthœa,  Y  emplâtre  de  gomme  ammoniaque  et  Y  emplâtre  de  Vigo. 

Toutes  ces  résines  doivent  être  purifiées  pour  l'usage  pharmaceutique. 
Le  Codex  prescrit  de  le  faire  en  les  fondant  à  une  douce  chaleur  et  pas- 
sant avec  expression  à  travers  une  toile.  E.  Villejean. 


FIN  DU  TOME  VINGT-HUITIÈME 


TABLE  DES  AUTEURS 


AVEC  INDICATION  DES  ARTICLES  CONTENUS  DANS  LE  TOME  VINGT-HUITIÈME. 


BALZER  (F.)  .  •  •  •  Pneumonie,  broncho-pneumonie,  ,520-593;  pneumonie  chronique 
594-621. 

berge ron  (G.).  .  .    Plaie,  questions  médico-légales  relatives  aux  pages  122-127. 

DESPRÉS  Pinces,  25-50. 

D'HEILLY  (E.).  .  .  .    Pleurodynie,  238-241. 
DIEULAFOY  (G.).  .  .    Poitrine,  thoraccntèse,  734. 

FERNET  Plèvre,  pathologie,  241;  vices  de  conformation,  242;  gangrène,  242  ; 

tuberculose,  245;  carcinose,  250;  tumeurs  diverses,  hydatides,  254; 

maladies  secondaires,  258  ;  épanchements  dans  la  cavité  pleurale, 

2G0  ;  liydrothorax,  201  ;  pneumothorax,  268-285. 
FERNET  et  D'HEILLY.    Pleurésie,  146;  p.  aiguë  primitive,  147;  p.  aiguës  secondaires,  202  : 

p.  rhumatismale,  203  ;  p.  purulente,  205  ;  p.  héniorrhagique,  220; 

p.  chronique,  229  ;  p.  chronique  secondaire,  232. 

GAUCHET  Poivre,  action  physiologique,  usages,  emploi  thérapeutique,  747. 

HARDY  (A.)   Pityriasis,  50-42. 

HIRTZ  (Hipp.).  .  .  .    Pneumatose,  374-381. 
LABAT  Plombières,  567-374. 

LÉPINE  (R.)  .  .  .  .  Pneumonie  lodaire  aiguë,  581  ;  anatomie  pathologique,  382;  variétés 
anatomiques,  585;  localisation  des  lésions,  588;  lésions  concomitantes, 
589;  étiologie,  391;  pneumonies  secondaires,  403;  tableau  et  marche 
de  la  maladie,  405  ;  symptomatologie  spéciale,  407-456  ;  variété  de 
marche  et  variétés  symplomatiques.  456-453;  espèces,  nature, 
455-465;  terminaisons,  465  ;  complications,  471;  diagnostic,  485: 
pronostic,  494;  traitement,  501. 

LUTON  Pléthore,  128;  physiologie  pathologique,  152;  applications  cliniques,  158. 

—  Poitrine,  séméiologie,  050-681. 

MANOUVRIEZ  (A.).  .  Plomd,  effets  toxiques,  empoisonnement  aigu,  507-310;  intoxication 
chronique,  510-345  ;  colique  sèche,  545-546;  prophylaxie  du  satur- 
nisme, 346-549;  traitement,  549-354  .Emploi  thérapeutique,  554-559. 

MARCHAL  (E.).  .  .  .  Placenta,  anatomie,  45-54;  physiologie,  54-57;  pathologie,  57;  ano- 
malie de  développement,  59;  inflammation,  01  ;  troubles  de  circula- 
tion, 63  ;  dégénérescences,  67  ;  lésions  syphilitiques,  73. 

MERLIN  (L.)  ....  Poitrine,  anatomie,  621-648;  physiologie,  018-050  ;  pathologie  chirur- 
gicale, 681  ;  lésions  traumatiques,  681  ;  coutusion,  084  ;  plaies  non 
pénétrantes,  685-090  ;  plaies  pénétrantes,  090-717  ;  abcès,  717. 

ORY  (E.]  Pileux  (Système),  1-10;  —  Pilocakpiiœ  (jaborandi),  10-21, 

PRUNIER  [LA  .  .  .    Plomb,  état  naturel,  extraction,  propriétés  physiques  et  chimiques. 

usages,  combinaisons,  sels,  caractères,  séparations  d'avec  d'autres  mé- 
taux, dosage,  285-500  ;  chimie  médico-légale,  502-307.  —  Poivre,  744. 

rochard  (J.).  .  .  .  Plaie,  77  ;  p.  par  instruments  «tranchants,  77;  p.  par  instruments  pi - 
quanls,80;p.  par  instruments  contondants,  87  ;  p.  par  arrachement, 
112;  p.  laites  parles  armes  empoisonnées,  110;  p.  des  analomistes, 
120-122. 

VILLEJEAN  Pilules ,  21-23.  —  Pimëmt,  23-24.  —  Poix,  748. 


21230.  —  Typographie  A.  Lahure,  rue  de  Flcurus,  9,  à  Paris. 


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